Les Femmes De Saint-Cyr III Septembrecet Ouvrage 1929
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Les Femmes de Saint-Cyr III septembreCet ouvrage 1929. a été déposé, conformément aux lois, en et L'auteurde reproduction et l'éditeur y compris réservent la Suèdetous droitset la Norvège.de traduction FEMMES DE FRANCE. - 26 Les Femmes de Saint- Cyr TOME III P.L PARIS (VI P. LETHIELLEUX, LIBRAIRE-ÉDITEUR 10, RUE CASSETTE, 10 CHAPITRE PREMIER Saint-Cyr sous Louis XV Visite de Louis XV. — Jeanne d'Aumale. — Dif- ficultés pécuniaires. — Gabrielle d'Osmond. — Marie Leckinska et la Vierge au bois. — Fin de Madeleine de Glapion. — Saint-Cyr annexe de la Cour. — Derniers temps de Marie de Fon- taines et de Catherine du Pérou. — Héroïsme de Madeleine de Linemare. — Diplomatie d'An- gélique de Mornay. Madeleine de Glapion, aussi sagace que femme de cœur, sut, à la primauté, agir fort judicieusement en bien des litiges : procès, retard des subventions du Trésor et inimitiés de quelques personnages. Malgré les sources de revenus provenant des domaines conférés par Louis XIV, l'Institut se trouvait, quant aux dots à distribuer, subordonné au bon vouloir de l'Etat et un avènement de roi inquiétait fort la prieure : elle écrivit au maréchal de Villeroi pour solliciter peu ou prou une protection. En réponse, le 19 avril 1720, ce preux et le Régent amenèrent le petit monar- que, Louis XV, pour se confesser à la sa- cristie de Saint-Cyr. Quand cela fut terminé, l'entant se plaça près d'une grille, séparant le sanc- tuaire du chœur et les Dames défilè- rent devant lui tandis que les demoi- selles restaient à leurs bancs. Le ma- réchal de Villeroi affirma l'excellence de ses intentions à l'égard des Dames ; il ajouta que « le roi les assurait de sa bienveillance ; qu'il aimerait et favo- riserait leur maison comme son bisaïeul avait tait et qu'il reviendrait les voir. » Madeleine de Glapion fut donc rasséré- née. Peu après, le petit monarque, amateur de sport cynégétique, chassa le faucon dans les parages et retint son cheval con- tre la porte à claire voie du jardin par où fusaient les rires et les interpellations gais de la jeunesse en récréation : aussi- tôt reconnu, Louis XV entendit les Da- mes l'acclamer. Il sourit et, comme des branches masquaient un peu la vue, il s'inclina sur la crinière de sa monture pour mieux voir les jeunes filles. Après la mort de Mme de Maintenon, Jeanne d'Aumale, telle une âme en peine, vécut un an parmi ses compagnes qui aimaient sa présence, mais les statuts défendaient d'abriter définitivement des laïques dépourvues de fonctions, et l'on ne pouvait offrir à Jeanne, habituée à la vie de la cour et nantie à présent des dons de Louis XIV, une humble situation de maîtresse de classe. Elle dut donc quitter les lieux et en souffrit au point d'écrire aux moniales à ce su- jet : « Ce fut la plus grande douleur que j'aie eue de ma vie : près de trente ans dans votre maison, c'est presque toute ma vie qui m'a liée à vous, Mesdames, d'une manière bien particulière... plai- gnez mon affliction qui est plus grande que je ne le dis. » Jeanne obtint de Villeroi un apparte- ment au château de Versailles qu'elle dut évacuer quand la cour réintégra le palais. Alors elle se retira chez sa mère à Vergie où elle emmena Mlle de la Tour pour lui faire connaître le monde avant de la laisser réaliser un désir de claustra- tion. Jeanne séjourna, un hiver, au châ- teau d'Havrincourt chez une ancienne compagne, puis dans sa retraite près d'Amiens, au sein de sa famille chérie, dont elle constituait par son esprit et sa bonté « le bonheur et l'ornement », elle rédigea ses Mémoires et se « distingua épistolière débordante de cœur et d'hu- mour. » Après un certain laps de temps, la di- plomatie fiança Louis XV et l'Infante d'Espagne fréquenta beaucoup l'Institut Royal appelé à être son principal centre d'éducation. Les Dames furent alors égayées par cette petite fille de six ans laide, pétillante d'esprit, jouant sans fa- çon avec les « rouges », ravie de leurs privautés et renouvelant chaque jour ce plaisir sous la surveillance de Mme de Ventadour, la gouvernante. Un peu plus tard, les Saint-Cyriennes reçurent la visite officielle du roi adoles- cent escorté de deux cents personnages ; la réception fut fastueuse et Madeleine de Glapion adressa au souverain un discours évoquant les défunts : « Louis XIV, le « fondateur, qui ne dédaignait pas de ré- « gler lui-même l'ordre des occupations « des religieuses ; la Dauphine qui aima « et honora de sa plus intime familiarité « cette maison où l'on vit croître les qua- « lités qu'elle ne fit que montrer un mo- « ment à la France ; Mme de Mainte- « non qui mérita par ses vertus de par- « tager avec son roi la gloire d'une « œuvre unique, etc... » Louis XV par- courut l'édifice, assista aux exercices de la journée et rien ne parut l'intéresser : ce joli roi de douze ans avait l'expression froide, taciturne et réservait ses amabili- tés pour le cardinal Fleury. Le 30 mars 1723, Madeleine de Gla- pion, au terme de ses triennaux, céda sa place à Catherine du Pérou qui devint fort anxieuse à la mort du Régent : « On « peut dire, commente-t-elle, que nous « perdîmes en lui un protecteur rempli « de bienveillance. Dans les occasions « qu'il s'agissait de nos droits, il les « soulevait comme aurait pu le faire le « feu roi, notre fondateur, et les possédait « mieux qu'on aurait pu le croire. Il « louait la conduite que nous tenions de « ne nous mêler en rien des affaires du « monde et de ce que nous parlions tou- « jours bien des puissances et du gouver- « nement de l'Etat ; il disait : « Les Da- « mes sont si sages et sont si bien for- « mées. » (1) Le duc de Bourbon prouva ses mau- vaises dispositions en versant seulement quelques bribes des revenus que le Tré- sor s'était engagé à fournir à Saint-Cyr et en ne donnant rien des soixante mille livres réservées aux dots : ce fut un sur- croît de perplexités pour Catherine qui, (1) Mémoires de Saint-Cyr, chap. XXXII. voulant à tout prix tenir les promesses de la fondation, imposa derechef des restrictions à la communauté : les de- moiselles furent dotées et ignorèrent tou- jours les soucis et les privations qu'elles coûtèrent. Ici, Gabrielle d'Osmond, professe de- puis le 25 juin 1724, mérite une citation spéciale : « C'était, rapporte Catherine du « Pérou, une âme prévenue de grâces « dès l'enfance et qui fut de bonne heure « touchée du désir d'être à Dieu ; elle « souffrait d'un état languissant avec une « patience stoïque et quand il n'y eut « plus d'espoir, elle fit le sacrifice de sa « vie avec une parfaite résignation mal- « gré les révoltes de la nature : sa vertu, « parfois étonnée par la crainte de sa « propre destruction en la fleur de l'âge, « reprenait bientôt une nouvelle vigueur « dans la soumission aux ordres du sou- « verain arbitre de la vie et de la mort. » (1) Gabrielle expira, le 2 juillet 1724, à vingt-six ans. (1) Mémoires de Saint-Cyr, ch. 33, p. 348. Les fiançailles royales brisées, l'In- fante disparut et, à défaut d'Elisabeth de Russie, Louis XV épousa Marie Leckinska sans beauté, sans fortune, plus âgée que lui et vivant fort modestement en Al- sace ; mais elle était riche de vertus. Dès septembre 1725, elle vint à l'Institut où Catherine du Pérou l'accueillit selon le rite déjà décrit. La reine dit aux reli- gieuses qu'elle prétendait être leur « su- périeure laïque et remplacer Mme de Maintenon. » Devant de si cordiales pa- roles, la communauté émue se jeta spon- tanément aux genoux de la royale visi- teuse qui réclama un domicile dans l'édi- fice pour y faire des retraites annuelles. Catherine désigna les pièces occupées lors de la réforme par les Visitandines : local ayant le privilège d'une porte spé- ciale ouvrant sur le dehors. L'apparte- ment de la feue Marquise était respecté comme un musée et ses objets étaient vénérés comme des reliques. Catherine exposa doucement les revendications de l'Institut à Marie Leckinska qui, dans la suite, obtint le versement régulier des dots. A celle-ci, Louis XV abandonna le soin de sélectionner parmi les requêtes les admissions à Saint-Cyr au nombre desquelles Mlle d'Assas, la nièce du che- valier, figura. Sous le vocable de « l'Enfant Jésus » une imitation liliputienne de Saint-Cyr avait été créée à Paris pour les filles de la no- blesse appauvrie et grâce à la générosité personnelle de l'abbé Languet de Gergy ; Marie Leckinska se dépensait beaucoup pour cette œuvre et introduisit à l'Ins- titut ce prêtre qui offrit à la commu- nauté la maquette de Notre-Dame du Refuge, éntièrement d'argent, qu'il don- nait à Saint-Sulpice dont il était curé. Ceci nous remémore un incident qui agita longtemps les esprits des Saint-Cy- riennes. Au temps de son postulat, Ma- rie de Bouju avait apporté une statue de sculpture archaïque et de réputation mi- raculeuse attribuée au XVI siècle. On éleva la madone sur un autel de fortune au fond du jardin d'où l'on apercevait un site riant : sur le ciel occidental, des toits rouges entremêlés de touffes d'ar- bres entouraient le pieux clocher du vil- lage et, en avant, le couvent de Notre- Dame des Anges se découpait en une grâce austère. Or au plus fort des fléaux et des guerres, la communauté et les de- moiselles se rendaient en procession à l'antique statue.