Mieke De Winter-Hosman - Amsterdam
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LA NAISSANCE D'UNE TERMINOLOGIE DE GENRES CHEZLESPRENITERSTROUBADOURS Mieke de Winter-Hosman - Amsterdam Introduction La poesie des troubadours est traditionnellement divisee en un certain nombre de genres lyriques. Cette division se base d'une part sur des termes que les troubadours employaient eux-memes, d'autre part sur les denominations que l'on trouve dans les arts poetiques proven9aux du Moyen Age, tels les Razos de trobar de Raimon Vidal de Besalu (debut du XIIIe siecle), la Doctrina de compondre dictatz (fin du XIlIe siecle) et les Leys d'amor de Guilhem Molinier (milieu du XIVe siecle). C'est surtout ce dernier texte qui est interessant, car on y trouve la classification la plus ancienne de la lyrique occitane, avec des defini tions pour un certain nombre de genres. Cet article vise a preparer Ie terrain a des recherches plus poussees qui ont pour but d'eclaircir Ie probleme de la relation entre la poesie des troubadours et la realite historique des XlIe et XIIIe siecles et qui pourront ainsi mettre plus de lumiere sur les rapports entre la poesie des troubadours et celle des trouveres d'une part et sur l'influence que la poesie des Minnesanger allemands a subie de ces deux systemes poetiques. Je me propose de donner un aper9u de la situation aux debuts de la lyrique occitane, jusque vers 1170. J'ai choisi cette periode pour des raisons diverses. D'abord, c'est vers 1170 que Ie systeme de genres de la poesie troubadouresque commence a prendre forme et que les genres obtiennent leurs noms definitifs. Et puis, a partir de 1170 environ, l'influence de la poesie des troubadours commence a se faire sentir de plus en plus chez des Minnesanger comme Heinrich von Veldeke, Friedrich von Hausen, Rudolf von Fenis et autres. Je donnerai d'abord un aper9u sommaire de la classification des genres lyriques, telle qu'on peut la trouver dans Ie Grundrij3 der romanischen Litteraturen des Mittelalters et j'indiquerai les caracteristiques les plus importants des genres les mieux representes. Puis je traiterai la "prehistoire" de ce systeme: la periode avant 1150. Pour finir je signalerai les premiers indices marquant la genese d'une reflex ion sur les genres dans les annees 1150-1170. 1. Le systeme actuel des genres lyriques Pendant la grande floraison de la lyrique occitane, entre 1150 et 1200, on trouve au moins quinze genres differents, sans compter toutes sortes de sous-genres et de nuances qui sont signales dans les arts poetiques, mais qui sont difficiles a identifier. Cette diversite est d'autant plus 140 remarquable que les premiers poemes conserves datent seulement de quelques dizaines d'annees plus tot. Les denominations des differents genres sont ou bien des termes employes par les poetes eux-memes, ou bien elles ont ete empruntees aux arts poetiques occitans. On distingue les genres suivants: la canso, Ie descort, Ie sirventes, Ie sirventes-canso, la cobia, la chanson de croisade, Ie planh, la tenson, Ie partimen, la pastourelle, l'alba, la romance, la chanson de dance, la chanson religieuse et Ie salut d'amour. Ils sont representes de fa90n tres inegale. Des plus de 2500 poemes qui ont ete conserves 40 % appartiennent au genre de la canso, 23 % sont des sirventes ou des sirventes-cansos; 19 % sont des coblas; 8 % appartiennent au genre de la tenson; il y a 2 % de chansons religieuses, 2 % de planhs, 1 % de chansons de danse, 1 % de pastourelles et 1 % de chansons de croisade; les autres genres sont representes a moins de 1 % (Rohr 1967: 111). Les quatre genres qui sont Ie mieux representes, la canso, Ie sirventes, la cobIa et la tenson, sont consideres comme des genres majeurs. Ils sont distingues - et ceia deja dans les arts poetiques medievaux - surtout en vertu de criteres portant sur Ie contenu; les differences formelles sont beaucoup moins importantes (sauf pour la cobIa qui se distingue par Ie fait qu'elle se compose toujours d'une seule strophe). Selon les Leys d'amor (Appel 1974: 198) une canso doit "tractar d'amors principalmen, 0 de lauzors, am bels motz plazens et am graciosas razos". Pour un sirventes les Leys prescrivent qu'il "deu tractar de reprehensio, 0 de maldig general, per castir los fois et los malvetz" (op.cit. 198) et une tenson est decrite comme "contrastz 0 debatz en la qual cascus mante et razona alcun dig 0 alcun fag" (op.cit. 199). En lisant les Leys on a l'impression que des criteres formels comme Ie schema des rimes, la longueur des vers, Ie nombre des vers etc. sont de moindre importance pour determiner les genres majeurs. Mais il faudrait une confrontation systematique entre les caracteristiques formels et stylistiques d'une part et une analyse du contenu d'autre part pour pouvoir repondre de fa~on defmitive acette question. 2. Quelques remarques sur la forme La lyrique occitane offre une grande richesse formelle et en meme temps il y a des regles tres strictes en ce qui concerne la forme. L'etude de Dragonetti sur la technique des trouveres (Dragonetti 1960) peut s'appliquer avec beaucoup de profit ala poesie des troubadours. Pour toutes les chansons, excepte Ie salut d'amour, la strophe, qu'on appelle "cobIa", forme l'unite metrique et musicale de base. A l'exception du descort, chaque strophe a un meme nombre de vers; si dans une strophe il y a des vers de longueur differente, leur ordre est Ie meme pour chaque strophe, tout comme l'ordre des rimes. A la fin de la chanson i1 y a tres souvent une ou plusieurs "toOladas", dont la longueur varie d'un vers jusqu'au nombre de vers de la strophe precedente moins un. La structure et Ie schema des rimes de la strophe .