Au Temps De Louis Xiii
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AU TEMPS DE LOUIS XIII PAR LOUIS BATIFFOL. PARIS - CALMANN-LÉVY, ÉDITEURS AVANT-PROPOS . CHAPITRE PREMIER . — LOUIS XIII ENFANT. CHAPITRE II . — UN GARDE DU CORPS DU ROI. CHAPITRE III . — LE MAGICIEN JEAN MICHEL BRÛLÉ VIF. CHAPITRE IV . — M. DE LA GROSSETIÈRE GENTILHOMME HUGUENOT DE LA ROCHELLE. CHAPITRE V . — SOUVENIRS D'UN SIÈGE. - CASAL (1630). CHAPITRE VI . — LA RÉFORME D'UNE ABBAYE DE MOINES BÉNÉDICTINS. AVANT-PROPOS Ce livre a pour principal objet de montrer, par quelques épisodes, ce qu'étaient les idées les mœurs, les institutions en France pendant la première moitié du XVIIe siècle. Composé au moyen de documents manuscrits non encore utilisés et que commentent ou complètent les autres témoignages contemporains, il met successivement en scène des représentants divers de l'état social du temps : princes, gentilshommes, prélats, moines, officiers, soldats, magistrats, artisans. Si les chapitres qu'on va lire peuvent servir de contribution à trois ou quatre questions de l'histoire générale, ils sont donc surtout des tableaux de mœurs. Après les intérêts spéciaux auxquels elle s'applique de préférence — la politique ou la diplomatie, les guerres ou les institutions — l'histoire, qui est une résurrection , doit tâcher de retrouver l'individu d'autrefois et de le saisir le plus près possible de la vérité. Elle y parviendra en faisant choix de sources telles qu'elles permettent d'atteindre le détail pittoresque de la vie. Une étude ainsi poursuivie dans des sujets restreints, du genre de ceux qui sont ici traités, amène à mieux comprendre une époque; elle découvre mille particularités instructives que les exposés didactiques, toujours incertains, ne peuvent atteindre ou ignorent; elle éclaire les habitudes d'esprit et les conditions d'existence d'un temps; et, par là, elle conduit à une intelligence plus claire des événements généraux. L. B. CHAPITRE PREMIER. — LOUIS XIII ENFANT. Le médecin Héroard et les parties inédites de son journal. — Le dauphin au château de Saint-Germain-en-Laye, son appartement ; le personnel. — La journée de l'enfant, promenades et visites. — Activité et gaieté du petit prince ; chansons, danses, jeux. — Son goût pour les armes ; il est soldat dans l'âme : l'exercice, le tambour. — Ses amis, les gardes françaises de la compagnie de service au château. — Les chiens. — Passion pour la musique. — Le dauphin intelligent et avisé. — Il ne supporte aucun propos risqué. — Il est affectueux. — Il adore son père Henri IV. — Il craint Marie de Médicis et l'aime peu. — Câlineries à l'égard de la petite sœur et attachement pour Gaston. — Le dauphin aime ceux qui le servent : sa nourrice, Héroard. — Il a le sentiment de son rang et est jaloux de son autorité. — Sa volonté impérieuse, sa dureté, ses violentes colères. — Deux caractères essentiels de sa nature : bonté affectueuse, instinct autoritaire. Lorsque le petit prince qui devait être plus tard le roi Louis XIII fut sur le point de naître, Henri IV désigna le médecin qui serait attaché à sa personne. Ce fut M. Jean Héroard, un excellent homme, consciencieux, méticuleux, qui avait cinquante ans, de la science et beaucoup d'ennemis 1. M. Jean Héroard, après la naissance de l'enfant, écrivit jour par jour, durant vingt-six ans, le détail minutieux de ses faits et gestes, depuis le teint de sa peau le malin, jusqu'au menu de son souper le soir. Les six volumes in-folio de ce journal sont fastidieux. MM. E. Soulié et Ed. de Barthélemy en ont publié en 1868 des extraits. Cette publication est critiquable. Les éditeurs ont relevé des détails sans intérêt et laissé des passages précieux. Ils ont intentionnellement inséré tous les traits inconvenants, ce qui laisse une impression d'ensemble inexacte. Ils ont modernisé le style et traduit les paroles du Dauphin tandis que le médecin a transcrit phonétiquement les propos de l'enfant, ce qui donne une sensation plus vivante. Nous avons repris ces manuscrits et recueilli pour les années de 1600 à 1607 — le Dauphin a quatre ans, cinq ans, six ans — les renseignements négligés, et par conséquent inédits qui peuvent nous faire connaître ce qu'a été en son bas âge le Louis XIII de plus tard, celui que la tradition représente comme un personnage froid, muet, insensible, jouet docile de favoris changeants 1 Jean Héroard était le médecin ordinaire du roi. Il avait été médecin de Charles IX et de Henri III. L'historiographe de Louis XIII, Ch. Bernard, qui l'a bien connu, dit de lui qu'il avoit de bonnes lettres et une grande expérience de sa profession (G. Bernard, Hist. de Louis XIII , Paris, 1646, in-fol., t. I, p. 405). Il mourut en 1628 à la Rochelle, à l'âge de soixante-dix-huit ans et fut enterré à Vaugrigneuse, près Limours, terre dont il était seigneur (E. Hamy, Jean Héroard, premier surintendant du jardin royal des plantes , Paris, Imp. nationale, 1896, in-8°). Il existe un très beau médaillon de Dupré qui nous donne son portrait (Décrit par J.-A. Blanchet dans la Revue numismatique , 1893, XI, 252-258). M. F. Mazerolle attribue ce médaillon à Varin (F. Mazerolle, Les médailleurs français du XVe siècle au milieu du XVIIe , Paris. Imp. nat.. 1902, in-4°, t. I, p. CXXXVIII). ou de ministres autoritaires 1. Il n'est question moins connue que la psychologie de celui qui fut le plus modeste et peut-être le plus digne de tous les rois Bourbons. Il n'en est pas de plus intéressante. Le dauphin et ses frères et sœurs, légitimes ou non, — ces derniers plus nombreux que les autres — habitent ensemble le vieux château de Saint- Germain 2. Le roi et la reine les y ont mis au grand air et viennent voir de temps en temps comment ils vont. Le château est à peu près extérieurement ce qu'il est aujourd'hui. Les entours sont différents. Une basse-cour des offices encadrée de communs s'étend du côté de la place actuelle. Un grand jardin clos de murs sépare de la forêt. C'est un jardin de ce temps, aux lignes droites, aux petites haies de buis, avec des noms qui reviennent souvent : l'allée des cyprès, l'allée des jasmins, l'allée des palissades 3. On va rarement à la forêt, dénommée le parc, qui fait l'effet d'un endroit sauvage et en friche. Du côté de la Seine une avenue pavée partant d'un pont jeté sur les fossés, au bout de la chapelle, conduit au château neuf de Saint-Germain qu'on est en train de construire sur le haut de la colline 4 et dont les terrasses descendantes abritent des grottes à effet d'eau. A droite de cette avenue le Palemail, petit bâtiment où se joue matin et soir avec une répétition qui doit être insipide au dauphin, le jeu illustre et populaire du mail 5. Dans l'intérieur du château, dont le service est assuré par une compagnie de gardes françaises occupant à droite les vieux corps de garde voûtés, le dauphin habite le premier étage de la partie qui regarde vers l'Est, dans la direction du Mont-Valérien. C'est l'appartement du roi. Il comprend quatre à cinq pièces en enfilade, hautes, à plafonds de poutres apparentes, munies de grandes cheminées et éclairées des deux côtés : l'antichambre d'abord où l'enfant prend communément ses repas ; la salle, où il se tient quand il reçoit, fait jouer des instruments et chanter des chœurs ; la chambre ensuite, la chambre du roi, 1 Nous conserverons l'orthographe phonétique. Le manuscrit d'Héroard que nous avons revu est le ms. fr. 4022 de la Bibl. nat. M. Armand Baschet ( Le roi chez la reine , Paris, Plon, 1866, in-8°) a déjà examiné directement le texte d'Héroard, et extrait des passages non imprimés par MM. E. Soulié et Barthélemy, mais il n'étudie le Dauphin (chap. IV) que de 1609 à 1614. 2 Marie de Médicis, dans ses lettres à la gouvernante, parlant de tous ces enfants les appelle notre petite troupe (Bibl. nat., ms. fr. 3649, fol. 44). Prenez toujours soin de toute la bande , dit-elle (Bibl. nat., Cinq-Cents Colbert, 87, fol. 142 r°). Elle ne fait pas de distinction entre ses propres enfants et ceux que le roi a eus ailleurs : Amenez demain ici , écrit-elle, ma fille aînée avec mes filles de Vendosme et de Verneuil et laissez tous mes autres enfants à Saint-Germain ( Ibid ., fol. 288 r°). 3 On trouve l'aspect du château de Saint-Germain tel qu'il est sous Henri IV, la disposition des jardins et les plans dans Androuet du Cerceau, Les plus excellens bastimens de France , Paris, 1576-79. 2 vol. in-fol. 4 M. Charles Normand a étudié et décrit ce château neuf de Saint-Germain dont il ne reste aujourd'hui que le pavillon dit de Henri IV. — G. Normand, Le château neuf détruit de Saint-Germain-en-Laye, d'après des manuscrits inédits et des estampes ignorées dans l' Ami des Monument s : (1895), IX, 47-66, 73-92, 197-198, 317-321 ; (1896) X, 168- 174, 341-334 ; (1897), XI, 7-22 ; 86-122. 5 Le palemail (de pila , malleus , boule et maillet) consiste à chasser avec le moins de coups possible une boule de bois jusqu'à ce qu'elle touche des buts ou passe par des détroits désignés d'avance . Notre croquet vient de là (Jusserand, Les sports et jeux d'exercice dans l'ancienne France , Paris, Plon, 1901, in-18°, p. 305). ornée d'une balustrade : un lapis d'Orient cache le carrelage de brique ; sur les murs de grandes tapisseries anciennes couvrent et ornent ; aux fenêtres des custodes de sarge — ou de serge — garantissent des rayons du soleil ; les portraits du roi et de la reine, grands portraits en pied, dominent le tout ; le grand lit à colonnes où couche le prince, puis trois autres lits autour, ceux de la gouvernante madame de Monglat, mamanga 1, de la nourrice, la femme Boquet, doundoun , et d'une femme de chambre ; des fauteuils, des escabelles de velours, qui se ploient , une chaise basse pour l'enfant, des tables.