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Roch-Olivier Maistre, Président du Conseil d’administration Laurent Bayle, Directeur général

Du lundi 23 au vendredi 27 juin Domaine privé

Vous avez la possibilité de consulter les notes de programme en ligne, 2 jours avant chaque concert, à l’adresse suivante : www.cite-musique.fr

JOHN ZORN.indd 1 17/06/08 11:21:50 Domaine privé John Zorn du lundi 23 au vendredi 27 juin

Le sixième sens LUNDI 23 JUIN – 20H , guitare vendredi 27 juin – 20h Jamie Saft, claviers Trublion. Insaisissable. Provocateur. Nuancé. Méticuleux, attentif au moindre détail, à la moindre Necrophiliac , violoncelle Magick Ésotérique. Déterminé. Expérimental. nuance. Le voir diriger au doigt et à l’œil une , basse Perfectionniste. Artiste. Charismatique. Bâtisseur. formation au sein de laquelle il ne joue pas est un , voix Ikue Mori, électronique 777 Rassembleur. Franc-tireur… Quelques-unes des moment de pure musique : tout s’entend à partir de , guitare Joey Baron, batterie facettes qui esquissent le portrait cubiste de John ses intentions exprimées, de sa gestuelle. Ludique, John Zorn, saxophone Kenny Wollesen, batterie Fred Sherry, violoncelle Zorn. Violente ou festive, d’une extrême sensualité implacable, passionnée. , percussions Michael Nicolas, violoncelle ou glaçant le sang, osant la mise à nu de la mélodie Painkiller John Zorn, direction, saxophone Erik Friedlander, violoncelle et l’évidence d’un groove, plongeant dans des Les cinq soirées qui composent le Domaine privé textures électrisantes touffues ou explorant des John Zorn sont à prendre comme l’expression des John Zorn, saxophone Gri-Gri zones acoustiques improbables… Quelques-unes des cinq sens. Cinq angles d’un autoportrait cubiste, , basse directions que peut prendre sa musique. D’un jour à forcément cubiste, pour évoquer Marguerite Duras, Mick Harris, batterie jeudi 26 juin – 20h , 13 batteries l’autre, d’un projet à l’autre. Et parfois d’une minute à qui il a dédié l’une de ses musiques de chambre… Salle pleyel à l’autre. Le toucher pour la variété de la palette et des Sortilège timbres sollicités au cours de la soirée dédiée aux Masada Book Two: The Book of Pour approcher John Zorn, être prêt à tout. musiques de chambre du Zorn-compositeur (le 27 MARDI 24 JUIN – 20H Angels Michael Lowenstern, clarinette basse Musicalement, esthétiquement, idéologiquement. juin). La vue, avec la soirée consacrée aux musiques Anthony Burr, clarinette basse Car le garçon ne se plie à aucun système. Ou alors à de films, son laboratoire permanent de compositions The Dreamers Masada String Trio celui qui consiste à n’en avoir aucun. Si Zorn était un dénudées, de textures sensuelles et de castings .·. (fay çe que vouldras) peintre, il serait à la fois dada à ses débuts, figuratif insolites (le 25 juin). L’ouïe pour les infrasons et Marc Ribot, guitare Mark Feldman, violon dans son versant jazz, adepte d’art brut pour le la violence sonore qui génèrent des harmoniques Jamie Saft, claviers Erik Friedlander, violoncelle Stephen Drury, piano hardcore, cartooniste pour des musiques de film, inédites dans le sommet de hardcore que constitue Kenny Wollesen, vibraphone , contrebasse expressionniste avec Masada, illustrant l’abstraction le concert du 23 juin. L’odorat pour les effluves Trevor Dunn, basse John Zorn, direction Necronomicon lyrique pour nombre de musiques de chambre… envoûtantes du Moyen-Orient qui traversent les Joey Baron, batterie Mais avec lui, pas question de chronologie, de fulgurances expressives de « Masada » (le 26 juin). Cyro Baptista, percussions Bar Kokhba Crowley Quartet « périodes », de développement progressif. Chez lui, Le goût pour le projet inédit « The Dreamers », qui John Zorn, direction Jenny Choi, violon c’est la simultanéité qui prime. Tout, tout de suite. croise deux générations successives de « zorniens » : Marc Ribot, guitare Jesse Mills, violon Et en même temps. Ici et maintenant. Le paradoxe trois anciens – Baron, Ribot et Baptista – et trois Mark Feldman, violon Lily Francis, alto du personnage, c’est son mouvement perpétuel. compagnons de route plus récents – Dunn, Saft et Erik Friedlander, violoncelle Fred Sherry, violoncelle Jamais il ne s’arrête de chercher, proposer, Wollesen (le 24 juin). Cinq étapes pour deviner que mercredi 25 juin – 20h Greg Cohen, contrebasse expérimenter, enregistrer, composer, rassembler. la nature de John Zorn relève à coup sûr du sixième Joey Baron, batterie Improviser ? Il est depuis belle lurette convaincu que sens. Essential Cinema Cyro Baptista, percussions ça ne s’improvise pas. D’où un ensemble de règles John Zorn, direction du jeu. Pour une communauté de musiciens Alex Dutilh Joseph Cornell étonnamment proches, complices, fidèles. Depuis Rose Hobart Masada plus d’une vingtaine d’années pour les plus anciens. Wallace Berman Ils sont collectivement disponibles aux différentes Aleph John Zorn, saxophone aventures que leur propose Zorn, comme autant de Harry Smith , trompette terrains de jeux, d’échanges, d’essais. Avec à chaque Oz: The Tin Woodman’s Dream Greg Cohen, contrebasse fois une règle du jeu bien précise. Car John Zorn est Joseph Cornell Joey Baron, batterie un directeur musical d’une redoutable précision. Un By Night With Torch and Spear metteur en scène sachant exactement ce qu’il veut Maya Deren obtenir de chacun des participants. Ritual in Transfigured Time



JOHN ZORN.indd 2 17/06/08 11:21:50 Domaine privé John Zorn du lundi 23 au vendredi 27 juin

LUNDI 23 JUIN – 20H Marc Ribot, guitare vendredi 27 juin – 20h Jamie Saft, claviers Necrophiliac Erik Friedlander, violoncelle Magick Trevor Dunn, basse Mike Patton, voix Ikue Mori, électronique 777 Fred Frith, guitare Joey Baron, batterie John Zorn, saxophone Kenny Wollesen, batterie Fred Sherry, violoncelle Cyro Baptista, percussions Michael Nicolas, violoncelle Painkiller John Zorn, direction, saxophone Erik Friedlander, violoncelle

John Zorn, saxophone Gri-Gri Bill Laswell, basse Mick Harris, batterie jeudi 26 juin – 20h William Winant, 13 batteries Salle pleyel Sortilège Masada Book Two: The Book of MARDI 24 JUIN – 20H Angels Michael Lowenstern, clarinette basse Anthony Burr, clarinette basse The Dreamers Masada String Trio .·. (fay çe que vouldras) Marc Ribot, guitare Mark Feldman, violon Jamie Saft, claviers Erik Friedlander, violoncelle Stephen Drury, piano Kenny Wollesen, vibraphone Greg Cohen, contrebasse Trevor Dunn, basse John Zorn, direction Necronomicon Joey Baron, batterie Cyro Baptista, percussions Bar Kokhba Crowley Quartet John Zorn, direction Jenny Choi, violon Marc Ribot, guitare Jesse Mills, violon Mark Feldman, violon Lily Francis, alto Erik Friedlander, violoncelle Fred Sherry, violoncelle mercredi 25 juin – 20h Greg Cohen, contrebasse Joey Baron, batterie Essential Cinema Cyro Baptista, percussions John Zorn, direction Joseph Cornell Rose Hobart Masada Wallace Berman Aleph John Zorn, saxophone Harry Smith Dave Douglas, trompette Oz: The Tin Woodman’s Dream Greg Cohen, contrebasse Joseph Cornell Joey Baron, batterie By Night With Torch and Spear Maya Deren Ritual in Transfigured Time



JOHN ZORN.indd 3 17/06/08 11:21:51 LUNDI 23 JUIN – 20H Salle des concerts

Necrophiliac / Painkiller

Necrophiliac

Mike Patton, voix Fred Frith, guitare John Zorn, saxophone

entracte

Painkiller

John Zorn, saxophone Bill Laswell, basse Mick Harris, batterie



JOHN ZORN.indd 4 17/06/08 11:21:51 lundi 23 juin

John Zorn versant punk, version jazzcore. Certains fans exclusifs de Masada l’oublient trop souvent : cet explorateur jusqu’au-boutiste adore aussi le boucan bruitiste, l’énergie décapante du métal extrême. Il nous le prouve ce soir en réunissant autour de son saxophone enfiévré quelques grands forcenés des musiques telluriques. Very noisy.

Necrophiliac

Improvisateur toujours imprévisible, Fred Frith défrise toutes les musiques qu’il aborde. Depuis plus de trente ans, cet Anglais incorruptible navigue dans un univers sonore à mi-chemin entre le rock avant-gardiste et la musique contemporaine, sans jamais se poser la question des styles et des étiquettes. C’est en 1978 que le guitariste a rencontré pour la première fois le saxophoniste new-yorkais. Ils ont poursuivi leur dialogue passionné, basé sur le changement permanent des règles du jeu, le plus souvent dans la formule du duo (Step Across The Border ou The Art of Memory en portent témoignage), mais aussi longtemps au sein de Naked City dont il fut le bassiste attitré. Ce compagnonnage leur a permis de tisser au fil des ans une complicité proche de la télépathie. Constamment à la recherche de nouveaux défis, mais ne refusant jamais la tentation d’un certain lyrisme, les deux comparses aiment à donner une musique cérébrale et émotionnelle. Entre eux, tout se joue sur l’énergie, le hasard, la fulgurance et la surprise. Rares sont les improvisateurs qui ont su développer cette capacité à inventer de l’inouï à partir d’un tel fouillis de scories. Pour célébrer leurs retrouvailles, John Zorn a fait appel à un personnage hors zone, un drôle de zigoto zarbi tel qu’il les affectionne : son nom est Mike Patton. Cet agité du vocal radical éructe plus qu’il ne chante. Il gémit, implore, hurle, murmure, le micro souvent dans la bouche pour jouer des modulations de fréquence. Créateur de Mr Bungle, ex-chanteur de Faith No More, leader de Fantomas, il est aussi le fondateur de Tomahawk, groupe pour lequel il a créé son propre label, Icepac, pour y crier de la musique vraiment méchante. Tous les membres de l’orchestre sont habillés en flics tandis que lui chante dans un masque à gaz !

Painkiller

Crée en 1991 par John Zorn, Mick Harris (Napalm Death, Scorn) et Bill Laswell (Praxis, Material, Tabla Beat Science), Painkiller s’offre comme un cocktail diaboliquement explosif de free jazz, hardcore, dub et noise rock. C’est un trio hyper amphétaminé qui ose tous les paroxysmes et oscille librement entre attraction et effroi. « Cela est supposé être, dit Zorn, du “shrill noise”, du bruit strident. Cela doit être donc “painfull”, forcément douloureux. » Nous voilà prévenus !

Le moteur de ce « Power Trio », c’est à l’évidence Mick Harris, matraqueur de génie qui pulvérise avec jubilation les sons en mille éclats fracassants. Celui que l’on a surnommé « Human Tornado » a rencontré John Zorn au Japon en 1989 quand il était encore le batteur de Napalm Death, groupe dont le saxophoniste était un grand fan. Scandaleusement ignoré



JOHN ZORN.indd 5 17/06/08 11:21:51 des jazzophiles, cet allumé des tambours est vénéré dans le monde des « métalleux » comme le créateur du « grindcore » (la forme la plus extrême du métal) et l’inventeur d’un nouveau « drumkit » rapide et violent : le « blast beat », une rafale de caisses claires enchaînée dans un roulement de double grosse-caisse et un déluge de cymbales. Au-dessus d’un tel volcan rythmique, John Zorn peut se lancer dans ses plus stridentes improvisations, s’autoriser les tressautements d’alto les plus hystériques, les hurlements les plus suraigus. Mais pour pulser une telle musique chaotique et virevoltante, furieusement improvisée, toujours au bord du gouffre, pour fluidifier cet art brut et brutal, il faut un bassiste d’exception. John Zorn l’a trouvé en Bill Laswell, musicien polymorphe à son image, tout à la fois bassiste, ingénieur du son, producteur, remixeur, etc. Avec ses lignes de basses grondantes, élastiques et liquides, il sait bricoler comme personne un environnement sonore toujours propice aux échappées les plus improbables. Bon voyage !

Pascal Anquetil



JOHN ZORN.indd 6 17/06/08 11:21:51 MARDI 24 JUIN – 20H Salle des concerts

The Dreamers

Marc Ribot, guitare Jamie Saft, claviers Kenny Wollesen, vibraphone Trevor Dunn, basse Joey Baron, batterie Cyro Baptista, percussions John Zorn, direction



JOHN ZORN.indd 7 17/06/08 11:21:51 The Dreamers

John Zorn est ce zappeur qui aime à zigzaguer entre des zones musicales très contrastées et toujours recommencées. L’éclectisme et la diversité de la programmation des cinq soirées du « domaine privé » que la Cité de la musique lui consacre en est la plus éclatante preuve. Avec The Dreamers, loin des excès zarbi de Painkiller, il dévoile la face zen de son monde musical, univers kaléidoscopique en expansion et révolution permanente. C’est le versant « musiques légères », comme on disait avant à la radio.

Ce nouveau groupe s’offre comme le quatrième volet d’une série qu’il a choisi d’intituler « Music Romance ». Inaugurée en 1998 avec et poursuivie avec Taboo and Exile, elle trouve son premier achèvement avec The Gift. La distribution des Dreamers est parfaite, rassemblant les plus fines gâchettes d’Electric Masada. Son originalité est de réunir dans cette équipe incroyablement soudée deux générations de « Zorn Messengers ». La première est constituée de trois anciens compagnons de route du « leader massimo » avec Joey Baron, Marc Ribot et Cyro Baptista, la seconde de « zorniens » plus récents avec Jamie Saft, Kenny Wollesen et Trevor Dunn. N’oublions surtout pas le septième musicien du sextet, John Zorn lui-même. S’il n’intervient à l’alto que sur un seul titre de l’album du même nom (« Toys »), assis sur une chaise face à ses musiciens, dans le rôle du catalyseur et metteur en ondes, tel Zébulon monté sur ressorts, Zorn joue de son orchestre avec toute une gestuelle étrange et passionnée, contrôlant les moindres détails d’interprétation, relaçant d’un regard ou d’un mouvement de la main l’envolée d’un soliste… Tout un spectacle ! « Mon travail de directeur musical, dit-il, consiste à concilier la spontanéité de mes musiciens avec le souci de la forme. » Pari ici somptueusement gagné.

La musique proposée par John Zorn dans ce nouveau projet prend gaiement le risque d’être assimilée par des oreilles paresseuses à de l’« easy listening ». C’est vite oublier que sous le vernis d’une apparente simplicité, sous ses mélodies insidieuses et son groove gravement hypnotique se cachent toute une luxuriance de nuances, un fourmillement de couleurs satinées, une richesse de textures qui ne se découvrent qu’au fil d’écoutes répétées de l’album. Brassant avec délicatesse les musiques de film (on pense insensiblement à l’univers de Quentin Tarantino), le blues lisse, le rock sensuel tendance Velvet Underground, la sunshine pop, la surf music des années soixante, l’exotica et le soul jazz suavement funky, The Dreamers nous régale d’une musique frémissante de charme, immédiatement dansante, mais qui sait être aussi par instants inquiétante, toujours teintée d’un voile de nostalgie douce. « Le jazz, a écrit Sagan, c’est de l’insouciance accélérée. » Avec Zorn, il faut ajouter « mais toujours contrôlée ».

L’homme au cœur de la réussite des Dreamers, c’est sans nul doute Marc Ribot, magnifique, imprévisible, inventif de bout en bout. Il n’est que d’écouter sa guitare Fender sur « Anulikwutsay », envoûtante mélopée minimaliste, pour être convaincu de son génie. « Il est, selon Zorn, l’un des vrais révolutionnaires de la guitare, instrument qu’il a su réinventer, repenser totalement. Avec lui, tout est possible. » Autour de lui, les cinq autres musiciens ne sont pas venus faire de la figuration. Loin de là ! Le triomphant



JOHN ZORN.indd 8 17/06/08 11:21:52 mardi 24 juin

trio rythmique composé de Joey Baron à la batterie (modèle de souplesse et de finesse mêlées), Kenny Wollesen au vibraphone (également batteur et fondateur du New Klezmer Trio) et Cyro Baptista (tapisseur allumé de percussions soyeuses) fonctionne à merveille et se trouve les yeux fermés. Quant à Trevor Dunn, imperturbable, il cimente à lui seul toute la musique de ses lignes de basse aussi solides qu’économes. Enfin au piano, à l’orgue ou au Fender Rhodes, Jamie Salt apporte sa touche personnelle avec toute sa palette de couleurs essentielles. Pas de doute, avec une telle association de talents, les Dreamers sont vraiment une « Dream Team ».

Pascal Anquetil



JOHN ZORN.indd 9 17/06/08 11:21:52 mercredi 25 juin – 20h Salle des concerts

Essential Cinema

Joseph Cornell Rose Hobart

Wallace Berman Aleph

Harry Smith Oz: The Tin Woodman’s Dream

Joseph Cornell By Night With Torch and Spear

Maya Deren Ritual in Transfigured Time

Marc Ribot, guitare Jamie Saft, claviers Erik Friedlander, violoncelle Trevor Dunn, basse Ikue Mori, électronique Joey Baron, batterie Kenny Wollesen, batterie Cyro Baptista, percussions John Zorn, direction, saxophone

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JOHN ZORN.indd 10 17/06/08 11:21:52 mercredi 25 juin

Essential Cinema

S’il est un moteur qui attise le désir polymorphe de John Zorn, c’est bien la curiosité. « J’ai toujours été curieux de ce qui pouvait m’étonner. Je cherche en permanence à tomber sur quelque chose qui me bouleverse, me questionne, dont l’intensité me fascine. » Le cinéma, par exemple, est l’une de ses grandes passions. Surtout le film expérimental pour lequel il a écrit d’innombrables bandes-son, qu’il a ressemblées dans sa collection « Filmworks ». Les musiques de film constituent pour Zorn le laboratoire secretin vivo dans lequel il peut expérimenter en toute liberté des alliages sonores et des textures inédites.

Pour jouer les musiques qu’il a imaginées pour les courts-métrages qu’il a choisi de nous faire découvrir, il a fait appel à son all star. Electric Masada, c’est une constellation qui réunit trois fabuleux percussionnistes (Joey Baron, Cyro Baptista et Kenny Wollesen), un clavier tout terrain (Jamie Saft), un contrebassiste groovy (Trevor Dunn), un violoncelliste espiègle (Erik Fiedlander) et un guitariste en perpétuel état de grâce (Marc Ribot), sans oublier Zorn en personne, dirigeant le tout par jets d’alto incandescents.

La règle du jeu que s’est donnée Zorn pour écrire ses musiques de films est simple : s’inscrire à chaque fois dans les cadres édictés par la forme cinématographique qu’impose l’œuvre. Pour cette soirée, le saxophoniste a choisi cinq courts-métrages rares qui ont marqué l’histoire du cinéma expérimental. Revue de détail.

Joseph Cornell Rose Hobart (1936/39)

Rose Hobart est un chef-d’œuvre pionnier du cinéma expérimental. Joseph Cornell s’y livre à une reconstruction fascinante : le remontage d’East of Borneo, un film d’aventures exotiques tourné en 1931 par George Melford pour Universal. La vedette en était la troublante Rose Hobart. Dans son film, Cornell ne s’intéresse qu’à elle, à son visage anxieux et aux gracieux mouvements de son corps. À partir d’éléments filmiques préexistants, projetés à la vitesse du muet, tout le travail poétique de Cornell consiste à réorganiser le montage par la juxtaposition délibérée de plans qui ne concordent pas, par tout un jeu d’ellipses et de faux raccords, par la succession de brusques changements de lieux et de séquences pouvant contenir jusqu’à huit plans d’affilée. Après avoir vu Rose Hobart, Salvador Dalí sera furieux contre Cornell, l’accusant de lui avoir volé « son » concept. Le cinéaste en sera profondément affecté.

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JOHN ZORN.indd 11 17/06/08 11:21:52 Wallace Berman Aleph (1956/1966)

Méditation sur la vie et la mort, ce film est le seul qu’ait jamais signé ce peintre « hipster », ce visionnaire de la « beat generation ». Allen Ginsberg, pour définir son monde étrange inspiré par le mysticisme juif, a inventé le mot de « bop kabbalah ». Wallace Berman a réalisé avec Aleph (la première lettre de l’alphabet hébraïque) un collage d’images directement peintes sur le film 8mm avec l’aide d’une antique photocopieuse de marque Verifax.

Harry Smith Oz: The Tin Woodman’s Dream (1967)

Peintre, musicologue spécialiste de l’« American folk music », Harry Smith s’est lancé au milieu des années soixante dans la réalisation d’un long-métrage d’animation en couleurs inspiré par Le Magicien d’Oz. Faute de moyens financiers, il fut contraint d’abandonner son projet en cours de route. Ce court-métrage est en fait un collage construit à partir d’un film précédent Film( #13: The Approach of Emerald City), auquel a été ajouté Film #16, un montage d’effets kaléidoscopiques tourné en 1966.

Joseph Cornell By Night With Torch and Spear (années 1940)

Ce film de 8 minutes est un collage d’images (montées en ensemble, inversées et à l’envers) de fonderies, de plans violets de métal en fusion et de nuages bleu foncé. S’y ajoutent des images jaunes d’Indiens qui dansent devant un feu. Le film finit par des taches noires sur fond blanc qui bougent par pulsations.

Maya Deren Ritual in Transfigured Time (1946)

Réalisatrice avant-gardiste américaine d’origine ukrainienne, Maya Deren est la poétesse des « films de chambre ». Ce court-métrage se savoure comme un rêve éveillé dont la belle Rita Christiani est la vedette. Les séquences s’enchaînent sans évidente logique narrative, comme celle de la sensuelle scène de bal, sublime tourbillon onirique.

Pascal Anquetil

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JOHN ZORN.indd 12 17/06/08 11:21:52 vendredi 27 juin – 20h Salle des concerts

Magick

777

Fred Sherry, violoncelle Michael Nicolas, violoncelle Erik Friedlander, violoncelle

Gri-Gri

William Winant, 13 batteries

Sortilège

Michael Lowenstern, clarinette basse Anthony Burr, clarinette basse

.·. (fay çe que vouldras)

Stephen Drury, piano

Necronomicon

Crowley Quartet Jenny Choi, violon Jesse Mills, violon Lily Francis, alto Fred Sherry, violoncelle

13

JOHN ZORN.indd 13 17/06/08 11:21:53 Magick

« Mon monde musical, affirme John Zorn, est comme un prisme. Quand vous regardez à travers, il va dans des millions de directions différentes et démultiplie les visions que l’on peut en avoir. » Ceci explique qu’il interdit toute distinction pertinente entre les genres et les styles. Il est impossible de l’explorer par « périodes ». L’approche chronologique s’avère inopérante tant la simultanéité prime. « Même si la notion d’évolution permanente domine toute ma trajectoire, je suis convaincu que, dans mon cas, la notion de continuum y est aussi très présente. ». Le sorcier new-yorkais laisse à chacun le soin de découvrir par lui-même la cohérence d’une œuvre protéiforme, fondée sur le principe d’accumulation plutôt que celui de progression.

Avec « Magick » (titre d’un album de 2004), John Zorn présente un nouveau visage : celui de compositeur de musique contemporaine, fasciné par l’occulte, l’ésotérisme, le surnaturel et plus spécialement la kabbale. « En magie, dit-il, il n’y a ni bien ni mal. C’est une science qui consiste à provoquer des changements par la volonté individuelle. » Ici celle, diabolique de précision et d’exigence, d’un musicien iconoclaste dont l’orchestre, comme disait Zappa, est « l’ultime instrument ».

777 – Créée en février 2008 au musée Guggenheim par un trio de violoncellistes d’exception (Fred Sherry, Mike Nicolas et Erik Friedlander, fidèle compagnon de route de la saga Masada), cette pièce inspirée par les « tables angéliques » d’Edward Kelley et John Dee porte en exergue ce vers de William S. Burroughs : « Rien n’est vrai. Tout est permis. » L’œuvre, très difficile à jouer, s’offre comme un chaos en perpétuel mouvement que parviennent à brillamment apprivoiser ces trois virtuoses du violoncelle.

Gri Gri – Voilà une pièce d’une polyrythmie très savante qui a été écrite en 2000 pour William Winant, l’un des plus brillants percussionnistes américains d’aujourd’hui. Son itinéraire est aussi riche qu’éclectique : il a travaillé en toute proximité avec , Steve Reich, mais aussi et Mr. Bungle. C’est loin d’être un nouveau venu dans la « communauté zornienne ». Gri-Gri est une pièce inspirée par le vaudou haïtien, le chamanisme coréen et… une scène du Port de l’angoisse de Howard Hawks. Cette composition pour treize tambours accordés comporte des passages quasi silencieux qui parviennent à perturber l’organisation de cet exercice de « virtuoso voodoo ».

Sortilège – Créée en 2002, Sortilège est une pièce écrite pour deux clarinettes basses. Elle doit agir comme un sort (« a spell »), nous prévient Zorn. « C’est la composition la plus énergique et la plus outrageusement spectaculaire de tout mon répertoire. C’est aussi l’une des pièces les plus difficiles qui aient jamais été écrites pour cet instrument ». Pour l’interpréter, il fallait deux as de la clarinette basse : Mike Lowenstern et Anthony Burr le sont. Sans discussion !

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JOHN ZORN.indd 14 17/06/08 11:21:53 vendredi 27 juin

.·. (fay çe que vouldras) – Créée en 2005 en référence à Rabelais, cette œuvre pour piano solo entraîne dans un manège à musiques vivement colorées qui évoque par instants Cage et Debussy (La Cathédrale engloutie). Dans le piano préparé, Zorn a mis, dans le sillage de Henry Cowell et George Crumb, tout un attirail d’objets bizarres et grinçants. Pour interpréter cette pièce acrobatique, il a fait appel à Steven Drury. Ce champion de la musique américaine du XXe siècle, de Charles Ives à John Cage, connaît bien le monde zornien pour avoir joué des pièces comme Cobra, Duras et Cat o’Nine Tails.

Necronomicon – Cette œuvre reprend le nom d’un ouvrage fictif inventé par H. P. Lovecraft à l’occasion de la rédaction de La Cité sans nom, achevée en 1921. Il y est fait pour la première fois mention du célèbre couplet énigmatique : « N’est pas mort ce qui à jamais dort et, au long des siècles, peut mourir même la Mort ». Écrite en 2003 pour le Crowley Quartet, cette pièce dramatique, pleine de violence et d’effroi, enchaîne cinq parties (« Conjurations », « The Magus », « Thought Forms », « Incunabula » et « »), alternant les mouvements ultrarapides et les plages plus méditatives, avec force « zornementations » polytonales et dissonantes. Sidérant !

Pascal Anquetil

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JOHN ZORN.indd 15 17/06/08 11:21:53 Et aussi…

> Festival Jazz à la Villette > JAZZ STANDARDS > MÉDIATHÈQUE Du 2 au 14 septembre 2008 du 5 au 10 décembre 2008 • Venez réécouter ou revoir La Cité de la musique et le Parc et la Vendredi 5 décembre, 20h les concerts que vous avez aimés. Grande Halle de la Villette présentent • Enrichissez votre écoute en suivant la nouvelle édition du festival Jazz à Body & Soul la partition et en consultant la Villette. Danse, théâtre, arts visuels, les ouvrages en lien avec l’œuvre. cinéma, mais aussi rock, musiques Eric Legnini Trio • Découvrez les langages et les styles musicaux à travers les repères électroniques rencontrent et célèbrent Eric Legnini, piano musicologiques, les guides d’écoute le jazz sous toutes ses formes… « Jazz Mathias Allamane, contrebasse et les entretiens filmés, en ligne is not dead ! » Franck Agulhon, batterie sur le portail. http://mediatheque.cite-musique.fr Anne Teresa De Keersmaeker • Archie Shepp • Charles Lloyd • Bumcello • Samedi 6 décembre, 20h LA SÉLECTION DE LA MÉDIATHÈQUE Lalo Schifrin • Joshua Redman • Dimanche 7 décembre, 16h30 Nosfell • Guy Le Querrec, Michel En écho à ce concert, nous vous Portal, Louis Sclavis, Henri Texier & Brad Mehldau Piano Solo proposons… Jean-Pierre Drouet • Pierre Henry & Erik Truffaz • Matthew Herbert Big … d’écouter : Band • Tortoise • The Bad Plus meets Mercredi 10 décembre, 20h For Your Eyes Only de John Zorn par Sex Mob • The Ex & Getatchew Mekuria l’Ensemble intercontemporain sous • Vernon Reid • Le Sacre du Tympan • Sketches of Spain la direction de Peter Rundel, concert James Chance & les Contorsions • DJ Une relecture de l’œuvre légendaire de enregistré à la Cité de la musique le 18 Spooky… Gil Evans/Miles Davis juin 2004 • les albums de John Zorn : Electric Masada, Absinthe, Naked City, Information et réservation aux guichets Joaquín Rodrigo/Gil Evans Grand Guignol, Heretic de la Cité de la musique / par téléphone Concierto de Aranjuez (Adagio) au 01 44 84 44 84 / par Internet sur Manuel de Falla/Gil Evans … de regarder : www.jazzalavillette.com Will O’ the Wisp (d’après L’Amour A Bookshelf on top of the sky : 12 stories sorcier) about John Zorn de Claudia Heuermann Gil Evans The Pan Piper, Saeta, Solea … de lire : > Master-classes Jazz 2008 Dossier John Zorn (revue Jazzman Dans le cadre du Festival Jazz à la Dave Liebman, saxophones n° 129, 2006) Villette, deux master-classes sont Manu Codjia, guitare proposées : Jean-Paul Celea, contrebasse

• Henri Texier, du 3 au 6 septembre Wolfgang Reisinger, batterie • le Surnatural Orchestra, du 10 au 12 Orchestre du Conservatoire à > Collèges Jazz septembre. Rayonnement Régional de Paris Cours du soir sur la musique jazz. Jean-Charles Richard, direction Renseignement et dépôt de candidature : • Histoire du jazz et jazz stories

[email protected] 1013252 1013248, 1014849,

Avec Philippe Baudoin o 01 44 84 45 02 Le mardi de 19h30 à 21h30 du 30 > salle pleyel septembre 2008 au 10 février 2009 mercredi 25 février 2009 icences n A F | L icences • Le jazz actuel John Zorn et Tzadik Avec Franck Bergerot et Vincent Bessières Avec Elysian Fields, Marc Ribot & Ceramic Le mardi de 19h30 à 21h30 du 3 mars Dog, Esther Balint, Cyro Baptista & au 23 juin 2009

Banquet of the Spirits, John Zorn… I mprimeur S C | B

Éditeur : Hugues de Saint Simon | Rédacteur en chef : Pascal Huynh | Rédactrice : Gaëlle Plasseraud | Correctrice : Angèle Leroy | Stagiaires : Marie-Anaya Mahdadi, Émilie Moutin | Maquette : Elza Gibus

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