Les Débuts Et Les Débutantes À L'opéra De Paris Sous La Monarchie
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Document généré le 25 sept. 2021 06:01 Les Cahiers de la Société québécoise de recherche en musique Les débuts et les débutantes à l’Opéra de Paris sous la monarchie de Juillet (1830-1848) Débuts and Debutantes at the Opéra de Paris during the July Monarchy (1830-1848) Kimberly White Musique de Gilles Tremblay / Opéra et pédagogie Résumé de l'article Volume 12, numéro 1-2, juin 2011 Cette étude présente le système des « débuts » à l’Opéra de Paris pendant la monarchie de Juillet, des premières auditions aux premières représentations, URI : https://id.erudit.org/iderudit/1054196ar et s’intéresse en particulier aux expériences des débutantes. En France, au XIXe DOI : https://doi.org/10.7202/1054196ar siècle, les courants de pensée sexistes influençaient le jugement du public et des critiques; en effet, les artistes étaient jugés différemment selon leur sexe. Aller au sommaire du numéro Les nouvelles chanteuses subissaient des pressions pour se conformer à l’image idéale de la débutante transmise par les anecdotes, les romans et même la critique musicale. L’objectif de cet article est d’étudier les efforts ainsi que les ambitions des chanteuses qui se sont essayées à des carrières Éditeur(s) professionnelles à l’Opéra, bravant ainsi les difficultés de l’époque. La Société québécoise de recherche en musique première partie décrit les débuts; la deuxième partie s’intéresse à la perception des débutantes proposée par la presse; et enfin, la troisième partie se concentre sur les débuts de deux jeunes artistes, Cornélie Falcon et Noémie de ISSN Roissy. 1480-1132 (imprimé) 1929-7394 (numérique) Découvrir la revue Citer cet article White, K. (2011). Les débuts et les débutantes à l’Opéra de Paris sous la monarchie de Juillet (1830-1848). Les Cahiers de la Société québécoise de recherche en musique, 12(1-2), 9–18. https://doi.org/10.7202/1054196ar Tous droits réservés © Société québécoise de recherche en musique, 2011 Ce document est protégé par la loi sur le droit d’auteur. L’utilisation des services d’Érudit (y compris la reproduction) est assujettie à sa politique d’utilisation que vous pouvez consulter en ligne. https://apropos.erudit.org/fr/usagers/politique-dutilisation/ Cet article est diffusé et préservé par Érudit. Érudit est un consortium interuniversitaire sans but lucratif composé de l’Université de Montréal, l’Université Laval et l’Université du Québec à Montréal. Il a pour mission la promotion et la valorisation de la recherche. https://www.erudit.org/fr/ C’est une terrible chose pour une femme, à peine âgée de vingt-deux ans, qu’un début devant une pareille assemblée [le Les débuts et les débutantes public parisien]. Les actrices consommées, à l’Opéra de Paris sous la et depuis longues années, é prouvent en core à leur entrée en scène une certaine monarchie de Juillet émotion. Qu’est-ce donc qu’on doit res- sentir lorsqu’on arrive devant un monde (1830-1848) inconnu, qu’on a peu d’expérience Kimberly White (Université McGill) en core, et qu’il s’agit de chanter, pendant que le cœur palpite d’effroi ! Il faut être à la fois au drame extérieur dans lequel on joue un rôle et au drame intérieur qui se passe en soi. (Lucas 1841-48) Introduction plusieurs chanteuses, des plus connues aux Selon le Grand Dictionnaire universel du moins connues ; la deuxième partie compare XIXe siècle de Pierre Larousse, un « début » la perception des débutantes proposée par théâtral était le « premier essai d’un acteur les anecdotes et les critiques musicales ; et la engagé par l’administration d’un théâtre, et troisième se concentre sur les débuts de deux jouant devant le public pour être agréé ou reje- 1 Voir Muller 1974-1976 jeunes artistes, Cornélie Falcon et Noémie de té par lui » (Larousse 1866-1877, 202). Deux pour plus d’information Roissy. sur l’usage des trois éléments en particulier distinguaient un début débuts en France et en au théâtre : il se déroulait toujours en public 1. Les débuts au théâtre au XIXe siècle Belgique au XIXe siècle. e et le succès du « débutant » dépendait de son Pendant les XVIIIe et XIXe siècles, l’Académie Au XVIII siècle, le sys- e tème de débuts à l’Opé- accueil. En France, au XIX siècle, les courants royale de musique était subventionnée par de pensée sexistes ont influencé le jugement ra était moins rigou- le gouvernement français. Cependant, l’admi- reux, mais toujours du public et des critiques ; les artistes étaient nistration du théâtre, dépendante du soutien nécessaire pour les en effet jugés différemment selon leur sexe. financier du public, ne pouvait pas se désinté- engagements d’ar tistes. Selon le Règlement Katharine Ellis et Annegret Fauser ont écrit resser complètement du goût de celui-ci. Ainsi, des articles sur la critique sexualisée que subis- au sujet de l’Opéra de les directeurs avaient mis en place un système 1714, les artistes ne saient les musiciennes et compositrices pen- de débuts dans lequel les artistes, avant d’être pouvaient être reçus à dant les XIXe et XXe siècles (Ellis 1997 ; Fauser engagés, devaient d’abord « débuter » devant l’Opéra qu’après avoir 1998, 2006). Elles ont étudié en particulier le public. Les débuts étaient obligatoires pour fait preuve de leur comment les femmes devaient s’adapter aux habileté et avoir mérité tout artiste qui paraissait pour la première fois les suffrages du public idéologies sexistes pour avoir du succès. De sur une nouvelle scène où il était inconnu. (Durey de Noinville la même manière, même si tous les chanteurs, De plus, « l’engagement de l’artiste n’était 1752, 132). hommes comme femmes, étaient tenus d’avoir réputé définitif que lorsque celui-ci avait fait 2 Le décret de Moscou, un physique agréable, les nouvelles chanteuses ses débuts et qu’il avait été expressément ou rédigé par Napoléon en de l’Opéra de Paris subissaient des pressions tacitement agréé par le public » (Constant 1812, est un document plus importantes. Elles devaient se conformer qui avait pour but la 1882, 98). réorganisation de la à l’image idéale de la débutante transmise par Comédie-Française. Ce Au XIXe siècle, l’Opéra de Paris introduisit le les anecdotes, les romans et même la critique document a suivi une musicale : il fallait paraître jeune, belle et système des « trois débuts », alors en vigueur série de décrets arrê- 1 modeste. à la Comédie-Française et en province . En tés par Napoléon en donnant trois rôles différents, tirés des plus 1806 et en 1807 sur les Cet article présente le système des débuts importants du répertoire, les mérites divers théâtres parisiens. Ce à l’Opéra de Paris pendant la monarchie de dernier a réduit à huit de l’artiste pouvaient être mieux considérés et le nombre des théâtres Juillet (1830-1848), des premières auditions jugés. Ce système était établi en accord avec parisiens et il désigna le aux premières représentations, et s’intéresse le décret de Moscou de 18122 : ce règlement répertoire pour chaque en particulier à la critique sexiste subie par précisait la saison des débuts (de la mi-avril à théâtre. Voir Nicole Wild, les débutantes. Cette étude est divisée en trois la fin octobre), le choix du répertoire, les répé- Dictionnaire des théâtres parisiens au parties. La première partie décrit les débuts titions et les amendes à l’encontre des artistes XIXe siècle. Les théâtres à l’Opéra de Paris et évoque l’expérience de refusant de jouer (ministère de l’Instruction et la musique (1989). LES CAHIERS DE LA SOCIÉTÉ QUÉBÉCOISE DE RECHERCHE EN MUSIQUE, VOL. 12, NOS 1-2 9 publique 1888, 70-71)3. Bien que ce décret Le décret de Moscou, en 1812, permettait aux ait été spécifiquement établi pour le Théâtre- théâtres royaux d’ordonner les débuts des Français, les autres théâtres utilisèrent aussi ce étudiants du Conservatoire, des artistes des système en l’adaptant à leurs besoins et à leurs théâtres secondaires de Paris et des théâtres de habitudes. province. L’analyse de l’ordre concernant les débuts illustre bien le pouvoir détenu par les LES DÉBUTS EN PROVINCE ET À PARIS théâtres royaux et la volonté du gouvernement 3 En ce qui a trait aux de concentrer le talent dans les théâtres pari- Les débuts au théâtre en province avaient débuts au théâtre, voir siens. Les directeurs provinciaux et les artistes un caractère différent des débuts parisiens. En la section 3 du décret, étaient tenus d’obéir aux ordres, mais certains ar ticles 61 à 67. province, les artistes étaient engagés pour une artistes, en respectant le règlement, rencon- 4 seule saison. Ainsi, chaque saison théâtrale Voir CDXXXV, « Création traient des difficultés5. de classes des études de commençait-elle d’abord avec les débuts : l’Opéra », 27 octobre seuls les artistes qui avaient reçu l’approba- Les chanteuses n’ayant pas reçu d’ordre 1818, et CDXXVI, « Arrêté de début devaient chercher par elles-mêmes concernant l’engagement tion du public après le troisième début étaient à souscrire par les pen- engagés pour l’année (Muller 1972-1974 ; Clay un engagement. D’abord, il leur fallait se sionnaires et l’élévation du 2005). Selon Adolphe Adam, compositeur et procurer une audition, difficile à obtenir taux des appointements critique, la saison des débuts était très atten- sans recommandation ou influence d’un pro- à payer par les théâtres tecteur. Louis Gentil, contrôleur du maté- royaux », 11 septembre due par les abonnés provinciaux et, avant 1828. même d’y avoir assisté, ils discutaient des riel de 1831 à 1848 à l’Opéra et auteur du Manuscrit d’une habilleuse (1836-48), 5 Mlle Félicité More mérites de chaque débutant, principalement (Mme Pradher) était enga- à propos de leur physique, de leurs ha bi tudes a décrit la procédure que chaque débutante gée comme première chan- et de leur conversation (Adam 1835).