L'astronomie Dans Le Monde
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322 - Le Ciel, septembre 2013 L’astronomie dans le monde D’épais amas de poussière se profilent sur le nuage de gaz teinté de rose connu des astronomes sous l’appellation IC 2944. Ces taches opaques ressemblent à des gouttes d’encre flottant à la surface d’un cocktail de fraises; leurs formes étonnantes sont le résultat de l’action de l’intense rayonnement en provenance des jeunes étoiles brillantes situées à proximité. La résolution de l’image est meilleure que la demi- seconde d’arc, ce qui est exceptionnel pour un télescope au sol. Les 15 ans du VLT rejoints par quatre télescopes auxiliaires qui Basé sur un communiqué ESO constituent une partie de l’interféromètre du VLT (VLTI). Le VLT est l’un des instruments Cette image célèbre un anniversaire im- astronomiques au sol les plus puissants et les portant pour le Très Grand Télescope (VLT), plus productifs en service à l’heure actuelle. quinze années écoulées depuis la réception Les nuages interstellaires de poussière et de la première lumière sur le premier de ses de gaz constituent les berceaux de nouvelles quatre unités télescopiques, le 25 mai 1998. étoiles jeunes et en pleine croissance. La nou- Depuis lors, les quatre géants originels ont été velle image montre l’un d’eux, IC 2944. septembre 2013, Le Ciel - 323 La nébuleuse IC 2944 est associée à Cet ensemble particulier constitue les globules l’amas d’étoiles brillantes IC 2948 et ces de Thackeray, du nom de l’astronome bri- deux appellations sont parfois également at- tannique qui les a découverts en 1950 depuis tribuées à l’intégralité de cette région du ciel. l’Afrique du Sud. La plupart des étoiles de cet amas lumineux Souvent les globules de Bok de plus apparaissent sur cette image qui offre la vision grandes dimensions, situés dans des régions la plus nette de cet objet jamais prise depuis la isolées, s’effondrent pour donner lieu à de Terre. nouvelles étoiles, mais ceux qui apparaissent Le nuage se situe à quelque 6 500 an- sur cette photo sont soumis à l’intense bom- nées-lumière dans la constellation australe du bardement du rayonnement ultraviolet en pro- Centaure, une région qui abrite de nombreuses venance des jeunes étoiles chaudes situées à nébuleuses semblables à celle-ci, et que les proximité. Ils sont à la fois érodés et fragmen- astronomes scrutent dans le moindre détail tés, à l’image de morceaux de beurre déposés afin de mieux comprendre les mécanismes qui dans une poêle chaude. Il est fort probable que sous-tendent la formation stellaire. les globules de Thackeray soient détruits avant Des images de cette région du ciel qu’ils ne s’effondrent et ne forment des étoiles. avaient également été obtenues par le téles- Les globules de Bok ne sont pas faciles cope spatial Hubble Cette nouvelle image à étudier. Leur opacité en rend la structure obtenue par l’instrument FORS qui équipe le interne inobservable dans le domaine optique. VLT de l’ESO à l’observatoire de Paranal au L’utilisation d’autres outils s’avère nécessaire nord du Chili couvre une section plus vaste du pour percer leurs secrets – des observations ciel que le Hubble et dévoile un paysage plus dans les parties infrarouge ou submillimétrique étendu de formation d’étoiles. du spectre par exemple, domaines dans les- Les nébuleuses en émission telles que IC quels les nuages de poussière apparaissent 2944 sont principalement constituées d’hydro- brillants en dépit de leur température de quel- gène dont la teinte rouge caractéristique résulte ques degrés Kelvin seulement. Les études des de la fluorescence sous l’intense rayonnement globules de Thackeray ont confirmé l’absence de nombreuses étoiles jeunes et brillantes. De de formation d’étoiles en leur sein. ce fond lumineux se déta- chent nettement de mysté- rieux globules sombres de poussière opaque, des nua- ges froids baptisés globules de Bok. Leur appellation fait référence à l’astronome Américano-Hollandais Bart Bok, qui fut le premier, dans les années 1940, à les assimiler à des sites poten- tiels de formation stellaire. Le VLT s’apprête à une nuit d’observation. 324 - Le Ciel, septembre 2013 Régime hyposodique nant de faibles quantités de sodium et aucune Basé sur un communiqué ESO des étoiles de seconde génération constituées d’une plus grande proportion de sodium n’est Les astronomes pensent qu’à la fin de passée par la phase AGB. Au moins 70 % des leur vie les étoiles semblables au Soleil ex- étoiles n’ont pas expérimenté la phase finale pulsent une grande partie de leur atmosphère. d’embrasement nucléaire et de perte de masse. Mais de nouvelles observations d’un vaste Il semble que les étoiles aient besoin amas d’étoiles effectuées au moyen du VLT de d’une faible abondance de sodium pour attein- l’ESO ont montré que la majorité des étoiles dre la phase AGB à la fin de leur existence. étudiées n’atteignaient jamais ce stade évolu- Cette observation est importante pour plusieurs tif. Il semble que la quantité de sodium dans raisons. Ces étoiles sont les plus brillantes les étoiles constitue un très bon indicateur de des amas globulaires – il y aurait donc 70 % leur comportement en fin de vie. d’étoiles brillantes de moins que ne le prévoit On pensait comprendre le scénario évo- la théorie. Cela signifie également que les lutif des étoiles. Les modèles prévoyaient que modèles numériques d’étoiles sont incomplets les étoiles de masse semblable à celle du Soleil et doivent être contraints. Il ne semble pas que avaient en fin de vie un dernier embrasement la concentration en sodium soit elle-même à nucléaire et expulsaient une grande partie de l’origine de ce comportement différent, mais leur masse sous forme de gaz et de poussière. qu’elle soit intimement liée à la cause sous- Cette matière expulsée entre dans la jacente – qui demeure mystérieuse. constitution des générations suivantes d’étoiles Il est raisonnable de penser que les étoi- et permet d’expliquer l’évolution de la com- les qui ne passent pas par la phase AGB évo- position chimique de l’Univers. Ce processus lueront directement en naines blanches riches est également à l’origine de la formation des en hélium et se refroidiront lentement au fil planètes et des ingrédients nécessaires à l’ap- des milliards d’années. parition de la vie organique. Dans d’anciens articles, une hy- pothèse avait été émise selon laquelle certaines étoiles pourraient ne pas suivre les règles établies et s’affranchir com- plètement d’une phase de l’évolution dite « AGB » (asymptotic giant branch, en rapport avec leur position dans le diagramme Hertsprung-Russell). Cette hypothèse a été testée en observant avec le VLT l’amas globulaire NGC 6752 situé dans la constellation australe du Paon. Ce vaste ensemble d’étoiles est constitué d’une première génération d’étoiles très âgées et d’une seconde génération qui s’est formée un peu plus tard. Les deux générations diffèrent l’une de l’autre par les quantités de sodium qui les compo- sent – quantités que les données extrê- mement précises fournies par le VLT permettent de déterminer. Les résultats ont été surprenants – toutes les étoiles AGB de l’étude étaient des étoiles de première génération conte- L’amas globulaire NGC6752 septembre 2013, Le Ciel - 325 Un nouveau type d’étoiles de luminosité est liée, de manière complexe, à variables leurs propriétés internes. +L’étude de ces phé- Basé sur un communiqué ESO nomènes a donné lieu au développement d’une toute nouvelle branche de l’astrophysique, Les Suisses sont à juste titre réputés pour l’astérosismologie, qui permet aux astronomes leur savoir-faire en matière de création d’élé- « d’écouter » ces vibrations stellaires afin de ments technologiques d’une extrême précision. sonder les propriétés physiques des étoiles Une équipe suisse de l’observatoire de Genève et de mieux connaître leur fonctionnement est parvenue à atteindre une précision extraor- interne. dinaire en utilisant un télescope relativement L’existence même de cette nouvelle petit (le télescope « Euler » de 1,2 mètre, à classe d’étoiles variables constitue un chal- La Silla) dans le cadre d’un programme d’ob- lenge pour les astrophysiciens. Les modèles servation développé sur plusieurs années. Ils théoriques actuels prévoient que leur lumière ont découvert une nouvelle classe d’étoiles n’est pas censée varier périodiquement. Bien variables en mesurant d’infimes variations de que l’origine de leur variation demeure incon- la luminosité de certaines étoiles. nue, une hypothèse fort séduisante se fait jour : Les nouveaux résultats reposent sur des quelques-unes des étoiles semblent être dotées mesures régulières de la brillance de plus de d’une rotation rapide. Elles tournent à des vi- trois mille étoiles situées dans l’amas ouvert tesses correspondant à plus de la moitié de leur NGC 3766 sur une période de sept ans. Cet vitesse critique, seuil à partir duquel les étoiles amas se situe à environ 7 000 années-lumière deviennent instables et éjectent leur matière de la Terre dans la constellation australe du dans l’espace. La rotation rapide a un impact Centaure et son âge est estimé à environ 20 important sur leurs propriétés internes, mais millions d’années. il n’est pas encore possible d’en modéliser les Les observations révèlent une propriété effets sur la luminosité. inattendue de 36 des étoiles de l’amas – d’in- fimes variations de leur luminosité, de l’ordre de 0,1 % de la brillance normale des étoiles. La périodicité de ces varia- tions est comprise entre deux et vingt heures. Les étoiles sont légèrement plus chaudes et brillantes que le Soleil, mais présentent des propriétés classiques en apparence.