ETUDE DE LA FAISABILITE DE LA RESTAURATION ET DE LA GESTION DURABLE DES ECOSYSTEMES DU HAUT TINKISSO

Janvier 2011

Par

Oumar NDIAYE

Coordonnateur du PREMI

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Table des matières

Introduction ...... 3

1. Le sous bassin du Haut Tinkisso, bassin de captage du barrage ...... 4 1.1 Description du bassin hydrographique du Tinkisso ...... 4 1.2 Les écosystèmes en amont du barrage ...... 6 1.3 Les caractéristiques démographiques du bassin du Tinkisso ...... 7 1.4 Les caractéristiques socio-économiques ...... 9 1.4.1 L’agriculture ...... 9 1.4.2 L’élevage ...... 12 1.4.3 La pêche ...... 12 1.4.4 La chasse ...... 13 1.4.5 L’exploitation de l’or ...... 13 1.4.6 La production de briques ...... 13 2. Analyse des contraintes et potentialités dans le haut bassin du Tinkisso ...... 14 2.1 Analyse des contraintes ...... 14 2.2 Analyse des potentialités ...... 15

3. Dynamique actuelle de désenclavement de la zone ...... 15

4 Les phénomènes de dégradation à l’œuvre et leur origine ...... 16 4.1 Des ecosystèmes en voie de disparition ...... 16 4.2 Le défrichement systématique des galeries forestières le long des berges du haut Tinkisso. ... 17 4.3 La déforestation des forêts classées ...... 19 4.3.1 L’exploitation illégale du bois d’œuvre ...... 20 5 Un barrage menacé-des bénéfices en sursis ...... 22 5.1 Un barrage menacé ...... 22 5.2 Des bénéfices en sursis ...... 25 5.3 Solutions envisagées pour mieux gérer le haut basin du Tinkisso ...... 26

6 La stratégie de mise en œuvre du projet ...... 27 6.1 Organisations partenaires dans le projet: ...... 27 6.2 Association et partenariat avec les groupes d’intérêts présents dans la zone ...... 28

7. Les paiements pour les services environnementaux ...... 28 7.1 Les questions en suspens ...... 29

Conclusion ...... 29

Bibliographie ...... 30

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Introduction La préfecture de est située au centre de la république de Guinée entre la moyenne et la haute Guinée. Elle dépend de la région de et est limitée au Nord par la préfecture de Dinguiraye, à l'Ouest par celle de Mamou, à l'Est par celle de Kouroussa et au Sud par celle de Faranah. La ville de Dabola est le chef-lieu de la préfecture. La préfecture de Dabola est une subdivision administrative qui compte sept sous-préfectures : , , Banko, Kindoyé, , Arfamoussaya et Ndéma.

C'est une zone montagneuse traversée par le fleuve Tinkisso, un des principaux affluents du fleuve Niger en rive gauche en Haute Guinée. Le haut bassin du Tinkisso est situé dans le bassin versant du fleuve Niger supérieur. La ville de Dabola est située à proximité du Tinkisso et est traversée par la route nationale N°1 et la voie-ferrée qui ne fonctionne plus de nos jours. La ville est également célèbre du fait de la présence du barrage hydroélectrique qui ravitaille la ville, de même que d’autres villes comme Dinguiraye et Faranah en électricité.

Le haut bassin du Tinkisso est largement boisé dans sa partie méridionale restée jusque récemment difficile d’accès. Quant aux plaines, elles ont été largement déboisées pour l’agriculture de décrue du fait de leur grand intérêt agricole. Le haut Tinkisso est également longé par des forêts galeries qui longent le cours d’eau depuis sa source. Ces forêts galerie connaissent un processus de dégradation accéléré. Déjà les deux forêts classées et les deux forêts communautaires qui se situent dans le haut bassin versant du Tinkisso enregistrent des empiétements et une déforestation très accrue. La plus vaste de ces forêts est la forêt classée des chutes du Tinkisso. Elle entoure le barrage et a une superficie de 1.300 ha. La seconde est la forêt classée de Souarela proche de Dabola.

Le haut Tinkisso est un cours d'eau abondant et bien alimenté en moyenne, quoiqu'il survienne fréquemment des étiages assez sévères en février-mars-avril-mai. Le débit moyen mensuel observé en avril (minimum d'étiage) atteint 11,4 m³/seconde, soit 55 fois moins que le débit moyen du mois de septembre, ce qui manifeste son irrégularité. Sur la durée d'observation des 25 ans dernières années, le débit mensuel minimal a été de 1 m³/seconde, laissant le cours d'eau presqu'à sec, tandis que le débit mensuel maximal s'élevait à 1.150 m³/seconde. A quinze kilomètres de la ville en direction de Dabola, le haut Tinkisso présente une chute de 28 mètres de dégringolade dans une piscine naturelle amplifiée par la retenue d’eau du barrage Tinkisso.

Depuis quelques années, les activités de développement et de subsistance ont interféré avec la dynamique naturelle du haut bassin du fleuve Tinkisso et de ses affluents. A l’aval, comme en amont ces activités ont amené un déséquilibre écologique manifeste dû à la destruction des écosystèmes de base et des problèmes hydro -écologiques importants dans la préfecture de Dabola. En effet, La croissance démographique en milieu rural et urbain a un effet sur l’augmentation de la pression sur les ressources naturelles (forêts, terres arables, etc.) du fait de l’augmentation de la demande pour les besoins divers. Ainsi dans les zones à fortes occupations agricoles, la forêt a quasiment disparu, créant alors de sérieux problèmes d’érosion des sols, d’origine pluviale et éolienne, d’ensablement et d’envasement du lit du haut Tinkisso et des difficultés d’approvisionnement en bois de feu et de service et autres produits de la forêt (médicaments, gibiers...).

En outre, la faune du haut bassin du Tinkisso qui offrait une très grande diversité est sur le point d’être décimée par le braconnage généralisé à des fins commerciales et alimentaires, notamment par la chasse au feu qui est une tradition bien établie et par le développement des cultures champêtres qui font disparaître progressivement les forêts ripicoles, refuges des animaux. Parallèlement à cela, Les feux sauvages constituent l’une des calamités de loin les plus préjudiciables à l’environnement car ils empêchent le renouvellement des peuplements. A cela s’ajoutent la péjoration climatique, l’urbanisation, l’ouverture des marchés, la pluralité de référents, de modes d’intervention et de légitimités dans les procédures d’accès et de contrôle des ressources naturelles et l’inadaptation des textes législatifs. Ceci provoque une rupture durable et 3 inéluctable de l’équilibre du bassin versant à cause d’une augmentation de la demande alimentaire, fourragère, forestière et énergétique.

Les communautés riveraines du haut Tinkisso se trouvent ainsi confrontées à un défi : produire des aliments pour nourrir une population en augmentation constante tout en préservant la base productive des ressources naturelles. En d’autres termes, il s’agit de passer d’une exploitation non contrôlée des ressources du bassin de captage du haut Tinkisso à une exploitation plus rationnelle des ressources naturelles pour satisfaire des besoins vitaux en production d’électricité, des produits agro-sylvo- pastoraux, bref en lutte contre la pauvreté. Le fleuve Tinkisso pose aujourd’hui donc la nécessité de préserver son environnement physique qui lui offre les ressources de base indispensables au développement socio-économique de la zone.

Voilà pourquoi, l’UICN-PACO à travers son programme PREMI a lancé le projet « Restauration des Ecosystèmes et Payements des Services environnementaux » (REPASE) avec comme objectif général de promouvoir la gestion intégrée du bassin versant du haut Tinkisso à travers l’approche écosystème pour réduire les effets du changement climatique et accroître les bénéfices des communautés vivant en aval et en amont du barrage.

De façon plus spécifique, le REPASE cherchera à améliorer la gestion des ressources naturelles du bassin de captage du haut Tinkisso afin d’améliorer les conditions techniques, environnementales et socio-économiques de la réhabilitation du réservoir du barrage.

1. Le sous bassin du Haut Tinkisso, bassin de captage du barrage

1.1 Description du bassin hydrographique du Tinkisso

Le bassin de Tinkisso s’étend dans les préfectures de Dabola, Dinguiraye, Kouroussa et Siguiri. Les principaux affluents de Tinkisso sont : Fouba, Niankamba, Dalakoundian, Mountély, Chaise, Fankabéré, Maoundé, Sognessa, Koumoulou, Tiguissa, Koinden et Hérémakonon. Parmi ces affluents certains ont un régime permanent tandis que d’autres ont un régime intermittent.

4 Photo N°1 : Confluence Nialen-Tinkisso

Le tableau N°1 présente le portrait du réseau hydrographique du haut bassin du Tinkisso.

Tableau N°1 : Réseau hydrographique du haut bassin du Tinkisso

Cours d’eau Source CRD Régime Fouba Mont Walan Kindoye Permanent NianKamba Niankamba Bissikrima Permanent Dalakoundian Bouka Kankama Permanent Mountély N’dèma N’dèma Permanent Chaise Mont Walan Kindoye Permanent Fankabèrè Lee Kindoye Permanent Maoundé Mont de Dialibanden Kindoye Permanent Sognessa Mont Oursa CU Dabola Intermittent Koumoulou Mont Diabakanya- Kalaako Arfamoussaya Intermittent Tiguissan Kindoye Kindoye Intermittent Koinden Kindoye Kindoye Intermittent Hèrèmakonon Kindoye Kindoye Intermittent Source : Enquêtes de terrain (2010)

Le bassin du haut Tinkisso regorge également de grandes mares dont les plus importantes (à régime régulier) sont : Dala-oulen, Noridala, Dandindan, Triala et Dala-Koundian. En effet, en période d’hivernage, de vastes plaines sont inondées par les crues des principaux affluents de Tinkisso. Dans leur partie aval, ces plaines restent humides toute l’année et certaines gardent des mares pérennes.

Cependant, les systèmes hydrologiques des cours d’eau mineurs du haut bassin du Tinkisso sont caractérisés par des contrastes saisonniers et annuels très importants dans la partie aval. Les débits sont à leur maximum en fin de saison des pluies et en année humide, les crues peuvent inonder la vallée. Au maximum des pluies d’hivernage et pendant la période des crues, les vallées à fonds plats et les dépressions aux bords des rivières principales sont inondées de manière plus ou moins intermittente selon la topographie et la perméabilité des sols.

En année sèche, les rivières restent contenues dans leur lit mineur et après la fin de l’hivernage, les rivières reçoivent encore pendant deux ou trois mois, des apports provenant des nappes souterraines de tout le bassin versant du haut Tinkisso. Puis, les débits baissent rapidement et en fin de saison sèche, ils sont très lents ou nuls, ne laissant que des flaques d’eau stagnante ou à très faible écoulement.

Dès la fin des pluies aussi, les plaines s’assèchent par évaporation. Les nappes souterraines du haut bassin versant qui continuent de couler, permettent le maintien de l’eau à faible profondeur pendant quelque temps puis, avec l’avancement de la période de sécheresse, les niveaux d’eau de la nappe descendent à quelques mètres.

Le réseau hydrographique du haut bassin du Tinkisso est présenté sur la carte suivante :

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Carte N°1 : hydrographie du haut bassin du Tinkisso

1.2 Les écosystèmes en amont du barrage

Le bassin du Tinkisso est une pénéplaine partiellement recouverte de sable en surface ou en profondeur. Son fond est constitué de grès feldspathique ou de schiste. En amont du barrage émergent des falaises de grès et quelques collines schisteuses entre coupées par les méandres du fleuve Tinkisso

Photo N° 2 : Falaises en amont du barrage du Tinkisso 6 et ses principaux affluents. De nombreuses plaines s’étendent au pied de ces falaises. Ces plaines sont entre coupées par endroit par une mosaïque de savanes boisée, arborée et arbustive (SENASOL, 1985).

Dans le haut bassin du Tinkisso, on distingue six grandes unités de sols selon les critères taxonomiques ; ce sont : les sols squelettiques, les sols ferralitiques, les sols hydromorphes, les sols fluviaux alluviaux récents et les sols peu évolués d’érosion. Les sols alluviaux fluviaux récents sont situés dans les plaines où ils sont liés à la levée alluviale récente des cours d’eau. Ils peuvent présenter une nappe temporaire de plus ou moins de longue durée et des taches d’hydromorphie en profondeur. Leur texture dépend de la nature des alluvions. Elle est souvent limono-argileuse à argileuse. Sous le couvert de la galerie forestière, ils présentent un horizon humifère bien développé. Ces sols alluviaux ont une grande potentialité agricole ; ils sont rizicultivables. Ce sont des sols sans contrainte si ce n’est l’acidité. La mécanisation des travaux agricoles pour toutes ces plaines est facile. Cependant une fertilisation minérale s’avère indispensable pour augmenter les rendements. Ces sols se localisent surtout autour de la commune urbaine de Dabola et la CRD de Bissikirima donc en aval du barrage.

Les sols hydromorphes à hydromorphie temporaire et/ou semi-permanente sont situés sur des surfaces planes ou en faible pente. Ils sont formés sur des matériaux non consolidés (à l’exception de ceux recevant actuellement et périodiquement des dépôts alluviaux) et dont le profil subit un engorgement en eau total ou à une profondeur inférieure ou égale à 50 cm durant au moins 30 jours consécutifs de l’année.

Les sols ferralitiques divers (sans et/ou à taches modaux, gravillonnaires) présentent un profil peu profond avec une épaisseur supérieure à 30 cm et n’ayant pas d’hydromorphie de plus de 30 jours consécutifs de l’année à moins de 50 cm de profondeur. Ils reçoivent des apports colluviaux, mais aussi des apports alluviaux. En fonction de l’aspect du profil, deux sous-classes de sols ferralitiques ont été distinguées : sols ferralitiques gravillonnaires à éboulis profonds et sols ferralitiques sans taches / à taches.

Les sols ferralitiques gravillonnaires à éboulis profonds sont caillouteux des crêtes et des versants. Ils sont très bien représentés dans la zone, ils résultent du démantèlement des cuirasses et de l’altération des roches du substratum (dolérites, schistes, grès).Sur ces sols, les risques d’érosion sont élevés. Ils sont peu aptes pour l’agriculture à cause de leur pierrosité élevée (supérieure à 50%), pentes fortes, risque d’érosion et de sécheresse, fertilité difficile à entretenir.

Pour la mise en valeur de ces sols, il faudrait prévoir des cultures selon les courbes de niveau lorsque les pentes sont supérieures à 5% et prendre des mesures de protection anti-érosives (cordons pierreux et cordons biologiques) et éviter de brûler l’herbe. Cela est surtout nécessaire autour de la source du fleuve Tinkisso dans le secteur de Dialibanden. Les cultures possibles à cet effet sont les agrumes, l’arachide et le riz de montagne.

Les principales contraintes de ces sols sont la charge élevée en éléments grossiers (gravillons surtout) tant en surface qu’en profondeur, l’inaptitude à la mécanisation des travaux, la pente modérée à forte et le risque d’érosion.

Sur les sols ferralitiques sans taches / à taches, des phénomènes d’érosion tels que le glaçage et/ou les petites rigoles sont fréquemment observés lorsque le sol est mal couvert par la végétation. Par contre, les sols ferralitiques avec taches d’origine colluvio-alluviale sont généralement bonnes (perméabilité de surface, la porosité et la profondeur). Pour leur mise en valeur, il est évident que la mécanisation est possible. Cependant, il est conseillé de prévoir des cultures selon les courbes de niveau lorsque les pentes sont supérieures à 5%, et procéder à la fertilisation (minérale et organique). Un apport important de chaux serait nécessaire et il est aussi souhaitable de ne pas brûler les herbes. Les cultures possibles sur ces sols sont : le manioc, le maïs, le mil, l’arachide, les agrumes, les palmiers à huile. Il faut noter également que ces sols présentent des risques d’érosion élevés.

7 1.3 Les caractéristiques démographiques du bassin du Tinkisso

La population du haut bassin du Tinkisso est de 66 993 habitants, soit une densité faible de 15 hab/km² contre 37,2% au niveau national. La population âgée de moins de 20 ans représente environ

55 % de la population du haut bassin du Tinkisso. Le taux moyen d’accroissement de la population est de 3.1 %. Si la préfecture de Dabola est considérée comme modérément pauvre avec un taux de 61,2 %, les sous-préfectue de Kindoye et de Dogomet accusent un degré de pauvreté accentué avec respectivement de 83,6 % et de 69,7 %1. C’est pourquoi, on note l’important de l’exode rural des jeunes de 10 à 25 ans vers les centres urbains, à la recherche de conditions de vie meilleures

Cette population est essentiellement composée de Peuhls, Malinkés et quelques rares Guerzé, Sousous et Kissi. Elle est répartie entre de nombreux petits villages ne dépassant pas 200 habitants. L’habitat dans les villages est dispersé sur de grands territoires.

Photo N°3 : Village de Diallibanden

La pratique des haies est assez répandue, plus souvent pour protéger les cultures que l’habitat. Malgré une grande pratique des haies vives par les peuls du Fouta Djallon (région voisine), on observe dans le haut bassin du Tinkisso qu’il s’agit surtout de haies mortes consommant une grande quantité de troncs d’arbres.

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1 Ministère de l’Économie, des Finances et du Plan, 2007, Stratégie de réduction de la pauvreté 2007- 2010

Photo N°4 : Haies mortes à Saniessa

Les habitants du haut bassin du Tinkisso se définissent essentiellement comme des agriculteurs, quoique l’élevage y soit pratiqué par tous les habitants. Dans la plupart des villages, le nombre de bovins est proche ou même supérieur au nombre d’habitants.

La préfecture de Dabola est l’une des préfectures les plus pauvres de la Guinée et le niveau actuel de croissance de la pauvreté est très inquiétant. Les conclusions d’une étude de 2002 du ministère de l’économie et des finances visant à l’évaluer indiquent qu’environ 65 % de la population vit dans la pauvreté, avec un revenu de moins de 2 US$ (soit environ 1070 FCFA) par jour, et 21 % dans l’extrême pauvreté avec moins de 1 US$ (soit environ 535 FCFA) par jour. Le taux de pauvreté est élevé, spécialement dans les zones rurales riveraines du haut bassin du Tinkisso, ou 84,5 % des pauvres sont concentrés.

Cette détérioration constante des conditions de vie, due à la pauvreté, a encore appauvri la population. Dans cette situation, la population exerce une pression de plus en plus forte sur les ressources naturelles et l’environnement afin de survivre, abattant les arbres pour en faire du bois de chauffe et du charbon vendu dans les centres urbains. Par conséquent, les forêts, notamment les forêts galerie sont devenues l’une des principales sources de revenus pour la population, mettant en danger l’intégrité de l’écosystème de grandes étendues de terres forestières du haut bassin du Tinkisso.

1.4 Les caractéristiques socio-économiques

Les activités socio-économiques sont essentiellement dominées dans le haut bassin du Tinkisso par l’agriculture, l’élevage, la pêche, la foresterie et la fabrication de briques.

1.4.1 L’agriculture

9 Le haut bassin du Tinkisso regorge de plaines à grand intérêt agro-pastoral. Le système cultural est caractérisé par une culture itinérante sur brulis en amont du barrage. Sur les versants des montagnes et des plateaux mais également dans les plaines alluviales, bas-fonds et basses terres inondables en aval

du barrage, on note une agriculture sédentaire. Ici la mobilité des parcelles est fonction du niveau de fertilité des sols et de la durée des jachères.

Plusieurs spéculations sont pratiquées dans le haut bassin du Tinkisso. Ces spéculations concernent essentiellement le riz, le fonio, l’arachide, le mil, le sorgho, la patate, le haricot, le maïs et le manioc.

Le graphique N° 1 présente les superficies par spéculation dans la partie aval du barrage du Tinkisso. La riziculture occupe la plus grande superficie parmi les spéculations dans cette zone. Elle constitue une source de dégradation du bassin en raison de sa culture inappropriée qui se fait sur les coteaux.

Graphique N°1 : Superficie par spéculation en aval du barrage

Par contre dans la partie amont du barrage la plus grande superficie par spéculation est occupée par le riz suivi de l’arachide et du manioc. Le maraichage est faiblement pratiqué mais cette zone connait de plus en plus le développement de l’arboriculture fruitière (mangues et agrumes).

Les céréales notamment le riz, le fonio, le maïs, le mil et le sorgho, en association avec le haricot occupent près de 70% des superficies emblavées au niveau du haut bassin du Tinkisso. Cette prédominance des céréales est motivée selon les producteurs par la nécessité de couvrir les besoins alimentaires des (unités de production) UP par leurs propres productions. L’excédent céréalier s’il y a lieu, est stocké en prévision des années difficiles. Cependant, il est observé des ventes de céréales motivées par des besoins urgents pour faire face aux dépenses pour des raisons sociales.

Le riz est produit par la majorité des UP à des fins de consommation en frais au moment de la soudure. Une partie de la production de riz est prélevée pour les besoins des semences de la saison suivante. L’arachide est la principale culture de rente qui accompagne les céréales du point de vue de la superficie cultivée. La volonté d’étendre les superficies de cette culture existe chez la majorité des UP. Elle est liée à l’existence d’un marché local sous forme de transformation et au prix jugé rémunérateur au plan départemental, régional et national. C’est pourquoi selon les enquêtés, les superficies consacrées aux cultures de rente sont en croissance. Les cultures de contresaison (maraîchage) sont pratiquées au niveau des berges du fleuve Tinkisso et des mares.

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Photos N° 5 & 6 : Champs de patate et de riz le long du Tinkisso 11

Dans le haut bassin du Tinkisso, la durée des jachères s’est raccourcit ces quarante dernières années, passant de 8-10 ans dans les années 1970 à 3-5 ans dans les années 2000 (selon le Service de l’Agriculture de Dabola) en raison des effets combinés des changements climatiques et des activités anthropiques. Cette réduction de la jachère résulte aussi de la croissance démographique galopante (3,1% par an) occasionnant une extension de l’agriculture itinérante. Ce système d’agriculture entraine un épuisement des sols, une chute des productions et une augmentation des surfaces cultivées aux dépens des forêts ripicoles.

1.4.2 L’élevage

L'élevage joue un rôle important dans le haut bassin du Tinkisso. On y rencontre à la fois l’élevage traditionnel sédentaire mais également l’élevage transhumant. Mais l’élevage sédentaire est le mode le plus généralisé dans la quasi-totalité du bassin. Ce type est caractérisé par la divagation des troupeaux en saison pluvieuse autour des villages et /ou des champs. Pendant la saison sèche les animaux s’abreuvent dans le Tinkisso.

Le portrait du cheptel dans la préfecture de Dabola se présente comme suit :

140000 120000 100000 80000 60000 40000 20000 0 Bovins Ovins Caprins

Dans le bassin du Tinkisso, la tendance est à l’augmentation du cheptel. Cette augmentation des effectifs engendre des conséquences négatives sur l’environnement : la destruction de la flore et de la faune par la pratique des feux de brousse incontrôlés, la destruction des ressources fourragères herbacées et arbustives par piétinement, le piétinement autour des points d’eau et son corollaire la dégradation du sol par piétinement. En dépit de ces effets négatifs, il faut reconnaitre que l’élevage pourrait jouer un rôle important dans le processus de restauration des écosystèmes à travers la production d’importantes quantités de fumier et d’effluents nécessaires à la valorisation des sols, au repeuplement des espaces naturelles par la dissémination des semences d’essences forestières et fourragères, la valorisation des jachères et des espaces inutilisables par l’agriculture, bref contribuer au maintien d’un équilibre écologique de la zone.

1.4.3 La pêche

Le haut bassin du Tinkisso regorge de ressources halieutiques énormes mais pas suffisamment connues. La pêche est une activité qui est pratiquée de façon artisanale par deux groupes d’acteurs : des pêcheurs professionnels appelées Somono et occasionnellement par des paysans riverains qui pratiquent la pêche pendant la saison sèche et pour lesquels la pêche est une activité secondaire. Les outils de pêche utilisés par les communautés sont : les filets, les nasses, les palanges, les lignes appâtées et les techniques de barrage.

Cependant, souvent les communautés riveraines du Tinkisso font usage de pratiques négatives à la durabilité de l’activité de pêche. Il s’agit de l’utilisation d’explosifs et/ou d’engins de pêche interdits, l’utilisation de produits toxiques. Cela entraîne entre autres l’éboulement des berges, l’élimination des espèces aquatiques non matures et même la contamination des poissons pêchés.

La mauvaise utilisation des pesticides dans les activités agricoles, ainsi que l’utilisation de certaines plantes dans les activités de pêche constituent également des sources de pollution des ressources en eaux. 12 Toutefois, des actions sont à entreprendre dans le secteur de la pêche comme l’amélioration du système d’information, l’inventaire des ressources aquatiques, l’identification des acteurs potentiels ainsi que leurs motivations et modes d’intervention. La formulation et la mise en œuvre de micro

projets susceptibles d’améliorer les conditions économiques des pêcheurs et éliminer/ réduire l’ampleur des pratiques malsaines entraînant la dégradation du milieu.

Photo N°7 : Prise de pêche à Katyia Photo N°8 : Un pêcheur du village de Katyia

1.4.4 La chasse

En tant que partie intégrante du site Ramsar, le haut bassin du Tinkisso est une zone humide très riche en faune. Toutefois, cette faune est soumise à de fortes pressions. Selon les chasseurs autochtones enquêtés, la présence de groupes de chasseurs venus d'autres régions menacerait plusieurs espèces d'extinction. La spécialité de ces chasseurs serait la vente de chair d'animaux non consommés dans la zone pour des croyances religieuses.

Il s'agirait principalement de singes rouges, blancs et noirs, de phacochères, de cynocéphales, de chacals, de vautours, de panthères et de chimpanzés. La viande séchée serait acheminée pour la vente en Guinée forestière où ces espèces auraient disparu à cause de la chasse et des différences religieuses et culturelles. En outre, les réfugiés des guerres de la Sierra Leone et du Libéria, consommateurs des primates et des cochons sauvages, seraient aussi impliqués dans les activités de chasse. Ces constats ont été corroborés par les observations faites lors des déplacements avec les services des eaux et Forêts.

Actuellement, on note que les services des eaux et Forêts ne disposent d’aucunes statistiques sur l’évolution des espèces les plus menacées, mais également de moyens pour faire face à ce braconnage persistant. Cette faible capacité d’intervention des agents de l’Etat constituent une contrainte à la préservation et la gestion des ressources fauniques. Il y’a aussi l’insuffisance de connaissances sur l’état des ressources naturelles en raison de l’absence d’inventaires visant à actualiser la situation des différentes ressources. Il devient donc très difficile de planifier les mesures de bonne gestion.

1.4.5 L’exploitation de l’or

L’orpaillage traditionnel est une activité largement pratiquée dans le haut bassin du fleuve Tinkisso. Elle contribue à la dégradation de l’environnement par la modification du relief naturel et l’érosion de la couche superficielle du sol. En outre, l’exploitation artisanale de l’or engendre également des troubles considérables dans la composition de l’eau du fleuve ce qui provoque la mort des poissons par asphyxie. Elle est également source de pollution du fait de la remise en suspension des sédiments qui nuisent au bon développement du fleuve.

1.4.6 La production de briques

L’artisanat est très développé dans le bassin du Tinkisso. Cela s’explique fondamentalement par la richesse du sous sol en argile, la richesse floristique et l’urbanisation. Les principales manifestations 13 sont : l’extraction du sable et de gravier, la fabrication des briques et la poterie. Toutes ces activités ont des impacts différents, mais les extracteurs de sable/graviers et les fabricants de briques ont plus d’incidences néfastes sur les ressources du haut bassin du Tinkisso.

Photo N°9 : Fabrication de briques sur les berges du Tinkisso à Noumessoria

Les activités d’extraction du sable/graviers et de fabrication de briques cuites le long du haut Tinkisso contribuent à la dégradation des berges par la disparition de la bande de terres suite aux séries de prélèvement d’agrégats solides. Le fleuve se trouve ainsi exposé aux risques d’érosion par les eaux de ruissellement.

Avant les activités artisanales étaient considérées comme étant des activités informelles réservées à une certaine catégorie de personnes. Aujourd’hui cette approche dans le bassin n’est plus de mise compte tenu des difficultés liées à la subsistance (ABN, 2005). C’est ce qui explique l’importance des acteurs qui ont rejoint ce secteur.

2. Analyse des contraintes et potentialités dans le haut bassin du Tinkisso 2.1 Analyse des contraintes

Plusieurs contraintes sont identifiées ; elles concernent essentiellement :  La non intégration agriculture/élevage,  La compétition pour l'utilisation des terres entre l'élevage et l'agriculture,  Le manque de formation et la mauvaise gestion des terres agricoles et autres ressources naturelles du haut bassin,  L'insuffisance des infrastructures et des équipements de transformation,  L'insuffisance des données et des systèmes de planification et de suivi évaluation des activités du secteur des ressources naturelles,  La dégradation du couvert végétal et des sols par les feux de brousse et l’exploitation abusive des forêts,  L’enclavement de certaines localités qui constitue un obstacle à l’écoulement des produits agro-sylvo-pastoraux,  L’insuffisance d’intrants et de matériel agricole,  Le faible encadrement et formation technique des populations, 14  Le taux élevé de l’analphabétisme et le manque de formation des conseillers locaux constituent un handicap car ils fragilisent l’application des textes de lois relatifs à la gestion des ressources naturelles et à la décentralisation,

 La faible implication des femmes dans les actions de développement en raison de leur charge de travail.

2.2 Analyse des potentialités

Malgré les contraintes mentionnées ci-dessus, il existe dans le haut bassin du Tinkisso des potentialités ; il s’agit de:  L’existence de conditions climatiques, floristiques et pédologiques favorables à la diversification des cultures et à la pratique de l’élevage,  L’existence de zones potentiellement aménageables pour l’agriculture et l’élevage,  La présence du fleuve Tinkisso et du barrage permettent de développer les cultures hors saison, l’aménagement de rampes d’accès pour l’abreuvement du bétail, l’approvisionnement en eau potable et en électricité de certaines localités,  L’existence d’écosystème et de ressources naturelles favorables aux activités de cueillette et permettant aux communautés de générer des revenus indispensables pour leur survie,  La disponibilité de ressources humaines favorables à la pratique d’activités de protection de l’environnement au sein des différentes communautés,  L’existence des partenaires au développement et des programmes d’appui aux populations dont la pérennisation des actions permettrait d’améliorer les conditions de vie des communautés,  La responsabilisation des collectivités locales dans la gestion des ressources naturelles et l’animation du développement local,  L’existence d’organismes de base favorisant une bonne organisation des communautés,  L’existence de sites favorables au développement de l’écotourisme par exemple le barrage de Tinkisso,  L’existence de filières de commercialisation de produits végétaux, d’élevage et d’agriculture permettant d’accroître les revenus des communautés.

3. Dynamique actuelle de désenclavement de la zone

Beaucoup de sous préfectures de Dabola connaissent actuellement une dynamique de désenclavement. La sous préfecture de Dogomet se situe à proximité de l’axe routier Mamou-Dabola, tandis que Kindoye a été jusqu’ici très isolée. La situation a changé depuis l’ouverture récente d’une piste rurale reliant Dogomet à Marella sur l’axe Mamou-Faranah, passant par Kindoye après avoir franchi le Tinkisso grâce à un pont ouvert à la circulation routière. La quasi-totalité du bassin du Tinkisso se situe dans la sous-préfecture de Kindoye, seule une petite partie se situe dans la sous-préfecture de Dogomet. Il est à craindre que l’ouverture de la piste rurale reliant l’axe Mamou – Dabola à l’axe Mamou – Faranah, ait des impacts négatifs sur la faune, jusqu’ici protégée par son isolement. Déjà la route de Kindoye traverse l’habitat d’une population de chimpanzés dans lequel il ouvre une brèche. Celle-ci peut faire craindre des prélèvements de petits chasseurs, et surtout une emprise agricole croissante préjudiciable aux primates.

La route de Dogonet-Kindoye-Marella a été ouverte depuis quelques années déjà. Elle ouvre l’accès au centre du haut bassin du Tinkisso. La route Dogomet-Diallibanden mène à la zone amont du Tinkisso par le nord. Ces pistes rurales permettent certes le désenclavement des zones rurales, faiblement peuplées mais riches en ressources naturelles. L’ouverture se fait tant du côté de Dabola que de celui de Faranah. Ces zones constituent donc des cibles de choix pour l’exploitation des ressources en bois et leur évacuation. Le risque est d’autant plus grand que le service des Eaux et Forêts n’a pas d’agent dans la sous préfecture de Kindoye. Déjà un marché a été installé dans la zone de Diallibanden, ce qui permet aux populations d’évacuer facilement leurs produits, en particulier les piments.

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Photo N° 10 : Ouverture de la route de Diallibanden

Cette dynamique actuelle de désenclavement de la zone engendre de multiples contraintes à la gestion durable des ressources naturelles.

4 Les phénomènes de dégradation à l’œuvre et leur origine

4.1 Des ecosystèmes en voie de disparition

Les ressources naturelles du haut bassin du Tinkisso procurent aux populations l’essentiel des productions alimentaires, énergétiques et monétaires à travers l’agriculture, l’élevage, la pêche et l’exploitation des forêts. Cette dépendance a créé un déséquilibre entre les prélèvements et la capacité de reproduction des ressources naturelles parce que les différents utilisateurs riverains du haut bassin ont mis en place des systèmes d’exploitation non durables. Ces systèmes ont perduré pendant les trente dernières années.

En effet, l’agriculture itinérante entraîne des défrichements annuels énormes. Les pertes annuelles en terres arables sont en moyenne de 10 tonnes/ha et peuvent atteindre plus de 30 tonnes/hectare dans certaines zones (enquêtes de terrain 2010). Sur de nombreux sites du haut bassin du fleuve Tinkisso, la capacité de charge est largement dépassée et près de 26% des terres cultivées sont des terres marginales (enquêtes de terrain 2010). En plus, la pression exercée par le cheptel autour des points d’eau, entraîne le surpâturage, facteur de dégradation des sols.

Qui plus est, plus de 90% de l’énergie consommée dans la zone du haut bassin du Tinkisso est tirée des produits ligneux. Les besoins en bois sont estimés à 0,9 m³/habitant/an (enquêtes sur le terrain 2010). Par ailleurs, le rythme élevé de la croissance démographique, l’extension des zones cultivées, 16 l’augmentation des cultures (notamment l’arachide et le riz) et le déplacement progressif de la zone pastorale vers le bassin du Tinkisso à cause de la désertification et des conflits en Sierra Leone amplifient fortement la pression sur les terres arables et les terres marginales. La superficie des terres cultivées augmenterait en moyenne annuellement de 4,7%. Cette pression se manifeste par la surexploitation des sols liée à la réduction de la zone de jachère, à leur durée et à la concurrence croissante entre l’agriculture et le pâturage.

Cette surexploitation des sols se traduit par leur appauvrissement, leur érosion et leur ensablement progressifs. Ainsi, il y’a une perte annuelle des revenus agricoles due à l’érosion qui est estimée à 90.000 F CFA/ha selon les cultures et les pentes du terrain (enquêtes sur le terrain 2010). La dégradation des sols apparaît donc, comme un des facteurs majeurs de l’appauvrissement de la population et de dégradation du bassin de captage du haut Tinkisso.

Déjà, force est de noter que dans la partie amont comme aval du haut Tinkisso, il y’a une forte pression au niveau des coteaux et des plaines comme l’illustre le graphique ci-dessous.

Graphique N°3 : lieux de culture dans le haut bassin du Tinkisso

En outre, les services de l’Environnement de Dabola, en particulier le service des Eaux et Forêts sont peu pourvus en personnel, du fait de la faible attractivité de la zone pour les agents. A l’exemple de Kindoye, certaines sous préfectures n’ont pas d’agent local. Le service des Eaux et Forêts est également peu pourvus en moyens logistiques et de fonctionnement. De plus les grèves de 2007 se sont soldées par une destruction de la plupart des bâtiments administratifs.

4.2 Le défrichement systématique des galeries forestières le long des berges du haut Tinkisso.

On observe une forte dégradation généralisée des galeries forestières le long des berges du haut Tinkisso et de ses affluents. Cette dégradation est particulièrement marquée dans les plaines où les agriculteurs cherchent à gagner le maximum de terre sur la forêt jusqu’à ne laisser qu’un rideau d’arbres, puis à couper ce dernier laissant les berges entièrement nues et susceptibles à une érosion que rien ne retient. Dans bien des cas, les berges s’écroulent laissant la rivière emporter des mètres cubes d’une terre très convoitée.

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Photos 11&12 : Cultures sur les berges du Tinkisso à Noumésoria

Le phénomène est encore plus marqué au niveau des têtes de source. Ces zones isolées sont propices à une installation discrète malgré une règlementation interdisant toute activité agricole dans un rayon de 100 m autour des têtes de sources. Les agriculteurs y installent des bananeraies et font de la riziculture puis défrichent ouvertement, gagnant progressivement de l’espace agricole sur les forêts humides des fonds de vallée, puis sur les coteaux plus secs, aussi longtemps qu’ils ne sont pas dérangés, déguerpis par les services des Eaux et Forêts. Les têtes de sources du Tinkisso, vaste zone de résurgence s’étendant sur plusieurs ha, ont ainsi été colonisés par une dizaine de riziculteurs installés depuis plusieurs années.

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Photo N°13 : Tête de source du haut Tinkisso mise en culture

On notera que les têtes de sources sont nombreuses pour chaque affluent du Tinkisso, eux-mêmes nombreux dans ce relief très mouvementé. Avec cette mise en culture des têtes de sources donc la disparition des forêts d’altitude qui jouent un rôle d’éponge, il résulte un phénomène d’accentuation des crues et d’allongement des périodes d’étiage, préjudiciable au fonctionnement continu du barrage du Tinkisso. Cela est également propice à une accélération de l’érosion. Et on note qu’il s’agit là d’un phénomène assez généralisé dans le haut bassin du Tinkisso. 4.3 La déforestation des forêts classées

La détérioration constante des ressources du haut bassin du Tinkisso découlent également de la déforestation des forêts classées. En effet, la population exerce une pression de plus en plus forte sur les forêts classées afin de survivre, abattant ainsi les arbres pour en faire du bois de chauffe et du charbon vendu dans les centres urbains. Par conséquent, les forêts classées deviennent l’une des principales sources de revenus pour la population. Cela met en danger l’intégrité de l’écosystème de ces grandes étendues de terres forestières.

Le tableau N°2 dresse la liste des occupants illégaux de la forêt classée des chutes du haut Tinkisso. Le phénomène remonte au début de la deuxième république vers 1985 lorsque le régime politique est devenu moins coercitif et que l’emprise des services techniques se soit relâché. Tableau N°2 : Occupants de la forêt classée des chutes du Tinkisso en 2009

Villages ha sur les coteaux ha sur les plaines Gadriya 30,25 6,25 Koulakouya 42,75 13 Katiya 42 6,5 19 Tankony 50,5 - Kollo- Hamdalaye 16,25 3,85 Foula 73,85 2,75

Noumé-Soriya 8 4,5 Souaréla 10,5 - Total 281,1 36,85 Sources : Enquêtes sur le terrain 2010

On ajoutera à ces champs actuellement cultivés, une dizaine de jachères totalisant 59 ha. Au total c’est près d’un quart de la forêt qui a été défrichée. Parmi les 98 occupants recensés, on note que 37 ont planté des arbres fruitiers sur leurs terres pour montrer leur appropriation : manguiers, avocatiers, goyaviers, orangers, anacardiers. Il s’agit donc de personnes qui revendiquent un droit de propriété sur les terres de l’État.

Le service des Eaux et Forêts prétend que toute la population des villages connait les limites de la forêt. Cela est probablement vrai. Cependant on notera que la forêt d’une superficie de plus de 1.000 ha n’est délimitée que par 8 bornes. Quelques terrains de la rive droite ont volontairement été abandonnés après les intrusions régulières des hippopotames.

4.3.1 L’exploitation illégale du bois d’œuvre

Le nombre de tronçonneuses actuellement en circulation dans la zone du haut bassin du Tinkisso est estimé à environs 500. Celles-ci ont été introduites dans la zone par les réfugiés libériens qui avaient investi cette partie de la Guinée durant la guerre civile au Libéria. Le bois exploité est exporté vers alors que le bois manque sur le marché local. L’exploitation du bois sous toutes ses formes est très répandue dans le haut bassin du Tinkisso.

En effet, le Lingué, le Caïcedrat et le Venne sont les principales espèces utilisées comme bois d’œuvre. Danielia oliveri (Sandan) est également utilisé. L’exploitation du bois d’œuvre dure pendant 5 à 6 mois (décembre à mai) dans l’année. Ce sont les chinois qui expriment de plus en plus une demande forte de ce bois d’œuvre à partir de Conakry. Déjà à une époque très récente des chinois venaient à Dabola pour acheter directement aux producteurs et encourager la coupe.

Il est fort à craindre que l’ouverture de la route de Kindoye et celle de Diallibanden constituent un risque fort d’accélération de l’activité d’exploitation illégale du bois d’œuvre. Le bois de service est également utilisé dans la construction des maisons, des clôtures, des outils agricoles, des pirogues pour la pêche dans les localités riveraines du Tinkisso. Parmi les espèces les plus utilisées nous avons : Lophira lanceolata, Erytrophleum guineensis (manches des outils agricoles); Bombax costatum, Pterocarpus erinaceus (fabrication des pirogues), Holarena floribunda (fabrication des planchettes), le Bambou et le Raphia (construction des toits et charpentes des maisons, tissage des nattes, confection de lits).

Dans la zone du haut bassin du Tinkisso, la carbonisation et l’exploitation du charbon de bois sont également très fréquentes surtout dans les villages qui longent la route nationale et les pistes rurales réprofilées. La méthode de carbonisation utilisée est traditionnelle et provoque le plus souvent des feux de brousse. Le sac de charbon dit de 50 kg pèse en réalité en moyenne 22 (vingt deux) kilogrammes et ce dernier se vend entre 6 000 et 9 000 Francs Guinéens selon la saison. Il n’existe pas de statistiques sur la production du charbon dans les localités du haut bassin, toutefois selon la FAO la consommation annuelle par habitant est de 1,27 m3 de bois.

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Photo N°14 : Sacs de charbon sur la route de Kindoye

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Photo N° 15 : Camion transportant du charbon de Kindoye vers Conakry

Les coupes anarchiques du bois, les défrichements et déforestations incontrôlés pratiqués par les communautés pour la satisfaction des besoins en bois énergie et bois d’œuvre, ainsi que la recherche de terres agricoles au niveau des têtes de source sont à la base de la dégradation des ressources naturelles et de la perte de la biodiversité. Il résulte de ces pratiques la dégradation des berges, l’amplification des phénomènes érosifs et par ricochet l’envasement et l’ensablement du haut bassin du fleuve Tinkisso. Déjà le changement a négativement impacté sur le niveau d’eau dans le lit du fleuve.

D’ailleurs des modifications majeures ont affectées le haut bassin du Tinkisso au cours des dernières années. Les principaux agents de cette modification apparaissent très justement à travers le graphique suivant :

La déforestation La mise en culture La dégradation des des têtes de sources berges

Graphique N°4 : Les principaux facteurs de la dégradation du haut bassin du Tinkisso

L’analyse de ce graphique montre que la dégradation du haut bassin du Tinkisso est liée par ordre d’importance à la déforestation, à la mise en culture des têtes de sources et à la dégradation des berges. Tous ces trois facteurs engendrent l’envasement et l’ensablement du cours d’eau. Ces actions néfastes ci-dessus mentionnées sont exacerbées par les facteurs climatiques. Elles menacent l’avenir du barrage du Tinkisso.

5 Un barrage menacé-des bénéfices en sursis

5.1 Un barrage menacé Les signes évidents de dégradation ou de menace sur le barrage du Tinkisso sont très visibles. Des preuves irréfutables de la dégradation sont les matériaux charriés, arrachés ou soufflés qui comblent le lit du cours d’eau au niveau du barrage. L’un des résultats, c’est un barrage hydro-électrique qui n’a pratiquement plus de cuvette, celle-ci étant comblée par les sédiments qui se sont accumulés au fil du temps et forment à présent un banc de sable avec une plage au niveau du barrage.

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Photo N° 16 : Vue du barrage du Tinkisso en saison sèche

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Photo N°17 : Phénomène d’eutrophisation dans le lac du barrage du Tinkisso

Les causes majeures de ces phénomènes sont entre autres les cultures (au niveau des têtes de sources), la déforestation le long du cours d’eau, la dégradation des berges et la fabrication de briques le long du cours d’eau.

En outre, au niveau de la prise d’eau, malgré l’existence du dégrilleur, des fruits sauvages (forme ronde) provenant des arbres « djégou » en pular, situés en amont empêchent le fonctionnement normal des turbines par endroit. Ainsi, les roues doivent être démontées périodiquement pour extraire les graines sauvages qui obstruent l’écoulement de l’eau au niveau des aubes de la roue. Ces graines s’accumulent à divers endroits sur les pales au moment où la roue des turbines tourne pour entraîner l’alternateur ; ce qui affecte largement la production d’énergie par la diminution de la puissance de la roue des turbines.

Exemple : sur une puissance de 550 KW maximale par groupe, avec la présence des graines on ne peut obtenir qu’environ 250 KW. Au niveau de la prise d’eau également avec la présence parfois des troncs d’arbres et des feuilles mortes on remarque aussi une baisse de production des machines en raison de la diminution de la pression. Dans la salle des machines, en plus de l’obstruction des roues des pales des turbines par les fruits sauvages, on note le bouchage fréquent du circuit de refroidissement des paliers à cause de la qualité d’eau (eau sablonneuse). Pour palier à cela le démontage des paliers est effectué périodiquement pour leur débouchage.

Voilà pourquoi, de 6 bars de pression normale on ne peut plus parfois obtenir que 4 bars. Au sein du réservoir en raison de l’envasement et de l’ensablement, pour un volume initial à la construction de la centrale en 1972 de 345 000m 3 (volume théorique), actuellement il est réduit à environ de 80%; ce qui correspond réellement à un volume maximal de 6 900 m 3. Dans le même ordre d’idées, le volume utile revient à 22 600 m 3 au lieu de 113 000 m 3 initialement prévus.

Malgré tous ces problèmes, l’usine de production d’énergie a été rénovée en 2004. La puissance installée est de 3×550kw =1,7Mw et son hauteur de chute est à 65m. Les turbines ont été également construites (par la Chine) donnant du coup un débit nominal de 1,07m3/s, et une puissance optimale de 0,55 Mw. Nous rappelons que le type de turbines installées est Francis-Horizontal.

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Photo N° 18 : Turbines du barrage du Tinkisso

Le réseau interconnecté appelé «système Tinkisso» est constitué par des lignes aériennes de 30KV reliant les localités de Dabola, Bissikrima, Dinguiraye et Faranah ainsi que la centrale hydroélectrique de Tinkisso qui alimente ce système. Ce réseau de transport de 30KV a une longueur totale de 215 km. (Source : Ministère de l’Energie et de l’Hydraulique, EDG)

5.2 Des bénéfices en sursis

Présentement, suite aux effets néfastes de l’ensablement, de l’envasement et de l’eutrophisation, tous les consommateurs d’énergie utilisent des lampes économiques de 18 Watts à la place des ampoules incandescentes de 60, 80 et 100 Watts. Cela permet d’engendrer une forte économie d’énergie et fait diminuer les délestages habituels pour les 1300 abonnés de Dabola et de Bissikirima. Trois contraintes fondamentales sont à soulignées pour le fonctionnement du barrage à savoir : la gestion durable du bassin de captage du fleuve Tinkisso, la vétusté des installations (réseaux) et l’extension du réseau dans les quartiers périphériques.

En effet, la dégradation des ressources naturelles du haut bassin du Tinkisso provoquent la perte de nombreux services environnementaux qui sont à la base de la production d’électricité du barrage et du développement socio économique des populations. Ces services sont en général peu connus par les collectivités locales et les décideurs. Ainsi, ils sont rarement pris en compte dans les études de faisabilité technique en raison du manque d’information. L’avenir du barrage du Tinkisso repose sur des actions de protection des berges du fleuve, de protection des forêts galerie, de pratiques culturales et pastorales moins érosives , une sensibilisation des populations riveraines à mieux protéger les 25 ressources du bassin de captage et l’élaboration de mesures incitatives efficaces qui encourageraient les utilisateurs des terres à adopter des pratiques durables.

C’est la seule condition pour que les populations de Dabola, Dinguiraye, Bissikirima et Faranah soient durablement desservies en énergie électrique en toute saison et régulièrement.

5.3 Solutions envisagées pour mieux gérer le haut basin du Tinkisso

Dans le haut bassin du Tinkisso, les populations humaines et animales sont en croissance rapide. Cette situation combinée à la pauvreté est source de la dégradation des ressources naturelles. Le bassin de part son climat, son relief, son hydrographie, sa végétation et son sol possède une grande variété d’écosystèmes fragiles dont la vulnérabilité aux effets des changements climatiques et des activités anthropiques est très marquée.

La protection des écosystèmes s’impose comme une nécessité pour atténuer les effets néfastes des changements climatiques et des activités anthropiques et assurer le bon fonctionnement du barrage. Cette protection est utile en raison du potentiel faunique, de la flore présente dans le haut bassin du Tinkisso. Elle pourrait ainsi se faire par la mise en place d’une stratégie de gestion intégrée des ressources naturelles et de paiement des services environnementaux. Il est urgent de développer des stratégies de gestion des ressources naturelles du haut bassin du Tinkisso qui consistent à :  Prévenir la dégradation et restaurer les écosystèmes critiques La protection de certains écosystèmes, surtout les plus fragiles tels que les crêtes et flancs de montagnes, les têtes de source, les berges des cours d’eau et mares.  Renforcer la gestion des ressources forestières Renforcement des ressources forestières qui consiste à reboiser et à restaurer voir même à augmenter les espaces boisés en réalisant des plantations forestières pour la production du bois d’œuvre et d’industrie. Cela passe par la plantation d’essences forestières à croissance rapide pour le bois énergie et de service et la restauration des anciennes carrières d’exploitation minière, le long des cours d’eau et les têtes de source.  Aménager les plaines d’inondation et soutenir les cultures de décrue L’aménagement des plaines et des bas-fonds contribue à réduire la pression de la riziculture pluviale itinérante sur les forêts et les têtes de sources.  Valoriser le potentiel pastoral  Promouvoir des technologies d’économie d’énergie La promotion des technologies d’énergie contribuera à réduire la pression sur les ressources forestières en diminuant la consommation de bois énergie qui constitue actuellement la principale source d’énergie domestique des ménages dans le haut bassin du Tinkisso.  Vulgariser des pratiques anti-érosives pour protéger les cultures et freiner l’ensablement des cours d’eau. Dans le haut bassin du Tinkisso les paysans sont peu formés à opposer des réponses efficaces aux facteurs d’érosion et à entreprendre des actions de lutte anti-érosive. Il est cependant démontré que des modèles de lutte mécanique ont fait preuve d’efficacité. Il s’agit de vulgariser ces modèles à de grandes échelles en vue d’enrayer ou d’atténuer le phénomène de l’érosion.  Promouvoir des activités génératrices de revenus La promotion des activités génératrices de revenus permettra aux populations pauvres de subvenir à leurs besoins essentiels tout en atténuant leur pression sur les écosystèmes et leurs ressources. Comme activités à mener dans ce cadre on peut citer : la promotion des cultures maraîchères et l’élevage de petits ruminants.  Promouvoir l’information, l’éducation et la communication (IEC) sur les ressources naturelles Cette option permettra d’informer, d’éduquer et de sensibiliser les riverains du haut bassin du Tinkisso 26 sur les Conventions Cadres des Nations Unies sur l’environnement (Changement Climatique, Biodiversité et Lutte contre la désertification). Ensuite, il sera question de diffuser et d’expliquer les

contenus des différents textes régissant la gestion des ressources naturelles et de l’environnement en Guinée.

6 La stratégie de mise en œuvre du projet

Le projet sera mis en œuvre par l’UICN-PACO, au sein du programme PREMI en collaboration avec des institutions nationales en Guinée.

6.1 Organisations partenaires dans le projet:

La mise en œuvre du présent projet requiert la mise en place d’un partenariat avec plusieurs acteurs concernés par la gestion des ressources naturelles du haut bassin du Tinkisso. En effet, de nombreux projets ont déjà travaillé dans la zone de Dabola, tels que le projet bassins versants à partir de 1992, devenu AGIR. Ce projet s’est achevé en 2005. Au dire des représentants des services techniques, les résultats sont peu visibles. Le projet Fouta Djallon mis en œuvre par la FAO va s’inscrire dans les mêmes sous-bassins versants qu’AGIR.

Deux sous bassins sont situés dans le haut bassin du Tinkisso : la partie amont du Nialen un affluent de la rive gauche du Tinkisso, situé à faible distance du barrage et l’amont du Mini, un affluent de la rive gauche de la Bouka. La principale critique faite à ces projets est de ne pas avoir travaillé en synergie avec les services techniques. Il en résulte un manque d’appropriation des actions entreprises, c'est-à-dire de faibles progrès au sein de ces services et en définitive, un arrêt du suivi. Plus récemment le GIRENS a installé un comité local de l’Eau à Dogomet, qui fonctionne de façon encore timide.

Pour éviter tous ces échecs, cette initiative de restauration des écosystèmes du haut bassin du Tinkisso sera en lien avec plusieurs initiatives au niveau régional, national et sous-régional:  Au niveau régional, on notera l’initiative du projet AGIR, dont elle constitue un axe majeur ;  Au niveau national et sous-régional, cette initiative est en lien direct avec :  Le projet massif du Fouta Djallon du Consortium FAO-UA;  Le projet pour la lutte contre l’ensablement du bassin du Niger; Pour sa réussite, le présent projet bâtira sur les leçons apprises et mettra en avant :  Les cadres de développement local, notamment les cadres stratégiques de lutte contre la pauvreté, mais aussi les lois et textes réglementaires sur la décentralisation adoptés par la Guinée.  le plan quinquennal 2009-2012 de l’UICN-PACO et le programme régional eau et zones humides, qui abrite le PREMI et dont l’objectif est le renforcement des moyens d’existence et la croissance économique durable par la gestion intégrée des ressources naturelles en Afrique de l’Ouest.  les priorités de la région ouest africaine tracée par la CEDEAO, notamment à travers sa politique agricole (ECOWAP) et sa politique environnementale (ECOWEP).

De nombreuses hypothèses sous tendent ce projet et guideront ces activités:

1. Il existe des technologies et stratégies de gestion des ressources naturelles capables de renverser les tendances de dégradation des ressources et améliorer les moyens d’existence des hommes et des femmes concernés. Toutefois leur mise en application nécessite l’adhésion des bénéficiaires et leur formation à la mise en application de ces technologies et stratégies. 2. Les communautés et les collectivités locales sont capables de gérer durablement les ressources naturelles du haut bassin du Tinkisso et d’en tirer des richesses pour améliorer leurs conditions de vie, mais elles ont besoin d’accompagnement. 3. L’influence des politiques est un facteur indispensable à la durabilité des résultats et acquis du 27 projet et surtout leur vulgarisation à large échelle. En conséquence, leur implication dans le processus s’avère indispensable. Des actions vigoureuses de lobbying, de plaidoyer, de sensibilisation et de

formation à leur endroit devraient permettre de promouvoir et d’assurer une prise en charge de la réhabilitation du barrage et la mise en place d’un système de paiement des services environnementaux. Dans le cadre de la mise en œuvre du projet, il sera développé des partenariats en vue de créer une synergie d’action avec les actions en cours et celles en achèvement déjà identifiées. Outre le partenariat avec le projet massif du Fouta Djallon, le projet collaborera de façon très rapprochée avec les services techniques, les collectivités locales et les ONG locales.

6.2 Association et partenariat avec les groupes d’intérêts présents dans la zone

Dans la zone du haut bassin du Tinkisso, il existe des associations et groupes d’intérêts à l’échelle des villages. Les principales formes de regroupement des populations locales sont les associations paysannes formées dans tous les villages. Le niveau de participation des populations locales à ces associations est appréciable. Et d’ailleurs dans certaines localités comme les districts de Kalela et de Toumania, des forêts communautaires ont été mises en place et les associations paysannes cherchent des appuis pour leur gestion mais également l’aménagement des plaines rizicultivables le long de Tinkisso.

7. Les paiements pour les services environnementaux

Dans le haut bassin du Tinkisso, les effets des activités anthropiques combinés à ceux des changements climatiques ont des répercussions négatives sur le couvert végétal. Étant donné la forte dépendance des populations vis-à-vis des écosystèmes pour leur subsistance, les besoins en consommation de produits ligneux sont de plus en plus croissant. Cette situation entraine la perte de nombreux services environnementaux qui sont à la base des moyens de subsistance et du développement socio économique des populations. Ces services sont en général peu connus par les collectivités locales et les décideurs. Ainsi, ils sont rarement pris en compte par les marchés en raison du manque d’information ou de sensibilisation des consommateurs ou de l’absence de mesures d’incitation efficaces qui encourageraient par exemple les utilisateurs des terres à adopter des pratiques durables.

Le système de paiement des services environnementaux vise à combler cette lacune en internalisant les avantages par la création de mesures d’encouragement de la prestation des services environnementaux. La mise en place d’un tel système nécessite la disponibilité d’informations scientifiques fiables sur les services environnementaux pouvant faire l’objet de transactions marchandes.

En tenant compte des écosystèmes existants dans le basin de Tinkisso, plusieurs services environnementaux peuvent être ciblés. Dans la perspective de la mise en place d’un système de PSE, il est possible d’envisager la protection des ressources en eau pour une exploitation à des fins d’alimentation en eau potable et de production d’énergie électrique ; la protection de la biodiversité en vue d’une exploitation durable et à des fins scientifiques et pharmaceutiques ; la préservation des écosystèmes, des formes de vie et de la beauté des paysages naturels pour le tourisme.

Ce système de PSE pourrait porter essentiellement sur la conservation et l’exploitation durable des ressources forestières dans le bassin, ainsi que sur certaines pratiques d’agrosylviculture ou d’élevage. Les services ci après pouvant être fournis par les écosystèmes forestiers du bassin et peuvent être ciblés par l’option de PSE à retenir : la régulation du débit du Tinkisso, la gestion de la qualité de l’eau du fleuve, le contrôle de l’érosion et de la sédimentation, la régulation de la nappe phréatique dans la zone du bassin, la gestion des habitats aquatiques. En partant de cela, il est envisageable de considérer ces quelques services :  Prélèvement de l’eau pour l’irrigation et le maraichage  Adduction d’eau  Abreuvement du bétail  Prélèvement d’eau pour des activités industrielles (constructions de routes, exploitations minières)  Bois énergie pour les besoins ménagers 28  Bois pour la production de charbon de bois  Bois de service pour les besoins des ménages  Bois de service pour l’artisanat

 Bois d’œuvre par l’industrie du bois De toutes les façons, il serait nécessaire de mener une étude pour la mise en place d’un système de PSE dans le haut bassin du Tinkisso. Les entretiens avec les communautés riverains du barrage (en amont comme en aval du barrage) ont révélé qu’elles étaient bien conscientes des enjeux d’ordre économique, écologique, et social liés au bon fonctionnement du barrage et au paiement des services environnementaux. Sous réserve d’un contrôle approfondi sur la base d’une revue de la législation fiscale en vigueur en Guinée, il faut approfondir la question relative au paiement des services environnementaux en mettant l’accent aussi sur l’approche (population cible) que sur le contenu (détail des services environnementaux à considérer), ceci après une revue soignée de l’existant en matière de services environnementaux payants.

7.1 Les questions en suspens

Aujourd’hui, malgré nos recherches nous n’avons pas encore une idée précise sur des questions comme : 1. Combien coûtera le curage et la réhabilitation du barrage du Tinkisso ? 2. Combien de temps faudra-il pour réduire le processus de dégradation et la réhabilitation des écosystèmes du haut bassin du Tinkisso?

Conclusion

Le haut bassin du Tinkisso est une zone à grandes potentialités agro-sylvo-pastorales. La mise en valeur de ces potentialités nécessite un effort de planification agricole et pastorale et de protection de son écosystème dont le bon fonctionnement du barrage en résulte. On constate actuellement qu’il ya une tendance à la dégradation des ressources due aux activités anthropiques et exacerbée par les changements climatiques. Si la tendance à la dégradation des terres et des eaux n’est pas renversée, le niveau de vulnérabilité des ressources et des communautés augmentera dans un contexte de faible capacité d’adaptation des communautés. Le système agro-sylvo-pastoral en souffrirait énormément en raison la pauvreté des sols, de la raréfaction des ressources en eau et du manque de nourriture pour le bétail. Cela pourrait avoir aussi des conséquences néfastes sur la sécurité alimentaire dans les communautés et le fonctionnement du barrage.

Il faut donc restaurer les écosystèmes pour maîtriser ce fléau et le rendre moins nuisible. Cela consiste à avoir une démarche systématique établie sur une approche cohérente, pour faire face à cette situation. Cela doit aboutir à la mise au point d'une nouvelle stratégie de gestion des ressources naturelles mettant en exergue à la fois les notions d'aménagement et de gestion des ressources du haut bassin du Tinkisso et l'option d'action décentralisée, rendant aux populations les responsabilités qui sont les leurs. C'est ainsi l’une des rares approches qui ait pu être définie en mettant au centre de la gestion des ressources naturelles du bassin les populations.

La mise en œuvre du REPASE offre ainsi un intérêt tout particulier dans la mesure où elle permet de faire clairement apparaître les enjeux liés à la gestion durable des ressources naturelles du haut bassin du Tinkisso. Le REPASE permettra de déboucher effectivement sur une transformation des attitudes, des décisions et des comportements dans la gestion des ressources naturelles du bassin mais également au respect des intérêts collectifs et individuels des habitants du bassin du cours d’eau à travers le paiement des services environnementaux.

Le présent projet initié par l’UICN-PACO a pour but d’aider à la résolution de ces questions majeures. Il mettra l’accent sur : le renforcement des capacités et l’information des acteurs du haut bassin du Tinkisso, le suivi des ressources du bassin, notamment des têtes de sources et des forêts galerie, la prévention des conflits et le développement d’outils de gestion et de cadre référentiel pour la gestion concertée et durable des ressources du bassin. 29

Bibliographie

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