BICENTENADE LA CHAMBRE DE COMMERCE ET D’INDUSTRIEIRE ET AUBE Avant-propos - p. 7 - Gare routière de voyageurs de Troyes : comme sur des roulettes Par Sylvain Convers, - Le port de Nogent-sur-Seine émerge des limbes président de la CCI Troyes et Aube. - L’aérodrome de Troyes-Barberey pour faire décoller l’économie locale - Centre commercial de Chantereigne à Préambule La Chapelle-Saint-Luc : trente-six ans de règne 1817, un autre monde- pp. 9 à 15 pas toujours enchanteurs - Base aérienne de Brienne-le-Château : Le contexte historique, économique, politique le Département et la CCI volent de conserve et social en 1817 à Troyes et dans l’Aube, - Immobilier d’entreprise : quand la CCI prend en France et dans le monde. le relais du privé

- Troyes en 1817 : malpropre et industrieuse 2) La CCI acteur de la vie économique - Au sortir des occupations de 1814 et 1815 - Un peu de pittoresque - Délimitation de la Champagne viticole : - Et l’Aube dans tout ça ? la chambre monte au front - Naissances et disparitions en 1817 - Cette année-là, en 1911 - Cette année-là, en 1817 - Des études en pagaille, ou quand la chambre - Le contexte politique s’intéresse à tout - Exposition universelle de Londres : Première partie do you speak english ? Les grandes dates - pp. 16 à 25 - Musée commercial : les promesses du Tonkin et de la Cochinchine Création, implantations successives, - Quand la chambre s’attachait les services transformations organiques, évolutions d’un explorateur statutaires et changements de nom. - Emissions de billets pendant la guerre : et la chambre battit monnaie - Le texte fondateur : l’ordonnance royale - Garantie aux sociétés de construction : du 7 mars 1817 l’aide à la pierre - 1817-1818 : la chambre prend ses marques - Champex : la chambre de commerce - D’abord SDF… puis la vie de “château” dans la peau d’un actionnaire - Retour aux sources : à l’origine - Du devoir d’information de la CCI : la presse des chambres de commerce consulaire - Vous avez dit « consulaire » ? - Parc des expositions de Troyes : pour faire - La longue ascension des chambres rayonner le département - Une chambre, trois noms - Gare Routière Internationale de Champagne : - Un centenaire confidentiel créée pour les transporteurs - Des effectifs en hausse - Troyes Aviation navigue entre public et privé - Troyes, la 27e chambre - Développement économique : du Comité d’action promotionnelle de l’Aube à Aube Développement, Deuxième partie l’emploi comme enjeu Deux cents ans d’action - pp. 26 à 81 - L’observatoire économique, un généraliste spécialisé dans les magasins d’usine La passion de servir. Un engagement - Aéroport Paris-Vatry : un pari sur l’essor sans faille. La chambre présente sur tous économique régional les fronts de l’économie. - Magdus, LE spécialiste des magasins d’usine

1) La CCI aménageur du territoire 3) La CCI promoteur de l’enseignement

- ZI de La Chapelle-Saint-Luc, naissance d’un géant - L’irrésistible ascension de “l’Ecole de commerce” - L’eau, un investissement rentable - Cette année-là, en 1962 - Cette année-là, en 1956 - Les cours du soir sources d’espoir - Autres zones industrielles : la ruralité pas oubliée - L’Ecole française de bonneterie : à l’école des chefs - Station de pesage public de la gare des Marots : - Cnam, Cefope, ADPS… : la chambre la chambre met tout son poids dans la balance se démultiplie 4) La CCI vecteur de progrès Quatrième partie Aujourd’hui - pp. 90 à 99 - Le modernisme tient à un fil : naissance du téléphone à Troyes Rôle et missions de la CCI. Statut, - Cette année-là, en 1884 organisation et mode de fonctionnement. - Comptoir d’escompte, Comptoir de la Banque Elus et permanents. de France, commerce extérieur : des initiatives couronnées de succès Cadre et fonctionnement - La chambre de métiers, fille de la chambre de commerce - Un statut original - Bureau des douanes : en route vers - Une gouvernance collégiale des horizons lointains - Un budget abondé par les entreprises - Bureau de conditionnement public - La CCI en bref des matières textiles : au-delà des besoins Des services et des hommes 5) La CCI agitateur social - Le guichet unique des entrepreneurs - Quand la chambre déroulait le tapis - Au service des employeurs aubois à la Croix-Rouge - L’information, le nerf de la guerre - Cette année-là, en 1870 - La promotion par la formation - Association pour la défense du travail national : - Une vocation d’aider les ressortissants vive le made in France ! - Un rôle d’animateur/organisateur - Service postal : la chambre briseuse de grève ? - Une fonction de développeur - Au secours des victimes d’inondation, - Le porte-parole du monde économique des minotiers et des chômeurs - Au service de la Nation : l’emprunt Cinquième partie de la Libération Témoignages - pp. 100 à 111

Troisième partie Interview croisée des deux anciens présidents, Côté coulisses - pp. 82 à 89 Didier Papaz et Dominique Lemelle, et de leur actuel successeur, Sylvain Convers. Les mémoires d’un ancien directeur général, ou l’histoire secrète de la CCI. Coulisses Annexes - pp. 113 à 123 et anecdotes avec Serge-François Martinez. Chronologie historique - Quand la taxe transport a été mal aiguillée Réalisations de la CCI - Quand la bataille du rail a été perdue Liste des présidents consulaires (mais pas la guerre) Composition actuelle de la CCI - Quand le sort de Marques Avenue s’est joué Directeurs généraux depuis 1960 à une voix Directeurs d’Aube Développement - Quand la vie de l’école de commerce n’a tenu Bibliographie et sources documentaires qu’à un fil - Quand l’Ecole des mines de Paris a failli Remerciements - p. 125 venir à Troyes - Quand la CCI et le Département jouaient Crédits photographiques - p. 127 à “je t’aime moi non plus” - Quand l’industrie textile régnait Auteurs - p. 128 sur la chambre de commerce - Quand Romilly-Nogent voulaient créer leur propre CCI - Quand la CCI et la CMA auraient évité de se croiser

5 La chambre de commerce de Troyes est « une vieille dame qui n’aime pas beaucoup parler d’elle » (Georges Babeau, président de 1954 à 1959) otre chambre a vécu mille choses en deux siècles d’une existence pleine, intense, féconde en projets et en réalisations. Une vie mouvementée, parfois, avec des épreuves, toujours surmontées. C’est ça aussi, la vie Nd’une chambre consulaire ! Elle a ainsi, depuis sa naissance en 1817, participé activement à l’écriture de l’histoire économique de Troyes et du département de l’Aube. C’est sur ce socle d’actions qu’elle s’est construite et qu’elle est aujourd’hui en capacité de se projeter dans l’avenir. Pour avancer avec enthousiasme et dé- termination. Mais également en toute humilité, car rien n’est simple. La cause de l’économie est un combat mené au quotidien, sans relâche, sans certitude.

Ce livre anniversaire est l’occasion de donner un coup d’œil dans le rétroviseur et de mesurer le chemin parcouru. Des centaines de chefs d’entreprise se sont relayés pour participer à cette œuvre collective, exigeante et passionnante, au ser- vice du développement économique et du territoire. Ces membres élus de la CCI de Troyes et de l’Aube ont, chacun à leur manière, apporté leur pierre à l’édifice. Des personnalités à fort tempérament ont tenu le gouvernail et, parmi les prési- dents marquants, je pense tout particulièrement à Jean Toggenburger, qui s’ins- crit dans l’histoire récente. C’est lui qui a mis le pied à l’étrier consulaire à nombre d’entre nous. Il a montré le sens de l’engagement et suscité des vocations. J’ai beau- coup appris à ses côtés. Didier Papaz, issu du commerce, Dominique Lemelle, de l’industrie, et moi-même, professionnel des services, avons été amenés à assumer, tour à tour, la présidence de la chambre en ce début de XXIe siècle.

Dans un monde en profonde mutation, ensemble, nous travaillons toujours tous les trois au sein du bureau de la CCI. Avec les élus, les équipes de permanents et nos différents partenaires, tous décidés à franchir de nouveaux caps, nous conju- guons nos complémentarités pour écrire la suite. Ces nouvelles pages, nous espé- rons vivement qu’elles seront aussi belles et denses que celles rapportées dans cet ouvrage. Il est le témoignage indélébile d’un ancrage puissant dans le panorama économique et sociétal aubois. Mais aussi la démonstration de notre investisse- ment en l’avenir.

Sylvain Convers, président de la chambre de commerce et d’industrie Troyes et Aube 7

Préambule

1817 UN AUTRE MONDE

Le Troyes de 1817 a peu de choses à voir avec le Troyes de 2017. Nous en avons néanmoins conser- vé quelques traits : le travail du textile bien sûr, mais aussi une architecture restée dans son jus. La chambre de commerce naît dans un contexte difficile à la fois sur le plan politique — c’est celui de la Restauration — et sur le plan économique : la ville vient d’être saignée par l’occupation étran- gère. C’est aussi une année de disette pour la population, qui manque de nourriture. Selon les observateurs de l’époque, la cité tricasse n’est pas très engageante, et les habitants souffrent d’un manque d’hygiène certain.

Scène de rue saisie sur le vif par Charles Fichot devant l’église Saint-Jean-au-Marché, épicentre des foires de Champagne à Troyes. 9 Troyes en 1817 : crasseuse et industrieuse

Le Troyes de 1817 ressemble assez peu au Troyes que nous connaissons, hormis d’évidentes similitudes ar- chitecturales dont s’enorgueillit la ville actuelle. Il faut imaginer une communauté de 25 000 âmes environ encore enfermée dans ses remparts, à l’intérieur desquels se dessine déjà le tracé du futur canal.

Voici la description faite par deux voyageurs de cette paisible cité manufacturière. Le tableau d’ensemble n’est guère flatteur, même s’il commence plutôt bien. Ecoutons Jean-Baptiste Moreau, qui rapporte le récit de ses périples sur les routes de France et d’Europe dans les années 1810. « Troyes est assez grande avec de beaux monuments parmi lesquels on distingue la cathédrale. La plus grande place de la ville est celle où, tous les samedis, se tient le marché au grain. Certaines rues sont larges et belles, par contre d’autres sont étroites et malpropres ; les maisons sont pour la plupart construites en bois. »

Ce dernier détail attise la curiosité d’un second voyageur, l’historien Georges-Bernard Depping, qui effectue le trajet de Paris à Neuchâtel en 1812. « En entrant dans la ville on est frappé de sa physionomie particulière. Il y a peu de villes dont les maisons se ressemblent autant entre elles que celles de Troyes ; c’est dans toute la ville le même style ; des maisons bourgeoises, hautes et étroites, accolées les unes aux autres, et construites de bois de charpente dont les interstices sont remplis de pierre ou de plâtre. Le toit se termine en pointe, et sur le devant une saillie en forme d’ogive en joint les deux bouts ; le rez-de-chaussée est élevé de quelques marches, et un petit escalier conduit de la rue dans des caves profondes de huit à dix pieds. On voit des maisons semblables dans le quartier de la Cité à Paris, et dans d’autres villes de l’ancienne France ; c’était la manière de bâtir de la bourgeoisie commerçante, dans les quinzième et seizième siècles. »

La suite du récit de Georges-Bernard Depping donne un aperçu assez précis du labeur de la ville et de… l’état sanitaire de sa population. « Lorsqu’en traversant les rues de Troyes, on entend le bruit des métiers à tisser, depuis les caves jusqu’aux plus hauts étages, on serait tenté de prendre la ville pour un grand atelier dont les ouvriers sont répartis dans des demeures d’une égale structure et convenables à leur état. Les boutiques sont généralement petites et tristes ; on voit qu’elles ont été faites dans un temps où les marchands se piquaient plus de fournir de bonnes marchandises et d’avoir un bon renom, que d’étaler avec élégance. » Le voyageur poursuit le portrait de la cité en écrivant que « encore aujourd’hui les deux tiers de la population de Troyes vivent de la fabrication des bas, des bonnets, des futaines, des molletons et des cuirs ».1

Une cité hérissée de clochers d’églises et ceinturée de remparts : telle apparaissait la ville de Troyes à l’époque où la chambre de commerce a vu le jour (gravure anonyme). L’auteur établit un lien de causalité entre l’industrie locale et la santé des habitants. « Cette ville est traversée par plusieurs canaux de la Seine, très étroits, qui n’ont point d’air, et sur les bords desquels sont bâties des maisons et des lavoirs. Les ouvriers qui ont besoin d’eau, tels que les teinturiers, les tanneurs et les cardeurs de laine, occupent des maisons derrière lesquelles passe un canal ; tous les déchets et toutes les immondices s’accumulent dans ces cloaques infects. On ne peut passer sur les petits ponts qu’on rencontre de distance en distance, sans avoir le cœur soulevé à la vue de ces égouts qui sont presque couverts des maisons de bois qui les bordent. » Le voyageur assène le coup de grâce en notant que « la classe ouvrière excite la pitié, étant fréquemment attaquée de maladies scrofuleuses qui, malheureusement, se propagent de père en fils », et « qu’on verra toujours dans cette ville le spectacle hideux d’un peuple languissant et succombant à la maladie qui mine sa constitution »… La disette qui sévit ces années-là n’arrange sans doute pas les choses. L’histo- rienne Françoise Bibolet écrit, dans Histoire de Troyes, que « la région, déjà épuisée par les guerres (voir texte), subit un déluge en 1816 qui ravagea les récoltes, de sorte que, l’année suivante (celle de la création de la chambre de commerce), la disette obligea les plus pauvres à ne se nourrir que de pain mêlé d’avoine ».

Dans son ouvrage Des Tricasses aux Troyens d’aujourd’hui Jacques Schweitzer indique que la maladie de la pierre (autrement dit les calculs rénaux ou urinaires) tue 1 228 Troyens par an en moyenne entre 1820 et 1830. On sait aussi que le futur canal est un foyer d’infection. Jean-Louis Peudon rappelle, dans sa monu- mentale somme consacrée Aux origines du département de l’Aube, que les travaux de percement, entrepris en 1807, ont été interrompus en 1814 à cause de la guerre. Laissés à l’abandon, les chantiers de terrassement sont envahis par les herbes folles, les biefs s’obstruent et se transforment en marécages exhalant des odeurs putrides dans le quartier du Préau où a été creusé le bassin du même nom (lequel sera d’ailleurs rebouché au profit du Bassin de la préfecture).

Les remparts de la ville ne sont guère mieux lotis, à tel point que Napoléon avait jugé Troyes indéfendable à cause des importantes brèches trouant les fortifications. « Le mur d’enceinte est simple et a une circonférence d’une lieue » (soit environ 4 km, ndlr), observe pudiquement Jean-Baptiste Moreau dans les années 1810. L’historien Brice Collet confirme « qu’au début du XIXe siècle, la ceinture des remparts apparaît très dégra- dée et les fossés sont mal entretenus. Par souci de modernisme et d’urbanisme, les municipalités vont, en quelques décennies, procéder à l’entière destruction des derniers témoins de la fortification de notre ville. » C’est ainsi que la porte de Croncels est rasée en 1808, celle de Comporté en 1820 et celle du Beffroi en 1822, pour ne citer que trois exemples proches de 1817. Le temps est compté également pour les moulins troyens, même si Jean-Baptiste Moreau peut encore observer, lors de son passage au début du siècle, que « le courant (de la Seine et de ses bras) actionne des moulins à grain tant dans la ville que dans les environs ».

1 Notre autre voyageur, Jean-Baptiste Moreau, confirme que « le commerce est surtout la boutonnerie et celui des étoffes, laine et toile de coton, fabriquées par les nombreux ateliers locaux ».

Une cité hérissée de clochers d’églises et ceinturée de remparts : telle apparaissait la ville de Troyes à l’époque où la chambre de commerce a vu le jour (gravure anonyme).

11 Au sortir des occupations de 1814 et 1815

Cet épisode de l’histoire de la ville s’est effacé de la mémoire collective, remplacé par le souvenir plus vif d’événements contemporains de nature identique. Le Troyes qui nous intéresse, celui de 1817, sort à peine de la guerre et d’une occupation militaire vécue douloureusement. Troyes, l’Aube et la Champagne ont été le théâtre en 1814 des combats menés par Napoléon contre les Alliés, autrement dit la coalition qui s’était formée contre lui. Une période connue sous le nom de Campagne de France.

En février et mars 1814, Troyes vit un incroyable chassé-croisé entre les troupes napoléoniennes et les batail- lons ennemis, composés d’Autrichiens, de Prussiens, de Russes et de Bavarois. Le 7 février, les Autrichiens pénètrent dans la ville. Puis c’est au tour des Russes le 1er avril. Dans l’intervalle, Napoléon séjourne à trois reprises dans la cité, deux fois en février, une fois en mars. Les coalisés y reviennent dès que l’Empereur s’en retire.

Des hôtes de marque, quoique indésirables, s’installent provisoirement à Troyes : le tsar de Russie, l’empe- reur d’Autriche et le roi de Prusse. S’ouvre une période d’occupation marquée par les brimades, les pillages et les destructions, les exactions et les incendies.

La population, et plus particulièrement les négociants, doivent supporter les réquisitions, en marchandises comme en numéraire, qui ponctionnent les ressources de la ville. Plus d’un millier de bâtiments sont détruits par les combats ou par le feu. Une figure honnie entre toutes incarne cette période trouble : le Cosaque. Un témoin raconte : « Destinés à répandre la terreur parmi le peuple, les Cosaques ne remplissent que trop bien leur mission. Rien que leur accoutrement effrayait ! » De retour d’exil, Napoléon jettera ses derniers feux en 1815, et Troyes sera de nouveau occupée, de juillet à novembre, par les Russes, les Bavarois et les Autrichiens. Ruinée, la ville mettra plus d’une décennie à se relever.

Ci-contre, illustration de la bataille d’Arcis-sur-Aube, carte postale marquant le centenaire de la Campagne de France, reconstitution napoléonienne à Brienne- le-Château lors du bicentenaire célébré en mai 2014. Ci-dessus, plaque commémorative de la bataille de Nogent-sur-Seine en 1814. Les grandes boucheries à Troyes, d’après une gravure de Charles Fichot.

Un peu de pittoresque

Dans ses Récits de voyages sur les routes de France et d’Europe, Jean-Baptiste Moreau fait ce commentaire plaisant : « Troyes abrite de grandes boucheries renommées et dans lesquelles les mouches ne pénètrent pas. Les gens simples disent qu’elles ont été excommuniées par saint Loup, l’évêque de la Ville. Pour ma part, je crois que, les boucheries débouchant sur deux rues, un courant d’air se crée et empêche ainsi les mouches de rentrer. »

13 Exemple de métier à bas en usage au début du XIXe siècle. Ce métier à chevalet de type “français”, construit par Mathelin en 1820, est exposé au musée de la Bonneterie à Troyes (N° inv. : MB 228). Contexte politique > Cette année-là, La création de la chambre de commerce en 1817 intervient pendant la seconde Restauration, qui dura de juillet 1815 à juillet 1830, sous le règne de Louis XVIII. Le maire de Troyes est En France, une ordonnance Charles-Jacques de Fadate de Saint-Georges interdit la traite négrière. Le (excusez du peu !), monarchiste, chevalier de commandant de La Méduse est l’ordre royal de la Légion d’honneur. Il occupa condamné à trois ans de prison ce siège de mars 1816 à décembre 1826 avant Louis XVIII. pour avoir abandonné une partie d’être nommé préfet des Côtes-du-Nord (les actuelles Côtes-d’Armor). Il est nommé par le gouvernement. Une de ses passagers après le naufrage seule catégorie de citoyens a le droit de voter et d’élire ses repré- de son navire (cet épisode est sentants à la chambre des députés : celle qui verse une certaine resté célèbre grâce au tableau de quotité d’impôt, appelée “cens électoral”. Géricault, Le Radeau de La Mé- duse). Louis XVIII recrée l’Ecole Naissances… polytechnique. n Amérique, le Mississipi se sépare de l’Alabama e La plupart des “célébrités” nées ou mortes en 1817 sont tombées et devient le 20 Etat de l’Union dans l’oubli. On relèvera toutefois la venue au monde en janvier américaine. La première guerre de Jean-Baptiste André Godin, cet industriel français créateur séminole éclate entre Indiens et des poêles en fonte du même nom, et dont le socialisme uto- Etats-Uniens. Le Mexique et le pique a inspiré la création du Familistère de Guise, dans l’Aisne. Venezuela luttent pour leur in- On signalera aussi la naissance en janvier du peintre espagnol dépendance. Le trafic des Noirs Velázquez et celle en juillet de l’écrivain américain Henry David dans les colonies espagnoles est Thoreau, chantre d’une vie naturelle et laborieuse à l’écart de la société. en partie supprimé. La Guyane est restituée à la France. En Afrique, les Français reprennent … et disparitions possession du Sénégal, tandis que les Britanniques se retirent Deux autres auteurs de renom “choisissent” l’année 1817 pour se retirer définitivement de la scène : Madame de Staël et Jane de Saint-Louis puis de Gorée. La Austen, la romancière britannique, toutes deux au mois de juillet. peste sévit en Algérie, le choléra Octobre voit aussi la disparition du compositeur Etienne Nicolas sur le sous-continent indien, et la Méhul. famine en Slovénie.

Et l’Aube dans tout ça ?

Les Aubois vivent essentiellement à la campagne. En 1831, on dénombre 178 544 ruraux pour une population totale de 244 478 habitants. Les bêtes sont plus nombreuses que les hommes : on compte 26 400 chevaux, 39 000 porcins, 83 600 bovins et 328 000 ovins en 1840. A la même époque, les terres labourables représentent deux tiers de la superficie totale du département, mais le sol est pauvre ou difficile à travailler. On recense par ailleurs 22 000 ha de vignes (chiffre qui tombera à 6 025 ha en 1912 à cause du phylloxera, moins que la sur- face actuelle en AOC Champagne !). On produit essentiellement du vin rouge, et en aucun cas du vin mousseux. Les bois et forêts ne couvrent alors que 83 000 ha, à comparer aux 140 000 ha dont nous jouissons actuellement. Les petits ateliers de bonneterie pullulent dans le pays d’Othe et la région d’Arcis-sur-Aube. Le travail est encore artisanal et surtout le fait de “paysans-bonnetiers” qui travaillent à domicile, bien qu’il commence à s’organiser. Comme à Fontaine-les-Grès où, à partir de 1819, les établissements Doré-Doré groupent les achats, mutualisent le blanchissage ou la teinture, voire commercialisent les articles confectionnés. 15

Première partie

GRANDES DATES UNE NAISSANCE ROYALE

C’est le roi Louis XVIII qui a créé la chambre de commerce de Troyes en l’an de grâce 1817. La compagnie consulaire auboise est donc d’extrac- tion noble ! Mais si du sang bleu coule dans ses veines, elle a su rester proche du peuple, et en particulier de cette classe de marchands dont elle a toujours défendu les intérêts avec zèle. La CCI que l’on connaît aujourd’hui est le produit d’une longue évolution, le fruit d’une lente matura- tion qui ont fait d’elle un puissant instrument au service de l’économie, des entreprises et du terri- toire. On ne trouvera pas aujourd’hui institution plus républicaine qu’elle !

Le premier président de la chambre de commerce (1817-1819), Ambroise-Zacharie Simonnot-Capperon, dit Simonnot aîné. 17 Le texte fondateur : l’ordonnance du 7 mars 1817

Voici la retranscription de l’ordonnance royale qui crée la chambre de commerce de Troyes.

PRÉFECTURE DE L’AUBE

Ordonnance du Roi

Louis, par la grâce de Dieu, Roi de France et de Navarre. A tous ceux qui ces présentes verront, Salut. Sur le rapport de notre Ministre Secrétaire d’Etat de l’Intérieur. Notre Conseil d’Etat entendu. Nous avons ordonné et ordonnons ce qui suit :

Art. 1er

Il y aura une chambre de commerce dans la Ville de Troyes, département de l’Aube. Elle sera constituée conformément aux dispositions de l’arrêté du Gouvernement du 24 décembre 1802 (3 nivôse an XI).

Art. 2

Notre Ministre Secrétaire d’Etat au département de l’Intérieur est chargé de l’exécution de la présente ordonnance, qui sera insérée au Bulletin des Lois.

Donné en notre château des Tuileries, le 7 mars de l’an de grâce 1817 et de notre règne le 22e.1 Signé Louis

Par le Roi : Le Ministre Secrétaire au Département de l’Intérieur. Signé Lainé

Pour ampliation : Le Secrétaire général du Ministère de l’Intérieur par intérim, chevalier de l’ordre royal de la Légion d’honneur. Chef de la 2e Division. Signé Delessau

Pour copie conforme : Le Conseiller de Préfecture, Secrétaire général Ruote

On admirera la concision du style, qui tranche avec le jargon administratif en cours aujourd’hui !

1 On peut s’interroger sur le sens de cette mention « et de notre règne le 22e ». En fait, si l’accession au trône de Louis XVIII remonte à 1814, celui-ci s’était proclamé roi en juin 1795 à la mort de Louis XVII. Et en 1817, si l’on s’en tient à sa propre chronologie, Louis XVIII est bien dans sa 22e année de règne… 19 1817-1818, la chambre prend ses marques

La chambre de commerce de Troyes est créée officiellement le 7 mars 1817 par une ordonnance du roi Louis XVIII. Au cours de la séance inaugurale du 17 avril 1817, le préfet de l’Aube rappelle qu’il avait « sol- licité l’établissement d’une chambre de commerce dans la ville de Troyes, cette ville ne présentant pas moins d’importance par l’étendue de son commerce et de ses relations que la plupart des villes où il en a été créé par la loi du 3 nivôse an 11 ». Le représentant du pouvoir central indique que ses « démarches avaient toujours été infructueuses », mais qu’il a fini par obtenir gain de cause avec l’appui de « MM. les Députés de l’Aube ».

Les « négociants » de la ville sont donc convoqués le 17 avril par le préfet afin qu’ils élisent leurs neuf représentants. Sur les 54 commerçants convoqués, seuls 28 se présentent. Toutefois, le nombre de votants est jugé « suffisant ».

Le préfet fait cette déclaration : « Chacun de vous appréciera, sans doute, ce nouveau bienfait de Sa Majesté, puisqu’il vous mettra à même de proposer au Gouvernement des moyens d’améliorer le commerce et de ranimer l’industrie dont les progrès ont été ralentis par les malheurs qui ont pesé sur ce Département. » (Le représentant de l’Etat fait allusion aux invasions de 1814 et 1815, voir en préambule.) Et le préfet de préciser les attributions de la chambre de commerce : « Elles consistent à présenter au Ministre de l’Intérieur des vues sur les moyens d’accroître la prospérité du Commerce ; à lui faire connaître les causes qui en arrêtent les progrès, à surveiller l’exécution des lois et ordonnances concernant la contrebande, et à en signaler les abus. »

Le 21 juin, les élus prêtent serment en ces termes : « Je jure fidélité au Roi, obéis- sance à la Charte constitutionnelle et aux lois du Royaume. » Simonnot aîné (c’est ainsi qu’il est désigné) est proclamé président pour une durée d’un an.

Compte rendu, soigneusement calligraphié, de la première séance de la chambre de commerce, le 17 avril 1817.

Entièrement subordonnée au pouvoir en place, la chambre de commerce ? Eh bien il semble que non, puisque dès le mois de juillet 1817 elle refuse que soit augmenté le nombre d’agents de change et de courtiers de commerce en exercice à Troyes, contrairement au vœu formulé par le ministre de l’Intérieur. L’unanimité ne règne pas non plus entre ses membres. Ainsi le président et le secrétaire s’opposent-ils sur le colportage, une forme de commerce itinérant qui vient concurrencer les marchands sédentaires : le premier est pour son abolition, le second pour son maintien.

Au bout de plusieurs séances, la chambre de commerce finira par adresser à la chambre des députés1 une pétition demandant la limitation du colportage « à la tenue des foires et marchés ». Au cours du même man- dat, elle réclame l’établissement d’une « foire pour les laines » afin de fixer le cours de cette matière récoltée en abondance dans le département. Mais la première année d’existence de la chambre est surtout consacrée à rechercher de moyens de subsistance et d’un… local pour se réunir. Les ressources, conformément à la loi, proviendront du prélèvement de quelques centimes additionnels sur la patente des négociants, des ban- quiers, des agents de change et des courtiers de commerce. La patente est cet impôt direct qui deviendra plus tard la taxe professionnelle.

1 Ce faisant, elle “court-circuite” le ministre de l’Intérieur, ce qui provoquera un rappel à l’ordre ! D’abord SDF, puis la vie de “château”

L’hôtel Camusat à Troyes, occupé par la CCI de 1886 à 2011, d’abord comme locataire puis comme propriétaire.

A sa création, la chambre de commerce ne dispose pas de bureau attitré. Les deux premières années, elle se réunit à la préfecture puis au domicile de son président, Simonnot aîné. Plusieurs fois sollicité, le maire accepte enfin de l’héberger gracieusement en l’hôtel de ville à partir de 1819, où elle migrera successivement dans trois salles différentes. Le 1er octobre 1886, la chambre de commerce s’installe comme locataire dans l’immeuble qu’on lui a long- temps connu : l’hôtel Camusat, moyennant un loyer de 1 500 francs par an. Elle n’occupe au début qu’une partie du premier étage, les autres salles étant dévolues au tribunal de commerce et aux chambres syndicales. L’hôtel Camusat porte le nom d’un riche commerçant troyen, Jacques Camusat, conseiller du roi, qui l’a fait construire pour loger sa famille, dont Nicolas Camusat, futur maire de Troyes, né huit ans après la fin de la construction. Situé place de la Banque (rebaptisée place Audiffred en 1893), cet hôtel particulier achevé en 1727 abrite de 1851 à 1882 la Banque de France.

Alors que son bail doit prendre fin en 1925, la chambre fait l’acquisition de l’immeuble le 31 mars 1921 auprès du dernier propriétaire en date, Maurice Soucin, pour la somme de 220 000 F. L’achat est financé par « les bons-monnaie non rentrés (des) quatre premières émissions » effectuées pendant la guerre 14-18 (voir le chapitre consacré à cet épisode). La chambre va cohabiter avec le tribunal de commerce jusqu’en 1973, année où la juridiction consulaire part s’installer rue Jeanne-d’Arc à Troyes, avant de déménager en 1983 à son adresse actuelle, rue du Général-de-Gaulle.

21 La chambre revend l’immeuble en novembre 2012 pour la somme de 1,35 million d’euros au Groupe Minerve, un promoteur immobilier spécialisé dans la rénovation des bâtiments classés ou inscrits aux Mo- numents historiques. Le bâtiment doit être transformé en résidence de luxe comprenant douze apparte- ments de grand standing, avec la possibilité pour les propriétaires de bénéficier d’avantages fiscaux au titre des monuments historiques.

Le 20 juin 2011, la chambre de commerce de Troyes et de l’Aube quitte définitivement ce bijou de l’architec- ture civile de l’époque Louis XV, entièrement restauré par ses soins entre 1962 et 1965. Le nouveau siège de la CCI a été baptisé Espace Régley, en souvenir des Etablissements Régley, qui avaient fait construire une première bonneterie à cet emplacement entre les deux guerres. L’usine avait ensuite été occupée par la société Devanlay et Recoing à partir de 1958. Elle avait fait place en 1964 au dernier atelier de fabrication édifié à Troyes, par Devanlay en l’espèce, avec le concours de l’architecte et Prix de Rome Michel Marot. On y a notamment fabriqué les soutien-gorge Scandale. La chambre s’en était porté acquéreur dès 2006 pour la somme de 1,5 million d’euros.

L’ex-usine a été transformée en immense loft par le cabinet d’architectes troyens Elleni & Figiel. Sur leur site Internet, les deux associés expliquent que « la charpente métallique existante ne pouvant supporter que le poids de la couverture, une structure bois a été mise en œuvre afin de compartimenter les locaux intérieurs et supporter les faux-plafonds et les équipements ». Les hommes de l’art précisent que « cette structure est revêtue de panneaux de “grisard” qui réchauffent l’ambiance intérieure en redonnant ainsi ses lettres de no- blesse à ce peuplier qui vire au gris avec le temps et qui était considéré jusqu’à aujourd’hui comme le parent pauvre des forêts du département ». Elleni & Figiel ont conservé une partie des toits en sheds, si caractéris- tiques des bonneteries troyennes, sans renoncer à une isolation thermique performante, permettant ainsi au siège consulaire de devenir le premier bâtiment tertiaire basse consommation de France dans la catégorie des immeubles réhabilités.

La réhabilitation de l’ancienne usine de bonneterie a permis d’introduire de la modernité sans perdre le caractère du site.

La chambre a réalisé pour 12 millions d’euros de travaux dans ce projet ambitieux qui a permis de sauvegar- der un pan du patrimoine usinier de la ville. Elle n’occupe pour son propre usage que 1 150 des 4 600 m2 de surface utile répartie sur deux niveaux à l’intérieur de cet immense vaisseau de 7 100 m2. La CCI loue le reste des salles à des sociétés privées, conformément à la mission qu’elle s’est fixé de promou- voir l’économie locale et d’encourager l’entrepreneuriat. Les deux quotidiens aubois, le journal l’Est-Eclair et le journal Libération Champagne, ont par exemple établi leurs bureaux à l’intérieur de ce grand pôle tertiaire.

Situé 1, boulevard Charles-Baltet, le nouveau siège a été inauguré le 12 décembre 2011 en présence de plus de 500 personnes. Ce déménagement a permis à la CCI de « passer du XVIIIe au XXIe siècle », pour reprendre l’expression du président consulaire, Dominique Lemelle. Le choix fait par la CCI d’être propriétaire plutôt que locataire de ses bureaux fait écho à cette phrase écrite par la chambre de commerce en janvier 1821, lorsqu’elle a pris la décision de se rendre acquéreur de l’hôtel Camusat : « Les locations à temps ne (conviennent) pas à des autorités constituées et devant se perpétuer. » Retour aux sources : à l’origine des chambres de commerce

Le premier bureau du commerce voit le jour en 1599 à Marseille à l’initiative de la ville. Il prend le nom de chambre de commerce en 1650. Avant la Révolution, on dénombre onze chambres de commerce en France, la moitié étant situées dans des villes portuaires. La Constituante les supprime en 1791 au même titre que tous les corps intermédiaires créés sous l’Ancien Régime, telles les corporations de métiers. En 1802, à l’initiative de son ministre de l’Intérieur Jean-Antoine Chaptal, Napoléon Bonaparte instaure ou rétablit dix-sept chambres de commerce. Pour Chaptal1, elles sont « des foyers de lumière destinés à éclairer le gouvernement sur l’état et les besoins de l’industrie ». Leur rôle : « Surveiller les travaux relatifs au com- merce, tels que par exemple le curage des ports, la navigation des rivières et l’exécution des lois et arrêtés concernant la contrebande ». A Troyes, on mentionnera l’existence entre 1696 et 1791 de la Communauté unie des marchands de Troyes, puis au XVIIIe siècle de celle des grand-gardes et gardes du bureau du commerce. Un bureau de com- merce est fondé le 2 pluviôse an IX (22 janvier 1801) par le préfet de l’Aube, Claude-Louis Bruslé, baron de Valsuzenay. Ce bureau se compose alors du président du tribunal de commerce, de sept membres proposés par lui, et d’un conseiller de préfecture. Ce bureau de commerce prendra plusieurs noms : conseil de com- merce, chambre consultative du commerce, puis chambre de commerce en 1814. On peut se plaire à voir sous ces différents avatars les ancêtres de la chambre de commerce créée en 1817.

1 Le nom du chimiste Chaptal est encore connu de nos jours pour avoir donné les mots “chaptaliser” et “chaptalisation”, procédé bien connu en Champagne consistant à rajouter du sucre dans le vin afin d’en augmenter le degré d’alcool. Troyes, la 27e chambre Trois noms Troyes est la 27e chambre de commerce à avoir été créée en France (nous faisons abstraction des onze chambres nées sous l’Ancien Régime et supprimées à la Révolution). Elle ne fait pas partie de la pre- mière fournée de vingt-quatre chambres portée La CCI a changé deux fois d’ap- sur les fonts baptismaux par Napoléon Bonaparte pellation au cours de son his- entre 1802 et 1815. toire. Elle est née chambre de Mais elle arrive en troisième position sous la Res- commerce de Troyes en 1817. tauration, juste derrière Reims (créée le 22 janvier Elle devient la chambre de com- 1817) et juste devant Laval (9 avril 1817). Troyes merce et d’industrie de Troyes précède ainsi de grandes villes comme Besançon, en 1960. Elle prend son nom Caen, Clermont-Ferrand, Saint-Etienne, Toulon, définitif (du moins à ce jour) en Brest, , Angers, Nancy, Le Mans, Rennes ou 1986 : chambre de commerce encore Grenoble. Dans la région, la chambre de et d’industrie de Troyes et de Saint-Dizier verra le jour en 1848, celle de Sedan l’Aube. Son logo porte désor- en 1870 (!), celle de Châlons-sur- (l’actuel mais cette mention raccour- Châlons-en-Champagne) en 1893, celle de Charle- cie : CCI Troyes et Aube depuis ville (pas encore fusionnée avec Mézières) en 1894. 2012, fruit de la refonte de la Plus de cent soixante chambres de commerce ont charte graphique et de l’harmo- été créées en France, dont vingt et une CCI régio- nisation de l’identité visuelle nales. Une loi de 2010 tend à en réduire progressi- du réseau consulaire au niveau vement le nombre à une centaine. national. 23 Un centenaire confidentiel

Le président de la CCI, Etienne Vauthier, évoque le 150e anni- versaire de la chambre en 1967.

Guerre oblige, le cœur n’est pas aux réjouissances en cette année 1917. C’est pourquoi le 100e anni- versaire de la chambre de commerce de Troyes ne fait l’objet d’aucune célébration et passe complète- ment inaperçu. Son président d’alors, Robert Vignes, justifie cette pudeur et cette retenue au cours de la séance du 16 mars, dans le style patriotique caractéristique de l’époque : « Toute voix doit se taire qui ne célèbre pas nos Combattants et leur magnifique courage à défendre nos libertés menacées. » Le président Vignes se borne à faire un bref historique de la chambre et à dresser le bilan de son action durant le conflit. Pour le seul usage interne de ses membres. Une chambre patriote

Tout au long de son histoire, la chambre de commerce a fait preuve d’un patriotisme sans faille. Trois exemples avec ces affiches éditées en 1917 (Pour la victoire, emprunt national), 1924 (Un devoir national) et 1925 (Souscrivons à l’emprunt). La longue ascension des chambres

Les chambres de commerce et d’industrie ont vu leur statut évoluer au fil du temps. D’abord cantonnées dans un rôle purement consultatif, elles ne prennent pleine possession de leurs prérogatives qu’en 1898. La loi Boucher du 9 avril leur donne le statut d’établissement public jouis- sant de la personnalité civile et de l’autonomie financière. Elles sont, « auprès des pouvoirs publics, les organes des intérêts commerciaux et industriels de leur circonscription ». Leurs attributions sont les sui- vantes : « Donner au gouvernement les avis et les renseignements qui leur sont demandés sur les questions industrielles et commerciales ; présenter leurs vues sur les moyens d’accroître la prospérité de l’indus- Sans doute l’une des premières trie et du commerce ; assurer l’exécution des travaux et l’administration apparitions publiques de la chambre des services nécessaires aux intérêts dont elles ont la garde. » de commerce avec cet “avis aux artistes Mais surtout, les chambres de commerce « peuvent être autorisées à mécaniciens” datant de 1823 pour faire fonder et à administrer les établissements à l’usage du commerce », passer plusieurs annonces. parmi lesquels on trouve les écoles de commerce, les écoles profes- sionnelles et les « cours pour la propagation des connaissances com- merciales et industrielles ». Elles peuvent aussi, « avec l’autorisation Vous avez dit ministérielle, acquérir et construire des bâtiments pour leur propre installation et celle d’établissements à l’usage du commerce ». Elles sont également habilitées à être « concessionnaires de travaux publics ou « consulaire » ? chargées de services publics ». La loi d’orientation du commerce et de l’artisanat, dite loi Royer D’où vient que l’on parle de (27 décembre 1973) a accru sensiblement le champ d’intervention des “chambre consulaire”, de CCI. Elles sont étroitement associées à l’élaboration des décisions tou- “compagnie consulaire” et chant à la localisation et à l’implantation des équipements commer- de “réseau consulaire” ? Cet ciaux : commissions départementales d’urbanisme commercial, plans adjectif découle du substan- d’occupation des sols, schémas directeurs d’aménagement rural. Les tif “consul”. Oui, mais de CCI se voient aussi confier la maîtrise d’ouvrage d’équipements com- quel consul parle-t-on ? Du merciaux : parkings et galeries marchandes. Premier consul, autrement Le régime électoral a également évolué au fil du temps. En 1917, à dit Napoléon Bonaparte ? l’occasion du centenaire de la chambre de commerce de Troyes, son Que nenni. Il s’agit des président, Robert Vignes, résume le cheminement qui s’est opéré : consuls que l’on rencontrait « Au début, quarante à soixante négociants désignés par les préfets au Moyen Age dans le Midi nommèrent les premiers membres de nos compagnies et ceux-ci se re- de la France, autrement crutèrent ensuite eux-mêmes jusqu’en 1832. A cette époque, un collège dit des magistrats munici- électoral restreint, composé des membres de la chambre et du tribunal paux ayant compétence sur de commerce, des prud’hommes et d’un nombre égal de négociants, toutes questions de droit fut institué. En 1848, il fut remplacé par le suffrage universel des pa- tentés. Devant l’abstention de ceux-ci, les préfets reçurent à nouveau, relatives aux marchands et en 1852, la charge de désigner les membres des chambres de com- au commerce. Le nom est merce. En 1872, les notables commerçants devinrent nos électeurs. hérité des consuls romains. Enfin, la loi de 1908 rétablit en principe le suffrage universel de tous les Employé uniquement à l’ori- patentés. » gine pour qualifier les tribu- L’assemblée consulaire comprend neuf membres en 1817, puis quinze naux de commerce et leurs en 1908, puis dix-neuf jusqu’en 1974, date à laquelle leur nombre est juges, l’adjectif “consulaire” porté à trente. Ils sont aujourd’hui quarante. sera étendu aux chambres Le personnel permanent a également crû au fil des ans. Une étude de commerce, ainsi qu’aux datant de 1978 indique que les effectifs salariés sont passés de cinq per- sonnes en 1960 à soixante et une en 1977 (dont onze enseignants). Ils chambres de métiers et aux sont retombés actuellement à trente-six. chambres d’agriculture. 25

Deuxième partie

200 ANS D’ACTION 1 / LA CCI AMÉNAGEUR DU TERRITOIRE

La CCI a beaucoup investi dans l’équipement du département de l’Aube de manière à créer un environnement favorable à l’épanouissement des entreprises et au développement de l’écono- mie. A ce titre, elle a construit et géré de grandes infrastructures censées faciliter l’activité commer- ciale : aérodrome de Barberey, port de Nogent- sur-Seine, gare routière de voyageurs de Troyes, centre commercial de Chantereigne en terri- toire chapelain… On l’a vu aussi aménager des bâtiments-relais et des zones industrielles pour permettre aux entrepreneurs de s’installer, tant dans l’agglomération troyenne qu’en zone rurale. On songe en particulier à la zone industrielle de La Chapelle-Saint-Luc, où la CCI a même bâti un véritable réseau d’eau potable desservant plusieurs communes. A cet égard, les années 1950, 1960 et 1970 resteront comme les Trente Glorieuses de la chambre de commerce et d’industrie.

La zone industrielle chapelaine dans sa configuration actuelle. 27 Zone industrielle de La Chapelle- Saint-Luc : naissance d’un géant

« Reprenant un dossier d’étude ouvert par le Ceipa (Centre d’expansion économique et d’intérêt public de l’Aube, ndlr), la chambre de commerce de Troyes acceptait au début de l’année 1956 de réaliser une zone industrielle parfaitement équipée et répondant aux exigences de tout industriel désireux de s’installer à Troyes, en construisant son usine sur des plans de son choix », écrit le président de la chambre de commerce Georges Babeau dans un article publié en 1957 dans La Vie en Champagne. Le souhait des Ets Michelin d’implanter une usine à Troyes pour y fabriquer des roues automobiles a accéléré ce qui n’était alors qu’un projet dormant dans les tiroirs. Dans sa réunion du 12 janvier 1956, la chambre de commerce avoue avec franchise avoir « reculé devant la création d’une zone industrielle » en raison de son coût, des difficultés rencontrées par d’autres compagnies consulaires pour commercialiser les terrains achetés, et du souci de la chambre de Troyes de « demander le moins possible à ses ressortissants ». Autre- ment dit, de ne pas alourdir les impôts (les centimes additionnels à la patente).

Georges Babeau poursuit son exposé dans La Vie en Champagne : « Un terrain de 50 hectares situé sur la commune de La Chapelle-Saint-Luc, en bordure ouest de la 19, à la sortie de Troyes vers Paris, fut acquis. Ce terrain, dont le sous-sol est excellent pour les constructions les plus lourdes, est suscep- tible d’être raccordé facilement à la SNCF. Le branchement électrique à haute tension ne rencontre pas non plus de difficulté, et la mise en place cette année de l’antenne du feeder de Lorraine (une canalisation de gaz, ndlr) assure une abondante alimentation en gaz. Seule la question de l’adduction d’eau et de l’évacuation des eaux usées a posé à notre compagnie de sérieux problèmes. »

L’eau, un investissement rentable

Depuis la fin des années 1950, le réseau d’adduction d’eau créé de toutes pièces par la chambre de commerce alimente la zone indus- trielle de La Chapelle-Saint-Luc et une partie de l’agglomération troyenne. Il s’agissait autrefois des communes de La Chapelle-Saint-Luc, de Bar- berey-Saint-Sulpice, de Sainte-Savine, de La Ri- vière-de-Corps, des Noës-près-Troyes et de Troyes occasionnellement. Seules les communes de Bar- berey-Saint-Sulpice, des Noës-près-Troyes et de La Chapelle-Saint-Luc sont encore desservies, celles de Sainte-Savine et de La Rivière-de-Corps s’appro- visionnant désormais auprès de la Ville de Troyes. La chambre de commerce et d’industrie a délivré jusqu’à 4,5 millions de mètres cubes par an, mais la production est tombée à 1,8 million de mètres cubes, en raison notamment des grosses économies d’eau réalisées par son principal client, l’entreprise Michelin (ex-Kléber). La vente d’eau reste toute- fois la deuxième ressource financière de la CCI, avec 800 000 euros par an, derrière la fiscalité mais devant les loyers de l’Espace Régley. La CCI de Troyes et de l’Aube est la seule, avec celle d’Amiens, à avoir investi dans l’eau. La gestion du château d’eau est aujourd’hui sous-traitée à Veolia. Le problème d’évacuation des eaux usées est résolu en curant et en bétonnant un fossé naturel. Mais celui de l’adduction d’eau reste d’autant plus prégnant que Michelin a besoin de 400 m3 d’eau par heure pour tourner. Or les forages effectués à proximité de la zone industrielle ne permettent d’envisager qu’un débit limité à 50 m3. Une abondante nappe d’eau potable est finalement découverte dans la partie basse de La Cha- pelle-Saint-Luc, près de Fouchy, à environ 1 500 m de la zone. Mais pour l’exploiter, il s’avère nécessaire de construire cinq puits (un sixième le sera en 1968), une station de pompage, deux canalisations et un réseau de distribution. Cette installation permettra de fournir 1 000 m3 d’eau à l’heure, 24 heures sur 24. Le chan- tier coûte 127 millions de francs, somme qui comprend la construction, « chemin faisant » (dixit Georges Babeau), d’un réservoir d’une contenance de 3 000 m3 et culminant à 42 mètres de hauteur. Ce château d’eau est destiné à l’alimentation des entreprises Michelin (aujourd’hui Mefro) et Kléber-Colombes (aujourd’hui Michelin) implantées par la chambre de commerce respectivement en 1958 et en 1962. Mais il desservira progressivement une partie de l’agglomération troyenne. De Michelin, le président de la chambre de commerce écrit, dans La Vie en Champagne, que « cette indus- trie répond exactement à ce que nous souhaitons pour l’équilibre démographique de notre département : l’utilisation d’une main-d’œuvre exclusivement masculine » (pour contrebalancer l’emploi féminin dans l’in- dustrie bonnetière, ndlr). Il s’agit aussi de « corriger le caractère mono-industriel » de la ville, comme il est précisé en1962. Pour autant, la chambre rappelle, au cours de sa réunion de janvier 1960, que l’installation de Michelin lui a valu une volée de bois vert de la part de certains industriels ayant « prétendu que cela amè- nerait la rareté de la main-d’œuvre avec son corollaire hausse de salaire ». « A cela, nous rétorquons qu’en moyenne chaque année s’évadent 2 000 hommes de notre département vers la capitale. En augmentant les besoins de main-d’œuvre, nous freinons cette émigration pour le plus grand profit du commerce de la ville et du département. » En 1960, l’aire industrielle est portée à 120 hectares. C’est aujourd’hui la plus importante du département, avec plus de 200 établissements et plus de 6 000 emplois répartis sur 230 hectares. En 2003, l’Association des entreprises des ZI chapelaines voit le jour sous l’impulsion de la commune, de la communauté d’agglomé- ration troyenne et de la CCI.

Les installations du réseau d’eau mis en place à la fin des années 1950 par la CCI. Ci-dessus, la station de pompage et la station de reprise. Ci-contre, le château d’eau. Sur la carte (page précédente), les champs captants. 29 > Cette année-là, Des zones industrielles aussi en 1956 en secteur rural Le gouvernement crée la vignette auto pour financer les retraites et instaure la e3 semaine de congés payés. La guerre fait rage en Algé- rie, tandis que le Maroc et la Tunisie accèdent à l’indépendance. L’URSS envahit Budapest, Loin de concentrer tous ses efforts sur l’agglomé- Israël pénètre à Gaza, Fidel Castro et Ernesto ration troyenne, la CCI choisit au contraire de faire Che Guevara débarquent à Cuba. La France profiter les zones rurales de son récent savoir-faire en matière de création de zone industrielle. et la Grande-Bretagne bombardent l’Egypte Elle évoque « la nécessité de maintenir et de pour reprendre le contrôle du canal de Suez développer dans le département de l’Aube quelques fraîchement nationalisé. La route du pétrole centres intermédiaires judicieusement choisis ». est coupée, l’essence rationnée en Europe, C’est ainsi que, répondant aux sollicitations des mu- mais on découvre des réserves de gaz à Lacq. nicipalités concernées, elle décide, en 1964, de créer Elvis Presley sort son premier album, Jacques une zone industrielle de 2 ha à Vendeuvre-sur-Barse Brel chante Quand on n’a que l’amour, Bri- et une autre de 11 ha à Saint-Parres-lès-Vaudes. gitte Bardot devient un sex-symbol dans le film Et Dieu… créa la femme. Grace Kelly et le prince Rainier se marient à Monaco, le Concours Eurovision de la chanson fait son apparition. A Troyes et dans l’Aube, comme partout en France, le blocage du canal de Suez entraîne des pénuries de charbon, de fioul et d’essence, qui ne laissent pas d’inquiéter le tissu écono- mique local1. Toutefois, « 1956 restera une année satisfaisante, caractérisée par le plein emploi du personnel », indique Georges Babeau, président de la chambre. Celui-ci rappelle que plus de la moitié des effectifs A La Villeneuve-au-Chêne, l’industriel de la céramique salariés (50 000 personnes) dans le départe- Allia a longtemps fabriqué des cuvettes de W-C. ment sont employés hors bonneterie, plus précisément dans les industries de transfor- En 1973, la CCI décide de réaliser une zone indus- mation des métaux « telles que les scooters trielle à La Villeneuve-au-Chêne pour permettre à Lambretta, motocycles Peugeot, cadenas la société Carbonisation Entreprise et Céramique Vachette, constructeurs de métiers à bonne- (groupe Lafarge, production de porcelaine) de s’étendre, tout en offrant la possibilité à d’autres en- terie, etc. ». Sans oublier les industriels de treprises de s’implanter. l’alimentation : choucrouteries (notons le pluriel), chocolaterie, confiserie, maison de La chambre rappelle à cette occasion son « souci pâtes alimentaires, fromageries, beurrerie, constant » de « (développer) l’industrie dans notre lait en poudre. Le département de l’Aube département et particulièrement en zone rurale afin compte 240 000 habitants. d’y favoriser le maintien du niveau de l’emploi ». 1 L’Etat confie d’ailleurs aux chambres de com- merce « la rude tâche de répartiteur d’essence ». Carbonisation Entreprise et Céramique a pris de- Un rapport de la compagnie troyenne fait état puis le nom d’Allia (fabrication de sanitaires) et le groupe Geberit, propriétaire, a annoncé en mai d’un personnel consulaire « harassé de travail », 2016 la fermeture de son site aubois. C’était chose en butte à « l’insouciance, l’imprévision et la faite au mois de juillet 2017. discourtoisie de certains ayants-droit ». Station de pesage public de la gare des Marots à Troyes : la chambre met tout son poids dans la balance

La Ville de Troyes avait installé en 1923 un pont-bascule à la gare des Marots, rue des Fossés-Patris, pour les besoins de l’octroi (taxe perçue à l’entrée d’une ville sur certaines denrées, ndlr). Or l’octroi fut supprimé en 1927, entraînant la fermeture de cette installation. Ce que voyant, la chambre de commerce se porta acquéreur dudit pont-bascule et du pavillon abritant les employés chargés de le faire fonctionner. Dans sa séance du 7 février 1928, elle explique que, « dans l’intérêt des commerçants et des industriels de la ville de Troyes, il est indispensable de mettre à leur disposition ce service de pesage, afin de contrôler les expéditions faites surtout par wagons complets. »

La chambre acquiert l’ensemble pour la somme de 25 000 francs en février 1929. Le matériel s’usant au fil du temps, elle procède au remplacement du pont-bascule en 1959, pour un montant d’environ 50 000 nouveaux francs (ou 5 millions d’anciens francs). L’inauguration a lieu le 3 mars 1960.

Ce croquis permet de situer la station de pesage Une photo de la station de pesage public prise semble-t-il initialement insallé rue des Fossés-Patris à Troyes. après le remplacement du pont-bascule.

Las, l’état financier de la station de pesage public commence à se dégrader sérieusement. « Les ressources d’exploitation s’amenuisent et les charges salariales augmentent », écrit la chambre de commerce et d’indus- trie en 1971. En effet, la compagnie doit d’un côté recruter un agent à plein temps, alors que jusqu’à présent elle en partageait les frais avec une société privée.

De l’autre, la compagnie consulaire doit faire face à la désaffection de l’installation : « Le nombre des pesées effectuées au fil des années s’amenuise régulièrement ; il était en 1965 de 5 647, il tombe à 1 266 en 1970. » C’est qu’entre-temps l’agglomération troyenne s’est couverte de ponts-bascules : on en recense maintenant vingt et un. Le couperet tombe : la chambre met fin à l’exploitation du service le 31 mars 1971.

Dans un communiqué paru dans la presse locale, elle invite ses utilisateurs à se reporter sur le pont-bascule de la Gare Routière Interna- tionale de Champagne à La Chapelle-Saint-Luc. Bien joué : la chambre en est le principal action- naire.

31 Gare routière de voyageurs de Troyes : comme sur des roulettes

C’est en décembre 1942 que la chambre de commerce examine pour la première fois un projet de création d’une gare routière présenté par la SNCF. Elle en obtient la concession auprès du conseil général le 8 juin 1951, à qui l’Etat a transmis son pouvoir concédant. Au terme de la concession, dont la durée est fixée à trente années, le département récupérera la propriété de l’établissement. Son emplacement a été choisi « après bien des études et des hésitations », comme le rapporte le président de la chambre de commerce de l’époque, Georges Babeau, « les vieilles rues se prêtant mal à un trafic d’au- tocars ». Située avenue Maréchal-Joffre, elle est proche à la fois de la gare SNCF et du centre-ville, en parti- culier de ses commerces.

Après des travaux de déblaiement et de nivelage effectués fin 1953, le premier coup de pioche est donné le 15 avril 1954. Inaugurée le 19 novembre 1954, la gare routière entre en service le 1er décembre. Sept petits mois ont donc suffi pour bâtir l’édifice ! Un délai à propos duquel le maire de Troyes, Henri Terré, verse un couplet persifleur habilement tourné le jour de l’inauguration : « Vous avez eu le mérite et le rare avantage, Monsieur le Président (de la chambre de commerce, ndlr), d’avoir obtenu la réalisation rapide de ces travaux. Les collectivités locales n’ont pas le même bonheur ! Sans doute vos entrepreneurs, qui ont travaillé avec tant de hâte et de conscience pour terminer la gare routière, ne voudront plus prétexter l’urgence de vos travaux ; nos chantiers sont, en effet, tous en retard, et je pense que les entrepreneurs, eu égard à l’exemple que nous avons tous sous les yeux, feront tout leur possible, non seulement pour rattraper leur retard, mais pour accélérer les chantiers en cours et à venir. » Les travaux s’élèvent à 42 millions de francs, comprenant une subvention de 20 millions de francs du conseil général. La chambre, qui assure la maîtrise d’œuvre, emprunte la différence. Les quais permettent un départ simultané de quatorze cars, la largeur de la piste permettant de mettre six autres cars en attente de départ. A l’époque où elle entre en service, on compte trois cent trente mille départs

C’est la Trec qui exploitait cet équipement dont on voit sur ce document qu’il ne desservait pas uniquement le département de l’Aube. La gare routière a cessé de fonctionner en 1998, après être entrée en service en 1954.

voyageurs par an, à raison de quarante-trois aller et retour en moyenne par jour. La gare routière doit aussi être utilisée par le service messageries et par les PTT pour desservir les campagnes. Le président consulaire, Georges Babeau, se montre dithyrambique le jour de l’inauguration de cet « enfant de la chambre de commerce de Troyes ». « Edifiée dans un style moderne d’une grande simplicité, la gare est remarquable par certaines réalisations techniques qui font honneur à ceux qui les ont conçues, calculées et exécutées. La couverture du hall formée d’un voile mince de béton mérite d’être signalée, son étanchéité est assurée par un revêtement en Sopralu, dont l’efficacité a été prouvée dans des climats très pluvieux. Le quai couvert et la salle d’attente présentent des portées sans pylône, relativement longues, qui allègent l’aspect d’ensemble. »

Le préfet, Pierre-Marcel Wiltzer, n’est pas en reste d’envolées lyriques. « La victoire dont M. Georges Babeau vient de nous conter l’entreprise, la longue et fiévreuse course et l’heureux couronnement, est d’une sorte bien française ; elle est la victoire de la volonté, la victoire de la persévérance, la victoire de la ténacité […], la victoire de la solidarité dans l’action. Que ne puis-je cependant, Monsieur le Président, dire avec plus de force que cette victoire est d’abord la vôtre : celle de la compagnie que vous présidez avec une si sereine autorité et où se trouvent réunies les personnalités les plus marquantes de l’économie du département. » Fermez le ban.

L’exploitation de l’établissement est sous-traitée à la Trec (Transports Régionaux de l’Est et du Centre), mandataire du groupement formé par l’ensemble des compagnies de transport utilisatrices. Arrivée à son terme en juin 1981, la convention avec le conseil général est prorogée plusieurs fois jusqu’au 30 juin 1998, date à laquelle la CCI renonce à gérer cet équipement. La gare routière de Troyes sera démolie peu de temps après pour permettre la construction du siège de la Mutualité Sociale Agricole (MSA). 33 L’aérodrome de Troyes-Barberey pour faire décoller l’économie locale

En décembre 1929, la chambre de commerce sollicite les ministères compétents pour « que soit créé à Troyes, dans le plus court délai possible, un aérodrome, préparant l’avenir de l’aviation commerciale dans notre région ». L’année suivante, la chambre affine sa demande. L’hypothèse de la création ex abrupto d’un aéroport « doit être provisoirement écartée » car « les projets de lignes aériennes des PTT ne (prévoient) malheureusement pas, malgré les demandes répétées de la chambre de commerce de Troyes, le passage de grandes lignes par Troyes ». « Il n’est question pour le moment que de la création d’une station aérienne sus- ceptible de recevoir et d’abriter les avions de passage et d’être transformée, le moment venu, en aéroport. » Cette « station aérienne » doit permettre l’essor de l’aviation commerciale et de tourisme, et aussi servir d’escale aux lignes postales. La chambre souhaite que la station soit rattachée aux lignes existantes (Paris- Dijon--Marseille et Paris-Bâle) ou en projet (Lille-Reims-Dijon et -Nancy-Tours-Nantes). L’aérodrome est finalement créé par la Ville de Troyes sur la commune de Barberey, sous l’impulsion de l’Aéro-Club de l’Aube, et plus particulièrement de son secrétaire, Roger Renard, un chef d’entreprise. Le conseil municipal achète les 40 hectares de terrain nécessaires, et ses services techniques construisent la piste. Le conseil général et la chambre de commerce versent chacun 50 000 francs de subvention, le minis- tère de l’Air apportant pour sa part 150 000 francs. L’aérodrome est ouvert à la circulation aérienne le 30 juin 1933 et son inauguration officielle a lieu le 9 juillet suivant. L’aéro-club gère bénévolement l’infrastructure, où elle possède un hangar et un logement de fonction. En juin 1935, le ministère de l’Air décide de procéder à l’agrandissement de l’aérodrome en achetant 70 hectares supplémentaires, ce qui porte sa superficie à 110 ha environ. Une seconde extension aura lieu ultérieurement. En 1953, l’Etat devient propriétaire de l’ensemble de la plate-forme aéroportuaire, qui s’étend maintenant sur 178 ha, grâce à la remise à titre gracieux par la Ville de Troyes de sa parcelle de 40 ha. Le 18 mars 1968, un arrêté préfectoral d’autorisation d’occupation temporaire est signé en fa- veur de la CCI aux fins d’assurer l’exploitation commerciale de l’aérodrome. Laquelle a démar- ré dans les faits le… 1er janvier. La même année, la chambre entre au capital de la compagnie

L’aérodrome le jour de son inauguration. aérienne Air Champagne, qui avait d’abord été créée sous forme d’association. L’objectif est de promouvoir l’aviation de tourisme et d’af- faires. « L’aérodrome a un rôle à jouer dans le domaine éco- nomique », écrit-elle. Ses frais d’investissement seront couverts par différentes redevances. La chambre y construira trois han- gars, dont un destiné à Troyes Aviation pour l’entretien et la réparation d’aéronefs. La convention entre l’Etat et la chambre arrive à son terme le 7 septembre 2006, mais est pro- rogée jusqu’à la fin de l’année, le temps que se mette en place une nouvelle structure. L’Union eu- ropéenne a souhaité en effet ouvrir à la concurrence la gestion des aéroports. A compter du 1er janvier 2007, l’aéroport devient la propriété du Syndicat mixte de l’aérodrome de Troyes-Barberey, qui regroupe le conseil général, la communauté d’agglomération troyenne et la CCI, tous trois financeurs à parts égales. Le syndicat mixte est chargé de l’aménagement, de l’entretien et de la ges- tion de l’infrastructure. Le 1er janvier 2008, son exploitation est concédée à un délégataire privé, la société Keolis, pour une durée de cinq ans. L’aérodrome prend alors le nom commercial d’aéroport de Troyes en Champagne. Le 1er janvier 2013, la concession est reprise par SNC-Lavalin, pour une durée de huit ans, via la Société d’Exploitation de l’Aéroport de Troyes Barberey. En décembre 2016, SNC Lavalin annonce la vente de ses activités aéroportuaires en France à la société Edeis, transaction qui inclut l’aéro- drome de Troyes-Barberey.

Une vue perpendiculaire de la piste de l’aéroport de Troyes en Champagne, son nom commercial.

Les installations aéroportuaires actuelles.

35 Base aérienne de Brienne-le-Château : Département et CCI volent de conserve

Le site de l’aérodrome, La tour de contrôle situé à quelques kilomètres est aujourd’hui à seulement de Brienne- l’abandon sur l’avenue le-Château, est occupé de New York ! notamment par un hôtel, Plusieurs prisé par les parachutistes, bâtiments de nombreux à venir pratiquer l’ex-base aérienne leur loisir dans l’Aube. ont été réhabilités.

L’Etat ayant décidé de s’en séparer, l’ancienne base aérienne de l’Otan puis de l’armée de l’air implantée à Brienne-le-Château est vendue pour partie en 1972 au Département de l’Aube. Deux zones sont alors créées : l’une de 300 hectares, que le conseil général cède à son tour en 1974 à un particulier ; l’autre de 57 hectares, comprenant la majeure partie des bâtiments, sur laquelle le Département invite la CCI à amé- nager une zone industrielle. L’objectif de cette opération est à la fois de maintenir en état les installations et de susciter l’arrivée d’activités nouvelles.

Le parc d’activités de Saint-Christophe — c’est son nom — est déclaré d’utilité publique en 1981. Le terrain est divisé en vingt-deux lots à usage industriel ou artisanal. Pour leur commercialisation, la chambre adopte une méthode originale : elle rachètera à l’Etat les parcelles au fur et à mesure qu’un investisseur potentiel se manifestera. Les dernières d’entre elles seront acquises par la CCI en 1997.

Sa mission accomplie, la chambre revend au Département de l’Aube en 2002 les quelques terrains restés libres, ainsi que la voirie, dont elle avait conservé la propriété. Le conseil général rachète également les 300 ha cédés trois décennies auparavant à un particulier, en vue de redynamiser la zone. Le parc d’activités de Brienne-le-Château lui appartient depuis 2005. Le port de Nogent-sur-Seine émerge des limbes

Par une délibération en date du 12 novembre 1964, la chambre décide la création d’un port fluvial à Nogent-sur-Seine. Par arrêté ministériel en date du 22 avril 1968, le ministère des Travaux publics confie à la chambre de commerce et d’industrie la concession du futur port rive gauche de la Seine en cette même ville, pour une durée de cinquante ans. A charge pour elle d’aménager puis d’exploiter les installations portuaires. Le nouveau port doit comprendre un quai de 250 mètres de long1, une zone portuaire de 1,37 ha (avec terre- pleins et voies de desserte), des engins de manutention (en particulier une grue), un pont-bascule pour le pesage des marchandises, ainsi que les différents équipements nécessaires au fonctionnement du port. En contrepartie de son droit d’occupation des terrains appartenant au domaine public, la chambre doit verser une redevance annuelle de 10 francs à l’Etat. Les équipements sont destinés principalement à l’expédition de produits agricoles : blé, orge, maïs, colza, luzerne.

En 1977, par voie de convention, la CCI autorise les Etablissements Soufflet à créer leurs propres installations portuaires. Devant l’importance des trafics réalisés par l’entreprise nogentaise, la CCI décide de lui confier l’exploitation de l’intégralité du port en rive gauche. Le groupe agroalimentaire loue à cet effet à la CCI la totalité des terre-pleins et se charge de l’exploitation du port. Soufflet lance en 2003 une ligne de transport de conteneurs qui permet de développer l’activité du site. Il s’avère très vite que ladite activité, présentant une certaine dangerosité (le stockage de grains), n’est plus compatible avec l’exploitation d’un port public. La CCI en tire les conclusions qui s’imposent : « Désireuse de voir se développer toutes les activités économiques », elle accepte de mettre un terme de manière anticipée à sa concession, qui devait normalement expirer le 21 avril 2018. Le port rive gauche est vendu en octobre 2008 à Soufflet pour la somme de 533 350 euros. Cet argent sera reversé au conseil général pour financer une partie de l’aménagement du port rive droite, dit port de l’Aube, par la Ville de Nogent-sur-Seine. Le port de l’Aube a été mis en service fin 2011. La commune voit donc cohabiter aujourd’hui deux types de port : l’un privé, en rive gauche, l’autre public, en rive droite.

La tour de contrôle 1 Longueur portée à 300 m en 1968. est aujourd’hui à l’abandon sur l’avenue de New York ! Plusieurs bâtiments de Le port de Nogent-sur-Seine l’ex-base aérienne a été créé à l’initiative de la CCI. ont été réhabilités. Ci-contre, une vue aérienne des ins- tallations portuaires nogentaise en 1973

37 Centre commercial de Chantereigne : trente-six ans de règne pas toujours enchanteurs

Envisagée dès 1972, la construction du centre commercial de Chantereigne, à La Chapelle-Saint-Luc, est autorisée, dans sa première version, par la commission départementale d’urbanisme commercial le 24 mai 1974. Il s’agit d’implanter un collectif de quarante-cinq indépendants sous l’égide de la CCI. Or il s’avère que la CDAC a dans le même temps autorisé le projet présenté par les Coopérateurs de Champagne et localisé au même endroit, mais d’une nature différente, puisqu’il porte sur la construction d’un hypermarché. La sagesse dicte aux deux pétitionnaires de fusionner leurs projets pour n’en présenter plus qu’un à la CDAC, de qui ils recevront une seconde autorisation le 28 octobre 1974. La CCI est désignée comme maître d’ouvrage, et la Seda (Société pour l’Equipement du Département de l’Aube), qui est en train d’aménager la Zup de La Chapelle-Saint-Luc, comme maître d’œuvre. L’objectif de ce nouveau centre commercial est double : « S’intégrer dans le programme d’aménagement de l’agglomé- ration troyenne, et répondre aux besoins d’une population dense (on parlait de construire 6 000 logements devant abriter 35 000 habitants à l’horizon 1977, ndlr) et particulièrement dépourvue d’équipements com- merciaux. » L’étude de faisabilité fait en effet état d’une « forte disparité entre le centre-ville et la périphérie, aux dépens de cette dernière ». Tout le contraire d’aujourd’hui, en somme ! Le chantier démarre le 26 juin 1975 et l’établissement ouvre ses portes le 24 mars 1976. Il comprend près de 14 000 m2 de surface commerciale, répartie quasiment à parts égales entre un hypermarché et une galerie marchande. Le bâtiment a la forme d’une étoile à cinq branches. Sa réalisation a coûté plus de 35 millions de francs. La CCI n’ayant jamais envisagé de rester propriétaire, elle entreprend de vendre les cellules aux commerçants et de louer la cafétéria. Plus facile à dire qu’à faire !

Le centre commercial de Chantereigne, à La Chapelle-Saint-Luc, se caractérisait par son architecture audacieuse.

Dans une note datant de février 1980, la CCI indique éprouver des difficultés à commercialiser la cafétéria et les cellules invendues. Après avoir admis que ce centre commercial était « esthétiquement très réussi », elle énumère de nombreux points d’achoppement : son coût excessif ; son emplacement contestable, en limite d’une zone habitée ; son manque de dynamisme et d’animations ; la petitesse relative de la grande surface par rapport au reste des commerces ; le trop lent remplissage de la Zup ; l’inauguration, trois mois avant Chantereigne, du magasin Carrefour à Saint-André-les-Vergers, « ce qui n’était pas prévu » (sic) ; la commercialisation des cellules, « très mal orchestrée » car répartie entre le Cecod (Centre d’étude du commerce et de la distribution), la Seda et la CCI. La chambre finit par se désengager totalement du centre à la fin des années 1990 en vendant les dernières cellules. Le centre commercial de Chantereigne, qui avait entre-temps changé deux fois d’enseigne (le Rond-Point d’origine était devenu Continent puis Carrefour), a fermé ses portes en décembre 2012. Après désamiantage, les travaux de démolition ont débuté à l’automne 2016. La grande surface et sa galerie marchande ont été reconstruites à quelques centaines de mètres de là. Leur mise en service a eu lieu en novembre 2012 sous le nom de l’Escapade. Un hypermarché Carrefour tient toujours lieu de locomotive. Immobilier d’entreprise : quand la CCI Troyes et Aube prend le relais du privé

La CCI a réalisé quatre bâtiments-relais destinés à favoriser l’implantation d’entreprises dans son ressort territorial. En 1990 : usine-relais pour Vega Automation (études techniques) en limite de la zone de l’aéroport de Troyes-Barberey. Sa superficie construite est de 2 640 m2 et son coût de 5,27 millions de francs. La date de cession de propriété à l’entreprise était fixée au mois de mars 2002. Le bâtiment a ensuite été occupé par la société ABB Robotique puis par Acodi, avant d’être cédé en 2016 à Innov’SA, fabricant de fauteuils médicaux. En 1992 : usine-relais pour McGregor Cory (logistique industrielle) à Lavau. Sa superficie construite est de 10 170 m2 et son coût de 17,91 millions de francs. Le bâtiment a été repris par Bridgestone pour stocker des pneus, puis loué à Eurodif (marques Burton et Devred), et enfin cédé à Pro Archives Systèmes en 2014 pour le stockage d’archives après le déménagement d’Eurodif sur le Parc logistique de l’’Aube.

Ci-dessous, à Lavau, l’usine- Ci-dessous, les anciens bâtiments relais a connu quatre de la SMB puis de RPC occupants successifs depuis à Saint-Thibault, vacants au sa construction. moment où a été prise cette photo.

Ci-dessus, les locaux primitivement construits pour Vega Automation sur la zone de l’aéroport de Troyes-Barberey.

En 1992 : usine-relais pour la SMB, Société Mécanique de Bernon (fabrication de trains roulants pour remorques et semi-remorques) à Saint-Thibault. Sa superficie construite est de 2 1042 m et son coût de 5,1 millions de francs. Cette opération marque les débuts de l’aménagement de la zone industrielle de Buchères/Saint-Thibault/Moussey/Saint-Léger autour du nœud autoroutier A5/A26. Ironie de l’histoire, l’usine a été revendue à un investisseur privé pour héberger l’entreprise RPC (ex-Celatose) qui occupait jusqu’alors les terrains mitoyens à l’Ecole supérieure de commerce. Ce transfert, destiné à rationaliser la production, permit l’extension de l’école… mais n’empêcha pas la disparition de l’entreprise.

En 1995, la CCI réhabilite une friche industrielle à Saint-Mesmin pour installer la société Tubulam dans ses nouveau locaux. Tubulam fabriquait des nids d’abeille en matière plastique destinés à absorber les bruits dans les panneaux sandwichs. Le bâtiment abrite aujourd’hui la société Concept Optique, qui commercialise des présentoirs pour les opticiens. Toutes ces opérations ont bénéficié d’avances ou de subventions, notamment de la part du conseil régional. Aucune de ces quatre usines-relais ne fait plus partie du patrimoine immobilier de la CCI. 39 2 / LA CCI ACTEUR DE LA VIE ÉCONOMIQUE

Servir ses ressortissants : le credo ne s’est jamais démenti en deux siècles d’existence. Cet engage- ment protéiforme a pris parfois un tour specta- culaire : ainsi quand la chambre a battu monnaie pour pallier la pénurie de petites coupures en 14-18. La CCI n’a pas non plus hésité à investir dans des entreprises privées lorsque cette solu- tion lui semblait favorable à l’économie locale, ni à participer à la création d’organismes destinés à promouvoir le territoire. Elle a produit moult études pour éclairer l’entrepreneur comme le décideur, mission dont se sont également acquittés les journaux consulaires successifs. L’on saluera tout particulièrement le combat aussi véhément qu’argumenté mené par la chambre de com- merce pour défendre les intérêts des vignerons aubois lorsqu’il fut question de les exclure de la Champagne viticole au début du siècle dernier.

Ce que l’on a appelé la « révolte des vignerons » a donné lieu en 1911 à d’imposants rassemblements. Les cartes postales anciennes donnent une idée du flot de manifestants qui s’est déversé dans les rues de Troyes et ailleurs dans le département. 41 Délimitation de la Champagne viticole : la chambre monte au front

Un décret en date du 17 décembre 1908 exclut l’Aube de la Champagne viticole, au profit exclusif d’une partie des départements de l’Aisne et de la Marne. Puis la loi du 10 février 1911 interdit de facto aux vignerons aubois de vendre leur vin aux Marnais aux fins de champagnisation. Une décision qui était dans l’air du temps depuis la promulgation, le 1er août 1905, d’une loi sur la répression des fraudes en matières alimentaires, interdisant de vendre sous un nom d’origine des produits qui ne proviendraient pas du lieu dont ils portent le nom. C’est pourquoi, sentant poindre la menace, la chambre de commerce était montée au créneau dès 1906 pour « (protester) avec force auprès des pouvoirs publics contre les prétentions d’interdire aux propriétaires vignerons de l’Aube de vendre leur récolte pour la fabrication du vin de Champagne, et aux fabricants de vins de Champagne de l’Aube de qualifier ainsi leurs produits ». « Cela reviendrait, écrit la chambre en 1911, à interdire à l’Aube tout espoir de voir se maintenir ou se développer sur son territoire cette industrie. Une telle solution (…) entraverait l’expansion légitime d’un département français et ne lèserait pas moins les industriels présents ou futurs que les nombreux employés ou ouvriers que toute industrie fait vivre. » La chambre plaide la cause de ces « innombrables viticulteurs » auxquels, « tout à coup », on enlève « ce droit, qu’un usage immémorial consacrait, de vendre leurs vins pour la champagnisation ». « Leurs vignes à faible rendement, privées de l’écoulement nécessaire, leur deviennent une charge onéreuse : le fruit des générations passées, le patrimoine légué par les parents aux enfants, est ruiné. »Mais protester contre une décision jugée « inique » et « arbitraire », arguer de son bon droit sans en faire la démonstration, rester dans le registre de l’émotion, ne suffit pas. Encore faut-il avancer des arguments pertinents, puisés notamment dans la jurisprudence, pour présenter une défense solide et convaincante. C’est ce à quoi va s’employer la chambre de commerce, à qui le ministre de l’Agriculture confie par lettre, le 20 mars 1911, « la mission de rechercher l’existence des usages locaux, leur portée coutumière et juridique en vue d’établir le droit du département de l’Aube à une appellation régionale pour ses vins, en l’espèce l’ap- pellation Champagne ». La commission mise en place par la chambre dès le 24 mars 1911 se fait assister par deux avocats avec les- quels elle bâtit un argumentaire fouillé tendant à prouver la légitimité du département de l’Aube à produire et à commercialiser du champagne. Toutes ces raisons sont consignées par le président consulaire, Robert Vignes (ça ne s’invente pas !), dans un courrier adressé au ministre de l’Agriculture, au ministre du Com- merce et de l’Industrie, aux députés et aux sénateurs aubois, ainsi qu’aux chambres de commerce concernées. Nous résumons ci-après les principaux arguments invoqués, en raison de leur probable valeur historique. - Le premier d’entre eux consiste à dire, en substance, qu’il n’est de champagne que de la Champagne. « Est-il donc vraiment nécessaire de prouver qu’en Champagne on se sert du nom du pays ? » Or Marnais et Aubois font bien partie de la même ancienne province de Champagne, dont Troyes était la capitale. - L’emploi de l’appellation Champagne est d’un usage constant. La chambre cite l’exemple d’un fabricant de vin de Champagne mousseux de l’Aube en 1860 à Troyes. De même, on trouve dans les greffes des tribunaux > Cette année-là, en 1911

La Chine et le Mexique font la révolution. L’Italie déclare la guerre à l’Empire ottoman. La France aligne son heure légale sur celle du méridien de Greenwich. Marie Curie obtient le prix Nobel de chimie tandis que l’on cé- lèbre la première Journée internationale de la femme. L’aviateur Roland Garros bat le record du monde d’altitude. Lancement du Titanic à Belfast, première édition du rallye de Monte-Carlo, et vol de la Joconde au Louvre. des arrondissements de Bar-sur-Aube et de Bar-sur- A Troyes et dans l’Aube, comme partout ail- Seine des marques déposées sous la qualification de champagne pour des vins mousseux fabriqués par leurs, la crise agricole et viticole qui a sévi en des propriétaires et négociants. 1910 (inondations, sécheresse, épizooties) a - Le vin blanc fabriqué dans l’Aube est expédié fré- entraîné une hausse sévère du coût de la vie. quemment, et parfois de façon très abondante, aux Les commerçants servent de boucs-émissaires champagnisateurs installés dans la Marne. à l’augmentation du prix des produits de pre- - Peu importe que le champagne soit récolté (ven- mière nécessité. Dégât collatéral, l’accroisse- dangé) ET fabriqué dans le même village, sinon seul ment des faillites et des liquidations judiciaires. un tout petit nombre de communes pourraient bé- Principale activité de la ville, avec au moins néficier de l’appellation, y compris dans la Marne, 12 000 ouvriers (enfants compris), la bonnete- le champagne étant par nature un vin d’assemblage. Pour être incorporé dans la Champagne viticole, il rie de coton et la bonneterie de laine pâtissent suffit de prouver que les vins produits sont propres d’un effondrement des cours mondiaux. Nous à la champagnisation. ne résistons pas au plaisir de reproduire ce - Le décret contesté constitue « une flagrante vio- morceau de bravoure trouvé sous la plume de lation du droit de propriété » et « une atteinte indis- la chambre de commerce dans son compte ren- cutable à l’une des réformes les plus fécondes de la du annuel sur le « mouvement des affaires »1 : Révolution française : la liberté du commerce et de « Cette importation d’articles légers a été consi- l’industrie ». dérablement aidée par les caprices de la mode, - On ne peut pas créer une région à deux vitesses, qui cherche à résoudre le problème de l’habil- comme il se dirait aujourd’hui : « Une subdivision où l’on pourrait à la fois produire et fabriquer, et lage féminin par un déshabillage progressif. une autre subdivision où l’on pourrait seulement La mode des étoffes vaporeuses repousse avec produire du vin », ce qui reviendrait à « créer (un) horreur le bas de laine de nos grand-mères, à la monopole industriel ». solidité proverbiale, et cherche à lui substituer un article de confection plus fine, de matière On ignore de quel poids a pu peser le plaidoyer de plus relevée, souvent en soie, au moins en simi- la chambre de commerce auprès des plus hautes li, agrémenté de jours, et dont l’apparence de instances du pays dans l’heureux dénouement du toile d’araignée permet d’émettre des doutes sur conflit. sa qualité. Il est vrai que nos élégantes trouvent Toujours est-il que, peut-être dans le souci d’éteindre l’incendie qui commençait à embraser le vignoble une excuse plausible dans la clémence excep- (c’est la “révolte des vignerons”), un décret du 7 tionnelle des derniers hivers, et que, d’autre juin 1911 institue une très péjorative « Champagne part, les architectes font de grands progrès dans deuxième zone » qui inclut les arrondissements l’art du chauffage. » de Bar-sur-Aube, Bar-sur-Seine, Chavanges et Villenauxe-la-Grande. 1 « Rapports sur la situation commerciale et indus- La question de la délimitation sera définitivement trielle du département de l’Aube, pendant l’année réglée en 1927. Depuis, beaucoup d’eau — ou plutôt 1911, présentés à la séance du 1er mars 1912. ». de champagne — a coulé sous les ponts… 43 Des études en pagaille, ou quand la chambre s’intéresse à tout

La chambre de commerce a depuis toujours milité en faveur du transport de fret par voie fluviale.

En 1920, la chambre approuve le projet d’aménagement d’un lac destiné à contenir les crues.

La CCI a produit depuis ses débuts moult études et enquêtes qui ont permis aussi bien de guider son action que d’éclairer la lanterne des acteurs de la vie politique et économique, qu’ils se situent du côté des pouvoirs publics ou de celui des entrepreneurs privés. Là résidait d’ailleurs sa principale mission dans sa prime jeunesse. Dès 1825, on voit la chambre de commerce de Troyes procéder au recensement des fabricants de bas, de toiles, de draps, et des filateurs. Elle poursuivra au cours des années suivantes cette grande revue d’effec- tifs sur l’industrie manufacturière dans le département de l’Aube. En 1836, elle mène une enquête sur les transports, puis, en 1848, sur les boissons. En 1843, elle apporte sa contribution à la Statistique générale du Royaume en dressant le tableau des établissements industriels des neuf cantons formant l’arrondissement de Troyes. Le ministre de l’Agriculture et du Commerce salue à cette occasion « une netteté d’esprit et une lucidité de classification qui feraient honneur au statisticiens les plus expérimentés ». La chambre a beaucoup planché sur la question des voies de communication et des réseaux de transport. Ce qu’elle a appelé avec constance les « questions de chemins de fer et (de) canaux ». Elle exprime son avis en 1842 et en 1844 sur les projets de tracés de chemin de fer. En 1854, 1861 et 1862, elle donne son opinion sur les communications à établir de l’ouest à l’est et du centre au nord. Elle promeut l’usage de la voie fluviale, déplorant que « la navigation de la Haute Seine (soit) presque impraticable ». « Il conviendrait d’achever les travaux de barrage entre Montereau et Nogent-sur-Seine, le déblaiement du fond du canal entre Nogent-sur-Seine et Troyes, la régularisation des écluses du canal de la Haute Seine en les mettant en rapport avec les écluses des canaux du Nord. » En 1945, encore, elle demande « qu’il soit procédé immédiatement aux travaux d’aménagement du canal de la Haute Seine »… En 1920, la chambre émet un avis « très favorable » au « projet de régularisation du débit de la Seine » pré- senté par l’ingénieur Henri Chabal. Ce projet consiste à aménager des « lacs régulateurs » sur la Seine et ses affluents afin de parer aux risques de crue comme celle, de sinistre mémoire, subie en 1910, et de « mettre la ville de Troyes à l’abri des inondations », même si la principale agglomération concernée reste bien sûr Paris. La chambre voit d’autres avantages à l’aménagement de ces « lacs régulateurs » (on parlera plus tard de « bar- rages-réservoirs » puis de « lacs-réservoirs ») : d’une part, rendre la Seine plus navigable entre Troyes, Paris et Rouen ; d’autre part, renforcer le potentiel de production d’énergie hydraulique des usines implantées le long des cours d’eau. On sait ce qu’il adviendra de ce grand projet : le lac-réservoir Seine (aussi appelé lac de la forêt d’Orient ou lac de Lusigny) a été mis en service en 1966, le lac-réservoir Aube (composé de deux bassins : le lac Temple et le lac Amance), en 1990. La vision de la chambre de commerce était donc juste.

Elle s’intéressera par la suite au Parc naturel régional de la forêt d’Orient, à la centrale nucléaire de Nogent- sur-Seine, aux autoroutes, au TGV… Il serait peut-être moins fastidieux de dire à quoi la CCI ne s’est pas intéressée…

La chambre a également planché sur la question du développement du ferroviaire et formulé des propositions.

Gric : créée pour les transporteurs

Sous un titre trompeur, Gare rou- tière internationale de Champagne (Gric), il s’agit bien d’une entreprise privée que la CCI contribue large- ment à créer en 1967, aux côtés de la chambre syndicale des transpor- teurs. Elle est le principal action- naire de cette société anonyme qui a pour objet de mettre des bureaux et des surfaces de quai à la disposition des transporteurs internationaux. On construit donc fort opportuné- ment le siège de la Gric à côté du bureau de douanes à La Chapelle- Saint-Luc. En 1981, la chambre décide de vendre ses actions, mais ne se désengagera jamais totale- ment de la société, jusqu’à sa liqui- dation en 2010. Le bâtiment de la Gric a depuis été rasé, et le terrain racheté par la CCI. 45 Musée commercial : les promesses du Tonkin et de la Cochinchine

Le Tonkin et la Cochinchine sont deux régions de l’actuel Vietnam.

La mondialisation de l’économie ne date pas d’hier. En qualité de puissance coloniale, la France a fait l’expérience de cette réalité depuis fort longtemps. La bonneterie auboise a par exemple été très vite confrontée à la concurrence étrangère, mais aussi aux perspectives nouvelles de débouchés que lui offrait la circulation des marchandises d’un continent à l’autre. Aussi n’est-on pas surpris de voir la chambre de commerce prendre l’initiative de créer, au début des années 1880, un musée commercial en son sein. On parlerait sans doute à l’heure actuelle de showroom, puisque l’idée consiste à exposer temporairement des articles de bonneterie importés susceptibles d’intéresser les négociants et les in- dustriels locaux. Il s’agit d’échantillons provenant notamment du Tonkin et de Cochinchine, ainsi que « des produits minéraux ou autres utilisables en France pour la teinture sur coton ou laine ». Ce musée commercial a le soutien plein et entier du ministère de tutelle de la compagnie consulaire, de qui elle reçoit même des échantillons de produits importés dans les possessions françaises.

Mais les bonnetiers troyens et aubois s’intéressent aussi à leurs concurrents européens. Le musée reçoit en conséquence des échantillons de fabrication allemande, anglaise et suisse, assortis, comme pour les produits plus exotiques, du détail des prix et de tout autre renseignement utile sur leurs conditions de vente. Ces articles sont en laine, en soie ou en coton : gants, bas, chaussettes, cache-corsets, gilets et cale- çons. Dans sa séance du 6 novembre 1903, la chambre de commerce annonce avoir reçu en trois fois de la chambre de commerce française de Charleroi « une collection d’échantillons de coutils, satins, canevas, etc. ; des toiles dites Vichys, et des velours ; des bas et chaussettes ». La chambre indique que ces collections, « après avis réitérés dans la presse locale, ont été tenues chaque fois, pendant un mois, dans les bureaux de la chambre à la disposition des négociants et industriels intéressés de la région ». Ce sera la dernière men- tion de ce musée commercial dans les comptes rendus de la compagnie consulaire avant la Grande Guerre. Quand la chambre s’attachait les services d’un explorateur

Un buste de Gabriel Bonvalot est visible à Brienne-le-Château, commune dont il fut maire.

En 1886, chargé d’une mission scientifique en Asie centrale, l’explorateur aubois Gabriel Bonvalot vient offrir ses services à la chambre de commerce. Il se propose d’examiner les produits consommés dans cette région du monde et susceptibles de lui être exportés. La chambre accepte la mission, lui accorde une subvention de 500 francs et le munit d’un questionnaire que l’on peut résumer dans cette demande : « Pensez-vous que l’industrie de la bonneterie pourrait trouver en Perse un débouché d’une certaine importance ; que les transactions s’y feraient loyalement et qu’il y aurait lieu de chercher à y établir des relations ? »

La réponse s’avérera quelque peu décevante. « Autant que j’ai pu le constater, écrit Gabriel Bonvalot, on porte peu de bas. Dans ce pays, on va surtout pieds nus. » Les femmes se chargent de tricoter les chaus- sons de coton et les bas en laine, tandis que les indigènes (pour reprendre la terminologie de l’époque) « remplacent volontiers la chemise par un petit gilet de coton très léger et acheté à bas prix ». Bref, les perspectives de faire des affaires sont minces, même si l’explorateur recommande « (d’envoyer) un voyageur faire un tour en Anatolie, (car) c’est là que vous pouvez faire quelque chose ». Deux ans plus tôt, en 1884, la chambre de commerce avait apporté tout son soutien à trois manufactu- riers aubois qui projetaient de faire « un voyage d’exploration essentiellement commercial au Tonkin » (partie du Vietnam actuel, qui devient un protectorat français précisément en 1884, et qui est l’une des composantes de l’Indochine, ndlr). Le but de leur voyage est « d’étudier les ressources et les besoins du pays » ainsi que les possibilités d’y importer ou d’y exporter des produits. Les trois industriels s’engagent en outre à acheter pour le compte de la chambre « des échantillons d’articles de bonneterie, usités dans le pays, à l’effet de permettre à celle-ci de former son musée commercial ». 47

Emissions de billets pendant la guerre : et la chambre battit monnaie

Pendant la Grande Guerre, les pièces d’or et d’argent se font rares, contraignant bien souvent la popula- tion à payer en timbres-poste. Aussi, pour « remédier à la pénurie de monnaie divisionnaire », la chambre de commerce est-elle autorisée en octobre 1915 par son autorité de tutelle à émettre 300 000 francs de papier monnaie en coupures de 1 franc et de 50 centimes. Ces billets, payables à vue et remboursables dans un délai de cinq ans, sont disponibles aux guichets de la Banque de France à partir du 5 novembre 1915 : y sont déposés 192 000 bons de 50 centimes et 204 000 bons de 1 franc. Mais cette première émission est très vite épuisée. Aussi la compagnie consulaire procède-t-elle à une nouvelle émission de 696 000 francs en billets. Puis une troisième émission de 210 000 francs a lieu début 1916 afin de remplacer les coupures usagées par une « circulation intensive ». En décembre 1916, le ministre du Commerce autorise la chambre à émettre 1 500 000 francs de coupures neuves pour remplacer les billets retirés de la circulation. En 1918, un accord entre la chambre de commerce et la Banque de France stipule que les bons usagés seront incinérés « à l’usine de bonneterie de monsieur André Gillier à Troyes », pour un montant de 967 000 francs, sur les 2 706 000 francs de billets mis en circulation. L’opération se déroule le 29 mars 1918. La guerre est terminée ; toutefois, la petite monnaie continue à se faire rare, compliquant les transactions commerciales du quotidien. La chambre de commerce recourt donc à une cinquième puis à une sixième émission de bons-monnaies en 1920 et 1921, la première de 1 498 000 francs, la seconde de 1 500 000 francs, pour laquelle des bons de 25 centimes font leur apparition. Le boni réalisé à la suite des émissions de bons-monnaie effectuées pendant la guerre 14-18 permettra à la chambre de devenir propriétaire de ses locaux, le 31 mars 1921, pour la somme de 220 000 francs. Ce béné- fice provient de la non-présentation au remboursement des billets perdus, détruits ou conservés. Il y avait eu un précédent, puisqu’en 1870 le receveur municipal de Troyes avait été autorisé par le préfet à émettre des bons de 5, 10 et 20 francs « sous la surveillance de Monsieur le Maire de Troyes et de Monsieur le Président de la Chambre de Commerce ». L’objectif était déjà de remédier « à la pénurie des espèces en circulation ».

Page de gauche, des exemplaires parfaitement conservés des billets émis par la chambre de commerce entre 1915 et 1921. Déjà en 1870, au sortir de la guerre, la chambre de commerce avait supervisé une émission de billets.

Champex : la chambre se fait actionnaire

La chambre de commerce participe, le 21 octobre 1958, à la création de la Société Champenoise d’Expansion, dite plus simplement Champex. Son statut est celui d’une société de développement régio- nal régie par un décret de 1955. Champex a pour mission de concourir au développement économique de la région, et plus spécifiquement d’assurer le financement des entreprises industrielles ou commer- ciales qui possèdent ou créent un établissement dans la région. Trois moyens sont mis à sa disposition : l’entrée au capital des entreprises industrielles à hauteur de 35 % maximum ; et dans celles où elle a pris des participations, des prêts à cinq ans ou plus et des ga- ranties d’emprunt. Champex est une société anonyme au capital de 250 millions de francs. La CCI détiendra 260 actions à 10 000 (anciens) francs chacune, entre la souscription initiale et les augmentations de capital. On notera que plusieurs entreprises auboises (principalement des bonneteries : Gillier, Poron, Valton, Vitoux, Mauchauffée…) et même des particuliers (dont le président de la chambre de commerce, Georges Babeau) entreront au capital de Champex. La société avait établi son siège social dans les bu- reaux de la chambre de commerce de Reims. Champex a été repris en 1994 par la Caisse d’Epargne de Lorraine Champagne-Ardenne puis a été dis- sous. Il a constitué l’apport de la Caisse d’Epargne dans la société de capital investissement créée par la Région en 1984, Irpac passée en 2015 dans le giron d’UI Gestion. 49 Du devoir d’information de la CCI : la presse consulaire

La CCI s’est toujours donné pour mission d’informer le plus complètement possible ses ressortissants. C’est dans cet esprit que depuis plus d’un demi-siècle elle édite un magazine consulaire, dont le nom, la forme et le contenu ont évolué au fil des ans, épousant littéralement l’air du temps. En 1960, la CCI s’associe à la chambre de métiers pour créer la Re- vue économique de l’Aube. Le président Etienne Vauthier justifie l’existence de la publication dans son premier éditorial : « L’activi- té de nos compagnies consulaires n’était jusqu’alors connue que de quelques fonctionnaires et patentés privilégiés. Elle doit être portée à la connaissance de tous les chefs d’entreprise, qui chacun dans leur sphère contribuent à la prospérité économique du département et de la France. »

Quarante-huit numéros paraîtront sous l’intitulé Revue écono- mique de l’Aube, le dernier en date, sorti au 1er semestre 1969, sous la coupe unique de la chambre de commerce et d’industrie. S’ensuit une période emprunte d’une certaine confusion, sur le plan éditorial s’entend. C’est seule que la CCI fait paraître en 1970 un nouveau journal sans nom distinctif, dont quatre numéros seront diffusés avec la mention « nouvelle série ». Sauf qu’en 1971 on remet les compteurs à zéro et qu’est lancée une nouvelle « nouvelle série » redémarrant au numéro 1, avec toujours pour seul titre Chambre de commerce et d’industrie de Troyes et de l’Aube. Ce n’est qu’au numéro 43 de cette nouvelle « nouvelle série » que, en février 1981, le magazine prendra le nom de Mercure 10, en référence à la fois au dieu du commerce et à la numérotation du département de l’Aube. Le trimestriel (ou bimestriel, selon les périodes) connaîtra plusieurs métamorphoses au cours des décennies, adoptant une nouvelle maquette dès son deuxième numéro (!), avec l’apparition de la photo et d’un logo franchement illisible. La couleur s’étale en couverture dès 1973. Le numéro 150 inaugure la dernière maquette en date. Mercure 10 a fêté son 200e numéro (celui de la nouvelle « nouvelle série » démarrée en 1971) en décembre 2013. Qui n’est en réalité que le 158e du nom, puisque le titre Mercure 10 est apparu seulement en 1981… Peu importe après tout, puisque ce prétendu 200e numéro sera aussi l’antépénultième de Mercure 10 !

En effet, régionalisation des CCI oblige (mais aussi restrictions budgétaires), les cinq CCI départementales et la CCI de Champagne-Ardenne décident de mutualiser leur communication. Un support commun va naître, baptisé CCI Mag, qui se substituera aux magazines publiés dans les Ardennes, dans la Marne (uni- quement à Châlons-en-Champagne, Reims n’ayant alors plus de journal depuis trois ans), en Haute-Marne, et bien sûr dans l’Aube. Le premier numéro de CCI Mag paraît en septembre 2014. Il comprend, comme les numéros ultérieurs, cinq éditions composées d’un dossier commun aux cinq chambres départementales

Le journal de la CCI a subi plusieurs transformations au cours de son histoire en devenant plus ambitieux. Ci-dessus, le tout premier numéro du magazine consulaire, sorti en 1960 en partenariat avec la chambre de métiers. et de pages spécifiques à chacune d’entre elles. Le nombre d’éditions est réduit à quatre en 2016 suite à la fusion des CCI de Reims et de Châlons.Le propos, le look et le style de la revue consulaire ont considéra- blement évolué au gré des modes. Quel contraste entre le ton très austère et très institutionnel du premier “Mercure 10” paru en 1971, et le style très magazine, très tourné vers le reportage de l’actuel CCI Mag ! Les lecteurs de 1971 ont droit à un compte rendu de la dernière assemblée générale de la chambre, au cours de laquelle le président Etienne Vauthier insiste sur la nécessité de « maintenir l’importance et le rayonnement de l’industrie de la maille », tout en recherchant des « activités complémentaires », dans le tertiaire notam- ment. S’ensuivent deux articles très savants, l’un sur le « développement économique et culturel de Troyes depuis le XIIe siècle », l’autre sur « le magasin collectif d’indépendants », autrement dit les GIE. L’information se veut également pratique, avec des articles sur les soldes, les impôts et la fiscalité immobilière. Le numéro 11 de CCI Mag, daté du 2e trimestre 2017, s’intéresse, lui, à « l’économie collaborative ». Une autre époque, vraiment.

Parc des expositions : Do you speak pour faire rayonner english ? le département La chambre décide l’envoi de représentants du textile à la Grande exposition uni- verselle des travaux de l’in- dustrie de toutes les nations (ouf !) qui se tient à Londres en 1851. C’est la première Exposition universelle de l’histoire.

La CCI et le parc des expositions sont désormais voisins.

Le parc des expositions était géré à l’origine par l’association Foire Garantie aux sociétés de Champagne, créée en 1965. Son conseil d’administration com- de construction : prenait l’office de tourisme de Troyes, la Ville de Troyes, ainsi que différents organismes économiques, parmi lesquels figuraient les l’aide à la pierre trois chambres consulaires (CCI, chambre d’agriculture, chambre Un décret datant de 1953 autorise de métiers et de l’artisanat). Un désaccord sur le mode de gestion de les chambres de commerce à réaliser l’association a conduit la CCI à s’en retirer en 2000, laissant les com- des programmes de construction mandes à la Ville de Troyes et à la chambre d’agriculture. Le parc de logements ou de réhabilitation des expos a ensuite été déclaré d’intérêt communautaire en 2004 de l’habitat, soit directement, soit et sa gestion assurée en régie directe par la CAT, communauté de par l’intermédiaire d’organismes l’agglomération troyenne. spécialisés. Elles peuvent aussi, à A compter du 1er janvier 2009, la CAT en confie la gestion et l’instar des collectivités locales, l’exploitation à la société GL Events, en vertu d’une délégation de garantir les emprunts contractés service public d’une durée de huit ans. GL Events crée dans la foulée par les sociétés d’HLM ou de crédit une structure dédiée, la Société d’Exploitation du Parc des Exposi- immobilier. tions de l’Agglomération Troyenne (dite Troyes Expo Cube), dans La demande ne se fait pas attendre. laquelle les trois chambres consulaires acquièrent chacune 5 % des Dès 1954, la compagnie consulaire parts sociales. Elles détiennent donc à elles trois 15 % du capital. La troyenne est sollicitée par quatre CCI possède 250 actions de 10 euros. sociétés différentes : Mon Logis, La Mais face à des résultats jugés décevants, Troyes Champagne Mé- Maisonnette Troyenne, Le Foyer tropole (nouvelle dénomination de la CAT) décide de ne pas re- des Familles Nombreuses et Le conduire la délégation de service public. Elle reprend en régie, à Crédit Immobilier. Toutes quatre compter du 1er janvier 2017, l’exploitation du parc des expos, via reçoivent un avis favorable, pour un établissement public, la Maison du Boulanger. La CCI sort par un montant cumulé approchant les conséquent du jeu. 80 millions de francs. 51 Développement économique : du Comité d’action promotionnelle…

Le Comité d’action promotionnelle de l’Aube et de l’agglomération troyenne (CAP) a vu le jour en 1973 sous les auspices du Département de l’Aube, du Syndicat intercommunal à vocation multiple de l’agglomé- ration troyenne (le Sivomat, devenu après plusieurs détours Troyes Champagne Métropole en 2017), de la chambre d’agriculture de l’Aube et de la CCI de Troyes, qui sont aussi ses financeurs. « Il faut voir dans la création de ce comité le fruit des réflexions entreprises, il y a maintenant deux ans, à l’initiative de la com- pagnie consulaire, sur le thème de Troyes, ville de la couronne » (parisienne, ndlr), écrit le président de la chambre, Camille Martin. On doit à la vérité de dire que la ville de Troyes avait engagé en parallèle une réflexion similaire, et qu’il était surtout question pour la chambre de promouvoir « l’image de marque de la bonneterie ». Le CAP est constitué sous la forme d’une association ayant pour objet de faire « la promotion économique de l’agglomération troyenne et du département de l’Aube à partir de leurs vocations propres ».

…à Aube Développement, l’emploi comme enjeu

Valérie Thiery, la responsable d’Aube Développement, et une partie de son équipe.

La CCI reprend le flambeau avec l’accord du conseil général et crée Aube Développement en 1993. Ce guichet unique regroupe le Département de l’Aube, la Ville de Troyes et bien sûr la chambre de commerce et d’industrie. L’agence de développement économique est un service à part entière de la chambre, intégra- lement financé par elle, hormis quelques subventions ponctuelles. Son défi : vendre un département « peu connu et pas très attractif naturellement », comme l’expliquait l’ancien directeur d’Aube Développement, Bernard Castaing, dans une interview accordée à Mercure 10 en 2007. Celui-ci ajoutant « qu’il (fallait) aller tirer les gens par la manche ». Travail ô combien « ingrat », car peu de dossiers étudiés finissent par aboutir, mais ô combien gratifiant lorsqu’une entreprise consent enfin à s’installer. Elles sont 336 en tout à ce jour ! Parmi les entreprises accompagnées par Aube Développement, citons Wepa, ex-Lucart (papier hygiénique, Torvilliers), Saviel (transformation de viande, Sainte-Savine), Ridorail (tringles à rideaux, Estissac), Ghiset- ti (aliments sous vide, Le Chêne), AAA (laboratoire pharmaceutique, Technopole de l’Aube), Fränkische (canalisations et chambres de stockage d’eaux pluviales, Torcy-le-Grand), UFP International (grossiste en consommables informatiques, parc logistique à Saint-Léger), Remondis (recyclage de DEEE, Saint-Thi- bault), Veka Recyclage (recyclage de PVC, Vendeuvre-sur-Barse), Vestas (éoliennes), Pok (matériel d’in- cendie, Nogent-sur-Seine), Bonduelle (transformation de légumes, Saint-Benoist-sur-Vanne)… Aube Développement est à l’origine du développement de plusieurs filières dans le département : agroalimen- taire, logistique, santé, packaging, recyclage et énergies renouvelables. Elle a aussi permis « d’amorcer la pompe d’une nouvelle filière dans l’agglomération troyenne, celle des centres d’appels », peut-on lire dans Définition plutôt vague qui recouvrira trois grandes missions : mener des études sur des points précis de l’économie locale ; aider les entreprises existantes, plus particulièrement celles qui sont en difficulté ; favoriser la création d’entreprises nouvelles, endogènes ou exogènes. La chambre de commerce a cinq représentants au conseil d’administration, lequel est présidé par le maire de Troyes. Mais la structure est financée à 80 % par le conseil général. Jusqu’en 1978, le CAP s’appuie sur un cabinet-conseil parisien (Cogefi) pour réaliser des études et des diagnostics, avant de disposer de son propre personnel. En 1985, l’association accouche d’une charte économique de développement. En 1988, elle hérite d’une nouvelle compétence : la promotion éco- nomique et touristique du département par le truchement de campagnes publicitaires. A cette occasion, le CAP change de nom, sinon d’initiales, pour devenir le Centre Aube Promotion. L’élection d’un nouveau président (Jean Toggenburger) et la nomination d’un nouveau directeur général (Serge-Fran- çois Martinez) en 1989 amènent la CCI à s’interroger sur les chevauchements de compétences entre le CAP et la chambre. La situation est clarifiée en 1990 : sont du ressort du CAP la promotion du département, la prospection, l’accueil et les discussions préliminaires avec les entreprises étrangères au département. Sont du ressort de la chambre les missions de conseil ou d’aide à l‘exportation pour les entreprises auboises, ainsi que la maîtrise d’ouvrage des futures implantations (source : communiqué de Robert Galley, maire de Troyes et président du CAP, paru dans la presse locale). Mais l’action et le mode de fonctionnement du CAP conti- nuent à générer des tensions en interne, et l’association finit par être dissoute en 1993.

le numéro 192 de Mercure 10 en 2012. Ses acteurs ont pour nom ClientLogic (devenu Sitel, Pont-Sainte- Marie), Euro CRM (Troyes), 3Media (Pont-Sainte-Marie). « Il a fallu monter une offre, identifier les sites susceptibles d’accueillir les entreprises, former et reconvertir une partie de la main-d’œuvre », expliquait alors Valérie Thiery, l’actuelle responsable d’Aube Développement. Par son action, le guichet unique a contribué à créer de l’emploi (environ 7 400 depuis l’origine), mais aussi à en sauvegarder : en témoigne l’exemple de la cidrerie Bellot à Chaource que l’action conjointe de la commune, du conseil général et d’Aube Développement a permis de maintenir sur place. On pourrait également mentionner les relocalisations de Vachette et de RPC. Les deux piliers sur lesquels s’appuie Aube Développement pour attirer les entreprises sont « la prospec- tion et le lobbying », ainsi que le rappelait Bernard Castaing en 2007. Cela suppose de participer à de nombreux salons professionnels en France et à l’étranger, à exercer une veille permanente sur l’actualité économique et à cultiver ses réseaux. La tâche de l’agence de développement consiste, selon les cas, à trouver un point de chute à l’entreprise (terrain et/ou bâtiment), à l’aider à monter son dossier, à l’accom- pagner dans ses démarches, à lui faire rencontrer les bons interlocuteurs, et à la suivre dans sa croissance, y compris plusieurs années après son installation si nécessaire. Pour les porteurs de projet, l’avantage du guichet unique est d’avoir « un seul interlocuteur en face d’eux », pour reprendre l’expression d’un autre ancien directeur d’Aube Développement, Serge-François Martinez. Aube Développement a incontestablement aidé l’économie auboise à se reconvertir lorsque l’industrie bonnetière a commencé à entamer son lent déclin. Ce service consulaire emploie aujourd’hui trois per- sonnes. Son statut est susceptible d’évoluer dans le courant de l’année 2017.

Bonduelle

3Média

Fränkische

Veka Recyclage

Exemples d’entreprises implantées dans l’Aube avec l’accompagnement du guichet unique. 53 L’observatoire économique : généraliste spécialisé dans les magasins d’usine

Au début des années 1990, le département de l’Aube et l’agglomération troyenne se posent toute une série de questions quasi existentielles : comment diversifier le tissu économique, et notamment comment combler le retard pris par l’économie auboise dans le domaine des services ? Quelle stratégie de développement commer- cial adopter, et en particulier comment favoriser l’essor des magasins d’usine ? Pour tenter de répondre à toutes ces problématiques, avec en filigrane l’ambition d’éclairer le politique sur la marche à suivre, a CCI crée en 1992 un observatoire économique. Le passé de statisticien du directeur général de la CCI, Serge-François Martinez, plaide naturellement en ce sens. C’est le premier observatoire à voir le jour en Champagne-Ardenne. « Au dé- but de l’aventure, il n’était pas évident de convaincre de la pertinence et de l’utilité d’un tel service, y compris en interne, explique Didier Moret, le responsable de l’observatoire. Les interrogations, voire les critiques, étaient nombreuses : pour quoi faire ? à quelle fin ? à quel coût ? Très vite, il a fallu des résultats pour répondre à toutes ces attentes. » L’observatoire s’attache donc à multiplier les champs d’investigation. Il va produire études et enquêtes sur l’enseignement supérieur, la reconversion de l’armée, l’impact de la centrale nucléaire de Nogent-sur-Seine, l’impact du football professionnel à Troyes, les retombées du festival des Nuits de Champagne, les magasins d’usine (vo- let dans lequel il va exceller)… De fait, l’observatoire impose rapidement son exper- tise et devient une référence nationale sur les villages de marques. Pour le compte d’autres CCI, de collectivités locales, de cabinets d’études ou d’opérateurs privés, il réalise des études prospectives d’impact, de potentialité ou de faisabilité. Il apporte son conseil, assiste les maîtres d’ouvrage, anime conférences et groupes de travail partout en France. L’une des originalités de ses interventions en dehors du départe- Didier Moret. ment réside dans le fait qu’elles se font sous couvert de MCT (Marques Commerces et Territoires). Il s’agit du nom d’une société privée, émanation de la CCI, qui a été active de 2006 à 2013. La SARL a été radiée en 2013 pour des raisons d’organisation interne à la CCI, et a été réintégrée dans son giron. « C’était une première en France qu’une société privée, impulsée par une chambre de commerce et d’industrie, se monte dans le domaine des études et de l’expertise commerciales », souligne Didier Moret. Plus globalement, l’observatoire produit de l’information conjoncturelle ou structurelle destinée aussi bien aux élus consulaires qu’aux élus politiques, aux institutions qu’aux entreprises. Cette ressource documentaire prend des formes variées : étude de marché, diagnostic Fisac (Fonds d’intervention pour les services, l’artisanat et le commerce), étude de faisabilité pour la réhabilitation d’une zone industrielle ou l’aménagement d’un parc d’activités, mise en place de tableaux de bord, veille économique sur des secteurs spécifiques, construction d’argumentaires, etc. Se voulant avant tout « un outil d’aide à la décision et à l’action », en digne héritier de la vocation historique des chambres, l’observatoire économique créé par la CCI de Troyes et de l’Aube a inspiré (et accompagné) ses coreligionnaires de la Marne et de la Haute-Marne par exemple. Après avoir compté jusqu’à cinq collaborateurs à ses plus belles heures, il emploie désormais deux personnes à plein temps. Il fonctionne comme un cabinet, facturant certaines de ses prestations.

Un échantillon des études menées par ce service de la CCI. Magdus, LE spécialiste des magasins d’usine

S’agissant d’observatoire et de magasins d’usine, la CCI a été à l’origine de la création de Magdus en 2003. D’abord sous la forme d’un colloque européen consacré aux magasins d’usine et aux centres de marques, puis l’année suivante sous la forme d’un observatoire du même nom et à la thématique com- mune.

Le colloque a eu lieu tous les deux ans, pendant que l’observatoire constituait une base de données unique en Europe sur ce secteur. Les coupes claires infligées par l’Etat au budget de la CCI depuis 2013 ont conduit celle-ci à faire des arbitrages budgétaires aux dépens de Magdus notamment. Cette mani- festation a été cédée à son animatrice et a lieu désormais tous les ans à Paris.

55 Aéroport Paris-Vatry : un pari sur l’essor économique régional

En 1992, sous l’impulsion d’un groupe d’entrepreneurs locaux soutenus par le préfet de région, le conseil général de la Marne décide de réactiver une ancienne base aérienne de l’Otan, située à Vatry, en construisant un aéroport dédié au transport de fret. L’ambition est de créer une grande plate-forme logistique conjuguant trois modes de transport : l’air, la route et le fer. Soulignons dès à présent que l’aéroport s’ouvrira ultérieurement (en 2004) au transport de passagers. Une société d’économie mixte est constituée pour aménager la zone. Mais il faut une structure juridique pour exploiter le futur aéroport : ce sera la Seve, Société d’Exploitation de Vatry Europort. Cette société anonyme signe en 1998 avec le conseil général de la Marne, propriétaire de la plate-forme aéroportuaire, une convention de délé- gation de service public courant sur vingt années à compter du 1er janvier 2000. L’Europort de Vatry, qui prendra en 2006 le nom commercial d’aéroport Paris-Vatry, est le dernier aéroport de catégorie A (international) à avoir vu le jour en France. Sa mise en service intervient en janvier 2000 à l’issue de trois années de travaux. La CCI de Troyes et de l’Aube s’est impliquée dans la Seve dès sa création. Et même en amont de celle-ci, puisque la chambre décide en 1997 d’intégrer le groupement d’entreprises qui soumissionnera — avec succès — à l’appel d’offres du Département de la Marne. Elle détiendra tout d’abord 6,66 % du capital de la Seve, au même titre que les deux autres CCI parties prenantes, celle de Châlons-en-Champagne et celle de Reims-Epernay. La chambre justifie son implication dans une infrastructure située en dehors de sa circonscription par « l’intérêt régional du projet et l’intérêt de constituer une union forte et exemplaire de l’organisation consulaire face aux maître d’ouvrage public,

Troyes Aviation du public au privé

En 1973, la CCI rachète Air-Aube, un atelier d’entretien et de réparation d’aéronefs créé trois ans aupara- vant sur l’aérodrome de Troyes-Barberey pour assister la compagnie Air Entreprise alors basée sur site. Sous l’impulsion de la chambre, l’atelier — qui a été rebaptisé Troyes Aviation — connaît « une évolution qui démontre l’efficacité des efforts entrepris », peut-on lire dans une note interne datant de 1979, bien que son activité soit déficitaire. Ce qui amène la chambre à s’interroger : doit-elle conserver en son sein une activité qui n’est normalement pas de sa compétence (c’est d’ailleurs le seul des quatre-vingts ateliers français sous régime consulaire) et « que le privé peut normalement assurer » ? L’aéroport international de Vatry, dans la Marne, est entré en service en janvier 2000. Il accueille sur son tarmac des avions cargos et des vols de passagers.

eu égard à la puissance économique de l’opérateur professionnel qui sera partenaire au sein du groupement ». Plus tard, la CCI de Troyes et de l’Aube invoquera « l’importance de cet enjeu pour le développement du nord du département de l’Aube » et « la dynamique engendrée sur les communes auboises voisines ». En 1999, elle parti- cipe financièrement à la construction d’un bâtiment d’accueil. Début 2006, le capital social de la Seve s’élève à 1,52 million d’euros. La CCI de Troyes détient alors 9,9 % des parts et sa consœur châlonnaise 11,7 % après le rachat des parts d’un des partenaires historiques, qui s’est désengagé. La CCI de Reims-Epernay, quant à elle, s’abstient. Parallèlement, en décembre 2005, la CCI de Troyes et de l’Aube adhère à l’Association de coopération territo- riale aéroportuaire (Acta) qui sera créée officiellement l’année suivante. Le but de cette association est de « ras- sembler les forces économiques et politiques intéressées par le développement de l’aéroport international de Vatry ». S’y côtoient des collectivités territoriales, des entreprises, et bien sûr les chambres consulaires. La CCI de Troyes est plus spécialement chargée de contacter les voyagistes aux fins de promouvoir le trafic passagers. Malheureusement, sans faire de mauvais jeu de mots, l’aéroport a du mal à décoller. Ses résultats sont dé- cevants. La nécessité de changer de gestionnaire se fait sentir. Après un premier changement d’actionnaire majoritaire en 2008, la CCI de Châlons-Vitry-Sainte-Ménehould prend les commandes le 1er janvier 2014. Elle possède maintenant 88 % des actions de la Seve. Dans ce nouveau montage, la CCI de Troyes détient encore 7,2 % des parts, et la CCI de Reims-Epernay, 4,8 %. Les chambres consulaires marnaises et auboise possèdent donc désormais 100 % du capital de la Seve. Mais le 8 juillet 2016, nouveau changement de gouvernance. N’étant pas en capacité d’injecter des ressources supplémentaires dans une infrastructure chroniquement dé- ficitaire et faute d’avoir pu trouver un exploitant susceptible de relancer l’activité, la CCI de Châlons décide de passer le relais au conseil départemental de la Marne. Celui-ci reprend ainsi en direct la gestion de “son” aéroport via un établissement public. La CCI de Troyes et de l’Aube s’en tire à moindre mal : elle avait eu la prudence de provisionner le risque quelques années auparavant, et la fonte du capital social de Vatry n’a pas eu d’incidences sur ses comptes.

Françoise Horiot a connu les deux versants de Troyes Aviation.

On connaît aujourd’hui la réponse : non. Troyes Aviation cesse d’être un service consulaire en 1985 pour redevenir une société privée. Une femme en prend les rênes après avoir remporté l’appel d’offres, et la gère encore de nos jours : Françoise Horiot, celle-là même qui dirigeait l’ancien service consulaire depuis son origine. 57

3 / LA CCI PROMOTEUR DE L’ENSEIGNEMENT

Dix ans seulement après sa création, la chambre de commerce se découvre une vocation : pour- voir à la formation des hommes. Il s’agit d’élever le niveau de compétence des ouvriers qui, en se perfectionnant, amélioreront la compétitivité de leur entreprise. L’ambition de la chambre monte ensuite d’un cran avec la création de véritables établissements d’enseignement qui vont préparer des bataillons de jeunes gens et de jeunes filles à des emplois hautement qualifiés. C’est tout d’abord, à la fin du XIXe siècle, l’Ecole française de bonneterie, puis, plus proche de nous, l’ESC Troyes, familièrement appelée “école de commerce”. Celle-ci est assurément l’une des plus belles réussites de la CCI, celle qui contri- bue le plus au rayonnement de la ville de Troyes et du département de l’Aube en France comme à l’étranger.

L’extension du campus Brossolette du Groupe ESC Troyes a été inaugurée en octobre 2014. 59 L’irrésistible ascension de “l’Ecole de commerce”

En 1962, constatant à la fois l’industrialisation croissante du dépar- tement et les lacunes de l’enseignement technique, la CCI de Troyes décide de créer l’Ecole commerciale de jeunes gens et de jeunes filles. Au cours de la séance du 5 avril 1962, le président Etienne Vauthier indique que « les commissions d’apprentissage et enseignement technique et du commerce, constituées au sein de la chambre, après avoir longuement étudié cette question, ont estimé que l’assemblée consulaire avait le devoir d’intervenir là où les initiatives publiques et privées faisaient défaut et à créer l’établissement commercial dont le besoin se faisait sentir ». La chambre de commerce se fonde sur l’article 14 de la loi du 9 avril 1898 qui l’autorise à endosser ce genre de responsabilités.

L’école a pour mission de « former des cadres moyens du commerce et de l’industrie et des jeunes gens capables de créer et de gérer une en- treprise de petite ou moyenne envergure comme d’assurer éventuel- lement le relais de l’affaire familiale ». La pédagogie, « essentiellement active, comportera des stages dans les entreprises et fera appel à l’étude de cas ». Les formations sont délivrées à des jeunes âgés de 14 à 19 ans, non bacheliers, et divisées en deux cycles. L’enseignement est réparti en trois années scolaires et comprend l’étude de l’entreprise, la culture générale et les techniques d’exécution (sténodac- tylographie, droit, correspondance commerciale, etc.), ainsi que deux langues vivantes.

L’école s’installe dans une maison bourgeoise sise boulevard du 14-Juillet à Troyes, au numéro 25. Elle a été achetée aux Ets Raguet et Vignes pour la somme de 250 000 nouveaux francs (apparus en 1960), auxquels s’ajoutent 400 000 francs de frais d’installation. Elle accueille ses trente premiers élèves de niveau BEPC, aux- quels elle délivre un “diplôme” de niveau bac. Il s’agit à proprement parler d’un titre, plutôt qu’un diplôme, puisque l’homologation par l’Etat n’interviendra qu’en 1987. Mais ne brûlons pas les étapes.

Ci-dessus, un document considéré comme A gauche, ci-dessous, des jeunes gens A droite, le laboratoire de langues en 1977, l’acte de naissance de l’école de commerce. et des jeunes filles très studieux ! dans un décor typique de cette décennie… Les débuts de l’école sont un peu chaotiques dans la mesure où la chambre de commerce n’obtient pas dès l’abord l’agrément du ministère de l’Industrie à cause d’un vice de procédure. Pour réussir néanmoins à ouvrir l’établissement, elle use d’un subterfuge : recourir à une association privée. C’est donc l’Association pour l’étude et l’enseignement des sciences commerciales, créée le 11 octobre 1962, qui fonde l’école. Son président (Etienne Vauthier) et son siège sont ceux de la compagnie consulaire… Mais l’agrément ministériel tombe enfin le 26 mars 1964 : la chambre de commerce peut reprendre la gestion en direct de l’établissement, ce qui entraîne la dissolution ipso facto de l’Association pour l’étude et l’enseignement des sciences commerciales. L’école de com- merce est née, puisque c’est sous cette appellation qu’un budget dédié est ouvert par la compagnie consulaire. Mais très vite arrive l’heure des remises en question. Un document classé « secret » rédigé en 1966 dresse un tableau assez critique du fonctionnement de l’école. On y dénonce un « manque de contact avec la chambre de commerce », l’absence de documentation (pas de bibliothèque à disposition des élèves) et le caractère « périmé » de « certaines techniques d’enseignement ». On évoque même un « sérieux malaise » en son sein. Le verdict est sans appel : il faut adapter l’école à « l’évolution des techniques » et « préparer les esprits à l’usage de l’ordinateur ».

En 1971, le responsable des études prend la direction de l’école. A la suite de la loi instaurant l’obligation pour les entreprises de financer la formation professionnelle de leurs salariés, le service formation de la CCI crée le Cefope (Centre de formation permanente). En 1973, la première jeune entreprise (on n’emploie pas encore le terme de junior entreprise) voit le jour au sein de l’école sous le nom de Décoflam. Si elle fabrique des bougies décoratives, elle a surtout pour vocation d’enseigner aux élèves l’art de gérer une société. Après trois ans de réflexion, la compagnie consulaire décide de repositionner l’enseignement de l’école. C’est ainsi qu’en 1978, l’Ecole commerciale devient un véritable établissement d’enseignement supérieur court en deux ans (puis en trois ans à partir de 1987) reconnu par l’Etat. Elle prend le nom d’Ecole de commerce et de gestion (ECG). Sa mission : « Faire entrer l’entreprise dans l’école, et l’école dans l’entreprise. »

Mais l’école patine. Le recrutement plafonne à onze élèves en première année. La CCI recrute alors un nou- veau directeur en la personne de Serge-François Martinez, un universitaire en provenance de Dijon. Celui-ci repositionne l’établissement, développe des partenariats et assure la promotion de l’école. Rapidement, suite à l’ouverture de nouveaux cursus, la villa cossue où elle est encore hébergée boulevard du 14-Juillet se révèle trop exiguë. L’école déborde au Centre d’études médicales rue des Bas-Trévois, à l’école Charles-Baltet, et même à la chambre de commerce et d’industrie. Il devient impératif de déménager. C’est chose faite en 1986, avec l’installation de l’école de commerce dans ses locaux actuels, 217, ave- nue Pierre-Brossolette. Les bâtiments ont été construits à l’emplacement des Etablissements André Kasse, une ancienne usine de bonneterie dont l’un des ateliers a toutefois été conservé et intégré à l’école. L’en- semble immobilier a été acquis auprès de Mon Logis par le biais d’un échange de terrain et de bâtiment.

Au centre, les premiers locaux de l’école de commerce, A droite, le laboratoire de langues en 1977, boulevard du 14-Juillet à Troyes, photographiés ici en 1973. dans un décor typique de cette décennie…

61 Rentrée des “première année” Francis Bécard, directeur du Groupe ESC Troyes, dans le grand amphi de l’ESC, ici aux côtés du président de la région Grand Est, année 2015-2016. Philippe Richert.

Une bonne nouvelle n’arrivant jamais seule, paraît-il, l’école reçoit aussi en fin d’année l’homologation de son diplôme par l’Etat. L’emménagement a lieu le 25 août, l’inauguration, le 17 septembre, suivie de la journée portes ouvertes trois jours plus tard. Le chantier, placé sous la maîtrise d’ouvrage du conseil général, a coû- té 17,5 millions de francs, auxquels s’ajoute 1 million de francs d’équipements. La Région et le Département versent chacun une subvention de 1,25 million de francs. L’école dispose dorénavant de 7 000 m2 de locaux, contre 2 500 m2 auparavant, qui offrent d’excellentes conditions de travail à ses 190 étudiants. Le site regroupe le Cefope et ses antennes (le Centre d’étude des langues, l’Institut des forces de vente, l’Institut du commerce extérieur (Icomex) et l’Ecole de la qualité, qui forme des assistants qualité, en partenariat avec l’UIMM), ainsi que le centre d’in- formation et de documentation économique de la CCI. Dans le numéro “spécial formation” que publie Mer- cure 10 en novembre 1989, il est indiqué que le service formation représente deux tiers des salariés permanents (soit 61 personnes, auxquelles s’ajoutent 40 vacataires) et 37 % du budget global de la chambre.

En 1990, l’ECG se trouve confrontée à la concurrence d’un nouveau réseau d’écoles de commerce à bac+3 lancé par la CCI de Reims. Plutôt que de se résoudre à voir décliner son établissement ou à le laisser tomber dans le giron rémois, la CCI de Troyes fait évoluer son statut en 1992, avec le parrainage d’HEC et de l’ESCP de la CCI de Paris. L’ECG prend le nom d’Ecole supérieure de commerce (ESC) et délivre désormais un diplôme à bac+5. L’école recrute ses élèves sur concours national au sein des classes préparatoires au haut enseignement commercial. C’est la dernière-née des ESC en France. Le 17 novembre 1995, Jean-Pierre Raffarin, alors mi- nistre des PME, du Commerce et de l’Artisanat, vient en personne remettre leurs diplômes aux quatre-vingt- quatorze étudiants de la première promotion de l’ESC. Francis Bécard prend la direction de l’école en 1997. Celui-ci va s’empresser de créer des passerelles avec la Technopole de l’Aube en Champagne, fondée l’année suivante et dont il devient aussi le directeur.

En 1999, l’ESC se transforme en Groupe ESC Troyes et va s’attacher à constituer un grand pôle de formation à Troyes. L’ESC crée un bachelor bac+4 INBA, un autre bac+4 spécialisé dans le tourisme (EMVOL) et un double diplôme avec l’UTT en management du sport. A l’origine endogène, la croissance devient aussi externe. L’Ecole supérieure d’arts appliqués est la première à rejoindre le groupe en 2004. Deux autres entités entrent dans son giron en 2007 : l’Ecole de la 2e chance (destinée aux jeunes ayant quitté le système scolaire sans qualification) et l’Association auboise pour le développement de la promotion sociale et de la formation professionnelle (ADPS, formation continue). C’est d’ailleurs là un curieux retournement de l’histoire, puisque l’ADPS était née de la fusion du Cefope créé par la CCI avec son concurrent, le CEPS, avant de devenir autonome…

Plus récemment, en avril 2016, c’est au tour de l’école Pigier à Troyes d’intégrer le groupe via l’ADPS. L’école Pigier propose des formations allant du CAP à bac+5 dans une multitude de domaines : coiffure et esthétique, commerce et management, gestion et finances, administration des entreprises et des ressources humaines, Francis Bécard, directeur du Groupe ESC Troyes, 21e cérémonie de remise de diplômes ici aux côtés du président de la région Grand Est, à l’Espace Argence, Philippe Richert. année 2015-2016.

social et paramédical. L’école délivre aussi des certifications professionnelles. Ce large éventail de formations initiales et continues fait toute l’originalité et la singularité du Groupe ESC Troyes, qui se veut très ouvert sur la société, le monde économique et l’international. L’établissement prend un virage important, le 1er janvier 2011, en se transformant en association, sous le nom de Troyes Aube Formation (rien à voir avec le Troyes Aube Football, l’ancien club de foot !). Et surtout, il coupe le cordon ombilical avec la CCI. Le statut associatif permet une gouvernance académique ouvrant la porte aux habilitations internationales Il doit aussi faciliter les travaux d’agrandissement et de rénovation de l’école, à nouveau engoncée dans ses murs suite à l’ouverture de nouveaux programmes et à la hausse importante de ses effectifs. Et ce malgré la création de quatre salles de cours supplémentaires en 2005 dans une extension de 500 m2. Plusieurs centaines d’élèves sont obligés de suivre leurs études dans l’ancien collège Beurnonville, dans les locaux du Crédit Agricole ou encore à la Technopole de l’Aube. L’ESC rencontre les mêmes problèmes que quatre décennies plus tôt l’ECG dont elle est issue…

Le 10 octobre 2014, on inaugure son extension, avenue Pierre-Brossolette. Elèves, enseignants et personnel administratif en avaient déjà pris possession à la rentrée de septembre. La nouvelle aile a été réalisée sur un site mitoyen occupé auparavant par le fabricant de pots de yaourt en plastique Rigid Plastic Containers (RPC, ex-Celatose). Les travaux de démolition de l’usine avaient démarré en octobre 2012, et les travaux de construc- tion proprement dits en avril 2013. La première pierre ayant été posée symboliquement quelques semaines plus tard, le 24 mai.

La CCI a pris en charge une partie des frais d’achat et de construction : 5 millions d’euros sur un total de 26,4 M€, le reste de la somme étant versé par le Département de l’Aube, le Grand Troyes et la Région. La com- munauté d’agglomération a assuré par ailleurs la maîtrise d’ouvrage de l’extension, et est donc le propriétaire du bâtiment neuf. La CCI reste quant à elle propriétaire des murs des anciens bâtiments. Elle a signé un bail emphytéotique de quatre-vingt-dix-neuf ans, à compter du 24 septembre 2012, avec le Grand Troyes (devenu Troyes Champagne Métropole) afin qu’il y ait un opérateur unique pour les travaux et la gestion du patrimoine immobilier. L’association Troyes Aube Formation qui pilote le Groupe ESC est par conséquent locataire de Troyes Champagne Métropole par le biais d’une convention d’occupation et lui verse un loyer.

L’opération d’extension-rénovation du campus Brossolette a permis de livrer 5 740 m2 de bâtiments neufs, 1 220 m2 de bâtiments réhabilités, ainsi qu’un restaurant de 406 m2. Le campus a donc pratiquement doublé de surface et est paré pour accueillir 2 000 étudiants. Les travaux ont été réalisés par le groupement SCAU archi- tectes / SCP Peiffer-Freycenon Architectes / SNC-Lavalin.

Les effectifs du Groupe ESC Troyes sont aujourd’hui répartis sur quatre campus dans l’agglomération troyenne : le campus Brossolette, son site historique et bien sûr le plus important d’entre eux ; le campus Saint-Martin, qui héberge l’Ecole supérieure de design dans une ancienne abbaye datant du XVIe siècle ; le campus Marie- 63 Curie, où l’ADPS avait son siège ; et enfin la Technopole de l’Aube en Champagne pour certains cours. Le Groupe ESC Troyes a été présidé par Jean-François Martinot, un important acteur de l’immobilier régional, avant que celui-ci ne cède sa place en mai 2013 à Didier Papaz, ancien président de la CCI entre 2001 et 2006, et P-DG du Groupe Optic 2000 depuis 2006. La CCI est quant à elle toujours représentée au conseil d’admi- nistration.

Le groupe poursuit son développement, par le biais de partenariats avec d’autres établissements troyens (le Cnam, l’UTT et l’EPF)1 ou régionaux (université de Reims Champagne-Ardenne), mais aussi en se déployant en France et à l’étranger, avec l’ouverture à la rentrée 2016 de deux campus à Paris La Défense et à Yaoundé au Cameroun. Parallèlement, l’établissement troyen ne cesse de grignoter des places au classement des grandes écoles de commerce.

1 L’Université de technologie de Troyes et l’EPF (ex-Ecole polytechnique féminine) sont deux écoles d’ingénieurs. Les cours du soir sources d’espoir

Dès février 1827, le maire donne satisfaction à la chambre de commerce et au conseil municipal qui demandaient que fût donné un « cours gratuit de géométrie et de mécanique appliquées aux Arts et Métiers ». Les leçons ont lieu trois jours par semaine « à sept heures du soir ». Ils s’adressent « aux maîtres, contremaîtres et aux principaux ouvriers d’ateliers et de manufactures », mais aussi « aux fils de propriétaires, aux artistes en tous genres, et en général à toutes personnes dont les études mathématiques auraient été négligées » (style fleuri de l’époque !). La chambre de commerce manifeste de nouveau son intérêt pour la forma- tion professionnelle avec l’instauration, durant la seconde moitié du XIXe siècle, de cours de physique, de chimie industrielle, de législation commer- ciale et de comptabilité. Plus tard, en 1968, année universitaire s’il en fut, elle met en place un cours de perfectionnement commercial et un cours de marketing.

C’était au temps où la chambre de commerce dispensait des cours gratuits, contribuant ainsi à la diffusion des connaissances.

> Cette année-là, en 1962

Année cruciale pour la France : c’est celle de l’indépendance de l’Algérie, de la réconciliation fran- co-allemande et de l’inauguration du paquebot France, orgueil national. Le général de Gaulle échappe à l’attentat du Petit-Clamart, tandis que la Politique agricole commune (PAC) entre en vigueur. Grosse tension entre l’URSS et les Etats-Unis à cause de Cuba et arrestation de Nelson Mandela en Afrique du Sud, qui s’apprête à purger vingt-sept années de prison. Les Beatles enregistrent leur premier disque et les Rolling Stones donnent leur premier concert public. Décès de l’actrice Marylin Monroe et du philosophe Gaston Bachelard, natif de Bar-sur-Aube. A Troyes et dans l’Aube, l’économie est florissante. Même si le succès du bas sans couture, importé d’Ita- lie, inquiète la CCI, la bonneterie se porte bien : son activité progresse de 11 % par an et les effectifs se maintiennent aux environs de 22 000 personnes. L’Aube fabrique 30 % des bas et des chaussettes fran- çais. Comme pour le bâtiment et la métallurgie, qui tournent à plein régime, le problème numéro 1 de l’industrie bonnetière reste la pénurie de main-d’œuvre. La consommation de gaz et d’électricité est en hausse de 18,7 %, alors que le trafic de marchandises SNCF augmente de 6,3 %. Autant de signes qui attestent le dynamisme de l’économie. Le nombre de commerces alimentaires tend certes à décroître, mais les commerces non alimentaires sont de plus en plus nombreux. On recense 68 000 Troyens. L’Ecole française de bonneterie : à l’école des chefs

En 1888, la chambre de commerce participe aux côtés de la chambre syndicale de la bonneterie à la création de l’Ecole française de bonneterie à Troyes. Son but : « Former des contremaîtres, des chefs d’atelier ; donner à des jeunes gens, reconnus aptes à en tirer profit, des connaissances techniques qui leur permettront d’appliquer utilement leur intelligence au développement de la bonneterie ; ce sera, en un mot, une école de sous-officiers, et vous savez que de ces écoles sont parfois sortis des généraux. » Le pré- sident du conseil d’administration est Emanuel Buxtorf, ingénieur mécanicien de son état et ancien maire de Troyes, qui s’est illustré en construisant des machines pour la bonneterie. La chambre verse tous les ans une subvention de fonctionnement à l’école. Installée à Troyes dans une ancienne maroquinerie, au 16 de la rue de Paris, elle accueille ses premiers élèves le 15 mai 1889, avant d’être inaugurée le 12 novembre 1890 par le ministre du Commerce et de l’Industrie. Elle déménage le 1er janvier 1904 au 5 de la rue Gautherin à Troyes. L’Ecole française de la bonneterie est reconnue d’utilité publique par l’Etat en décembre 1922 et placée sous le contrôle du ministère de l’Enseignement technique. En 1947, les salles de classe sont déplacées avenue Pasteur, à proximité des ateliers. Les cours d’enseignement général ont lieu le matin, tandis que les cours pratiques se déroulent l’après-midi. Ils sont destinés à former les cadres dont l’industrie bonnetière et ses annexes ont besoin : techniciens, régleurs, employés de fabrication, chefs d’équipe, contremaîtres. L’école donne aussi des cours accélérés à destination des élèves sortant des grandes écoles. lle a fermé ses portes en 1964, pour devenir la section BTS bonneterie du lycée technique de Troyes. Cette section a disparu à son tour en 2006, marquant le déclin de cette industrie séculaire.

Une vue de l’Ecole française de bonneterie trois ans après son ouverture, c’est-à-dire encore dans ses locaux d’origine.

L’Ecole française de bonneterie a déménagé rue Gautherin en 1904.

Cnam, Cefope, ADPS… : la chambre se démultiplie

En 1931, la chambre accepte de verser une subvention au lycée de Troyes pour la création d’un cours prépara- toire au concours d’admission à l’Ecole des hautes études commerciales. Ce cours sera toutefois supprimé l’an- née suivante faute de candidats. Toujours en 1931, la compagnie consulaire prend l’engagement de poursuivre la construction d’ateliers-écoles à Troyes en cas de défaillance du maître d’ouvrage. Celui-ci n’est autre que la chambre d’apprentissage, autrement dit la chambre de métiers rebaptisée, une émanation de la chambre de commerce (voir à ce sujet le chapitre “la CCI vecteur de progrès”). Plus près de nous, l’Apeste, Association pour l’enseignement scientifique, technique et économique, autre émanation de la CCI, est à l’origine de l’ouverture à Troyes en 1964 du Centre associé régional du Cnam (Conservatoire national des arts et métiers). La chambre crée le Cefope en 1971 (Centre de formation permanente). Sa fusion en 1993 avec le CEPS (Centre expérimental de promotion sociale), un organisme concurrent créé par l’Etat la même année que lui, donne naissance à l’ADPS (Association départe- mentale de la promotion sociale, rebaptisée depuis Association auboise pour le développement de la promotion sociale et de la formation professionnelle). Le Groupe ESC Troyes a repris la gestion de l’ADPS en 2011. 65

4 / LA CCI VECTEUR DE PROGRÈS

La CCI a constamment cherché à faire avancer les choses, à faire bouger les lignes. Elle a cru faire œuvre utile en créant les conditions nécessaires à la bonne marche des affaire. Ouverture d’un bureau de douane et d’un bureau de conditionne- ment public des matières textiles, établissement d’un comptoir d’escompte : ce sont là quelques exemples de l’influence que la chambre a pu avoir sur le cours de l’histoire. La chambre de commerce a également participé à la création de la chambre de métiers ! Mais son principal fait d’arme reste son rôle de premier plan dans l’installation du téléphone à Troyes. C’est en effet elle qui va avancer à plusieurs reprises l’argent nécessaire à la création de lignes téléphoniques avec Paris puis avec d’autres villes du département ou de la région. Un peu comme si aujourd’hui elle intro- duisait Internet dans l’Aube.

La carte montre qu’en 1907 toutes les lignes téléphoniques ne partaient pas de Troyes et couvraient déjà une partie de la campagne. Différents documents dévoilent le montage du financement de la première ligne téléphonique et le mécanisme par lequel l’Etat rembourse les souscripteurs, et c’est probablement sur ce type d’appareil que les Troyens ont passé leurs premiers appels. 67 Le modernisme tient à un fil : la naissance du téléphone à Troyes

Le 22 mars 1884, la ville de Troyes est l’une des premières villes de France à se voir équipée du téléphone. La quatorzième, très précisément, si l’on en croit les tableaux publiés par un site spécialisé dans l’histoire de ce moyen de communication (http://jean.godi.free.fr/). Ce privilège est dû à l’action conjointe de l’administra- tion des Postes et Télégraphes, de la municipalité, de la Société industrielle et commerciale de Troyes1 et de la chambre de commerce. En l’absence de crédits budgétaires pour établir les lignes, l’administration fait appel à des concours financiers locaux. Aussi la chambre de commerce fait-elle publier en juin 1883 dans trois journaux troyens et aubois un appel engageant « les intéressés à se hâter de signer leur adhésion ». En d’autres termes, la compagnie consulaire encourage les futurs abonnés à se manifester auprès d’elle car un minimum d’abonnements est nécessaire pour constituer le réseau. Les démarches qu’elle entreprend directement auprès du ministre des Postes et Télé- graphes, qui la reçoit en délégation le 19 juillet 1883, permettent toutefois d’abaisser ce seuil, initialement fixé à cent cinquante. Elle remet au ministre les polices d’abonnement des soixante premiers souscripteurs. Quelques jours plus tard, la chambre de commerce, où ont été constituées une commission du réseau téléphonique et une sous-commission chargée de la souscription, réunit les abonnés en assemblée générale pour faire un point sur l’état d’avancement du dossier. Le central téléphonique entre finalement en fonction le 1er avril 1884. Il est installé dans le bureau de Postes de la rue Charbonnet à Troyes.

Robert Vignes, président de la chambre de commerce, séance du 1er mars 1907 : « La chambre de commerce a, dès le début, compris l’importance des communications téléphoniques à longues distances. »

Une nouvelle étape est franchie en décembre 1890 : la chambre de commerce prend la résolution de « concou- rir à l’établissement d’une communication téléphonique entre Troyes et Paris ». Pour ce faire, elle va avancer à l’Etat la moitié de la somme nécessaire à l’installation de la ligne, « dans les conditions établies par la loi du 16 juillet 1889 » (loi qui nationalise le téléphone et fait de son exploitation un monopole d’Etat, donnant naissance aux PTT, ndlr). L’autre moitié doit être avancée par la ville de Troyes. La contribution s’élève à 25 500 francs pour chacune des deux parties, somme réunie par la chambre grâce à une souscription lancée auprès des futurs abonnés, à raison de 500 francs la part. Les souscripteurs seront remboursés par voie de tirage au sort au fur et à mesure que l’Etat engrangera les recettes générées par les communications ! Ce qui sera fait en moins de quatre ans. Mais pour l’heure, « l’Industrie, le Commerce et la Ville toute entière aspirent avec impatience au moment où il sera possible de communiquer avec Paris », écrit le président de la chambre de commerce, Félix Fontaine, au ministre du Commerce, de l’Industrie et des Colonies, pour se plaindre de l’inertie de l’Administration centrale des Postes qui tarde à lancer les travaux.

1 La Société industrielle et commerciale de Troyes a été fondée par des industriels et des commerçants troyens qui, ayant pu apprécier les avantages du téléphone pour diriger leur usine depuis leur domicile, souhaitaient créer un réseau téléphonique urbain afin de relier entre eux les différents abonnés de la ville. A ses débuts, le téléphone a une portée très limitée. Le siège du premier central téléphonique

C’est dans le bureau de Postes situé à l’angle des rues Charbonnet et Paillot-de-Montabert qu’est ouvert le premier central téléphonique, le 1er avril 1884. Le téléphone de nuit, aussi

Le service téléphonique de nuit est instauré en juillet 1910. Nombre d’industriels troyens figurent parmi les abonnés à ce service : Etablissements Poron, Clément Marot, Vachette Frères, Louis Bonbon… 69 La ligne téléphonique Troyes-Paris est ouverte au public le 22 mai 1891. Les débuts sont laborieux. Un courrier adressé par la chambre au directeur des Postes et des Télégraphes de l’Aube mentionne « que les abonnés du réseau téléphonique se plaignent, avec raison, de ne pas pouvoir communiquer facilement avec leurs correspondants de Paris ; à certaines heures surtout, dans le courant de la matinée et dans le courant de l’après-midi, il est impossible de se faire entendre et d’entretenir une conversation suivie ».

Le président Félix Fontaine fait part des réflexions de la chambre sur l’origine de tels « inconvénients » (on parlerait aujourd’hui de dysfonctionnements) : « Quelques membres ont fait observer qu’ils pouvaient être occasionnés par des défectuosités dans les appareils existant chez certains abonnés ; d’autres ont émis la pensée que le fil servant aux communications téléphoniques était employé aussi, et simultanément, à des communications télégraphiques nuisibles à la transmission des sons. » Le président consulaire écarte l’une et l’autre de ces deux hypothèses. « Il ne semble guère possible d’admettre la première hypothèse, puisque l’impossibilité d’entendre n’est pas constante, et que si elle venait de l’appareil, elle existerait en tout temps ; quant à la seconde supposition, la chambre ne veut pas s’y arrêter, parce qu’elle serait en contradiction formelle avec la promesse qui a été faite par l’Administration d’établir un fil spécial pour la communication téléphonique. » On appréciera la subtilité de cette insinuation ! Tout comme on goûtera la finesse d’analyse déployée au paragraphe suivant : « Nous ne connaissons pas le nombre des communications échangées chaque jour avec Paris, depuis l’ouverture de la ligne ; nous supposons qu’il a pu rester au-dessous du chiffre prévu, mais il n’est pas douteux que la difficulté de communiquer éloigne beaucoup de personnes, et que le téléphone sera d’autant plus employé et plus productif pour l’Etat que son fonctionnement sera assuré et parfait. » Peut-on mieux faire passer les messages ? Ce courrier daté du 8 juin 1891 est précieux en ce qu’il apporte un double éclairage sur l’état du réseau téléphonique à cette époque et sur le caractère, disons caustique, de la chambre de commerce vis-à-vis des institutions. En témoigne cet autre extrait : « Des abonnés de Troyes, se trouvant de passage à Paris et voulant téléphoner avec leur maison, se sont présentés aux cabines publiques, et, dans certaines cabines, l’employé a refusé de les admettre, en alléguant que Troyes n’était pas en com- munication avec Paris, ou du moins qu’il n’avait pas d’instructions pour recevoir les communications de Troyes. Il a semblé à la Chambre qu’il devait y avoir là une erreur ou une lacune à laquelle nous vous prions d’appeler l’attention de votre Administration, car l’on ne peut refuser à l’abonné troyen, quand il se trouve à Paris, la faculté de causer avec sa maison, partout où il y a une cabine ouverte au public. » Encore une fois, comme ces choses sont joliment dites !

En 1900, la chambre de commerce participe, à hauteur de 35 000 francs, à la construction de la ligne Dijon- Troyes-Reims. Elle émet 70 titres de souscription de 500 francs chacun. Cette fois, sans le concours de la ville de Troyes. En 1903, la compagnie fait un apport de 97 000 francs pour la pose du deuxième fil entre Troyes et Paris, en ayant cette fois recours à un emprunt, la ville de Troyes assumant la moitié des intérêts. En 1908, c’est encore elle qui verse la somme de 135 000 francs dans la caisse des Postes et Télégraphes pour la construction de deux nou- veaux circuits entre Troyes et Paris. Les cinquième et sixième circuits seront financés dans les mêmes conditions en 1913, à hauteur de 135 000 francs par la chambre de commerce de Troyes, la chambre de commerce de Paris et l’Etat apportant le complément (30 000 francs pour la première, 28 000 francs pour le second). Entre 1922 et 1933, d’autres circuits sont installés grâce aux avances consenties par la chambre de commerce : Troyes-Le Havre, Troyes-Nancy (deux lignes), Troyes-Reims, Troyes-Paris (8e et 9e fils), Troyes-Dijon (deux fils), mais aussi Payns-Troyes, Montereau-Fault-Yonne – Nogent-sur-Seine, Nogent-sur-Seine – Paris. En 1906, la chambre mène une enquête auprès des 868 abonnés du département de l’Aube afin de connaître la qualité du service téléphonique entre Troyes et Paris. Cette étude révèle que le temps d’attente moyen pour obtenir la communication dépasse 51 minutes et qu’environ 17 % des appels sont annulés par suite de trop longs délais. « Ces résultats déplorables sont la conséquence logique d’une insuffisance de matériel », souligne la chambre. Cette Repères

Le premier téléphone filaire électrique est mis au point par Bell en 1876 à Boston. Le premier bureau téléphonique ouvre dans le Connecticut en 1878, année durant laquelle, en février, une « séance de téléphonie » a lieu à Troyes pour satisfaire la curiosité des esprits friands de nouveautés. Le premier service téléphonique français est inauguré en septembre 1879 à Paris, et c’est en 1884 qu’apparaissent les premières lignes interurbaines en France. année-là, on comptabilise 59 208 appels entre Paris et Troyes. A ses tout débuts, le service téléphonique fonc- tionne de 7 heures à 21 heures, mais dès le 1er octobre > Cette année-là, 1884 le service est prolongé jusqu’à minuit. Il faut at- tendre le 1er juillet 1910 pour que le service s’étende à en 1884 la nuit entière. A nouveau la chambre lance un appel à souscription : les abonnés devront acquitter 20 francs La France vote deux lois sociales de première par an pour bénéficier de ce service supplémentaire. importance : l’une autorise la création de syn- A cette date, ils sont au nombre de 678, contre 104 lors dicats professionnels (c’est la loi Waldeck-Rous- de la mise en service. Deux cabines publiques — ou, pour reprendre les termes de l’époque, deux « cabinets seau), l’autre rétablit le divorce, aboli en 1816, spéciaux » — sont installées pour permettre au public mais seulement pour faute (c’est la loi Alfred de communiquer avec les abonnés : l’une à la poste Naquet). Le préfet de la Seine, Eugène Poubelle, centrale, l’autre, en 1902, au bureau de poste des Quar- impose l’usage à Paris de ce récipient que l’on tiers-Bas. Sous l’impulsion du conseil général, et bien appellera bientôt une poubelle. 1884 est aussi sûr de la chambre de commerce, le réseau s’étend rapi- l’année de naissance, à Bar-sur-Aube, du philo- dement, faisant prendre à la ville de Troyes un avan- sophe Gaston Bachelard. tage certain sur de nombreuses autres villes. L’Aube est encore très rurale, quoique déjà in- En 1913, la chambre obtient après plusieurs demandes dustrialisée. « Le cultivateur champenois est in- l’installation d’une cabine de téléphone publique à la gare de Troyes. Las, l’équipement n’est toujours pas en telligent ; il a su tirer parti de ces vastes plaines place en… 1921, ni en 1924, ce qui donne lieu à un vé- de la Champagne pouilleuse, qui n’existe plus ritable feuilleton, avec force échanges épistolaires entre que de nom », écrit P. Lescuyer dans un ou- l’administration et la chambre. A se demander si cette vrage paru en 1884 1. En 1878, date du dernier cabine a été installée un jour… recensement agricole, 242 232 hectares ont été ensemencés, principalement en blé et en avoi- ne. Le rendement en blé atteint 14 hectolitres Bureau de conditionnement par hectare. Le colza et le chènevis sont quasi inexistants. La betterave, à sucre ou fourra- public des matières textiles gère, est marginale. Le lin et le chanvre ont pratiquement disparu, car « le tissage n’étant plus une industrie du pays, on préfère ache- Le 16 janvier 1961, un décret autorise la CCI à créer un bureau de conditionnement public des matières textiles ter de la toile toute faite au lieu de faire filer et à Troyes. Saisie d’une demande de la chambre syndicale tisser ». Les « locomobiles (sic) parcourent les des fabricants de bonneterie et de l’union syndicale des campagnes pour battre les grains ». On recense industries de la maille et annexes de Troyes, elle en avait 258 430 moutons et cinq chambres d’agri- er sollicité l’autorisation dans sa délibération du 1 octobre culture (une par arrondissement). Le départe- 1959. Elle en confie la gestion et l’exploitation au Centre ment produit quelques « bons vins », « les meil- de recherches de la bonneterie. Ce bureau de condition- nement sert à peser avant et après dessiccation le coton leurs crus » de la région de Troyes se trouvant reçu (ou tout autre textile naturel ou artificiel), et de « à Bouilly, Souligny et Laines-aux-Bois ». A comparer le taux d’humidité qu’il contient au taux légal Troyes, on compte cinq fabriques d’aiguilles à en vigueur de façon à éviter à l’acheteur de payer de l’eau métiers et autant de fabriques de métiers, deux au prix de la matière première ! Une fibre un peu trop fonderies de fer et deux fonderies de cuivre, “mouillée” gonflerait en effet artificiellement la facture. deux brasseries, une sucrerie, une papeterie, Le bureau de conditionnement dispose en conséquence cinq fabriques de cartonnages, une saboterie, du matériel de laboratoire nécessaire à l’analyse, ainsi deux parqueteries, deux tanneries, douze blan- que d’une chambre de stockage réglée à la température chisseries, huit teintureries, douze filatures de et au taux d’hygrométrie adéquats. Mais il apparaît très vite que ce service ne correspond pas à un besoin réel coton, une fabrique de bourre de soie, cent qua- des entreprises de la place. « Il ne semble pas que les torze bonnetiers, deux fabriques de chandelles industriels bonnetiers de la région aient fait appel aux et de cierges, une savonnerie, deux fabriques de services que pouvait leur offrir cette station de condi- corsets, mais plus aucune draperie depuis les tionnement comme l’espéraient les promoteurs de l’opé- années 1850. La ville abrite 46 000 habitants. ration », peut-on lire dans un courrier daté du 5 mars 1 « Géographie physique, agricole, industrielle, admi- 1963. De fait, il est mis fin à ce service en avril 1964. nistrative et historique du département de l’Aube. 71 CCI et chambre de métiers : une histoire de famille

En 1912, saisie d’une demande des entrepreneurs du bâtiment et des travaux publics, la chambre de com- merce se prononce en faveur de la création d’une chambre de métiers destinée à « organiser l’apprentissage dans le département de l’Aube ». Elle tient alors ce discours qui, un siècle plus tard, renvoie étrangement aux préoccupations actuelles. « Tout le monde le reconnaît. En France, l’apprentissage est en pleine décadence. Il traverse une crise qui atteint la plupart des corporations et tout particulièrement l’industrie du bâtiment où le recrutement du personnel ouvrier présente parfois des difficultés presque insurmontables. Nous voyons avec peine disparaître peu à peu les bons ouvriers français, dont la réputation était universelle. Partout l’étranger nous supplante. Certaines industries françaises se voient même forcées de recourir presque entièrement à la main-d’œuvre étrangère. Les chambres de commerce et, avec elles, tous ceux qui s’intéressent à la prospérité économique de notre pays, jettent le cri d’alarme et signalent le péril à nos législateurs. »

Déplorant l’inertie des pouvoirs publics, la chambre constate que les autres pays industriels ont pris les devants en rendant l’apprentissage obligatoire, au risque pour les entreprises nationales de prendre du retard sur leurs concurrentes étrangères. Plus loin dans son exposé, la compagnie consulaire recommande « qu’au début même de son apprentissage, l’apprenti reçoive un salaire plutôt plus élevé qu’il ne l’obtiendrait comme petit com- mis dans une administration. Ce sera un sacrifice que s’imposera tout entrepreneur qui formera un apprenti, jusqu’au jour où celui-ci pourra lui rendre des services équivalents à ce salaire. » La chambre se dit prête à aider financièrement la chambre syndicale des entrepreneurs de travaux publics et de bâtiment, « soit sous forme de subvention annuelle, soit sous forme de bourses d’apprentissage et de prix en espèces aux bons apprentis ».

Mais avant de se prononcer définitivement, la chambre choisit de sonder les chambres syndicales sur leurs intentions en leur adressant un questionnaire calqué sur celui qui a été élaboré par la chambre de commerce de Limoges. Disons-le : l’opération se solde par un flop. Les meuniers, les charcutiers, les épiciers, les commerçants en vins et spiritueux, de même que l’Union commerciale et industrielle, font savoir leur absence d’intérêt. Les autres chambres syndicales ne daignent pas répondre. Ce que voyant, la chambre « décide (en 1913) d’ajourner à une époque plus favorable la création à Troyes d’une chambre de métiers, et d’attendre des concours plus nombreux ». Ce n’est effectivement que partie remise.

Car en juillet1921, en dehors de tout cadre légal officiel, la chambre de commerce prend la décision de créer une chambre de métiers première manière, pour « mettre l’apprentissage en application ». L’idée est bien de promouvoir l’enseignement technique, de « tendre à la recherche et à l’éducation de la main-d’œuvre nécessaire aux différentes professions », et non pas, comme dans d’autres chambres, de participer à « la défense des inté- rêts des petits métiers ».

Joignant le geste à la parole, la chambre de commerce héberge la chambre de métiers à titre gracieux dans ses propres locaux et lui verse une subvention annuelle servant à couvrir en partie le salaire du secrétaire géné- ral, à laquelle s’ajoutent d’autres subventions exceptionnelles destinées à financer différentes manifestations : expositions, fêtes et réceptions. En 1929, la chambre de métiers prend le nom de « chambre d’apprentissage de l’Aube ». La chambre de commerce est membre de droit de son conseil d’administration.

Entre-temps, tout un appareil législatif a commencé à se mettre en place : c’est la loi du 26 juillet 1925 portant création des chambres de métiers, modifiée par la loi du 28 mars 1934. La notion de double inscription de certains professionnels (chambre de métiers, chambre de commerce) apparaît. En 1935, « considérant que la création d’une chambre de métiers ne peut que favoriser la diffusion de l’ensei- gnement professionnel et permettre le développement et le perfectionnement du goût artistique du travailleur français », l’assemblée consulaire émet un avis favorable à la création d’une chambre de métiers dans l’Aube, et évoque l’idée de l’accueillir dans ses locaux. Celle-ci verra finalement le jour par un décret en date du 5 mai 1938. Elle a pour mission de défendre les intérêts des artisans et de les représenter auprès des pouvoirs publics. On peut donc considérer avec le recul que la chambre de métiers première époque a été la fille de la chambre de commerce, et que la chambre de métiers seconde époque en est la petite sœur. La chambre de commerce et la chambre de métiers sont historiquement liées.

73 Comptoir d’escompte…

En 1830, « eu égard aux immenses besoins que le défaut de crédit développe de toutes parts », la chambre obtient l’établissement à Troyes d’un Comptoir d’escompte. Ses « opérations seront spécialement applicables aux classes les plus nécessiteuses du commerce et de l’industrie ». Ce comptoir est établi pour deux ans. Les fonds sont prêtés par le Trésor public au taux de 4 %. Leur remboursement incombe au comptoir d’escompte « et subsidiairement (aux) habitants de la Ville de Troyes, propriétaires, manufacturiers et négociants (…) jusqu’à concurrence de la quote-part de chacun dans ladite somme. » La Ville de Troyes s’engage à rembourser, s’il y a lieu, les pertes à concurrence de 30 000 francs, « dans l’intérêt du commerce et des souscripteurs ». Suite à un vœu formulé par la chambre de commerce, l’opération sera réité- rée en 1848, avec la création d’un Comptoir national d’escompte « destiné à répandre le crédit et à l’étendre à toutes les branches de la production ». Sa durée est de trois ans, son capital fixé à 600 000 francs : l’Etat fournit 200 000 francs en bons du Trésor, les souscripteurs privés apportent 400 000 francs. Le taux d’intérêt est fixé à 5,5 %. « Les opérations du comptoir consisteront à escompter aux fabricants et commerçants de Troyes tous les effets de commerce, à échéance de quatre mois au plus ; à fournir des fonds au moyen d’ouverture de crédits hypothécaires ; à faire des avances de fonds sur nantissement de marchandises ; à ouvrir des comptes courants ; à se charger de tous paiements et recouvrements. »

Les bâtiments actuels de la douane à La Chapelle-Saint-Luc, tels qu’ils ont été inaugurés en 2010.

Bureau de douanes : en route vers des horizons lointains

Au tournant des années 1950 et 1960, sur proposition de l’administration concernée et après avoir sondé à plusieurs reprises les « milieux industriels et commerciaux les plus autorisés », la chambre adopte l’idée de créer un bureau de douanes à Troyes. Celui-ci aurait pour vocation de « permettre à nos indus- triels de poursuivre leur conquête des marchés étrangers et continuer à faire rayonner sur le monde des produits fabriqués dans nos usines ». Le bureau de douane ouvre le 1er octobre 1962 dans un local provisoire à la gare de Troyes, aux frais de la chambre. Le bureau est transformé en centre régional de dédouanement en octobre 1963. Le succès …Comptoir de la Banque de France…

L’établissement d’un comptoir de la Banque de France à Troyes, prévue par un décret du 21 janvier 1851, couronnait de longues démarches entreprises par la chambre depuis 1839.

Aujourd’hui, la chambre et la Banque de France entretiennent une collaboration à travers la réalisation de notes de conjoncture, notamment.

…commerce extérieur : des initiatives couronnées de succès

La chambre obtient en 1960, après un premier échec en 1954, l’ouverture à Troyes d’une délégation départementale du Centre national du commerce extérieur. Ce pour répondre aux besoins d’information des chefs d’entreprise souhaitant partir à la conquête des marchés extérieurs.

Inauguration en 1968 du “complexe douanier et routier” et maquette de ce bureau de douane basé à La Chapelle-Saint-Luc.

venant, il apparaît vite nécessaire de procéder à son installation dans un bâtiment dédié. Décision est prise en 1966 de le transférer sur la zone industrielle de La Chapelle-Saint-Luc, où la chambre acquiert un ter- rain à cet effet et s’engage en outre à financer les travaux. Le “complexe douanier et routier” est inauguré le 18 avril 1968, après avoir accueilli ses premiers occupants en mars. Il comprend les services de la douane, un bâtiment réservé aux transitaires et un magasin TIR (transit international routier). Mais les bâtiments, comme les hommes, finissent par vieillir. Celui de la douane n’a pas échappé à la règle. Aussi la CCI en- treprend-elle en 2009 de construire un nouveau bureau à côté de l’ancien. Ce bâtiment de 180 m2 a coûté 1,2 million d’euros à la CCI, qui en est toujours le propriétaire. Il a été inauguré le 15 octobre 2010 par le président de la communauté d’agglomération troyenne, François Baroin, en sa qualité de ministre du Budget et de ministre de tutelle de l’administration douanière. Outre le service des opérations commer- ciales qui travaille avec les entreprises, l’immeuble héberge la brigade de surveillance, chargée de pour- chasser les trafiquants et installée jusqu’alors à l’aérodrome de Barberey. « Si nous n’avions pas réalisé cette opération, le bureau de Troyes aurait sans doute été voué à disparaître », explique à l’époque le trésorier de la CCI, Sylvain Convers, devenu le président de la chambre. L’ancien bâtiment a été démoli. 75

5 / LA CCI AGITATEUR SOCIAL

Voici peut-être un terrain sur lequel on n’attendait pas la CCI : celui de la solidarité. La compagnie vole au secours des meuniers et de la population lorsque le pain se fait rare. Elle par- ticipe à l’emprunt de la Libération en organisant une journée du commerce. Elle met aussi le pied à l’étrier à la future Croix-Rouge française pendant la guerre de 1870, suscitant l’un des épisodes les moins banals de son existence. Mais la chambre de commerce sait aussi à l’occasion durcir le ton. Elle s’élève contre les risques que le libre-échange fait peser sur l’économie française en général et la bonneterie auboise en particulier. Elle contourne la grève des facteurs en montant son propre service postal pour acheminer le courrier profes- sionnel de ses ressortissants. Avec, il est vrai, la bénédiction des pouvoirs publics…

Quelques-unes des affiches présentées dans les locaux de la CCI lors de l’exposition consacrée au 150e anniversaire de la Croix-Rouge. 77 Quand la chambre déroulait le tapis à la Croix-Rouge

La chose peut paraître rétrospectivement surprenante. Et pourtant, c’est bien la chambre de commerce de Troyes qui, en 1870, a introduit la Croix-Rouge française dans l’Aube. Le 24 juillet, la compagnie consulaire prend en effet l’initiative de créer le comité de l’Aube de la Société de secours aux blessés militaires (SSBM), qui prendra le nom de Croix-Rouge française en 1940. La France avait déclaré la guerre à la Prusse cinq jours auparavant…

Mais pourquoi les patrons aubois de l’époque, et en particulier ceux du textile, prennent-ils cette initiative ? « Historiquement, le patronat aubois était très catholique et déjà engagé dans des actions à caractère social. On parlait alors de paternalisme », rappelle Jean Lauvergeat, l’actuel président de la délégation départementale de l’Aube de la Croix-Rouge française, interrogé par Mercure 10 en 2014. Aucune trace de la décision fondatrice n’ayant semble-t-il été conservée, le Dr Lauvergeat suppute que les patrons bonnetiers avaient été sensibles au fait que les ouvriers et leurs enfants faisaient partie des conscrits envoyés sur les champs de bataille. « On peut également imaginer que la bonneterie troyenne fournissait le coton, les bandes et la charpie nécessaire aux soins des blessés », ajoute le président. Ironie de l’histoire, ce ne sont pas à des patients français que la future Croix-Rouge auboise va porter secours, mais à des malades ou des éclopés allemands ! La ligne de front est en effet trop éloignée pour y évacuer nos compatriotes, et seules les troupes d’occupation stationnées à Troyes bénéficieront de son assistance, au nom de la fameuse neutralité affichée dès l’origine par l’association humanitaire. Ce fait est attesté par un compte rendu scrupuleux des activités du comité de la Société de secours aux blessés militaires durant la guerre, dressé par la chambre de commerce lors de sa séance du 7 septembre 1871. Dans une écriture admirablement calligraphiée, on peut y lire notamment que « les soins ont été donnés avec un dévouement et une abnégation d’autant plus remarquables que ces soins s’adressaient à des étrangers ». En 1904, la chambre de commerce ouvrira les portes de la SSBM à des personnalités extérieures.

La Croix-Rouge a fêté son 150e anniversaire en 2014 et a choisi tout naturellement l’Espace Régley, siège de la CCI, pour y présenter une exposition retraçant son histoire. On a pu y voir quarante-deux affiches, dont la plus ancienne remonte à 1940. Dans leur message et leur graphisme, toutes reflètent l’époque où elles ont été conçues. De nos jours, la Croix-Rouge auboise emploie quatre-vingts salariés et fait appel aux services de deux cent cinquante secouristes et bénévoles de l’action sociale répartis dans sept unités locales.

La Croix-Rouge française dans sa version actuelle a été créée en 1940. La Société de secours aux blessés militaires (SSBM), ancêtre de la Croix-Rouge, est apparue dans l’Aube en 1870 pour soigner les soldats.

> Cette année-là, en 1870

C’est bien sûr la guerre franco-allemande qui fait la une de l’actualité des deux côtés du Rhin à partir du mois de juillet. Il s’ensuit une cuisante défaite côté français et la perte d’une partie de l’Alsace et de la Lorraine. C’est d’ailleurs depuis Strasbourg occupé que la première carte postale française de l’histoire est envoyée (par ballon). Pendant ce temps-là, en Algérie, le gouvernement militaire est rem- placé par une administration civile. Le yen devient la monnaie officielle du Japon. Lénine voit le jour, tandis qu’Alexandre Dumas père (celui des Trois mousquetaires), Prosper Mérimée et Charles Dickens tirent leur révérence. Troyes, cité riche de 38 000 âmes, est occupée par les Prussiens du 9 novembre 1870 au 12 août 1871. Hormis ce caprice de l’histoire, observons que la bonneterie troyenne a déjà amorcé sa mutation, c’est- à-dire préparé son saut vers l’industrialisation. Les métiers mécaniques sont apparus aux environs de 1850, alors que la bonneterie remplace le tissage comme activité dominante dans le département. Les machines à vapeur remplacent les roues à eau et la production bascule dans les usines. La plus impor- tante d’entre elles, l’entreprise Mauchauffée, verra le jour en 1878. La main-d’œuvre féminine va pro- gressivement supplanter la main-d’œuvre masculine, tandis que les salaires augmentent. La concentration urbaine de la production n’empêche pas la campagne de se couvrir de petits ateliers, qui bénéficient eux aussi des progrès de la technique. Mais ils créent une concurrence qui est jugée déloyale vis-à-vis des usines, davantage soumises aux lois du travail. 79 Service postal : la chambre, briseuse de grève ?

Du 12 au 19 mai 1909, pour faire face à une grève des postiers, la chambre de commerce improvise un « service postal auxiliaire » qui lui permet d’acheminer le courrier professionnel de ses ressortissants. Loin d’être un acte isolé, la compagnie consulaire répond en fait à une demande adressée à toutes les chambres de province par celle de Paris pour que ne fussent point interrompues les correspondances industrielles et commerciales entre la capitale et les régions. Mieux même, le réseau consulaire reçoit en cette occasion l’appui moral et financier du gouvernement. Les différentes chambres syndicales lui apportèrent elles aussi tout leur soutien.

Un service de réception, de tri et d’expédition du courrier fut donc improvisé dans les locaux de la chambre. Les entreprises locales fournirent la main-d’œuvre. Un service identique fut organisé dans chaque arrondis- sement pour amener le courrier à Troyes. De là, les lettres étaient expédiées à Paris « par convoyeurs spéciaux » embarqués dans un compartiment mis gracieusement à disposition par la Compagnie des chemins de fer de l’Est (l’une des composantes de la future SNCF). En tout, il fut reçu ou adressé 9 533 lettres par ce moyen. Une véritable réussite en laquelle le vice-président de la chambre de commerce, Robert Vignes, voulut voir un heureux présage : celle d’un resserrement des liens entre les syndicats et les chambres de commerce, « si souvent mal jugées ». Il va sans dire qu’une telle opération serait inconcevable aujourd’hui.

Et pourtant… En mars 1992, confron- tée à une grève au centre de tri, la CCI décide d’instaurer ce qu’elle appelle pudiquement un « réseau supplétif » (l’expression de « centre de tri parallèle », plus suggestive, sera également employée) au pro- fit exclusif des entreprises. Pour ce faire, la chambre met en place dans tout le département une structure d’acheminement, de tri et de ré- ception du courrier, en louant des locaux aux entreprises locales ou aux structures patronales pour permettre à ses ressortissants d’y déposer ou retirer leurs lettres.

Il est à noter toutefois que cette opération s’inscrit dans un cadre parfaitement réglemen- taire, tel qu’il résulte d’une convention signée en 1990 entre La Poste et le réseau des CCI au niveau national et dé- clinée localement sous forme d’avenant. On parle d’un « réseau mixte Poste-CCI ». Rebelote en décembre 1995, mais cette fois un seul bâti- ment est loué à La Chapelle- Saint-Luc pour des raisons de commodité. Au service de la Nation : l’emprunt de la Libération Vive En décembre 1944, à l’imitation de la chambre de commerce de le “made Paris, la chambre de commerce de Troyes invite ses ressortissants à participer au grand emprunt national, dit “emprunt de la Libé- in France” ration”. Celui-ci est destiné à relever les finances de la Nation. Ce geste prend la forme d’une “Journée du commerce” organisée le Le 29 novembre 1846 se crée 8 décembre. Le produit des ventes réalisées pendant cette journée à l’initiative de la chambre de sera converti en titres du nouvel emprunt. Afin de donner le plus commerce un comité local de grand retentissement à cette opération, la chambre de commerce l’Association pour la défense du se démène : insertions dans la presse locale, envoi d’une circulaire travail national (il existe déjà aux chambres syndicales, lettre adressée aux maisons de com- un comité central à Paris). Son merce et aux établissements financiers, impression de papillons propos est de contrer les menées destinés à l’affichage dans la vitrine des commerçants. d’une Association pour la liberté des échanges qui s’est formée elle aussi dans la capitale. Il s’agit tout simplement, pour la compa- gnie consulaire, de lutter contre L’avis que les commerçants devaient apposer sur leur vitrine. le principe du libre-échange incarné par la “perfide Albion” et qui menace l’économie française dans son ensemble.

L’heure est grave, aussi cinq cents Au secours personnes se sont-elles rassem- blées en ce dimanche midi à des victimes d’inondation… l’hôtel de ville de Troyes : manu- facturiers, commerçants, agri- En 1910, la chambre de commerce débloque la somme de culteurs, fonctionnaires et autres 1 000 francs, prélevée sur son fonds de réserve, pour venir en notables. aide au victimes des inondations dans le département. On craint pour l’avenir de la … des minotiers… bonneterie, pour l’emploi, pour le cours des matières premières, Nous lisons ce paragraphe sous la plume du président Vignes etc. « En présence d’un tel dan- dans son discours du centenaire de la chambre de commerce : ger, la chambre de commerce ne « En 1915, notre chambre, d’accord avec M. le Préfet de l’Aube, pouvait hésiter : son devoir était amenait à Troyes 13 000 quintaux de blé, acquis par elle de l’Etat tracé », souligne son président, et revendus aux minoteries de notre département, maintenant Gréau aîné, à la tribune. L’objec- ainsi le pain à un prix normal. Aujourd’hui, pour la saison pro- tif claironné est, rien de moins, chaine, nous nous occupons, dans le même but d’alimentation, de que de « repousser les doctrines la question si urgente des ensemencements et des plantations. » dangereuses qui tendent à livrer, Ce rappel nécessite une petite explication de texte. En 1915, la sans compensation, aux étran- pénurie de farine, le risque d’envolée des prix et la crainte que le gers, et particulièrement aux pain ne vienne à manquer à la population incitent la chambre de Anglais, les trésors de la France, commerce à procéder elle-même à l’achat de blé. Celui-ci, prove- l’existence de nos ouvriers, et par nant de Bordeaux et du Havre, fut réparti entre tous les meuniers conséquent la vie du peuple ». qui en firent la demande. La chambre ne tira aucun bénéfice, au Combat d’avant-garde ? Combat niveau pécuniaire, de cette opération. d’arrière-garde ? Mais combat qui résonne encore étrangement à nos oreilles. …et des chômeurs Ces dernières années, le sujet du “made in France” est devenu En 1931, une subvention de 5 000 francs est allouée aux caisses d’actualité et la CCI a organisé de chômage de Troyes, Sainte-Savine et Romilly-sur-Seine. diverses réunions sur ce thème. 81

Troisième partie

CÔTÉ COULISSES LES MÉMOIRES D’UN ANCIEN DG

Arrivé à Troyes en 1980 pour diriger l’école de commerce, Serge-François Martinez a pris les fonctions de directeur général de la CCI en 1989, poste qu’il a quitté fin 2016 en faisant valoir ses droits à la retraite. Recouvrant ainsi une liberté de parole à laquelle il n’avait en vérité jamais renon- cé. Il raconte ici quelques-uns de ses souvenirs les plus marquants. Anecdotes glanées au fil de trois décennies passées à côtoyer les personnalités les plus éminentes du département et les dossiers les plus sensibles du moment. Un récit où l’on pourra constater que la grande histoire s’écrit souvent avec la petite.

Pour Serge-François Martinez, le département a raté le train à grande vitesse mais a fini par obtenir l’électrification de la ligne 4…Et après une rude bataille, les magasins d’usine ont marqué Troyes et l’Aube de leur empreinte. 83 Quand la taxe transport a été mal aiguillée

« Dans les années 1990-1991, la chambre de commerce s’est alliée à la chambre syndicale de la bonneterie, au CNPF1 et aux collectivités locales pour que la SNCF maintienne le nombre de trains sur la ligne Paris-Bâle et qu’il n’y ait pas de creux durant la journée. Il y avait une quinzaine de liaisons quotidiennes. C’était encore au temps du textile flamboyant, et il fallait que les industriels, les commerciaux, les créatifs puissent circuler facilement. Il y avait beaucoup de trafic entre Paris et Troyes. C’était une ligne internationale un peu classe, où l’on pouvait manger assis dans des voitures restaurants avec serveurs.

Le Sivomat2 a alors introduit la taxe du versement transport au motif de financer l’indemnité demandée par la SNCF pour maintenir le nombre de dessertes et équilibrer son budget. Le monde patronal, dont nous sommes, en acceptait l’idée. Sauf que l’argent a été utilisé pour la TCAT3 ! La taxe transport a été délibérément détournée. De mémoire, la somme s’élevait à 2 millions-2,5 millions de francs par an. Le monde patronal s’est fait avoir et le nombre de trains a diminué. »

1 Conseil national du patronat français, ancien nom du Medef. 2 Syndicat intercommunal à vocation multiple de l’agglomération troyenne, ancêtre de Troyes Champagne Métropole. 3 Le réseau de bus troyen. Quand la bataille du rail a été perdue (mais pas la guerre)

« Le deuxième combat mené par la chambre de commerce pour la défense de la ligne Paris-Bâle a porté sur la réduction du temps de trajet. Comme la SNCF ne voulait pas entendre parler de l’électrification dont nous étions demandeurs (« Vous n’êtes pas rentables non électrifiés, vous le serez encore moins électrifiés »), nous avons cherché des solutions alternatives.

La première d’entre elle était d’emprunter un “raccourci”. On avait trouvé, grâce au discret appui de cheminots du syndicat CGT de la SNCF, des cartes sur lesquelles figuraient des lignes de fret désaffectées évitant de passer par Nogent et Romilly, là où se situe une des causes de ralentissement. La ligne que nous souhaitions rétablir passait par Flambouin en Seine-et-Marne. Cette solution présentait un avantage : les emprises foncières exis- taient, et on n’avait donc pas à recourir à des expropriations, même si l’on devait changer les rails et le ballast. A partir de là, on a voulu se rendre compte de l’état de la ligne. J’ai loué un avion à l’aéro-club pour effectuer une reconnaissance aérienne car il était impossible d’accéder à certains endroits en voiture.

C’est le général Copel1 qui a nous a rendu ce service de piloter l’avion. Pour ne pas mettre en cause la des- serte du territoire, on aurait gardé en parallèle quelques trains omnibus passant par Nogent et Romilly, tan- dis que les trains directs auraient circulé sur cette voie réhabilitée. Cela nous aurait permis de gagner entre 20 et 25 minutes, en nous plaçant dans les villes à une heure de Paris, ce qui aurait tout changé pour nous.

La chambre de commerce a également proposé que certains trains s’arrêtent à la gare RER de Val-de-Fonte- nay (ou à Rosny-sous-Bois) pour que les Aubois désireux d’aller plus vite changent de quai et montent dans le RER E avant de gagner la gare de Lyon. On a même suggéré à la SNCF d’employer des trains pendulaires comme en Italie, autrement dit des trains qui se penchent dans les courbes pour éviter de perdre de la vitesse, donc du temps. On a finalement opté pour une autre solution : le raccordement au TGV qui passe par Sens, pour pouvoir se rendre directement à la gare de Lyon sans avoir à remonter tout l’Est parisien. Dans le même temps, on de- mandait à la région une ligne directe Troyes-Vatry-Reims pour créer une colonne vertébrale ferroviaire entre l’Aube et la Marne. L’idée plaisait beaucoup au président du conseil régional, mais il n’y avait pas d’argent pour financer le projet.

Puis la CAT2 a fait des contre-propositions, et le conseil général a lui aussi lancé sa propre étude pour tenter de juger de la pertinence de tous ces scénarios. Sachant que tous allaient à l’encontre de l’électrification de la ligne existante, et que le peu de moyens financiers mobilisables impliquait de ne retenir qu’une seule solution. Le président du conseil général, Philippe Adnot, craignait d’ailleurs que toute autre piste que celle de l’électrifica- tion ne soit mise à profit par la SNCF pour nous “balader” et pour mieux l’enterrer.

Du coup, aucune solution n’a émergé et le dossier s’est enlisé. Notre faiblesse a peut-être été de réfléchir à plu- sieurs solutions, mais à chaque fois qu’on nous claquait une porte, on en ouvrait une autre. Il existait bien une volonté collective de défendre la ligne, mais les approches n’étaient pas les mêmes. Si la SNCF nous avait dit : « Mettez-vous d’accord entre vous », on aurait fini par trouver un terrain d’entente.

En fait, on a raté le coche dans les années 1970, à l’époque où l’on craignait de manquer bientôt de terres arables face à l’explosion démographique annoncée par les prévisionnistes. Les responsables politiques, Robert Galley en tête3, n’ont pas voulu prendre de terres aux agriculteurs aubois pour faire passer le TGV. Le message était : quitte à prendre des terres, prenons-les chez nos voisins, mais pas chez nous. »

1 Après une carrière d’officier dans l’Armée de l’Air, Etienne Copel s’est engagé en politique, devenant conseil général de l’Aube et conseiller municipal à Troyes. 2 La communauté d’agglomération troyenne, successeur du Sivomat. 3 Ancien maire de Troyes et ancien ministre. 85 Quand le sort de Marques Avenue s’est joué à… une voix

« Cela faisait quelques années que, dans le cadre d’une cellule de réflexion économique organisée au sein du CAP1, on réfléchissait aux moyens de différencier le territoire : l’électrification de la ligne Paris-Bâle, les magasins d’usine, l’enseignement supérieur. L’idée était de vider Troyes de ses magasins d’usine disséminés un peu partout au centre-ville, qui étaient autant de verrues occasionnant des bouchons infernaux en périodes de soldes. Nous nous inspirions du modèle de Reading aux Etats-Unis, avec des complexes installés en péri- phérie. L’idée était de faire venir un promoteur pour structurer tout ça. Ça a été Alain Salzman2, représenté localement par Jean-François Martinot3. A l’époque, la CCI devait donner un avis à la CDEC4. C’était un avis important sur un dossier conflictuel. A partir du moment où la chambre votait pour, les politiques n’avaient plus de raison de voter contre. Ça a été un combat car une moitié du territoire y était favorable, l’autre moitié défavorable, avec une association de commerçants assez virulente. Nous on voyait ça avant tout comme un pôle de développement écono- mique, un atout pour Troyes, son image et son attractivité. La chambre de commerce s’est réunie en assemblée générale extraordinaire en 1992 pour dire oui ou non à la création sur le site des Coopérateurs de Champagne, boulevard de Dijon, d’un centre commercial : l’actuel Marques Avenue. Cela a donné un score de 15/15 ! Au second tour, nul doute que le président de la CCI, qui avait d’abord voté contre, a voté pour et donc fait basculer l’élection, en voyant l’intérêt de ce projet pour le secteur du bâtiment et pour le développement futur du département.Aux élections consulaires suivantes, il s’est formé une liste d’opposition qui nous a mené la vie dure. Un jour, ils sont venus dans mon bureau pour me “casser la gueule” en considérant que j’avais ins- trumentalisé le président de la chambre pour faire passer le dossier. Le président, qui assistait à la scène, s’est interposé et a fait fuir mes agresseurs. Aujourd’hui, les centres de marques font partie du paysage, c’est quelque chose d’acquis. Mais il faut se souve- nir qu’à l’époque, sur trente membres titulaires à la chambre de commerce, les commerçants en représentaient un tiers et qu’ils avait fait alliance avec les services contre l’industrie textile sur ce dossier. Ils la suspectaient de favoriser les magasins d’usine pour écouler ses stocks. Les commerçants sentaient aussi que ce serait de moins en moins du textile local et de plus en plus du textile extérieur qui serait vendu. Le contexte était malsain et il a fallu beaucoup de temps pour que ça s’apaise. D’autant que l’ouverture des magasins d’usine a coïncidé avec une crise de la consommation en France et un basculement vers les franchises : les magasins d’usine n’étaient pour rien dans la fermeture de nombreuses boutiques à l’intérieur du Bouchon de champagne. »

1 Le Comité d’action promotionnelle de l’Aube et de l’agglomération troyenne, dont il est question plus en détail dans ces pages sous le chapitre “La CCI acteur de la vie économique”. 2 Alain Salzman est le fondateur de l’enseigne Marques Avenue. 3 Jean-François Martinot, promoteur immobilier troyen, dirigeant d’un important réseau d’agences immobilières (Century 21), a aussi présidé le Groupe ESC Troyes. 4 Commission départementale d’équipement commercial, remplacée en 2009 par la CDAC.

Quand l’industrie textile régnait…

Pendant très longtemps le textile a présidé la chambre de commerce. C’était presque normal que la prési- dence soit assurée par un élu de la bonneterie puisque c’était l’économie dominante, qu’elle avait la richesse humaine et sans doute les compétences. La bonneterie était consubstantielle à la chambre de commerce. Un peu comme les maîtres de forge dans le Nord. En revanche, je ne peux pas dire qu’il y ait eu une mainmise de la chambre syndicale de la bonneterie sur la chambre de commerce. Elle disposait de moyens importants et d’une autonomie très forte. La rupture est venue d’Etienne Vauthier1 dans les années 1960 quand il a amené Michelin et Kléber-Colombes, créé la zone industrielle de La Chapelle-Saint-Luc, le château d’eau, l’école de commerce, l’aéroport et le port Quand la vie de l’école de commerce n’a tenu qu’à un fil

« L’école de commerce a failli fermer en 1979-1980, quand l’ancien directeur, en accord avec la chambre de commerce, a décidé de repositionner l’école. Elle était alors de niveau bac pour former des enfants de com- merçants, et il s’agissait de la faire passer à bac+2 en prenant acte de l’évolution du commerce vers la grande distribution. C’était une idée intéressante, mais ça n’a pas pris. Les effectifs sont tombés de 30-40 élèves par promotion à 11 élèves. Financièrement c’est compliqué, car la perte des droits de scolarité en 1re année se poursuit mécaniquement pendant les trois années que dure celle-ci. Le discours aurait pu être : on s’est trompé de stratégie, impossible de revenir en arrière, le plus simple c’est de fermer. C’est là que j’ai été sollicité pour faire un audit de l’école. Durant les dix-huit premiers mois, j’ai passé deux tiers de mon temps à Troyes et l’autre tiers à Dijon, où je continuais à enseigner.

Le nouveau positionnement de l’école de commerce était d’autant moins compris et d’autant plus rejeté qu’il y avait à Troyes un IUT, donc un bac+2, jouissant d’une bonne image. Une école de commerce de “patrons” qui venait faire concurrence au seul établissement d’enseignement supérieur du territoire, c’était vécu comme un gaspillage des moyens. Autant verser la totalité de la taxe d’apprentissage à l’IUT. Dure période, donc, au cours de laquelle il a fallu renverser la vapeur en établissant la crédibilité et la viabilité économique du projet. Mais ce furent des années riches en événements et en combats, jusqu’au déménagement en 1986 et au passage à bac+3 en 1987. Mais il faut croire que les choses ne pouvaient pas en rester là. Lorsque l’ESC Reims a créé un programme bac+3 concurrent du nôtre avec un marketing d’enfer et des moyens importants, on a dû choisir entre se sou- mettre ou disparaître. Or on ne voulait pas se rallier à ce nouveau réseau pour des raisons de rivalité historique avec Reims. Alors que j’avais toujours considéré que Troyes ne pouvait pas devenir une Ecole supérieure de commerce — régime des grandes écoles recrutant en classes préparatoires HEC —, on a dû de nouveau rele- ver ce défi. Ce qui était impensable est devenu notre stratégie et l’ESC Troyes a ouvert ses portes en septembre 1992.

Pendant longtemps, l’Ecole supérieure de commerce a été mal vécue, mal comprise. Je caricature, mais le commerçant du coin, qui paie sa taxe professionnelle, ne comprenait pas à quoi cela servait de faire venir des étudiants de l’extérieur, de les former ici avant de les laisser repartir. On leur répondait que le principe même de la création de richesse dans un territoire c’est de prendre des matières premières venant d’ailleurs, de les transformer ici et de vendre le produit fini aux quatre coins du monde. L’important, c’est la valeur ajoutée. Mais le message ne passait pas. Le deuxième argument que nous avancions, c’était de dire qu’un territoire qui n’a pas d’enseignement supérieur n’a pas d’avenir, parce qu’il ne sait pas garder sa jeunesse et n’a pas d’image. Il fallait justifier qu’une partie de la fiscalité de la chambre de commerce soit consacrée à l’enseignement -su périeur. Le rôle du décideur, en économie comme en politique, c’est d’avoir une vision, un projet… et de s’y tenir, contre vents et marées. »

de Nogent. Et puis il est tombé parce qu’il n’était pas du sérail et a dû démissionner à cause d’une affaire privée concernant son fils. Quand je suis arrivé en 1980, ce n’était pas un “textilien” qui dirigeait la CCI, mais Maurice Testard, de la métallurgie. Il y a eu pendant longtemps une alternance entre le textile et les autres branches, mais aujourd’hui c’est terminé. Maintenant, ce sont le Medef et la CGPME qui s’affrontent pour s’emparer des mandats électifs comme la présidence des chambres de commerce, des prud’hommes, de l’Urssaf, de la Sécu, de Pôle emploi… Les relations entre la chambre de commerce et les chambres patronales étaient généralement bonnes sur le plan local. Moins quand leurs représentants aubois rentraient des centrales parisiennes regonflés à bloc contre la chambre de commerce. Culturellement, les instances patronales nationales ont en effet toujours été hostiles aux CCI…

1 Président de la chambre de commerce et d’industrie de 1960 à 1971, négociant en grains de son état. 87 Quand l’Ecole des mines de Paris a failli venir à Troyes

« On était d’accord avec le président du conseil général, Philippe Adnot, pour dire qu’il manquait une école d’ingénieurs à Troyes. Il m’a demandé de m’y atteler après la création réussie de l’ESC. Nous y avons travaillé avec le premier directeur de l’école, Olivier Nordon. J’ai démarché, entre autres, l’Esiee1 à Marne-la-Vallée, un établissement géré par la CCI de Paris, qui a fini par signer avec Amiens. Je suis aussi allé voir l’Ecole Violet, en déshérence à La Rochelle, mais pour laquelle les pouvoirs locaux se sont mobilisés lorsqu’ils ont vu qu’on s’intéressait à elle. On a finalement signé avec l’Ecole des mines de Paris. Elle était d’accord pour ouvrir trois départements à Troyes, en phase avec le milieu industriel local. C’était un partenariat élitiste et valorisant pour nous. Réussir à convaincre une école aussi prestigieuse, en ne représentant qu’un petit territoire et une petite école de commerce, a représenté un travail énorme qui nous a pris près de deux ans. Jusqu’au jour où, toujours en éveil via son mandat de sénateur, Philippe Adnot s’est pris d’intérêt pour l’UTC2 et a rencontré son président, que je n’avais moi-même pas pu solliciter à l’époque car il avait été gravement malade. L’UTC avait tout pour plaire au président du conseil général. Elle avait créé dans les années 1980, sur le modèle américain et sur celui de Sophia Antipolis3, une technopole, un écosystème qui avait trente ans d’avance sur la culture française. Le modèle américain de l’UTC étant vendeur, séduisant, alternatif. De plus, son installation allait être payée par l’Etat, et non par les collectivités locales, déjà engagées dans le financement de l’ESC. Cela promettait en outre plus d’étudiants et de visibilité. C’est comme cela que l’UTT4 est née. Le plus dur pour moi a été d’aller voir les Mines en leur disant : « On n’a plus besoin de vous. » J’ai très mal vécu d’être parjure, et j’en ai beaucoup voulu à cette époque à Philippe Adnot. Mais je conviens parfaitement que ce choix a été bien plus pertinent pour notre territoire ! »

1 L’Ecole supérieure d’ingénieurs en électrotechnique et électronique. 2 Université de technologie de Compiègne. 3 Plus importante technopole de France, implantée dans les Alpes-Maritimes. 4 Université de technologie de Troyes. Quand Romilly-Nogent voulaient créer leur propre CCI

« Il y a eu un autre clivage important sur le territoire : le bassin Romilly-Nogent contre le reste du dépar- tement. Au point qu’ils avaient créé leur propre agence de développement économique, leur propre Medef (l’Upren) et leur propre médecine du travail (le Gipren). Une espèce d’identité nogento-romillonne opposée à la “capitale”, qui s’appuyait sur la puissance de frappe du textile. Quand la chambre de commerce a ouvert une antenne à Romilly, on s’est fait accueillir au fusil. L’Upren et le Gipren ne voulaient pas de nous. On n’était pas légitime à leurs yeux, sauf peut-être sur le port. Alors qu’à Bar-sur-Aube nous étions demandés, car ils se sentaient loin du monde. Avant que la centrale nucléaire de Nogent ne soit couplée au réseau en 1988, avec d’importantes retombées fiscales à la clé, le territoire de Nogent-Romilly s’est mis en tête de créer une chambre de commerce du Nord- Ouest aubois ! Pas question de partager avec Troyes la manne de la taxe professionnelle. Or la chambre de commerce de Troyes n’était pas encore celle de l’Aube, du moins dans son titre et son statut, bien qu’intervenant sur l’ensemble du département. Dès que l’on a compris le risque, la chambre a voté le changement de son appellation en CCI de Troyes et de l’Aube, et on est allé immédiatement déposer un dossier au ministère à Paris. Un décret ministériel a transfor- mé la chambre de commerce de Troyes en chambre départementale. Conclusion : plus possible de créer une autre chambre de commerce “là-haut”. Et on a récupéré la taxe professionnelle de la centrale. » Quand la CCI et le Département jouaient à “je t’aime, moi non plus”

« Quand je suis arrivé à la CCI, c’était silence radio entre le Sivomat, le conseil général et la chambre de commerce. Ça n’échangeait pas, chacun restant dans son monde. Il existait entre nous une source de tension : le CAP, qui travaillait aussi bien sur l’exogène que sur l’endogène (les entreprises locales) — empiétant ainsi sur les missions de la chambre. C’était une structure qui nous faisait concurrence. Quand j’ai été nommé directeur général, j’ai écrit un article de presse très vindicatif contre le Département, présidé alors par Bernard Laurent. Puis son successeur, Philippe Adnot, nous a confié la direction du CAP, manière aussi de compenser le conflit qui nous avait opposés sur l’école d’ingénieurs. A charge pour nous d’en assurer intégralement le financement. Du coup, la chambre de commerce a géré le développement économique pour le compte du conseil général. A chaque fois qu’on avait un dossier intéressant, on consultait Philippe Adnot sur le choix de la zone d’implan- tation. Il avait une vision plutôt libérale de l’économie. Le président Toggenburger1 faisait le lien sur les dossiers économiques entre Philippe Adnot et Jacques Palencher puis Alain Coillot2 à l’époque de ce que l’on a appelé “la guerre des chefs”. Les divergences pouvaient être virulentes mais aboutissaient à un consensus au final. Le président du conseil général est toujours resté fidèle à son engagement quant à la gestion de ce guichet unique et informel par la chambre de commerce. De son côté, François Baroin3, sous la pression de son opposition qui lui reprochait de ne rien faire en direct pour l’économie locale, a fini par créer sa propre structure. »

1 Jean Toggenburger, président de la chambre de commerce et d’industrie de 1989 à 1997 2 Anciens présidents du Sivomat puis de la CAT 3 Maire de Troyes et président de la CAT.

Quand la CCI et la CMA auraient évité de se croiser

« La réforme des chambres de commerce et des chambres de métiers a eu lieu en 2010. La prochaine étape de la réforme pourrait bien être la fusion des deux réseaux, de façon à mutualiser les moyens et économiser de l’argent. On aurait pu anticiper à Troyes en regroupant nos sièges respectifs sous un même toit. Des négo- ciations avaient été engagées en ce sens au moment où la CCI déménageait et on avait commencé à étudier le dossier de près. Pour l’anecdote, le chambre de métiers avait exigé qu’on lui fasse un escalier et un ascenseur à part, à gauche de l’entrée, pour ne pas prendre notre escalier et notre ascenseur, à droite. A l’origine on n’avait prévu qu’un seul ascenseur pour monter à l’étage. On a accepté les modifications, bien que la chambre de métiers n’ait encore rien signé, afin de l’aider à mûrir le projet. Ce sont à la fois la Capeb1 et le secrétaire général de la chambre de métiers de l’époque, sur mot d’ordre des instances parisiennes, qui ont fait obstacle à ce regroupement en prétextant que la chambre de commerce allait absorber la chambre de métiers. Je suis désolé, mais c’est la loi qui définit les responsabilités de chacun. Et ce n’est pas parce qu’on est voisins de palier qu’on vit les uns chez les autres. On a vraiment raté le coche, car on aurait pu partager les frais, l’accueil, le secrétariat, la documentation, les fichiers, les CFE, sachant que beaucoup de ressortissants ont la double appartenance. Il aurait fallu raisonner client et non pas institution. C’eût été aussi un juste retour des choses, puisque c’est la chambre de commerce qui est à l’origine de la création d’une chambre de métiers dans l’Aube !2 »

1 Confédération de l’artisanat et des petites entreprises du bâtiment. 2 Plus en détails dans le volet consacré à “La CCI vecteur de progrès”. 89

Quatrième partie

AUJOURD’HUI DES SERVICES ET DES HOMMES

La chambre de commerce et d’industrie est d’abord et avant tout un organisme économique géré par et pour les chefs d’entreprise. Ses élus et contributeurs sont les commerçants, les indus- triels et les prestataires de services. La CCI est animée au quotidien par une équipe de perma- nents, au service exclusif de plus de dix mille res- sortissants dans le département de l’Aube. Il est très difficile de résumer et de synthétiser l’activité de la chambre, tant ses missions sont nombreuses et variées, son action foisonnante et multiple. Disons que rien de ce qui relève de l’économie et du territoire ne lui est étranger. Son engagement en fait une sorte de service public de l’entrepreneuriat. Car il y a toujours un peu de CCI dans la vie d’une société !

L’accueil sur le site Régley, à Troyes. Et la photo de famille des élus de la CCI, mandature 2017-2021, en présence de la préfète de l’Aube, Isabelle Dilhac. 91 Un statut original

La chambre de commerce et d’industrie de Troyes et de l’Aube est un établissement public à caractère admi- nistratif placé sous la tutelle déconcentrée du préfet de région du Grand Est. Lui-même représente la direction générale des entreprises, qui est un service du ministère de l’Economie et des Finances. La CCI Troyes et Aube a le statut de CCI territoriale, au même titre que les huit autres chambres rattachées à la CCI régionale Grand Est. Elle est comme ses consœurs soumise au code des marchés publics. Ses trente-quatre collaborateurs ne sont pas des fonctionnaires, mais des agents de droit public dotés d’un statut particulier qui emprunte au droit privé. Deux exemples : ils ne sont pas recrutés sur concours et peuvent être licenciés. En revanche, les contentieux relèvent non pas du conseil de prud’hommes mais du tribunal administratif. A Troyes, tous les permanents sont employés en CDI, à l’exception d’une personne en CDD. L’ensemble du personnel est rattaché juridiquement à la CCI régionale Grand Est depuis le 1er janvier 2017, de même qu’il avait été rattaché à la CCI Champagne-Ardenne entre 2013 et 2016 après la réforme des politiques publiques de l’Etat (loi de juillet 2010). L’administration consulaire est organisée en services, avec à sa tête un di- recteur général. Depuis le 1er janvier 2017, Christophe Pereira assume cette responsabilité. Sans être exhaustif, citons principalement : l’accueil, le fichier apprentissage, les formalités d’entreprise, l’Espace Entreprendre (accueil et suivi des créateurs), l’appui aux entreprises (information, actions collectives ou individuelles), l’Observatoire économique, Aube Développement et la communication. Les fonctions support (comptabilité, finances, ressources humaines, informa- tique, juridique, achats) et l’international, qui étaient physiquement implan- tées à Châlons-en-Champagne entre 2013 et 2016, sont désormais installées à Strasbourg, capitale de la nouvelle région Grand Est.

Christophe Pereira, directeur général.

L’assemblée générale se réunit au moins trois fois par an (ici, la session du 28 mars 2017). Une gouvernance collégiale

Le mode de fonctionnement des CCI est calqué sur celui de l’Etat français et des collectivités territoriales : un gouvernement, un parlement et une administration. Dans ce schéma, le bureau de la CCI et son pré- sident représentent le gouvernement, l’assemblée générale figure le parlement, et le personnel consulaire (les “permanents”) incarne l’administration. La politique de la chambre est définie par 40 membres titulaires élus par leurs pairs (les “ressortissants” de la CCI), dont ils sont les représentants : les 10 857 industriels, commerçants et prestataires de service aubois (chiffre arrêté au 01/01/2017) inscrits au RCS, le registre du commerce et des sociétés. Leur mandat a une durée de cinq ans. Parmi ces 40 élus, 11 relèvent de la catégorie commerce, 13 de la catégorie services et 16 de la catégorie industrie. Cette répartition résulte non pas du nombre de ressortissants mais d’une pesée écono- mique qui combine le nombre d’établissements, leurs effectifs et leur chiffre d’affaires. Un bureau composé de 10 membres élus fait office d’instance de débat et de conseil autour d’un président doté du pouvoir exécutif. L’assemblée générale (qui se réunit au minimum trois fois par an) tient lieu d’organe délibérant. C’est elle qui définit les orientations stratégiques de la chambre et arrête la position de la CCI sur les sujets majeurs. Elle a le pouvoir de voter le budget de la chambre.

Les élus consulaires sont également répartis en neuf commissions thématiques. Trois d’entre elles ont un caractère régalien, c’est-à-dire obligatoire : finances ; marchés ; prévention des conflits d’intérêts. Trois autres sont transversales : international ; infrastructures ; territoires, aménagement et développement économique. Les trois dernières représentent chacune une catégorie : commerce, services, industrie. Les commissions se réunissent de 2 à 4 fois par an. La commission territoires, créée par l’actuelle mandature, compte un réfé- rent par secteur géographique : agglomération troyenne, Côte des Bar, plaine arcisienne et briennoise, Othe/ Armance, Nord-Ouest aubois. Vingt membres associés cooptés par les membres titulaires participent aux commissions thématiques. Mais contrairement aux membres titulaires, qui ont une voix délibérative, les membres associés n’ont qu’une voix consultative lors des assemblées générales. Six élus aubois (deux par catégorie) représentent la CCI Troyes et Aube à la CCI Grand Est, qui en comprend cent.

93 Le guichet unique La CCI des entrepreneurs en bref A la base, la chambre a une mission d’accueil. C’est un lieu v 10 857 ressortissants ouvert à tous les chefs d’entreprise, les créateurs et les porteurs de projet. Qui pour obtenir un renseignement, qui pour un conseil, (au 01/01/2017) une formation, une démarche à accomplir ou des formalités à remplir. v 40 membres titulaires C’est véritablement la maison commune des entreprises et des entrepreneurs, une sorte de guichet unique ou de porte d’entrée dédiée aux acteurs économiques du département. v 20 membres associés Les conseillers de la chambre reçoivent en particulier tous les chefs d’entreprise qui souhaitent s’ouvrir de leurs difficultés à un inter- v 36 permanents locuteur neutre, à titre préventif, dans le cadre d’un rendez-vous confidentiel et gratuit. La CCI fait également office de Point v 5,7 M€ de budget Agefice (Association de gestion du financement de la formation des chefs d’entreprise). Ce guichet sert d’une part à informer les dirigeants sur leur droit à la formation et sur les formations exis- En 2016, la CCI a : tantes ; d’autre part à traiter leur dossier de demande de prise en charge et de remboursement d’actions de formation. - reçu 6 000 visiteurs

- rencontré 1 000 entreprises

- suivi près de 1 000 créateurs

- répondu à 11 400 appels entrants

- organisé près de 150 réunions collectives regroupant 3 200 Une fonction chefs d’entreprise de développeur

- géré 400 contrats L’ensemble des actions effectuées par la chambre ont en réalité d’apprentissage une seule finalité : contribuer au développement des entreprises du département et, partant, de l’économie auboise prise dans sa - traité 2 700 dossiers globalité. C’est pourquoi la CCI figure au comité de pilotage des liés à la vie des entreprises Orac (Opérations de restructuration pour l’artisanat et le com- merce) et participe activement au Challenge Accueil Qualité, une démarche visant à améliorer les points de vente, la CCI procédant - géré près de 9 500 à un premier diagnostic avant la visite d’un “client mystère”. La formalités internationales chambre verse par ailleurs des subventions à un certain nombre d’associations. Mais l’outil de développement économique par excellence, c’est - reçu 132 000 visites bien sûr Aube Développement. Ce service consulaire, dont on sur son site Web pour trouvera une présentation détaillée dans la partie historique de 1 million de pages vues cet ouvrage, œuvre à la détection et à l’implantation d’entreprises exogènes dans le département.

La promotion Un budget par la formation abondé La formation est une mission historique que la chambre exerce encore aujourd’hui. Hormis le Groupe ESC, qui a pris son indé- par les pendance en 2011, la CCI propose régulièrement des sessions de formation à ses ressortissants. Celles-ci s’adressent en parti- culier aux créateurs, cédants ou repreneurs d’entreprise. La CCI entreprises organise par exemple un stage, que l’on peut qualifier d’emblé- matique, sur la création d’entreprise, intitulé “5 jours pour en- treprendre”. Pendant une semaine, l’apprenti entrepreneur (ou Le budget de la CCI Troyes et le repreneur potentiel) s’imprègne de son futur environnement Aube s’est élevé à 5,7 millions (juridique, social, fiscal, comptable, commercial…) aux côtés de d’euros en 2016. Il est abondé professionnels aguerris. à hauteur de 3,1 M€ par la taxe La CCI a mis en place des “parcours” de formation : parcours pour frais de chambre prove- numérique, parcours de l’exportateur, qui permettent de s’ini- nant de la taxe additionnelle à la tier progressivement aux différents aspects de la thématique. cotisation foncière et de la taxe CCI International, qui est un service intégré à l’antenne Cham- additionnelle à la cotisation sur pagne-Ardenne de la CCI Grand Est, propose différentes forma- la valeur ajoutée acquittées par tions, comme celles aux techniques du commerce international. les entreprises (en remplace- ment de la taxe additionnelle à la défunte taxe professionnelle).

Les ressources propres de la chambre représentent 1,9 M€ : loyers de l’Espace Régley et du bureau des douanes, facturation de différentes prestations, dont la vente d’eau1. Les subventions, ventes d’actifs, produits finan- ciers et autres produits apportent les 700 000 euros restants.

Pour mémoire, la taxe pour frais de chambre perçue par la CCI La CCI tient lieu de permanence pour l’Agefice (page de gauche) s’établissait encore à plus de 5 M€ et elle anime des ateliers et clubs sur des thèmes très divers qui répondent en 2013, mais les coups de rabot aux besoins des industriels, des commerçants et des acteurs des services successifs de l’Etat ont conduit à (ci-dessus, une rencontre du club logistique). une baisse de 38 % des ressources fiscales des chambres de com- merce et d’industrie. A cela s’est ajoutée pendant deux ans une ponction sur leur fonds de rou- lement.

1 Comme expliqué sous le chapitre “la CCI aménageur du territoire”, la chambre dispose de ses propres installations (champ captant, château d’eau et réseau de distribu- tion) qui desservent la principale zone industrielle de l’Aube, ainsi que quelques communes de l’agglo- mération troyenne, pour l’équiva- L’Espace Entreprendre aide les créateurs lent de 35 000 habitants. ou repreneurs d’entreprise à concrétiser leur projet. 95 L’information, le nerf de la guerre

La chambre a le devoir d’informer ses ressortissants sur leur environnement économique, sur leurs droits et devoirs, sur l’évolution de la réglementation, etc. A cet effet, elle a déployé une multitude d’outils offrant la possibilité à tout un chacun d’atteindre un degré d’information suffisant pour piloter ses affaires en toute connaissance de cause. Elle organise des réunions d’information sur des thèmes récurrents : mercredis de l’apprentissage, régime de la micro-entreprise, création d’entreprise (réunions “Etes-vous prêt à vous lancer ?”). Ses “Matinales de l’actu juridique” sont l’occasion de rencontrer tous les mois des avocats. Une permanence sur la propriété industrielle se tient aussi dans ses locaux selon un rythme mensuel. Son site (www.troyes.cci.fr) est en soi une mine d’informations. Seule ou en collaboration avec d’autres com- pagnies consulaires, la CCI a mis en ligne toute une série de bases de données très précieuses pour s’orienter dans le maquis de l’information : le fichier des entreprises auboises, l’annuaire des entreprises de Champagne- Ardenne, les aides financières, l’annuaires des sous-traitants et cotraitants, la bourse des offres en contrats d’apprentissage et de professionnalisation (Pass’Apprentissage), la bourse des stages de l’enseignement supé- rieur, l’annuaire informatique, télécom et Internet (Champagne-Ardenne numérique), la bourse de l’immobi- lier d’entreprise, la bourse des locaux commerciaux disponibles dans l’Aube, l’annuaire des produits du terroir, l’annuaire des contacts institutionnels, la cartographie des compétences en écoconception… La CCI a publié par ailleurs de nombreux guides pratiques, tous téléchargeables sur le Net : sur l’accessibilité des personnes handicapées, sur l’international (“Qui fait quoi en Champagne-Ardenne ?”), sur la création d’entreprise en Champagne-Ardenne (“Itinéraire de la création d’entreprise”), sur les stages et l’alternance, sur l’exportation (“Mes premiers pas à l’export”)… D’autres supports sont autant de voies d’accès à l’information : le magazine trimestriel CCI Mag, les différentes revues de presse (Mercure l’info au quotidien, la revue de presse hebdomadaire, la revue de presse sectorielle, les baromètres semestriels locaux), la newsletter Liaisons internationales (l’offre dans le domaine internatio- nal comprend aussi CCI Info Europe et Novosti, la lettre sur la Russie et la CIE), CCI Info (plate-forme de veille et d’intelligence économique), les Lettres de veille stratégique, sans oublier bien sûr les réseaux sociaux (Facebook, Twitter, Viadeo, Linkedin, YouTube) et les flux RSS spécialisés (marchés, secteurs, réglementation générale, international). La CCI anime une émission de télévision mensuelle, le magazine économique Réus- sites sur l’antenne de Canal 32, qui a été créée par l’ancien directeur de la communication Bruno Rogowski. Elle fait en outre un point tous les six mois sur la conjoncture économique dans le département et la région, par secteur d’activité. Produire de l’information relève également des missions fondamentales de l’Observatoire économique (dont on trouvera une présentation détaillée dans la partie historique de cet ouvrage) et de l’Opeq (Observatoire permanent de l’évolution des qualifications) basé à Châlons-en-Champagne. L’Observatoire de l’hôtellerie, cofondé par la CCI et le comité départemental du tourisme, participe de la même logique de dif- fusion des connaissances.

A gauche, l’enregistrement d’une des émissions Au centre, un ex-Premier ministre, Jean-Pierre Raffarin, A droite, les conseillers de la CCI sont à la disposition des ressor- Réussite diffusées par la télé locale Canal 32. lecteur de la revue de la chambre alors intitulée Mercure 10. tissants pour toute question relative à la vie de leur entreprise. La vocation d’aider les ressortissants

L’une des missions principales de la CCI est bien sûr de conseiller ses ressortissants, de les aider, les assister, de leur donner tous les outils nécessaires à leur progression, bref, de les accompagner à toutes les étapes de leur vie d’entrepreneur. Un certain nombre d’outils sont disponibles en ligne pour un maximum d’efficacité. Citons l’autodiagnostic pour les entrepreneurs en difficulté, le questionnaire permettant de connaître son ITN (autrement dit son indice de transformation numérique), le prédiagnostic avant une cession/reprise d’entreprise, ou encore CCI Business Builder, l’application Web permettant de travailler sur son idée de création d’entreprise, son business model et son business plan. Dans ce dernier exemple, un conseiller de la CCI intervient en soutien de l’en- trepreneur. C’est le cas aussi avec CCI MAP (ou Méthode d’Amélioration de la Performance), qui permet de réaliser un diagnostic complet de l’entreprise et, sur cette base, d’élaborer un plan de progrès personnalisé puis un plan d’action. Le dispositif “20 minutes pour convaincre” offre l’occasion aux personnes projetant de créer ou de reprendre une entreprise de passer une sorte de grand oral devant des professionnels. Non pas pour en attendre un jugement et encore moins une sanction, mais des avis et des conseils qui seront précieux avant de se présenter par exemple devant un banquier. Dans un tout autre ordre d’idée, l’opération Alerte Com- merces permet aux commerçants d’être avertis en temps réel par SMS (ou de prévenir à leur tour la communauté) de faits de délinquance visant les boutiques, et donc de se tenir sur leurs gardes. Ce dispositif gratuit fonctionne avec le concours des services de police et de gendarmerie. Le secteur de l’international est particulièrement propice à l’accompagnement — y compris parfois au sens physique du terme — des ressortissants de la chambre : missions de pros- pection individuelles ou collectives à l’étranger, salons hors des frontières, rendez-vous experts pays, réunions avec les douanes, petits-déjeuners export, rendez-vous financement export… La CCI participe aussi à des actions collectives régionales dans le domaine de l’environnement, et possède le titre de tiers de confiance du Médiateur du crédit, ce qui lui permet d’accompagner gratuitement dans leurs démarches les chefs d’entreprise confrontés à un problème de financement. La chambre propose également ses services pour tout ce qui a trait à l’univers du Web : aide à la recherche sur Internet, aide à la mise en place d’un système de veille…

A droite, les conseillers de la CCI sont à la disposition des ressor- Ci-dessus, le dispositif Alerte Commerces tissants pour toute question relative à la vie de leur entreprise. qui informe en temps réel les commerçants.

97 La Journée régionale de l’environnement et du développement durable 2016, à l’Espace Argence de Troyes, est l’un des grands salons organisés par la CCI. Ci-dessus, Expert’in 2015, une manifestation organisée par la CCI au centre de congrès. Un rôle d’animateur/organisateur

L’animation du territoire fait partie des prérogatives de la compagnie consulaire. Dans ce dessein, la CCI met sur pied de grands événements dont la finalité est de rassembler le même jour au même endroit le maxi- mum d’intervenants spécialisés sur un thème donné. C’est ainsi que la chambre organise ou coorganise la JREDD (Journée régionale de l’Environnement et du Développement durable), le salon Expert’in (convention d’affaires conjuguant industrie, innovation et international), la Journée de la création et reprise d’entreprise, et la Nuit de l’Orientation, une manifestation qui invite les jeunes — et les moins jeunes — à découvrir les métiers et les filières professionnelles. C’est aussi dans cet esprit d’incitation à la découverte au profit du grand public que la CCI organise tous les ans des visites d’entreprises. L’occasion de pousser la porte, entre juin et décembre, de sociétés qui sont parfois inaccessibles le reste de l’année. Des expositions sont par ailleurs orga- nisées régulièrement dans les locaux de la CCI. En véritable acteur/moteur de la vie économique locale, la CCI anime plusieurs clubs (logistique, lean mana- gement, Chine, environnement, sécurité, industries agroalimentaires) ; elle apporte son soutien logistique aux associations des zones industrielles de La Chapelle-Saint-Luc et de Sainte-Savine, et organise les Rencontres du commerce. Elle anime l’association Initiative Aube, qui a pour objet d’accorder des prêts d’honneur aux créateurs/repreneurs d’entreprise. N’oublions pas non plus que la chambre est à l’origine de la création du Cercle des hôteliers de l’Aube, du Cercle des services de l’Aube, et de Perspectives numériques (auparavant Agence 10 TIC), qui regroupe les prestataires informatiques et numériques aubois. CCI Aider Faciliter CCI clubs SERVIR CCI Aube Fédérer Accueillir Gérer défendre

Conseiller animer Informer écouter AménagerEspace Régley

CCI Accompagner Former Développer ASSISTER Troyes CCI Soutenir Représenter La CCI est Point A pour l’apprentissage, elle gère les contrats.

Au service des employeurs aubois

Si l’on entre un peu plus dans le détail, la CCI a pour credo de servir. C’est à la chambre par exemple que les sociétés nouvellement créées (mais aussi les personnes physiques et les auto-entrepreneurs) viennent s’immatriculer au registre du commerce et des sociétés, acquérant ainsi une existence légale. C’est également au centre de formalités des entreprises (CFE) que les entreprises doivent enregistrer une modification de leurs statuts ou acter leur cessation d’activité (radiation). Le passage par le CFE permet d’accomplir toutes les formalités simultanément, évitant ainsi aux chefs d’entreprise d’entamer des démarches fastidieuses auprès de plusieurs organismes différents.

Le CFE remplit d’autres fonctions de délivrer les cartes de commerçant ambulant ainsi que les cartes professionnelles d’agent immobilier. Il instruit les dossiers de demande d’Accre (aide au chômeur créant ou reprenant une entreprise). La CCI possède un service compétent en matière d’apprentissage, tant au niveau de la taxe d’apprentissage qu’à celui de l’enregistrement des contrats d’apprentissage. Elle assure pour le compte des entreprises l’ensemble des reversements aux établissements bénéficiaires ainsi que les formalités administratives qui en découlent. Le service international de la chambre gère les formalités liées à l’export : carnets ATA et certificats d’origine. Elle vise et légalise les documents commerciaux. Son guichet en ligne permet de dématérialiser les procédures douanières et d’effectuer en quelques clics les formalités internationales.

Le porte-parole du monde économique

N’oublions pas enfin l’une des missions essentielles de la CCI : défendre et représenter ses ressortissants. Ses élus siègent dans une cinquantaine d’associations, de commissions, de syndicats et d’instances diverses, dès lors que l’économie, l’emploi, la formation ou la santé des travailleurs sont en jeu. Citons la Mission locale de Troyes, le comité départemental du tourisme, la commission locale d’information pour le Centre de stockage de l’Aube (l’Andra à Soulaines), l’association des chefs d’entreprise de la région de Bar-sur-Aube, la commis- sion départementale de conciliation des baux commerciaux, le CFA Interpro, ou encore le jury des diplômes du secteur funéraire… 99

Cinquième partie

TÉMOIGNAGES LES TROIS PRÉSIDENTS DU XXIe SIÈCLE

Lors d’un échange à trois, les présidents successifs Didier Papaz, Dominique Lemelle et Sylvain Convers reviennent sur le parcours de la chambre de commerce et d’industrie depuis le basculement dans les années 2000. Ils évoquent les principaux projets qu’ils ont portés et les par- tenariats noués au service du développement des entreprises et du territoire. Le premier est issu du commerce et le deuxième de l’industrie. Quant au troisième, actuel président de la CCI Troyes et Aube (à compter de février 2017), il a été élu au titre des services. Une parfaite trilogie, l’institution consulaire reposant sur ces trois grands piliers de l’économie.

Retour sur l’action de l’institution consulaire avec Dominique Lemelle, Sylvain Convers et Didier Papaz. 101 Didier Papaz. « Le rôle majeur de l’économie »

Vous êtes issus de métiers et de secteurs d’activités différents. Qu’est-ce qui vous a poussés à vous engager dans la voie consulaire en tant qu’élus, à briguer et occuper les plus hautes responsabilités de la CCI territoriale de l’Aube et à continuer de vous investir en son sein ou encore au niveau de la CCI Grand Est ?

Les trois, ensemble : « En fait, nous sommes tous trois entrés en 1995. C’est le président de l’époque, Jean Tog- genburger, qui nous a sollicités et embarqués dans cette aventure. Au départ, la probabilité de venir nous inves- tir dans la chambre devait tenir un peu du hasard. Pourquoi nous ? Nous étions de jeunes dirigeants avec des parcours et des préoccupations différents. Le destin a voulu que nous soyons arrivés ensemble, que nous ayons eu ensuite l’opportunité de prendre la présidence. Nous sommes toujours présents, avec des responsabilités dif- férentes désormais. Notre engagement a pris tout son sens avec le temps. Compte tenu des périodes que nous avons traversées, on peut résumer ainsi : il y a celui qui a bien vécu, Didier, celui qui a fait la restructuration, Dominique, et celui qui ramasse les morceaux, Sylvain… »

Votre histoire a en effet croisé celle de la réforme des chambres consulaires, contraignante pour ne pas dire douloureuse, et vous l’avez vécue de l’intérieur. Quel est votre ressenti ?

Didier Papaz : « Je pense avoir occupé la présidence au bon moment, c’est vrai, mais déjà, du côté des gouver- nants de l’époque, l’idée de réformer les chambres trottait dans quelques têtes. Un ministre, Patrick Devedjian, pour ne pas le nommer, estimait que l’emprise des chambres de commerce et d’industrie était un peu trop forte sur le monde économique. Pointait déjà la tentation de vouloir réduire la voilure des chambres. A cette même période, il faut se souvenir des premières attaques frappant également les tribunaux de commerce. Nous avons résisté, mais cela a continué sous l’ère de Nicolas Sarkozy à Bercy (ministre de l’Economie, des Finances et de l’Industrie). Je pense que du côté des politiques, on commençait très sérieusement à s’interroger sur les contre-pouvoirs en général, mais aussi en particulier dans les CCI. On a senti venir les hostilités. Attention, il ne s’agissait pas là d’un débat droite-gauche, c’était juste une volonté politique d’avoir affaire à moins de corps intermédiaires et, surtout, avec moins de contre-pouvoirs. Je pense qu’il y avait là le ferment de ce qui s’est passé par la suite. »

Dominique Lemelle : « A cette même époque, nous avions eu entre les mains l’étude réalisée par le Conseil économique, social et environnemental, et nous nous étions fait, ensemble, la remarque qu’un mouvement était en marche tentant de contester le monde consulaire. Pourquoi cette inclinaison ? Parce que, du goût des politiques, effectivement, nous avions trop de représentation et de poids économique. De très nombreuses CCI géraient des ports, des aéroports, et les chambres avaient une forte implication dans bien d’autres domaines structurants pour les territoires. De leur côté, disons-le, les régions étaient en manque d’implication et de subs- tance. Certains ont été tentés de récupérer ce que faisait le monde consulaire… »

Au-delà de la contestation des contre-pouvoirs et de la tentation des régions dont vous parlez, ne croyez-vous pas que le politique a pris conscience du rôle majeur de l’économie ?

Didier Papaz : « Clairement, les politiques ont préféré avoir les mains libres pour mener leurs projets, et ils ont fait en sorte de réduire tout ce qui pouvait les gêner, tout ce qui pouvait être source de critiques. Cette lame de fond ne visait pas seulement les chambres consulaires ou l’esprit consulaire. C’est un mouvement plus profond et plus large qui aura marqué l’entrée dans ce nouveau siècle. Il est vrai également qu’à l’amorce des années 2000, il n’y a pas eu que des années “bling-bling”. Le monde politique mesurant mieux visiblement l’importance de l’économie dans la vie d’un pays se l’est appropriée. Il a compris que c’était la clé pour lutter contre le chômage et contre la pauvreté. L’économie est un atout pour qui veut mettre en place des politiques publiques. Il y a eu une mainmise sur la régulation de l’économie, c’est un fait. Pour autant, hélas, le politique est rarement issu du monde économique et il ne connaît guère les mécanismes économiques. Dans des économies comme la nôtre, de type capitaliste, ce serait un leurre de croire que l’on peut tout régenter, tout organiser. Oui, on peut faire un peu de régulation, mais l’économie c’est quelque chose de libre, d’ouvert, et cela doit le rester. On l’aura remar- qué, les grands schémas sont loin d’avoir apporté toutes les réponses… »

Dominique Lemelle : « On a effectivement voulu nous imposer un grand schéma du monde consulaire. Avec la réforme des chambres qui est intervenue durant mon mandat de président, on nous a fortement ponction- nés et affaiblis durant cinq ou six ans. En puisant dans nos ressources fiscales, l’Etat a pu récupérer l’argent des entreprises. Sans leur dire ! Si l’on nous avait dit au départ que nous allions être soumis à un tel régime (50 % de ressources en moins au final), personne n’aurait cru qu’il était possible d’y arriver. Or, nous avons passé l’orage avec toutes les restrictions imposées car nous sommes issus du monde économique. Cela a été difficile, mais nous avons su trouver des solutions, nous recentrer sur notre métier de base, faire corps en optimisant et en mutua- lisant. Ce n’est pas étonnant, c’est ce que nous faisons au quotidien dans nos entreprises. Aux élus politiques de regarder comment nous avons agi et de voir de quelle manière nous nous en sommes sortis, même si nous nous serions bien passés de cet épisode. Voilà peut-être un modèle à suivre au sein d’autres organisations. »

Sylvain Convers : « Le rôle de la politique c’est de prendre un certain nombre de mesures, notamment pour faciliter et améliorer la productivité dans notre pays, entre autres. On a vu de quelle façon, au cours des der- nières décennies, l’informatique et plus globalement le numérique ont révolutionné le monde du travail, la vie des entreprises. Grâce à ces technologies nous avons été amenés à travailler différemment. Pour faire suite à ce qu’a évoqué Dominique, je ne suis pas convaincu que, dans certaines structures régionales et nationales, on ait bien pris conscience de cette nouvelle dimension et de tous les gains de productivité pouvant en découler. Les entreprises et les chambres consulaires ont fait des efforts, et cela n’a pas été le cas ailleurs. On a vu comment le transfert de compétences qui s’est fait de l’État en direction des collectivités a rajouté des couches et, de ce fait, des personnels. Bien souvent, on ajoute sans rien retirer, et je crois que dans les rangs des politiques on ne prend pas bien la mesure du temps par rapport aux dispositions pouvant être prises. Dans le monde de l’entreprise, on sait lorsqu’on prend une disposition aujourd’hui, et suivant l’importance de cette disposition, que les effets seront positifs dans un délai plus ou moins long. C’est de la stratégie à moyen ou long terme. On a l’impression que, pour sa part, le monde politique prend une décision et croit que son application aura des effets immédiats. Puis il reprend une autre décision avant même d’avoir pu analyser les résultats des précédentes. » 103 Les vertus du “guichet unique”

En effectuant cet état des lieux consécutif à la réforme des chambres, vous dénoncez le climat d’instabilité fiscale et juridique qui s’est installé, aussi bien qu’un certain manque de lisibilité dans la politique menée. Pour autant, vous avez réussi un certain nombre de choses, y compris à nouer des liens productifs avec le monde politique en local.

Didier Papaz : « Les collectivités territoriales ont elles-mêmes été amenées à évoluer. Dans ce département, elles nous ont toujours maintenu dans les dispositifs. Cela tient aux bonnes relations que nous avons toujours entretenues. Il faut aussi parler du positif, bien sûr. A commencer par ce grand respect qui anime les politiques et les acteurs économiques aubois. La chambre de commerce et d’industrie a toujours été invitée et consultée sur l’ensemble des dispositifs touchant à l’économie dans le département. Nous avons toujours été considérés comme parties prenantes, que ce soit dans le cadre de nos relations avec l’État ou avec les collectivités locales. Ce contexte favorable avait été initié par notre prédécesseur Jean Toggenburger, lequel a eu la bonne idée en son temps de créer ce qui a été appelé le “guichet unique” avec les représentants du Grand Troyes, de la Ville et du conseil départemental. Cette initiative a permis de donner naissance à l’agence de développement écono- mique, Aube Développement, dont la gestion était assurée par la CCI. »

Sylvain Convers : « Sans l’instauration de ce “guichet unique” et sans Jean Toggenburger jouant un véritable rôle d’arbitre à une époque où il pouvait y avoir quelques tiraillements entre certaines personnalités politiques, je crois que nous n’aurions jamais pu espérer le développement économique qu’a connu le territoire. Il faut lui rendre hommage pour ce travail qui a permis de nouer des liens solides et de les faire perdurer dans le temps, quels que soient les acteurs présents. »

Dominique Lemelle : « Le “guichet unique” a eu pour avantage de permettre aux responsables économiques et décideurs politiques locaux de se retrouver régulièrement pour parler d’économie. Le fait de se retrouver régulièrement et d’apprendre à se connaître a permis de pousser des dossiers et de les faire aboutir, malgré les antagonismes et parfois des points de vue différents au départ. Ce rendez-vous auquel participaient les direc- teurs généraux des différentes structures s’est institué et Bernard Castaing, le directeur d’Aube Développement, assurait un rôle d’animateur de ces réunions Malgré le contexte global national peu favorable, notre chance est d’avoir pu travailler tous ensemble localement. Nous avons pu ainsi construire des outils de communication communs, arrêter nos choix de filières prioritaires, travailler à bâtir une offre foncière et immobilière adaptée, sans oublier aussi de finaliser le repositionnement de plusieurs dossiers nous concernant de près, comme l’aé- roport de Troyes-Barberey, le Groupe ESC Troyes, pour ne citer que ces exemples. »

Cette forme d’osmose trouvée au sein du “guichet unique” a-t-elle permis de mieux passer la crise de 2008 et des années qui ont suivi ? Avant cette crise conjoncturelle, l’Aube avait déjà subi de plein fouet la crise structu- relle de l’industrie textile et devait batailler pour se relever de quelques milliers de pertes d’emplois.

Didier Papaz : « Avant le “guichet unique”, du temps où la CCI était présidée par Etienne Vauthier — à la fin des années 1950 —, la CCI a pu apporter à l’agglomération troyenne des projets industriels importants comme les usines Michelin et Kléber à La Chapelle-Saint-Luc. Ce furent de beaux projets qui renforcèrent la diversifi- cation des activités et des emplois à leur époque. Ils ont sans doute implicitement permis de compenser un peu le déclin qui s’annonçait dans le textile. Il faut se souvenir que ces implantations nous ont à l’époque conduits à construire et mettre en service le château d’eau de La Chapelle-Saint-Luc, la chambre étant alors dans son “job” d’aménageur en soutien de la puissance publique. Personnellement, j’ai participé aux réunions du “guichet” avec François Baroin et Philippe Adnot, respectivement maire de Troyes et président du conseil départemental. Avec eux, au début de mon mandat de président, sous l’impulsion de son directeur, nous avons misé sur les centres d’appel, qui ont permis de fournir de l’emploi à 1 500 personnes. Cela a jouté un rôle tampon, utile à l’économie locale. La jauge d’emplois dans ce domaine activité s’est stabilisée. C’était l’époque aussi où Aube Développement ne convertissait pas des implantations par manque d’offre foncière sur le territoire, ce qui a conduit les deux élus à créer leurs parcs d’activités, avec les réussites que l’on sait aujourd’hui, tant du côté du Parc du Grand Troyes que du côté du Parc logistique de l’Aube. Nous parlions aussi de stratégie économique pour le territoire et la question Dominique Lemelle.

de l’enseignement supérieur était également au centre des débats. La CCI avait réussi en 1992, sous la houlette de son directeur général Serge Martinez, à fonder l’ESC, et avait suscité le désir d’aller plus loin en créant une école d’ingénieurs. Ces réflexions et une implication politique forte ont permis l’arrivée de l’UTT et le développement du parc technopolitain, les pièces du puzzle étant une à une posées. Les plans de ces différents projets étaient présentés et discutés. Ensuite tout le monde s’inscrivait dans une dynamique partagée. »

Dominique Lemelle : « Il ne faut pas oublier le développement des magasins d’usine, devenus des centres de marques en périphérie troyenne, qui ont également été pourvoyeurs d’emplois. Leur croissance date véritable- ment des années 2000. La chambre participait aux réflexions avec les élus territoriaux, et il fallait trouver la bonne adéquation, faire que les commerçants de centre-ville parlent avec leurs collègues des centres de marques. Tout n’a pas toujours été simple, mais aujourd’hui, les magasins d’usine c’est toujours 1 500 emplois dans le commerce. »

Didier Papaz : « Au tout début c’était chaud, en effet. Ça bataillait entre les magasins d’usine, les commerçants de centre-ville et même les grandes surfaces extérieures. On m’a confié la vice-présidence commerce à cette époque et mon rôle était de parvenir à pacifier la commission commerce. J’ai fait en sorte que tout le monde dialogue, se respecte et se comprenne. Il était d’abord nécessaire de connaître les spécificités des uns et des autres avant d’espérer avoir d’éventuels projets en commun. Nous avons pu mettre fin aux hostilités et réaliser quelques belles avancées. Troyes a accueilli de nombreuses années durant le colloque national Magdus dédié aux magasins d’usine. Cet événement était porté par la CCI. Les études que nous avons réalisées ont démon- tré que les 2 millions de visiteurs annuels enregistrés dans les centres de marques venaient aussi dépenser en centre-ville. Même si cela ne représentait que 10 % de la dépense globale, cela s’avérait positif pour tout le monde. C’était du positif pour le commerce, mais aussi pour les services, l’hôtellerie-restauration pouvant également tirer profit de cette manne de visiteurs. » 105 Sylvain Convers.

Indispensables infrastructures

Dominique Lemelle : « C’est factuel : en deux ou trois décennies, on a perdu de 20 000 à 25 000 emplois dans le textile, et pourtant notre territoire s’en est sorti. Je pense que l’Aube a surmonté ce choc de désindustrialisation parce que les acteurs économiques et les élus (assez jeunes à l’époque) ont fait bloc en disant “plus jamais ça” et que tous ont travaillé avec une vision d’équilibre pour le territoire. Des efforts ont été faits pour son amé- nagement, et si le train électrifié met du temps à arriver jusqu’à Troyes, les autoroutes ont tracé de nouveaux sillons, créé de nouveaux flux et changé la donne sur le plan économique. Le regretté Bernard Castaing faisait souvent cette démonstration : avec les autoroutes nous sommes à portée de Paris, et les champs ne demandent qu’à accueillir des usines autour de Troyes et des principales villes du département. »

L’Aube a pu amorcer un virage logistique à cette époque et c’est devenu un atout supplémentaire pour l’éco- nomie départementale…

Sylvain Convers : « Le besoin d’infrastructures était évident, les acteurs économiques n’ont cessé de les deman- der, certains messages ont fini par passer. Avec la croisée des autoroutes A26 et A5 au sud de Troyes, nous avons gagné un positionnement logistique de premier ordre qui rend le territoire tout aussi attractif que le secteur d’Orléans, voire de communes situées dans la couronne parisienne, les Marne-la-Vallée ou autres. Troyes est désormais très bien placée en termes de distribution. Notre territoire est très largement compétitif pour les entreprises qui viennent s’implanter. »

Dominique Lemelle : « UPF International, le groupe qui a acquis le premier bâtiment construit sur le Parc logistique de l’Aube, a aussi été très intéressé par la qualité des salariés qu’il a trouvés ici, avec nettement moins d’absentéisme qu’en région parisienne et un souci de qualité sur le travail produit. Dans l’Aube, les personnels respectent leur entreprise. Les salariés du textile qui se sont retrouvés sans emploi ont conservé un attachement fort à leur métier. Ici, on travaille depuis près d’un siècle à la confection des polos Lacoste ou de la culotte Petit Bateau, des marques emblématiques ayant fait leurs preuves. La qualité de la main-d’œuvre est reconnue loin à la ronde. Par ailleurs, toujours pour rester dans le domaine du transport et de logistique, nous ne nous sommes pas posé la question cent sept ans quand les douanes ont un jour émis l’éventualité de partir sur Reims ou sur Châlons-en-Champagne en raison de la vétusté des locaux occupés par leurs agents. Nous leur avons construit un bâtiment neuf sur la zone d’activité de La Chapelle-Saint-Luc. On ne pouvait pas prétendre devenir un département à vocation logistique, tourné vers l’international et marqué par une forte activité dans le domaine du champagne sans avoir un service de douanes de proximité. Le projet a été défini ensemble et a pu aboutir dans les meilleurs délais. Il y a des moments où il faut savoir être à l’écoute et apporter des réponses efficaces, y compris sur le maintien de services publics. »

A propos encore des infrastructures, sous vos mandatures la chambre a joué un rôle dans le développement du port de Nogent-sur-Seine et dans la montée en puissance de l’aéroport de Vatry, situé en territoire marnais. Pourquoi ?

Dominique Lemelle : « La CCI gérait le port de Nogent sur la Seine, rive gauche. Quand le groupe Soufflet a annoncé son projet de construire la plus grande malterie d’Europe à Nogent avec un accès plus important sur le domaine fluvial, il lui fallait des mètres carrés situés dans le périmètre du port. Nous avons pris l’option de vendre le site au groupe Soufflet, qui est devenu totalement libre d’agir sur l’emprise du port rive gauche pour y développer ses activités. Et nous avons versé l’argent de la vente de ces terrains à la Ville de Nogent pour boucler le financement de la construction d’un tout nouveau port situé sur la rive droite, baptisé le Port de l’Aube. Dans quelques années, croyez-le, on nous dira que nous avons eu raison d’agir ainsi, le transport fluvial étant appelé à monter en puissance pour des raisons économiques et environnementales. »

Sylvain Convers : « A une autre époque, nous nous sommes investis dans un autre dossier d’aménagement assez considérable, celui de Vatry. Car nous avons considéré qu’il était opportun et porteur d’avenir pour les entreprises de notre territoire et pour celles de toute une région, quand bien même ce projet se situait en dehors des limites de notre département. Dès l’origine nous avons participé au capital de la Seve, la structure partena- riale en charge d’exploiter cet aéroport régional. Nous avons apporté notre soutien sonnant et trébuchant parce que cette infrastructure présentait un réel intérêt économique à nos yeux, avec une première orientation sur le fret aérien, avant un élargissement de l’activité au transport de passagers. Les politiques aubois ne souhaitaient pas y aller et c’était leur droit, mais cela ne nous a pas empêchés de devenir actionnaires de la Seve avec deux autres chambres de commerce et d’industrie de la région et aux côtés des acteurs publics — dont le conseil départemental de la Marne, initiateur du projet — et des opérateurs privés. »

Touchant au cœur même de votre activité, l’une des belles réalisations menées par la CCI au cours de la dernière décennie aura été son déménagement au sein de l’Espace Régley. Pourquoi et comment avez-vous orchestré une telle opération ?

Didier Papaz : « Quand je suis arrivé dans l’institution, j’avais l’image d’une CCI qui accueillait plutôt les industriels, les gens du textile ou de la métallurgie. Ce n’était pas la réalité, bien sûr, car y siégeaient des com- merçants et des professionnels des services, et tout le monde y avait accès. Logée dans un hôtel particulier en plein centre-ville de Troyes, la chambre consulaire n’était pas spécialement accessible, et je me souviens avoir eu envie de déménager au bout de six mois passés dans cet hôtel consulaire. Mon DG, qui partageait ce point de vue, s’est mis en chasse et a pisté une dizaine d’opportunités. J’ai fait trancher mon bureau en faveur de la solution “Régley”. A cette époque, je pensais qu’il devait être possible d’entreprendre quelque chose de concert avec la chambre de métiers et de l’artisanat, abritée également dans une grande maison bourgeoise troyenne. On n’a pas réussi à emmener les artisans avec nous, et c’est dommage, mais nous avons pu réaliser une très belle opération en 107 transformant radicalement l’Espace Régley. Nous avons créé une véritable rupture tout en conservant son esprit au lieu. Dans le passé, ce site avait, il est vrai, abrité une… usine textile. Nous avons fait le pari d’aller au bout de ce projet malgré un contexte de crise prégnant, et nous avons bien fait. Modestement, nous avons contribué au soutien des entreprises du bâtiment avec ce chantier. Nous voulions aussi montrer l’exemple en étant parmi les premiers à construire un bâtiment basse consommation. Il faut l’avouer, cela n’a pas facilité les choses, mais au final ce site répond aux attentes. Outre notre siège, il accueille des entreprises et il rassemble. »

Sylvain Convers : « Ce bâtiment ne pose pas la moindre question aujourd’hui, il est totalement à sa place, proche du centre-ville et de la gare. Il offre de larges possibilités de parking et facilite l’accès à nos différents services, le but initialement recherché. Cet espace est ouvert et moderne. Il a été pensé client, pensé public. »

Didier Papaz : « Nous voulions avoir pignon sur rue, que le gens identifient le bâtiment et qu’ils y viennent naturellement. Une CCI, c’est un peu comme un commerce qui doit tout faire pour attirer du monde. Pour nous il s’agit d’attirer des personnes ayant besoin d’être aidées et accompagnées dans la vie de leur entreprise, à commencer par les porteurs de projet de création ou de reprise. »

A travers la modernité du site, vous avez cherché à faire passer la modernité de l’institution ?

Didier Papaz : « Oui, c’est un excellent moyen pour se débarrasser d’une image, disons un peu figée. Notre rôle consiste à créer du lien entre les acteurs locaux, à travailler avec les politiques mais aussi avec le secteur associatif. Nous l’avons fait dans le passé et nous devons continuer à participer à l’émergence d’associations de commerçants ou d’industriels. Il faut redonner aux gens l’envie de bosser ensemble, et un lieu tel que celui-ci y contribue. »

Didier Papaz et Dominique Lemelle, accompagnés de Serge-François Martinez, entourent des personnalités administratives et judiciaires auboises lors d’une cérémonie organisée en novembre 2007 Sylvain Convers, président d’Initiative Aube, lors d’une remise de prix à des lauréats du concours de la création-reprise (édition 2015), ici en compagnie de Dominique Lemelle.

Dominique Lemelle : « Le magasin s’est ouvert ! Nous avons essayé de faire en sorte que le flux soit cohérent avec le propos de la chambre. Le fait que les salles de réunion soient régulièrement occupées pour diverses ma- nifestations économiques nous confirme dans notre choix de proposer un lieu ouvert, à partager. Nous avons gagné en lisibilité. On sait que nous sommes là et que nous sommes “au service de”. Avec la restructuration des chambres, il a fallu se recentrer sur notre métier de base, avec l’obligation de penser clients. Pour rappel, notre métier de base, c’est d’accueillir les gens ayant des projets et de faire en sorte qu’ils aient des réponses à leurs questions. Il faut qu’ils repartent avec une solution. Pas avec un simple imprimé et la promesse qu’on leur en reparlera. »

Comment faites-vous pour déployer votre action sur le terrain, aux quatre coins du département ?

Sylvain Convers : « Avec le renouvellement des élus consulaires issus des dernières élections, nous avons une couverture géographique assez homogène sur le département. Dans la foulée de ces élections, nous avons mis en place une toute nouvelle commission, dite “territoriale”, qui comprend dix élus (cinq titulaires et cinq suppléants). Cela manifeste notre volonté d’être plus proches et en permanence à l’écoute de nos ressortissants, mais aussi des communes et communautés de communes. Les membres de cette commission que je préside vont tenir un rôle important. Ils sont nos portes d’entrée sur les territoires, découpés de la façon suivante : Plaine d’Arcis et Briennois, Pays d’Othe et Armance, Nord-Ouest aubois, Côte des Bar et agglomération troyenne. En nous appuyant sur des structures existantes, nous tenons des permanences sur ces territoires. Nous allons là où il y des attentes et des réponses à apporter. Nous le faisons de manière très partenariale. Notre chambre s’intitule chambre de commerce et d’industrie de Troyes et de l’Aube, et la dimension auboise est importante pour nous. » 109 Grande région et action territoriale

Dominique Lemelle : « La loi NOTRe a modifié pas mal de choses au niveau des collectivités, avec de nou- velles agglomérations et communautés de communes, lesquelles sont amenées à se repositionner. Nous devons entretenir le lien avec ces collectivités et nous impliquer à leurs côtés sur le volet économique. Avec les outils numériques, il est facile de se connecter et d’échanger tout en étant situés à quarante kilomètres de distance, mais il faut également de la présence sur le terrain, pour aider à la relance des associations de commerçants par exemple. Nous devons maintenir une grande proximité avec nos clients, qu’ils soient à Troyes ou éloignés de plusieurs dizaines de kilomètres dans les bourgs et villages. C’est notre rôle et cela a d’autant plus d’importance qu’avec la régionalisation, les territoires ont pris de nouvelles dimensions. »

Avez-vous le sentiment d’avoir réussi dans votre entreprise consulaire ? Comment vivez-vous le changement de format avec la grande région et la mise en place de la CCI Grand Est ?

Didier Papaz : « Je reste persuadé qu’il aurait été bien de pouvoir réunir la CCI et la CMA sous un même toit au sein de l’Espace Régley. C’est mon principal regret, d’autant que la CCI a naguère contribué à la mise en place de la chambre de métiers auboise. Nous avons dans ce département beaucoup de doubles ressortissants. Il y avait un réel intérêt à avoir un back-office commun, pour être plus efficace au service des entreprises. Nous voulions bâtir un endroit où se retrouvent différents acteurs de l’entreprise, avec pourquoi pas des syndicats patronaux, des services publics tels que la direction du travail, les Urssaf… » Sylvain Convers : « Je pense qu’il faut retenir les belles réussites car, effectivement, de très belles choses ont été accomplies au fil des quinze ou vingt dernières années sur notre territoire. Nous n’avons pas fini et c’est tant mieux. Nous avons su nous adapter aux fortes contraintes évoquées pour demeurer un acteur économique incontour- nable, au cœur de l’action, au contact direct des entreprises et de leurs problématiques. Je crois que nous pouvons positionner l’Aube fortement au sein de la chambre régionale Grand Est. Nous sommes très présents et actifs dans la construction de ce nouveau format. Il faut beaucoup de présence, y être en dépit des distances à parcourir. Nous n’y allons jamais à reculons, nous entendons toujours apporter notre vision et notre contribution. Dominique s’est porté candidat pour être trésorier de la chambre régionale et il a été élu à ce poste. Personnellement je me suis porté candidat pour animer l’international et j’assume cette fonction. C’est la marque de notre engagement au sein des équipes qui se mettent en place pour écrire de nouvelles pages de l’histoire consulaire. »

Dominique Lemelle : « Le bureau du Grand Est a été constitué pour être fort sur son territoire, économe et efficace au niveau régional. Tout le monde est à l’écoute et prêt à foncer dès lors que les projets s’inscrivent dans ce modèle d’efficience. A titre d’exemple, l’international que pilote Sylvain ne faisait pas partie de nos projets de mutualisation au départ. La question a été débattue, tous les chiffres et arguments ont été mis sur la table et cela a matché. Dès lors qu’il y a avait la bonne personne pour conduire le projet, une solide équipe autour de lui et une organisation économe, il n’y avait aucune raison de dire non. C’est parti. »

Sylvain Convers : « Le bon sens finit toujours par l’emporter ! »

Autour de Gilbert Stimpflin, président de la CCI Grand Est, le bureau se compose de quinze membres, dont deux Aubois : Sylvain Convers, vice-président et président de la commission “International”, et Dominique Lemelle, trésorier. Au total, la chambre régionale est composée de cent chefs d’entreprise alsaciens, lorrains et champardennais, tous bénévoles.

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ANNEXES Chronologie historique

1599 : naissance à Marseille de la première Loi du 19 février 1908 instaurant le suffrage “chambre de commerce”. universel et structurant les chambres en catégories professionnelles. Tous les acteurs économiques 27 septembre 1791 : la Constituante supprime sont donc appelés à voter, y compris les femmes les chambres de commerce, à l’instar de autres (qui deviendront éligibles en 1923). Pour mémoire, corps intermédiaires créés sous l’Ancien Régime les Françaises n’ont obtenu le droit de vote telles que les corporations. qu’en 1944.

1802 : Napoléon Bonaparte, alors Premier consul, 11 août 1908 : décret portant de 12 à 15 le nombre instaure ou rétablit vingt-quatre chambres de com- de membres et division du corps électoral en merce : « Des foyers de lumière destinés à éclairer quatre catégories professionnelles dont l’impor- le gouvernement sur l’état et les besoins tance économique détermine le nombre de sièges. de l’industrie. » Décret toujours en vigueur.

7 mars 1817 : ordonnance royale de Louis XVIII 1917 : le centenaire de la chambre de commerce créant la chambre de commerce de Troyes. de Troyes passe inaperçu, guerre oblige. Les premières réunions ont lieu à la préfecture, puis chez le président de la chambre, Simonnot aîné. 31 mars 1921 : acquisition de l’hôtel Camusat à Troyes — que la chambre loue depuis 1886 — 1819 : installation à l’hôtel de ville de Troyes. grâce au bénéfice retiré de l’émission de monnaie durant la guerre 14-18. 1832 : transfert de la tutelle des chambres du ministère de l’Intérieur à celui des Travaux publics, 14 juin 1938 : décret modifiant la loi du 9 avril de l’Agriculture et du Commerce ; leur présidence 1898. n’est plus assurée par le préfet ou le maire, mais par un membre désigné. 1960 : la chambre de commerce de Troyes devient la chambre de commerce et d’industrie de Troyes. 1851 : les chambres sont reconnues comme « établissements d’utilité publique ». Leurs attri- 1986 : la chambre de commerce et d’industrie butions se sont entretemps élargies : elles peuvent de Troyes devient la chambre de commerce administrer divers établissements « créés pour et d’industrie de Troyes et de l’Aube. l’usage du commerce » tels que les entrepôts ou les « conditions pour les soies et laines ». 1994 : une loi précise que les CCI sont des « établissements publics économiques ». 1872 : décret qui institue comme électeurs à peu près un dixième des patentés. 1996-1997 : inauguration des antennes de Bar-sur-Aube et Romilly-sur-Seine. 1er octobre 1886 : installation dans l’hôtel Camusat, place Audiffred à Troyes (alors place de la Banque, 2002-2005 : première réforme des CCI. qui devient place Audiffred en 1893). 23 juillet 2010 : loi réformant le réseau des CCI. Loi du 9 avril 1898 relative aux chambres de commerce et d’industrie (abrogée en grande partie 20 juin 2011 : installation à l’Espace Régley par l’ordonnance du 18 septembre 2000) dite loi à Troyes. Boucher, donnant aux chambres de commerce le statut d’établissements publics à caractère 2011 : fermeture des annexes de Bar-sur-Aube administratif représentant les intérêts généraux et de Romilly-sur-Seine. du commerce et de l’industrie, donc dotés de la personnalité morale et de l’indépendance Les faits concernant budgétaire, financière et patrimoniale. directement la CCI Troyes et Aube Leurs salariés ont la qualité d’agents publics. sont indiqués en italiques. Les réalisations de la CCI

1825 : première grande enquête sur les filateurs 22 mai 1891 : ouverture de la première ligne et les bonnetiers. téléphonique Troyes-Paris financée pour moitié par la chambre. 1827 : la chambre de commerce obtient que soient créés des cours du soir des Arts et Métiers. 1900 : participation financière à la construction de la ligne téléphonique Dijon-Troyes-Reims. 1er décembre 1830 : établissement à Troyes, à la demande de la chambre de commerce, d’un 1903, 1908 et 1913 : participation financière Comptoir d’escompte. L’opération sera renouvelée à la construction de cinq nouveaux circuits en 1848. téléphoniques entre Paris et Troyes.

1843 : recensement des établissements industriels 1906 : la chambre s’insurge contre la menace troyens. qui pèse sur les viticulteurs aubois de perdre le bénéfice de l’appellation Champagne. 1846 : création à son initiative d’un comité local de l’Association pour la défense du travail national. Du 12 au 19 mai 1909 : la chambre organise un service postal auxiliaire à l’usage de ses ressor- 21 janvier 1851 : ouverture d’un comptoir tissants pour contourner une grève des facteurs. de la Banque de France à Troyes, réclamée par la chambre depuis 1839. 1910 : la chambre prend en charge pour partie le service téléphonique de nuit. 1851 : la chambre envoie des représentants du textile à la première Exposition universelle qui 1911 : la chambre bâtit un argumentaire pour se tient à Londres. défendre la cause des vignerons aubois exclus de la zone d’appellation Champagne. 1868 : instauration de cours de chimie expérimentale sous son égide. 1912 : plaidoyer en faveur de la création d’une chambre de métiers. 24 juillet 1870 : la chambre de commerce crée le comité départemental de l’Aube de la Société 1913 : financement des e5 et 6e circuits de secours aux blessés militaires, ancêtre de la téléphoniques. Croix-Rouge française. 1915 : la chambre achète 13 000 quintaux de blé 1878 : cours de législation commerciale qu’elle revend aux minotiers menacés de pénurie. et de comptabilité. 5 novembre 1915 : première remise aux guichets Début des années 1880 : création d’un musée de la Banque de France de coupures de papier commercial présentant des échantillons de monnaie émises par la chambre de commerce produits fabriqués à l’étranger et dans les colonies. pour pallier la raréfaction de la monnaie division- naire. Celle-ci procédera à six émissions de billets 1884 : cours de droit commercial. durant et après la guerre, et ce jusqu’en 1921.

22 mars 1884 : mise en service du téléphone à 1920 : la chambre se prononce en faveur Troyes en partie grâce à l’action de la chambre. de la création des lacs.

1886 : la chambre mandate un explorateur pour Juillet 1921 : création d’une chambre de métiers effectuer une mission commerciale au Tonkin. première manière à l’initiative de la chambre de commerce. 15 mai 1889 : 1re rentrée de l’Ecole française de bonneterie, sous le patronage de la chambre de com- Entre 1922 et 1933, participation financière à merce et de la chambre syndicale de la bonneterie. la construction de nouvelles lignes téléphoniques. 115 Février 1929 : acquisition de la station 1959 : la chambre demande l’ouverture d’un de pesage public de la gare des Marots à Troyes. bureau des douanes à Troyes (qui deviendra réalité en 1962). Décembre 1929 : la chambre demande la création d’un aérodrome à Troyes. 1960 : parution du premier numéro de La Revue économique de l’Aube, journal créé 30 juin 1933 : mise en service de l’aérodrome de concert avec la chambre de métiers. de Barberey, dont la chambre avait demandé la création. L’inauguration a lieu le 9 juillet. 1960 : ouverture à Troyes d’une délégation départementale du Centre national du commerce 5 mai 1938 : naissance de la chambre extérieur, qui avait été demandée par la chambre. de métiers deuxième manière dont la chambre de commerce avait soutenu la création. 16 janvier 1961 : création à l’initiative de la CCI d’un bureau de conditionnement public 8 décembre 1944 : organisation d’une Journée des matières textiles à Troyes. du commerce destinée à financer l’emprunt de la Libération. 1962 : création de l’Ecole commerciale pour jeunes gens et jeunes filles. 8 juin 1951 : la chambre obtient la concession de la gare routière de voyageurs de Troyes. 1962 : décision de créer une zone industrielle à Brienne-le-Château (puis d’autres en 1964 15 avril 1954 : lancement des travaux à Saint-Parres-lès-Vaudes et à Vendeuvre- de la gare routière de Troyes. sur-Barse, et à La Villeneuve-au-Chêne en 1973).

1er décembre 1954 : mise en service de la gare 1er octobre 1962 : ouverture d’un bureau routière de voyageurs de Troyes, qui a été de douanes à Troyes à l’initiative de la CCI. inaugurée le 19 novembre. 12 novembre 1964 : décision de créer un port 1954 : la chambre apporte sa garantie fluvial à Nogent-sur-Seine. aux sociétés de construction pour la réalisation d’importants programmes de logements 1964 : création du centre associé régional du dans l’agglomération troyenne et le département. Cnam à Troyes à l’initiative de la CCI.

1956 : la chambre décide d’aménager une zone 1967 : création de la société privée Gare industrielle à La Chapelle-Saint-Luc. Routière Internationale de Champagne, dont la CCI est le principal actionnaire. 1957 : création du château d’eau de La Chapelle-Saint-Luc. 1er janvier 1968 : début de l’autorisation d’occupation temporaire de l’aérodrome 1958 : implantation sur la zone industrielle de Troyes-Barberey accordée par l’Etat à la CCI. de La Chapelle-Saint-Luc de l’entreprise Michelin, suivie en 1962 de celle de Kléber- 18 avril 1968 : inauguration à La Chapelle- Colombes. Saint-Luc du complexe douanier et routier financé par la CCI. 21 octobre 1958 : création de la Société Champenoise d’Expansion (Champex) à laquelle 22 avril 1968 : la CCI obtient la concession la chambre participe. du port rive gauche de Nogent-sur-Seine.

1959 : modernisation de la station de pesage 1971 : création du Cefope, qui deviendra l’ADPS public de la gare des Marots à Troyes. en 1993. 1973 : la CCI rachète un atelier d’entretien Octobre 2008 : cession du port rive gauche et de réparation d’aéronefs qu’elle rebaptise Troyes de Nogent-sur-Seine au Groupe Soufflet. Aviation. 30 mars 2009 : la CCI accepte de rentrer 1973 : la CCI participe à la création du Comité au capital de la Société d’Exploitation du Parc d’action promotionnelle, qui deviendra le des Expositions de l’Agglomération Troyenne. Centre Aube Promotion. 15 octobre 2010 : inauguration du nouveau 24 mars 1976 : ouverture du centre commercial bureau de douanes construit sous maîtrise de Chantereigne, à La Chapelle-Saint-Luc, d’ouvrage de la CCI à La Chapelle-Saint-Luc. sous maîtrise d’ouvrage de la CCI. 24 septembre 2012 : démarrage du bail signé 1978 : l‘Ecole commerciale devient l’Ecole de par le Grand Troyes pour la gestion du commerce et de gestion (ECG). patrimoine immobilier de l’ESC.

1981 : le parc d’activités de Saint-Christophe, 10 octobre 2014 : inauguration de l’extension aménagé par la CCI sur l’aérodrome de Brienne- des bâtiments de l’ESC. le-Château, est déclaré d’utilité publique.

25 août 1986 : l’école de commerce emménage dans ses nouveaux locaux, avenue Pierre- Brossolette. L’inauguration a lieu le 17 septembre.

1990 : construction d’une première usine-relais à Barberey, suivie de deux autres en 1992 à Lavau et à Saint-Thibault, puis d’une quatrième en 1995 à Saint-Mesmin.

1992 : l’Ecole de commerce et de gestion devient l’Ecole supérieure de commerce (ESC).

1992 : création de l’observatoire économique, le premier en Champagne-Ardenne.

1993 : création de l’agence de développement économique Aube Développement avec le Département de l’Aube, la Ville de Troyes et la communauté d’agglomération troyenne.

1998 : la CCI figure au capital de la Société d’Exploitation de Vatry Europort qui gère l’aéroport international marnais en vertu d’une convention de délégation de service public.

1999 : transformation de l’Ecole supérieure de commerce en Groupe ESC Troyes.

1er janvier 2007 : l’aérodrome de Barberey devient la propriété d’un syndicat mixte dont la CCI est l’un des trois partenaires.

117 Les présidents depuis l’origine

Ambroise-Zacharie Simonnot- Fontaine-Gris Capperon, dit Simonnot aîné 1842 – 1843 1817 – 1819 Gréau aîné Baudot aîné Manufacturier 1819 – 1821 1843 – 1847

Claude-Magloire Pelée François-Victor de Saint-Maurice Simonnot-Gervaisot 1821 – 1822 Négociant 1847 – 1849 Berthelin 1822 – 1824 Fontaine Gris 1849 – 1861 Claude-Magloire Pelée de Saint-Maurice Claude Ferrand-Lamotte 1824 – 1825 Manufacturier 1861 – 1867 Berthelin 1826 – 1827 Nicolas-Edme Berthier-Roblot Ancien négociant Baudot aîné 1867 – 1880 1827 – 1828 Louis Saussier Claude-Magloire Pelée Ancien manufacturier de Saint-Maurice 1881 – 1885 1829 – 1830 Félix Fontaine Fontaine-Gris Filateur Manufacturier 1885 – 1902 1830 – 1831 Auguste Mortier Dupont-Boilletot Ancien fabricant de bonneterie Filateur 1902 – 1910 1831 – 1833 Robert Vignes Fontaine-Gris Fabricant de bonneterie 1833 – 1835 à Troyes 1911 – 1919 Gérard-Fleury 1835 – 1837 André Barthélémy Fabricant de bonneterie Fontaine-Gris à Troyes 1837 - 1840 1920 – 1921

Victor-François Irénée Copel Simonnot-Gervaisot Ancien boulanger à Troyes 1840 – 1842 1922 – 1929 Albert Dupré Guy Loizillon Fabricant de bonneterie Dirigeant d’une entreprise à Romilly-sur-Seine de bonneterie 1930 – 1943 à Fontaine-les-Grès (Doré-Doré) 1983 – 1988 Richard Tremblot Industriel en bonneterie Jean Toggenburger à Troyes Dirigeant d’une entreprise 1943 – 1944 d’électricité à Saint-André-les-Vergers Henri Villiet (Ets Toggenburger et Cie) Négociant en nouveautés 1989 – 1997 à Bar-sur-Seine 1945 – 1954 Denis Crescent Dirigeant d’une entreprise Georges Babeau de bonneterie à Fabricant de bonneterie Fontaine-les-Grès (Doré-Doré) à Saint-Germain 1998 – 2001 1954 – 1959 Didier Papaz Etienne Vauthier Gérant de société à Troyes Négociant en grains (à l’enseigne Optic 2000) à La Chapelle-Saint-Luc 2001 – 2006 1960 – 1971 Dominique Lemelle Camille Martin Fabricant d’andouillettes Entrepreneur de transport à Pont-Sainte-Marie à Bernon (AT France) 1971 – 1976 2006 – 2016

Charles Vavasseur Sylvain Convers Fabricant de bonneterie Dirigeant de société de conseil à Troyes (Ets Martin & Cie) (CFR à Sainte-Savine) 1977 – 1978 2017 – ?

Pierre Bouzereau Ancien directeur régional de la Banque Populaire de Champagne à Troyes 1978-1979

Maurice Testard Fabricant d’articles métalliques à Troyes (Ets Testard & Cie) 1980 – 1982 119 Les membres titulaires de la CCI, mandature 2017-2021

Catégorie commerce

Frédéric Amiot Florence Aubert François Bénard Linda Caillot Christophe Degand Christophe Gionnet Angélique Guilleminot Laurent Le Hen, vice-président Alexandre Merle Yann Nedellec Didier Papaz, vice-président

Catégorie industrie

Denis Arnoult Christian Bricout, secrétaire adjoint Michel Brodart, secrétaire Sophie Brunet-Briey, membre Laure Clerget Antoine de Villoutreys Didier Duchêne Patrick Froment François Gré Dominique Lemelle, vice-président Véronique Leperont, trésorière adjointe Vincent Mathieu Jean-François Mocquery Lionel Pellevoisin Cosme Ragot Jean-Dominique Regazzoni

Catégorie services

Rony Céleste Aurore Chicheportiche Sylvain Convers, président Arnaud Courtois Thierry Deltour Anne-Sophie Duparcq Emmanuelle Formentelli Hervé Klinger, trésorier Thierry Mignon Louis Mont Cyril Rota, vice-président Bruno Tabare David Wiss En italiques : les membres du bureau. Les directeurs généraux depuis 1960

Pierre Bachelery : 1960 – 1973

Eliane Scherrer : 1974 – 1975

Jacques Chevalier : 1976 – 1980

Bertrand de la Chevanerie : 1981 – 1983

Jean-Claude Miocque : 1985 – 1988

Serge-François Martinez : 1989 – 2016

Christophe Pereira : 2017 – ?

(Nota : en 1984, les fonctions de directeur général ont été assurées par le président.)

Les directeurs d’Aube Développement

Richard Dutour : 1992 - 1997 (et délégué général de Packaging Valley : 1992 - 2011)

Bernard Castaing : 1997 - 2009 (décédé en 2012)

Serge-François Martinez : 2009 - 2016 121 Bibliographie et sources documentaires

Les archives et la bibliothèque de la CCI publiée par la chambre de commerce à l’occasion sont consultables aux Archives départementales de son 150e anniversaire, ouvrage consultable de l’Aube. Elles y sont conservées sous les numéros à la médiathèque de Troyes) de série suivants : - 1ETP1 (bibliothèque) Histoire de Troyes, par Françoise Bibolet, - 1ETP2 (archives des origines jusqu’à 1993 Chantal Rouquet, André Boisseau et Emmanuel plus une importante collection de tampons Saint-Mars, aux Editions de la Maison encreurs d’entreprises auboises) du Boulanger - 1ETP3 (complément d’archives allant de 1792 à 2006) Des Tricasses aux Troyens d’aujourd’hui, 2048 ans d’histoire, par Jacques Schweitzer, Les archives de l’Ecole supérieure de commerce, aux Editions de la Maison du Boulanger pour la période courant de 1969 à 2008, ont également été versées aux Archives départemen- Aux origines d’un département, l’Aube tales. Elles portent la cote 3ETP1-110. en Champagne, par Jean-Louis Peudon, Dominique Guéniot Editeur « Ces archives constituent la première source d’histoire économique du département », Aube, ouvrage collectif, Editions Bonneton, 1994 écrivent les Archives départementales dans leur présentation du fonds consulaire. Troyes de 1789 à nos jours, tome 1, par André Beury, Librairie Bleue

Sites Web Chambres avec vues. CCI : deux siècles au service des entreprises, par l’Institut supérieur du travail, v www.jschweitzer.fr dirigé par Jacques Schweitzer publié par l’Assemblée des chambres françaises de commerce et d’industrie à l’occasion de son v vieuxtroyes.free.fr/t/ (pour les récits de quarantenaire en 2004 voyageurs à Troyes) La Communauté unie des marchands v Wikipédia, l’encyclopédie en ligne de Troyes, par Pierre Billion, J.-L. Paton imprimeur-éditeur, 1941 v www.linternaute.com (pour les dates historiques) Si les chambres de commerce m’étaient contées…, v oeil-americain2.blogspot.fr, blog de Jacques par André Conquet, APCCI, 1972 Fournier, président de l’Académie troyenne d’études cartophiles (Atec) Géographie physique, agricole, industrielle, administrative et historique du département v Le site du Grand Troyes de l’Aube, par P. Lescuyer, Librairie Léopold Lacroix, 1884 v www.romilly-aviation.fr Regards sur la bonneterie auboise d’hier v http://jean.godi.free.fr/ sur l’histoire à aujourd’hui, La Vie en Champagne n°54, 2008 du téléphone La saga Kléber, tome 1, édité par l’Amicale des Plus de Vingt ans Kléber, 2010 Ouvrages Mémoires de mailles, par André Boisseau La chambre de commerce et d’industrie avec le concours de Jean-Paul Thibord, de Troyes et de l’Aube, 1817-1967 (monographie Les Editions de la Maison du Boulanger, 2015 Articles Aube Développement, créateur de prospérité, par Frédéric Marais, Mercure 10 n°192, 2012 Une ville fortifiée, Troyes du XIIe au XIXe siècle, par Brice Collet, La Vie en Champagne n°389, La justice consulaire de Troyes, 450 ans 1988 d’une juridiction originale, par Jacky Provence, La Vie en Champagne n°82, 2015 Troyes en 1814, une ville au cœur d’une campagne d’hiver, par Christian Lambart, numéro hors-série La chambre de commerce fêtera, demain, de La Vie en Champagne consacré à Napoléon un siècle et demi d’existence, par André Beury, et la Champagne l’Est-Eclair du 14 avril 1967

Les débuts du téléphone à Troyes, par Noël Troyes, capitale de la bonneterie : la ville Defoin-Platel, La Vie en Champagne n° 198, comme vitrine vers 1900, par Helen Harden 200, 202 et 203, 1971 Chenut, La Vie en Champagne n°3, 1995

La zone industrielle de Troyes, par Georges Des fous volants dans le ciel de Troyes, Babeau, La Vie en Champagne n°46, 1957 Press’Troyes n°260, 2017

La zone industrielle est désormais une réalité !, L’aérodrome de Troyes-Barberey durant La Vie en Champagne n°35, 1956 la Seconde Guerre mondiale, par José Fournier pour le site www.romilly-aviation.fr Ecole de commerce et de gestion de Troyes, par François Fournier, directeur de l’Ecole L’aérodrome de Troyes-Barberey de sa création de commerce, La Vie en Champagne n°397, 1989 à la guerre (1933-1939), par José Fournier, article extrait du catalogue de l’exposition 1919-1939, Mercure 10 “spécial nouvelle école” n°65, l’art dans la ville, Troyes et agglo, octobre 1986 Maison du Patrimoine du Grand Troyes

Ecole française de bonneterie, par M. Robin, 1877-1878, le téléphone se fait connaître en La Vie en Champagne n°9, 1954 France, article extrait du site http://jean.godi.free. fr/histoire/periodesenfrance/index.htm Le port de Nogent-sur Seine, par Albert Willock, La Vie en Champagne n°387, 1988 Divers Croix-Rouge et CCI, une vielle histoire, par Frédéric Marais, Mercure 10 n°202, 2014 Inventaire du patrimoine culturel de Champagne-Ardenne L’agriculture auboise, par M. Renaudat, La Vie en Champagne n°5, 1953 Fiche du port de Nogent-sur-Seine, Voies Navigables de France Dossier spécial 200e numéro, par Frédéric Marais, Mercure 10 n°200, 2013 De l’adjectif “consulaire”, par André Conquet, APCCI, 1978 Aube Développement cible l’agroalimentaire, par Frédéric Marais, Mercure 10 n°164, 2007

Aube Développement offensif et défensif, par Frédéric Marais, Mercure 10 n°202, 2014

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Remerciements

Les auteurs tiennent tout particulièrement à remercier :

La direction et le personnel des Archives départementales de l’Aube. Le conservateur en chef de la médiathèque de Troyes. L’ancien président et les membres de l’Académie troyenne d’études cartophiles (Atec). Jean-Pierre Matthelié, ancien responsable R&D du Centre de recherches de la bonneterie. La société Veolia. Serge-François Martinez, ancien directeur général de la CCI. La direction et le personnel de la CCI Troyes et Aube. Ainsi que toutes les personnes qui, d’une manière ou d’une autre, ont contribué à la réalisation de cet ouvrage.

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Crédits photographiques

Aéroport Paris-Vatry Agence Info Archives départementales de l’Aube Bibliothèque nationale de France Croix-Rouge française Droits réservés Fournier José Géoportail Groupe ESC Troyes Le Nouvel Economiste Magdus Marais Frédéric Médiathèque de Troyes Champagne Métropole Moleda Robert Musée de la Bonneterie Parent Dorothée Schilde Philippe Vestas

127 Conception éditoriale et rédaction : Frédéric Marais. Sauf interview des présidents par Philippe Schilde Conception graphique, maquette et mise en page : Philippe Schilde Coordination générale : Serge-François Martinez Responsable communication CCI Troyes et Aube : Valérie Ramecourt Adam (Photos et illustrations : voir crédits page précédente)

BICENTENADE LA CHAMBRE DE COMMERCE ET D’INDUSTRIEIRE TROYES ET AUBE Edité par la CCI Troyes et Aube 1, boulevard Charles-Baltet – 10000 Troyes www.troyes.cci.fr

Achevé d’imprimer en juillet 2017. Les Imprimeries Paton –Groupe Morault 71, avenue Maréchal-Leclerc – 10120 Saint-André-les-Vergers

Tirage : 1 000 exemplaires

Dépôt légal : juin 2017 ISBN : 978-2-907894-69-2

Ne peut être vendu. Tous droits de reproduction réservés.