E´Tudes Et Documents Berbe`Res, 14, 1996 : Pp
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E´ TUDES ET DOCUMENTS BERBE` RES ANNE´ E 1996 Nº 14 ME´ LANGES Ouahmi Ould-Braham E´ mile Masqueray en Kabylie (printemps 1873 et 1874)............... 5 Michael Peyron La saga des Aı¨t Bou Slama ............ 75 Maarten Kossmann Du nouveau a` propos du nom de l’aiguille .............................. 97 Khellaf Madoui E´ tudes de ge´ographie linguistique en Petite-Kabylie ....................... 107 Abdellah Bounfour H. emmu u Namir ou l’Œdipe berbe`re. 119 Achour Ouamara La re´ge´ne´ration dans le conte berbe`re 143 Miloud Taı¨fi E´ tude se´mantique comparative du terme « cœur » en arabe dialectal (qelb) et en berbe`re (ul). ....... ............ 153 Mohamed Tilmatine Un parler berbe´ro-songhay du sud- ouest alge´rien (Tabelbala) : E´ le´ments d’histoire et de linguistique............. 163 Monique Jay Quelques e´le´ments sur les Kinnin d’Abbe´che´ (Tchad) ..................... 199 Mohye´dine Benlakhdar Passif ou moyen : cherchez l’agent ! ... 213 He´le`ne Claudot-Hawad Touaregs : l’identite´ en marche ........ 223 CHRONIQUE – Activite´s du Centre de Recherche Berbe`re de l’INALCO (p. 235). – Table ronde, juin 1996 : Propositions pour une notation usuelle a` base latine du berbe`re (p. 299). E´ TUDES ET DOCUMENTS BERBE` RES Pe´ riodique paraissant une fois par an RE´ DACTION-SECRE´ TARIAT Salem CHAKER (INALCO, Paris) Ouahmi OULD-BRAHAM (INALCO, Paris) COMITE´ DE LECTURE – Mohamed AGHALI (INALCO, Paris). – Ramdane ACHAB (Universite´ de Tizi-Ouzou). – Rachid BELLIL (CNEH, Alger). – Ahmed BOUKOUS (Universite´ de Rabat). –He´ le` ne CLAUDOT-HAWAD (CNRS, Aix-en-Provence). – Hassan JOUAD (Paris). Claude LEFE´ BURE (CNRS, Paris). – Karl-G. PRASSE (Universite´ de Copenhague). – Miloud TAI¨ FI (Universite´ de Fe` s) Cette revue, ouverte a` la communaute´ scientifique berbe´ risante, est une publication conjointe de La Boıˆ te a` Documents et du Centre de Recherche Berbe` re (de l’INALCO). Correspondance et manuscrits : La Boıˆ te a` Documents BP 301 – 75525 Paris cedex 11 Vente et abonnements : E´ disud RN7, La Calade – 13090 Aix-en-Provence Responsable de publication et Fondateur : Ouahmi OULD-BRAHAM Les opinions exprime´ es dans les articles ou dans les documents reproduits ici n’engagent pas la Re´ daction. Copyright re´serve´ aux auteurs et a` la Re´daction Composition - Mise en pages : Le vent se le` ve... – 16210 Chalais CRE´DIT PHOTOGRAPHIQUE : Michae¨ lPeyron ISSN 0295-5245 Avec les concours du Centre National du Livre, de l’INALCO et du F.A.S. ME´ LANGES E´tudes et Documents Berbe`res, 14, 1996 : pp. 5-74 E´ MILE MASQUERAY EN KABYLIE (PRINTEMPS 1873 ET 1874) par Ouahmi Ould-Braham E´ mile Masqueray 1, professeur d’histoire au lyce´ e d’Alger, effectue la der- nie` re e´ tape de son premier voyage en « pays berbe` re » en ce printemps 1874 2 ;il en publiera la relation deux ans plus tard 3. Elle constitue un de ses premiers e´ crits qui, comme du reste sa bibliographie – a` deux titres pre` s –, sont entie` rement consacre´ sa` l’Afrique du Nord. Tout au long de sa carrie` re alge´ rienne, au gre´ de ses conge´ s, ce voyage sera suivi de plusieurs autres : Ouled Naı¨ el (printemps 1874), Aure` s (1875-1878) ; Mzab (printemps 1878) 4 ; Kabylie (janvier-mai 1881)... Ses parcours re´ pon- dent bien suˆ ra` des pre´ occupations scientifiques ou politiques mais aussi a` un besoin profond de voir du pays, en queˆ te de sensations nouvelles. Son ouvrage-testament, Souvenirs et visions d’Afrique 5, publie´ quelques mois avant sa mort, illustre la conversion d’aˆ me de Masqueray, conversion par le paysage, par le de´ chiffrement des rites et coutumes, et la conversion quasi mystique de la rencontre avec quelques personnages remarquables. Voyage initiatique en somme. Mais sa relation kabyle, contrairement a` l’ouvrage, fait moins e´ tat de modifications des perceptions qu’ope` rent un voyage. Modification d’autant plus construite dans l’e´ criture (pour Souvenirs) qu’elle est vue avec le prisme et le recul de l’aˆ ge sur une e´ poque de la jeunesse. 1. Ne´ a` Rouen le 20 mars 1848, mort a` Saint-E´ tienne du Rouvray le 19 aouˆ t 1894. 2. Alfred Rambaud, « Un pionnier d’Afrique : E´ mile Masqueray », Revue politique et litte´- raire, anne´ e 1894, t. III, p. 163. 3. « La Kabylie et le pays berbe` re », Revue politique et litte´raire,19et26fe´ vrier 1876. 4. Ouahmi Ould-Braham, « E´ mile Masqueray au Mzab. A` la recherche de livres ibaˆ dites », E´tudes et Documents Berbe`res, 9, 1992, pp. 5-35. 5. Paris, Dentu, 1894, re´ e´ d. Alger, Jourdan, 1914, XXXV + 408 pp., pre´ f. d’Augustin Bernard. Nouvelle re´ e´ d. Paris, La Boıˆ te a` Documents, 308 pp., pre´ sent. de Miche` le Salinas. 5 I. AVANT LA KABYLIE. SES PREMIERS PARCOURS Rien ne semblait pre´ destiner ce jeune Normand e´ leve´ au sein d’une famille bourgeoise rouennaise 6 a` devenir un voyageur. Rien de significatif en effet que l’on puisse souligner dans la lecture d’une fiche administrative et qui de´ livre les raisons des choix et des curiosite´ s d’E´ mile Masqueray. Car rien n’apparaıˆ t peut-eˆ tre dans un formulaire d’e´ tat-civil ou dans une biographie factuelle de ce qui de´ termine profonde´ ment un homme, de ce qui hante ses attentes, ses reˆ ves, ses visions. Rien, et pourtant ; que l’on s’immisce alors dans une lecture plus attentive des circonstances de son enfance et de sa jeunesse et les e´ le´ ments formateurs d’un caracte` re, d’une vie, de ses choix et de ses espoirs s’y dessinent en filigrane. Le gouˆ t du voyage La tendre enfance aupre` sdesame` re, e´ voque´ e dans la de´ dicace de son ouvrage 7 de 1894, scelle affectivement son lien au voyage. Ce lien s’est noue´ peut-eˆ tre dans l’attente, le regret de la figure d’un pe` re absent, d’un pe` re en voyage en E´ gypte pour la construction du canal de Suez, d’un pe` re dont la non-pre´ sence sollicite l’imaginaire d’un jeune enfant. Ce pe` re parti en terres lointaines le nourrit peut-eˆ tre de ses souvenirs et de ses re´ cits. Ce lien semble eˆ tre renforce´ par son cadre de vie et ses lectures. L’imaginaire du jeune Masqueray, ouvert au voyage en terres lointaines, trouve dans la ville por- tuaire de Rouen l’occasion d’alimenter ses reˆ ves en suivant des yeux les bateaux en partance. La force de sentiments contradictoires lie´ s au voyage, sentiments teinte´ s d’envies et de regrets, marque Masqueray dans son plus jeune aˆ ge. L’image du voyage et d’un ailleurs semble en effet avoir e´ te´ une composante de son univers enfantin. Ainsi, lorsqu’il ache` ve son anne´ e d’ensei- gnement au lyce´ e de Bastia, ce n’est pas un hasard si son discours de remise des prix est consacre´ au voyage et aux voyageurs 8 en ces termes : « La passion des voyages est une des plus fortes pour faire battre le cœur 6. Lors de deux se´ jours a` Rouen (mai 1992 et mars 1993), j’ai pu consulter les archives de´ partementales, les archives de la mairie ainsi que celles de la Bibliothe` que municipale. 7. « Ma bonne me` re che´ rie, // Je te fais pre´ sent de ce livre, je te le de´ die de pre´ fe´ rence a` tout autre, parce qu’il est le plus voisin de mon enfance be´ nie, de ta graˆ ce de jeune me` re, et de tes cheveux blonds. Si peu que je me retourne vers le passe´ , il me semble que je remonte vers tes caresses. Peut-eˆ tre aussi y reconnaıˆ tras-tu, a` quelques traits encore colore´ s, l’adolescent dont tu aimais a` tenir dans tes mains la teˆ te inquie` te, par une sorte de pressentiment de l’avenir. Lis-en quelques pages, et conclus en le fermant que le sort aurait mieux fait de me laisser passer ma vie pre` s de toi, dans ton ombre. Le voyageur rame` ne toujours trop de poussie` re a` la maison. // Ton fils bien aimant/E´ . Masqueray. » 8. A. Rambaud, op. cit. 6 d’un jeune homme. Comme toutes les passions, elle est sans fin parce qu’elle poursuit l’impossible, sans mesure, parce qu’elle a pour but l’infini. » Si rien ne semblait significativement le porter vers le voyage, tout son tempe´ rament l’y invitait. Ses lectures semble-t-il, celle de l’Odysse´e, dont il parle aussi dans ce discours a` Bastia, suivaient le sens de ses fantaisies enfantines. Bien plus, c’est une grande curiosite´ , une grande vivacite´ et ou- verture d’esprit, une exube´ rance de vie qui ont forme´ un homme ouvert a` la vie, a` un ailleurs qui s’est mate´ rialise´ dans la terre alge´ rienne. Ce tempe´ rament singulier, son ami A. Rambaud l’e´ voque 9 avec finesse lorsqu’il rappelle le souvenir d’un Masqueray candidat a` l’E´ cole normale supe´ rieure : « Il nous surprenait encore en ceci qu’il avait une foule de choses que nous ignorions, d’ailleurs e´ trange` res aux examens. Il nous ouvrait des e´ chappe´ es sur les langues orientales, les voyages lointains, la vie de la mer et du de´ sert, l’Ame´ rique, etc. (...) De toute sa personne si vivante se de´ gageait je ne sais quoi d’aventureux, de brave, de noblement inquiet. » Les e´ tudes de Masqueray lui ont donne´ une formation solide dans un cadre universitaire toujours soucieux de rigueur et d’acade´ misme.