Jean Lecanuet POLITIQUES & CHRÉTIENS collection dirigée par Jean-Dominique Durand et Régis Ladous

Edmond Michelet par Jean Charbonnel Témoignage d'Étienne Borne Konrad Adenauer par Joseph Rovan Témoignage de Jean Laloy Aldo Moro par Giorgio Campanini Témoignage du cardinal Carlo Maria Martini Robert Schuman par Raymond Poidevin Témoignage de André Philip par Loïc Philip Témoignage de Léo Hamon Eduardo Frei par Pierre Letamendia Témoignage d'Alain Poher Eamon De Valera par Roland Marx Témoignages du cardinal Paul Poupard et de Brendan Malin Philipp Anton von Segesser par Victor Conzemius Robert Buron par Marcel Launay Témoignages de et Jean Offredo Dorothy Day. Le mouvement catholique ouvrier aux États-Unis par Richard Wolff et Richard Devine Marc Sangnier par Jean-Claude Delbreil Louis Veuillot par Pierre Pierrard Témoignage d'Émile Poulat Gilbert Dru par B. Comte, J.-M. Domenach, C. et D. Rendu Léopold Sédar Senghor par Joseph Roger de Benoist Témoignage de Cheikh Hamidou Kane John Hume par Pierre Joannon Témoignage de Garret FitzGerald SECTION ÉGLISES ET POLITIQUE

De l'Oppression à la liberté. L'Église en Hongrie (1945-1992) par László Lukás et Paul G. Bozsoky Christianisme et identité nationale. Une certaine idée de l'Europe Textes recueillis par le cardinal Paul Poupard SECTION VALEURS ET POLITIQUE

Entretien avec René Rémond par Jean-Dominique Durand et Régis Ladous Église, nations et démocratie. De la Slovénie au Vatican par Franc Rodé Jean Fourastié entre deux mondes Mémoires en forme de dialogues avec sa fille Jacqueline Andrea Riccardi. Sant'Egidio Rome et le monde Entretiens avec Jean-Dominique Durand et Régis Ladous POLITIQUES & CHRÉTIENS

Jean Lecanuet

par Nadine-Josette Chaline

Témoignages de François Bayrou et de Dominique Baudis

BEAUCHESNE OUVRAGE ÉDITÉ AVEC LE CONCOURS DE L'ASSOCIATION DES AMIS DU CENTRE DÉMOCRATE JEAN LECANUET

MEMBRES DE L'ASSOCIATION

Président Jacques Latscha Secrétaire Général Yves Pozzo di Borgo Secrétaire Général Adjoint Catherine Bruno Trésorier Charles Delamare Membres Henri Bourbon Françoise Colin-Bertin André Fosset Bernard Guyomard Roger Poudonson

Pour tous renseignements concernant nos publications s'adresser au service documentaire BEAUCHESNE ÉDITEUR – 7, cité du Cardinal-Lemoine, 75005 Paris

© 2000, BEAUCHESNE ÉDITEUR ISBN : 2-7010-1405-0 REMERCIEMENTS

Mes vifs remerciements vont tout d'abord à Catherine Bruno et à Françoise Colin-Bertin dont l'active et efficace collabora- tion a été déterminante, vu leur parfaite connaissance des archives Lecanuet à Paris.

Claude Mendras a, pour sa part, facilité mes recherches à Rouen. Philippe Cérez m'a ouvert les dossiers du Sénat. Les directeurs des Archives départementales, de la Bibliothèque de Rouen et des Archives municipales m'ont aussi souvent accueillie. Claude Pétry m'a permis de reproduire le tableau de Reynold Arnould conservé au Musée des Beaux-Arts. Après la disparition de Jean Lecanuet dont j'avais pu obtenir certaines archives privées, de multiples conversations avec Fran- çois Gautier, Jeanine Bonvoisin, Henri Bourbon, Pierre Lande- maine et de nombreux Rouennais ayant travaillé avec lui m'ont permis de compléter mes informations. Que tous soient chaleureusement remerciés. Tout comme mon collègue le professeur Jean-Dominique Durand qui a bien voulu publier ce livre dans la collection qu'il dirige.

PRÉFACE

Jean Lecanuet n'a pas cru devoir sacrifier à la mode des mémoires. Il avait pourtant tout pour le faire : une vie riche en évé- nements au premier plan, une intelligence brillante de philosophe humaniste, un immense talent. J'entends encore ses discours – celui de Metz par exemple, en 1986, au canevas griffonné sur un bout de papier – qui vous emportaient vers de nouveaux horizons dans une langue limpide. J'entends encore les textes – ou plutôt les poèmes – consacrés à Jeanne d'Arc dont il a su si bien préserver la mémoire sur la place du Vieux Marché à Rouen. J'entends son dernier et poignant plaidoyer pour l'Europe, en juin 1992, à la tribune du Sénat pour la défense du Traité de Maastricht. A la différence de beaucoup d'autres il pensait ce qu'il disait ; et il faisait aussi ce qu'il pensait. Il s'y est efforcé tout au long de sa vie, notamment de sa vie publique. Le courage et la rigueur de son par- cours en témoignent. Tout jeune ministre, il était promis à une carrière prestigieuse. Il l'a pourtant interrompue en 1962 quand, avec ses amis M.R.P, il quitte le gouvernement pour désaccord sur la politique européenne engagée. Le combat pour les idées se poursuit en 1965 lorsqu'il est can- didat à l'élection présidentielle « entre » le général de Gaulle et François Mitterrand. Il n'y avait aucune chance de succès, des horions à prendre, mais certaines idées à défendre. Il dissout enfin le M.R.P pour préparer les ouvertures et faciliter les convergences nécessaires dans le cadre du Centre démocrate. Jean Lecanuet nous manque toujours et nous savons gré à Madame Chaline de nous donner son livre sur la vie, la pensée et le trajet d'un homme qui fut toujours à part.

Jacques LATSCHA Président de l'Association des Amis du Centre démocrate Jean Lecanuet INTRODUCTION

Dans les bouleversements des années 1940, une nouvelle génération découvre la politique. Parmi ces jeunes se détache Jean Lecanuet. Agrégé de philosophie - titre dont il a rêvé durant toutes ses études - il rencontre par la Résistance, alors qu'il venait d'être nommé dans le Nord, des hommes et des femmes engagés dans le combat politique. Le jeune professeur est très soucieux de ne pas être simple spectateur de la recons- truction du pays à l'issue des dures années de guerre. Issu d'une famille normande très catholique et ouverte aux problèmes sociaux, il milite très rapidement au sein de la démocratie chré- tienne, qui connaît alors en son apogée en ces mois sui- vant la Libération. Jean Lecanuet ne reste pas longtemps simple militant ; gravis- sant rapidement tous les échelons du mouvement, il devient président du M.R.P. En cette période qui voit l'arrivée sur la scène politique de nouveaux visages, il est l'un des plus actifs, tant à Paris dans les instances nationales qu'à Rouen, sa ville natale, où il est élu conseiller municipal puis conseiller général et député ou sénateur au gré des consultations électorales. Cependant c'est l'élection présidentielle de 1965, la première au suffrage universel, qui le fait véritablement connaître en mettant le général de Gaulle en ballottage. Désormais Jean Lecanuet appartient au cercle des hommes politiques les plus en vue, accumulant les mandats. Démocrate-chrétien, il rêve de constituer en France un grand parti de gouvernement situé au centre. Toute son action poli- tique va dans ce sens. Léchec des négociations avec Gaston Def- ferre puis la volonté de François Mitterrand d'engager les socia- listes dans une union de la gauche avec les communistes en font le rassembleur de ceux qui refusent l'alliance avec les marxistes et des opposants au gaullisme. L'exercice est difficile. Il s'y efforce tant à Rouen qu'à Paris, en fonction des circonstances, à travers le C.D.S. et l'U.D.F. Le Centre ne pouvant être, selon lui, que « le sel de la terre » 1 il va s'employer à rechercher la « terre » susceptible de recevoir ce « sel », se retrouvant ainsi au cœur de la vie politique française de 1965 à sa disparition.

1. Lettre de Jean Lecanuet du 6 août 1988. Archives Jean Lecanuet. CHAPITRE I

DES ANNÉES DE FORMATION A LA RÉSISTANCE

« Chacun reste l'homme de sa jeunesse », confia un jour Jean Lecanuet. Sans doute pensait-il à ses propres années de forma- tion, à son milieu familial si présent, à ses études. Le brillant élève, le Khâgneux « exilé » à Paris, avide de savoir et rêvant de succès, toute sa vie il le restera.

UNE FAMILLE NORMANDE, CATHOLIQUE ET RÉPUBLICAINE

« Mes origines familiales sont celles d'un milieu de commer- çants, d'artisans... J'appartiens à ce milieu populaire, à ces classes modestes.. On n'avait ni faim ni froid, bien sûr, mais on menait une vie économe... ». Ainsi se présente Jean Lecanuet à un journaliste venu l'interroger La famille Lecanuet est originaire de Tessy-sur-Vire, dans la Manche, où naît Paul, le père de Jean, en 1886 ; la famille maternelle est, elle, du Calvados. Au lendemain de leur mariage célébré en novembre 1917, Paul et Marcelle Lecanuet viennent habiter à Rouen, rue du Pré, dans le quartier Saint-Sever sur la rive gauche. C'est là que naît le 4 mars 1920 Jean, Adrien, Fran- çois, leur fils. Quelques mois plus tard, ils déménagent pour exploiter un commerce route de Neufchâtel, avant de s'installer au 106 rue d'Ernemont, le père de famille étant devenu repré-

1. Sud-Ouest, 10 février 1973. sentant de commerce en vins et spiritueux. La vie du jeune Jean est marquée par la discipline et surtout l'affection. Sa mère veille sur lui, surveille ses études, l'encourage et l'entoure d'un amour constant. Des liens très forts se tissent alors entre le fils et sa mère. Les lettres que le jeune homme, devenu étudiant à Paris, adresse à sa famille témoignent d'un attachement profond à ses parents et à l'atmosphère qui enveloppe la vie rue d'Ernemont. Enfant unique, Jean est entouré d'oncles et tantes, tous com- merçants, et d'un cousin germain qui entrera au dépôt de la S.N.C.F. de Sotteville. Le dimanche voit la réunion de tous les membres de la famille et des discussions souvent animées surgis- sent. Tous sont des catholiques pratiquants. Jean Lecanuet a raconté lui-même la piété qui a entouré son enfance. Une piété qui se manifestait par « la prière du matin et du soir, la longue et complète prière à genoux. Le benedicite, l'observance stricte du carême... la récitation du chapelet. Naturellement, la grand- messe le dimanche, suivie des vêpres. Jusqu'à seize ou dix- sept ans, mon dimanche profane commençait à quatre heures et demie ou cinq heures moins le quart de l'après-midi... » Ce catholicisme austère, voire janséniste, allait de pair avec un sens aigu de la justice et une acceptation presque enthou- siaste de la République. Les premières discussions politiques dont Jean Lecanuet garde le souvenir sont contemporaines du Front populaire et opposent ses parents aux derniers monar- chistes du cousinage. « A la table de famille (il y avait) des dis- cussions du genre "tout de même le Front populaire, il y a du bon là-dedans, les congés payés..." » Et puis, il y avait toujours au sein de la famille une autre voix qui s'élevait et qui disait « oui, mais si nous votons pour le Front populaire, nous votons pour les ennemis de la religion »... Comme ses parents, Jean estime qu'il doit être possible « de concilier la fidélité à une foi et une marche vers ce que l'on appelle justice sociale ou progrès » Cette volonté était déjà celle de son grand-oncle — le seul

2. Jean-Yves Boulic, Questions sur l'essentiel, 1979 : Interview de Jean Leca- nuet, p. 179. 3. Ibid., p. 150. 4. Ibid., p. 150. intellectuel de la famille - le Père Édouard Lecanuet (1853- 1916). Prêtre de l'Oratoire, professeur à Massillon et à Juilly et en relation avec le mouvement de Marc Sangnier le Père Leca- nuet s'était fait connaître par une Vie de Montalembert et une Histoire de l'Église sous la Troisième République. Jean n'a pas connu ce grand-oncle décédé quatre ans avant sa naissance, mais son père avait beaucoup reçu de lui. Les idées développées dans le foyer de Paul Lecanuet sont donc dans la ligne de celui qui a veillé sur sa jeunesse. A quatre ans Jean fréquente l'école maternelle Saint-Joseph proche de chez lui puis l'école Bellefonds, où il suit l'ensei- gnement des Frères des Écoles Chrétiennes et notamment de M. Geniès qui remarque très tôt cet enfant turbulent mais à la vive intelligence et persuade son père de la nécessité de lui « faire faire des études ». En septembre 1931, Jean entre au collège Saint-Jean-Baptiste de La Salle et obtient, à la fin de la classe de 6 les prix d'Honneur et d'Excellence ainsi que presque tous les 1 Prix (seuls ceux de version latine et de calligraphie lui échappent). Désormais, tous ses bulletins alignent la même excellence ! Lorsqu'il passe au Lycée Corneille - où son père estime qu'il pourra mieux se préparer à l'École Polytechnique - il s'y montre toujours aussi brillant. Toute sa vie, il répéta com- bien « Corneille » fut pour lui un « éblouissement » et une « joie ». « Les années de Corneille comme celles de Saint-Jean- Baptiste furent pour moi des années d'exaltation. J'accédais au paradis des connaissances. C'est cet enthousiasme, cette joie d'apprendre qui m'ont conduit tout droit à l'agrégation... » A la rentrée 1937, après avoir obtenu la première partie du baccalauréat, il entre en classe de philosophie et découvre avec passion cette discipline qu'enseigne alors Robert Troude. Ce

5. Certaines pages du second tome de son ouvrage sur L'Église de France sous la Troisième République sont parues en avant-première dans le numéro du Sillon du 25 mai 1910, pp. 265 à 279. 6. « Ouvrages intéressants, documentés, d'un style agréable, mais qui sem- blent par endroits trop favorables au libéralisme... », écrit le Bulletin religieux du diocèse de Rouen dans sa notice nécrologique du 11 nov. 1916. 7. La Lettre de la Haute-Normandie, n° 483, 24 fév. 1993. - Interview réa- lisée par Guy Pessiot le 19 septembre 1980. dernier, titulaire de la chaire illustrée autrefois par Alain, exerce sur ses élèves une très grande influence. Spiritualiste, Troude s'affirme avec véhémence contre les idées défendues par sa col- lègue Simone de Beauvoir qui venait d'être nommée au lycée Jeanne d'Arc de Rouen et était fréquemment rejointe par Sartre en poste au Havre. Dans La force de l'âge, Simone de Beauvoir évoque cette rivalité : « Au lycée Corneille, M. Robert Troude, mon collègue masculin, ne laissait guère passer un cours sans me faire imaginairement comparaître devant sa classe et me pourfendre » Fortuitement, Jean Lecanuet se retrouve un jour face à Sartre et Simone de Beauvoir : « Pour la première fois de ma vie... je rencontrais des personnes d'une intelligence fasci- nante et très au-dessus de ce qu'il m'avait été donné d'appro- cher » Il reconnaîtra plus tard avoir été plus « bouleversé par le concept sartrien de la liberté absolue, liée à l'absurdité profonde de l'existence, au néant qui est au cœur de l'être, que par la découverte... du marxisme » 10 L'Être et le néant est pour lui le livre fondamental ; le monde de Sartre est « vraiment un monde sans Dieu tandis que le marxisme remplace Dieu par une idole qui est la collectivité » 11 Jean Lecanuet ne connut pas la tenta- tion du marxisme qui lui semble, dès sa découverte, une « analyse... fort contestable ». Il admire Sartre mais l'influence de Robert Troude aidant, il rejette sa conception du monde inadmissible pour un jeune catholique. Le débat philosophique le passionne et lorsqu'il s'agit, après le bac, de choisir une car- rière, il décide sans hésitation de préparer l'École Normale Supérieure et de se spécialiser en philosophie, en dépit des craintes de son père qui rêvait d'une grande école scientifique pour son fils. Rouen n'ayant alors aucune « classe préparatoire », Jean Lecanuet s'inscrit en hypokhâgne au lycée Henri-IV à Paris. Commence alors une étape décisive dans sa formation.

8. Simone de Beauvoir, La force de l'âge, Paris, 1960, p. 210. 9. Jean-Yves Boulic, op. cit., p. 153. 10. Ibid., p. 153. 11. Ibid., p. 154. « CHACUN RESTE L'HOMME DE SA JEUNESSE »

Le 1 octobre 1938, Jean Lecanuet fait sa rentrée scolaire dans le grand établissement parisien. Pour la première fois il a quitté la maison familiale pour s'installer chez un oncle épicier rue de Constantinople dans le 8 arrondissement. Les lettres adressées à ses parents - heureusement conservées par sa mère - témoignent de la peine que lui cause ce départ. Son attachement à la chaude atmosphère du foyer éclate à chaque page. Le retour à Rouen à l'occasion d'un week-end 12 est toujours une fête. Il s'inquiète de la santé des uns et des autres (parents, oncles, voi- sins...), demande des précisions quant aux affaires paternelles et tient scrupuleusement ses comptes, sachant le poids de ses études pour le budget familial. Il signe parfois ses lettres « l'exilé »... mais aussi, avec fierté « Jean le Khâgneux »... Car la tristesse du départ est compensée par la joie d'apprendre et la volonté de réussir : « J'ai une telle angoisse de faillir à la tâche que je me suis fixée... Ici il faut vaincre ou périr. Paris, l'Univer- sité sont dominés par la loi de la jungle 13 » Le jeune provincial est impressionné par les camarades qu'il côtoie, dont certains ont été lauréats du Concours Général, et admire ses professeurs, surtout Alexandre, le professeur de philosophie : « Un véritable génie. Ses cours sont prodigieux. C'est lui le grand ami d'Alain, son prédécesseur. Je déborde d'enthousiasme... » 14 Comme la plupart de ses condisciples, il prépare parallèlement au concours de l'École Normale Supérieure, des certificats de licence à la Sor- bonne et fait ainsi la connaissance de Gaston Bachelard, l'un des maîtres de sa discipline. Toute sa vie il gardera pour lui une pro- fonde admiration. De mauvaises notes ou, au contraire, un « triomphe » sont toujours suivis d'une lettre à ses parents tant il a besoin de se

12. « Je décompte les jours. D'ailleurs, qu'il y ait cours ou non, le vendredi, j'ai l'intention de "sécher" de façon à partir à Rouen dès le jeudi à 1 h. » - 5 déc. 1938... « Dans quatre jours, boum, j'arrive !... » 17 déc. 1938. 13. Lettre d'octobre 1938. Jean Lecanuet avait l'habitude de ne pas dater ses lettres à ses parents, mettant simplement comme ici « mardi soir, 10 h. ». 14. Octobre ou novembre 1938. confier à eux. Il leur parle très librement, évoquant par exemple les compliments du professeur de latin, M. Morisset qui, à l'issue d'un exposé particulièrement brillant, lui promet, en guise de boutade que, s'il ne réussit pas à l'Université, il pourra prétendre à la Comédie-Française... ou à la Chambre des députés ! Ses résultats sont prometteurs, répondant à son tra- vail et à ses espoirs. Il fréquente quelques camarades, des Rouen- nais, venus également à Paris pour leurs études comme Reynold Arnould, le futur peintre connu à Corneille 16 ou de jeunes Pari- siens de sa classe comme Accursi de Borgia – « qui compte dix papes dans sa famille » découvre à cette occasion un monde qu'il ignorait, y prenant un certain plaisir tout en le regardant « avec l'œil de Balzac »... 19 Fin 1938, il rédige son premier discours. Il s'agit de celui que son oncle, très impliqué dans la défense des commerçants, doit prononcer à la radio le 23 décembre et que toutes les bou- tiques de Paris vont afficher. L'oncle Auboiroux profite de la pré- sence de son neveu pour l'entretenir des difficultés du petit commerce et lui demander son aide pour des articles ; ce faisant, il l'initie à des problèmes inconnus de la plupart des khâgneux. Il lui fait aussi profiter de quelques invitations à des soirées au Cercle militaire ou à des représentations à la Comédie-Française grâce à quelques places offertes par le Conseil municipal et sur- tout il l'entraîne en mars 1939 à une séance de la Chambre des députés. C'est l'occasion pour Jean Lecanuet de découvrir des

15. Lettre du 28 nov. 1938 publiée dans les documents. 16. Reynold Arnould, né en 1919 au Havre, condisciple de Jean Lecanuet au lycée Corneille, est étudiant à l'école des Beaux-Arts de Paris. Grand Prix de Rome en 1939, il restaura le musée du Havre après la guerre et créa la Maison de la Culture de la ville. Il devint ensuite conservateur en chef des Galeries Nationales du Grand Palais à Paris. Il mourut à Paris le 23 mai 1980. 17. 6 mars 1939. 18. « Maintenant, je serre sur le Boul'Mich la main du fils de Monsieur l'Amiral X, de Monsieur le Ministre X, etc. Mais mon cœur est resté pour mon coteau rouennais » – 6 mars 1939. 19. 28 novembre 1938. 20. « C'est moi qui vais mettre en forme et composer le speech. J'attends votre appréciation. J'accompagnerai mon oncle en qualité de secrétaire dans le studio » - lettre du 7 décembre 1938. hommes politiques en vue : Duclos, Daladier, Bonnet, Blum... et même Métayer, le député de Rouen ! et de porter sur eux un jugement sans indulgence. Il ne manifeste guère d'estime pour le personnel politique en place. Albert Sarraut suscite particuliè- rement son ironie : « Je travaille calmement et avec résignation comme il convient à tout citoyen qui se sent protégé par l'hono- rable Sarraut... »22. Herriot et Daladier ne sont pas mieux traités ! L'occasion se présentant, il va écouter Maurras et en revient très déçu : s'il condamnait ses idées, il imaginait le per- sonnage plus brillant Il s'intéresse aussi à la presse. Ses sympathies vont à Temps Pré- sent qu'il achète pour la première fois le 26 février 1939 à la sortie de la messe de Saint-Augustin et surtout à L'Aube, le journal des démocrates-chrétiens fondé en 1932 par Francisque Gay et dans lequel « écrivent, dit-il, des gens honnêtes qui ne se bercent pas d'idées confortables, soporifiques et toutes gratuites » C'est son premier contact avec les idées démo- crates-chrétiennes car, contrairement à la plupart de ceux qu'il retrouvera plus tard au M.R.P., il n'a pas fréquenté de mouve- ment de jeunesse catholique. Si, enfant, il est allé un peu au patronage, il n'a jamais appartenu à l'Association Catholique de la Jeunesse française alors qu'il en existait un groupe très actif à Rouen Manque d'intérêt personnel ou réticences de ses parents, soucieux de garder constamment près d'eux leur fils unique ? Cette absence du passage par l'A.C.J.F. constitue une

21. Lettre du 20 mars 1939 publiée dans la 2 partie du volume. 22. 1939, vendredi soir. 23. « Dans le train du retour, ma gorge s'est mise à me donner des inquié- tudes. Je briserai sa révolte avec la fermeté d'un Daladier... » - 6 fév. 1939. « M. Herriot est un infect et nauséabond individu » – déc. 1938. 24. « Maurras est une ombre de ce que j'imaginais... » (nov. 1938). 25. « J'ai acheté un nouveau journal catholique Temps Présent qui est très bien » - 26 fév. 1939. Le rédacteur en chef en est Stanislas Fumet. Cet hebdo- madaire avait succédé à Sept dont la parution avait été suspendue après la publication le 19 février 1937 d'une déclaration de Léon Blum – René Rémond, Les catholiques dans la France des années 30, Paris, 1979, pp. 216-224. 26. Lettre du 23 janvier 1939. 27. N.J. Chaline, Des catholiques normands sous la Troisième République, 1985, pp. 238-240. particularité au milieu des Colin, Bidault, de Menthon, Teitgen, Simonnet Cependant rien de ce qui intéresse la vie de l'Église ne le laisse indifférent et il applaudit, en mars 1939, à l'élection du Cardinal Pacelli comme successeur de Pie XI Il suit aussi la situation internationale et les bruits de guerre l'inquiètent. En mars 1939, il voit se profiler « le monstrueux masque de la guerre... ; une tristesse vague enveloppe tous les actes, brise les entreprises, émousse les énergies ; une résignation exaspérée s'est insinuée dans tous les cœurs. Et nous attendons... », écrit-il à la veille des vacances de Pâques. La déclaration de guerre va bouleverser tous ses beaux projets. Le gouvernement ayant interdit aux provinciaux de demeurer à Paris, il se retrouve en octobre 1939 à l'Université de Caen pour terminer sa licence 30 et « privé de Khâgne » Les espoirs d'accéder à l'École Normale Supérieure - parfaite- ment légitimes au vu de ses notes – se sont envolés.

DE LA DÉFAITE À LA RÉSISTANCE

A peine licencié en Lettres et philosophie, en juin 1940 il est mobilisé et a juste le temps d'aller embrasser ses parents alors à Tessy-sur-Vire et d'y apercevoir des centaines de chevaux, réqui- sitionnés dans les fermes des environs. Élève officier de réserve, il doit rejoindre Orléans. Le voyage de Tessy-sur-Vire à Paris fut lent et parsemé de dangers, le train étant stoppé par bombarde- ments et incendies. A Paris, il va voir en coup de vent son oncle et sa tante qui envisagent de partir en exode pour Royan, et apprend que « Rouen est investi par les avant-gardes ». Il arrive à Orléans au soir du 10 juin 1940, déambule seul dans la ville avant d'être « encaserné » et adresse à ses parents une lettre pour

28. Pierre Letamendia, Le M.R.P, Beauchesne, 1995, p. 239. 29. Lettre de mars 1939. 30. Il avait obtenu en octobre 1939 les certificats de « morale et sociologie » à la Sorbonne (mention bien) et « d'études littéraires classiques » (A.B.) Le 6 juin 1940, il obtint à Caen les certificats « Histoire générale de la philosophie » et de « logique et philosophie générale » (A.B.). 31. Sophie Huet, Les combattants de l'ombre, Plon, 1993, p. 196. leur raconter son voyage et les assurer de sa volonté de « ne jamais (se) laisser abattre » Le 14 juin, il quitte Orléans pour « descendre à pied vers le Centre ». Chaque jour, il expédie une carte à sa famille et se désespère de ne rien recevoir d'elle ; en fait, ses lettres ont mis près d'un mois pour atteindre Tessy-sur- Vire, que ses parents ont quitté pour Rouen. Que reste-t-il de sa ville ? Jean Lecanuet s'en inquiète et redoute un conflit anglo- allemand dans lequel la ville serait très exposée. Il ne reçoit des nouvelles de sa tante de Tessy que le 22 juillet et une lettre de sa mère le 25. Parti d'Orléans le 14 juin, il est arrivé le 22 à 25 kilomètres de Limoges après une fuite dramatique qu'il raconte à sa tante dans une longue lettre qui constitue un précieux témoignage sur l'état du pays en ce mois de juin 1940 : Orléans en flammes, le bombardement de la Ferté-Saint-Aubin où deux femmes et un enfant sont tués à côté de lui, le sauve-qui-peut en compagnie de cinq camarades avec une charrette à bras récupérée pour y charger leur paquetage et, lancinante, la peur d'être fait prison- nier... Il apprend l'armistice en arrivant à La Jonchère, en Haute-Vienne, où, épuisé, il va rester un mois, ignorant « tout de l'appel du 18 juin et jusqu'au nom du général de Gaulle ». Jean Lecanuet a vingt ans et l'impression d'être « devenu un homme » en quelques jours, précisant à ses parents : « Sachez seulement que je connais la guerre, la déroute où, abandonnés des officiers, sans nourriture, sans espoir, il nous fallait marcher jour et nuit sous la menace perpétuelle de la mort » Il les exhorte cependant constamment à ne pas sombrer dans la déses- pérance car « la loi de la vie est la lutte et ceux qui ont la force et la foi en eux-mêmes doivent nécessairement vaincre » Il est alors partagé entre « la simple joie de vivre, d'être intact », de savoir ses parents vivants et la peur de ne pouvoir continuer ses

32. Lettre du lundi 10 juin 1940 écrite sur un papier à en-tête du « Grand bar du Martroi » à Orléans. 33. Lettre du 22 juillet 1940 publiée dans la seconde partie du livre. 34. Sophie Huet, op. cit., p. 199. 35. Lettre du 23 juillet 1940. 36. Lettre du 26 juillet 1940. études, enfermé dans quelque caserne Dans ses moments d'optimisme, il imagine rester en zone libre, demander une place de professeur et préparer une thèse dans une université du Centre ou du Midi. Mais il ne nourrit « aucune illusion sur l'écho que va trouver un gouvernement ayant à sa tête un vieillard et pour doublure un parlementaire, intelligent certes, mais un peu trop riche... »

Démobilisé début août, il est envoyé avec ses camarades en camp de jeunesse à Crotenay dans le Jura. La nourriture et l'hygiène y sont déplorables et, dès septembre, le climat de l'Est s'avère plus rigoureux que celui de Normandie. Alors qu'il sup- porte de plus en plus mal la « pagaille » et les « impostures », il apprend, le 24 septembre, la possibilité de s'inscrire en faculté et de quitter le camp avant les six mois prévus. Il saisit cette oppor- tunité et obtient le 12 octobre 1940 un certificat de rapatrie- ment pour Paris. Il regagne la capitale et vient jusqu'à Rouen voir ses parents. La situation financière de ces derniers ne lui permettant pas de reprendre la préparation à l'École Normale

Supérieure, il décide pour avoir au plus vite une situation, de préparer les examens en faculté malgré son année scolaire amputée et de se présenter à l'agrégation dès que possible. Il soutient un mémoire de maîtrise en juillet 1941 sur « le renver- sement des valeurs chez Nietzsche » et obtient également un cer- tificat de physique-chimie-biologie (P.C.B.) exigé pour se pré- senter à l'agrégation de philosophie. Il se met aussi à l'étude du grec indispensable pour l'une des épreuves.

Du 2 au 12 juin 1942, il passe les écrits de l'agrégation, se disant à la fois « satisfait et mécontent » et part se reposer à

Orbais aux confins de la Champagne et de la Brie C'est là qu'il apprend par un coup de téléphone de sa mère qu'il doit rentrer immédiatement à Paris car il est admissible. A l'issue d'un oral particulièrement brillant, il est reçu 1 pour la zone occupée, tandis que Maurice Clavel l'est pour l'autre zone, et il

37. Lettre du 23 juillet 1940. 38. Lettre du 26 juillet 1940. 39. Lettre du 6 juin 1942. 40. Lettre du 5 août 1942. est le plus jeune agrégé de France. Il a atteint le but qu'il s'était fixé : le voilà professeur et nommé au 1 octobre 1942 au lycée de Douai. Avant de gagner le Nord, il a rendu visite à son maître Bachelard qui lui promet une belle carrière, avec un poste à la Sorbonne vers son cinquantième anniversaire... La route lui paraît bien longue ; mais Jean Lecanuet est décidé à préparer une thèse et à se consacrer à la philosophie et à l'Université. Il rejoint Douai, se donne avec enthousiasme à sa nouvelle tâche et est apprécié de ses élèves. Une dizaine d'années plus tard, l'un d'entre eux soutenant sa thèse de médecine lui rend hommage : « Votre enseignement m'a profondément marqué. Vous m'avez rendu "curieux", curieux de... comprendre, d'observer. Vous m'avez surtout appris à vivre la vie sans la subir, et à la vivre intensément » Il se sent cependant isolé dans cette région occupée où il ne connaît personne et est tout accaparé par la préparation de ses cours. C'est à l'occasion de la distribu- tion des prix qu'il se fait remarquer par ses supérieurs. Chargé de prononcer le discours lors de cette cérémonie – tâche fastidieuse revenant toujours au dernier arrivé parmi les professeurs ! – il improvise largement. « Au moment où je commençais ma harangue, raconte-t-il de l'autre côté de la rue... le bruit assourdissant des bottes et des chants des jeunes recrues alle- mandes s'élevait de la cour de la caserne. J'ai alors prononcé une phrase qui, approximativement devait être la suivante, en me

tournant plus précisément vers les élèves : "Pendant un an, je

me suis efforcé de vous inciter à une démarche de l'esprit : ne jamais penser au pas." Ces propos qui prenaient leur sens dans

le contexte que je viens de retracer provoquèrent une surprise et

déclenchèrent une acclamation. » Flatté par les applaudisse-

ments, il ne remarque pas l'inquiétude qui s'empare du provi-

seur. Convoqué par le recteur, Jean Lecanuet se fait tancer pour

41. Docteur R. Lebeuvre, 1955. Archives Lecanuet : dédicace de sa thèse de médecine. 42. Témoignage écrit adressé par Jean Lecanuet aux organisateurs du col- loque organisé en 1977 par l'Université Lille III-, sur « les Catholiques et la Résistance dans la région du Nord ». Revue du Nord, juillet-sep- tembre 1978, p. 689. ces propos qui peuvent être interprétés « comme contraires à la politique du Maréchal Pétain » et il attend la sanction. Elle ne viendra pas et, à la rentrée 1943, il est nommé au lycée Fai- dherbe à Lille pour y occuper le poste de professeur de philoso- phie dans la classe préparatoire à l'École Normale Supérieure qui vient d'être créée. Il est à 23 ans professeur de « classe supérieure », un bel avenir semble s'ouvrir à lui dans l'Univer- sité, et en décembre il se marie. Dans la grande métropole du Nord, il fréquente quelques col- lègues, notamment Doucy, autre professeur de philosophie du lycée Faidherbe et surtout l'abbé Vancourt, professeur de philo- sophie à la Faculté catholique Ce dernier, né à Erquinghem- Lys en 1902 et prêtre depuis 1928, vient de soutenir en 1941 une thèse sur La théorie de la connaissance chez Maine de Biran, ainsi qu'une thèse annexe sur Les derniers commentateurs alexan- drins d'Aristote et est chargé de cours à la « Catho ». On imagine aisément les raisons qui ont guidé le jeune Lecanuet vers cet aîné qui vient de mener à bien un travail de recherche comme il rêve d'en faire. Mais l'abbé Raymond Vancourt appartient à un réseau de résistance et héberge une famille juive. La confiance et l'amitié s'étant établies entre les deux hommes, l'abbé lui demande de participer à plusieurs opérations pour faire sauter des installations d'aiguillage alors que l'on est en juin 1944 et que le débarquement en Normandie vient de commencer. Jean Lecanuet a appartenu ainsi à « l'office franco-anglais du capi- taine Mitchell », groupe aux deux tiers massacré. Arrêté par les Allemands, il réussit à s'échapper et trouve refuge à Merville chez un ébéniste qu'il aide maladroitement à fabriquer des cercueils ! Ces mois furent décisifs pour « le petit soldat de l'ombre », comme il se définit lui-même ; il réfléchit beau- coup, notamment à un éventuel engagement politique.

43. Voir sa notice dans le Dictionnaire du monde religieux dans la France contemporaine, vol. Lille-Flandres, sous la direction d'André Caudron, Beau- chesne, 1990. 44. Dans l'arrondissement de Dunkerque. 45. « Je n'ai pas fait une grande résistance. Je n'ai été qu'un petit soldat de l'ombre. Mais cette période a beaucoup marqué ma vie politique », Sophie Huet, op. cit., p. 209. La Libération met fin à sa vie clandestine. Jean Lecanuet retrouve son lycée où il est élu secrétaire d'un syndicat ensei- gnant et participe à l'explosion de joie générale. Sur la Grand- Place de Lille, il aperçoit le général de Gaulle et surtout qui fut la voix de la France Libre à Londres. Cet aîné de neuf ans qui, comme lui, fut khâgneux à Henri-IV et fit des études de philosophie à la Sorbonne, lui inspire une sympathie immédiate. Militant socialiste attiré par le christianisme, Mau- rice Schumann était entré à la Jeune République de Marc San- gnier et, en relation avec les dominicains, écrivait avant la guerre dans Temps Présent et aussi dans L'Aube, journaux que Jean Leca- nuet avait appréciés lors de ses études Alors qu'il cherche sa voie, Maurice Schumann lui semble incarner la coexistence – qu'il souhaitait et qu'évoquaient déjà les conversations familiales en 1936 – de certaines idées socialistes et de la foi catholique. Quelques collègues l'entraînent à un meeting socialiste : la pré- sence de drapeaux rouges mêlés aux drapeaux tricolores le choque et les propos entendus lui déplaisent. Il s'en ouvre à l'abbé Vancourt qui lui propose d'assister à une réunion que doivent tenir les démocrates-chrétiens de la région autour de Pierre-Henri Teitgen, résistant de la première heure, et ministre de l'Information dans le gouvernement du général de Gaulle Cette fois, le jeune professeur est conquis par un exposé corres- pondant à ses idées. Aussi, lorsque Teitgen lui demande « comptez-vous être des nôtres ? », il répond « tout de suite » Tout alors va très vite. Teitgen demandant au jeune agrégé de venir travailler avec lui à Paris, Jean Lecanuet sollicite de l'Uni- versité un congé de six mois. En fait, il abandonne le métier dont il avait tant rêvé pour la politique.

46. Voir plus haut. 47. Fils d'Henri Teitgen (1882-1969), du Sillon lorrain, Pierre-Henri est passé par l'A.C.J.F. et les jeunes du Parti démocrate populaire (PD.P.). 48. Courrier des Démocrates, novembre 1965.

CET OUVRAGE A ÉTÉ TRANSCODÉ ET ACHEVÉ D'IMPRIMER PAR L'IMPRIMERIE FLOCH À MAYENNE EN AVRIL 2000

N° d'impr. : 48146. D.L. avril 2000. (Imprimé en France)