Sarko En Rase Campagne Le 6 Mai 2012, L’Ex-Patron De L’Élysée a Démontré Qu’Il Savait Encore Séduire Des Millions De Français
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sOUs LA REPUBLIQUE enquête Sarko en raSe campagne Le 6 mai 2012, l’ex-patron de l’Élysée a démontré qu’il savait encore séduire des millions de Français. Mais pas assez pour l’emporter. Où et quand s’est-il trompé ? Erreurs de tempo, de timing, de positionnement ? Notre enquête sur les coulisses et les stratégies d’une bien drôle de campagne à droite toute. Avec de vrais morceaux de Sarko dedans. par Marc Endeweld photographies Guillaume Binet 118 numéro 2 — 119 Charles sOU s LA REPUBLIQUE enquête « Si on fait une campagne sur la division retrouver le souffle du «sarkozysme culturel » tel que décrit par le journaliste Frédéric Martel, gagner des Français, les uns contre les autres, la droite la bataille idéologique. L’un d’eux résume : « Nous avons tenté une pédagogie subliminale de l’action et la gauche, le PS et l’UMP, si on fait la guerre de Nicolas Sarkozy pendant la crise. » Pour cela, ils collaborent un temps avec l’Institut Montaigne. aux pauvres, si on fait la guerre aux musulmans, Ensemble, ils organisent en septembre un colloque sur les leçons et défis de la crise avec Jean- on perdra. Au fond, la défaite morale précède toujours Claude Trichet, alors toujours président de la BCE, et son futur successeur Mario Draghi. D’une la défaite politique, et elle l’entraîne. » manière « subliminale », il s’agit bien d’imposer l’idée – en pleines primaires socialistes – que seul Henri Guaino, conseiller spécial du président Nicolas Sarkozy sera, au bout du compte, capable de naviguer dans la tempête. Sarkozy, automne 2011, "Les Stratèges", Canal +. la porsCHe PANAMERA Stratèges d’influence, façon spin doctors à l’américaine, les membres du groupe Fourtou savent peu de temps avant l’intervention armée en Libye, en mars 2011 – plus d’un an avant l’élection pré- également passer à l’attaque. En novembre 2011, certains d’entre eux sont à la manœuvre pour sidentielle – un rendez-vous discret est organisé entre Jean-René Fourtou, président du conseil de décrédibiliser l’accord Verts-PS en diffusant aux médias les coûts estimés, sur les plans économiques surveillance du groupe Vivendi, ancien PDG de Rhône-Poulenc, et Nicolas Sarkozy : « Ton bilan, per- et sociaux, d’un éventuel arrêt de la filière nucléaire. Mais le « coup » le plus important du groupe sonne ne le promeut », se désespère le patron. « T’as qu’à le faire ! » lui répond le président. « Chiche ! » Fourtou restera la fuite dans la presse, le 4 mai 2011, de la photo de Dominique Strauss-Kahn et lance finalement son invité. À 72 ans, Jean-René Fourtou n’a plus rien à perdre, plus rien à prouver, d’Anne Sinclair sortant d’une Porsche Panamera, voiture estimée à 100 000 euros, et appartenant mais est persuadé d’une chose : l’avenir de la France ne peut se faire sans Nicolas Sarkozy. à leur ami Ramzy Khiroun, conseiller d’Arnaud Lagardère, au Le « Groupe Fourtou » est né : autour du grand patron vont désormais se réunir chaque semaine sein du groupe éponyme. des politiques comme Alain Carignon, l’ancien maire de Grenoble et ministre de la Communication « hollande va faire Car l’autre fonction du groupe Fourtou est de réactiver les d’Édouard Balladur, les jeunes trentenaires Guillaume Peltier, secrétaire national de l’UMP chargé réseaux sarkozystes dans les milieux d’affaires et les médias : ma campagne de de l’opinion, ex-FN, ex-villiériste, et Geoffroy Didier, conseiller de Brice Hortefeux ; un autre patron, 2007. « Nous avons essayé de retisser la toile à un moment où il n’y avait celui de BNP Paribas, Michel Pébereau ; un « communicant » en la personne de Michel Calzaroni ; les moi, je vais faire plus de sarkozystes en France. Il était nécessaire de “resarkoï- vieux journalistes Gérard Carreyrou, 69 ans, éditorialiste à France Soir, et ex-sympathisant socialiste “la” campagne de 2012 » ser”, et de décomplexer les sarkozystes qui s’ignoraient », confie il y a une vingtaine d’années, Charles Villeneuve, 70 ans, ancien d’Europe 1, et Étienne Mougeotte, nicolas sarkozy un des participants. « Il s’agissait de sortir Sarko de l’isolement. 71 ans, le directeur des rédactions du Figaro. Tous anciens de TF1. Chacun de notre côté d’ailleurs, on travaillait nos différents réseaux. » Dans cette optique, le groupe Fourtou organise égale- PÉDAGoGie « SUBLIMINALE » ment des rencontres et déjeuners entre Nicolas Sarkozy et des Pour faire le lien avec Nicolas Sarkozy, l’homme tout trouvé est Camille Pascal, nouveau conseiller intellectuels, des historiens, des anthropologues, avec des journalistes comme Patrick Besson, Eli- audiovisuel à l’Élysée depuis début 2011 – après être passé par le CSA sous Baudis, et France Télévi- sabeth Lévy, le cinéaste Yann Moix, des professionnels de la petite enfance… De son côté, Henri sions sous Carolis –, et qui s’est très vite attiré les bonnes grâces présidentielles après avoir écrit un Guaino, la célèbre plume de l’Élysée, fait de même. Car, en ce printemps 2011, Nicolas Sarkozy est discours remarqué : « C’est le Siècle, sans les emmerdeurs, confie ce dernier à ses proches à propos effectivement isolé : c’est l’époque où, à l’UMP, certains n’hésitent plus à dire qu’il n’est peut-être pas du « groupe Fourtou ». C’est le seul endroit où on peut faire dialoguer un geek de 25 ans avec un patron le meilleur candidat pour la droite… Le nom d’Alain Juppé, nouveau ministre des Affaires étrangères, du CAC 40. » Un jeune membre du cabinet de Claude Guéant, Louis de Raguenel, féru de Twitter, a est cité dans les journaux. « Vous étiez là quand il faisait froid », dira d’ailleurs Sarkozy quelques mois pu participer aux réunions du groupe. plus tard aux membres du groupe Fourtou. Tous ont un objectif : valoriser l’action de Nicolas Sarkozy. « Insufflonsdu positif ! » martèle Jean- Isolé dans son propre camp, l’UMP, mais surtout isolé dans les milieux d’affaires qui lorgnent à René Fourtou, qui a l’habitude de dire : « Toujours faire venir l’adversaire sur notre damier. » Ou encore : l’époque de plus en plus du côté de DSK… « Un tiers de contention de l’adversaire, deux tiers d’extension de notre territoire. » Les réunions ont lieu chaque semaine au domicile privé du grand patron à Neuilly. Chaque semaine, Camille Pascal rédige les reGrets de BouYGues une note pour le président. Très vite, le groupe s’attache à améliorer l’image de Nicolas Sarkozy sur Le temps du Fouquet’s est révolu. Depuis 2010, l’amour fusionnel entre le président et les deux thématiques principales : la crise économique et les relations internationales. Autrement dit, grands patrons du CAC 40 s’est dissipé, en dehors de Jean-René Fourtou, Michel Pébereau, et bien rendre crédible la « représidentialisation » du président. Empruntant des méthodes de communication sûr, Vincent Bolloré ou Bernard Arnault. Tous les anciens de TF1 du groupe Fourtou – les Carrey- de crise, et au marketing d’influence, Fourtou veut imposer des éléments de langage dans les médias. rou, Mougeotte et Villeneuve –, sont même persuadés que leur ancienne chaîne dirigée désormais Exemple : « chef de l’État » plutôt que « président de la République ». « Que les gens puissent se dire : par Nonce Paolini ne roule plus pour Sarkozy, et ce, malgré la présence à l’antenne de Jean-Pierre Nicolas Sarkozy a quand même agi en homme d’État », souffle un participant. Pernaut… « Nous sommes en train de nous faire avoir par TF1 et l’Élysée ne réagit pas. Franck Louvrier Les membres du groupe ne travaillent pas uniquement sur l’image de leur champion. Ils veulent [conseiller communication de Sarkozy] n’a pas vu ce tournant ! » s’alarment-ils à l’automne 2010, en 120 numéro 2 — 121 Charles sOU s LA REPUBLIQUE enquête pleine affaire Woerth-Bettencourt. Fini la victoire de 2007. Désormais, entre Nicolas Sarkozy et Martin Bouygues, « les rapports sont francs », souffle-t-on pudiquement du côté de l’Élysée. Bouygues, témoin du second mariage de Nicolas Sarkozy et parrain de son fils Louis, déçu du sarkozysme ? Au début du quinquennat, le leader du BTP, propriétaire de TF1, avait en effet fait savoir à l’Élysée qu’il souhaitait s’engager davantage dans la filière du nucléaire… Sans résultat. Lors d’une rencontre organisée à HEC le 28 janvier 2010, Martin Bouygues laisse filer ses regrets, rappelant qu’en deux ans et demi, son ami Nicolas Sarkozy n’avait toujours pas privatisé Areva, avait bradé une licence téléphonique, et gratifié TF1 d’une nouvelle taxe. «Cette relation avec Nicolas Sarkozy est plus un handicap qu’un avantage », confiait-il, presque la larme à l’œil. Bouygues aurait aussi perdu de nombreux contrats de BTP en Algérie suite à une visite rocambolesque de Nicolas Sarkozy en décembre 2007 qui s’était terminée par un incident diplomatique. Accompagné à l’époque de Rachida Dati, Fadela Amara, Smaïn et Didier Barbelivien (sic), le nouveau président n’avait pas pris grand soin à respecter le protocole et l’accueil qui lui était réservé par les officiels algériens. Au point que le président Algérien, Abdelaziz Bouteflika, lui en tiendra rigueur durant toute la suite du quinquennat... Le 14 décembre 2011, comme le révèlera Le Canard enchaîné, Martin Bouygues rencontrera François Hollande. Quand on est patron du CAC 40, il ne faut jamais mettre ses œufs dans le même panier. Même Arnaud Lagardère, dragué alors par DSK, et Serge Dassault, lassé de voir Nicolas Sarkozy s’exciter à l’étranger sans réussir à vendre ses Rafales, semblent s’éloigner du président. Au moins jusqu’à la victoire éclatante de ce dernier contre Kadhafi. ÉDUQuer PLUS pour GaGner Courant juin 2011, Nicolas Sarkozy évoque devant le groupe Fourtou quelques grands traits tous les jeudis après-midi.