Le Scapin (1885-1886) Et La Décadence. Au Coeur D'un Débat
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UNIVERSITÀ DEGLI STUDI DI GENOVA SCUOLA DI SCIENZE UMANISTICHE DIPARTIMENTO DI LINGUE E CULTURE MODERNE Corso di Laurea Magistrale in Letterature comparate Tesi di Laurea Le Scapin (1885-1886) et La Décadence : au cœur d’un débat littéraire. RELATORE : Prof.ssa Ida Merello CORRELATORE : Prof. ssa Chiara Rolla CANDIDATA : Veronica Gatti Anno Accademico 2014/2015 Avant propos Le présent travail se propose de fournir une description analytique détaillée de la revue littéraire Le Scapin et de son supplément La Décadence, qui compte seulement quatre numéros parus dans le courant du mois d’octobre 1886, pour démontrer l’importance que ces périodiques ont eu dans l’histoire de la littérature française de la fin du XIXe siècle. Les premières pages fournissent des informations, essentielles à la compréhension du contexte culturel et littéraire où les deux revues naissent, à travers le compte rendu des principaux événements qui ont été à la base d’un renouvellement artistique conflictuel et sans précédents. Une fois complété ce cadre d’ensemble notre analyse est articulée en trois points principaux, liés entre eux et respectant le critère chronologique : tout d’abord on examine la première série du Scapin dans sa structure formelle ainsi que dans ses contenus. L’analyse de chaque article permet de mettre en évidence l’esprit de combat qui caractérise le journal : en effet les contributions de ses collaborateurs expriment une vive réaction contre la société de leur temps et encore plus contre la culture dominante qu’ils souhaitent bouleverser. Un deuxième point se charge d’examiner le débat littéraire qui avait été à l’origine de la formation de groupes en opposition entre eux, anxieux d’imposer leurs théories esthétiques et de prévaloir l’un sur l’autre. En particulier on analyse la situation très complexe qui s’était créée dans le courant du mois de septembre 1886 quand d’un côté René Ghil, après la publication de son Traité du Verbe couronné par le célèbre Avant-dire de Mallarmé, revendiquait le fait d’avoir fourni en premier un traité théorique à l’École Symbolique et Harmoniste ; de l’autre, Jean Moréas, avec la publication de son «Manifeste littéraire», dans le supplément du Figaro daté 18 septembre 1886, revendiquait le titre de chef d’école. C’est exactement dans ce contexte qu’on assiste à la naissance de La Décadence, proclamée par son rédacteur en chef, René Ghil, organe officiel de l’École Symbolique et Harmoniste dont il était le théoricien. La réaction de Moréas ne se fit pas attendre et une semaine plus tard il répondait à la provocation de Ghil en publiant Le Symboliste. L’analyse des articles parus dans La Décadence permet donc d’éclaircir les raisons de ces rivalités et de tracer les traits essentiels du conflit qui s’était combattu à coups de plume dans ces feuilles éphémères. Pourtant le groupe vers la fin du mois d’octobre semble se désagréger : pour cette raison fort probablement on cessa la publication de La Décadence et une semaine après celle du Symboliste. I Enfin, le dernier point qui fait l’objet de notre analyse se charge d’examiner la deuxième série du Scapin qui entre temps avait changé sa structure passant du format journal originaire au format typique des revues littéraires en l’adaptant à de nouveaux contenus. En effet, dans sa deuxième série Le Scapin abandonne le thème social et politique pour se concentrer exclusivement sur le thème littéraire sous ses différents aspects. Tout en revendiquant la nécessité d’un renouvellement culturel, la revue assume en définitive une position assez modérée : si d’un côté on accorde le soutien aux innovations apportées par les théories symbolistes dans le domaine de la poésie, de l’autre il est évident qu’on n’est pas encore prêts pour un renouvellement artistique radical. L’analyse est complétée par un grand nombre d’annexes qui reproduisent fidèlement le texte intégral des articles traités, enrichi par des notes. Il faut préciser que dans les deux revues on trouve la publication d’un grand nombre d’œuvres poétiques et en prose : en ce cas nous avons estimé plus judicieux d’établir une appendice chronologique de ces publications sans aucune prétention analytique puisque ceci aurait représenté un trop grand risque de fournir des jugements superficiels ; on s’est donc limité à les signaler et parfois à les compléter par des notes d’ordre bibliographique. II Le Scapin (1885-1886) et La Décadence: au cœur d’un débat littéraire. Le monde de la recherche est de plus en plus conscient de l’importance du rôle des petites revues fin de siècle dans le développement de la littérature française. Le témoignage concret de cette prise de conscience nous est offert par un projet comme PRELIA, acronyme de Petites REvues de LIttérature et d’Art, dirigé par le Centre de Recherche de l’Université de Reims Champagne Ardenne. Cette initiative montre clairement « la volonté de synthétiser les informations concernant ces périodiques, afin d’offrir à la communauté scientifique un outil d’analyse sur un corpus très vaste » concernant la période qui va de 1870 à 18401. Comme les responsables de ce projet le déclarent dans la présentation du site consacré à ce travail remarquable : Les revues littéraires et artistiques de cette période, publiées par de jeunes artistes de manière éphémère et en tirage limité, en marge des courants institués, font l’objet de travaux de plus en plus nombreux. Elles représentent en effet, comme le remarque Remy de Gourmont (l’un des fondateurs du Mercure de France), le véritable lieu de la création littéraire et artistique à cette époque : « La science complète des revues est difficile, et je ne la possède qu’en partie : c’est pourtant la seule source authentique, depuis un siècle, de notre histoire littéraire »2. Il est donc évident qu’une étude de la littérature française du XIXe et du XXe siècle ne peut plus se passer d’une analyse sérieuse des revues littéraires et artistiques qui deviennent le berceau de toute innovation et souvent le terrain de bataille pour imposer de nouvelles théories et de nouvelles esthétiques littéraires. Le chemin à parcourir dans cette direction est encore très long, toutefois nous espérons apporter une petite contribution par le présent travail qui, à travers une analyse détaillée de la revue Le Scapin et de son supplément La Décadence, se propose d’éclaircir un moment essentiel de la période symboliste et de mettre en relief les dynamiques et les débats qui la caractérisent. À fin de comprendre plus profondément l’importance de ces revues et le rôle qu’elles ont joué dans l’histoire du Symbolisme, il est tout d’abord indispensable de préciser le contexte culturel où elles se développent. Comme le souligne Jean-Nicolas Illouz dans Le Symbolisme : Après 1870, cafés et cabarets vont jouer pour l’École décadente et symboliste le rôle qu’avaient tenu les cénacles et salons littéraires pour l’école romantique et 1 PRELIA : http://prelia.hypotheses.org/, consulté le 7 avril 2015. 2 Remy de Gourmont, « Stéphane Mallarmé », Promenades littéraires, quatrième série, Souvenirs du Symbolisme et autres études (1912), dixième édition, Mercure de France, 1927, p. 14. 1 parnassienne. Un lieu fait la transition entre les salons du Parnasse et la bohème décadente : il s’agit du salon de Nina de Villard, qui accueillit, à côté de Leconte de Lisle ou Catulle Mendès, Charles Cros, Villiers de L’Isle Adam, Alphonse Allais, Maurice Rollinat ou Mallarmé. Plusieurs groupes vont se constituer ensuite dont les noms suffisent à dire l’esprit de liberté avec lequel ces avatars originaux des « bousingots » romantiques s’opposent aux normes sociales et esthétiques3. En 1878 nous assistons à la naissance presque spontanée du cercle littéraire des Hydropathes : au début, il consistait en un groupe d’amis qui se réunissaient pour discuter de poésie dans une petite pension de famille, ensuite ils choisissent comme point de rencontre Le Café de la Rive Gauche, boulevard Saint-Michel. Le grand intérêt qui se développe autour de ce cercle donne l’idée à Emile Goudeau, avec la participation de quelques autres membres comme Georges Lorin et Rollinat, de constituer une société4. Les rencontres dans ce cercle sont tout de suite un véritable succès : on y trouve de jeunes poètes mais aussi les représentants de l’avant-garde littéraire comme Rollinat, Tailhade, Moréas, Ajalbert et en même temps des acteurs, des musiciens, des peintres. La nécessité de s’adapter au nombre croissant de membres et de public oblige les Hydropathes à déménager à plusieurs reprises5. Le 22 janvier 1879 on assiste à la publication du premier numéro du journal l’Hydropathe : ce journal est un périodique qui paraît tous les quinze jours ; son dernier numéro date du 12 mai 18806. Dans ce dernier numéro, la rédaction annonce que le journal va prendre le nom Tout-Paris et déménager ses bureaux sur la rive droite, au 40 de Rue Richelieu. Tout-Paris aura une courte durée, il va paraître du 23 mai au 26 juin 1880 pour un total de cinq numéros7. Après environ deux ans d’activité, suite à quelques difficultés, les Hydropathes sont obligés de se dissoudre. En 1881, quelques-uns des anciens membres des Hydropathes décident de reconstituer un groupe nommé cette fois les Hirsutes, d’abord sous la direction de Maurice Petit qui sera vite remplacé par le plus charismatique Emile Godeau8. Au début le groupe choisit comme point de rencontre le Café du Commerce au passage du Commerce mais assez vite il se déplace au Café de l’Avenir, place Saint-Michel9. À la fin de 1881, Rodolphe Salis, journaliste, peintre et poète, décide de transformer son atelier, à Montmartre, en brasserie artistique et il lui donne le nom de Chat Noir s’inspirant de la peinture d’un chat noir qui était l’enseigne de la brasserie.