La Constellation Tzadik : 20 Ans/20 Disques the Tzadik Constellation: 20 Years/20 Albums Pierre-Yves Macé, Giuseppe Frigeni and David Konopnicki
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Document generated on 09/29/2021 2:22 p.m. Circuit Musiques contemporaines La constellation Tzadik : 20 ans/20 disques The Tzadik Constellation: 20 Years/20 Albums Pierre-Yves Macé, Giuseppe Frigeni and David Konopnicki Tzadik : l’esthétique discographique selon John Zorn Article abstract Volume 25, Number 3, 2015 Taking the form of a series of brief chronicles, this survey constitutes a subjective, six-handed search through the Tzadik discography. The three URI: https://id.erudit.org/iderudit/1034501ar authors, fervent “Tzadikologists,” have selected one album from each of the DOI: https://doi.org/10.7202/1034501ar years 1995–2014, drawing from each of the collections that make up Tzadik’s unique richness (Composer Series, New Japan, Radical Jewish Culture, etc.) See table of contents Through the work of various multifaceted artists (Annie Gosfield, Pamelia Kurstin, Many Arms…), this “constellation” guides the reader through a maze of genres and subgenres of the musical underground, from noise through post-minimalism by way of klezmer, dub, and fusion; and casts light on John Publisher(s) Zorn’s work as a pioneering proponent of wildly versatile artists. Les Presses de l’Université de Montréal ISSN 1183-1693 (print) 1488-9692 (digital) Explore this journal Cite this article Macé, P.-Y., Frigeni, G. & Konopnicki, D. (2015). La constellation Tzadik : 20 ans/20 disques. Circuit, 25(3), 95–109. https://doi.org/10.7202/1034501ar Tous droits réservés © Les Presses de l’Université de Montréal, 2015 This document is protected by copyright law. Use of the services of Érudit (including reproduction) is subject to its terms and conditions, which can be viewed online. https://apropos.erudit.org/en/users/policy-on-use/ This article is disseminated and preserved by Érudit. Érudit is a non-profit inter-university consortium of the Université de Montréal, Université Laval, and the Université du Québec à Montréal. Its mission is to promote and disseminate research. https://www.erudit.org/en/ La constellation Tzadik : 20 ans/20 disques pierre-yves macé, giuseppe frigeni et david konopnicki On oublie rarement son tout premier disque Tzadik, disque par an et respecter la diversité des collections et celui avec lequel on s’est retrouvé nez à nez dans des des artistes) et tant elle est tributaire de notre connais- circonstances plus ou moins prévisibles : curieux de sance lacunaire, partielle, partiale et subjective du la musique d’Alvin Curran, Giuseppe aura découvert catalogue. Cette subjectivité assumée ne vaut pas que la maison de disques à travers un de ses tous pre- pour la sélection des titres, mais également pour les miers opus (Animal Behavior, TZ 7001, 1995) ; David commentaires qui en sont proposés. En filigrane de ces se souvient quant à lui des interprétations klezmer descriptions subjectives, de nombreuses évocations de de Sidney Bechet par David Krakauer (Klezmer, NY, courants1 et créateurs musicaux ouvrent vers d’autres TZ 7127, 1998) ; tandis que Pierre-Yves se rappelle avoir perspectives, mettant en relief la non-exhaustivité du vu surgir dans un contexte mainstream inattendu le choix discographique. Pour représenter au mieux la sin- disque en hommage à Serge Gainsbourg, paru dans la gularité de Tzadik, il convenait d’y faire figurer toutes les collection Radical Jewish Culture (Great Jewish Music : collections : les relectures klezmer de la Radical Jewish Serge Gainsbourg, TZ 7116, 1997). Pour nous, respecti- Culture, les écritures multiples de la Composer Series, les vement metteur en scène, musicien et compositeur, Oracles de la création féminine, la profusion zornienne Tzadik occupe une place de choix parmi les maisons de de l’Archival Series, la noise teintée de pop-rock de la disques défricheuses de talents, dont presque chaque New Japan, l’énergie juvénile portée par Spotlight, la nouvelle sortie porte la promesse d’une découverte, 1. Différents genres musicaux sont par la suite évoqués dans parfois décisive. les différentes chroniques. À défaut de pouvoir proposer au Pour les 20 ans de Tzadik, nous proposons une rétro- lecteur un glossaire exhaustif des musiques underground et expérimentales, nous le renvoyons vers l’ouvrage de spective commentée de 20 disques qui, d’une façon Peter Shapiro, Modulations – A History of Electronic Music : ou d’une autre, nous auront interpellés ou marqués. Throbbing Words on Sound (New York, Caipirinha, 2000), traduit en français par Pauline Bruchet et Benjamin Fau : La liste qui suit pourra sembler arbitraire, tant elle est Modulations – Une histoire de la musique électronique (Paris, contrainte par la difficulté de l’exercice (ne retenir qu’un Allia, 2004). dossier enquête 95 Circuit 25.3.final.indd 95 2015-11-25 10:52 AM folie débridée de la Lunatic Fringe et l’imprévisibilité 01. Alvin Curran, Animal Behavior de la toute nouvelle collection Spectrum2. Il s’agissait (coll. Composer Series, TZ 7001, 1995) également de maintenir un équilibre entre les artistes Alvin Curran (échantillonneur, piano), Donald Haas incontournables de l’écurie (Cyro Baptista, Alvin Curran, (accordéon), William Ikue Mori), les musiciens peu identifiés – sinon totale- Winant (percussion), Peter Wahrhaftig (tuba), Roy Malan ment inconnus – que Zorn a pris le risque de produire (violon) et de révéler (Eric Qin, Pamelia Kurstin, Many Arms), ou encore les productions à contre-emploi de créateurs connus dans un autre champ (J.G. Thirlwell). La sévérité Ce tout premier CD de la collection Composer Series de ce travail de sélection a hélas exclu les projets per- nous situe d’emblée dans la tradition expérimentale sonnels de plusieurs musiciens pourtant essentiels américaine. Alvin Curran a démarré sa carrière dans (Fred Frith, Marc Ribot, Roberto Rodriguez, Cracow les années 1960 avec le groupe MEV, entre musique Klezmer Band, etc.), mais elle a permis de mettre au intuitive, fureurs de l’improvisation libre, résidus de jour cette bien curieuse constellation d’œuvres tantôt jazz, expérimentations post-Cage, fièvre des premières considérées comme des classiques, tantôt exhumées expériences de live electronics. Ensuite, en solitaire, son d’un quasi-oubli, tantôt indéfectiblement attachées à art s’est nourri du minimalisme West Coast, d’une cer- une tradition donnée, tantôt procédant d’une tabula taine simplicité folklorique et de sons environnemen- rasa plus ou moins radicale. Ce sont tous ces grands taux, avec des œuvres collagistes et semi-improvisées, écarts et ces paradoxes que nous donne à lire cette lyriques et presque naïves. Depuis les années 1980, coupe transversale à travers l’histoire de la maison de sa production se fait plus tendue, entre une musique disques, où apparaît en filigrane son évolution au fil de chambre décalée et énigmatique, et explorations des années3. digitales avec l’échantillonneur. La vision panthéiste et bucolique des années 1970 a laissé place à des compo- sitions plus radicales comme Animal Behavior, la pre- mière pièce de ce disque. Dans sa cacophonie maîtrisée et sa juxtaposition des bribes de sons trafiqués, la com- position évoque une animalité urbaine et absurde, où 2. Nous n’avons pas retenu de disques issus des collections la collision d’éléments hétérogènes (bruitages animaux, Special Edition, Limited Edition Vinyl et Birthday Celebration, celles-ci ne représentant qu’une infime partie du catalogue illustration sonore, musique de cartoons et discours de Tzadik. G.W. Bush) se fait ici critique implicite du monde et volume 25 numéro 3 numéro 25 volume 3. Les images inclues dans cet article ont été reproduites non plus sa contemplation lyrique. Plus calme, mais avec l’aimable autorisation de John Zorn et demeurent la propriété intellectuelle de Tzadik. non moins inquiétante (surtout dans le dernier tiers, circuit circuit 96 Circuit 25.3.final.indd 96 2015-11-25 10:52 AM traversé de vortex échantillonnés), la seconde pièce, convaincante. Malgré la dimension fonctionnelle de Why Is This Night Different From All Other Nights, se situe ces morceaux (des commandes pour des films indé- dans une autre dimension de recherche, où se profile pendants), Scherer ne néglige jamais une approche une écriture de musique de chambre parfois oblique (à compositionnelle, même minimale, qui garantit une la Gavin Bryars), qui perpétue l’excentricité et l’imprévi- vision plus structurée et cinématique que strictement sibilité typiques des « American Mavericks ». (g.f.) atmosphérique ou illustrative. Des vacillements de lumières urbaines et nocturnes, des échos sourds de 02. Peter Scherer, Cronologia machineries, des relents et climats terriens, imprégnés (coll. Film Music, TZ 7502, 1996) d’une sueur exotique (par l’apport discret et efficace de Peter Scherer (guitare, échantillonneur), Zeena Vasconcelos et Baptista aux percussions), traversent les Parkins (harpe électrique), morceaux de l’album et le nourrissent d’images inquié- Cyro Baptista et Nana tantes et fantasmagoriques. (g.f.) Vasconcelos (percussions), Frank Menusan (sitar) 03. Yasunao Tone, Solo for Wounded (coll. New Japan, TZ 7212, 1997) Yasunao Tone (CD rayés) Après la contribution fondamentale de Brian Eno à une « musique de studio » évocatrice et moody (on pense ici à Music for Films paru en 1976), le genre s’est progressi- vement enrichi d’expériences diverses, de l’ethnique au néoclassique, du New Age au jazz fusion, de l’industriel à l’expérimental4. Ici, Scherer renouvelle l’expérience en partageant et en amplifiant tous les aspects et Cette œuvre de Tone s’inscrit parfaitement dans influences qui ont traversé le genre, avec une qualité l’héritage du mouvement Fluxus, dont elle partage la d’équilibre rare. On peut trouver quelques affinités provocation iconoclaste et les interrogations concep- avec l’organicité rythmée et exotique d’un Benjamin tuelles. Ici la noise se fait concept et métaobjet : non Lew ou d’un Bill Laswell, les évocations glauques d’Ed- pas immersive et épiphanique comme chez Francisco ward Artemiev ou les soundscapes humides de Paul Lòpez, incandescente comme chez Merzbow ou cha- Schütze, mais l’approche est toujours personnelle et manique comme chez Daniel Menche.