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Volume ! La revue des musiques populaires

9 : 2 | 2012 Contre-cultures n°2

« Fear and Wonder ». Le fantastique sombre et l'harmonie des médiantes, de Hollywood au “Fear and Wonder”. Dark Fantasy and Mediant Harmony, from Hollywood to Black Metal

Bérenger Hainaut

Édition électronique URL : http://journals.openedition.org/volume/3296 DOI : 10.4000/volume.3296 ISSN : 1950-568X

Édition imprimée Date de publication : 15 décembre 2012 Pagination : 179-197 ISBN : 978-2-913169-33-3 ISSN : 1634-5495

Référence électronique Bérenger Hainaut, « « Fear and Wonder ». Le fantastique sombre et l'harmonie des médiantes, de Hollywood au black metal », Volume ! [En ligne], 9 : 2 | 2012, mis en ligne le 15 mai 2015, consulté le 10 décembre 2020. URL : http://journals.openedition.org/volume/3296 ; DOI : https://doi.org/10.4000/ volume.3296

L'auteur & les Éd. Mélanie Seteun 179

« Fear and Wonder » Le fantastique sombre et l’harmonie des médiantes, de Hollywood au black metal

par Bérenger Hainaut Prix annuel jeune chercheur Université Paris-Sorbonne (Paris IV) IASPM bfE, 2012 plus d’informations sur http://volume.revues.org/2832

Résumé : Né au début des années 1990 en Norvège, le Abstract : Born in in the early 1990s, one of black style black metal se caractérise notamment par l’utilisation metal’s features is the use of minor chord progressions at d’enchaînements d’accords mineurs à distance de tierce, liés intervals of a third, which are linked to mediant harmony. à l’harmonie des médiantes. Issues du romantisme européen, Descended from European Romanticism, these harmonic ces progressions harmoniques ont ensuite largement irrigué progressions later on irrigated ##th century symphonic "lm les musiques symphoniques des "lms du ##e siècle. Le renou- music. John Williams and the 1970s Hollywood revival of veau symphonique qui intervient à Hollywood autour de John symphonic scores put these codes back on the agenda and Williams à partir des années 1970 remet ces codes à l’ordre du consolidated these progressions’ association with the “dark jour et cristallise l’association des enchaînements décrits avec fantasy” genre – the “evil” side of fantasy "lms, in which they un contexte « fantastique sombre », versant « malé"que » des are legion. $is connection enables us to grasp what pushed Volume "lms fantastiques dans lesquels on les trouve. Ce lien permet black metal composers to manipulate such progressions: as de saisir ce qui a poussé les compositeurs du black metal à they signify something macabre, they echo with the genre’s utiliser ces enchaînements : ces derniers, liés à quelque chose artistic project. de « malsain », entrent en résonance avec le projet artistique ! n° 9-2 Key words : black metal – !lm music – musical analysis – du black metal 1. music semiology – harmony Mots-clés : black metal – musique de !lm – analyse musicale – sémiologie de la musique – harmonie 180 Bérenger Hainaut

existent depuis Contexte : de quoi parle-t-on ? Bien qu’elles plus de quatre décennies, les musiques issues du heavy metal ont Mais tout d’abord, qu’appelle-t-on black metal ? Une jusqu’ici fait l’objet de peu d’études musicologiques. véritable réponse à cette question demanderait une De fait, la perspective adoptée dans les metal studies étude propre ; néanmoins, quelques éléments de pré- est la plupart du temps essentiellement sociologique sentation su&ront pour l’heure à situer les musiques ou historique : pensons par exemple aux travaux de concernées. l’américain Keith Kahn-Harris (Kahn-Harris, 2007) Le black metal ou, en France, aux publications de Nicolas Bénard (Bénard, 2008). Pourtant, l’analyse musicale du heavy Le heavy metal s’est développé à la fin des metal et de ses dérivés paraît fructueuse, comme le années 1960 et au début des années 1970 à travers montrent les recherches déjà menées par Esa Lilja des groupes tels que Black Sabbath, Deep Purple et sur l’harmonie du « heavy metal classique » (Lilja, Led Zeppelin (Kahn-Harris, 2007 : 2). Le terme 2009) ou par Andrew Cope sur la di%érenciation en lui-même a d’abord été utilisé pour désigner ces 2 stylistique du hard rock et du heavy metal (Cope, quelques musiciens, avant d’être employé dans une 2010). S’inscrivant dans le prolongement de cette acception plus large englobant tous les genres musi- dernière démarche, la présente étude traitera en partie caux issus de ce premier mouvement. Prise dans ce de stylistique également. dernier sens, l’expression « heavy metal » est plus sou- Avant toute chose, je voudrais donc insister sur la vent rencontrée sous sa forme contractée : « metal ». place à accorder à ce type d’analyse dans l’étude des Au cours des années 1980, le metal a donc com- musiques populaires actuelles. En plus de contribuer mencé à se fragmenter en de nombreux sous-genres à cerner un objet musical, l’analyse stylistique tisse des (Weinstein, 1991 : 44), parmi lesquels le black metal. liens entre celui-ci et di%érents genres musicaux par Initialement, celui-ci n’est en fait qu’un courant l’intermédiaire de la matière musicale même : partant, incluant les groupes dont la musique repose sur une elle fait véritablement sens et elle peut – pour qui le opposition thématique au christianisme (Weinstein, souhaite – constituer le point de départ d’un rappro- 2000 : 54) : en e%et, si par le passé la "gure du diable chement ou d’une comparaison de deux ou plusieurs a souvent été liée au rock ou au metal, le groupe « mondes de l’art » (Becker, 1988) ; au minimum, elle britannique Venom concrétise pleinement cette asso- permet alors d’enrichir le travail sociologique. ciation à travers ses premiers , dans lesquels Pour illustrer cette idée, j’ai choisi de me consacrer il théâtralise sa consécration au satanisme. En parti- à l’étude de certaines harmonies médiantiques inter- culier, le deuxième de Venom, paru en 1982 ! n° 9-2 venant dans les musiques black metal, et ce à travers et intitulé Black Metal, donnera son nom au mouve- deux questions : 1) d’où proviennent ces enchaîne- ment à suivre (l’adjectif « black », dérivé du « sabbat ments et 2) comment expliquer leur présence dans noir » de Black Sabbath, étant synonyme de rituels

Volume ces musiques ? sataniques et d’invocations démoniaques). 181 « Fear and Wonder »

De ce courant musicalement lié au thrash metal vont L’harmonie des médiantes alors émerger successivement deux nouveaux styles musicaux distincts : le style death metal – qui naît Cette dernière expression, que Jean-Pierre Bartoli principalement aux États-Unis et en Angleterre –, emprunte à Nicolas Meeùs, désigne l’utilisation de puis le style black metal – dont l’origine est à situer progressions d’accords s’e%ectuant par un saut de tierce en Norvège. C’est dans ce dernier contexte que le (ascendant ou descendant) de la basse fondamentale satanisme mis en avant par Venom se radicalise (Bartoli, 2001 : 115). En s’appuyant sur un corpus le plus fortement. Au début des années 1990, les recouvrant les périodes classique et romantique, membres de la scène black metal norvégienne se Bartoli propose une typologie en quatre catégories proclament pleinement satanistes et antichrétiens : de ces mouvements harmoniques. L’étude qui suit s’ensuit une période trouble de l’histoire du genre, sera limitée aux catégories B et C (ibid. : 120). De qui culmine avec une série d’incendies criminels plus, seuls les accords mineurs m’intéressent : en à l’encontre de l’Église (Moynihan & Søderlind, somme, je me focalise donc sur les enchaînements 2005 : 141-142) et prend "n en 1993, à la suite d’accords mineurs à distance de tierce (et ce de façon de l’assassinat du leader du groupe Mayhem par ascendante et descendante), ce que résume la Figure l’unique membre de , un groupe devenu 1. (Pour des raisons pratiques, j’évoquerai dorénavant rival (ibid. : 192). Les autorités mettent alors "n les progressions de type B mineur et de type C mineur au mouvement tel qu’il existait et condamnent de en parlant respectivement de « TB » et « TC » – le « T » nombreux membres de la scène black metal à des évoquant l’intervalle de tierce.) peines de prison. Entre temps, le style black metal s’est cristal- lisé à travers la musique de groupes comme Mayhem, ou Immortal. Les années 1994-1995 marquent une intensifica- tion du style et de nombreux groupes de black metal com-

Figure 1 : Progressions médiantiques d’accords Volume mencent à apparaître en mineurs TB et TC (exemples à partir de la mineur). dehors de la Norvège. Ces groupes évoluent dans un style dont l’unité rela- De tous les enchaînements présentés par Bartoli, tive peut être établie grâce à des critères détermi- ce sont ceux-là qui sont les plus prégnants dans ! n° 9-2 nés : parmi ceux-ci se trouvent des enchaînements le black metal. Je reviendrai sur ce point dans harmoniques particuliers liés à « l’harmonie des quelques instants, mais il me faut préciser avant médiantes ». ce que j’entends considérer. 182 Bérenger Hainaut

D’abord, les fonctions harmoniques sont laissées de À la recherche d’une filiation côté : il ne s’agit pas de repérer l’enchaînement d’un stylistique degré à un autre degré d’une tonalité donnée mais plutôt de penser cet enchaînement par le biais unique À propos du concept de style, Catherine Rudent nous de sa qualité intervallique pour l’intégrer dans une dit : des deux catégories présentées ci-dessus. Ce choix « Le mot ‘style’ [...] permet [...] de regrouper des règles est lié à la façon dont intervient la plupart du temps de facture musicale communes et permettant de dis- ce genre d’éléments au sein du black metal : les deux tinguer des ensembles [d’œuvres] les uns vis-à-vis des autres. Cette idée est conforme à l’un des emplois accords de l’enchaînement sont en e%et fréquemment majeurs de ce terme en analyse musicale. » (Rudent, mis en œuvre au moyen d’une séquence pendulaire 2011 : 192.) les répétant alternativement3. Or, on remarquera que C’est bien dans ce cadre que je vais également m’ins- dans le cas des progressions TB et TC, les deux accords constituant un enchaînement ne peuvent en aucun crire. Ainsi dé"ni, le style peut cependant permettre cas appartenir à la même tonalité : ni le premier, ni de regrouper des œuvres à di%érents niveaux, ce que le second n’est alors plus susceptible que l’autre d’être précise Jan LaRue de la façon suivante : perçu et considéré comme une tonique, et il faut donc « Dans une perspective purement musicale, le style bien admettre que la séquence pendulaire étudiée d’une pièce est fait des éléments et procédés de prédilec- évolue dans un contexte qui n’est ni tonal, ni modal, tion d’un compositeur quand il développe mouvement et forme [...]. Par extension, nous percevons le style dis- ce qui invalide l’usage de fonctions harmoniques. tinctif d’un groupe de pièces grâce à l’usage récurrent des D’ailleurs, c’est aussi ce que met en avant Bartoli mêmes choix [...]. Encore plus généralement, des carac- qui, liant l’emploi de progressions médiantiques à téristiques communes peuvent individualiser toute une école ou une période. » (LaRue, 2008 : ix ; cité et traduit une « harmonie des couleurs » (c’est-à-dire, à une par Rudent, 2011 : 192) utilisation de ces enchaînements pour leur couleur plutôt que pour des raisons syntaxiques), précise que Étudier le style black metal, c’est donc s’intéresser à cette dernière « tend à remettre en cause l’harmonie des éléments musicaux fréquemment rencontrés au fonctionnelle » (Bartoli, 2001 : 121). Alf Björnberg sein d’un corpus constitué d’œuvres produites par paraît aller aussi dans ce sens : s’intéressant à une un ensemble d’artistes apparentés au black metal. Par chanson du groupe de death metal Napalm Death, ailleurs, pour être pertinents, ces éléments doivent il invite en e%et à considérer le « caractère a%ectif » posséder un caractère distinctif : la reconnaissance d’un enchaînement à distance de triton plutôt que ses d’un élément stylistique en tant que tel s’e%ectue propriétés tonales (Björnberg, 1996 : 76). De fait, il donc en deux étapes. ! n° 9-2 semble nécessaire de considérer la qualité sémantique

des enchaînements TB et TC pour comprendre leur utilisation, ce que nous constaterons sitôt réalisé le

Volume travail stylistique qui intervient en premier lieu. 183 « Fear and Wonder »

Progressions médiantiques mineures de façon systématique les éléments TB et TC. S’il et style black metal n’est pas question de dresser ici la liste de toutes Au cours de mes recherches sur le black metal, les occurrences de ces enchaînements, le tableau de j’ai été amené à construire un corpus représen- la Figure 2 permet néanmoins d’avoir un aperçu tatif de ce genre. Le travail mené ici s’est donc de l’importance de cet élément pour les musiques appuyé sur ce corpus préexistant et j’y ai recherché black metal.

Groupe Titre Année Type d’enchaînement : accords (minutage)

Behemoth $e $ousand Plagues I Witness 1998 TC : mi m – do m (0’16’’)

Burzum My Journey To the Stars 1992 TB : fa m – la- m (0’15’’)

Burzum Jesu Død 1996 TC : fa m – la m (1’24’’)

Darkthrone En Vind av Sorg 1995 TC : fa m – la m (début)

Gorgoroth Teeth Grinding 2003 TC : ré m – fa+ m (début)

Immortal As the Eternity Opens 1994 TB : si- m – ré- m (1’10’’) Marduk Intro/$e Appearance of T et T : la m – fa m – 1994 C B Spirits of Darkness la- m – etc. (début)

Marduk As A Garment 2009 TB : sol m – mi m (1’30’’)

Mayhem I Am $y Labyrinth 1997 TC : ré- m – fa m (3’30’’)

Satyricon Immortality Passion 1996 TC : mi m – do m (7’20’’)

4 Figure 2 : Quelques enchaînements TB et TC dans le black metal .

5 Les enchaînements TB et TC sont présents chez la (« A Distant Flame Before the Sun », 1999 ), plupart des groupes examinés. De plus, ils ne sont Enslaved (« Isøders Dronning », 1994 6), Windir pas l’apanage d’une période particulière, puisqu’ils (« Resurrection of the Wild », 2003 7) ou encore concernent tout autant les premières productions (« Feed on the Mortals », 2005 8), du style (telles celles de Burzum ou Immortal) entre autres. Volume que les plus récentes (Marduk ou Gorgoroth). TB Cependant, quelle est l’importance de TB et TC et TC semblent donc solidement ancrés dans le style ; d’autant plus qu’au-delà de ce corpus res- pour les musiques populaires considérées dans leur ! n° 9-2 treint, leur présence continue à se véri"er (ce qui ensemble ? Si les enchaînements étudiés s’avéraient témoigne de la vitalité et de la di%usion des élé- être des éléments de langage courants, ils perdraient ments ciblés) : on les trouve alors chez Summoning leur caractère distinctif et ne contribueraient 184 Bérenger Hainaut

plus à une di%érenciation entre ce qui est black s’appréhender en tant qu’évolutions d’autres élé- metal et ce qui ne l’est pas. Pourtant, plusieurs ments déjà présents dans les musiques populaires, études montrent qu’il n’en est rien. Examinons aucun indice ne vient témoigner d’une telle évo-

en premier lieu l’article « Patterns of harmony » lution dans le cas de TB et TC. Cette carence est d’Allan Moore (Moore, 1992) : l’auteur y rassemble d’autant plus remarquable que le langage harmo- une large collection de motifs harmoniques issus nique décrit par Moore et Tagg inclut la plupart d’un vaste corpus de chansons rock, pop et soul des autres progressions médiantiques exposées par et montre ainsi de larges similitudes harmoniques Bartoli (voir en particulier Tagg, 2009 : 175, 186 entre ces trois catégories. Il en déduit l’existence et 235). Avant de tenter de rendre compte de cette d’un langage harmonique commun à la plupart lacune manifeste, il nous faut comprendre l’origine des musiques populaires, et de fait, il serait facile de ces éléments. de montrer que le style black metal (et a fortiori le style heavy metal) emploie un grand nombre des La piste du symphonisme formules mises au jour par Moore. Toutefois, une Certains groupes liés au black metal utilisent sensible- lecture approfondie de la liste présentant de façon ment plus d’enchaînements TB et TC que les autres. exhaustive tous les enchaînements mobilisés par Par exemple, le groupe a recours à l’une Moore pour son projet permet de se rendre compte ou l’autre de ces progressions sur six des onze chan- de la chose suivante : seules trois 9 chansons parmi sons de son album Midian (Cradle of Filth, 2000). les plusieurs centaines répertoriées contiennent De même, les met en œuvre sur huit

TB ou TC, très rares dans ce contexte. Dans son des onze titres de son album Puritanical Euphoric ouvrage Everyday Tonality, Philip Tagg ne présente Misanthropia (Dimmu Borgir, 2001). Chez l’un

d’ailleurs pas plus d’exemples de TB ou TC que comme chez l’autre, il ne s’agit pas là de circonstances Moore 10, ce qui vient renforcer cette première exceptionnelles, puisque les éléments TB et TC s’accu- impression (Tagg, 2009). En"n, Elvio Cipollone mulent tout au long de leur discographie : la Figure 3 n’aborde pas ces éléments dans sa thèse consacrée (ci-contre) donne un aperçu de cette situation chez aux « comportements harmoniques caractéristiques Dimmu Borgir. de la ‘pop music’ » (Cipollone, 2009). Or, ces deux groupes sont sans doute ceux qui sont Au contraire, nous avons vu la place importante le plus systématiquement associés à un sous-style du que ces enchaînements occupent au sein du black black metal dit « symphonique »12. Que l’on parle metal : il est donc raisonnable de considérer dès à de black metal ou non, l’étiquette « symphonique »

présent que TB et TC sont des éléments pertinents signale généralement l’utilisation massive de claviers ! n° 9-2 pour décrire ce style. Néanmoins, d’où proviennent- utilisés de façon harmonique, ou de samples d’or- ils, et comment comprendre leur absence dans le chestre (orchestre à cordes la plupart du temps). Dans langage des musiques populaires en général ? Alors certains cas, un véritable orchestre peut d’ailleurs être

Volume que la plupart des traits du black metal peuvent sollicité pour l’enregistrement d’un album : Death

185 « Fear and Wonder »

Album Année Titre Type d’enchaînement : accords (minutage) Fear and Wonder TC : fa+ m – ré m (0’20’’) ; et TB : la- m – fa m (2’40’’)

Blessings Upon the $rone Of Tyranny TB et TC : si m – ré m – si- m (2’28’’)

Hybrid Stigmata - $e Apostasy TC : do m – la- m (début) Puritanical Architecture of a Genocidal Nature T : ré m – fa+ m (1’00’’) Euphoric 2001 C

Misanthropia Indoctrination TC et TB : si m – sol m – si- m (1’30’’)

$e Maelstrom Mephisto TC : mi- m – sol m (3’10’’) T Absolute Sole Right C : fa m – la m (0’30’’) ; et TB : si m – ré m (5’02’’)

Sympozium TC : ré- m – fa m (2’16’’)

Progenies Of $e Great Apocalypse TC : fa+ m – ré m (0’55’’) Death Cult 2003 Allegiance T : si m – sol m (2’11’’) Armageddon C

Eradication Instincts De"ned TC : do m – la- m (0’50’’)

In Sorte $e Heretic Hammer (Bonus Track) TC : sol m – si m (1’15’’) 2007 Diaboli $e Fundamental Alienation TC : ré m – si- m (0’35’’)

Born Treacherous TB et TC : fa m – la- m ; fa m – ré- m (0’32’’)

Abrahadabra 2010 Gateways TC : ré+ m – si m (0’18’’)

Chess With the Abyss TB : fa m – ré m (2’20’’) 11 Figure 3 : Quelques TB et TC dans la musique de Dimmu Borgir .

Cult Armageddon de Dimmu Borgir et Damnation de power metal 14 symphonique Rhapsody utilise and a Day de Cradle of Filth semblent les meilleurs fréquemment ces enchaînements, ce qui est percep- exemples de cette situation pour le black metal. Quoi tible sur l’album Power of the Dragon#ame, paru en

qu’il en soit, il s’agit toujours d’un travail de composi- Volume 2002 (entre autres, TC est présent dans « Gargoyles, tion incluant les aspects sus-mentionnés, et non d’un Angels of Darkness 15 » ; il apparaît également dans 13 travail d’arrangement a posteriori . « Power of the Dragon'ame 16 »). L’album suivant du

Par suite, il est intéressant de constater qu’en se pen- groupe comporte aussi cette progression (au début ! n° 9-2 chant sur d’autres groupes labellisés « symphonique » de « $e Dark Secret » par exemple 17 ; Rhapsody, mais ne jouant pas de black metal, on retrouve les élé- 2004), et c’est encore ce même élément harmonique 18 ments TB et TC qui nous intéressent. Ainsi, le groupe qui ouvre Triumph or Agony, publié en 2006 . Le 186 Bérenger Hainaut

groupe Fairyland, dont le style est similaire, mobi- avril 1998 : 70-73). D’une façon générale, les liens lise pareillement ces progressions harmoniques : entre Cradle of Filth et le cinéma sont très importants, on pourra les écouter par exemple sur Of Wars In ce dont témoigne l’ouvrage co-écrit par Dani Filth – Osyrhia, édité en 2003 (« Doryan $e Enlightened » le leader du groupe – et Gavin Baddeley (Baddeley

contient un TC ; TB apparaît par ailleurs dans « $e & Filth, 2010). Plus précisément toutefois, la presse Fellowship 19 »). Dès lors, si l’on postule l’existence spécialisée évoque l’influence de Jerry Goldsmith de traits harmoniques partagés par les groupes dits parmi d’autres (Hard N’Heavy, décembre 1996 : 26). « symphoniques », alors d’où proviennent ces traits ? En"n, – vocaliste dans Dimmu Borgir – Les interviews accordées par les di%érents groupes expliquait en 2003 que – alors responsable des dont il est question ici peuvent renseigner sur leurs claviers – « écoute beaucoup plus de musiques de "lms in'uences musicales. Ainsi, Philippe Giordana, qui que de musique classique [...] ». Le journaliste évoque se déclare « principal compositeur » de Fairyland, quant à lui une fois encore la "gure de Danny Elfman a&rme être in'uencé par « Mike Old"eld, Blind (Hard N’Heavy, août 2003 : 42). Guardian » et par les « compositeurs de musiques de Le cinéma exerce donc une in'uence musicale non "lms : [John] Williams, [Danny] Elfmann, [Hans] négligeable sur la frange symphonique du metal, Zimmer... » (Aux portes du metal, 2006). Il précise et tous les compositeurs de metal cités ci-dessus d’ailleurs : « la musique que je compose est basée sur revendiquent une "liation avec certaines musiques des B.O. [bandes originales] de "lms, donc les arran- de "lms. gements claviers sont très présents » (Secret of Steel, s. d.). En ce qui concerne Rhapsody, le guitariste Luca Langages symphoniques : Turilli détaillait en 2010 le projet artistique de l’al - du cinéma au metal bum $e Frozen Tears of Angels de la façon suivante : Pourtant, de très nombreux styles musicaux se « nous voulions mettre un maximum d’éléments sym- côtoient au sein du genre « musique de "lm » : si phoniques et réaliser une œuvre proche d’une bande l’on souhaite établir un lien stylistique entre le metal originale de "lm » (Guitariste, 2010). Au cours d’un et celui-ci, il faut comprendre de quelles musiques second entretien, Alex Staropoli – claviers – réalisait de "lms il est question en particulier. Les compo- de plus un parallèle entre la façon dont lui et Turilli siteurs cités dans les interviews qui précèdent sont travaillaient et la réalisation d’une musique de "lm les suivants : Danny Elfman, Jerry Goldsmith, Hans (Metal Discovery, 2011). En outre, il faut noter la Zimmer et John Williams. Or, Cécile Carayol lie présence de l’acteur Christopher Lee 20 en tant que directement ce dernier à ce qu’elle nomme le « néo- narrateur sur les albums du groupe depuis 2004. hollywoodisme » et qu’elle présente ainsi : ! n° 9-2 Cradle of Filth a peut-être été un précurseur de cette « […] la force du néo-hollywoodisme amorcé par John dernière démarche puisqu’en 1998, c’est l’actrice Ingrid Williams à la fin des années 1970, est de réintroduire 21 Pitt qui était venue contribuer à l’enregistrement de les principes d’écriture provenant du symphonisme hol-

Volume l’album Cruelty and the Beast (Hard Rock magazine, lywoodien des années 1930-1940. […] La singularité 187 « Fear and Wonder »

des partitions de John Williams s’affirme surtout […] en voir là un parallèle avec la démarche d’Allan Moore mêlant les codes établis à des exigences artistiques per- (Moore, 1992) : de même que la soul et le rock – sonnelles avec l’utilisation d’un langage plus moderne qui sont deux styles très di%érents – s’appuient sur auquel des compositeurs comme Jerry Goldsmith, John Barry, Howard Shore, Christopher Young, Danny un même langage harmonique, il apparaît que les Elfman, puis James Horner, Hans Zimmer ou James musiques symphoniques de "lms se fondent sur des Newton Howard s’associent. » (Carayol, 2012 : 55.) « "gures de styles musicales » partagées (Carayol, 2012 : 87). Tous les compositeurs précédemment mentionnés relèvent donc du courant néo-hollywoodien. Est-ce à Toujours est-il que la chercheuse détaille un certain dire que leurs musiques partagent des caractéristiques nombre de ces éléments de langage et, bien qu’elle communes ? En fait, Carayol va beaucoup plus loin, n’évoque ni les enchaînements TB et TC, ni même puisqu’elle avance l’idée de l’existence « d’un langage « l’harmonie des médiantes » en général, la présence propre » à la musique symphonique de "lms (ibid. : importante dans son livre de ce type de progres- 87). Pour saisir cela, il faut préciser que le projet de sions harmoniques est frappante. La Figure 4 (page l’auteur dépasse le contexte des musiques de "lms suivante) recense la plupart des éléments TB et TC américains : il s’agit pour elle de montrer qu’il existe contenus dans les exemples musicaux proposées au sein du cinéma français contemporain un langage par Carayol elle-même : on constate que TB et TC musical spéci"que, qu’elle appelle le « symphonisme apparaissent régulièrement dans les "lms français intimiste » et qui dérive en partie du symphonisme sélectionnés par l’auteur. Si seules quelques "gures d’Hollywood. À la suite d’une longue étude détaillée, témoignent de l’apparition de ces éléments dans le elle résume : symphonisme néo-hollywoodien, les recherches com- plémentaires e%ectuées par mes soins révèlent de plus « Le fait que les compositeurs étudiés partagent des codes d’écriture communs […] est peut-être révélateur l’importance de TB et TC pour ces musiques (ce que d’une évolution. […] S’il a connu une évolution montre la Figure 5, voir page suivante). interne, le symphonisme hollywoodien établi depuis les années 1930 pour ce cinéma d’émotions collectives Il est donc clairement établi que les compositeurs s’impose rétrospectivement comme un modèle mentionnés par les musiciens du metal sympho- incontestable, à tel point que […] des compositeurs nique utilisent les éléments TB et TC. Plus encore, comme Bruno Coulais, Alexandre Desplat, Krishna ces progressions font vraisemblablement partie du Levy ou Philippe Rombi, aux aspirations artistiques langage communément articulé dans les musiques pourtant différentes, font appel à un langage voisin. » symphoniques de "lms. Résumons néanmoins la Volume (ibid. : 252.) situation : sans aucun doute, le symphonisme dans le Ce que ceci a d’essentiel, c’est que si les musiques du metal met à pro"t certains des traits harmoniques du

« symphonisme intimiste » sont di%érentes de celles symphonisme néo-hollywoodien, dont il revendique ! n° 9-2 du « néo-hollywoodisme », ces musiques partagent l’in'uence de façon générale 22. Partant, il est pos- pourtant tout un ensemble de codes et reposent – sible de faire l’hypothèse que le symphonisme dans d’après l’auteur – sur des bases communes. On peut le metal soit beaucoup plus redevable au sympho- 188 Bérenger Hainaut

Films français Films américains

Titre du film Type : accords Titre du film Type : accords Compositeur Année Compositeur Année (réalisateur) (page de l’ouvrage) (réalisateur) (page de l’ouvrage) Huit femmes T : fa m – Wojciech Dracula T : fa m – la m Krishna Levy 2002 C 1992 C (F. Ozon) ré- m (39) Kilar (F. F. Coppola) (74) Bruno Les rivières pourpres T : mi- m – Jerry Basic Instinct T : ré m – 2000 B 1992 C Coulais (M. Kassovitz) do m (68) Goldsmith (P. Verhoeven) fa+ m (149) Con!dences trop T : ré m – si- m Pascal Estève 2004 C intimes (P. Leconte) (123) Philippe Swimming Pool T : la m – do m 2003 B Rombi (F. Ozon) (146) Hell T : si- m – Cyrille Aufort 2006 B (B. Chiche) sol m (156)

Figure 4 : TB et TC dans les exemples musicaux de Carayol, 2012.

Titre de l’extrait de Type d’enchaînement Compositeur Année Titre du film (réalisateur) la bande originale (minutage) « Introduction » & T : sol m – mi m (3’42’’) ; Danny Elfman 1999 Sleepy Hollow (T. Burton) B « $e Tree of Death » TB : do m – la m (2’43’’) T et T : ré m – fa+ m – Danny Elfman 2002 Spider-Man (S. Raimi) « Main Title » C B la m (0’50’’) Elliot T et T : do m – mi- m – 1992 Alien 3 (D. Fincher) « Lento » B C Goldenthal do- m (2’10’’) Jerry 1992 Basic Instinct (P. Verhoeven) « Main Title » T : ré m – fa+ m (début) Goldsmith C James Newton $e Sixth Sense (M. Night 1999 « Tape Of Vincent » T : la m – do+ m (2’45’’) Howard Shyamalan) C Basil « Column of Sadness / T : sol+ m – si m (0’30’’) ; 1982 Conan the Barbarian (J. Milius) B Poledouris Wheel of Pain » TC : la m – do+ m (0’58’’) $e Lord of the Rings, $e « At the Sign of the T et T : fa m – la m – Howard Shore 2001 C B Fellowship of the Ring (P. Jackson) Prancing Pony » do m – etc. (0’08’’) Star Wars, Episode I: Phantom T : mi m – do m John Williams 1999 « Duel of the Fates » C Menace (G. Lucas) (0’08’’, puis 1’22’’)

Harry Potter and the Philosopher’s TB et TC : mi m – sol m ;

! n° 9-2 John Williams 2001 « $e Prologue » Stone (C. Columbus) fa m – la m (2’13’’)

Hans Zimmer 2002 $e Ring (G. Verbinski) « Lighthouse Music » TC : ré m – si- m (0’15’’)

Volume Figure 5 : Quelques TB et TC dans le néo-hollywoodisme. 189 « Fear and Wonder » nisme des musiques de "lms qu’au symphonisme des Cécile Carayol, mais comment caractérise-t-elle ces musiques dites classiques 23 : il s’agit du moins d’une "lms ? Son introduction nous en dit déjà beaucoup : idée à approfondir et ces nouveaux liens stylistiques « Introversion, non-dit et inconscient tourmenté sont viendraient certainement contrebalancer et complé- récurrents ici, mêlés à une dimension de suspense, de ter les relations précédemment établies par Robert mystère qui peut s’exprimer à travers un jeu entre le réel Walser entre le metal et les musiques dites classiques et l’imaginaire. » (Carayol, 2012 : 12.) (Walser, 1993). Dans ce cinéma teinté « d’étrangeté » et « d’horreur » (ibid. : 70), elle évoque l’utilisation de « principes En tout état de cause, cette première explication aide [musicaux] propices à l’évocation de la peur, voire du à comprendre comment T et T ont été introduits B C fantastique », caractéristiques « principalement issues dans le metal symphonique au sens large, et donc de ce que l’on pourrait nommer le néo-hollywoodisme dans le black metal symphonique. Toutefois, cela moderne » (ibid. : 87). Ce dernier est d’ailleurs analysé ne su&t pas : le mouvement symphonique s’étant à travers deux de ses facettes principales : le « lyrisme développé des années après l’introduction de T et T B C épique » (ibid. : 60) et « l’épique-obscur » (ibid. : 56). dans le black metal, il faut trouver une autre explica- tion à la présence de ces éléments dans ce style. C’est Bien entendu, un "lm n’est jamais monolithique et alors la signi"cation de ces progressions particulières les termes qui précèdent ne s’appliquent souvent qu’à qui va nous occuper. certaines scènes emblématiques des "lms concernés. Toutefois, ce sont justement ces scènes qui sont

porteuses des éléments TB et TC, ce qui implique que Ébauche pour une interprétation le vocabulaire sus-mentionné s’avère pertinent. Dès lors, face à cette prolixité de noms et d’adjectifs, je sémiologique me trouve en di&culté au moment de délimiter le Il ne s’agit pas ici de montrer que les cellules har- « champ sémantique » (Tagg, 2007 : 747) à associer aux éléments TB et TC. La dimension « épique » moniques TB et TC portent un sens qui leur est propre mais plutôt de signaler qu’elles apparaissent ne paraissant pas convenir à toutes les situations 24 la plupart du temps dans des situations particulières rencontrées, je propose de parler de « fantastique sombre » : il semble en effet qu’à « l’inquiétante que je tâcherai de dé"nir au mieux. Je me borne- étrangeté » évoquée se mêle toujours une certaine

rai donc à proposer un lien entre un texte ou un Volume « noirceur », pour ne pas dire quelque chose de contexte et la présence de ces éléments musicaux « malé"que ». Les "lms présentés par la Figure 5 particuliers. appuient cette association d’idées : beaucoup sont des

Sleepy Hollow $e Sixth Sens Alien ! n° 9-2 « Fantastique sombre » et musiques de films "lms fantastiques ( , , 3) ou d’horreur ($e Ring), et ceux qui ne relèvent

Nous avons vu que TB et TC apparaissent souvent pas tout à fait de ces catégories incluent une large part dans le corpus des "lms français sélectionnés par de surnaturel (Harry Potter, Star Wars, Spider-Man). 190 Bérenger Hainaut

Plus précisément, quelques exemples ponctuels vont Ces enchaînements médiantiques sont certes un peu venir illustrer cette idée. Tout d’abord, le « thème de moins prégnants – bien que plus utilisés – que dans l’Empire » de Star Wars (Williams, 1983) est fondé le premier exemple. Pourtant, une fois encore, ce

sur un enchaînement TC (sol m – mi- m ; voir la type d’harmonisation accompagne un thème dont Figure 6). « l’allure et la texture » symbolisent fortement « la magie, la sorcellerie et le malé"ce », Carayol décri- vant ainsi une courbe mélodique qui devient « très accidentée, tortueuse, dans la partie la plus obs- cure du thème a"n de révé- ler le malé"ce » (Carayol, 2012 : 77). En"n, le thème principal de Basic Instinct, Figure 6 : Star Wars, « Thème de l’Empire » entièrement construit (réduction harmonique) 25. sur un TC, est synonyme de Ce thème, dans la première trilogie de Georges Lucas, « trouble », « d’ambiguïté » et « d’instabilité » pour est associé à Dark Vador ainsi qu’à l’Empereur : tous l’Allemand Kreuzer (Kreuzer, 2001 : 147) comme deux représentent le « côté obscur de la Force », sorte pour Carayol (Carayol, 2012 : 185). de magie noire transposée dans l’univers de ce space Tout cela ne permet sans doute pas d’associer une opera, et le choix d’une harmonisation avec TC n’est signi"cation musicale extrinsèque aux progressions pas anodin. Si l’on se tourne à présent vers d’autres TB et TC ; mais au moins pouvons-nous constater une sorciers – ces derniers étant déclarés comme tels cette corrélation assez systématique entre ces éléments et fois-ci –, on observe que le thème principal d’Harry un contexte désigné comme « fantastique sombre ».

Potter combine quant à lui les enchaînements TB (mi Cela ne veut pas dire que l’expression de ce dernier

m – sol m) et TC (fa m – la m ; voir la Figure 7). nécessiterait d’employer TB et TC , mais plutôt que ces deux enchaînements pourraient s’avérer être un moyen de (participer à) convoquer ce « fantastique sombre ». ! n° 9-2

Volume Figure 7 : Harry Potter, Thème principal (réduction harmonique) 26. 191 « Fear and Wonder »

Le « sombre » et le « malsain » dans les dans des domaines malsains » (Bénard, 2008 : 51). musiques black metal En"n, le sociologue Fabien Hein annonce : Quoi qu’il en soit, ces associations cinématogra- « Le death metal cherche à repousser les limites de la phiques irriguent ensuite les musiques populaires, sauvagerie. Tout comme le black metal qui y incor- pore cependant une dimension bestiale et lugubre. […] bien que de façon sporadique. La place manque Le black metal se complaît dans l’obscurité. » (Hein, ici pour donner des exemples de cette situation. 2003 : 62.) Bornons-nous à rappeler que dans ce contexte géné- Quand il s’agit de qualifier la musique du black ral, TB et TC ne sont pas des éléments de langage courants et relèvent plutôt de l’exception : ils inter- metal, la plupart des adjectifs utilisés convergent vers un même champ sémantique lié à « l’obscur » et au viennent a"n de souligner une situation particulière, « mal »27. Mais ces adjectifs ne sont pas tant destinés liée à ce que j’ai tenté de résumer par le biais de l’éti- à décrire une musique déjà produite qu’à nourrir un quette « fantastique sombre ». Au contraire, le black projet en gestation : les qualités précitées sont celles metal a tendance à généraliser ces enchaînements : vers lesquelles la musique des di%érents artistes de pour comprendre les raisons de cette di%érence, il la scène doit tendre. Le « sombre » et le « mauvais » faut se pencher sur le projet artistique de ce mouve- sont donc des buts à atteindre, qui conditionnent les ment musical. choix compositionnels des musiciens. En 2003, Shagrath – vocaliste pour le groupe Dimmu Bien entendu, de nombreux courants musicaux se Borgir – déclarait en interview : « Lorsque nous avons revendiquent « sombres », tout en produisant des donné naissance à Dimmu Borgir, notre intention musiques fondamentalement di%érentes les unes des était de créer la musique la plus sombre et la plus autres. En soi, ceci n’est pas étonnant : que certains malsaine qui soit » (Metallian, juillet 2003 : 61). éléments soient liés au « sombre » n’implique pas Régulièrement attaqués par des détracteurs qui leur qu’ils soient nécessaires à celui-ci, et les choix réalisés reprochent d’avoir édulcoré leur style black metal a"n par deux scènes musicales pour atteindre un même de vendre plus d’albums et de gagner plus d’argent, objectif – tout du moins en apparence – peuvent les membres de Dimmu Borgir se justi"ent fréquem- s’avérer tout à fait dissimilaires. Pourtant, le projet ment dans les pages de divers magazines en invoquant artistique du black metal intègre une dimension sup- ce qui ressemble au meilleur gage d’authenticité plémentaire, qui incite à le rapprocher un peu plus pour ce milieu : la volonté de produire une musique que d’autres de l’idée de « fantastique sombre » déjà Volume « sombre » et « malsaine ». Satyr, leader de Satyricon, proposée. En e%et, le « sombre » du black metal n’est utilise également l’adjectif « sombre » au cours d’une pas simplement « mauvais » ou « triste » : à travers interview datée de 2006, parlant aussi de « noirceur » le nom du mouvement et son origine, ce « sombre » ! n° 9-2 (Metal Immortel, 2006). Heimoth quant à lui – gui- est déjà teinté d’une part de surnaturel issu du sabbat tariste du groupe français Seth – déclare que « ce qui satanique, cérémonie à laquelle seuls quelques élus fait la spéci"cité du style, c’est […] de s’aventurer ont le droit de participer. Fabien Hein ajoute ainsi : 192 Bérenger Hainaut

« Le black metal aime à cultiver le mystère et à pré- les progressions TB/TC et une ambiance « fantastique server son caractère underground dans un périmètre sombre » sont contemporains de la construction du réduit, réservé aux seuls initiés » (Hein, 2003 : 62). Le black metal en tant que style. En e%et, dire qu’un mouvement se nimbe ainsi d’ésotérisme et la célébrité élément musical est associé à un contexte signi"ant, est reprochée à ceux qui y parviennent – tel Dimmu c’est dire que cette association fait sens pour le plus Borgir. grand nombre, et a fortiori pour les musiciens du Ce rapprochement entre les contextes d’apparition black metal (d’autant que ceux-ci, vraisemblablement plus amateurs que d’autres d’un cinéma qui met en de TB et TC d’une part et les objectifs a&chés par les acteurs du black metal d’autre part incite à envisager avant ce langage harmonique particulier, ont été tout particulièrement exposés à ces éléments). De sorte que le choix de TB ou TC dans ce style de musique soit motivé par la volonté de produire une musique que, de façon consciente ou non, ces "gures musicales « signi"ante ». Cette hypothèse est d’autant plus sont transmises et réutilisées. plausible que les conditions d’émergence du black En tout cas, il paraît raisonnable de dire que le metal paraissent favorables à ce genre de corrélation. « malsain » et le « sombre » revendiqués par les En e%et, puisqu’il s’agit de produire une musique groupes de black metal béné"cient de la médiation « sombre » et « malsaine », quelles vont être les sources des "lms fantastiques ou d’horreur, qui alimentent les d’inspiration majeures des artistes du black metal ? associations entre diverses caractéristiques musicales et Nicolas Castelaux rappelle la grande in'uence d’un ce type de champ sémantique. Si un tel raisonnement certain cinéma d’horreur chez Mayhem (Castelaux, permet d’expliquer la présence de TB et TC dans ce 2010 : 55 et 73). Cette information est con"rmée par genre de corpus, il permet également de comprendre Sven-Erik Kristiansen – alias « Maniac », un temps pourquoi ces éléments sont si peu présents dans le chanteur pour Mayhem – qui déclare : « Nous nous reste des musiques populaires : étant trop connotés, inspirions de "lms interdits en Norvège à l’époque. ils apportent rapidement une dimension obscure et […] Il s’agissait de "lms gores. Des "lms de zom- étrange à la chanson qui les met en œuvre, ce qui va 28 bies, des "lms d’horreur et des "lms gores » (NRK1, à l’encontre de ce que beaucoup d’artistes populaires 2003 : 4’02’’). Michael Moynihan va aussi dans ce souhaitent. De plus, tout ceci permet de rendre sens, évoquant à plusieurs reprises des « "lms d’hor- compte de di%érences observées entre le power metal reur de série B » (Moynihan & Søderlind, 2005 : 63, symphonique et le black metal symphonique : alors 108, 316) ainsi que d’autres "lms comme Conan the que ces deux styles utilisent fortement le langage Barbarian (ibid., 389). harmonique des musiques symphoniques de "lms, Néanmoins, l’argument qui plaide le plus en faveur les musiciens du black metal symphonique ne ! n° 9-2

d’une utilisation de TB et TC pour leurs qualités s’intéressent qu’aux éléments les plus « sombres »

sémantiques est peut-être le suivant : ayant été réalisés de celui-ci (dont TB et TC font partie), tandis que dans les années 1980-2000, les "lms qui contribuent ceux du power metal symphonique embrassent ce

Volume le plus fortement à cristalliser cette association entre langage de façon plus générale et ne déploient TB 193 « Fear and Wonder »

et TC qu’à l’occasion de séquences particulièrement meilleure appréhension de l’œuvre, du point de vue noires ou dramatiques. C’est pourquoi, c’est dans le de sa production comme de sa réception. style de groupes de black metal symphonique comme Cette démarche, qui aide à apprécier pourquoi cer- Dimmu Borgir (qui associent un intérêt particulier tains traits musicaux sont utilisés plutôt que d’autres, pour le langage du symphonisme hollywoodien à un ne doit pas se substituer pour autant à la recherche projet artistique orienté vers l’obscur et le malsain) d’une "liation stylistique de ces traits, qui permet que l’on retrouve le plus de progressions T et T . B C quant à elle de cerner l’origine de ceux-ci et de poser des passerelles entre divers champs musicaux. Les résultats proposés dans cet article incitent d’ailleurs Conclusion à évaluer une nouvelle fois les liens existants entre Il paraît donc essentiel d’envisager la dimension les musiques populaires et le cinéma. En e%et, si un sémantique des enchaînements TB et TC pour com- nombre raisonnable de chercheurs se sont déjà pen- prendre la raison de leur apparition, en particulier chés sur l’in'uence thématique du cinéma sur les dans les musiques populaires actuelles. Utilisée musiques populaires29, peu ont jusqu’à présent pris conjointement à une analyse stylistique, la sémiolo- en compte l’in'uence des musiques de "lms sur ces gie se révèle alors être un outil précieux pour justi"er corpus30. Les perspectives de recherche sur ce sujet certains choix de composition et permettre ainsi une s’annoncent d’ores et déjà vastes et prometteuses. Volume

! n° 9-2 194 Bérenger Hainaut

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Sarabande. Volume 197 « Fear and Wonder »

Notes 20. Célèbre interprète de Dracula dans les années 1960-1970, il 1. Une version longue de cet article a été publiée sur le site de a incarné plus récemment Saroumane dans Le Seigneur des Volume : http://volume.revues.org/3296 anneaux de Peter Jackson, ainsi que le Comte Dooku dans 2. Voir également les recensions de ces deux ouvrages dans ce la seconde trilogie Star Wars de Georges Lucas. même numéro, dans le dossier « Metal studies ». 21. Ingrid Pitt était une des actrices emblématiques des "lms 3. Par exemple, un accord de do mineur est suivi d’un accord fantastiques de la Hammer Film Productions dans les de la mineur, à son tour suivi de do mineur, etc. années 1960-1970. 4. Les albums dont sont issus chacun de ces titres sont signalés 22. Par exemple, la comparaison entre l’extrait de $e Sixth Sens dans la discographie. de la Figure 5 et le titre « Fear and Wonder » de Dimmu

5. TC : sol m – mi- m (début). Borgir (voir la Figure 3) est remarquable. 23. Certes, les enchaînements T et T sont aussi présents dans 6. TC : mi m – do m (début). B C 7. T et T : fa m – ré- m – fa- m (1’55’’). le romantisme (et donc, dans la musique « classique »). C B Pourtant, la façon dont ces éléments sont traités dans le 8. T : sol+ m – si m (début) et T : sol+ m – mi m (0’54’’). B C néo-hollywoodisme (qui les utilise beaucoup plus souvent

9. Il s’agit de : « Light my Fire » des Doors (TB : la m – fa+ et leur accorde une plus grande visibilité) est sans équivoque. do m ; page 88), « Heartbeat » de King Crimson (TC : + m 24. J’adopte ici pour le terme « fantastique » une acception – la m ; page 88) et « Little miss lover » de Jimmy Hendrix usuelle : « qui appartient au surnaturel, qui est créé par fa la- (TB : m – m ; page 102). l’imagination » (ATILF, 2012). 10. « Light my Fire » des Doors est le seul que j’ai reperé (T(99, 25. Ce « thème de l’Empire » apparaît tout d’abord dans $e 2009 : 185). Empire Strikes Back (« $e Imperial March: Darth Vader’s

11. Seuls les TB et TC présents dans Puritanical Euphoric theme », W-++-(?:, 1980). Si le TC présenté ci-dessus n’est Misanthropia ont été dénombrés avec une volonté d’exhaus- pas très bien perçu dans cette première version, toutes les tivité. Pour les albums suivants, il ne s’agit que de quelques réinterprétations ultérieures du thème le mobilisent clai- enchaînements parmi d’autres. rement (écouter en particulier « $e Emperor Arrives » et 12. Mes recherches sur la presse spécialisée me permettent de « $e Emperor Confronts Luke » dans W-++-(?:, 1983). réaliser ce constat. 26. Transcription réalisée à partir de : « $e Prologue » (2’10’’), 13. L’ a l b u m S&M de Metallica est un bon exemple de ce der- dans W-++-(?:, 2001. nier cas. 27. Le thème de la « violence » est aussi présent lorsqu’il est 14. L’étiquette power metal est employée pour désigner un style question de « metal extrême » : le black metal, le death metal très proche du heavy metal traditionnel mais un peu plus et, dans une moindre mesure, le thrash metal sont souvent énergique que celui-ci. associés à ce dernier champ sémantique. 15. T : fa+ m – ré m (14’46’’). 28. « We were inspired by movies that were banned in Norway Volume C at that time. $ey were splatter movies. Zombie, splat, horror 16. T : ré m – si- m (0’48’’). C and gore !lms. » la fa mi 17. On peut entendre deux TC : m – m (0’50’’) et m 29. On consultera par exemple R-8(2, 2004 et U0,-P*.*:2/,

– do m (1’00’’). 2010. ! n° 9-2

18. TC : ré m – si- m (« Dar-Kunor », 0’18’’ ; R/(<:1),, 2006). 30. Soulignons toutefois le travail déjà réalisé par Franco Fabbri,

19. Respectivement : TC : mi m – sol+ m (1’15’’) ; et TB : la m auquel la démarche de cet article doit beaucoup (F(880-, – do m (3’00’’). 2010).