La Bataille De Paris
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Depuis 1977, la première ville de France n’a connu que deux couleurs. Après la domination des barons du RPR, l’ère socialiste est désormais LA BATAILLE menacée par LREM, qui espère capitaliser sur les scores vertigineux de son chef à la présidentielle. Aussi les prétendants sont-ils légion à espérer tourner en 2020 la page Hidalgo. La majorité rose-rouge-verte sortante, fragilisée par plusieurs dossiers mal gérés, a-t-elle dit son dernier mot ? DE PARIS Quel chef pour la droite parisienne ? Que pèsent réellement les candidats partis en solitaire ? Et si les insoumis étaient les prochains faiseurs de roi ? À dix mois de l’élection, les états-majors cherchent encore la clé d’un scrutin beaucoup plus serré qu’il n’y paraît. PAR JASON WIELS PHOTOS PATRICE NORMAND/LEEXTRA étrospectivement, la rencontre ne manque pas de plus tard, malgré des œillades de part et d’autre, la dame R piquant. Le 16 octobre 2017, les parlementaires de Lutèce est finalement restée insensible aux charmes marcheurs parisiens fraîchement élus, emmenés par de Jupiter. Julien Bargeton, ex-adjoint aux finances de Gilles Le Gendre, sollicitent et obtiennent un rendez- la majorité municipale et désormais prétendant à l’in- vous avec la maire de Paris. « C’était assez surréaliste, vestiture LREM, résume plus crûment l’attitude de son raconte un membre de l’équipe municipale. Ils nous ont ancienne patronne : « Macron, c’est pas sa came. » délivré un satisfecit sur tous les sujets, en nous disant qu’on avait raison de s’attaquer à la pollution, de construire PARIS = MACRON ? des logements sociaux et d’accueillir les migrants. Le seul En 2020, En marche compte donc détrôner la maire bémol portait sur la méthode, trop rapide, trop forte, sortante, alors que, pour faciliter son enracinement sans concertation, nous ont-ils dit. » Côté marcheurs, on local, le parti va soutenir ailleurs des édiles sortants se dément toute opération séduction, voire on regrette le revendiquant du « progressisme ». « Notre objectif est de geste : « Nous pensions de manière très républicaine et gagner Paris, mais il va falloir la conquérir. On part dans peut-être naïvement que, quels que soient nos différents, l’inconnu la plus totale. Nous sommes les outsiders, cer- il était de notre responsabilité de rencontrer la première tainement pas favoris » détaille le député Pacôme Rupin, magistrate de la ville. On n’a pas renouvelé l’expérience. à la tête du comité de pilotage chargé de préparer le L’invitation n’a d’ailleurs jamais été rendue », clôt un des terrain au futur candidat du parti. macronistes présents autour de la table. Dix-huit mois Sur le papier, la conquête semble assurée. Le 7 mai 2017, 96 97 LE D AIL E T PA « Le pire scénario, c’est un Paris A R B I A S ingouvernable. Certains comptent L sur la tambouille et un troisième tour pour l’emporter, mais ce serait catastrophique ! » UN SCRUTIN JULIEN BARGETON, SÉNATEUR LREM POUR DIX-SEPT ÉLECTIONS neuf électeurs parisiens sur dix ont glissé un bulletin et leurs alliés communistes, écolos et radicaux, un TRÈS CHERS ARRONDISSEMENTS Les Parisiens sont appelés à élire Macron dans l’urne face à Le Pen fille. C’est plus que groupe Génération.s a largué les amarres avec le PS, Une perspective qui donne le sourire à Danielle pour six ans 364 conseillers d’ar- Jacques Chirac en son temps. En 1995, celui qui fut élu bien qu’il reste ancré dans la majorité sortante. Deux Simonnet, seule élue insoumise au Conseil de Paris et rondissement, qui jouent le rôle de maire de la ville à trois reprises n’avait remporté « que » groupes macronistes, les Démocrates et progressistes qui siège parmi les non-inscrits. « Si je devais être dans conseillers municipaux, plus 163 82,2% des suffrages face à Le Pen père. Si les Parisiens (de gauche) et les Parisiens progressistes, construc- cette position, je ne déciderais pas toute seule. Les citoyens conseillers de Paris, qui ont en plus ont toujours été allergiques au lepénisme, doit-on en tifs et indépendants (de droite) ont ajouté un peu de qui auront participé à ma campagne trancheront » pro- la casquette de conseillers dépar- déduire pour autant qu’ils sont tous convertis au macro- plus de couleur au tableau. Après cette recomposition, met-elle. Avec une ligne rouge claire et nette : hors de tementaux. Ce sont eux qui siègent nisme ? « Prendre la mairie de Paris pour LaREM, c’est le groupe Les Républicains et indépendants et ses 44 question de siéger avec des macronistes dans une future à l’Hôtel de la ville et élisent le possible, mais c’est loin d’être gagné d’avance », nuance membres ne dénombre qu’un conseiller de moins que le majorité municipale. Si la conseillère insoumise ne porte maire lors d’un troisième tour. En Mathieu Gallard, spécialiste des études d’opinion à groupe socialiste. pas dans son cœur Anne Hidalgo, qui aurait succombé à 2014, Anne Hidalgo est devenue la Ipsos. « En 2017, Macron a capté toute une partie de l’élec- « Il y a déjà des majorités de circonstances, plus pour mettre « une dérive libérale en bradant le foncier de la capitale », première femme maire de Paris, par torat libéral écologiste ou socialiste : il y a depuis une tri- en échec des projets que pour proposer des solutions » se elle exècre bien plus l’ancien directeur des affaires 91 voix sur 163. partition de l’espace politique parisien, avec un bloc de lamente un élu parisien de gauche. « L’année prochaine, publiques d’Unibail-Rodamco, Benjamin Griveaux, Comme Lyon et Marseille, Paris gauche, du centre et de droite de forces à peu près équiva- on est tout sauf sûr de connaître le nom du maire de Paris donné favori pour l’investiture LaREM. « La princi- bénéficie d’un mode de scrutin par- lentes. » le soir du second tour. » pale différence, s’il gagne, c’est que le lien avec les lobbys ticulier. Si l’élection se joue comme « En vérité, l’élection n’a jamais été aussi ouverte », constate Le risque d’un exécutif soutenu par une minorité de sera encore plus étroit », critique Danielle Simonnet dans le reste de la France par un un maire d’arrondissement qui ne sait pas encore à qui il conseillers, avec une élection au forceps du prochain qui n’oublie pas les conditions royales accordées au scrutin de liste à deux tours, les prêtera allégeance l’année prochaine. Paris serait donc édile, est dans toutes les têtes. « Le pire scénario, c’est un promoteur immobilier français tant sur la rénovation candidats doivent présenter des le laboratoire de la prochaine étape de la recomposition Paris ingouvernable, prévient Julien Bargeton. Certains des Halles que sur la future Tour Triangle, censée sortir listes dans chaque arrondissement. politique... à tel point que des candidats sans investiture comptent sur la tambouille et un troisième tour pour l’em- de terre avant les Jeux olympiques de 2024. Ils sont au nombre de 17 dans la partisane veulent y croire, comme Gaspard Gantzer. porter, mais ce serait catastrophique ! » Le mode de scrutin La candidate, dont les listes ont réalisé 5% des voix il capitale depuis la fusion des Ier, IIe, IIIe « On ne sera pas dans un affrontement droite-gauche, mais parisien [voir encadré], qui gratifie pourtant d’une y a cinq ans, espère bien capitaliser sur son activisme et IVe arrondissements. Une prime dans une mosaïque citoyenne et partisane dans laquelle prime majoritaire les listes qui sortent en tête, pourrait à l’Hôtel de ville. « On me dit que je parle parfois autant majoritaire de 50 % des sièges est chacun aura sa carte à jouer », espère l’ancien conseil- trouver ses limites dans ce panorama plus morcelé que qu’un groupe à moi toute seule. J’ai demandé la publica- accordée à chaque liste qui arrive ler communication de François Hollande. Il revendique jamais. Alors que les bastions de droite et de gauche, tion des stats, mais on me l’a refusée » s’enorgueillit la en tête, l’autre moitié est répartie à le soutien de 1 500 sympathisants et étrille dans les l’Ouest contre l’Est parisien, ont structuré quarante ans porte-parole de Jean-Luc Mélenchon. Celle qui compte la proportionnelle des présents au médias le bilan de la maire sortante, entre « rues dégueu- de vie politique locale, leur existence même est remise lutter contre « la privatisation, la gentrification et la béto- second tour. lasses », « explosion du prix des logements » et « fuite des en cause par la probable multiplication de triangulaires, nisation de Paris » affiche clairement ses objectifs : une Après le premier tour, les listes habitants ». voire de quadrangulaires. « Aucun arrondissement n’est présence au second tour dans les Xe, XIe, XIVe, XVIIIe, XIXe au-dessus de 5 % peuvent fusionner aujourd’hui absolument acquis à un camp », renchérit et XXe arrondissement. Dans ce dernier, elle n’a échoué avec d’autres et prétendre à un LE SPECTRE D’UN EXÉCUTIF MINORITAIRE Mathieu Gallard. Le sondeur se risque même à un aux législatives que d’un point face au marcheur Pierre remboursement public des frais de Dans les faits, la « mosaïque » parisienne est déjà une pronostic inimaginable en 2014 : « Si les trois blocs sont Person. « Je sais que je rencontre une difficulté sociolo- campagne. Au-dessus de 10 %, elles réalité. Le Conseil de Paris s’est tellement fragmenté arithmétiquement alignés, dans un scénario parfait, La gique réelle » se modère-t-elle toutefois face à la chute peuvent se maintenir au second tour. depuis deux ans que l’on y compte neuf groupes, France insoumise pourrait jouer le rôle d’arbitre.