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Les Cahiers de la Société québécoise de recherche en musique

Désiré Defauw, un chef belge à la tête de l’OSM Désiré Defauw: A Belgian Conducter at the Helm of the MSO Lyette Ainey

Les musiques du Québec Article abstract Volume 10, Number 1, December 2008 The 75th anniversary of the Symphony Orchestra provides the opportunity to introduce, or rediscover Désiré Defauw, the first conductor to URI: https://id.erudit.org/iderudit/1054172ar hold a permanent position with the Société des Concerts Symphoniques de DOI: https://doi.org/10.7202/1054172ar Montréal, the MSO’s immediate predecessor. The twelve years (from 1941 to 1953) that the Belgian-born Defauw held the position of conductor of the See table of contents Société des Concerts were crucial to the rise and professional development of that organisation, due in large part to his musical proficiency, prestige, and experience some of the great European symphony orchestras. Defauw’s care in choosing and varying concert programmes and his Publisher(s) broadening of the orchestral repertoire to give pride of place to Canadian Société québécoise de recherche en musique music were the building blocks of the orchestra. His professional connections with internationally renowned , soloists, and conductors were a key factor in promoting and disseminating the orchestra’s work, which led in turn ISSN to the high level of performance and enviable reputation the MSO enjoys 1480-1132 (print) today. 1929-7394 (digital)

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Cite this article Ainey, L. (2008). Désiré Defauw, un chef belge à la tête de l’OSM. Les Cahiers de la Société québécoise de recherche en musique, 10(1), 65–76. https://doi.org/10.7202/1054172ar

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This article is disseminated and preserved by Érudit. Érudit is a non-profit inter-university consortium of the Université de Montréal, Université Laval, and the Université du Québec à Montréal. Its mission is to promote and disseminate research. https://www.erudit.org/en/ l’occasion du 75e anniversaire de la fon- Àdation de l’Orchestre symphonique de Montréal (OSM), il nous semble opportun de Désiré Defauw, lever le voile sur l’apport de son premier chef d’orchestre permanent, Désiré Defauw (1885- un chef belge à 1960). Fort d’une carrière de plus de 30 ans 1 et référé par , le chef belge la tête de l’OSM Désiré Defauw dirige dès 1941 la Société des concerts symphoniques de Montréal (SCSM), Lyette Ainey connue depuis 1954 sous l’appellation OSM. (chercheure indépendante) S’amorce ainsi la lignée des grands chefs qui se poursuit jusqu’à l’embauche de maestro en 2006. Ainsi, les 12 années de Defauw à la tête de cette formation musicale montréalaise constituent le plus long mandat jamais accordé à un directeur permanent avant l’arrivée de en 1977. crise économique s’implante à Montréal en À elles seules les traces écrites préservées novembre 1934, dans un contexte nationaliste 1 Je tiens à remercier par les journaux de l’époque offrent un repère incitant les Québécois à un développement l’équipe de rédaction des plus stimulants pour témoigner de l’en- culturel qui leur soit propre. Les auteurs ont pour l’aide apportée décrit le climat dans lequel s’est imposée la dans la révision de cet gouement du public et de l’impact du nouveau article. Leurs sugges- chef sur les musiciens2. Les critiques musicaux nécessité de créer un orchestre francophone tions m’ont été très crient au miracle, le comparent à Koussevitsky, afin de « faire respecter la dualité sociocul- précieuses. saluent sa finesse et sa culture, parlent de sai- turelle de la ville » (Béïque 2001, 43). Sans 2 Les dossiers de presse son brillante. Bien qu’autant d’emphase mérite vouloir réitérer leurs propos, rappelons qu’en à la base de cette étude la prudence, une étude minutieuse des pro- octobre 1930 naissait dans la métropole le sont constitués d’arti- cles et de critiques des grammes de l’OSM vient corroborer de façon Montreal Orchestra (MO). Cet ensemble, dirigé concerts tirés des jour- convaincante l’évolution musicale de l’orches- durant ses 11 années d’existence par Douglas naux Le Canada, The tre sous sa tutelle, par une programmation Clarke, alors doyen de la Faculté de musique Daily Star, Le Devoir, éclectique visant l’élargissement du répertoire de l’Université McGill, est étroitement associé The Gazette, La Patrie et La Presse publiés et favorisant le dépassement des musiciens de à la société anglophone de Montréal. En 1934, entre 1939 et 1955. la SCSM. une série de conflits et de controverses pro- 3 Parmi ces ouvrages, voque un éclatement au sein de son conseil mentionnons ceux À la fin du XIXe siècle, plusieurs musiciens d’administration et entraîne la démission de de Wilfrid Pelletier canadiens-français doivent émigrer aux États- trois francophones qui joueront par la suite (1972), Une sym- Unis pour gagner convenablement leur vie. phonie inachevée, un rôle important dans la création de la SCSM Comment et pourquoi avoir choisi un chef Montréal, Leméac ; en novembre de la même année : le secrétaire belge comme homme de la situation dans les Pierre Béïque (2001), Ils ont été la musique années 1940, alors que Montréal comptait de la province de Québec et député libéral de Terrebonne, Athanase David, son épouse du siècle, Québec, plusieurs musiciens de qualité, dont Wilfrid à compte d’auteur ; Pelletier (1896-1982), connu et estimé du Antonia, ainsi que le journaliste au quotidien Gilles Potvin (1984), public montréalais, alors en poste à New Le Canada, Henri Letondal. Dans son mémoire Les cinquante premiè- York ? Un survol des circonstances entourant intitulé « The Montreal Orchestra and Les CS res années de l’OSM, de Montréal (1930-41)4 », Guylaine Flamand Montréal, Éditions la création et les premières années de la SCSM Stanké ; Guylaine nous aidera à répondre à cette question. peint un tableau réaliste de la situation des Flamand (1999), « The deux orchestres de l’époque et permet d’en Montreal Orchestra saisir les nuances. Avec la fin des activités du and Les CS de Montréal La création de l’OSM MO, en 1941, la SCSM devient le seul orches- (1930–41) », mémoire de maîtrise, The City tre symphonique permanent à Montréal. Elle LA FONDATION DE LA SOCIÉTÉ DES University of New doit mettre à profit les progrès accomplis et CONCERTS SYMPHONIQUES DE MONTRÉAL York ; Lyette Ainey continuer son expansion pour relever non seu- (2004), « Désiré Plusieurs travaux de recherches et monogra- lement le défi d’être représentative de l’évolu- Defauw et La Société des CS de Montréal phies sont consacrés à la genèse et à l’évolu- tion de la culture musicale, mais aussi celui de (1940–1955) », tion de l’OSM3. Leur lecture permet de consta- se placer aux côtés des meilleurs orchestres mémoire de maîtrise, ter que cette formation musicale née en pleine américains et européens. Université de Montréal.

LES CAHIERS DE LA SOCIÉTÉ QUÉBÉCOISE DE RECHERCHE EN MUSIQUE, VOL. 10, NO 1 65 LES BUTS DE LA SOCIÉTÉ DES CONCERTS mis en place par Antonia David et ses collabo- SYMPHONIQUES DE MONTRÉAL ratrices. C’est d’ailleurs chez Lallemand que Retenons trois des principaux mandats de la Pierre Béïque recevra des musiciens célèbres SCSM : 1) contribuer à la formation des musi- dont Vladimir Horowitz, Rudolf Serkin, Pierre ciens ; 2) participer à l’éducation des clientèles Monteux et Charles Münch. Son appui finan- po pu laires et étudiantes et 3) assouplir les cier restera constant ; il épongera même de ses programmes. Plus important encore, le conseil propres deniers les déficits occasionnels de d’administration souhaite que la direction de l’organisme. ces concerts soit attribuée, « en rotation », à des chefs d’orchestre canadiens, et que les Associée étroitement à la mise sur pied de programmes mettent en valeur les œuvres et l’orchestre, Antonia David en constitue un les interprètes récipiendaires du Prix d’Europe autre pilier important. Par son implication au (ce prix est offert par le gouvernement du sein du conseil d’administration de la SCSM et Québec sous l’égide de l’Académie de musique son rôle dans l’implantation des Festivals de du Québec). Ces buts sont clairement définis Montréal aux côtés du chef montréalais Wilfrid dans une allocution faite à la radio par le minis- Pelletier, elle contribue au développement de tre Athanase David : la musique à Montréal. C’est à elle que Wilfrid L’Association des CS de Montréal, dans Pelletier confie les Matinées symphoniques son projet, veut fournir aux musiciens fort pour lesquelles elle met sur pied le Comité nombreux dans la métropole, qui n’ont pas féminin de propagande, lequel sollicite des suffisamment d’engagements, l’occasion de gagner un peu d’argent qui leur per- dons auprès de bienfaiteurs et organise des mette de vivre les années dures que nous collectes de fonds. Lui est également confié le traversons. Deuxièmement, prouver à ceux Comité des Matinées, voué au recrutement de qui nous entourent, que nous avons parmi la clientèle scolaire. Ses initiatives ont permis nous ou à l’étranger, de nos compatrio- un succès qui perdure encore aujourd’hui avec tes parfaitement capables de conduire un orchestre symphonique. Et, troisièmement, les Matinées jeunesse de l’OSM. encourager ceux-là qui, par des études spé- Enfin, Wilfrid Pelletier, « travailleur infatiga- ciales ici et à l’étranger, ont acquis une réputation de virtuose, de manifester leur ble et catalyseur de la musique au Québec » talent et de le faire mieux connaître et (Béïque 2001, 51), constitue la pierre angulaire mieux comprendre. (David 1934, 6) du projet de la SCSM. Pianiste récipiendaire du Prix d’Europe en 1915 et chef d’orchestre, il LES PERSONNAGES CLÉS occupe les postes de chef adjoint et de respon- Dès la création de la SCSM, certains person- sable du répertoire français au Metropolitan nages influents joignent les rangs du conseil de New York. Jouissant d’une renommée d’administration. Ils joueront un rôle important certaine en raison de son association au grand dans le développement de l’orchestre. Tout Toscanini, il personnifie auprès du public et d’abord Pierre Béïque (1910-2003), nommé des musiciens montréalais le succès canadien trésorier dès la fondation, en sera l’administra- à l’étranger. Il est donc, à ce titre, approché teur de 1937 à 1970. Homme cultivé et pas- pour participer à la fondation de la SCSM. sionné de musique, il jouera un rôle essentiel Dans une lettre datée du l3 novembre l934, dans le développement et la reconnaissance Athanase David sollicite son appui pour « par- internationale de l’orchestre. Ses contacts pri- rainer le projet et assurer son succès » (David vilégiés avec deux des plus importants impre- sarios américains de l’époque, Arthur Judson 1934, 6). Après avoir invoqué une charge de et Siegfried Hearst, lui ont permis d’inviter des travail déjà imposante aux États-Unis, Wilfrid chefs renommés tels que Bruno Walter, Otto Pelletier se ravise et accepte de s’impliquer, Klemperer et . On lui doit éga- tenant notamment compte d’un commentaire lement l’engagement de Désiré Defauw à titre de son père sur le fait qu’il doit une part de son de premier chef permanent. succès à l’obtention du Prix d’Europe. C’est 4 NdlR. Pour une question d’unité et de clarté, nous Pour sa part, Jean-Clovis Lallemand (1898- ainsi qu’à l’automne 1934, il se retrouve à la choisissons de remplacer 1987), industriel, philanthrope et mécène tête de la SCSM à titre de directeur artistique, « CS » par « SCSM » dans après qu’une campagne de financement et un le texte. Or le diminutif montréalais, appuie les initiatives de Pierre « CS » est préservé dans Béïque. Il participe au projet des Matinées sym- battage publicitaire des médias aient assuré la les citations et titres origi- phoniques, de même qu’aux différents festivals viabilité de l’entreprise. naux.

66 DÉSIRÉ DEFAUW, UN CHEF BELGE À LA TÊTE DE L’OSM LES PREMIÈRES SAISONS DE LA SOCIÉTÉ DES La volonté d’assurer une permanence à la CONCERTS SYMPHONIQUES DE MONTRÉAL tête de la SCSM et un remaniement au sein du conseil d’administration accélèrent le départ C’est devant un public nombreux et enthou- de Wilfrid Pelletier comme directeur artisti- siaste que Rosario Bourdon (1885-1961) dirige que. Pelletier quittera donc son poste en 1940, le concert inaugural à l’Auditorium du Plateau après avoir joué un rôle de premier plan dans le 14 janvier 1935, en lieu et place de Wilfrid la création et le développement de l’orchestre, Pelletier retenu par ses engagements à New et après avoir mis en place plusieurs activités York. Cette première donne le ton aux sai- marquantes, qui seront poursuivies par Désiré sons suivantes qui s’efforcent de respecter Defauw. Parmi ces activités, la première prend les objectifs initiaux de présenter une œuvre forme sous le nom de Matinées symphoniques, canadienne et d’entendre un soliste « de chez inaugurées au Plateau le 16 novembre 1935. nous » à chaque concert. En plus de Pelletier Ces matinées, bilingues au départ, sont offer- et Bourdon, Eugène Chartier, Jean-Josaphat tes à la clientèle scolaire le samedi après-midi, Gagnier et Edmond Trudel font partie de la et rehaussées de commentaires du chef d’or- distribution des chefs canadiens qui dirigeront chestre, de notices biographiques et d’exem- l’orchestre. Cependant, le peu de répertoire ples musicaux présentés par les musiciens5. canadien et le coût de sa production fragilisent S’ajoutent les Festivals de Montréal voués les objectifs initiaux. Peu à peu, au fil des sai- initialement à la musique sacrée (1936), ainsi sons suivantes, « on abandonne le chauvinisme que les Concerts populaires d’été au Chalet du qui avait jusque-là présidé à l’engagement Mont-Royal (1938), rendez-vous privilégié des des chefs et des solistes » (Potvin 1984, 51). mélomanes avertis aussi bien que des amateurs Puis la guerre provoque un exode massif de de musique légère et d’opéra. musiciens prestigieux hors de l’Europe et favo- rise leur venue aux États-Unis et à Montréal. UNE PORTE S’OUVRE POUR DEFAUW Toutefois, même si les chefs invités enrichis- sent l’expérience et le répertoire de la SCSM, Le 29 août 1940, une surprise attend le public leurs prestations sporadiques ne suffisent pas montréalais. Le chef prévu pour diriger le der- à consolider les assises de l’orchestre. La solu- nier concert d’été au Chalet du Mont-Royal se tion semble résider dans l’embauche d’un chef désiste la veille du concert6. Defauw est à New permanent. York depuis peu. Pierre Béïque le connaît, non seulement de réputation, mais pour l’avoir vu DÉBATS POUR UN CHEF PERMANENT diriger un concert à New York en décembre 1939, alors qu’il remplaçait Toscanini. Béïque À la fin des années 1930, il est de plus en saisit donc l’occasion pour inviter Désiré plus manifeste que Wilfrid Pelletier n’est pas Defauw comme substitut. Le choix est judi- suffisamment disponible pour diriger réguliè- cieux : Defauw séduit les Montréalais. Ainsi, rement à Montréal. Depuis quelque temps, on après une unique répétition le jour même du cherche en effet à procurer une stabilité à l’or- concert, et avec un pro gramme choisi par son chestre. Un chef régulier saurait développer prédécesseur, Defauw suscite l’enthousiasme chez les musiciens une technique et un style du public, qui lui accorde une longue ovation. propres. On réclame donc de plus en plus un Le chef récolte l’unanimité des critiques fran- chef permanent, un discours auquel prend part co phones et anglophones qui considèrent ce Léo-Pol Morin dans le quotidien Le Canada : concert comme « l’apothéose de la saison ». Les CS nous offrent chaque fois un nou- Marcel Valois, du quotidien La Presse, sou- veau chef d’orchestre. Au train où vont ligne les qualités du chef belge dans son article les choses, on aura vite fait le tour de 5 du 28 septembre : Leur succès incitera la tous les chefs d’orchestre disponibles aux direction de l’orchestre à États-Unis, et on ne saura plus lequel on Désiré Defauw, première grandeur et mettre sur pied une for- préfère. Tant il est vrai que nous nous compa rable à un Koussevitsky ou un Bruno mule analogue pour les plaisons à cette course, à ces jeux élégants Walter. Sa culture et finesse alliées à son jeunes de langue anglaise, et divers, et que tout n’est que confusion autorité nous assurent une interprétation les Children’s Concerts, inaugurés sous le mandat dans l’esprit de bien des auditeurs. Pendant idéale, car il a une compréhension fran- de Defauw par Wilfrid ce temps-là, l’orchestre joue et découvre çaise des compositeurs étrangers. Quant Pelletier le 22 octobre les mille manières de « se faire mener » aux œuvres de Berlioz, Debussy, Ravel, 1947. sans parfaire efficacement sa technique. Dukas, Roussel, Ibert, Poulenc et les autres, 6 Les programmes des […] N’aurons-nous pas ainsi l’impression nous savons par expérience quelle inter- concerts d’été de l’année d’avoir entendu autant d’orchestres qu’il prétation limpide et supérieure Monsieur 1940 consultés à l’OSM, ne est venu de chefs ? (Morin 1940, 2) Defauw sait en donner. (Valois 1940, 37) permettent pas d’identifier ce chef.

LYETTE AINEY 67 La situation est favorable au chef belge. Son SES DÉBUTS EN DIRECTION D’ORCHESTRE nom est désormais associé à la succession de De retour d’une série de concerts de violon Wilfrid Pelletier. Il sera engagé à titre de chef à travers l’Europe où s’affirme sa renommée invité pour diriger, en 1940-41, cinq des 10 de violoniste et de chambriste, Defauw s’ins- concerts de la septième saison, laquelle, selon talle à Londres à 17 ans. À 21 ans, il devient Gilles Potvin, sera la « première véri table sai- le chef d’orchestre titulaire du New London son internationale des CS » (Potvin 1984, 57). Symphony Orchestra, poste qu’il occupera Voyons en quoi le parcours de ce flamand de de 1906 à 1909. La direction de cet en semble langue et de culture française le destine à occu- voué à l’exécution d’œuvres de musique per cette fonction à Montréal. contemporaine a confirmé pour une large part sa vocation de chef d’orchestre. En 1914, il Désiré Defauw crée dans cette ville un orchestre de chambre, 7 The Allied Quartet of London, avec ses compa- triotes le pianiste Joseph Jongen, le violoncel- liste Emil Doehaerd et l’altiste anglais Lionel Tertis. La formation se produit en Scandinavie, en Espagne, en Italie et en France, où Maurice Ravel se joint à eux le temps de quelques tour- nées. Selon les confidences faites par Defauw à Hélène Grenier de La Revue populaire, leur amitié daterait d’ailleurs de cette époque (Grenier 1943).

L’EXPÉRIENCE BELGE AU SERVICE DE MONTRÉAL Defauw se prépare à devenir chef d’or- SA FORMATION chestre à Bruxelles. En effet, sa décision de troquer l’archet pour la direction d’orchestre 7 Fusain original de Jocelyne Né à Gand en Belgique le 5 septembre lui donnera l’occasion de participer à l’éclo- Thibault, octobre 2003. D’après une photo d’ar- 1885, Defauw reçoit sa formation de violo- sion de la vie musicale dès son retour dans la chives du Conservatoire niste, composi teur et chef d’orchestre au capitale belge. Ses activités professionnelles royal de musique de Conservatoire de musique de cette ville. Formé connaissent un essor dans cette ville où il Bruxelles. par Johan Smit8, il obtient un premier prix de s’installe jusqu’en 1922. Son nom est alors 8 Violoniste néerlandais violon à l’âge de 14 ans. Son talent lui vaut relié à plusieurs réalisations musicales et artis- qui a occupé le poste de d’être sollicité pour une tournée par un impre- Concertmeister du Bilse tiques. Il y crée en 1912 un ensemble de Orchestra (1882–1887), sario américain. Le jeune virtuose et ses parents musique de chambre, le Quatuor Defauw, ainsi prédécesseur de la déclinent l’offre, mais Defauw accepte, à l’âge que la Société des Concerts Defauw (1920- Philharmonie de Berlin. de 15 ans, le poste de violon-solo que lui offre 1939), « l’une des plus importantes sociétés 9 Chef prestigieux liégeois Édouard Brahy9, chef d’orchestre des Concerts de concerts de l’entre-deux guerres [sic] » qui aura une influence d’Hiver de Gand. Il devient, avant même de (Closson et Van den Borren 1950, 398), où la décisive sur la carrière de terminer ses études, le plus jeune titulaire de Defauw. Le répertoire qu’il musique classique côtoie les œuvres contem- dirige à Gand contribuera ce poste à l’Orchestre de Gand. Il quitte le poraines et où défilent de nombreux solistes à faire apprécier au jeune Conservatoire en 1903 muni de diplômes en étrangers. Les concerts de cette Société revê- Defauw la musique de ses musique de chambre, fugue, contrepoint et tent une importance capitale pour la musique contemporains. composition. Parmi ses compositions dont belge, puisqu’ils sont à l’origine du premier 10 Ensemble créé en 1912 qui nous n’avons pu retracer la liste exhaustive, orchestre permanent de la ville, l’Orchestre constitue une formation mentionnons en premier lieu deux œuvres parmi les plus représenta- symphonique de Bruxelles (OSB). Defauw tives de l’époque. De cet dont nous avons trouvé les partitions dans le s’identifie une fois de plus à la musique de son ensemble où sont parta- fonds d’archives du Conservatoire royal de temps en participant à titre de premier violon gées les conceptions esthé- musique de Bruxelles : Berceuse pour violon au célèbre Quatuor Pro Arte10. L’équilibre tiques du groupe des Six, et piano, et Le Sonneur pour quatuor à cordes émerge en 1921, la Société entre les chefs-d’œuvres classiques et le réper- des Concerts Pro Arte. En et piano. S’ajoutent quelques poèmes sym- toire moderne défendu par cet ensemble sera à plus de Defauw, y parti- phoniques, une Rhapsodie fantastique pour l’image du souci constant apporté par Defauw cipent Germain Prévost, orchestre, une Suite pour huit exécutants, de dans l’agencement des programmes qu’il diri- Alphonse Onnou, Laurent nombreuses mélodies pour voix et orchestre, Halleux et Fernand Quinet, gera tout au long de sa carrière. En 1922, sa auxquels se joindra plus en plus d’un Octuor qui sera présenté aux renommée lui vaut d’obtenir le poste de pro- tard Paul Collaer. Concerts de la libre esthétique à Bruxelles en fesseur de violon au Conservatoire d’Anvers. avril 1913. Il quittera cette fonction lors de sa nomination

68 DÉSIRÉ DEFAUW, UN CHEF BELGE À LA TÊTE DE L’OSM à la direction des Concerts du Conservatoire surprenant que soumette royal de musique de Bruxelles en l925, où il en 1941 la candidature de Defauw au poste demeurera en poste pendant plus de 20 ans. de directeur du Conservatoire de musique de Durant cette période, on lui confie le mandat Montréal, avant même sa nomination comme de réorganiser l’ensemble instrumental du chef permanent. Soulignons toutefois que sa Conservatoire dans le but d’en faire un « vérita- candidature ne sera pas retenue et que le poste ble orchestre national ». Defauw s’y emploiera sera attribué à Wilfrid Pelletier dès la fondation en présentant non seulement des activités du Conservatoire en mai 1942. artistiques variées, mais en établissant une programmation savamment dosée. Ce souci UN RÉSEAU INFLUENT d’équilibre, mis en relief lors d’une conver- Sur le plan de l’interprétation, Defauw dis- sation de Defauw avec sa biographe Marthe pose d’un atout dont Montréal va profiter. Herzberg, contribuera à sa renommée : À Londres déjà, ses rencontres avec Ravel, L’élaboration de mes programmes comme Prokofiev et Richard Strauss lui permettent bien [sic] vous le pensez, me demande infi- d’établir un réseau qui influencera non seule- niment de soins. J’hésite parfois pendant ment sa carrière, mais favorisera une compré- des semaines quant à la place à attribuer à hension éclairée des œuvres de ces composi- une œuvre. Il ne faut jamais oublier qu’une œuvre peut être éclipsée par le voisinage teurs, contribuant ainsi à la qualité de l’inter- d’une autre. (Herzberg 1937, 12) prétation des musiciens qu’il dirige. Defauw décrit à l’auteure et journaliste Hélène Grenier Soucieux de la démocratisation de la musi- ses rencontres avec Richard Strauss : que en milieu scolaire, Defauw crée à Bruxelles en 1928 les Concerts pour la jeunesse. Il pour- J’avais déjà dirigé toutes ses œuvres. Sa ren- contre m’a permis de concevoir un niveau suivra dans cette voie à Montréal de 1941 à d’art dans l’interprétation dont je ne saurais 1948, lorsque Wilfrid Pelletier lui confiera la exprimer l’élévation. J’aimais beaucoup direction des Matinées symphoniques. À la fin parler avec [lui], sa conversation était tou- des années 1920, Defauw occupe les postes de jours très enrichissante. (Grenier 1943, 7) conseiller musical et de premier chef d’orches- tre de l’Institut national de radiodiffusion de Cette influence sera reconnue par Wilfrid Belgique, avec lequel il effectue plusieurs enre- Pelletier : gistrements et émissions de musique contem- Excellent musicien, Monsieur Defauw avait poraine. Enfin, en 1932, volontaire et énergi- eu le privilège de connaître Richard Strauss que, le chef belge réussit à remplir le mandat et Maurice Ravel et causer de leur musique qu’on lui avait confié en 1925, soit de mettre avec eux. C’est donc avec autorité qu’il en place un orchestre national permanent, en parlait de leurs œuvres avec les musiciens de l’orchestre […]. Defauw était très aimé proposant aux autres sociétés de concerts de des musiciens et du public. (Pelletier 1972, la ville d’unifier les orchestres symphoniques 191) occasionnels pour n’en former qu’un seul. C’est ainsi qu’est fondé l’Orchestre sympho- Durant son mandat comme chef à la nique de Bruxelles (OSB), transformé en l936 Philharmonie de Bruxelles, Désiré Defauw en Orchestre national de Belgique (ONB), côtoie également plusieurs compositeurs, et placé sous le haut patronage de la reine solistes et chefs d’orchestre de réputation Elizabeth. Cette réorganisation accomplie de internationale. Arturo Toscanini, Bruno Walter, l’orchestre du Conservatoire de musique de Ernest Ansermet, Vladimir Golschmann, Igor Bruxelles n’est pas sans nous rappeler le man- Markevitch, Herbert von Karajan et Pierre dat que lui confiera Pierre Béique, en 1941, qui Monteux sont invités à Bruxelles, que ce soit consistera à restructurer la SCSM pour en faire à la Société philharmonique, au Conservatoire une phalange homogène, digne des meilleu- royal de musique où Defauw occupe le poste res formations américaines et européennes. de directeur des concerts, ou encore aux Fondateur et artisan de plusieurs organismes Concerts Defauw. Se produisent aussi dans ces dans son pays, partisan à la fois d’un répertoire cadres les pianistes Anton Rubinstein, Robert nouveau aussi bien que traditionnel, soucieux Casadesus, Arthur Brailowsky, de même que de l’équilibre des programmes, défenseur de la Marguerite Long et Serge Prokofiev. Defauw mission pédagogique d’un orchestre sympho- tisse donc un réseau de relations parmi les plus nique, Defauw possède toute l’expertise dont grands, et plusieurs de ces musiciens seront la SCSM a besoin pour consolider ses modes- invités par Béique à Montréal durant les années tes acquis et parvenir à un véritable statut subséquentes. Parmi ces contacts précieux, le professionnel. Dans cette optique, il n’est pas plus important est sans doute Toscanini qui,

LYETTE AINEY 69 grâce à son intervention personnelle, serait à 41 à titre de chef invité. Dans un contexte l’origine de l’immigration de Defauw aux États- d’engouement du public pour les vedettes, la Unis (De Vaux 1984, 44). venue du chef belge aura l’heur de plaire aux Montréalais qui l’accueillent à bras ouverts. Et NEW YORK, ils ne seront pas déçus. Cette saison consti- UN TREMPLIN POUR MONTRÉAL tuera une véritable charnière pour la SCSM. Selon Gilles Potvin, Montréal devient alors la Chef en titre de la Philharmonie de New York plaque tournante d’artistes prestigieux, confir- à la National Broadcasting Company (NBC), mant la volonté de Pierre Béïque de faire Toscanini participe en effet à la renommée de l’or chestre montréalais un ensemble de nord-américaine de Defauw. En lui demandant haut niveau (Potvin 1984, 57). Le tandem de le remplacer pour quatre concerts à New Béïque-Defauw met à profit un vaste réseau York en décembre 1939, Toscanini permet à de contacts et invitent à Montréal des chefs Defauw de se tailler une place de choix dans le tels que sir Thomas Beecham, Fritz Stiedry, milieu musical américain. Ces concerts, consi- Jean Morel et sir Ernest McMillan. Wilfrid dérés par Charles Lierens comme parmi les plus grands triomphes de la carrière de Defauw11, Pelletier reviendra à l’occasion diriger l’orches- sont acclamés par les critiques les plus redouta- tre. Parmi les solistes, les violonistes Mischa bles, dont Olin Downes du New York Times12. Elman et Joseph Szigeti, les pianistes André Tel que souligné précédemment, Pierre Béïque Mathieu, Germaine Malépart, Claudio Arrau et n’agit pas à l’aveuglette en invitant Defauw Arthur Rubinstein, ainsi que le violoncelliste à Montréal. Dans une entrevue accordée à Emmanuel Feuermann, feront partie des invi- Georges Nicholson en novembre 198713, il tés de marque. En ce début de mandat, Defauw mentionne qu’il connaissait déjà Defauw pour saisit l’opportunité de faire sa marque et réa- l’avoir entendu à New York lors de l’un de ces lise des projets d’envergure qui prolongent fameux concerts. Impressionné par la grande la saison régulière. La présentation des neuf culture du chef d’orchestre ainsi que par sa symphonies de Beethoven, répartie sur quatre soirées en avril et mai 1941, remporte un suc- 11 connaissance des musiciens contemporains, Charles Lierens : musicien cès sans précédent. En témoignent des extraits important dans le dévelop- Pierre Béïque lui aurait offert la direction de pement de la vie culturelle quatre ou cinq concerts au cours de la saison d’articles de Frédéric Pelletier du Devoir et de et musicale à Bruxelles, suivante. Ainsi résume-t-il sa pensée : Thomas Archer du journal The Gazette : fonde en 1933 la Maison des arts où il organise des […] et de fil en aiguille, il [Désiré Defauw] Toscanini, le grand Toscanini, n’a pas en cycles de conférences phi- s’est incorporé à Montréal, et Montréal l’a ces dernières années égalé la profondeur losophiques, artistiques, accueilli comme aujourd’hui on accueille de compréhension qu’y a mise Désiré des expositions et des Charles Dutoit, et il a été notre directeur Defauw. L’orchestre stylé à point a donné concerts. artistique une dizaine d’années […] Il a une exécution qu’on peut qualifier de par- 12 Dans un arcticle intitulé apporté d’abord sa compétence musicale à faite. (Pelletier 1941, 4) « Defauw triomphe comme l’orchestre. C’était à l’époque l’homme le chef d’orchestre de la Un des plus importants événements à NBC » , Downes parle de plus prestigieux que nous ayons eu comme s’être produits dans cette ville, peut-être « maîtrise de l’orchestra- chef d’orchestre à Montréal. (Béïque et le plus significatif depuis que Montréal a tion et maîtrise de la parti- Nicholson 1987) eu le luxe d’entendre des symphonies […] tion » (Downes 1939). À New York, Wilfrid Pelletier est lui aussi La grande habileté du chef à penser de 13 Pierre Béïque, entrevue de manière orchestrale et à réaliser ses pen- étroitement associé à Toscanini par des liens Georges Nicholson, émis- sées en termes concrets, son impeccable sion Les musiciens par professionnels et d’amitié. Et lorsque le chef sens du style symphonique et par-dessus eux-mêmes, Radio-Canada, d’orchestre québécois lui confie qu’il songe tout, sa profonde compréhension du génie Montréal, 15 novembre renoncer à son engagement avec la SCSM, 14 1987. de Beethoven […]. Toscanini lui suggère Désiré Defauw comme 14 « One of the most impor- éventuel successeur. La saison 1940-41 se termine donc par une tant event to have taken série de concerts. Cette idée sera reprise les place in this city, perhaps années suivantes et présentée sous le nom the most significant since Ses réalisations Montreal has had the lux- de Festival du printemps. Dès ses premiers ury of hearing symphony engagements à titre de chef invité, Désiré DES INVITÉS PRESTIGIEUX, […] The conductor’s great Defauw fait l’unanimité et accepte à compter ability to think orchestrally DES SAISONS PROLONGÉES and put his toughts into de juin 1941 d’assumer la direction permanen- concrete terms, his impec- Reconnu depuis la fin des années 1930 aux te et artistique de la SCSM. Sa culture musicale, cable sense of symphonic États-Unis et jouissant d’une réputation déjà – il dirige de mémoire toutes les œuvres du style and above all, his bien établie en Europe, où il avait notamment répertoire –, son respect des musiciens et sa deep understanding of Beethoven genius […] » dirigé en 1935 la Philharmonie de Berlin, rigueur sont autant de qualités qui en font un (Archer 1941, 6). Defauw amorce à Montréal la saison 1940- chef recherché.

70 DÉSIRÉ DEFAUW, UN CHEF BELGE À LA TÊTE DE L’OSM La saison 1941-42, sa première comme chef Defauw fut le premier vrai chef à Montréal. permanent, sera marquée par plusieurs évé- Il mit l’orchestre sur la carte ; il fut le nements liés à la vie des Montréalais, révélant meilleur que nous avions eu jusqu’à Mehta, notamment un souci d’associer l’orchestre Klemperer et Monteux. Il avait une très bonne mémoire. Il nous a introduits à à la communauté. À un gala pour souligner Richard Strauss : Till Eulenspiegels et Mort le tricentenaire de la fondation de Montréal et transfiguration15, mais il n’était vrai- en mai 1942, s’ajoutent deux concerts-bé né- ment pas capable d’obtenir ce qu’il voulait fices : un premier donné en faveur de l’Armée de l’orchestre. Nous commencions et finis- canadienne en juillet, et un deuxième en sions la pièce ensemble : voilà tout !16 septembre, pour le Fonds de secours des Et il poursuit : musiciens et le maintien de l’orchestre, une prestation qui attire 6 000 personnes. Pour ce À cette époque, les bois et les vents, et dernier concert de l’été, l’orchestre se trans- particulièrement les hautbois et clarinettes, porte au Forum. Cette saison qui soulève l’en- étaient faibles. Mais il était un merveilleux 15 Titre original allemand : thousiasme des mélomanes est ainsi résumée professeur. Sa technique de conduite était Tod und Verklärung. inspirante, mais le plus inspirant pour par Gilles Potvin : « La cote de Defauw est très 16 « Defauw was the first real moi fut . Désiré Defauw nous haute et les salles sont remplies » (Potvin 1984, conductor in Montreal. introduisit à un nouveau répertoire et He put the orchestra on 70). Ces premières réalisations démontrent réussit à prendre plaisir à jouer les grands the map; he was the best que la personnalité de Defauw se manifeste maîtres.17 we ever had, until Metha, par un nouveau style d’interprétation et un Klemperer and Monteux. sens de la couleur orchestrale. Marcel Valois De 1935 jusqu’à l’arrivée de Defauw en He had a very good en témoignera en ces termes après le départ août 1940, les concerts recensés dans les memory. He introduced programmes de la SCSM, montrent déjà un us to Richard Strauss : de Defauw de Montréal, suite à sa nomination Till Eulenspiels and The à Chicago en 1943 : souci manifeste de valoriser le répertoire Transfiguration, but he canadien : 13 compositeurs canadiens sont en was really not able to Il laisse le souvenir d’un musicien plaçant effet à l’honneur durant cette période, dont obtain what he wants from haut son idéal, d’un chef rempli de savoir 12 Canadiens-français18. Quant au répertoire the orchestra. We start and et d’autorité. […] L’orchestre a déjà trans- finish the piece together: allemand, il est illustré surtout par les œuvres formé sa sonorité et grâce à lui, les vents that’s all! ». de Beethoven, Wagner et Bach. La musique ont acquis une souplesse qu’ils n’avaient 17 « At this time, woods and pas jusque là. D’un ensemble déjà solide, française est représentée par Debussy et Ravel, winds and particularily mais pas encore parfaitement équilibré, et la musique russe par Rimsky-Korsakov. Il “hautbois and clarinette” il a fait un tout homogène. C’est sous sa est exact d’affirmer que Defauw élargit la pro- were bad. But he was a direction seulement que les instruments à grammation de la SCSM puisqu’il ajoutera au wonderfull teacher. His technique conductor vent ont acquis la souplesse et la valeur que programme dès 1942, et ce jusqu’en 1953, les jusque-là les cordes possédaient. (Valois was inspiring, but the œuvres d’autres compositeurs canadiens dont most inspiring for me, 1943, 37) Claude Champagne, Alexander Brott, Jean was Zubin Metha. Désiré Vallerand, Clermont Pépin et Pierre Mercure. Defauw introduced us to UN ORCHESTRE REMANIÉ, UN RÉPERTOIRE new repertoire and man- Plusieurs œuvres canadiennes (ou compo- INÉDIT, DES PROGRAMMES ÉQUILIBRÉS age to play with a lot of sées au Québec) seront d’ailleurs créées à pleasure great masters » Dès sa nomination, Defauw procède à un Montréal : la Symphonie en un mouvement de (Braunstein 2002). remaniement de l’orchestre afin d’en faire une Maurice Blackburn (9 mars 1943), Concordia 18 Il s’agit de Maurice phalange homogène. Il recrute les meilleurs d’Alexander Brott (8 avril 1947), Symphonie Blackburn, Jean Coulthard, Gaspésienne de Claude Champagne (1er mars Guillaume Couture, musiciens parmi ceux du Montreal Orchestra , Lionel qui vient de se dissoudre, et conserve les 1949), Le Diable dans le beffroi de Jean Daunais, Auguste meilleurs éléments de la SCSM. Le précieux Vallerand créé aux Matinées symphoniques Descarries, J.-J. Gagnier, témoignage d’Isaac Braunstein, violoniste et le 21 février 1942, ainsi que le Poème pour , Calixa artisan de la première heure à l’orchestre de orchestre de Jean Papineau-Couture (27 jan- Lavallée, Alfred Laliberté, Arthur Letondal, Frédéric la SCSM et au MO, donne un éclairage nuancé vier 1953) – cette dernière œuvre ayant été Pelletier et Georges-Émile des premières saisons dirigées par Defauw. commandée au compositeur par Defauw. Au Tanguay. Invité à témoigner lors d’un séminaire sur la chapitre des créations, notons qu’Alexander 19 Lors de ses nombreux musique canadienne tenu à l’Université de Brott dédiera à sir Thomas Beechamn War séjours en Europe, Montréal en octobre 2002, le musicien confie and Peace (27 mars 1945), tandis qu’il dédiera Alexander Brott avait eu l’occasion de se lier d’ami- aux professeurs et étudiants que Defauw obtint plus tard l’ouverture Delightful Delusions tié avec Defauw. Selon dès le début l’estime et la collaboration des (26 février 1952), à Désiré Defauw19. Aux les propos du musicien, musiciens, alors que le travail en profondeur œuvres de ses amis Ravel, Prokofiev et Richard cette œuvre lui fut dédiée se fit plus progressivement. La tâche du chef Strauss, Defauw ajoute celles de Chostakovitch, pour rappeler leur lien et l’humour qui régnait entre Fauré, Gershwin, Katchaturian, Martinu° , fut ardue et les résultats ne correspondaient eux, d’où les deux pre- pas toujours aux efforts consentis de part et Moussorgsky, Rachmaninoff, Scriabine, Wagner mières lettres du titre de d’autre. Il dépeint ainsi le tableau d’ensemble : et Stravinsky. De ce dernier, la suite tirée de l’œuvre : D.D.

LYETTE AINEY 71 L’Oiseau de Feu sera présentée en première le Matinées symphoniques, ainsi que deux des 5 novembre 1940. Ayant récolté la faveur des huit représentations estivales au Chalet du critiques et du public, cette œuvre sera reprise Mont-Royal. Un public fidèle répond de façon plusieurs fois au cours des saisons suivantes. massive à l’invitation de l’orchestre et de son Defauw inscrit également au programme du chef. On dénombre plus de 10 000 auditeurs, 31 janvier 1950, en première canadienne, le comparativement à 4 000 lors des premières Concerto pour piano de Poulenc (1949), la saisons. Des 88 œuvres dirigées, plus d’une partie soliste étant interprétée par le composi- trentaine constituent une première montréa- teur à l’invitation de son « vieil ami Defauw »20. laise. Le chef belge inaugure également un Il est à souligner que Metamorphosen (1946) Gala du printemps avec une programmation de Richard Strauss, entendue le 26 avril 1949, digne des plus grands orchestres. Cet évé- et la Symphonie no 9 (1945) de Chostakovitch, nement qui s’échelonne sur trois soirées se jouée le 4 novembre 1947, seront présen- termine le 14 mai 1943 par la représentation tées à l’auditorium de l’école Le Plateau peu d’une des œuvres dominantes du répertoire de temps après leur création européenne. de Berlioz, La Damnation de , avec Defauw élargira aussi les cadres tradition- deux grands noms du , nels de l’orchestre par la direction de pages le soprano (épouse de Wilfrid im po santes telles le poème symphonique de Pelletier) et la basse Ezio Pinza. Un ténor de Richard Strauss Also sprach Zarathroustra, l’Opéra de Paris et du Théâtre de la Monnaie entendu le 29 janvier 1952. La comparai- de Bruxelles, Joseph Rogatchevsky, complète son des répertoires choisis par ses prédéces- la distribution avec Les Disciples de Massenet, seurs met également en lumière l’agence- dirigés par Charles Goulet. Un cycle Brahms ment et l’équilibre de la programmation qui fera également partie de la programmation de sera le souci constant de Defauw durant son la saison ; pour la première fois dans l’histoire mandat. Prenons en exemple le concert du de la SCSM, on présente la Deuxième sympho- 19 no vembre 1940, qu’il dirige comme chef nie du compositeur allemand21. Defauw parti- invité, alors que l’on propose au public une cipe également le 7 novembre à un concert au ouverture de Beethoven, un concerto pour profit exclusif des étudiants de l’Université de piano de Brahms, un poème symphonique de Montréal. Lors du concert d’inauguration du Dukas, quatre extraits d’œuvres de Wagner et nouvel immeuble de l’Université de Montréal, une valse de Chopin. Dès son premier concert qu’il dirige en juin 1943, on lui décerne le titre à titre de chef permanent, Defauw aménage de docteur honoris causa22, soulignant ses un programme plus court et équilibré avec qualités de chef d’orchestre, d’artiste, de com- 20 « C’est pour moi un grand la Symphonie en ré mineur de Franck, le positeur et de violoniste : plaisir de jouer ce concer- Concerto pour violon de Brahms et la Suite to pour piano qui est mon Quand vous êtes au pupitre, Monsieur, et o œuvre la plus récente, n 2 tirée du ballet Daphnis et Chloé de Ravel. que, des yeux, des lèvres, des mains, de sous la direction de mon Admettons toutefois que Defauw se permet tout votre être vous jouez de cet instru- vieil ami Désiré Defauw ». quelques entorses à cette règle d’équilibre en ment presque divin qu’est l’orchestre […], Transcription d’une entre- ce qui concerne la longueur des programmes, il n’est personne qui ne vous envie, qui ne vue de Francis Poulenc particulièrement lors des concerts hors série. voudrait posséder votre puissance, votre accordée à Radio-Canada prodigieuse mémoire, votre goût, votre le 30 janvier 1950. C’est par exemple le cas le 16 mai 1944, où sens artistique si varié et si sûr. Vous avez 21 Wagner, Brahms et Haydn côtoient la première Il faut noter ici que conquis Montréal […] Vous avez introduit Brahms était l’un des du Don Quixote de Richard Strauss, un poème nos enfants dans le royaume enchanté des compositeurs favoris de symphonique concertant qui, malgré sa com- Douglas Clark au MO. sons et vous les initiez ainsi à l’une des plus Le public de cet orches- plexité et sa durée de 45 minutes, conquiert le douces consolations de la vie. (Maurault tre était donc familier public. À quelques reprises également, le pro- 1943, 15) avec cette symphonie de gramme des concerts du Chalet du Mont-Royal Avec les Matinées symphoniques, la clientèle Brahms que Clarke avait est prétexte à célébrer le plaisir d’une soirée étudiante jouit également de l’approche péda- dirigée à plusieurs reprises d’été. Le dernier concert que dirige Defauw durant son mandat, tel gogique de Defauw. La programmation de ces le 26 juillet 1955 en fait foi : Rossini, Verdi, qu’en fait état madame Matinées est souvent conçue de façon à faire Flamand dans son mémoi- Smetana et Chostakovitch se partagent le pro- connaître en profondeur un compositeur tel re The Montreal Orchestra gramme de la soirée où plus d’une dizaine Mozart, Beethoven, Chopin, Fauré ou Wagner. and Les CS (1930-1941). d’œuvres sont entendues. 22 Ouvrons ici une paren- Defauw dose également le nombre, la longueur thèse pour souligner que Un rythme de croisière s’installe donc pro- et l’austérité des œuvres afin d’apprivoiser son l’Université Laval lui ren- gressivement pour aboutir en 1942-43 à une nouveau public. De trois pièces en 1941-42, dra le même hommage saison qui semble la plus imposante du man- le programme en comprendra jusqu’à sept en 1952, lors des fêtes du centenaire de son institu- dat de Defauw, et durant laquelle il dirige en l943. Ambassadeur de musique contempo- tion. la totalité des 10 concerts réguliers, les huit raine, il initie également le jeune auditoire à la

72 DÉSIRÉ DEFAUW, UN CHEF BELGE À LA TÊTE DE L’OSM musique de son temps, en lui présentant un peu d’ombre sur le chef belge, qui reviendra concert d’œuvres modernes et contemporaines à l’orchestre après avoir remis sa démission dès février l942, avec Le Diable dans le beffroi au CSO en avril 1947. Marilyn Arado, membre de , Petrouchka de Stravinsky, et du comité des archives du CSO, apporte quel- Introduction et Allegro pour harpe de Ravel. ques éclaircissements sur la fin des activités de Le poème symphonique Till Eulenspiegels de Defauw à Chicago lors d’une entrevue effec- Richard Strauss leur sera également proposé le tuée en février 1984 avec John Defauw, fils du 23 janvier 1943. Les différentes manifestations compositeur24. Malgré le succès remporté par musicales, associées aux diverses formations le nouveau chef auprès des administrateurs et et événements artistiques de la saison, font de du public, les changements que Désiré Defauw Montréal le noyau d’une vie musicale en pleine souhaitait apporter à l’orchestre ont provoqué expansion. À la saison 1944-45, l’intérêt du une résistance chez certains musiciens. Les public de la SCSM est tel que chaque concert liens entretenus avec quelques grandes familles du mardi sera désormais repris le lendemain, qui supportaient les arts à Chicago semblent formule qui prévaut encore aujourd’hui. avoir entraîné des jeux politiques soutenus par l’arrivée de la journaliste du Chicago Tribune, La nomination de Defauw Claudia Cassidy. Spécialiste en théâtre sans à Chicago aucune formation musicale, celle-ci, de sa plume acérée, aurait porté ombrage au travail Alors que l’orchestre montréalais a le vent entrepris par Désiré Defauw, qui mettait plus dans les voiles, Defauw poursuit simultanément d’énergie dans son rôle de chef d’orchestre une carrière aux États-Unis. Son succès fait en que dans les relations publiques. Ce travail de sorte que les critiques le considèrent comme critique acerbe a contribué à la fin de la car- l’un des plus grands musiciens contemporains. rière de Defauw à Chicago, et aura également Selon Charles Quint du Musical America23, la un impact à Montréal, comme nous le verrons réputation de Defauw et l’image projetée de plus loin. l’orchestre montréalais aux États-Unis lui valent de succéder en janvier 1943 à Frederick Stock, Malgré le ralentissement de ses activités à la éminent chef allemand du Chicago Symphony SCSM, un survol de la programmation durant Orchestra (CSO) décédé en octobre 1942, et la période 1943-47 montre qu’il a dirigé plus auquel le public vouait une grande admiration. de 200 concerts en plus de nombreux galas, Un journaliste du Chicago Tribune termine cycles, festivals et concerts-bénéfices. Son e son éloge en soulignant qu’on pourra lui trou- implication dans la célébration du 10 anniver- ver un successeur, mais non un remplaçant ! saire de la fondation de la SCSM en 1944 par un C’est dire que la route sera difficile. Notons au programme d’envergure lui vaut les hommages passage que Stock avait « régné » sur l’orches- suivants : tre durant 37 années et qu’il était impliqué L’orchestre, fondé il y a dix ans, a pris une activement dans la vie culturelle et sociale place enviable parmi les activités cultu- de cette ville. Participant à une vie artistique relles et éducationnelles de Montréal. Sa de longue tradition, le CSO produit à cette renommée a bien dépassé les bornes de période plus de 130 concerts annuels. C’est cette ville et de cette province. […] Nous devons une dette de reconnaissance à dans ce contexte que Defauw se retrouve à la maître Désiré Defauw qui a généreusement 23 Musical America, pério- tête de l’un des orchestres américains les plus accepté de partager son temps entre son dique hebdomadaire voué prestigieux de l’époque. Cette offre constitue énorme tâche de Chicago et la direction à la musique, à la littéra- pour le chef belge l’occasion d’augmenter non artistique de notre Société, continuant ainsi ture et aux arts, édité et seulement son prestige personnel, mais d’en l’œuvre splendide qu’il a accomplie chez publié à New York. Y ont faire profiter Montréal. Durant cette période, nous. Il est grandement responsable de collaboré occasionnelle- l’essor musical auquel nous assistons à ment des correspondants Defauw poursuivra à la SCSM son mandat de étrangers, dont Thomas chef permanent et de directeur artistique, Montréal, et qui n’existe qu’en fonction Archer et Gilles Potvin de faisant la navette entre les deux villes. Sa de l’excellence et de la base musicale de Montréal, ainsi que Charles l’orchestre qu’il a formé. (Lallemand 1944) présence intermittente à Montréal sera pour Lierens de Bruxelles. la SCSM l’occasion de connaître une nouvelle Le retour à Montréal est progressif et 24 Marilyn Arado, « John Defauw, interviewed période de chefs invités avec Bruno Walter, Defauw effectue plusieurs tournées en Europe by Marilyn Arado, Vladimir Goldschmann, Emil Cooper, Leonard et en Afrique du Sud. Il revient en force February 1th, 1984 », Bernstein, sir Ernest MacMillan, George Enesco à la saison 1948-1949 pour diriger 18 des Chicago Symphony et Charles Münch. Cette situation comporte à 24 concerts réguliers dont la programmation Orchestra, Archives la fois l’avantage de contribuer à la formation Committee, Oral History éclectique rappelle la brillante saison 1942-43. Project, 1986, trans- des musiciens et à la réputation de l’orchestre, Or un événement sans précédent se produit cription de l’entrevue. mais également l’inconvénient de jeter un en avril 1948. Defauw et les musiciens de la Traduction libre.

LYETTE AINEY 73 SCSM sont invités à jouer à New York dans le Le sort en est jeté et Désiré Defauw quitte cadre de la série The Orchestras of the Nation son poste de directeur artistique et chef per- présentée par la NBC. Lors de cette émission manent de la SCSM à la fin de la saison 1952- diffusée dans toute l’Amérique du Nord ainsi 53 après 12 années de service. Il retournera qu’en Europe, Defauw, fidèle à ses valeurs, diriger en Europe, notamment à Bruxelles.25 met en évidence des musiciens et composi- Il reviendra à Montréal diriger trois derniers teurs canadiens en présentant l’œuvre de Jean concerts à titre de chef invité au Plateau, les Vallerand Le Diable dans le beffroi et deux 14 et 15 décembre 1954, et le 26 juillet 1955 extraits de la Suite canadienne du violon-solo au Chalet du Mont-Royal. Le destin voudra de l’orchestre, Alexander Brott. Les deux com- que Defauw boucle ainsi la boucle en diri- positeurs, à la demande de Defauw, dirigent geant son dernier concert public à Montréal leurs œuvres respectives. devant l’auditoire des concerts d’été qui l’avait accueilli 12 années auparavant. D’autre part, Bien que son mandat de directeur per- Defauw sera à nouveau présent à Montréal manent soit maintenu, le rôle de Defauw pour diriger en janvier et octobre 1955 l’or- devient plutôt symbolique au début des années chestre de Radio-Canada dans le cadre de la 1950, alors que plus d’une vingtaine de chefs série télévisée L’heure du concert. Un article invités partagent avec lui le podium. Les admi- paru en 1953 dans l’hebdomadaire La semaine nistrateurs de la SCSM interprètent les absen- à Radio-Canada résume ainsi sa contribution ces de Defauw comme une conséquence de musicale à Montréal : la décroissance de sa popularité et décident d’effectuer un sondage auprès du public afin Montréal doit à Désiré Defauw des audi- de connaître ses chefs préférés parmi ceux tions symphoniques et chorales d’une rare qualité […] La contribution de cet éminent invités au cours des cinq saisons précédentes. chef d’orchestre a donc été de première Cette petite enquête se fait lors de l’intermis- importance dans le développement de la sion du concert du 23 avril 1952 dirigé par musique symphonique à Montréal. Grâce à Klemperer, alors que Defauw est absent de son travail inlassable, à son goût de la per- Montréal. Les résultats lui seront défavorables. fection et son sens musical averti, il a réussi Pierre Béïque explique de la façon suivante la à élever l’orchestre montréalais au rang des position des administrateurs sur ce sondage et principales associations symphoniques du sur ses conséquences : continent nord-américain. (Charbonneau 1953) Dans les années 1950, nous avons accueilli Ernest Ansermet, Leopold Stokowski et Après un bref séjour comme chef d’orchestre , trois célébrités interna- au Michigan, il dirigera de 1954 à 1958 le Gary tionales. Évidemment, le passage de tels Symphony Orchestra en Indiana. Il décède à visiteurs laissait un peu dans l’ombre Gary le 25 juillet 1960. Lors de ses funérailles, Désiré Defauw, du reste toujours victime un quatuor à cordes formé d’instrumentistes de la presse, le travail de sape du Chicago du Chicago Symphony Orchestra lui offre un Tribune ayant gagné Toronto et Montréal ultime témoignage (Freed 2001,15). comme une tache d’encre. Les abonnés commençaient à lui trouver des lacunes tenant davantage du qu’en-dira-t-on que Son héritage de la réalité. Les membres du conseil d’ad- Cet ardent défenseur de la musique de ses ministration, nerveux et perplexes, m’en- contemporains laisse en héritage à Montréal joignirent de procéder à un sondage sur l’appréciation des différents chefs connus plusieurs manifestations artistiques de haut de notre auditoire. La guigne s’acharnait niveau. On lui doit la direction de plus de 750 sur Defauw […] Par la suite, la dégrin- œuvres, la création et la diffusion d’œuvres golade malheureuse et combien injusti- canadiennes et l’audition de pages impo santes fiée de Defauw dans l’estime du public a des répertoires religieux, classique et moderne. enclenché le mécanisme infernal que vous Chez les musiciens, il a su créer un enthousias- devinez. Devant les résultats défavorables me, un désir de dépassement, de même qu’une du sondage, j’ai dû lui apprendre à contre- maturité technique permettant la production coeur que son contrat ne serait pas renou- de grandes œuvres. Aux défis proposés par les velé. Un des moments les plus ingrats et 25 administrateurs de la SCSM des tout premiers Son pays natal lui rendra les plus embarrassants de ma carrière, car hommage en 1958. Après j’avais le sentiment d’assassiner un homme débuts, Defauw superpose ses engagements avoir été invité à diriger dont l’influence s’était révélée salutaire sociaux et humanitaires, notamment en partici- l’Orchestre national belge, pant à divers concerts-bénéfices. Sa formation Désiré Defauw recevra la non seulement sur les musiciens, mais éga- médaille royale de la Reine lement sur l’évolution du goût du public. polyvalente, son expérience et sa connais- Élizabeth de Belgique. (Béïque 2001, 64-66) sance d’un large répertoire auront contribué à

74 DÉSIRÉ DEFAUW, UN CHEF BELGE À LA TÊTE DE L’OSM l’ouverture nécessaire des auditeurs québécois ______(1992). « Les origines du à une culture musicale internationale telle Conservatoire de musique du Québec », Les que le préconise encore aujourd’hui l’OSM. Cahiers de l’ARMuq, no 14, mai, p. 42-65. Entre Wilfrid Pelletier et Kent Nagano, Désiré DAVID, Athanase (1934). « Création d’un nou- Defauw constitue, dans les années 1940, un vel orchestre symphonique à Montréal », Le chaînon essentiel. Canada, lundi 17 décembre, p. 6. Cette analyse met en lumière le rôle du chef ______(1934) Lettre à Wilfrid Pelletier belge à la Société des concerts symphoniques. datant du 13 novembre, Fonds Wilfrid Désiré Defauw termine à la fin de la saison Pelletier, Montréal, Bibliothèque nationale du 1952-53 son œuvre de bâtisseur auprès de Québec, MSS-020, p. 3. l’or chestre montréalais, participant ainsi à la DOWNES, Olin (1939). « Defauw triomphe longue contribution des musiciens belges à comme chef d’orchestre de la NBC », New la vie musicale de notre pays (Huot 2008). York Times, lundi 17 décembre. Traduction Il est indéniable que la SCSM s’est taillée de E. de B (nom complet inconnu). une réputation internationale avec l’apport de chefs éminents tels Klemperer, Walter, FAVART, Dominique (coord.) (1997). Au bon- Münch, Decker, Krips et Monteux. Toutefois, heur des musiciens : 150 ans de vie musicale la renommée du chef belge, son expertise, sa à Bruxelles, Bruxelles, Éditions Lannoo et Société philharmonique de Bruxelles. connaissance d’un vaste répertoire, ainsi que son réseau de compositeurs du XXe siècle, lui FLAMAND, Guylaine (1999) « Le Montreal ont permis de mettre en place un rythme de Orchestra et la création de la Société des CS travail et une rigueur que seule pouvait impo- de Montréal (1930-1941) », Les Cahiers de la ser la stabilité d’un chef permanent. Defauw a SQRM, vol. 7, nos 1-2, décembre, p. 23-31. en ce sens tracé la voie à ses successeurs, Igor ______(2003). « The Montreal Orchestra Markevitch, (1957-61), Zubin Mehta (1961-67), and Les CS de Montréal (l930-4l) », mémoire Franz-Paul Decker, (1967-1975) Rafael Frübeck de maîtrise, DMA, The City University of New de Burgos (1975-76) Charles Dutoit (1977- York. 2002) et Kent Nagano (2006- ). q FREED, Richard (2001). « A Golden Age Deferred », Classic Record Collector, prin- RÉFÉRENCES temps, p. 12. Monographies, thèses et articles : GRENIER, Hélène (l943). « Quelques compo- siteurs que j’ai connus. Interview de Désiré AINEY, Lyette (2004). « Désiré Defauw et la Defauw », La Revue populaire, avril, p. 7. Société des CS de Montréal », mémoire de maîtrise, Université de Montréal. HERTZBERG, Marthe (l937). Désiré Defauw, portraits et souvenirs, Bruxelles, Éditions ARCHER, Thomas (1941). « Beethoven series libres. is milestone in Montreal’s musical history », The Gazette, samedi 10 mai, p. 6. HUOT, Cécile (1973). « Évolution de la vie musicale au Québec sous l’influence BÉÏQUE, Pierre (200l). Ils ont été la musique de Wilfrid Pelletier », thèse de doctorat, du siècle, Montréal, Bibliothèque nationale du Université de Toulouse. Québec. ______(2008). « Belgique », CHARBONNEAU, Robert (dir.) (1953). L’Encyclopédie de la musique au Canada, « Rentrée de Désiré Defauw », La semaine à http://www.the canadianencyclopedia.com/ Radio-Canada, vol. 111, no 41,19-25 juillet, index.cfm?PgNm=TCE&Params=Q1ARTQ000 p. l. 0257, consulté le 9 octobre 2008. CLOSSON, Ernest et Charles van den BORREN LALLEMAND, Jean C. (1944). « Message du (1950). La musique en Belgique du Moyen président », programme OSM, 3 et 4 octobre. Âge à nos jours, Bruxelles, La Renaissance du LINTEAU, Paul-André (1992). Brève histoire livre. de Montréal, Montréal, Boréal. COUTURE, Simon (l997). « Les origines du MAURAULT, Mgr. Olivier (1943). « Collation Conservatoire de musique du Québec », des grades honorifiques », Université de mémoire de maîtrise, Université Laval. Montréal, 3 juin.

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