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Intervention

Protocole underground / néoromantisme urbain Monty Cantsin

Number 13, November 1981

URI: https://id.erudit.org/iderudit/57521ac

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Publisher(s) Intervention

ISSN 0705-1972 (print) 1923-256X (digital)

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Cite this article Cantsin, M. (1981). Protocole underground / néoromantisme urbain. Intervention, (13), 49–49.

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This article is disseminated and preserved by Érudit. Érudit is a non-profit inter-university consortium of the Université de Montréal, Université Laval, and the Université du Québec à Montréal. Its mission is to promote and disseminate research. https://www.erudit.org/en/ À l'écart de ce qu'on pourrait quelques-uns de ces rocks appeler les «courants cultu­ dansants truffés de courts in­ rels», la région américaine des termèdes électro-acoustiques. Protocole underground/ Grands Lacs, banalement in­ Cette rythmique carrée autour dustrielle, apporte quand même de laquelle évolue la guitare néoromantisme urbain au rock quelques-uns des grou­ acérée et granuleuse du nou­ pes les plus originaux, voire veau venu une performance de Michel Côté, expérimentaux des États-Unis. n'est jamais très loin du Cap- Qu'il suffise de nommer Red tain Beefheart. Thompson, qui le 6 septembre 1981, Montréal. Crayola, Numbers Band, Sty­ habite en Angleterre, est aussi rène Money, Tin Huey et sur­ membre de Red Crayola, sorte tout Père Ubu. de sous-groupe qui présidait souvent les premières parties Ignoré dans sa propre ville, de Père Ubu. Cleveland, où il n'a jamais atti­ ré plus de cinq cents person­ apporte à nes à un concert, le groupe Père Ubu la dimension expé­ Père Ubu souffre également rimentale sonore grâce à son d'une diffusion parcimonieuse utilisation d'un modèle de syn­ et irrégulière. Écrasés par le thétiseur-bruiteur habituelle­ gigantisme des grands trusts ment réservé à l'enseignement de l'industrie du disque aux et aux effets sonores; rien à États-Unis, les groupes qui voir ici avec le synthétiseur osent se démarquer d'une for­ habituellement utilisé comme me d'orthodoxie au goût du clavier. jour doivent trouver de nouvel­ les portes de sortie. Ravenstine serait devenu pein­ tre, n'eut été de cette soudaine Alors Père Ubu doit avant tout passion pour l'électro-acousti- la continuité de son existence que. Il n'est pas exagéré de dire à l'Europe de l'Ouest, où le qu'il peint de véritables cou­ rendez-vous dans le métro (station McGill), 20h.25. je suis arrivé public est nettement plus ré­ leurs sonores qui s'intègrent tôt, mais il y a déjà quelques groupes médusés, je me promène, un ceptif et où la diffusion d'un au texte pour former une sorte type s'approche, moustache, 45 ans, «est-ce qu'il y a une disque se fait mieux. Ainsi, l'a­ de peinture mouvante, avec la performance ici ce soir?» (flic?) «nemtudom», je dis en hongrois vant-dernier album, New Picnic complicité de ses collègues. (Je ne sais pas)... je suis habillé en noir, et maintenant plusieurs Time, est sorti seulement en «Rhapsody In Pink» avec fond individus apparaissent dans le même couloir sombre, il y a déjà Grande-Bretagne, puisque de thème discret jazzifié au pia­ pas mal de monde, «montez» dit un personnage louche, on sort Chrysalis, après avoir édité le no: la palette sonore nous fait sur la rue Maisonneuve, à droite, l'autre côté, je suis un groupe précédent, , en plonger en plein océan avec un Amérique refuse catégorique­ récit nébuleux qui semble s'é­ on arrive près d'une construction, une fille noire nous arrête; ment de poursuivre cette dé­ chapper des bulles du sca­ «soyez discrets et attendez ici»... on entre, une femme-guide marche. phandrier. avec deux lampes portatives nous dirige, il fait froid dans ce labyrinthe, ciment humide, détonations itératives deviennent de Heureusement, le plus récent, Ailleurs on se promène dans plus en plus intenses, daaaaaaagg, daaaaaaanggggg, daaaaaaaaaaaannnnnggggg,... , leur qua­ un manège ensorcelé où on se On va à l'empire des morts?... on s'arrête pour quelques trième album en studio, nous retrouve enfermé dans une minutes dans un propylée, graffiti composés de pénis géants, est parvenu de la petite firme cuve d'énergie inerte. L'orgue daaaaaaaaaaaag, daaaaaaaaaaaaaaaaaang, big dancing/loving, pénis Rough Trade (quel nom bien est lancinant, la batterie-mar­ agrrifs, quelques petites lampes servent de réflecteurs, choisi). Album aux images en­ teau sonne comme une gigan­ core plus variées que précé­ tesque boîte de carton, le syn­ daaaaaaaaaaaaaaaaaang, on descend un escalier, notre guide demment, mais à l'horizon se thétiseur siffle comme une est précise et assurée, j'ai froid et j'ai peur, je me sens détache toujours la silhouette bouilloire ou émet un ronfle­ claustrophobe, les détonations sont énormes et inlassablement menaçante et omniprésente ment paisible presque humain. répétées, on descend aux enfers? d'une centrale nucléaire, et ce Plus loin, une pièce musicale baaaaaaaaaaaaaaannnngggg, on y arrive, mais ce n'est pas l'enfer, n'est pas de la fiction... Le semble complètement avalée groupe reflète ou plutôt peint par le synthétiseur et ressort michel côté s'assoit par terre dans une position yogi, il est cet environnement lourd en y sous forme de parasite sonore. demi-nu, et plus, son pantalon est coupé, on peut voir le pénis, il intégrant une forme de surréa­ fait froid, un type sombre porte des coups violents à un tonneau lisme humoristique, même La musique de Père Ubu est de métal baaaaaaaaaaaaaaaaaaaaannnnngggggggg, dans les moments angoissants. d'un degré expérimental inha­ une lampe portative éclaire le corps de michel, giant shadow on On est aussitôt attiré par la bituel par rapport aux autres the wall, il s'assoit dans un espace triangulaire, l'autre travaille voix d'éléphant apeuré de son groupes rock américains, ce chanteur habituel, David Tho­ bon vieux monument qu'est le fort: baaaaaaaaaaaaaaaaaaangggg, la danse mas, voix qui se retient en un Captain Beefheart mis à part de michel, danse de St-Guy, mouvements choréiques, crasy, mince filet angoissé pour écla­ (le chanteur ne rituel, flagellant, ascétique, schizophrène, fou, une confession et ter plus loin à travers des ryth­ se gêne d'ailleurs pas pour le une défense agressive, danse exorciste, non-civilisée, primitive, mes durs, monolithiques. Si citer comme une influence magie noire, guerre spirituelle, le déchaînement des passion, cet humour surréaliste s'adres­ majeure). se au cerveau, les tempos rocks baaaaaaaaaaaaaaaangggg, un protocole sont souvent sautillants, On pourrait associer Père Ubu underground il s'arrête, il s'assoit, il y a du silence, et joyeux, non sans tendresse aux groupes européens de mu­ puis il recommence à parler, pas facilement, sa voix s'étrangle, optimiste (dans «Go»: My sique industrielle à cause de «je ne sais pas,... j.. je... aaah. j'ai peur tout le temps je me Hands Are Complicated leur son souvent lourd et métal­ lève le matin et je veux faire quelque chose d'extraordinaire, je Thoughts... byt my feet just lique, mais leur musique est vois les gens, tout le monde est contre moi... j'ai peur j.. je ne want to go). Père Ubu aime trop variée et trop colorée, trop sais pas, je veux être extraordinaire....» il se lève et part aussi faire danser. humaine aussi. on sort, dirigés par les guides, ok, no police pas, et maintenant il The Art of Walking contient faut aller où? Jacques Daigle monty cantsin.

Intervention, octobre 81 . 49