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Supplément spécial n° 10 / Juillet 2014 La qualité, ou plutôt l’ineptie de la plupart des films français qui se sont succédé depuis le début de l’année serait-elle proportionnelle à la débâcle critique qui ne cesse de prendre de l’ampleur ? Constat un tantinet exagéré mais une certaine tendance au nivellement par le très très bas s’opère pourtant. Ce n’est pas nouveau que la parole critique concernant le cinéma soit si peu affutée sur le service public, notre consœur L’ouvreuse s’était essayée en 2009 à une immersion intensive d’une semaine dans l’enfer du PAF côté émissions de ciné. Depuis, pas grand chose n’a changé, certaines émissions ont disparu mais globalement une véritable réflexion critique se fait toujours aussi rare. Bien sûr, le net propose une alternative réjouissante car parmi les nombreux sites et blogs se contentant de régurgiter ce que les attachés de presse leur adressent, sont apparus des espaces d’expression tenus par des passionnés livrant leurs réflexions avec une certaine verve et acuité, mais généralement ces sites ne sont pas les mieux référencés ou les plus visités. La quasi absence de développement critique accessible au plus grand nombre est en soi l’illustration de l’échec du service public à formaliser des interstices où pourraient s’épanouir débat et/ou questionnements sur des œuvres présentes ou passées. Si possible quelque chose de plus consistant que la navrante émission « Le Cercle » présentée par Beigbeider où Philippe Rouyer a bien du mal à élever le niveau à lui tout seul... Peut-être que le téléspectateur lambda comme consommateur de films ne veut pas se prendre la tête et les chaînes lui fournissent alors le minimum requis pour se déplacer en salles. Sans doute est-ce la raison pour laquelle l’infomercial le dispute aux avis rapides presque elliptiques. Mais à l’occasion du dernier festival de Cannes nous avons franchi une ultime limite avec les courtes péroraisons de Eric Neuhoff qui rivalisaient de vulgarité et de crétinerie. Envoyé très spécial du quotidien Le Figaro sur la croisette, ces points de vue bas du front se voulaient iconoclastes mais traduisaient un mépris ahurissant et une envie toujours aussi indéfectible de se faire remarquer, lui, en tant que critique. On touchait certes le fond de la cuvette réflexive mais il n’y avait qu’un pas de côté à effectuer pour se purifier le cerveau puisqu’il suffisait de se brancher une fois par semaine le vendredi à 15 heures sur l’antenne de France Inter et se délecter de la remarquable émission de réflexion cinéphilique « Pendant les travaux, le cinéma reste ouvert » animée par les duettistes magnifiques Stéphane Bou et Jean-Baptiste Thoret. Une émission qui parlait de l’actu mais s’articulait surtout autour d’un grand thème, un réalisateur, un genre (le capitalisme, la cinéphilie, James Bond, Michael Mann, John McTiernan, Sidney Lumet...) pour donner la parole à des intervenants maîtrisant le sujet. Érudition, engouement, passion présidaient donc ce rendez-vous hebdomadaire incontournable puisqu’il ne s’adressait pas uniquement aux cinéphiles avertis mais était une formidable porte d’entrée pour les curieux et autres cinéphages désireux d’explorer de nouveaux horizons (les films pré-code, Hal Ashby, Renoir, l’enseignement du cinéma, Ozu, les jeux vidéo, etc.). Une émission qui animait les étés 2012 et 2013, que l’on retrouva dès janvier cette année et qui s’est depuis arrêtée, juste avant l’été d’ailleurs. Malheureusement de façon définitive puisque victime d’une déprogrammation sauvage initiée par la nouvelle directrice des programmes, Laurence Bloch. Ceci dans un souci de redynamisation, de modernisation. C’est sans doute pour cette même raison qu’était annoncée la venue de Nagui. Bloch dont les premiers propos rapportés par un reportage d’intronisation du Monde exhortaient à avoir de l’audace, à être un peu punk (sic). C’en est donc fini de la seule émission qui sortait du lot par ses qualités indéniables et sa volonté d’ouvrir le champ réflexif à une large audience hors des sentiers rebattus et surtout sans que les sujets abordés soient dictés par l’impérieuse nécessité de coller au plus près à l’actu de la semaine. Soit un recul critique exemplaire et nécessaire que le service public a désormais totalement abandonné. Bienvenue dans le désert du réel.

Nicolas ZUGASTI

Versus – supplément de juillet 2014 | Rédaction / administration : c/o Mix’Art Myrys, 12 rue Ferdinand Lassalle, 31200 Toulouse, France > courriel : [email protected] courriel abonnements : [email protected] | Directeur de la publication : Nicolas Zugasti | Rédacteurs en Chef : Nicolas Zugasti, Éric Nuevo | rédaction (pour ce supplément) : Stéphane Ledien, Jean- Charles Lemeunier, Julien Taillard, Nicolas Zugasti | Conception graphique (couvertures et pages édito / sommaire) : Le Créatif Volant | Promotion & relations de presse : Dominique Lalande de Dola Communications > courriel : dola@ dolacommunications.com | Tous droits réservés pour le titre, le logo & les textes | Ce supplément est un contenu numérique de la revue « VERSUS – Contrepoint de vue sur le cinéma » (ISSN 1771-1207). Tous deux sont édités par l’association à but non lucratif « VERSUS – Contrepoint de vue sur le cinéma » (loi 1901). Ce supplément gratuit rassemble au format *.pdf tous les articles publiés sur le blog de la revue en avril, mai et juin 2014 (-> http://blog.revueversus.com), sauf ceux concernant le 67e festival de Cannes | www.revueversus.com www.facebook.com/RevueVersus | twitter.com/Revue_Versus Articles parus (pour les lire en ligne sur le blog de la revue, cliquez sur le titre de votre choix) :

Collection Bach Films : un Tourneur pas phraseur

Community saison 5, épisode 12 – : sans histoire

Cinéma Bis italien : tout le plaisir est pour nous

The Agent de Ryu Seung-wan : Berlin, nid d’espions

Le Loup de Wall Street de Martin Scorsese : Wolf creek

Godzilla de Gareth Edwards : Lézard et la manière

Psycho Killer (The Red Mohawk) de l’auteur Anonyme aux éditions Sonatine : Bienvenue à B Movie Hell

X-Men : Days of Future Past de Bryan Singer : Franchise recomposée

Scarlet Diva (Bach Films) : Extrême et moderne Asia

Le Fouineur d’Ettore Scola (Bach Films) : Pepe le moqueur

Analyse saison 5 (1ère partie) : Mad Men and Women

Analyse Community saison 5 (2e partie) : study hard

Le Désert des Tartares de Valerio Zurini : Les soldats de l’armée morte Collection Bach Films : Un Tourneur pas phraseur | Le blog de la revue de cinéma Versus 17/07/14 15:30

Collection Bach Films : Un Tourneur pas phraseur

Publié par versusmag11 avril, 2014

(http://versusmag.files.wordpress.com/2014/04/hommage-a-maurice-tourneur-4-dvd.jpg) Maurice Tourneur. Que voilà un nom tombé aujourd’hui dans les culs-de-basse-fosse de la mémoire. C’est à peine si l’on se souvient de son fils Jacques et de son passage glorieux à la RKO. http://blog.revueversus.com/2014/04/11/collection-bach-films-un-tourneur-pas-phraseur/ Page 1 sur 8 Collection Bach Films : Un Tourneur pas phraseur | Le blog de la revue de cinéma Versus 17/07/14 15:30

Mais si ce n’est le même métier et le talent, les deux Tourneur n’ont pas grand chose en commun. Sinon d’avoir tous deux réussi parfaitement leur carrière américaine.

Redécouvert dans les années 80 grâce à Patrick Brion qui programme dans son Cinéma de minuit, à la télévision, plusieurs grands films de la seconde période française du cinéaste (entre 1930 et son dernier film, en 1948), Maurice Tourneur a l’avantage d’offrir à l’amateur plusieurs carrières. Ce comédien de théâtre français débute au cinéma dans de petits rôles auprès de Max Linder (en 1912), avant de faire ses premiers pas, dès l’année suivante, sous la casquette de réalisateur. Un des films les plus anciens que l’on connaisse de lui est Les gaités de l’escadron, 1913, d’après Courteline, dont il tournera une version parlante en 1932. Puis il est envoyé aux États-Unis par la société Éclair, troisième maison de production française derrière Gaumont et Pathé. Nous sommes en 1914 et les studios Éclair de Fort Lee brûlent. L’accident ne brise en rien la trajectoire de Maurice Tourneur qui va signer aux États-Unis jusqu’en 1926 une série de films portant incontestablement sa griffe. À ses côtés, parmi ses collaborateurs, d’autres Français se feront un nom en Amérique : les opérateurs Lucien Andriot et René Guissart (qui, après avoir photographié le Ben-Hur de Fred Niblo en 1925, reviendra en France pour réaliser des comédies), le scénariste Charles Maigne, le décorateur Ben Carré.

(http://versusmag.files.wordpress.com/2014/04/countyfair.jpg)

Ce sont huit de ces films, totalement inédits chez nous (si ce n’est Victory, déjà présent dans la collection Lon Chaney du même éditeur), que Bach Films a réunis dans un coffret de DVD. On y trouve trois films de 1917, The Whip (La casaque verte), The Pride of the Clan (Fille d’Écosse) et The Poor Little Rich Girl (Pauvre petite fille riche), les deux derniers interprétés par Mary http://blog.revueversus.com/2014/04/11/collection-bach-films-un-tourneur-pas-phraseur/ Page 2 sur 8 Collection Bach Films : Un Tourneur pas phraseur | Le blog de la revue de cinéma Versus 17/07/14 15:30 The Poor Little Rich Girl (Pauvre petite fille riche), les deux derniers interprétés par Mary Pickford, grande star de l’époque. Mais aussi The Blue Bird (1918, L’oiseau bleu), Victory (1919, Victoire/Le secret du bonheur), The County Fair (1920), The Last of the Mohicans (1921, Le dernier des Mohicans) et Lorna Doone (1922). Signalons que quatre d’entre eux, The Whip, The Poor Little Rich Girl, The Blue Bird et The Last of the Mohicans, ont été désignés par la United States Library of Congress comme “culturellement signifiants” et, à ce titre, choisis pour être préservés à la National Film Registry.

(http://versusmag.files.wordpress.com/2014/04/barbara_bedford- alan_roscoe_in_the_last_of_the_mohicans.jpg) Barbara Bedford et Alan Roscoe dans The Last of the Mohicans

Il y a chez ce Tourneur américain que nous connaissons mal (et dont Patrick Brion, dans l’un des bonus du coffret, rappelle qu’il était considéré en Amérique comme l’un des plus grands cinéastes, aux côtés d’Ince, Griffith ou DeMille), c’est indéniable, un sens du rythme, voire du suspense. C’est flagrant dans The Whip, lorsque les méchants du film (dont Sartoris, incarné par Paul McAllister) veulent empêcher le cheval des gentils de concourir à Saratoga : pendant que deux femmes sont enfermées dans un musée de cire, Sartoris détache le wagon dans lequel se trouve le cheval et le héros (Irving Cummings, futur réalisateur) roule à toute allure en voiture. Last of the Mohicans est traversé par ce sentiment de précipitation : si Uncas (Alan Roscoe) ralentit son rythme, il ne parviendra pas à sauver sa chérie (Barbara Bedford). On retrouve ces mêmes qualités dans Lorna Doone : le héros (John Bowers) court pour sauver sa promise (Madge Bellamy), il court pour se venger et, à chaque fois, le spectateur est suspendu au rythme. Dans Victory, les scènes dramatiques de la fin sont emportées par le jeu de Lon Chaney. Tourneur contrebalance toujours l’aspect mélodramatique par des tensions beaucoup plus fortes et ses films ne sont jamais des mélos purs, qu’il teinte d’éléments s’approchant du fantastique ou de l’aventure (ici, le scénario est tiré d’un récit de Joseph Conrad).

Ce sens du montage n’altère pas le soin apporté aux images : Maurice Tourneur est un esthète et http://blog.revueversus.com/2014/04/11/collection-bach-films-un-tourneur-pas-phraseur/ Page 3 sur 8 Collection Bach Films : Un Tourneur pas phraseur | Le blog de la revue de cinéma Versus 17/07/14 15:30 ce n’est sans doute pas un hasard si, dans sa jeunesse, il a travaillé auprès de Rodin et de Puvis de Chavanne. Ses compositions sont souvent dignes de tableaux, ce qui est flagrant dans Last of the Mohicans et surtout dans The Blue Bird : la beauté des images renvoie à certaines peintures de Georges de Latour ou de Rembrandt et l’on se prend à regretter que la copie soit abimée, oubliant qu’elle est âgée de 96 ans. Ce Blue Bird possède malgré tout un côté mièvre (le film semble être destiné aux enfants) et l’histoire tirée de Maurice Maeterlinck fait penser quelque peu au Magicien d’Oz, avec son chien et son chat qui se retrouvent humanisés. D’où l’intérêt de regarder le supplément du film, dans lequel Patrick Brion fait une brillante démonstration des qualités de réalisation de cet Oiseau bleu.

http://blog.revueversus.com/2014/04/11/collection-bach-films-un-tourneur-pas-phraseur/ Page 4 sur 8 Collection Bach Films : Un Tourneur pas phraseur | Le blog de la revue de cinéma Versus 17/07/14 15:30

(http://versusmag.files.wordpress.com/2014/04/the-pride-of-the-clan-1917.jpg)

http://blog.revueversus.com/2014/04/11/collection-bach-films-un-tourneur-pas-phraseur/ Page 5 sur 8 Collection Bach Films : Un Tourneur pas phraseur | Le blog de la revue de cinéma Versus 17/07/14 15:30

Alors bien sûr, le jeu de mot du titre de cet article est facile : ce Tourneur-ci, en pleine époque du muet, ne pouvait être phraseur. Ce serait oublier que certains films non parlants sont souvent très bavards, avec de longs intertitres qui n’en finissent plus. Notre Maurice préfère croire en ses images : il sait qu’elles sont suffisantes pour tout nous dire d’un personnage, d’un décor, sans avoir besoin de faire de la paraphrase. Il saisit au vol les gestes du quotidien (ainsi, lorsque Mary Pickford, dans The Pride of the Clan, voulant se poudrer le visage pour une fête, plonge la main dans la farine) et ces plans en disent plus sur la simplicité des personnages que de longs discours. Donc non, j’insiste, notre artisan n’est point un Tourneur phraseur !

Ce coffret Tourneur est riche en surprises, tel l’étonnant tour d’adresse de The Poor Little Rich Girl qui fait habilement passer Mary Pickford (25 ans à l’époque de la sortie du film) pour une enfant d’une douzaine d’années, avec un travail formidable sur l’échelle, surtout lorsqu’on compare la taille de l’actrice aux décors et aux autres adultes. Bon, il faut quand même dire que Mary, “la petite fiancée de l’Amérique”, était coutumière du fait en incarnant souvent des gamines à l’écran, avec sa petite taille (1,54 m). Le plus beau cadeau reste pour moi Le dernier des Mohicans. Quel film ! Adressé aux adultes et ne leur cachant rien, ce qui sera loin d’être le cas du cinéma américain dans ses grandes généralités. Ici, rien ne nous est épargné, ni les scènes de cruauté, avec des massacres de femmes et d’enfants, ni la lâcheté d’un militaire blanc, ni le courage des Indiens. Rappelons que nous sommes à l’époque du muet et que les Indiens n’ont pas encore acquis au cinéma la sauvagerie qui les désignera au moins jusqu’à la fin des années quarante. On cite souvent The Vanishing American (1925) de George B. Seitz comme l’un des symboles du film pro-Indien et il serait dommage d’oublier The Last of the Mohicans. On appréciera la dignité avec laquelle Tourneur dépeint les Indiens et le réalisme qu’il met dans leur description : ainsi, la plupart ne sont vêtus que d’un seul pagne flottant sur leurs fesses, sans que cela ne soit jugé indécent. Tourneur n’apporte non plus aucun manichéisme dans les combats : les Blancs peuvent se montrer lâches ou courageux, les Indiens sauvages ou sauveurs (d’ailleurs, dans le rôle du très méchant Indien, on reconnaîtra Wallace Beery, future grande vedette, qui apparaît également dans Victory). Aucun camp n’est entièrement bon ou méchant et Tourneur, le Français, place ses héros dans celui des Britanniques, face aux Français de Montcalm. À ce fracas et cette fureur guerrière des hommes, Tourneur oppose la tendresse d’un cheval face au cadavre de sa jument, plan sentimental, certes, mais qui dans ce contexte s’avère très beau.

Un autre détail nous montre clairement combien, durant cette période, Tourneur est devenu un cinéaste complètement américain, avec l’usage de l’argot dans les intertitres. C’est flagrant dans The Pride of the Clan, où l’accent écossais des personnages est reproduit dans l’écriture des dialogues, avec des abréviations, des déformations des mots anglais : kirk pour church, ye pour you, wi’ pour with…

Tourneur adore aussi situer son action en extérieurs (c’est pratiquement le cas dans tous les films du coffret), dans de très beaux paysages, souvent en de remarquables plans nocturnes. Dès qu’il le peut, il accorde toute son importance aux éléments naturels : la mer dans The Pride of the Clan, le volcan dans Victory. Pendant le tournage du Dernier des Mohicans, où les paysages sont réellement fabuleux, Tourneur est tombé malade et a confié la réalisation des extérieurs à son assistant, Clarence Brown (un futur grand, lui aussi), qui cosigne le film. Le résultat est conforme aux attentes de Tourneur.

http://blog.revueversus.com/2014/04/11/collection-bach-films-un-tourneur-pas-phraseur/ Page 6 sur 8 Collection Bach Films : Un Tourneur pas phraseur | Le blog de la revue de cinéma Versus 17/07/14 15:30

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Dans l’un des suppléments, Patrick Brion estime que le Tourneur américain montre davantage ses qualités d’auteur qu’il ne le fera lors de sa seconde carrière française, à partir des années 30. Il est vrai que les huit films présentés dans ce coffret lui donnent raison pour la première partie de son affirmation. Pour la seconde, nous attendons de juger sur pièces, encore que ce que l’on connaît de cette ultime partie de la filmographie de Tourneur, de Justin de Marseille à La main du Diable, d’Avec le sourire à Cécile est morte, sans oublier Volpone (même si plusieurs séquences de ce film portent la signature de Jacques de Baroncelli), est plus qu’honorable.

Jean-Charles Lemeunier

Coffret DVD Maurice Tourneur, sorti le 14 mars 2014 chez Bach Films.

http://blog.revueversus.com/2014/04/11/collection-bach-films-un-tourneur-pas-phraseur/ Page 7 sur 8 Community saison 5, épisode 12 – Basic Story : sans histoire | Le blog de la revue de cinéma Versus 17/07/14 15:32

Community saison 5, épisode 12 – Basic Story : sans histoire

Publié par versusmag14 avril, 2014

(http://versusmag.files.wordpress.com/2014/04/communitys05e12_basicstory.jpg) En attendant de revenir plus longuement sur cette cinquième saison de la série Community, et alors qu’elle arrive au terme de ses treize épisodes, attardons-nous sur le pénultième. Après la succession d’épisodes concept dont le paroxysme fut atteint avec l’épisode précédent, le grandiose G.I Jeff, retour à des standards moins délirants. Mais pas pour autant une histoire conventionnelle. N’oublions pas que nous sommes sur le campus de Greendale. Le comité de sauvetage de Greendale a mené à bien sa mission comme l’attestent les innombrables étoiles de tâches accomplies punaisées au mur. A la grande satisfaction de l’ensemble du groupe d’études sauf Abed qui espère un dérèglement quelconque pour les propulser une nouvelle fois dans une histoire rocambolesque. Mais rien ne se passe. L’espoir renaît lorsque le Dean leur annonce qu’un expert en assurance est sur le point d’arriver afin d’évaluer l’université et donc sa pérennité. Panique à bord, sauf pour Jeff serein qui affirme que rien n’arrivera puisqu’ils ont tout réparé. Effectivement, tout se passe pour le mieux et l’expert affirme même que l’établissement a acquis une nouvelle valeur. Et de fait, Greendale va être très rapidement cédé à une célèbre franchise de sandwich qui en fait une université dédiée à son produit (de la fabrication à la vente en passant par le marketing, etc). En sauvant Greendale, le study group a condamné Greendale. Un paradoxe savoureux qui permet à Harmon et son équipe d’atteindre un très très haut niveau meta discursif puisque en creux est questionné l’avenir même de la série.

http://blog.revueversus.com/2014/04/14/community-saison-5-episode-12-basic-story-sans-histoire/ Page 1 sur 4 Community saison 5, épisode 12 – Basic Story : sans histoire | Le blog de la revue de cinéma Versus 17/07/14 15:32

(http://versusmag.files.wordpress.com/2014/04/communitys05e12.jpg)

Basic Story est ainsi la première partie d’un double épisode final dont on ne sait pas encore s’il sonnera la fin de la saison seulement ou de la série, et il est tout simplement renversant. S’il est moins turbulent en apparence, il se montre particulièrement audacieux dans le ton assez dépressif et désespéré qui ne va cesser de peser (avec comme point d’orgue le Dean fondant en larmes, en sous-vêtements, dans son bureau dans une réminiscence de l’épisode 8 de la saison 3 Documentary Filmaking : Redux) et la volonté de questionner la nécessité de raconter une histoire, entraînant des répercussions à vous retourner le cerveau tant le quatrième mur, cette barrière symbolique. séparant la réalité du spectateur de la diégèse, n’a jamais paru aussi ténu. Cela va concerner en premier lieu Abed, évidemment, qui a du mal à accepter que rien ne se passe (alors que ses partenaires s’amusent sur leurs téléphones, il dira même ouvertement que durant la demi-heure qui s’est écoulée – durée d’un épisode, coupures pubs comprise – il se passait habituellement plus de choses). Quand Pelton apparaît appelant le groupe à la rescousse pour gérer la venue de l’expert, Abed tente de les aiguillonner en répétant deux fois, « appel de l’aventure ». Mais Jeff calme rapidement tout le monde en affirmant qu’il n’y aura pas d’histoire (dans cet épisode. Il ne le dit pas explicitement mais c’est clairement sous-entendu) car aucun problème n’adviendra. Pas de conflit. Allant même jusqu’à définir cette inspection comme aussi ennuyeuse que la romance de Troy et Britta (événement se déroulant au long de la quatrième saison). Il convainc Abed de ne pas chercher à en faire toute une histoire justement, car si cela arrivait, cela mettrait à mal la visite de l’évaluateur, donc entraînerait la chute de Greendale et il n’y aurait alors plus aucune possibilité d’histoire. Du tout. Abed va donc connaître une grave crise existentielle et passer le plus clair de son temps dans l’épisode à fuir toute histoire potentielle, et ce jusqu’à littéralement courir pour échapper à la caméra du show en train de le suivre ! Une action entreprise après avoir d’abord entraîné la caméra vers une fausse piste dans la salle des profs !!??

http://blog.revueversus.com/2014/04/14/community-saison-5-episode-12-basic-story-sans-histoire/ Page 2 sur 4 Community saison 5, épisode 12 – Basic Story : sans histoire | Le blog de la revue de cinéma Versus 17/07/14 15:32

(http://versusmag.files.wordpress.com/2014/04/abedruncommunity.gif) Un propos globalement auto-référentiel car discourant sur la structure même du show, la propre difficulté de la cinquième saison à produire de bonnes histoires. On évolue même à un triple niveau méta discurssif car lorsqu’il est question de sauver l’université, il s’agit aussi de réparer les dommages causés à la série par la pitoyable saison quatre. Il est fait mention à multiples reprises de cette saison sans comme l’année de la fuite de gaz. Or, dans cet épisode, une fois l’expert passé, il est évoqué que cette fuite est désormais totalement résorbée, c’est à dire oubliée. A noter que l’on revient également aux bases, à ce qui motiva la formation de leur groupe, c’est à dire la volonté de Jeff de séduire Britta. Un autre rappel de ces bon vieux jours d’antan dont cette cinquième saison regorge et qui ne suscite toujours pas de nostalgie sclérosante mais permet d’évaluer le chemin parcouru. Et dans l’avenir incertain qui se profile, permet à Jeff et Britta de construire une histoire dans un épisode censé en être dépourvu (et qui en est en fait truffé) mais neutralisée par l’irruption d’Abed, le doyen et Annie complètement extatiques après leur découverte. Un épisode encore une fois remarquable dans son écriture (assez retorse ici puisque concerne une histoire tentant de bannir toute forme de récit), savoureux grâce aux interactions toujours aussi irrésistibles entre les personnages et dont on ne prend la mesure extrêmement jouissive qu’une fois digéré ce qu’il a nous a balancé. En outre, il parvient à rebattre les cartes dans son final pour préparer à la conclusion de la semaine prochaine où nos « étudiants » partiront sur les traces du fondateur de l’université (un prof d’informatique dans la lignée loufoque de l’université puisqu’il est reconnu pour avoir fait l’amour à un ordinateur et attraper le premier virus informatique) à la recherche d’un trésor caché. Et ainsi achever le parcours du Héros tel que défini par le monomythe de Campbell dont l’influence est plutôt clairement rappelée tout le long de cet épisode titré Basic Story, pour ne pas dire Archetypal Story…

Nicolas Zugasti

COMMUNITY 5×12 – BASIC STORY Showrunner : Dan Harmon Réalisateur : Jay Chandrasekhar Scénario : Carol Kolb Interprètes : Joel McHale, Gilian Jacobs, Dani Pudi, , , Ken Jeong,

http://blog.revueversus.com/2014/04/14/community-saison-5-episode-12-basic-story-sans-histoire/ Page 3 sur 4 Cinéma bis italien : Tout le plaisir est pour nous | Le blog de la revue de cinéma Versus 17/07/14 15:32

Cinéma bis italien : Tout le plaisir est pour nous

Publié par versusmag23 avril, 2014

(http://versusmag.files.wordpress.com/2014/04/satanik.jpg) Franchement, il est bien gentil, M. Jourdain avec sa prose, mais il n’est quand même pas le seul. Tenez, pour ne prendre qu’un exemple, quand j’étais gamin, je lisais des fumetti et je le savais même pas ! Je me régalais avec les histoires de Zorry Kid et ses saucissons qui se baladaient dans le décor sans me rendre compte que c’était une bédé italienne, signée du grand Jacovetti. Les phylactères, semblables à des nuages de fumée, ont fait surnommer ces bandes dessinées du nom de fumetti. Et la bonne nouvelle pour nous, c’est que plusieurs d’entre elles ont inspiré des

http://blog.revueversus.com/2014/04/23/cinema-bis-italien-tout-le-plaisir-est-pour-nous/ Page 1 sur 7 Cinéma bis italien : Tout le plaisir est pour nous | Le blog de la revue de cinéma Versus 17/07/14 15:32 cinéastes. Pas les plus grands certes, à l’exception de Mario Bava. Citons ainsi Duccio Tessari qui, avec Tex et le seigneur des abîmes, adapte le Tex Willer d’Aurelio Galleppini. Le déjà cité Mario Bava réalise Danger Diabolik d’après le personnage créé par les sœurs Giussani. Kriminal, la créature de Max Bunker (alias Luciano Secchi) dessinée par Magnus (Roberto Raviola) hante les filmos d’Umberto Lenzi et de Fernando Cerchio. Ce sont les mêmes Magnus et Bunker qui donnent à Satanik ses lettres de noblesse. Et, c’est là où je voulais en venir, Satanik est adapté à l’écran en 1968 par Piero Vivarelli. Une production qui lance chez Artus Films une nouvelle collection DVD, baptisée Fumetti. S’il n’y a pas de fumée sans feu, l’histoire du 7e art prouve bien qu’il peut en revanche exister des fumetti sans beaucoup de feu. Car entre nous, le scénario de Satanik n’est pas des plus originaux. Qu’est-ce qui fait alors qu’on ait tellement envie de voir ces fumetti sur grand écran ? Sans aucun doute les détails.

(http://versusmag.files.wordpress.com/2014/04/satanik-2.jpg) Prenons celui qui est relevé par Luigi Montini, interprète du film, dans l’un des suppléments (qui sont d’ailleurs l’un des points forts des collections d’Artus Films) : l’héroïne, une vieille biologiste très moche, boit une potion de rajeunissement et perd connaissance. La caméra balaie le corps étendu sur le sol : la laideur est devenue, on s’en doutait, une ravissante jeune femme super gaulée. Et ses fringues classiques et vieillottes se sont métamorphosées en petit chemisier seyant et

http://blog.revueversus.com/2014/04/23/cinema-bis-italien-tout-le-plaisir-est-pour-nous/ Page 2 sur 7 Cinéma bis italien : Tout le plaisir est pour nous | Le blog de la revue de cinéma Versus 17/07/14 15:32 minijupe. Bravo la formule ! C’est bien là que réside le charme de ces productions : dans leur style. Les couleurs, la musique, les acteurs, l’érotisme sage, la façon de filmer, tout respire les années soixante et la pop culture. À tel point que l’image du film, ce qu’il véhicule en termes de fantasmes (voir l’affiche et ses deux jolies silhouettes, l’une en maillot jaune et l’autre vêtue en Fantômas sexy rouge), est peut-être plus forte que le film lui-même. Et, curieusement, même si après la vision de Satanik, on se dit que ouais, bof, c’est pas mal, un peu décevant, on est malgré tout heureux de posséder le DVD dans sa collection. Il ne reste plus qu’à souhaiter les prochaines sorties d’autres films inspirés de fumetti. Pour cela, on peut faire confiance à Artus qui dégotte toujours des raretés.

(http://versusmag.files.wordpress.com/2014/04/ladymorgan.jpg)

http://blog.revueversus.com/2014/04/23/cinema-bis-italien-tout-le-plaisir-est-pour-nous/ Page 3 sur 7 Cinéma bis italien : Tout le plaisir est pour nous | Le blog de la revue de cinéma Versus 17/07/14 15:32

La preuve en est donnée avec les trois autres films nouvellement édités chez lui. La vendetta di Lady Morgan (1965, La vengeance de Lady Morgan) nous aide à poursuivre la connaissance de l’œuvre de Massimo Pupillo (dont Artus a déjà sorti Cinq tombes pour un médium (sous le titre Le cimetière des morts-vivants) et Vierges pour le bourreau. Là encore, les suppléments (les commentaires d’Alain Petit et les interviews de Pupillo et de Paul Müller) sont passionnants. Lucas Balbo nous y raconte une curieuse histoire. Les années 60 étant à l’américanisation des noms italiens, Pupillo a signé plusieurs films sous le nom de Max Hunter. Cinq tombes pour un médium ayant été traficoté par le producteur Ralph Zucker, le film fut finalement signé de ce nom. Or, lorsque ce dernier mourut en 1982, tout le monde en conclut qu’il s’agissait de Pupillo. D’où la grande surprise des organisateurs du festival de Rome qui, en 1996, rendant hommage entre autres à Massimo Pupillo, eurent la surprise de le voir débarquer bien vivant. C’est à cette occasion que Balbo put faire l’interview du cinéaste. Pupillo, c’est évident, donnait la préférence à la première partie de sa carrière et aux nombreux documentaires qu’il signa alors. Il considérait visiblement sans conséquence ses petits films d’horreur fauchés, devenus pourtant cultes au fil du temps. Le plus incroyable est que les auteurs du document perdent la trace de Pupillo après cette rencontre. Ils ont pourtant contacté son fils, musicien de jazz, mais sans réponse. Il semblerait que Pupillo soit mort depuis, mais rien n’est moins sûr. La vengeance de Lady Morgan, qui mêle fantômes et vampires, doit son charme à l’atmosphère gothique qui s’en dégage. Vu le peu de moyens dont a bénéficié Pupillo, ce film est une réussite.

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(http://versusmag.files.wordpress.com/2014/04/viergespleinelune.jpg) Il plenilunio delle vergine (1973, Les vierges de la pleine lune), que Luigi Batzella signe sous le nom de Paolo Solvay, est beaucoup plus érotique. Auteur d’un fabuleux dictionnaire du cinéma bis (Stracult), le journaliste italien Marco Giusti est emballé par ce qui est pour lui le premier film de vampires lesbiennes. Il déclare même qu’il s’agit du meilleur rôle de Rosalba Neri – j’avoue qu’à tout prendre, je la préfère dans La bestia uccide a sangue freddo (La clinique sanglante ou, admirez le titre de la sortie en salles, Les insatisfaites poupées érotiques du Dr Hichcock)) de Fernando Di Leo. Confrontées à des jumeaux incarnés par Mark Damon, ces Vierges de la pleine lune jouent à fond la carte de la beauté de ses actrices, usant malheureusement d’un scénario qui, à cette époque, commence à être usé jusqu’à la corde : le voyageur esseulé, le château occupé par des vampires… La seule originalité, que Giusti a raison de relever puisque c’en est une, est que le Dracula habituel est ici UNE vampire, qui s’inspire beaucoup de la comtesse Bathory et de ses bains de sang (Rosalba Neri porte dans le film le titre de comtesse Dolingen de Vries). http://blog.revueversus.com/2014/04/23/cinema-bis-italien-tout-le-plaisir-est-pour-nous/ Page 5 sur 7 Cinéma bis italien : Tout le plaisir est pour nous | Le blog de la revue de cinéma Versus 17/07/14 15:32 bains de sang (Rosalba Neri porte dans le film le titre de comtesse Dolingen de Vries).

(http://versusmag.files.wordpress.com/2014/04/horreursnazies.jpg) Enfin, et c’est une évidence à propos du dernier film que nous commenterons ici, Sergio Garrone n’est pas Pasolini (ça se saurait) et son Lager SSadis Kastrat Kommandatur (1976, Horreurs nazies) n’a rien de commun avec Salo et son insupportable vision des tortures. Ces Horreurs-là appartiennent au sous-genre de la nazisploitation, plus ou moins lancé par le Portier de nuit de Liliana Cavani et des films tels que l’inoubliable (!!!) Gretchen sans uniformes d’Erwin C. Dietrich ou la série des Ilsa de Don Edmonds (dont le dernier épisode fut tourné par Jesus Franco). Les Italiens vont s’engouffrer dans ce filon, de Tinto Brass (Salon Kitty) aux œuvrettes de Luigi Batzella, Bruno Mattei, Cesare Canevari et Sergio Garrone. Dans chacun d’eux, et c’est le cas avec Horreurs nazies, les filles sont toutes à poil et les mecs en uniformes SS (parfois, quand ils se déshabillent, ils n’enlèvent que la veste). http://blog.revueversus.com/2014/04/23/cinema-bis-italien-tout-le-plaisir-est-pour-nous/ Page 6 sur 7 Cinéma bis italien : Tout le plaisir est pour nous | Le blog de la revue de cinéma Versus 17/07/14 15:32

Il est évident que c’est ici la curiosité qui prime. On sait que ces films existent, on sait qu’ils ne sont pas génialissimes mais on désire malgré tout les voir et Artus comble ainsi nos envies.

Jean-Charles Lemeunier

Collection sortie en DVD le 1er avril 2014 chez Artus Films

Occasionnellement, certains de vos visiteurs verront une publicité ici. Concernant ces publicités (http://wordpress.com/about-these-ads/) Dites m'en plus (http://en.wordpress.com/about-these-ads/) | Supprimer ce message Publié dans: VIDÉO CLUBTagué: Artus Films, comtesse Bathory, Dracula, fumetti, Horreurs nazies, Il plenilunio delle vergine, La vendetta di Lady Morgan, La vengeance de Lady Morgan, Les vierges de la pleine lune, Lucas Balbo, Luigi Batzella, Magnus, Marco Giusti, Mark Damon, Massimo Pupillo, Max Bunker, nazisploitation, Paolo Solvay, Paul Müller, Piero Vivarelli, Ralph Zucker, Rosalba Neri, Satanik, vampirePermalienPoster un commentaire

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"The Agent" de Ryu Seung-wan : Berlin, nid d’espions

Publié par versusmag8 mai, 2014

(http://versusmag.files.wordpress.com/2014/05/theagent_aff.png)

Genre éminemment codifié et spécifique d’une époque de troubles politiques, le film d’espionnage à tendance paranoïaque semble difficilement conciliable à l’ère contemporaine de traque haute

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(http://versusmag.files.wordpress.com/2014/05/theagent_01.jpg)

Pyo Jong-seong est un agent nord-coréen basé à Berlin chargé de se rencarder sur un trafic d’armes international intéressant les agences de renseignement américaine, russe et le Mossad. On le retrouve ainsi dans la séquence d’ouverture en train de négocier avec des trafiquants quand l’opération est interrompue par l’irruption d’agents israéliens commençant à ouvrir le feu. Une entrée en matière pétaradante où comme Jong-seong on ne sait pas trop quels sont les tenants et aboutissants de la fusillade, si ce n’est qu’il faut déguerpir au plus vite. La situation sera d’autant plus complexe que l’on naviguera dans les eaux nébuleuses du contre-espionnage avec entrée en scène de nouveaux protagonistes compliquant un peu plus l’affaire. Un agent sud coréen, Jung Jin-soo, qui cherche à alpaguer Jong-seong, notamment pour lui soutirer des renseignements capitaux sur le soi-disant trésor de guerre caché de Kim Jong Il, et un autre agent nord-coréen, Dong Myung-soo, arrivant de Pyongyang pour faire le ménage et tester la fiabilité de Jong-seong. Poursuivant son propre programme, ce dernier instillera le doute dans l’esprit de Jong-seong concernant sa femme soupçonnée de vendre des renseignements aux Etats-Unis en échange de son transfert à l’Ouest. Une trahison qui serait d’autant plus compréhensible vu ce que vit cette interprète auprès de l’ambassadeur de Corée du Nord, délaissée par son mari entièrement consacré à la cause du Parti, elle fait en outre office de récréation sexuelle pour un dignitaire en

http://blog.revueversus.com/2014/05/08/the-agent-de-ryoo-seung-wan-berlin-nid-despions/ Page 2 sur 4 "The Agent" de Ryu Seung-wan : Berlin, nid d’espions | Le blog de la revue de cinéma Versus 17/07/14 15:33 cheville avec son patron. Le monde de Jong-seong vacille sur ses fondements et sa loyauté est mise à rude épreuve car en étant plus enclin à soutenir son épouse, il remettrait en cause la parole de Myung-soo et donc son propre gouvernement.

(http://versusmag.files.wordpress.com/2014/05/theagent_02.jpg) Visuellement impressionnant, notamment dans la mise en scène des séquences d’action, The Agent réjouit doublement en livrant une histoire profondément travaillée par l’identité d’un pays coupé en deux. Et quel meilleur moyen pour l’illustrer qu’une intrigue d’espionnage où se mêlent double-jeu et agent désireux ou soupçonné de passer d’un camp à l’autre. D’autant plus lorsque le lieu d’action est la ville de Berlin qui fut séparée, défigurée, durant la Guerre Froide par fameux mur, un passé géopolitique entrant en résonance avec l’actuelle situation des deux Corée irréconciliables. Dans ce jeu de dupes entre manipulations et rebondissements, l’alliance entre le nord-coréen Pyo et et son homologue du Sud, Jung, apparaît comme le dernier point d’ancrage pour se reconstruire. En effet, les deux hommes vont œuvrer ensemble à la libération de la femme de Pyo, personnification du salut rédempteur pour un homme qui à force de soumission à son gouvernement en a perdu toute personnalité, toute sensibilité. Un enjeu émotionnel prégnant qui rythme efficacement toute la dernière partie du métrage et notamment la séquence d’assaut du baraquement où les ravisseurs se sont retranchés. Sans elle, le héros de la République n’est qu’un fantôme sans âme. Un statut qui le servait dans sa mission puisqu’il était ainsi insaisissable mais à titre personnel le condamne à l’errance.

Nicolas Zugasti

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« Le Loup de Wall-street » de Martin Scorsese : Wolf creek

Publié par versusmag13 mai, 2014

http://blog.revueversus.com/2014/05/13/le-loup-de-wall-street-de-martin-scorsese-wolf-creek/ Page 1 sur 7 « Le Loup de Wall-street » de Martin Scorsese : Wolf creek | Le blog de la revue de cinéma Versus 18/07/14 11:15

(http://versusmag.files.wordpress.com/2014/05/leloupdewallstreet_aff.png)Au vu de l’incroyablement énergique et acerbe dernier film de Scorsese, on peut clairement pasticher une célèbre pub des années 80 (http://www.youtube.com/watch?v=ZjAC5TjwlHo) et se demander « qu’est-ce qui fait marcher Marty ? ». On ne peut pas dire que depuis dix ans il ait levé le pied, enchaînant les prestations de choix en remontrant à la jeune génération (quoi que l’on pense de Gangs Of New-York, Aviator, Les Infiltrés, Shutter Island ou Hugo Cabret, plus ou moins appréciés, en termes de mise en scène pure ils demeurent remarquables), mais la vitalité qui se dégage de ce Loup de Wall Street en viendrait presque à poser l’hypothèse d’une consommation de drogue de la part du réalisateur. Au-delà du spectacle génialement jouissif en tous points de cette comédie satirique dramatique, ce qui impressionne est la corrélation de la forme éblouissante imprimée par la réalisation de Scorsese et du fond dont le propos ravageur questionne et met à mal des principes libéraux gonflés de leur propre suffisance ainsi que la décadence d’un système. Surtout, le film met à l’épreuve les fantasmes de réussite véhiculées et assimilés par la société pour mieux en révéler l’inanité. Sans se poser en père la morale avec un discours condamnant explicitement ces pratiques, Scorsese préfère laisser parler ses images dont la composition et l’enchaînement ne laissent absolument aucun doute sur le jugement porté par le cinéaste tout en conservant une certaine lucidité quant à la pérennité et la perpétuation d’un système inique.

(http://versusmag.files.wordpress.com/2014/05/leloupdewallstreet_04.jpg) En adaptant le livre autobiographique du courtier Jordan Belfort, le réalisateur radiographie parfaitement les années 90 mais en filmant ces traders désaxés livre finalement un commentaire d’une grande acuité sur la situation actuelle et ses dérives. Dans la peau de ce maître charmeur de la finance, Di Caprio fait des étincelles et livre une de ses plus flamboyantes performances (on se demande encore comment l’Oscar a pu lui échapper) et entraîne tout le reste du casting dans son sillage pour dynamiter ce récit contant la perversion du rêve américain. Car finalement, les mécanismes des détournements de fonds et autres introductions en bourse illégales intéressent peu le metteur en scène. D’ailleurs, Belfort élude rapidement les explications dès qu’il entreprend d’exposer face caméra les détails d’une opération complexe. Scorsese joue ainsi avec un voyeurisme exacerbé car ce qui est attirant est de les voir se défoncer et patauger dans la luxure. L’argent n’a pas d’odeur mais il n’a pas non plus l’once d’une morale.

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(http://versusmag.files.wordpress.com/2014/05/leloupdewallstreet_03.jpg) Au fur et à mesure de l’expansion de sa société de courtage, Belfort ira toujours plus loin dans sa recherche forcenée de plaisirs artificiels ou bien en chair et Scorsese d’illustrer avec soin ce vortex de stupre et d’inconséquences de plus en plus débridé. Et tandis qu’il en donne toujours plus à voir (sniffage de coke sur le fessier d’une call-girl, fête délurée dans les locaux même de la société, lancer de nains, orgie dans un avion…), le cinéaste va indiciblement transformer la fascination indécente pour ce spectacle en malaise. En effet, il va faire durer à ce point les séquences que l’on passera de l’amusement à la stupéfaction complète face aux conséquences et parfois même l’abjection de leurs comportements (la discussion hallucinante sur le statut à donner aux nains qu’ils désirent projeter, le perso de Jonah Hill qui commence à se masturber en public, la prise de cachetons aux effets à retardements dévastateurs, etc).

(http://versusmag.files.wordpress.com/2014/05/leloupdewallstreet_06.jpg) Scorsese n’hésite pas à forcer le trait d’une représentation métaphorique en accentuant le caractère sectaire (il faut voir les regards hallucinés et la ferveur des disciples buvant le prêche du prédicateur Belfort) et tribal de leur société (le chant du mentor de Belfort – génial McConaughey – repris par les employés, leur comportement à la limite de l’animalité lorsqu’ils s’éclatent). De sorte que la séduction initiale de ce monde opulent se craquelle pour laisser place à une sauvagerie et une violence intrinsèques jusqu’ici contenues. Une image, un geste traduit parfaitement cette obscénité, lorsque en préambule d’une fête donné suite au premier succès, une femme se laisse tondre la chevelure et reçoit en échange quelques billets supplémentaires. Une humiliation particulièrement choquante tant le symbolisme est fort et renvoie à l’image de ces femmes tondues à la libération.

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(http://versusmag.files.wordpress.com/2014/05/leloupdewallstreet_051.jpg) Comme les pied nickelés bodybuildés de Michael Bay dans No Pain No Gain (http://louvreuse.net/critique/no-pain-no-gain.html), les traders de Socrsese vivent à fond leur rêve américain, pire le subtilisent et même en détournent la portée symbolique d’une réussite à portée de main pour n’en conserver que la jouissance matérialiste et éphémère. Le Loup de Wall Street peut être ainsi considéré comme la conclusion d’une trilogie consacrée au pouvoir commencée avec Les Affranchis et poursuivie avec Casino. Les gangsters ont acquis de plus en plus de respectabilité pour finalement intégrer les plus hautes sphères. Mais dans le mouvement, y ont perdu tout code d’honneur et surtout sens des valeurs. Le pouvoir n’est plus déterminé par une figure centrale mais se trouve désormais à la périphérie. Tout est une histoire de contrôle des flux d’informations et ici financiers. Les branquignoles de Bay ne jouent pas dans la même cour mais comme les costards-cravates de Scorsese, jouent, simulent, tentent de s’approprier une image, une apparence. De la même manière que la bande de Daniel Lugo se prenait pour des persos peuplant habituellement les films de Bay, la meute de Jordan Belfort singe les persos issus des Affranchis (http://www.grand-ecart.fr/recadrages/etude-analyse-sequence- loup-wall-street-affranchis-boogie-nights-jordan-belfort-scorsese/). Mais leur manque de prestance rend leur agitation ridicule pour finalement se muer en vaine gesticulation.

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(http://versusmag.files.wordpress.com/2014/05/leloupdewallstreet_07.jpeg) A la fin du film, on peut légitimement estimer que la sanction n’était pas assez grande à l’encontre de Jordan Belfort. C’est vrai que deux ans de prison, ce n’est pas cher payé pour ses escroqueries. Cependant, si on regarde plus attentivement, finalement ce qui arrive au perso de Di Caprio était le pire qui pouvait lui arriver. Tout le film il nous serine avec la dope, à quel point le fric est une drogue, combien il adore cette vie de débauche et d’excès, complètement happé par les illusions qu’il s’est créé – renvoyant quelquepart à Pumpkin le comique raté de La Valse des pantins (http://blog.revueversus.com/2011/05/24/ressortie-en-salles-de-«-la-valse-des-pantins-»-de- martin-scorsese/) – d’ailleurs, au début du film, le mentor de Belfort, lui explique au resto que tout ce business de la bourse repose sur du vent. On y prête pas forcément assez attention vu ce qui a précédé et tout ce qui est montré par la suite mais c’est une notion primordiale. Or, une fois rattrapé par le F.B.I, il perd non seulement tout mais surtout il est éjecté de ce monde fantastique (pour lui) où il passait son temps à faire n’importe quoi de façon extrême. Il entre alors dans ce que l’on appelle en aviation une zone de dépression, soit une importante chute d’altitude. C’est là qu’est la véritable punition de Belfort, avoir chuté de son piédestal, n’être plus rien. Quand on le revoit en toute fin dans ce séminaire (d’ailleurs, pour le clin d’oeil, le mec qui l’appelle au micro est le véritable Jordan Belfort), il ne pète pas franchement le feu. Et on le sent meurtri de devoir se contenter de la plèbe de potentiels traders quand auparavant il drainait une armée de conquistadors aussi bestiaux (voire même dégénérés) que dévoués à sa cause, mieux (ou pire) à son culte. Il en est réduit à faire passer le test du stylo à des moins que rien. Ils seront moins flamboyant que dans les deux décennies passées mais ils feront le job.

(http://versusmag.files.wordpress.com/2014/05/leloupdewallstreet_01.jpeg) Plus qu’un récit de Rise And Fall, ce film est une magistrale et violente descente d’acide. C’est vrai qu’à la fin Belfort tente de repartir dans les mêmes travers, il est donc irrécupérable, n’a rien appris de son parcours. Mais fini l’explosion de jouissances, l’enivrement de l’argent coulant à flot. Une renaissance, oui, d’une certaine manière mais accompagnée d’une putain de gueule de bois. Et Scorsese aura signé la fin des réjouissances de manière remarquable en faisant arrêter son personnage par le F.B.I au cours même du spot publicitaire vantant sa société et ce qu’il représente. Jamais le film ne cherche à nous attendrir avec ce taré, n’essaye de lui trouver des circonstances http://blog.revueversus.com/2014/05/13/le-loup-de-wall-street-de-martin-scorsese-wolf-creek/ Page 5 sur 7 « Le Loup de Wall-street » de Martin Scorsese : Wolf creek | Le blog de la revue de cinéma Versus 18/07/14 11:15 atténuantes même si l’on ressent une certaine affection pour lui. Par contre, Scorsese reporte in fine toute la sympathie et l’identification du spectateur sur l’agent du FBI qui s’avère être le véritable référent de ce que l’on est en train d’expérimenter à la vision du film. Un homme plongé dans la réalité urbaine qui a résisté à la tentation incarnée par Belfort, préférant une voie difficile à arpenter. Il en sera de même pour Belfort après avoir purgé sa peine même si ce n’est pas vraiment un choix. Lui aussi se retrouve maintenant à devoir se confronter à l’enfer du réel.

Nicolas Zugasti

LE LOUP DE WALL STREET (THE WOLF OF WALL STREET) Réalisateur : Martin Scorsese Scénario : Terence Winter d’après le livre autobiographique de Jordan Belfort Interprètes : Leonardo DiCaprio, Matthew McConaughey, Margot Robbie, Jonah Hill, Jon Bernthal, Jean Dujardin… Photo : Rodrigo Prieto Montage : Thelma Shoonmaker Pays : Etats-Unis Durée : 3 heures Sortie française : 25 décembre 2013 en salles et le 25 avril 2014 en Bu-ray et DVD Editeur : Metropolitan Vidéo

Occasionnellement, certains de vos visiteurs verront une publicité ici. Concernant ces publicités (http://wordpress.com/about-these-ads/) Dites m'en plus (http://en.wordpress.com/about-these-ads/) | Supprimer ce message Publié dans: VIDÉO CLUBTagué: affiche, animaux, argent, Aviator, bourse, Casino, chronique, cinéphile, cinéphiles, cinéphilie, cine, Comédie, critique, descente d'acide, drogue, DVD, Finance, Gangs Of New-York, Hugo Cabret, humiliation, humour noir, Jean Dujardin, Jon Bernthal, Jonah Hill, Jordan Belfort, La Valse des pantins, Leonardo DiCaprio, Les Affranchis, Les Infiltrés, Margot Robbie, Martin Scorsese, Matthew McConaughey, Michael Bay, No Pain No Gain, Overdose, Pain And Gain, retour à la réalité, revue, revue versus, revueversus.com, rise and fall, sauvagerie, séance, séances, secte, sexe, Shutter Island, sorties, sorties ciné, versus.com, versusmag.fr, violence PermalienPoster un commentaire http://blog.revueversus.com/2014/05/13/le-loup-de-wall-street-de-martin-scorsese-wolf-creek/ Page 6 sur 7 "Godzilla"de Gareth Edwards : Lézard et la manière | Le blog de la revue de cinéma Versus 18/07/14 11:15

"Godzilla"de Gareth Edwards : Lézard et la manière

Publié par versusmag19 mai, 2014

(http://versusmag.files.wordpress.com/2014/05/godzilla_aff.jpg) Deux ans d’attente fébrile, savamment entretenues par le savoir faire des gars du département marketing de chez Warner, ont pris fin le 14 mai dernier avec le débarquement sur les écrans de la nouvelle itération cinématographique de Godzilla. Une nouvelle tentative d’occidentalisation

http://blog.revueversus.com/2014/05/19/godzilla-de-gareth-edwards/ Page 1 sur 6 "Godzilla"de Gareth Edwards : Lézard et la manière | Le blog de la revue de cinéma Versus 18/07/14 11:15 d’un classique du cinéma japonais, seize ans après le désastre Emmerichien qui ravalait la figure du roi des monstres au triste statut d’ersatz de Jurassic Park. Les craintes étaient grandes, mais il y a avait cependant deux raisons de garder espoir quant au produit fini. En premier lieu, la volonté affichée de Legendary Pictures de respecter l’image de Godzilla, ainsi que son héritage. Né du traumatisme des attaques atomiques sur Hiroshima et Nagasaki, Godzilla porte en lui un message implicite sur les dangers de l’atome et, plus largement, sur l’irresponsabilité des hommes qui créent les pires horreurs sans en anticiper les conséquences. Ensuite, la présence derrière la caméra de Gareth Edwards. Ce dernier n’avait réalisé alors qu’un seul long-métrage, Monsters, produit pour environs 200 000 dollars et qui traitait déjà, avec beaucoup d’intelligence et de sensibilité, de la présence de grosses créatures destructrices débarquées sur notre belle planète par accident. Une œuvre étonnante qui l’amena donc aux commandes d’un blockbuster de 160 millions de dollars. Une belle et fulgurante évolution de carrière.

(http://versusmag.files.wordpress.com/2014/05/9444999_600x338.jpg)

Le premier teaser, le fameux « Halo jump » (https://www.youtube.com/watch? v=1M0Yyru3qqM), intrigue. Puis les bandes annonces commencent à nous faire baver, dévoilant l’histoire et, surtout, la star principale avec un sens consommé du suspens. La Warner nous vend son film, elle le fait bien, et nul doute que l’efficacité de sa campagne de communication sera longtemps vue comme un modèle du genre. Une campagne qui nous promet le film de monstre ultime, celui qui renverra les Bayeries transformeuses dans l’oubli des navets calibrés, et livrera enfin aux cinéphiles le premier grand kaiju-ega sérieux depuis le film de Honda, soixante ans auparavant.

Hélas….

Hélas, le spectateur, tout émoustillé dans son fauteuil, comprend bien vite à la vision du produit fini qu’il s’est fait flouer par des marketeux décidément bien inspirés.

15 ans après avoir causé la destruction d’une centrale nucléaire sur les côtes japonaises, un monstre antédiluvien émerge de son cocon et part à la recherche de sa femelle, mise sous séquestre par le gouvernement dans le désert du Nevada. Mais les retrouvailles s’annoncent

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(http://versusmag.files.wordpress.com/2014/05/godzilla_03.jpg)

Voici, en gros, le scénario du film qui tient sur un timbre poste et aligne les personnages sans jamais chercher à les approfondir. Si Bryan Cranston s’en sort haut la main dans le rôle du père ravagé par la perte de sa femme, en quête de vérité, Aaron Taylor-Johnson (dont le manque de charisme dénote une véritable erreur de casting) et les autres font le minimum syndical, imposé par un cahier des charges qui, il faut le reconnaître, ne les aide pas beaucoup. Les personnages sont des archétypes qui n’arrivent jamais vraiment à exister par eux-même, à acquérir une nouvelle dimension. Elisabeth Olsen est mignonne à croquer, David Strathairn est l’amiral rugueux et droit, Ken Watanabe le scientifique éclairé et sage. Tous sont bons mais donnent cette impression constante que, cantonnés par le scénario au minimum, ils n’essaient même pas. Les personnages sont là pour suivre des lignes narratives mille fois rebattues (la famille comme but à atteindre pour le héros, la population à sauver pour les militaires…) sans jamais qu’aucune d’entre elle ne représente un véritable enjeux dramatique susceptible de produire de l’empathie entre eux et le spectateur.

Sauf que…

Sauf que cet état de fait rendrait le film insupportable si le réalisateur, indéniablement doué, ne construisait tout son film sur ce simple constat : l’humain ne compte pas. Minuscule, son Histoire, ses créations, ne sont que des traces de son inconséquence au regard du combat de titans qui s’annonce tout au long du métrage.

http://blog.revueversus.com/2014/05/19/godzilla-de-gareth-edwards/ Page 3 sur 6 "Godzilla"de Gareth Edwards : Lézard et la manière | Le blog de la revue de cinéma Versus 18/07/14 11:15

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Car ici les monstres ne fondent pas sur l’humanité pour l’éradiquer. Cette dernière se retrouve tout simplement sur le chemin de créatures qui ne semblent même pas la voir. Les monstres ne se soucient pas de l’Homme, et les nombreuses destructions spectaculaires qui parsèment le film, majoritairement placées dans son dernier acte, ne sont pas tant une volonté des kaijus surdimensionnés qu’une conséquence toute bête de leur gigantisme. C’est ce qui fait la grande force du film et le tire irrémédiablement vers le haut. Au milieu du champ de bataille, les hommes se démènent mais ne peuvent qu’être des témoins impuissants, quand ils ne prennent pas les pires décisions au nom du bien commun. Edwards a une vision du genre moins tape à l’oeil que Del Toro dans Pacific Rim. (http://blog.revueversus.com/2013/07/16/pacific-rim-de-guillermo-del-toro-croquer-avec- delice-la-noix-de-kaiju/) Il filme à hauteur d’homme (la première créature vue à travers un masque à gaz, Godzilla qui envahit le champ de la caméra par morceau avant de se révéler totalement) et aborde son travail avec un sérieux inébranlable, en ligne directe avec le film de 1954, le sombre pessimisme en moins.

Si Godzilla peut être vu comme une force du bien face à la menace posée par ses deux adversaires, il n’est pas pour autant l’ami des enfants comme au temps des pires productions de la Toho. Edwards traite sa star comme un émule de Snake Plisken : un type pas facile avec une mission et qui ne laissera rien ni personne l’empêcher de la mener à bien. D’ailleurs, si la volonté de Godzilla n’est jamais explicitée, seulement vaguement supposée par le docteur Serizawa (autre référence à l’oeuvre originelle), la construction de cette nouvelle version n’est pas sans renvoyer au Godzilla vs Hedorah de Yoshimitsu Banno (1971), où le roi pourchassait de sa propre initiative un monstre né de la pollution.

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La comparaison pourrait tenir de la coïncidence si le reste du métrage ne respirait l’amour du genre : de nombreux plans renvoient immanquablement au travail d’Eiji Tsubaraya, et si les effets numériques ont remplacé les modèles réduits et les maquettes en ciment des films japonais, perdant en poésie ce qu’il gagnent en réalisme, l’ombre du maître des effets spéciaux plane sur les deux heures de projection. L’émotion même n’est pas totalement absente, notamment dans ce plan des deux monstres se retrouvant enfin et partageant un inattendu geste de tendresse (auto-citation assumée d’Edwards renvoyant le spectateur à l’une des plus belles séquences de Monsters).

Bâti comme un film à part entière de la série, Godzilla assoit le roi des monstres sur son trône et s’affirme comme l’un des meilleurs blockbusters vus depuis longtemps. En espérant que, maintenant que les présentations ont été faites dans les règles, la séquelle déjà annoncée ne se contente pas de surfer sur la vague, et qu’après avoir si bien su définir les monstres, les producteurs osent enfin se concentrer sur les hommes.

Julien Taillard

http://blog.revueversus.com/2014/05/19/godzilla-de-gareth-edwards/ Page 5 sur 6 « Psycho Killer » (« The Red Mohawk ») de l’auteur Anonyme aux éditio…ne : bienvenue à B Movie Hell. | Le blog de la revue de cinéma Versus 18/07/14 11:17

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En 1977, les Talking Heads scandaient « Psycho Killer, qu’est-ce que c’est ? » dans une chanson depuis restée célèbre et qui tentait, refrain entêtant à l’appui, d’illustrer les pensées d’un tueur en série. Aujourd’hui, le thème du tueur fou, archi-rebattu il faut bien le dire, resurgit sur le devant de la scène commerciale – on n’oserait quand même pas dire littéraire, ce ne serait pas tout à fait convenable – pour questionner à la fois, avec ironie et un certain sens de la distraction, la notion de série B, le niveau de production cinématographique et horrifique auquel renvoie le titre, et, plus largement, le mythe populaire (on pourrait presque parler de légende urbaine) du tueur impassible et mystérieux décimant tout sur son passage. Lu au premier degré, ce Psycho Killer http://blog.revueversus.com/2014/05/27/psycho-killer-the-red-moha…-lauteur-anonyme-aux-editions-sonatine-bienvenue-a-b-movie-hell/ Page 2 sur 5 « Psycho Killer » (« The Red Mohawk ») de l’auteur Anonyme aux éditio…ne : bienvenue à B Movie Hell. | Le blog de la revue de cinéma Versus 18/07/14 11:17 impassible et mystérieux décimant tout sur son passage. Lu au premier degré, ce Psycho Killer récemment paru (pour la version française) chez Sonatine se dévore comme il a été écrit sans doute, c’est-à-dire avec exaltation, spontanéité et fraîcheur. Un aspect d’autant plus paradoxal que le livre ne fait que recycler des poncifs du « slasher » instaurés par les meilleurs (Halloween de Carpenter, Terminator) et les pires films du genre (au hasard : tous les sous-Vendredi 13 de la Terre). Mais voilà : l’auteur, toujours ce prétendu « anonyme » à qui l’on devait déjà la tétralogie du Bourbon Kid, s’en donne à cœur joie et avec une énergie et une créativité telles que l’entreprise, à défaut d’innover complètement, se révèle hautement roborative.

(http://versusmag.files.wordpress.com/2014/05/4846780a651c0a7f02354e-l- _v368692263_sx200_.jpg) L’auteur. Anonyme, donc.

L’histoire ? Dans un patelin renommé B Movie Hell par le magnat local (un ancien producteur de films porno aujourd’hui tenancier d’un bordel et qui fait régner l’ordre avec à sa botte la police locale), un tueur affublé d’un masque de tête de mort surmonté d’une crête rouge (le « Red Mohawk » du titre original), sème la terreur, trucidant à tour de bras (et à coups de hachoir) les plus beaux spécimens d’abrutis, de brutes et de bimbos du coin, apparemment sans but précis. Apparemment seulement. Quand deux agents fédéraux – dont un super tueur accro à l’alcool – sont envoyés à ses trousses, le jeu se complique, s’épaissit d’une intrigue à suspense, pas si mal troussée d’ailleurs, et de jeux de miroirs entre le rôle du tueur et celui du narrateur. Ce n’est pas là le moindre des intérêts du livre. Car en mélangeant les arguments du divertissement de base, à savoir sexe, meurtres sanglants par une machine à tuer, cambrousse américaine, FBI, traque des autorités, et tout le toutim carnavalesque allant de pair avec cette mythologie de la dangerosité des culs-terreux des bourgades perdues de l’Amérique, Anonyme (appelons-le ainsi puisqu’il y tient) prouve surtout qu’il n’y a rien de plus facile – et aussi de libertaire – que de faire du roman populaire, voire du best-seller violent, grotesque et instantanément consommable. Tour de force livresque ? Génie marketing ? Coup de chance constant ? Disons plutôt phénomène culturel (ou sous-culturel, avec assumation rigolarde sur ce point) : conscient de l’inanité, par endroits, de ses propositions narratives et débarrassé de toute contrainte de vraisemblance, l’auteur peut s’amuser à étaler son amour du cinéma qui tache comme son intérêt pour la distanciation critique : à preuve, cette citation qu’il fait du Last Action Hero de notre McTiernan d’amour, métrage mal aimé s’il en est en dépit de ses énormes qualités métafilmiques. C’est là, peut-être, la clé de lecture de Psycho Killer : comme un pied-de-nez aux rois de l’écriture américaine et trash, le roman d’Anonyme questionne la fiction populiste vite achetée, vite lue, et la pousse dans ses http://blog.revueversus.com/2014/05/27/psycho-killer-the-red-moha…-lauteur-anonyme-aux-editions-sonatine-bienvenue-a-b-movie-hell/ Page 3 sur 5 « Psycho Killer » (« The Red Mohawk ») de l’auteur Anonyme aux éditio…ne : bienvenue à B Movie Hell. | Le blog de la revue de cinéma Versus 18/07/14 11:17 retranchements stylistiques et conceptuels. Plus qu’un genre, ce livre fait ainsi office de commentaire du genre, sans avoir l’air de. Une tuerie en règle, quelque part. En attendant, quadrature du cercle oblige, une adaptation sur nos écrans, produite, paraît-il (c’est Variety qui le dit), par Tobey Maguire et Alexandra Milchan…

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Truffé d’images cocasses, de descriptions très brutes de décoffrage soudainement agrémentées de détails truculents ou de coquetteries verbales, Psycho Killer se prend au jeu de la paralittérature ultra-balisée. La force des quelques rebondissements de l’histoire ne vient pas tant de l’imagination débridée (quoique, donc, très phagocytante) de son auteur sans nom (au fait, on ne sait de lui que très peu de choses : il est Britannique, adore le cinéma des années 90, le football et Zidane), que de la vivacité dont il fait preuve, avec une régularité métronomique, dans l’enchaînement des événements. Rythme rapide, chapitres courts, découpage efficace, clins d’œil – donc – au cinéma, digestion de références tantôt bien connues du grand public (la méthode Tarantino en somme, mais sans la virtuosité formelle), tantôt cultivées et vénérées uniquement par les aficionados : la poétique de Psycho Killer n’entrera pas dans les annales de l’histoire littéraire mais sa volonté de ne pas se prendre au sérieux tout en alignant les clichés les plus déroutants de ce type de production en fait un objet au cynisme pas si simple que ça à appréhender. Manipulant joyeusement pop-rock, cinéma d’horreur, films d’action et longs-métrages fantastiques des vingt / trente dernières années et en y ajoutant une pointe de moquerie beauf et de romantisme rose bonbon (Dirty Dancing en prend pour son grade), l’auteur secoue férocement le shaker de notre culture du divertissement dans ses (parfois) plus basses-œuvres pour nous en jeter le contenu à la figure. Un cocktail un brin corrosif au goût finalement relevé, même si loin d’être nouveau. Amusant. Mais pas « mortel ! ».

Stéphane Ledien

Psycho Killer – Anonyme – traduit de l’anglais par Cindy Kapen – éditions Sonatine – 20 €.

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« X-Men : Days of Future Past » de Bryan Singer : Franchise recomposée

Publié par versusmag31 mai, 2014

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Bryan Singer, celui qui avait pavé la voie aux adaptations de comic-books suite au succès rencontré par le premier X-Men, revient à ses premiers amours mutants pour une histoire se déroulant dans la continuité du précédent opus de la franchise, X-Men : Le commencement (http://louvreuse.net/Critique/x-men-le-commencement.html). Un film réalisé par le talentueux

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Matthew Vaughn (Kick Ass !) qui avait très largement redoré le blason de la super équipe salement terni par l’épisode signé Brett Ratner (The Last Stand) et le spin-off revenant aux origines de Wolverine réalisé par Gavin Hood. Singer devait le réaliser mais pris sur d’autres projets, s’était contenté de rester dans l’ombre en tant que producteur, laissant le soin à Vaughn de mettre en images le mirifique retour sur le devant de la scène. Cette fois, Singer repasse derrière la caméra, avec Vaughn pas loin puisqu’il est crédité en tant que scénariste, et propose un spectacle parfaitement distrayant, servi par de solides interprétations et une construction du récit prenant le temps d’incorporer ses éléments narratifs (une façon de faire que l’on pourrait presque qualifier de old school tant la plupart des comic-movies qui se sont succédés étaient structurés en dépit du bon sens) pour formaliser une redéfinition et une relance assez maline de la franchise. Malgré quelques redondances et grippages narratifs qui donnent un petit coup de mou certain en milieu de métrage, Singer livre un récit spectaculaire en diable, à peine plombé par certaines notes d’humour tombant à plat, qui poursuit l’évolution du formidable trio Xavier-Mageto-Mystique déjà au cœur des enjeux du film de Vaughn. On ne parlera pas de chef-d’œuvre du genre mais en l’état X-Men Days of Future Past est un bon film de super-héros, ce qui est déjà beaucoup. Et ce n’était clairement pas gagné d’avance sachant que le scénario s’appuie sur rien moins que l’un des arcs les plus populaires de la BD américaine, ce fameux double-épisode Days of Future Past écrit par Chris Claremont et superbement mis en image par John Byrne qui voyait nos x-men adorés tenter de changer l’avenir funeste dans lequel ils sont décimés par les Sentinelles, robots géants chasseurs de mutants, en envoyant la conscience de Kitty Pride dans leur passé afin d’empêcher Mystique et sa confrérie d’attenter à la vie du sénateur Kelly dont la mort précipita la mise en place du programme gouvernemental d’éradication du gène X. Évidemment, le film ne suit pas stricto sensus le fil de ces fameuses quarante quatre pages et propose un joli travail d’adaptation, permettant en plus grâce à cette histoire de voyage temporel de faire le lien entre deux générations de x-men apparues à l’écran, ceux des trois premiers films et leurs jeunes incarnations du Commencement.

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Ici, c’est Wolverine dont la conscience est envoyée dans son corps cinquante ans plus jeune, en 1973, afin d’empêcher la jeune Mystique d’assassiner Bolivar Trask (Peter Dinklage, star montante grâce à la série Game of Thrones), le concepteur des Sentinelles. Car en le tuant, d’une part elle jetterait définitivement l’opprobre sur la race mutante, et d’autre part elle sera capturée dans la http://blog.revueversus.com/2014/05/31/x-men-days-of-future-past-de-bryan-singer-franchise-recomposee/ Page 2 sur 6 « X-Men : Days of Future Past » de Bryan Singer : Franchise recomposée | Le blog de la revue de cinéma Versus 18/07/14 11:18 jetterait définitivement l’opprobre sur la race mutante, et d’autre part elle sera capturée dans la foulée, l’analyse de son pouvoir de métamorphe permettant alors de conférer aux exterminateurs de métal la capacité létale de s’adapter à toutes sortes d’attaque. Dans son entreprise, Wolverine doit convaincre Xavier, en plein renoncement de son rêve d’espoir, et Magneto, plus belliqueux que jamais, de lui prêter main forte afin de faire entendre raison à Raven. Le mutant griffu est donc une sorte de passeur entre les époques, ce que son statut de quasi immortel (grâce à son pouvoir de régénération expresse) et de personnage ultra populaire au cinéma (surfant ainsi sur la vague du deuxième film solo, le plaisant The Wolverine de James Mangold) lui confèrent. Il sert d’amorce mais sera finalement et finement remisé au second plan, le scénario s’intéressant plus particulièrement aux relations conflictuelles entre Magneto et Xavier et l’électron libre Mystique qui adapte à ses méthodes la volonté de préservation de l’espèce mutante, le rêve partagé par ses deux mentors. Ce tiraillement entre la recherche du bien commun et l’action à employer pour y parvenir est d’autant plus prégnant et pertinent que le récit se déroule au moment de la fin de la débâcle américaine au Vietnam. Le contexte géopolitique donne ainsi du relief au film sans s’avérer trop pesant. De plus, X-Men : Days of Future Past traite également de la difficulté à accepter sa nature, de l’embrasser pleinement afin d’œuvrer à un objectif qui dépasse sa propre individualité, son ego. Cela passe notamment par Charles Xavier ayant retrouvé l’usage de ses jambes alors que la fin du Commencement le laissait handicapé dans un fauteuil roulant. Grâce à un sérum du Fauve agissant sur la moelle épinière, il peut remarcher mais en contrepartie voit son pouvoir télépathique mis en sourdine. Un renoncement (pour sa tranquillité mentale, les « « voix » dans sa tête étant devenue difficilement supportables, d’autant plus suite à l’échec de n’avoir pu réconcilier Magneto avec son humanité) qui sera l’enjeu personnel de Xavier, perso sur lequel ce film est plus spécifiquement centré alors que le précédent s’attardait sur la montée en puissance de la haine de Magneto et son propre renoncement. Un joli travail de symétrie thématique.

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Niveau mise en scène, pas de quoi s’extasier outre mesure, cela reste fonctionnel mais c’est plutôt agréablement emballé. On n’est pas pris d’un irrépressible mal de tête en sortie de projo car les séquences d’action ont le mérite d’être lisibles. Et Singer n’est peut être pas un génie visuel de la

http://blog.revueversus.com/2014/05/31/x-men-days-of-future-past-de-bryan-singer-franchise-recomposee/ Page 3 sur 6 « X-Men : Days of Future Past » de Bryan Singer : Franchise recomposée | Le blog de la revue de cinéma Versus 18/07/14 11:18 trempe de Sam Raimi mais il est suffisamment doué pour emballer proprement les affrontements. Certains combats sont même assez violents pour ce genre de spectacle grand public, notamment dans le climax où les x-men du futur se font méchamment éliminés. Par contre, la séquence d’évasion de Magneto mettant en jeu Quicksilver (Vif-Argent) est grandiose, utilisant parfaitement l’effet bullet-time. Dommage que le perso de cet impudent jeune homme rapide comme l’éclair ne soit pas utilisé par la suite. Niveau ambiance visuelle, on observe une belle démarcation chromatique entre le passé « lumineux » (en termes de couleurs) des seventies et le futur sombre. En tout cas, Singer a appris de ces erreurs et manques sur ses deux premiers épisodes car non content de pouvoir enfin utiliser les Sentinelles (1), le réalisateur parvient enfin à mettre en scène des affrontements où les x-men font preuve d’une véritable coopération, ils agissent enfin de concert dans le feu de l’action, en équipe. Ce n’est plus une succession d’action individuelle. Et que cela survienne dès la séquence introductive rassure immédiatement. On y découvre d’ailleurs quelques nouveaux mutants (Warpath, Blink, Bishop) sans que leurs pouvoirs soient explicités autrement que par l’image (les passages dimensionnels créés par Blink permettant à ses partenaires de riposter ou s’échapper ; Bishop se chargeant en énergie…).

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X-Men : Days of Future Past abuse parfois d’un certain verbiage (les dialogues rappelant régulièrement les enjeux pour ceux qui auraient décrochés entre deux poignées de pop-corn, sic) mais globalement va droit à l’essentiel. Un blockbuster pas comme les autres car il s’appuie surtout sur une caractérisation impeccable. Ainsi, le film donne la part belle à Mystique, profitant du talent de Jennifer Lawrence pour lui donner de l’épaisseur. Un personnage doublement intéressant car elle personnifie à la fois l’enjeu émotionnel et idéologique motivant respectivement Xavier et Erick. De sorte que Mystique agit aussi bien en tant que personnage aux implications physiques et métaphoriques, incarnant le rêve et le cauchemar d’une entente pacifique et intégration possible des mutants avec les humains. Mais l’intérêt du film se déploie dans des petits détails et notamment un symbolisme et une correspondance remarquables. Dans X-Men : Le commencement, le geste simple d’une main tendue représentait avec puissance la volonté d’unification au coeur du récit, métonymie de l’idée d’union pour le bien de tous dont chacun se réappropriera le sens (le geste est repris par Xavier, Erick mais également le leader du club des damnés, Sebastian Shaw). On observe le même genre de signification rapportée à un élément mais ici il s’agit d’une balle. La balle que doit tirer Mystique pour abattre Trask représente la fin du rêve de Xavier et le début de son pire cauchemar. Une balle que Magneto retournera contre elle afin de la tuer et donc d’éliminer le problème, geste représentant parfaitement pour lui l’inutilité du dialogue pour changer les choses. Une balle http://blog.revueversus.com/2014/05/31/x-men-days-of-future-past-de-bryan-singer-franchise-recomposee/ Page 4 sur 6 « X-Men : Days of Future Past » de Bryan Singer : Franchise recomposée | Le blog de la revue de cinéma Versus 18/07/14 11:18 représentant parfaitement pour lui l’inutilité du dialogue pour changer les choses. Une balle capable de modifier le cours de l’histoire, comme celle qui acheva JFK en 1963. Et que le film se place dans l’ombre de cet événement traumatisant et fondateur en faisant de Magneto un assassin potentiel (il est enfermé depuis 10 ans dans une geôle secrète du Pentagone, accusé de ce crime) est très bien vu et donne un peu plus d’importance encore au geste répété de Mystique de mettre en joue son adversaire. Dans le climax spectaculaire montant en parallèlle le massacre final des mutants du futur et le combat présent de Wolverine, le Fauve et Xavier contre Magneto embrassant totalement son statut de super vilain en menaçant le président Nixon, tout est lié, tout est ramène à ce geste létal de Mystique, sa capacité à baisser le bras, à déposer les armes pour mieux saisir la main tendue de Xavier. Une résolution émotionnelle qui implique superbement le terreau idéologique de la saga.

(1) : seul grief personnel les concernant, j’aurai plutôt vu et apprécié des robots géants comme dans le comic-book et dont on avait eu une impressionnante incarnation dans la seule séquence intéressante de Terminator 4, lorsque un Terminator gigantesque saisissait par poignée des humains débusqués de leur refuge de fortune

Nicolas Zugasti

X-MEN DAYS OF FUTURE PAST Réalisation : BrYan Singer Scénario : Simon Kinberg, Jane Goldman, Matthew Vaughn Interprètes : Hugh Jackman, James McAvoy, Michael Fassbender, Jennifer Lawrence, Peter Dinklage… Photo : Newton Thomas Sigel Montage : John Ottman Musique : John Ottman Pays : Etats-Unis/Angleterre Durée : 2 heures 11 Sortie française : 21 mai 2014

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Scarlet Diva d’Asia Argento (Bach Films) : Extrême et moderne Asia

Publié par versusmag30 mai, 2014

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Bon timing : alors que son Incompresa était présentée à Cannes à Un Certain Regard, le premier long-métrage réalisé par Asia Argento sort chez Bach Films. Et, ce n’est pas une surprise, Scarlet Diva a beaucoup à voir avec Incompresa.

Certes, Asia s’est assagie avec le temps. Mais sa souffrance reste la même, celle d’être une enfant de la balle. Aria, l’héroïne d’Incompresa, est la fille d’un acteur et d’une musicienne célèbres. Pour la mère d’Anna, personnage central de Scarlet Diva, Asia Argento est allée chercher sa propre http://blog.revueversus.com/2014/05/30/scarlet-diva-bach-films-extreme-et-moderne-asia/ Page 1 sur 4 Scarlet Diva d’Asia Argento (Bach Films) : Extrême et moderne Asia | Le blog de la revue de cinéma Versus 18/07/14 11:18 mère, l’actrice Daria Nicolodi, et lui a demandé de jouer… le rôle d’une actrice trop prise par son travail pour s’occuper de sa fille (d’ailleurs, dans l’article consacré à l’actrice-réalisatrice par wikipedia, on apprend son véritable nom : Asia Aria Anna Maria Vittoria Rossa Argento). Mise en abyme vertigineuse, Scarlet Diva parle d’une actrice qui cherche à produire son premier scénario, baptisé Scarlet Diva, et qui tombe enceinte d’un chanteur. Comme l’indique la romancière Agnès Michaux dans le bonus, le film sort en Italie en mai 2000 et, en juin 2001, Asia accouche d’une petite fille née de sa liaison avec le chanteur. Marco Castoldi.

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Cette diva écarlate, Anna/Asia, donne beaucoup d’elle-même au mépris de la bonne morale italienne : elle se drogue, s’exhibe, couche avec le premier venu et déclare à qui veut l’entendre qu’elle exerce un métier de pute. Sa gentillesse la rend d’ailleurs victime, tels ces deux routiers qui veulent reluquer ses tatouages et la serrent de très près, ou cet assistant-photographe qui, lors d’une séance de prise de vue, lui refile une substance qui la renvoie dans un cauchemar digne des films de son père. Anna est pourtant très fleur bleue, tendance Sissi, et découvre dans les bras de son musicien (Jean Shepard) la différence qui existe entre le sexe et l’amour. Et tombe amoureuse.

Film chaotique, comme l’est le parcours d’Anna, Scarlet Diva nous donne du personnage, et forcément de celle qui l’interprète, une image attachante, perdue qu’elle est dans sa douleur originelle. C’est d’ailleurs, comme dans Incompresa, la dernière image qui vous saisit et vous fait comprendre combien ce film a pu vous toucher.

Heureusement pour nous, cette première mise en scène ne restera pas unique : Asia enchaîne avec Le livre de Jérémie en 2004 (dans lequel apparaît Marilyn Manson), puis Incompresa cette année. Au milieu, plusieurs courts (dont un documentaire sur son travail avec Abel Ferrara, dont Agnès Michaux voit la figure dans Scarlet Diva, incarné par Herbert Fritsch) et quelques clips (elle a sorti un album, Total Entropy, l’an dernier).

Alors, Ferrara ou pas Ferrara, ce grand cinéaste à qui Anna rend visite pour qu’il réalise son scénario, et qui n’est préoccupé que par son ego ? Peu importe mais il est vrai que, réalité ou légende (et l’on est toujours en droit, en matière de cinéma, de donner raison à Ford ou à Wiseman), beaucoup d’épisodes de Scarlet Diva sonnent très juste : l’interview à Locarno par le

http://blog.revueversus.com/2014/05/30/scarlet-diva-bach-films-extreme-et-moderne-asia/ Page 2 sur 4 Scarlet Diva d’Asia Argento (Bach Films) : Extrême et moderne Asia | Le blog de la revue de cinéma Versus 18/07/14 11:18 journaliste (Paolo Bonacelli), l’assiduité du producteur américain (Joe Coleman) qui lui fait oublier sa récompense ou le bout d’essai à Los Angeles en costume de Cléopâtre. Agnès Michaux voit dans ce film (et le générique de fin lui donne raison) le journal intime d’une jeune femme qui, par bien des aspects, ressemble encore à l’adolescente qu’elle était. Et lorsqu’Anna, regardant par la fenêtre, voit passer dans la rue un parapluie emporté par le vent, est-ce celui délaissé par Mary Poppins, ses illusions de gamine qui n’ont plus cours et qui, malgré tout, subsistent sous la forme d’un romantisme caché sous la punkitude ?

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Si, dans tout cela, il ne fallait retenir qu’une qualité, c’est la modernité dont fait preuve Asia, cette façon de jouer et de diriger les autres, le montage, la musique, tout ce qui fait Scarlet Diva – et force est de reconnaître qu’elle a été à bonne école, tant avec Abel Ferrara qu’avec Dario Argento, Nanni Moretti, Sofia Coppola, Bertrand Bonello et quelques autres.

Jean-Charles Lemeunier

SCARLET DIVA Ecrit et réalisé par Asia Argento Photo : Frederic Fasano Musique : John Hughes Interprètes : Asia Argento, Jean Shepard, Herbert Fritsch, Gianluca Arcopinto, Joe Coleman, Francesca D’Aloja, Vera Gemma, Daria Nicolodi, Paolo Bonacelli, Leo Gullotta, Selen Origine : Italie Durée : 91 minutes Sortie française en salles le 24 janvier 2001 et en DVD le 14 avril 2014 Editeur : Bach Films

http://blog.revueversus.com/2014/05/30/scarlet-diva-bach-films-extreme-et-moderne-asia/ Page 3 sur 4 Le fouineur d’Ettore Scola (Bach Films) : Pepe le moqueur | Le blog de la revue de cinéma Versus 18/07/14 11:20

Le fouineur d’Ettore Scola (Bach Films) : Pepe le moqueur

Publié par versusmag2 juin, 2014

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Avec son split screen, écran partagé fort à la mode chez les cinéastes américains des années soixante-dix, Le fouineur (Il commissario Pepe) commence comme un vrai polar. Très vite, Ettore Scola, qui en a écrit le scénario avec son habituel complice Ruggero Maccari, se rabat sur ce qu’il sait faire le mieux : utiliser ses dons d’observateur pour une dissection en règle de la société italienne.

Nous sommes dans une petite ville du nord de l’Italie, proche de Milan, et le commissaire Pepe (Ugo Tognazzi) l’avoue lui-même, il ne fait pas grand chose, les crimes étant laissés aux grandes cités. Pourtant, des lettres anonymes le poussent à enquêter sur les mœurs de ses concitoyens.

http://blog.revueversus.com/2014/06/02/le-fouineur-bach-films-pepe-le-moqueur/ Page 1 sur 4 Le fouineur d’Ettore Scola (Bach Films) : Pepe le moqueur | Le blog de la revue de cinéma Versus 18/07/14 11:20

Même si son nom est souvent associé à ceux de ses confrères Dino Risi et Mario Monicelli, Scola est malgré tout beaucoup moins féroce qu’eux. On songe au rôle quasi similaire que Tognazzi tient dans In nome del popolo italiano (1971, Au nom du peuple italien), l’un des chefs-d’œuvre de Dino Risi, pour se rendre compte que Scola se place un rang au-dessous. Sans doute parce qu’il n’oppose à son acteur, le grand Ugo, aucun autre nom prestigieux (dans Au nom du peuple italien, Tognazzi a fort à faire avec Vittorio Gassman). Pas de véritable duel ici, sinon avec Giuseppe Maffioli, un des personnages les plus intéressants du film.

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Maffioli est un invalide de guerre qui représente la mauvaise conscience de la cité. Il passe son temps, sur sa chaise roulante motorisée, à sillonner les rues en hurlant les vérités qui ne sont pas toutes bonnes à entendre. Il sait tout sur tout le monde, beaucoup plus que le premier flic de l’endroit, et explique (beau moment du film) qu’il est détestable pour qu’on ne le prenne pas en pitié, ce qu’il ne supporterait pas. Mais les cocus, les collabos des fascistes (n’oublions pas que l’action se situe quelque 25 années après la guerre) et les voleurs à la petite semaine font mine de ne rien entendre, cloitrés derrière leurs fenêtres.

Les scandales découverts par notre commissaire, tous d’ordre sexuel, ne paraissent pas aujourd’hui très sensibles, même si beaucoup touchent quelques édiles de la communauté. C’est sans doute là où le bât blesse, c’est que rien n’est vraiment dérangeant et que Pepe dise la vérité ou la taise n’est finalement pas si important que cela.

Excellent acteur, Ugo Tognazzi donne de l’éclat à ce commissaire qui se promène dans cette histoire en donnant l’impression de se moquer des turpitudes qu’il soulève, comme s’il savait d’avance de quoi la vie est faite. Il aura malgré tout un véritable cas de conscience et c’est sans doute davantage l’homme qui intéresse Scola, beaucoup plus que le fonctionnaire et les scandales eux-mêmes. Car Pepe a des fantasmes, lui aussi, qui le ravalent au rang de ceux qu’il est censé emprisonner (mais avec Silvia Dionisio, n’est-il pas normal d’avoir ce genre d’idées ?). Lui se retient, certes, mais il a les mêmes idées. Et s’il est contraint d’accepter quelques compromissions,

http://blog.revueversus.com/2014/06/02/le-fouineur-bach-films-pepe-le-moqueur/ Page 2 sur 4 Le fouineur d’Ettore Scola (Bach Films) : Pepe le moqueur | Le blog de la revue de cinéma Versus 18/07/14 11:20 il prendra à la fin la décision qui définit son courage.

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Il est évident que Scola, prolifique scénariste de la grande époque (entre autres de plusieurs Risi, dont Le fanfaron, La marche sur Rome et Les monstres), fait encore ici ses gammes de cinéaste. Le fouineur n’est que son cinquième long-métrage et il devra encore attendre quelques années, après le réjouissant Drame de la jalousie, pour atteindre la maturité et l’excellence avec Nous nous sommes tant aimés. Découvrir les premiers pas d’un maître est toujours passionnant.

Jean-Charles Lemeunier

Le fouineur (Il commissario Pepe)

http://blog.revueversus.com/2014/06/02/le-fouineur-bach-films-pepe-le-moqueur/ Page 3 sur 4 Community saison 5 – analyse (1ère partie) : Mad men and women | Le blog de la revue de cinéma Versus 18/07/14 11:20

Community saison 5 – analyse (1ère partie) : Mad men and women

Publié par versusmag27 juin, 2014

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Le sort en est jeté. Après quelques semaines de flottement à l’issue de la diffusion le 17 avril 2014 de (http://louvreuse.net/serie-tv/community-saison-5-épisode-13-basic- sandwich.html), dernier épisode de la saison 5 de Community, le network NBC a finalement pris la décision d’arrêter les frais en déprogrammant la série. Les derniers efforts de ses acteurs (http://www.zap2it.com/blogs/community_six_seasons_and_a_movie_posters_-- _friday_the_13th_the_social_network_and_more-2014-04) et de la communauté fidèle de fans drainée depuis cinq ans n’auront pas abouti. La possibilité de voir la création de Dan Harmon débarquer et être renouvelée sur un autre réseau (Netlix a été évoqué) serait inespérée. Mais peut être est-ce la bonne occasion pour Harmon de laisser filer son show, dont l’existence n’a jamais été un fleuve tranquille, pour se consacrer entièrement à la série animée Rick And Morty (http://video.adultswim.com/rick-and-morty/) créée avec Justin Roiland et diffusée sur la chaîne Adult Swim (http://www.adultswim.com/). Et peut être permettre à ce génie créatif d’accepter qu’il est trop remuant pour un réseau traditionnel afin de se relancer dans une audience de niche et le net (il a débuté via sa propre chaîne internet ; la popularité de Community a été grandement favorisée par la propagation des internautes). Quoi qu’il en soit, malgré l’amertume suscitée par cet arrêt crève-cœur, on peut se réjouir d’avoir vu naître et grandir une sitcom aussi sophistiquée, délirante et drôle. En soi, c’est carrément inespéré que Community ait pu durer cinq années tant les taux d’audience insatisfaisants dès les débuts et le caractère bien trempé (voire même intransigeant) d’Harmon auront toujours placé son évolution sur le fil du rasoir. C’est sans doute d’ailleurs cette situation à l’équilibre instable qui aura généré une telle qualité pour quatre saisons sur cinq. Une relation difficile avec Sony et NBC ayant nourri, influencé le développement jusqu’au boutiste (d’aucun dirait suicidaire) de cette série hors-normes vendue au départ comme un ersatz estudiantin de Friends mais qui est en fait le digne rejeton de Breakfast Club de John Hughes et la série Arrested Development de Mitchell Hurwitz qui fait d’ailleurs une apparition inoubliable dans l’épisode 8, App Development And Condiments, dans le rôle de Koogler, vieil

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étudiant fêtard sur le retour qui fait l’objet dans la pastille finale d’une parodie de bande-annonce pour une teen comedy des eighties.

Des conflits qui auront amené la série à se lâcher dans les grandes largeurs (avec la menace constante d’une déprogrammation, autant tout donner), pour le meilleur et le rire, et qui magnifique correspondance, seront au cœur du récit, le campus de Greendale ne pouvant exister autrement que dans l’opposition perpétuelle générée par les membres du study group que ce soit entre eux, avec leur propre nature ou bien instillé par le doyen (le point de départ de la plupart de chaque aventure étant une discussion autour de leur table de réunion, le Dean Craig Pelton apparaissant régulièrement pour les lancer dans une nouvelle quête). Avec en point d’orgue le fabuleux rap qu’il entreprend dans l’épisode 9, « VCR Maintenance and Educational Publishing », pour expliquer que la paye des enseignants de la fac sera retardée.

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Bardée de références, jouant ouvertement la carte métadiscurssive, notamment par l’intermédiaire du personnage d’Abed (Dani Pudi), le geek ultime, pour formaliser des commentaires sur la fiction en général et la série elle-même en particulier, Community n’a pour autant jamais sacrifié cohérence narrative et caractérisation soignée sur l’autel du clin-d’oeil complice. Au contraire, les multiples renvois à différentes formes d’expression de la culture populaire ont toujours servi le récit, à construire l’histoire étonnante et touchante d’un groupe de déglingués de la vie évoluant dans une fac bon marché complètement barrée où absolument tout peut arriver (et arrive). A une exception notable près, cette fumeuse quatrième saison sans le showrunner Dan Harmon et son plus proche collaborateur Chris McKenna. Une saison qui à force de fan-service à outrance aura singé l’esprit de la série sans en retrouver la sève et ce sera vautré dans absolument tous les développements que Dan Harmon avait soigneusement évité durant ses trois premières levées. La tournure de cette saison 4 étant d’ailleurs parfaitement synthétisée, à son corps défendant, par l’épisode trois, Conventions of Space and Time, se déroulant lors d’une convention de fans de l’Inspector Spacetime (série dans la série dont Abed est fondu) et qui voit Pierce s’immiscer dans les discussions portant sur l’adaptation américaine de cette production britannique et en perverti complètement le concept et la tonalité. Avec l’éviction de Harmon, Pierce a pris le pouvoir et a totalement dénaturé la série ! Cela aurait pu être une manière d’introduire un enjeu méta- discursif, une nouvelle menace. Avec Harmon toujours aux commandes on aurait pu aisément valider cette intention mais après trois épisodes aussi impersonnels et insipides, impossible de se faire encore des illusions. Cette quatrième saison catastrophique serait donc un chant du cygne particulièrement douloureux ? C’est dans de si mauvaises conditions que la séparation avec Jeff et son groupe s’effectuera ? Heureusement, la nouvelle du retour de Dan Harmon pour une cinquième fournée ralluma la flamme des aficionados, apportant l’espoir d’une conclusion digne de ses personnages même si les immenses difficultés liées à cette reprise en main rendraient la tâche ardue. Surtout, une interrogation taraudera inévitablement la communauté, l’Harmon’s touch, la magie, opérera t-elle toujours ?

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(http://versusmag.files.wordpress.com/2014/06/communitys05e06.jpg) Si Dan Harmon a pu reprendre les rênes de sa série, c’est grâce à l’appui de son cast et l’intervention décisive de Joel McHale, interprète de l’avocat Jeff Winger. Et comme rien ne coule jamais de source pour cette série, il a fallu que Harmon et son pool de scénaristes élaborent et développent dans l’urgence (deux mois !) l’orientation et l’ossature d’une saison 5 certes réduite à treize épisodes mais qui devra faire face à une triple gageure : proposer des épisodes de qualité dignes des trois premières saisons ; gérer les départs annoncés de deux piliers, et Donald Glover, interprètes respectifs de Pierce Hawthorne et Troy Barnes ; tout en faisant oublier la saison 4 qui passerait pour un mauvais rêve issu d’une gueule de bois carabinée. On peut sans ambages affirmer que le pari est réussi haut la main au terme d’une saison brillante de bout en bout, les seuls griefs que l’on peut opposer étant la soudaineté de certains développements et quelques ellipses frustrantes sur certains éléments qui auraient pu donner de fracassantes sous-intrigues (Jeff le prof, Chang l’esprit du mal, la confrérie des concierges, l’ass- crack bandit…). Un emballement narratif qui implique parfois certains épisodes dont le dernier acte peut être ressenti comme expédié. Mais vu les contraintes pour structurer une saison équilibrée, on sera indulgent, cette dernière livraison parvenant à retrouver la richesse foisonnante à laquelle la série nous a habitué dès ses origines. Et avec moitié moins d’épisodes qu’habituellement, il est compréhensible que le rythme soit ici particulièrement soutenu (et sans en rajouter des tonnes au point de rendre le tout indigeste, ce qui n’est pas un mince exploit). N’oublions pas que Community est la série proposant des épisodes de vingt minutes qui peuvent durer deux fois plus longtemps selon le temps de pause durant le visionnage afin de bien assimiler et revoir ce que l’on vient de prendre en pleine poire en terme d’enchaînement de répliques, de concepts triturés et de gags. Niveau thématiques et inventivité, cette dernière saison sera parvenu à combler les attentes avec brio grâce à la faculté intacte de précipiter le chaos à une vitesse incroyable (l’émeute à cause d’un A moins, la dystopie du MeowMeowBeenz gate), des séquences complètement dingues (l’interrogatoire télépathique, la fête de mi-année scolaire organisée par Chang) des bottle épisodes aux dialogues et situations incisifs (le détecteur de mensonges après l’enterrement de Pierce ; la nouvelle partie de Dongeons et Dragons à la limite du concept-épisode) et les épisodes-concept de plus en plus délirants et recherchés (une enquête policière rendant hommage au style visuel de Seven et Zodiac de David Fincher mâtiné de giallo ; la partie géante de Lava World ; les terribles conséquences de l’application sociale MeowMeowBeenz ; le pastiche de G.I Joe…) tout en faisant évoluer ses personnages par le biais d’un propos plus profond sur la perte de ses idéaux,

http://blog.revueversus.com/2014/06/27/community-saison-5-analyse-1ere-partie-mad-men-and-women/ Page 4 sur 11 Community saison 5 – analyse (1ère partie) : Mad men and women | Le blog de la revue de cinéma Versus 18/07/14 11:20 l’abandon de ses rêves, l’incomplétude de son être.

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Sans compter, comme dans les trois premières saisons, les nombreux easter-eggs peuplant l’arrière plan de chaque épisode (http://louvreuse.net/serie-tv/community-saison-5.html), qui non seulement étoffent les épisodes mais certains éléments ont une véritable fonction narrative en produisant des commentaires sur le récit lui-même, contribuant ainsi à fissurer la barrière métaphorique séparant la fiction de la réalité des téléspectateurs. Un quatrième mur dont Abed peut être considéré comme le gardien (ses nombreuses interventions métadiscurssives attestent de l’acuité de sa perception) et que la deuxième partie de la saison (après le départ de Troy) s’emploiera à dangereusement révéler. Là encore, ce n’est pas une affèterie destinée à montrer la maîtrise des codes de la part de Dan Harmon et son équipe mais cela servira le propos général

http://blog.revueversus.com/2014/06/27/community-saison-5-analyse-1ere-partie-mad-men-and-women/ Page 5 sur 11 Community saison 5 – analyse (1ère partie) : Mad men and women | Le blog de la revue de cinéma Versus 18/07/14 11:20 notamment concernant la préservation de l’université, objectif en résonance avec le propre avenir de la série. Harmon, très rapidement, avait exprimé l’idée de développer la série hors les murs de la fac communautaire. Ce n’est pas pour rien qu’elle ne s’intitule pas Community College ou Greendale mais bien Community, tout court. Mais avant que la communauté de personnalités constituée par Jeff et ses amis puissent explorer le monde réel et se confronter à ses contingences , il faut restaurer leur foyer. Sauver Greendale ne sera pas une mince affaire. D’autant plus lorsque dès le premier épisode de cette cinquième saison Jeff, devenu un véritable avocat, se voit assigner la mission de poursuivre son ancien établissement (le pont d’un ingénieur diplômé de cette université au rabais s’est effondré).

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Le changement, c’est maintenant Au départ de cette cinquième saison, on retrouve notre gang adoré complètement éparpillé. Tout l’enjeu de ce premier épisode sera de parvenir à les réunir encore dans l’établissement qui les a vu (re)naître. C’est encore une fois le métier d’avocat de Jeff qui va indirectement provoquer leur regroupement. Dans le tout premier épisode, c’est son éviction du cabinet d’avocats dans lequel il exerçait pour manque de diplôme adéquat qui a entraîné sa venue dans l’université. Ici, maintenant qu’il est diplômé, se sont ses difficultés à conserver son propre cabinet qui le ramènent sur le campus. Mais cette fois dans la perspective de le faire condamner en justice. A peine revenu, il croise Abed qui a tôt fait de rameuter le reste de la bande, pensant que c’est reparti pour un tour et des péripéties impossibles. Lorsque tous se retrouvent dans leur salle fétiche servant désormais de débarras, on s’aperçoit que depuis l’année scolaire précédente ils ont certes avancés d’un point de vue personnel et professionnel mais ont cependant renoués avec les problèmes qui les avaient amenés à rejoindre cette fac bon marché. Virée initialement d’un établissement huppé pour cause de toxicomanie, Annie travaille désormais pour un labo pharmaceutique aux produits addictifs. Shirley qui était séparée de son mari et voulait se lancer dans l’entrepenariat a vu son auto- entreprise péricliter et après s’être remariée ave son homme est de nouveau séparée ; Pierce reste Pierce, un inadapté hantant les couloirs de Greendale et cette fois-ci de manière littérale puisqu’il http://blog.revueversus.com/2014/06/27/community-saison-5-analyse-1ere-partie-mad-men-and-women/ Page 6 sur 11 Community saison 5 – analyse (1ère partie) : Mad men and women | Le blog de la revue de cinéma Versus 18/07/14 11:20 Pierce, un inadapté hantant les couloirs de Greendale et cette fois-ci de manière littérale puisqu’il apparaît à Jeff en tant que projection holographique (un joli renvoi à l’image des mentors décédés de Luke Skywalker), etc. Finalement, comme lors du pilote, Jeff va prendre conscience que le groupe, la responsabilité et l’affection qu’il a envers lui, est plus important que la poursuite de son objectif personnel de se relancer professionnellement. Il va donc accepter de répondre à l’appel de l’aventure du Dean Pelton d’être embauché en tant que prof de Droit de Greendale et d’être le leader du comité de sauvegarde de l’université qu’il va former avec anciens et nouveaux camarades de jeu.

(http://versusmag.files.wordpress.com/2014/06/communitys05e03.jpg) Ce premier épisode est ainsi très habilement et brillamment construit pour former un véritable miroir avec le tout premier épisode de la série, renvoyant en outre les personnages à ceux qu’ils étaient et sont restés au plus profond d’eux. Intelligemment titré « », l’épisode annonce d’emblée les enjeux qui vont structurer la saison à venir (nouveau cycle s’appuyant sur des fondements existants via une relecture de séquences passées) sans jamais empiéter sur l’évolution des persos. Ce premier épisode du retour d’Harmon après un hiatus d’une année est pleinement rassurant car on perçoit d’entrée que le rythme narratif sera comme auparavant inculqué par les différents caractères qui devront résoudre leurs conflits internes (avec eux-même et à l’intérieur du groupe) et former une quête entrant en résonance avec le développement thématique de la saison. De plus, le fait que la série soit consciente de sa nature fictionnelle n’entrave pas l’implication pour le devenir des protagonistes. Alors que la première saison voyait son vernis conventionnel se craqueler de toute part sous le poids d’excentricités toujours plus débridées, la seconde saison instillait une étude anthropologique du groupe au travers de leurs aventures questionnant et éprouvant leur communauté, puis la série évoluait dans sa troisième saison vers un versant plus psychanalytique menant à une compréhension et une ouverture aux aspirations des autres. Avec cette cinquième saison, on opère un changement dans la continuité, liant inextricablement les personnages et leur lieu d’actions. En mettant en oeuvre leurs talents pour préserver Greendale, c’est également eux- mêmes qu’ils vont contribuer à sauvegarder en se transformant. http://blog.revueversus.com/2014/06/27/community-saison-5-analyse-1ere-partie-mad-men-and-women/ Page 7 sur 11 Community saison 5 – analyse (1ère partie) : Mad men and women | Le blog de la revue de cinéma Versus 18/07/14 11:20

(http://versusmag.files.wordpress.com/2014/06/communitys05e02_01.jpg) Afin de retrouver une solidité narrative malmenée par la saison 4, Harmon et sa troupe opèrent une formidable tabula rasa aussi bien métaphorique que littérale. Après avoir constaté que leur vie hors de l’université ne va pas aussi bien qu’espérée, le study group convient que c’est ensemble, en ces murs, qu’ils ont pu gérer au mieux leurs problèmes et s’épanouir. Ils reconduisent alors leur association et reprennent possession de leur salle d’étude en marquant ce nouveau départ par l’action symbolique de se débarrasser de leur ancienne table de réunion, qui n’en était pas vraiment une puisque consistait en deux tables accolées. Ils la font donc flamber, avec comme double lecture de cette séquence l’idée qu’après les évènements d’une quatrième saison indigne ayant souillé leur autel, il est nécessaire d’en passer par une purification par le feu. Première critique caustique de la saison précédente qui sera évoquée par la suite au sein même de la série comme l’année de la fuite de gaz.

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Let it go Le changement s’opère réellement à tous les niveaux puisque Harmon a dû gérer le départ annoncé de deux figures emblématiques, Pierce et Troy. Des absences programmées avec lesquelles il a fallu composer et qui ont été merveilleusement négocié. Piece fait deux cameos inoubliables, le premier en tant qu’hologramme, le deuxième dans l’épisode 4 Cooperative Polygraphy où bien qu’absent physiquement (ses amis viennent d’enterrer Pierce) il fait entendre sa « voix » par l’intermédiaire de son légataire testamentaire (Walton Goggings impérial) qui ressuscite superbement une dernière fois le ton Hawthorne. Quant au départ crève-cœur de Troy à l’issue du génial Geothermal Escapism, un des meilleurs épisode de la série, il signe la fin du duo magique Troy et Abed et surtout sonne la fin d’une époque. Un énorme bouleversement pour le rythme narratif de la série et donc Abed qui va devoir (et les téléspectateurs avec) apprendre à vivre sans son âme sœur. Pour lui, il s’agit de finir par accepter les désirs de l’autre même s’ils vont à l’encontre de ce qu’il éprouve ainsi que de laisser aller, lâcher prise. C’est en creux ce qui va articuler les péripéties du gang et ce vers quoi, finalement, doivent tendre Harmon mais également les téléspectateurs en acceptant l’arrêt définitif de la série. De beaux exemples d’acceptation sentimentale parcourent cette saison. Ainsi, dans l’épisode 10, Advanced Advanced Dungeons and Dragons, où Buzz Hickey se confronte aux récriminations de son fils à son égard. Un épisode centré sur les relations père/fils qui est d’une grande justesse et finesse puisque si le contact entre les deux est rétabli, rien n’est pour autant résolu; ce qui donne une certaine authenticité à ses rapports compliqués dans la réalité et adresse en sous-texte une critique acide au ratage complet qu’a constitué la réunion au Père impliquant Jeff dans la quatrième saison. Et dans le season finale, lorsque coincés dans l’antre de Borchert, Annie en vient à reconnaître ce dernier comme l’un des leurs, méritant autant qu’eux de voir ses marottes respectées.

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http://blog.revueversus.com/2014/06/27/community-saison-5-analyse-1ere-partie-mad-men-and-women/ Page 9 sur 11 Community saison 5 – analyse (1ère partie) : Mad men and women | Le blog de la revue de cinéma Versus 18/07/14 11:20

Parfaitement à l’aise avec la mythologie comparée théorisée par Joseph Campbell (le cycle du Héros), Dan Harmon en a appliqué précisément les préceptes dans sa propre série tout en les adaptant aux nécessités d’une sitcom. Alors que l’objet de la quête doit permettre au Héros d’acquérir de nouvelles facultés, parvenir à une forme d’accomplissement, afin d’aboutir à un changement (personnel, du monde d’où il provient et dans lequel il retourne), Community ne clôt jamais vraiment ce cycle, laissant ouvert le champ des possibles. Faisant de l’insatisfaction des personnages le moteur d’un récit toujours relancé. Enfin, pas complètement car malgré tout, on observe d’imperceptibles transformations dans les trois premières saisons, dans la perception que chacun a du groupe qu’ils ont formé, de ses propres difficultés progressivement assumées et surtout acquérant la conviction de l’importance de la fantaisie, de l’imaginaire pour leur propre développement. Le vecteur parfait et ultime étant Abed. Pas de bouleversements drastiques mais pas à pas ils se sociabilisent tous et formeront un pont entre deux mondes, les délires créatifs permis (voire même encouragés) par ce campus loufoque et la réalité des relations sociales les animant. Alors que l’éviction de sa propre création était annoncé courant de la saison 3 Dan Harmon a formalisé cette dernière comme la conclusion d’un cycle satisfaisant en matière d’évolution de ses Héraults, bien qu’incomplet (après tout, Jeff n’obtiendra son diplôme qu’en fin de saison 4). Globalement, tous ont du mal à accepter le changement, voire même le refuse car ce qui les motive, les nourrit, est d’être tous les sept regroupés autour de leur table (tels des chevaliers arthuriens) pour résoudre les problèmes des uns et les conflits des autres (attendant de partir en quête du Graal du jour). Le montage et le découpage de la séquence concluant la troisième saison renvoyait à la conclusion de chaque saison de The Wire, autre grande série sur la fin d’un cycle et le renouvellement et en même temps la répétition qui en découlent, signalant ainsi la fin d’une époque. Tous ont vécu des expériences importantes (parfois improbables) mais au fond, ils sont restés les mêmes. On l’a vu, le Repilot met l’accent sur le retour des mêmes travers. Cette cinquième saison va donc remarquablement éprouver leur volonté de changement comme leur angoisse. Et par le truchement d’épisodes de plus en plus conceptuels et délirants, les amener à accepter ce qu’ils sont au plus profond? S’accepter pour mieux s’éveiller, dans une sorte de cycle cosmogonique adapté ici à l’environnement excentrique de la fac communautaire de Greendale.

(http://versusmag.files.wordpress.com/2014/06/communitys05e12_fourthwall.png) http://blog.revueversus.com/2014/06/27/community-saison-5-analyse-1ere-partie-mad-men-and-women/ Page 10 sur 11 Community saison 5 – analyse (1ère partie) : Mad men and women | Le blog de la revue de cinéma Versus 18/07/14 11:20 (http://versusmag.files.wordpress.com/2014/06/communitys05e12_fourthwall.png) Episode 12 : Basic Story

Nicolas Zugasti

COMMUNITY SAISON 5 Showrunner : Dan Harmon Réalisateur : Jay Chandrasekhar, Tristram Shapeero, Joe Russo, Rob Schrab, Scénario : Carol Kolb, Dan Harmon, Chris McKenna, Dino Stamatopoulos, Andy Bobrow, Erick Sommers, Tim Saccardo, Alex Rubens, Monica Padrick, Jordan Blum, Parker Deay, Donal Diego, Matt Roller, Ryan Ridley Interprètes : Joel McHale, Gilian Jacobs, Dani Pudi, Alison Bree, Jim Rash, Ken Jeong, Jonathan Banks… Pays : Etats-Unis Durée : 13 x 22 minutes Diffusion : du 2 janvier au 17 avril 2014 Network :NBC

Occasionnellement, certains de vos visiteurs verront une publicité ici. Concernant ces publicités (http://wordpress.com/about-these-ads/) Dites m'en plus (http://en.wordpress.com/about-these-ads/) | Supprimer ce message Publié dans: SERIESPermalienPoster un commentaire

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http://blog.revueversus.com/2014/06/27/community-saison-5-analyse-1ere-partie-mad-men-and-women/ Page 11 sur 11 Community saison 5 – analyse (2ème partie) : Study Hard | Le blog de la revue de cinéma Versus 18/07/14 11:21

Community saison 5 – analyse (2ème partie) : Study Hard

Publié par versusmag30 juin, 2014

(https://versusmag.files.wordpress.com/2014/06/communitys05_finaleaff.jpg)

Après une première partie (http://blog.revueversus.com/2014/06/27/community-saison-5- analyse-1ere-partie-mad-men-and-women/) qui revenait sur les conditions du retour de Dan Harmon, des difficultés à transcender pour reprendre le destin de sa création et la manière de construire un nouveau cycle en miroir de l’ancien, place à une seconde partie creusant plus profondément la cinquième et ultime saison de Community. L’un des meilleurs et plus apprécié épisode de la série, Advanced Dungeons And Dragons, 14ème épisode de la saison 2, est revisité dans l’épisode 10, AdvancedAdvanced Dungeons And Dragons, . Une relecture que l’on envisage en premier lieu avec beaucoup d’excitation mais également pas mal d’appréhension face à ce qui pourrait s’avérer une fausse bonne idée ou l’expression d’un manque d’idée justement. Mais pas d’inquiétude, Dan Harmon et son équipe délivrent un épisode splendide certes moins poignant que celui où il était question du suicide de Neil mais tout aussi irrésistible dans son déroulement. Cette fois, c’est pour résoudre le conflit entre Buzz Hickey et l’un de ses fils, Hank, qui veut l’éloigner de son petit fils. Comme Hank est un passionné de Donjons et Dragons c’est donc sur ce terrain que le study group, augmenté du doyen Pelton, va œuvrer pour tenter de les réconcilier. Une fois encore c’est Abed qui est le maître du jeu et qui a donné à chacun une fiche de personnage. Mais comme l’intention du groupe est devinée par Hank, ce dernier pimente la partie en redistribuant aléatoirement les fiches. S’ensuivra une aventure mémorable où les participants seront scindés en deux groupes, Abed jouant alternativement avec chacun installé dans une pièce de son appartement. L’objectif premier, tuer ensemble le nécromancier devient une course entre les groupes menés par Buzz et son fils, celui qui parviendra le premier au but final gagnant le

http://blog.revueversus.com/2014/06/30/community-saison-5-analyse-2eme-partie-study-hard/ Page 1 sur 13 Community saison 5 – analyse (2ème partie) : Study Hard | Le blog de la revue de cinéma Versus 18/07/14 11:21 droit de rester ou pas dans la vie familiale de l’autre. Avec les problèmes relationnels de Buzz et son fils, s’opère alors une sorte de thérapie par le jeu qui ne peut fonctionner que si l’on prend le jeu vraiment au sérieux. Importance de l’imaginaire pour l’accomplissement de chacun et puissance de l’intrication de la fiction et de la réalité. Ainsi, les joueurs sont tellement absorbés par la partie en cours qui revêt une importance plus grande que la simple quête narrative de départ que lors de l’affrontement homérique entre les deux groupes, chaque joueur parlera de son adversaire en énonçant son vrai prénom tout en usant des pouvoirs attribués à leurs persos fictifs.

(http://versusmag.files.wordpress.com/2014/06/communitys05e10_02.jpg) Episode 10 : Advanced Advanced Dungeons and Dragons

Encore une fois, Abed joue parfaitement son rôle de maître de jeu, de trait d’union entre monde fictionnel et les interactions de son groupe d’amis. C’est d’ailleurs à chaque fois le cas lorsque c’est lui qui initie le délire conceptuel qui va alors s’emparer du campus ou toucher uniquement ses compagnons. La seule fois où Abed était hors-course, ne maîtrisant rien, était lors de la propagation du réseau social MeowMeowBeenz, justement parce que basé sur des relations sociales dont il éprouve toujours des difficultés à manœuvrer hors d’un contexte purement fictif. Cette façon de mener la fiction était déjà présente dans les trois premières saisons mais cette fois- ci, dans cette cinquième saison, il démontre un plus grand contrôle tout en laissant suffisamment de latitudes pour que les autres puissent s’engouffrer et s’y exprimer. Comme dans le cinquième épisode signant le départ de Troy, Geothermal Escapism. Le jeu de Lava-World que Abed désirait intimement continuer à jamais pour ne pas que son frère d’arme le quitte était une émanation de sa peur à ressentir une émotion nouvelle face à une situation inconnue et dont il ne maîtrise pas les enjeux : la vie sans son âme sœur. Un retour à sa solitude primordiale d’autant plus douloureux qu’il avait appris à partager ses rêves, ses fantasmes, ses obsessions, ses délires, avec quelqu’un d’autre et l’avait conduit à s’en ouvrir aux autres. A sortir du Dreamatorium.

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(http://versusmag.files.wordpress.com/2014/06/communitys05e07.jpg) Episode 7 : Bondage and Beta Male Sexuality

Et Abed a parfaitement négocié ce tournant important pour lui et donc la série. Le fait qu’il renoue avec Rachel, le love-interest révélé dans la pitoyable saison 4 au sein du seul épisode à peu près correct (Herstory of Dance) n’est pas un pis aller ou une régression mais une véritable progression. Ils ont des points d’intérêts communs (ils aiment le même type de jeux, de programme télé – ils regardent en fin d’épisode 7 Rick And Morty, la série animée de Dan Harmon) mais Abed doit désormais composer avec quelqu’un dont les attentes ne se limitent pas à le suivre aveuglément dans tout ce qu’il entreprend. Abed en prend conscience dans l’épisode 9 (VCR…) et livre une demande de pardon égale à lui-même, à la fois tendre et référentielle, un mix geeko-poétique remarquable qui le voit s’excuser en se faisant pleuvoir sur la tête par un comparse, puisque tout se passe à l’intérieur près des vestiaires, dans le plus pur style des comédies romantiques qu’il a pu ingurgiter.

(http://versusmag.files.wordpress.com/2014/06/communitys05e09.jpg) Episode 9 : VCR Maintenance and Educational Publishing

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Le départ de Troy était sans doute un mal pour un bien tant pour Abed que pour la série car Harmon a dû alors composer avec une évolution pas forcément envisagée de manière aussi rapide. L’éloignement de Troy permettant aussi à ce dernier de poursuivre sa maturité de son côté. Et il est tout à fait significatif qu’Abed retrouve partiellement dans ce dixième épisode cette capacité à projeter la fiction inventée une fois digéré le départ de Troy. En effet, c’est le premier épisode où aucune information sur sa position lors de son odyssée n’apparaît en arrière-plan, soit sur un tableau ou dans un fil info lors d’un JT (épisode 6), comme si ces messages, en plus de faire office d’easter-egg comiques, étaient une émanation du désir inconscient d’Abed de connaître la situation de son ami, de poursuivre leur connection intime. Et ce n’est pas un hasard si cela intervient une fois assumée la relation entreprise avec Rachel en fin d’épisode précédent. Partielle car nous ne sommes pas en présence d’un pur épisode concept. Nous sommes à la frontière du bottle episode (unité de lieu) et du concept narratif imprimant la globalité de la fiction, l’action se déroule dans l’appartement partagé par Abed et Annie mais le geek y forme un monde imaginaire défini par des règles précises qu’il convient de suivre et respecter pour évoluer sans trop de dommages. L’ambiance sonore est ainsi remarquablement travaillée, proposant une multitude de bruits pour illustrer les actions de chaque personnage (lancé de flèches, feu brûlant, épée que l’on sort de son fourreau et que l’on utilise…) ou une chanson de geste dont les tonalités renvoient aux chants entendus dans le Seigneur des Anneaux. De même, c’est également visuellement formalisé, presque de manière suédée, puisque l’appartement est plongé dans la pénombre, éclairé par des bougies et les guirlandes électriques encadrant les portes, donnant l’aspect d’une luminosité générée par des torches suspendues. De sorte que cela instaure l’immersion voulue dont le regain de crédibilité est donné par l’implication du study group se démenant à fond, de sorte que l’on oublie presque que l’on regarde des personnages jouant à être d’autres personnages. Un retour progressif à un concept globalisant donc et qui prépare au délire animé de l’épisode 11 dont le titre G.I Jeff, indique sans ambiguïté quel genre va être abordé et bousculé.

(http://versusmag.files.wordpress.com/2014/06/communitys05e11_gijeffteam.jpg) Episode 11 : G.I Jeff

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Plus que l’explication du traumatisme qui a incité Jeff a se réfugier dans cette fiction animée, ce qui importe est ce qu’il en retirera sur ce qu’il est vraiment. Plus que sa propension à la manipulation, à vouloir tout contrôler, il se définit par un intense désir d’acceptation des autres et par les autres même si dans le processus il a tendance à tout remettre en cause. C’est d’ailleurs ce qui parcourt cette saison 5, chacun devant affronter et donc finir par accepter ce qu’ils sont devenus. Et la plupart du temps cela se fait par le biais d’une fiction plus ou moins poussée (Lava World, Dungeons And Dragons, MeowMeowBeenz, etc).

(http://versusmag.files.wordpress.com/2014/06/community_gijeff.jpg) Episode 11 : G.I Jeff – Merchandising

Sauver Greendale implique alors fondamentalement ses membres les plus éminents, les personnages principaux de la série elle-même. La sauvegarde du campus passe donc par la propre sauvegarde de Jeff, Annie, Abed, Britta, Shirley, Troy et Hickey, le nouvel arrivé et même Pierce (bien que décédé, dans l’épisode Collective Polygraphy, ses dernières volontés appliquées par monsieur Stone renvoient à ce qu’il était, un vieil excentrique complètement déconnecté, homophobe, raciste et pétri d’autres tares, mais en allant à fond dans le délire et l’ironie Harmon et son équipe parviennent à lui offrir une sortie émouvante où il se réconcilie avec ses ex- partenaires), leur capacité à embrasser ce qu’ils sont au plus profond, accepter de ne pas être ce qu’ils ont rêvé d’être, ne plus s’agripper à ce qu’ils pensaient être indispensable mais garder les mains ouvertes. Autrement dit, lâcher prise pour pouvoir avancer. Toute cette cinquième saison s’articule autour de cette quête. Et se voit grandiosement illustrée par le geste d’Abed qui, suspendu au-dessus d’un magma imaginaire, lâche la barre qu’il tenait pour « mourir » dans la lave fictive mettant ainsi un terme au jeu et donc accepte de laisser aller Troy.

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(http://versusmag.files.wordpress.com/2014/06/communitys05lavaworld.jpg) Episode 5 : Geothermal Escapism

Harmon a structuré sa série sur l’insatisfaction de ses personnages comme motivation des intrigues. En les sauvant, en leur permettant d’être en partie comblé, Dan Harmon condamne sa propre série. C’est exactement ce qui se produit dans Basic Story (http://blog.revueversus.com/2014/04/14/community-saison-5-episode-12-basic-story-sans- histoire/), première partie du double épisode conclusif, le comité de sauvegarde de Greendale a réparé toutes les malfonctions de leur université ce qui lui a permis d’atteindre une certaine valeur marchande mais dans le même mouvement lui a fait perdre sa singularité, sa capacité à créer des histoires (Abed qui se morfond qu’il n’y ait plus d’appel de l’aventure à suivre) grâce à tous les problèmes inhérents à cette fac. Greendale est devenue terriblement commune, normalisée. Pire, franchisée. Difficile de ne pas y déceler une métaphore de la propre action de Sony et du network NBC tentant, depuis sa naissance sinon de contrôler Community, du moins canaliser ses dérives. C’est d’autant plus prégnant ici que les deux costards-cravates Richie et Carl chargés d’assurer le bon déroulement de l’opération peuvent aisément être assimilés à une figuration des exécutifs incompétents auxquels Harmon a pu être confronté. Une grille de lecture subversive qui donne encore plus de saveur à la manière dont ils seront ridiculisés puis évincés dans le final. Avec comme ultime mise en boîte le end tag s’amusant de potentiels shows de remplacement.

Autre mauvaise augure d’une disparition proche, le spectre d’un spin-off insipide mettant en scène la relation nouvelle entre Jeff et Britta est même évoqué dans l’épisode final, Basic Sandwich. Au passage, les épisodes 12 et 13 forment un remarquable diptyque métadiscurssif questionnant le propre devenir de la série et éprouvant sa structure. De fait, par cette valeur ajoutée, cette richesse potentielle, Greendale est vendue à Subway, la célèbre firme de sandwiches qui en fait une école pour apprendre à les faire (les fabriquer, les vendre, etc). L’entreprise s’était déjà essayé à pénétrer le marché de ce campus en saison 3 en étant le concurrent dévastateur du comptoir de Shirley mais cette fois elle n’a pas seulement réussi son implantation mais a carrément absorbé les lieux, les transformant à son image. En sauvant l’image de Greendale, en faisant de ce community college au rabais un endroit viable, le http://blog.revueversus.com/2014/06/30/community-saison-5-analyse-2eme-partie-study-hard/ Page 6 sur 13 Community saison 5 – analyse (2ème partie) : Study Hard | Le blog de la revue de cinéma Versus 18/07/14 11:21 comité l’a transformé au point de l’effacer (symbole ultime, le drapeau emblème est remplacé par celui de la marque). Seul un trésor caché peut véritablement la sauver. Soit, une nouvelle histoire. Abed a pourtant essayé de se conformer à la conviction de Jeff que faire justement toute une histoire de la visite de l’évaluateur en assurances mettrait à mal cette inspection, donc entraînerait la chute de Greendale et signifierait la fin de toute possibilité de récit. Cela donnera lieu à une terrible crise existentielle se muant en délire méta le voyant fuir la caméra qui le filme. Seulement, la conclusion de l’évaluateur est tellement positive que cela entraîne la désastreuse vente de l’établissement. Et c’est Abed qui inévitablement relancera la machine. Il (et la série dans ses trois premières saisons) a toujours farouchement résisté au changement lorsque celui-ci impliquait de se défaire d’une part essentielle à tout accomplissement (le sien, celui de ses amis, le nôtre), l’imagination, la créativité. C’est la photo du fondateur de Greendale, le professeur d’informatique timbré, Russel Borchert, qui va rebattre les cartes, pour une dernière fois.

(http://versusmag.files.wordpress.com/2014/06/communitys05e12_borchert.jpg) Episode 12 : Basic Story – photo de Russell Borchert

Greendale reloaded Féru de mythologie, des écrits de Campbell, Dan Harmon n’a jamais masqué ses influences et les a même toujours ouvertement utilisées via le perso d’Abed. Avec la cinquième saison, Harmon produit un nouveau cycle tout en achevant le Voyage du Héros tel que défini dans le monomythe. Le Repilot voit le retour des Greendale Seven chez eux, désormais transformés après trois saisons et l’immersion dans l’abysse de l’inepte quatrième saison, usant des habilités acquises pour modifier leur environnement. Ils seront un pont entre deux mondes, la réalité du campus et les délires imaginaires dans lesquels ils peuvent voyager de plus en plus à leur gré, voir à ce propos la progression des épisodes-concept de plus en plus poussés. La cinquième saison voit également une relecture de la réconciliation avec le Père (Advanced Advanced Dungeons And Dragons), ainsi qu’un passage du Seuil du Retour lorsque dans G.I Jeff Jeff réintègre le monde réel, échappant au Gardien du Seuil, le garçon d’une pub jouant avec les figurines G.I Joe, pour « renaître » (son délire était dû à une perte de connaissance suite à une absorption cumulée de http://blog.revueversus.com/2014/06/30/community-saison-5-analyse-2eme-partie-study-hard/ Page 7 sur 13 Community saison 5 – analyse (2ème partie) : Study Hard | Le blog de la revue de cinéma Versus 18/07/14 11:21 « renaître » (son délire était dû à une perte de connaissance suite à une absorption cumulée de scotch et barbituriques) et accepter ce qu’il est, un homme de quarante ans qui ne sera jamais l’avocat dont il rêvait. Globalement, après ces onze nouveaux épisodes, tous sont parvenus à vaincre les forces psychologiques conflictuelles de leur esprit. Ils ont réussi à drastiquement améliorer le monde d’où ils sont issus, Greendale, voir toutes les étoiles punaisées sur leur tableau de bord, synonymes des épreuves accomplies. Mais face à la menace de disparition de leur monde, ils n’ont plus qu’une échappatoire, plus qu’une dernière étape, plonger au cœur des origines de leur monde afin de le régénérer. Comme figuré par Abed incitant ses amis à suivre une nouvelle histoire mais sans succès, il n’y a plus d’appel à l’aventure auquel répondre. La découverte du parchemin derrière le portrait de Russell Borchert doit les mener sur la trace de la richesse du créateur de l’université, cachée dans son laboratoire situé dans les sous-sols inexplorés, soit s’engouffrer jusqu’à la Source originelle de leur univers. On a là un aperçu du cycle cosmogonique concluant la métamorphose du Héros. D’ailleurs, Abed – ou du moins la représentation d’Abed dans l’inconscience de Jeff dans G.I Jeff – dessinera assez clairement le schéma de ce cycle cosmogonique.

(http://versusmag.files.wordpress.com/2014/06/community_gi-jeff-cosmo.png) Episode 11 : G.I Jeff – Cosmogonie

Soit la circulation de la conscience à travers les trois plans d’existence (conscience de veille, conscience de rêve, sommeil profond). Ce qui dans l’épisode version G.I Joe est parfaitement cohérent et raccord avec ce que doit accomplir Jeff pour s’échapper de cette réalité cartoonesque et revenir transformé, et même transfiguré, à un état de veille. Un dessin qui synthétise pour la saison le parcours du Héros selon Campbell mais pour la série, après toutes les étapes vécues et ce qui advient dans le double-épisode final, on peut rétrospectivement y voir l’illustration du cycle menant du Crépuscule des Dieux à la transcendance. La quatrième saison a amené nos héros à leur séparation après que Pierce et Jeff aient été diplômés, engendrant la chute narrative de la série. La cinquième saison a comme enjeu de sauver Greendale dans la diégèse et il se confond avec la propre résurrection de la série – ce qu’Abed exprimera sans détour dans Basic Sandwich, lorsque pour réconforter une Annie dévastée face à http://blog.revueversus.com/2014/06/30/community-saison-5-analyse-2eme-partie-study-hard/ Page 8 sur 13 Community saison 5 – analyse (2ème partie) : Study Hard | Le blog de la revue de cinéma Versus 18/07/14 11:21 exprimera sans détour dans Basic Sandwich, lorsque pour réconforter une Annie dévastée face à l’annonce du mariage de Jeff et Britta, il compare l’histoire naissante de leur union comme un spin- off, sans chance de succès, de la série qu’ils vivent et partagent. Après avoir côtoyé de très près sa mort métaphorique (déprogrammation), la série est repartie sur de très bons rails grâce au retour de son créateur, Dan Harmon, qui opère ici une véritable renaissance de son oeuvre. Et cela se retrouve parfaitement et splendidement illustré dans l’ultime épisode de la saison.

(http://versusmag.files.wordpress.com/2014/06/communitys05e12_01.jpg) Episode 12 : Basic Story

Afin de sauver la fac, nos héros doivent trouver un trésor caché dans le sous-sol secret où le créateur de Greendale, l’informaticien barré Russel Borchert, a mené ses expériences sur les connexions affectives d’un robot. Abed, Annie, Craig Pelton, Britta et Jeff traversent des couloirs enfouis connotés années 70, décennie de la disparition de Borchert, et aboutissent à son antre, un labo tapissé de serveurs archaïques et d’un robot non moins rudimentaire. Surprise, Borchert n’est pas mort et vivait reclus, hors du temps. Enfermés par Richie, Carl et Chang le trio chargé d’assurer que la vente de l’université à Subway se déroule dans de bonnes conditions, ils ne pourront s’échapper qu’en parvenant à susciter des émotions dans le robot baptisé Raquel par Borchert, machine contrôlant tout l’appareillage de cette partie secrète de Greendale. C’est Jeff qui y parviendra en faisant appel aux sentiments qu’il éprouve pour chacun de ses amis. Il les fait se retourner et en les regardant chacun à leur tour, on entend alors ce qu’ils pensent. Jeff établit ainsi une connexion émotionnelle avec ses compagnons, jusqu’à ce qu’il termine en posant son regard sur Annie ce qui provoque le pic émotionnel décisif qui engendre le sourire de Raquel et donc l’ouverture de l’accès.

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(http://versusmag.files.wordpress.com/2014/06/communitys05e13_anniefocus.jpg) Episode 13 : Basic Sandwich – Jeff et Annie

Et l’échange que l’on entend alors (Milady/Milord) fait particulièrement sens car renvoie à la fois aux origines de la série et de la relation entre Jeff et Annie (ils s’appellent pour la première fois ainsi dans le second épisode de la première saison, ). De même, la confrontation avec le doyen originel, Russell Borchert, résonne avec l’intention affichée par Harmon de revisiter des moments et motifs apparus dans les trois premières saisons pour un retour aux sources salvateur mais également générateur d’évolution. En effet, cet informaticien loufoque représente la source de Greendale ET de la série. Si ce nouveau personnage est à l’origine de la création de Greendale et son interprète Chris Elliott (un acteur de second plan et auteur comique pour The Late Night With David Letterman et la série Get A life, entre autres) n’est nul autre que le scénariste de Action Family (http://dangerousminds.net/comments/chris_elliotts_action_family_is_a_brilliant_must_see_genre_mashup) très court téléfilm détonant mélangeant sitcom familiale et série policière, qui est une des importantes sources d’inspiration de Dan Harmon (http://www.vulture.com/2013/12/dan- harmon-explains-his-cultural-influences.html).

Retour à la Source et régénération.

C’est donc dans ce labo souterrain que se joue la renaissance définitive de la série et de ses personnages. Ils arrivent au terme de leur parcours où ils auront appris à s’accepter tels qu’ils sont (même Chang admet sa nature de cinglé total à l’issue d’une séquence digne d’un d’un final Scooby-doo complètement barré). C’est en toute logique que le destin de la série est lié à Jeff et qu’au moment où il accepte enfin ce qu’il éprouve profondément depuis longtemps pour Annie, il dépasse son état. En pénétrant dans le labo souterrain du créateur de Greendale, ils accèdent à un lieu éminemment symbolique puisque cette sorte de caverne entraîne un « processus d’intériorisation psychologique suivant lequel l’individu devient lui-même et parvient à la maturité » (1) A l’instant précis où il se focalise sur elle, l’ex avocat devenu prof de Droit atteint une forme de transcendance sentimentale, il dépasse l’indifférence qu’il affiche généralement pour finalement http://blog.revueversus.com/2014/06/30/community-saison-5-analyse-2eme-partie-study-hard/ Page 10 sur 13 Community saison 5 – analyse (2ème partie) : Study Hard | Le blog de la revue de cinéma Versus 18/07/14 11:21 transcendance sentimentale, il dépasse l’indifférence qu’il affiche généralement pour finalement assumer et reconnaître ses sentiments. Et grâce à l’expression de son amour pour elle, il transforme le robot Raquel, autrement dit, son esprit transcende la matière, la machine.

(http://versusmag.files.wordpress.com/2014/06/communitys05e13_raquelsmile.jpg) Episode 13 : Basic Sandwich – le sourire de Raquel

De toutes les œuvres de fiction s’étant inspirées des écrits de l’érudit Joseph Campbell, seule la saga Matrix, avec les opus Reloaded et Revolutions, s’est aventurée dans l’exploration philosophique décrite dans Le Cycle Cosmogonique, seconde partie de l’ouvrage du mythologue, Le Héros aux mille et un visages. Certes, Community le fait de manière moins approfondie mais l’intention est définitivement bien présente même si appliquée partiellement. Ceci, afin de se laisser une marge de manœuvre et de progression, l’état de dépassement n’étant pas globalement atteint par tout le monde. Toujours la même volonté de Dan Harmon de compléter son cercle mais en maintenant un certain degré d’inachèvement. Ce qui permet à la fois à Harmon de conclure sa série et d’être une formidable ouverture si par bonheur elle revenait (comme le promet Abed en lançant une dernière œillade complice à la caméra ). Une série vraiment hors normes à tout point de vue et jusque dans son final. A l’issue de l’échec de la vente de Greendale, il est ainsi particulièrement déstabilisant de voir les étudiants présents danser au son du tube de Dave Matthews, Ants Marching, une chanson sur le conformisme ambiant. Mais plutôt qu’une exhortation à rentrer dans le rang, ce happy-end doit être interprété comme un ultime commentaire ironique. Si le statu quo est restauré, n’oublions pas que pour ce community college, il repose sur une activité perpétuellement sur le fil du rasoir, une existence proche d’imploser sous ses propres délires. Greendale et donc Community ne peuvent s’épanouir que dans le conflit. Bien sûr, cette saison 5 peut apparaître légèrement décevante au regard des bouleversements qui concluaient les trois premières saisons. Mais n’oublions pas que la priorité était surtout de redonner une unité à ce groupe de déglingués de la vie. Redonner de l’éclat à leur vie.

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(http://versusmag.files.wordpress.com/2014/06/communitys05e13_laststar.png) Episode 13 : Basic Sandwich – Ultime accomplissement

Nicolas Zugasti

(1) Encyclopédie des symboles – Michel Cazenave

COMMUNITY SAISON 5 Showrunner : Dan Harmon Réalisateur : Jay Chandrasekhar, Tristram Shapeero, Joe Russo, Rob Schrab, Scénario : Carol Kolb, Dan Harmon, Chris McKenna, Dino Stamatopoulos, Andy Bobrow, Erick Sommers, Tim Saccardo, Alex Rubens, Monica Padrick, Jordan Blum, Parker Deay, Donal Diego, Matt Roller, Ryan Ridley Interprètes : Joel McHale, Gilian Jacobs, Dani Pudi, Alison Bree, Jim Rash, Ken Jeong, Jonathan Banks… http://blog.revueversus.com/2014/06/30/community-saison-5-analyse-2eme-partie-study-hard/ Page 12 sur 13 Le désert des Tartares de Valerio Zurlini : les militaires de l’armée morte | Le blog de la revue de cinéma Versus 18/07/14 11:21

Le désert des Tartares de Valerio Zurlini : les militaires de l’armée morte

Publié par versusmag29 juin, 2014

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Il est des livres qui ont la réputation d’être inadaptables à l’écran. Le désert des Tartares, chef- d’oeuvre de Dino Buzzati écrit en 1940, fut longtemps de ceux-là. Il avait inspiré Brel et son Zangra : « Je m’appelle Zangra et je suis lieutenant au fort de Belonzio qui domine la plaine d’où l’ennemi viendra qui me fera héros. »

En 1976, Valerio Zurlini prend le pari incroyable de traduire enfin en images Le désert des Tartares, avec un casting de rêve : Jacques Perrin, Vittorio Gassman, Max von Sydow, Laurent Terzieff, Jean-Louis Trintignant, Philippe Noiret, Fernando Rey, Helmut Griem, Francisco Rabal… Incroyable car il se passe finalement peu de choses dans ce récit philosophique d’un groupe de militaires cantonnés dans un fort du bout du monde (Bastiani dans le livre et non Belonzio) et

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Zurlini choisit de ne se concentrer que sur les militaires. Aucune femme ici, aucune éventualité d’amour, contrairement à la chanson de Brel où Zangra, en présence des femmes, parle de ses chevaux quand elles lui parlent d’amour, jusqu’au moment où il commencera à parler d’amour et elles, de ses chevaux. Certes, dès le générique, Zurlini nous montre en quelques plans Drogo avec sa mère et sa fiancée. Il les quitte le cœur léger, prêt à foncer vers son destin. Du seul retour de Drogo à la ville, pour raccompagner le corps d’Amerling, Zurlini ne filmera que la visite au général. Écrit par André G. Brunelin et Jean-Louis Bertuccelli, le traitement de Zurlini est une réussite d’autant plus forte que le cinéaste italien a eu le génie de trouver le lieu approprié pour installer tous ses soldats : la magnifique citadelle de Bam, en Iran, malheureusement détruite par un séisme en 2003. Ce décor, les murailles, la ville en ruines à leur pied, le désert autour et les montagnes enneigées, est sans aucun doute le personnage central du film.

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Le désert des Tartares s’ouvre sur le jeune Drogo qui part vers Bastiani pour sa première affectation. Rien n’est daté ni localisé précisément mais on pourrait être à la fin du XIXe siècle dans l’empire austro-hongrois. Drogo va vite faire connaissance avec l’état-major du fort (et l’on admirera le casting impeccable réuni par Zurlini) : Vittorio Gassman détient le grade suprême dans la forteresse, Giuliano Gemma en est le commandant et Fernando Rey un vieux colonel cacochyme tenant à peine debout. Sous leurs ordres, on reconnaît Max von Sydow, Laurent Terzieff, Helmut Griem et le médecin Jean-Louis Trintignant. La vie s’écoule, avec son cérémonial (les repas du soir), son emploi du temps réglé (les manœuvres, les sorties) et ses événements inattendus, de la visite d’un général (Philippe Noiret) au soldat qui a récupéré un cheval et veut revenir au fort. Cet acte aura des conséquences fortes, décrites dans le détail comme pour mieux confirmer la bêtise de l’armée.

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Fidèle à Buzzati, Zurlini traite de l’ambition, de l’attente, de l’ennui, de la vie perdue et en profite pour critiquer l’armée et son manque de perception et de modernité. De toutes ces séquences, Luciano Tovoli livre des images très belles. Le chef op’ n’oubliera visiblement pas cette expérience : quand sept ans plus tard, en 1983, pour le seul film qu’il réalise (Le général de l’armée morte), il va chercher un scénario du côté d’Ismaïl Kadaré (un écrivain aussi inadaptable que Buzzati), planter sa caméra dans les montagnes d’Albanie et faire défiler devant elle des militaires tout aussi prestigieux (Mastroianni, Piccoli, Sergio Castellito, Gérard Klein). La frontière est un autre grand thème traité par le roman et le film. Cette ligne de partage que le fort est censé surveiller, que nul ne peut franchir alors que personne n’est là pour le voir, que représente-t-elle exactement ? Ce qui nous sépare du mythe, de l’inconnu ? Qui nous laisse dans cet état humain si ennuyeux et si angoissant, métaphysiquement parlant ? En lisant Le désert des Tartares, en regardant le film, comment ne pas penser à Kafka et à son personnage qui fait l’ouverture du Procès (1962) d’Orson Welles ? Devant la grande porte de la Loi, un homme veut entrer. Le gardien lui refuse l’accès et lui explique qu’il n’a aucune chance de passer. L’homme vieillit patiemment devant la porte et fait tout pour entrer mais le gardien ne cède pas. Devenu un vieillard, mourant, il fait signe au gardien qui s’approche. Si la Loi est accessible à tous, demande-t-il, pourquoi personne ne s’est jamais présenté devant la porte ? Parce que nul autre n’aurait pu franchir ce portail, il n’était destiné qu’à toi, répond le gardien. La logique de cette histoire, rappelle la voix-off d’Orson Welles, est la logique d’un rêve. Ou d’un cauchemar. Bercé par la belle musique mélancolique d’Ennio Morricone, Le désert des Tartares est un cauchemar, celui d’une vie perdue à attendre un mythe, l’ambition d’un avenir glorieux, la mort sans doute. Et, lorsqu’elle arrive enfin, tandis que pour d’autres elle est délivrance (c’est le cas d’Amerling), elle surprend encore celui qui pense que son destin n’est pas tout à fait accompli alors qu’il est déjà loin derrière lui.

Jean-Charles Lemeunier

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