Revue Synthèse N° 20, Juin 2009 A. Oularbi et A. Zeghiche

Sensibilité à l’érosion du massif cristallophyllien de l’Edough (Nord-Est Algérien)

Abderezak Oularbi et Anissa Zeghiche

Laboratoire de Recherche Ressources Naturelles et Aménagement, Département d'Aménagement, Faculté des Sciences de la Terre, Université Badji Mokhtar, BP 12, 23000, Algérie.

Accepté le 08/04/2009 ﻣﻠﺨﺺ اﻟﻜﺘﻞ اﻟﺼﺨﺮﯾﺔ ﻟﺠﺒﻞ اﻻﯾﺪوغ ھﻲ ﻗﻄﺎع ﺳﺎﺣﻠﻲ ﻣﺘﻮﺳﻄﻲ ﻣﺘﻮاﺟﺪ ﺑﺎﻟﺸﻤﺎل اﻟﺸﺮﻗﻲ ﻟﻠﺠﺰاﺋﺮ، ﺗﺸﻜﻞ ﺟﺰﯾﺮة ﺟﺒﻠﯿﺔ ﺻﻐﯿﺮة ﻣﺤﺎطﺔ ﺑﺎﻟﺒﺤﺮ اﻷﺑﯿﺾ اﻟﻤﺘﻮﺳﻂ ﻣﻦ اﻟﺸﻤﺎل، ﺑﺤﻮض أﻟﻮاد اﻟﻜﺒﯿﺮ ﻣﻦ اﻟﻐﺮب، ﺑﺒﺤﯿﺮة ﻓﺰاره ﻣﻦ اﻟﺠﻨﻮب وﺑﺴﮭﻞ ﺧﺮازة ﻣﻦ اﻟﺸﺮق. ﺗﺄﺛﺮه ﺑﺎﻟﺘﺂﻛﻞ ﻣﺮﺗﻔﻊ ﻟﺪا ﻗﻤﻨﺎ ﻓﻲ اﻟﻤﺮﺣﻠﺔ اﻷوﻟﻰ ﺑﺘﺤﺪﯾﺪ وﺗﻤﯿﯿﺰ أھﻢ اﻟﻌﻮاﻣﻞ اﻟﻤﺆدﯾﺔ ﻻﻧﻄﻼق وﺗﺴﺮﯾﻊ اﻟﺘﻘﮭﻘﺮ واﻟﺘﺂﻛﻞ. ﻓﻲ ﻣﺮﺣﻠﺔ ﺛﺎﻧﯿﺔ ﺣﺎوﻟﻨﺎ ﺗﻘﯿﯿﻢ ﺣﺴﺎﺳﯿﺘﮫ اﻟﻜﻤﻮﻧﯿﺔ ﻟﻠﺘﺂﻛﻞ ﻋﻠﻰ أﺳﺎس ﻧﺘﺎﺋﺞ ﺗﺤﻠﯿﻞ اﻟﻌﻮاﻣﻞ (اﻟﺠﻐﺮاﻓﯿﺔ، اﻟﺠﯿﻮﻟﻮﺟﯿﺔ، اﻟﺼﺨﺮﯾﺔ، اﻟﻤﻨﺎﺧﯿﺔ واﻻﻧﺘﺮوﺑﯿﺔ) اﻟﻤﺤﺘﻔﻈﺔ واﻟﻤﺤﻠﻠﺔ.

اﻟﻜﻠﻤﺎت اﻟﻤﻔﺘﺎﺣﯿﺔ: اﻟﺠﺰاﺋﺮ؛ اﻟﻜﺘﻞ اﻟﺼﺨﺮﯾﺔ ﻟﻼﯾﺪوغ؛ ﺗﺂﻛﻞ؛ رﺳﻢ ﺧﺮاﺋﻂ؛ ﻣﻨﺎطﻖ ﻣﺘﺴﺎوﯾﺔ اﻹﺷﻜﺎل. Résumé

Le massif cristallophyllien de l’Edough, un secteur côtier méditerranéen situé dans la région Nord-Est Algérien, constitue un îlot montagneux entouré par la Mer Méditerranée au nord, par la vallée de l’Oued El Kébir à l’ouest, par la dépression du lac Fetzara au sud et la plaine de Kherraza à l’est. Sa sensibilité à l’érosion est élevée. Pour en rendre compte, nous avons recherché dans une première étape d’identifier et de caractériser les principaux facteurs favorables au déclenchement ou à l’accélération des processus de dégradation et d’érosion ; et dans une seconde étape il est tenté une évaluation de la sensibilité potentielle du massif de l’Edough à l’érosion sur la base des résultats d’analyse des facteurs (géographiques, géologiques, lithologiques, bioclimatiques et anthropiques) retenus et analysés.

Mots clés : Algérie; Massif de l’Edough; érosion; cartographie; zones équiproblématiques.

Abstract

The Edough Metamorphic complex, a Mediterranean coastal sector located in the North-eastern area Algerian, constitutes a mountainous small island surrounded by the Mediterranean Sea in the north, the valley of the Oued El Kébir in the west, by the depression of the Fetzara Lake to the south and the Kherraza plain in the east. Its sensitivity to erosion is high. To give an account of it, it is required in a first step to identify and characterize the principal factors responsible for setting off or accelerating of the degradation and erosion processes; and in a second step it is attempted to evaluate of the potential sensitivity of the massif of Edough to erosion on the basis of result of analysis of the factors (geographical, geological and lithological, bioclimatic and human actions) selected and analyzed.

Key words: ; massif of Edough; erosion; cartography; equiproblematic zones.

1. INTRODUCTION

Aujourd’hui, on considère que le poids peut pas nier la place et le rôle que jouent des données physiques du cadre naturel les facteurs physiques dans l’organisation, sur les évolutions sociétales s’amenuise au le fonctionnement, l’aménagement et la profit d’autres logiques telles les besoins dynamique des espaces géographiques. et choix sociaux, l’accessibilité, ou les Pour la société, le milieu physique est données géopolitiques. Néanmoins, on ne considéré, non seulement, comme cadre

Auteur correspondant: [email protected] (Anissa Zeghiche)

 Université Badji Mokhtar - Annaba (Algérie). 58 Revue Synthèse N° 20, Juin 2009 A. Oularbi et A. Zeghiche de vie, ressources à valoriser, mais tendres) selon leur résistance. Puis une également comme contraintes à lever et deuxième carte, la carte des pentes, est risques à atténuer [1]. C’est dans ce réalisée pour différencier les secteurs du champ de réflexion que cette étude sur massif d’un point de vue de l’énergie du l’appréciation de la sensibilité à l’érosion relief. Les seuils de pente sont choisis du Massif cristallophyllien de l’Edough conformément au seuil de déclenchement (un secteur côtier méditerranéen situé de certains processus d’érosion dans la région du Nord-Est Algérien) est Ces deux cartes analytiques sont, proposée. Elle se veut une contribution en ensuite, superposées pour approcher la identifiant les prédispositions de ce massif « prédisposition du substrat à l’érosion ». à l’érosion et en confectionnant une carte On considère que la combinaison roche de sensibilité à l’érosion dans un but de tendre et pente forte (supérieure à 25%) circonscrire les secteurs du massif les plus donne un substrat très vulnérable à vulnérables à l’action de l’érosion. l’érosion ; à l’inverse une roche dure associée à une pente faible, donne un 2. DESCRIPTION DE LA substrat peu vulnérable à l’érosion. Des DÉMARCHE classes intermédiaires existent, révélatrices des conditions micro locales. Notre étude sur la sensibilité à l’érosion Cette première appréciation de la est conduite en deux temps. Dans une sensibilité du massif de l’Edough à première étape, il a été effectué l’érosion est affinée en superposant la l’identification et la caractérisation des carte de « prédisposition du substrat à principaux facteurs favorables au l’érosion » à la carte de l’occupation du déclenchement ou à l’accélération des sol. Il est établi que l’occupation du sol et processus de dégradation et d’érosion. On surtout le taux de végétalisation a un effet part de l’hypothèse que le degré de protecteur contre l’érosion. De cette stabilité morphodynamique du massif de superposition, il est dressé une carte de la l’Edough est conditionné par les facteurs sensibilité des terrains à l’érosion. Cette géographiques, géologiques, lithologiques dernière carte localise les secteurs du et bioclimatiques et anthropiques [2]. massif les plus exposés à l’érosion. En L’accent est, donc, mis sur l’analyse de offrant un pré diagnostic, cette carte cinq (05) variables explicatives du synthétique constitue un premier processus érosif dont trois (03) sont document sur lequel sont délimités les physiques (nature de la roche en place, la secteurs du Massif de l’Edough valeur de la pente et l’exposition), une nécessitant en priorité une étude d’érosion biologique (qualité et densité de la plus détaillée qui déboucherait sur les couverture végétale) et une anthropique séries de mesures d’actions anti-érosive (interventions humaines). Une série de [4]. cartes thématiques ont été confectionnées initialement au 1/50000. 3. IDENTIFICATION ET L’appréciation qualitative de la CARACTÉRISATION DES sensibilité du Massif de l’Edough a été PRINCIPAUX FACTEURS DE déduite de la superposition de cette série L’ÉROSION POTENTIELLE À de cartes analytiques [3]. Dans un premier L’ÉCHELLE DU MASSIF DE temps, deux (02) cartes analytiques ont été L’EDOUGH réalisées. A partir de la carte géologique, il a été dressé une carte lithologique sur Il faut entendre par «facteurs d’érosion laquelle les roches ont été regroupées en potentielle», les agents naturels et les trois classes de roches (roches dures, conditions du milieu qui sont susceptibles roches moyennement dures et roches de provoquer l’érosion ou de l’amplifier,

59 Revue Synthèse N° 20, Juin 2009 A. Oularbi et A. Zeghiche ou au contraire de la retarder ou de la méditerranée au nord, par la vallée de ralentir. Parmi ces facteurs, on pourrait l’oued El Kébir à l’ouest, par la citer la forme topographique, la raideur et dépression du lac Fetzara au sud, et par la la longueur de la pente, la structure et la plaine de Kherraza à l’est (fig.1 et2). perméabilité du substrat, la hauteur et La masse principale du massif de l’intensité des précipitations, le taux de l’Edough est allongée vers le nord-est végétalisation et l’action anthropique. Les avec une ligne de crête longue de 25 interrelations entre ces différents facteurs kilomètres qui s’élève rapidement pour génèrent des effets sur l’intensité, sur les atteindre 1008 m au Kef Seba, point processus et sur les formes d’érosion. culminant du massif. Cette ligne redescend vers Séraidi, puis s’abaisse 3.1 Massif de l’Edough : Une régulièrement à une altitude inférieure à configuration du relief favorable à 100 mètres au Cap de Garde au nord. l’érosion Le massif de l’Edough constitue une entité physique individualisée, au Le massif de l’Edough représente le caractère fortement contrasté. Elle se plus oriental des massifs cristallophylliens compose de trois principaux sous- du littoral algérien. Il forme une amygdale ensembles topographiques : le djebel elliptique qui s’élève brusquement au Edough au centre, le djebel Chaiba dessus de la Méditerranée. Il constitue un (827 m) à l’ouest et le Béléliéta à l’est véritable îlot montagneux d’une superficie entre lesquels s’intercalent des vallées de 47350 hectares, délimité par la mer étroites et des versants pentus [5] .

Figure 1. Situation géographique du massif de l'Edough.

Globalement, les altitudes sont Hilly J. (1962, p. 23) « le massif de modérées puisque plus de 90% de la l’Edough qui surgit brusquement au- superficie totale ne dépassent pas 600 dessus de la plaine d’Annaba, les côtes mètres d’altitude. Les altitudes basses bordées de falaises abruptes pouvant (inférieures à 100 mètres) sont peu dépasser 200 m de hauteur, les vallées répandues et ne sont présentes que dans profondément encaissées dans un relief les étroits secteurs de plages de sable. Le tourmenté, confèrent souvent à cette caractère montagnard du massif se région un caractère beaucoup plus justifie moins par les altitudes modestes imposant que ne pourrait le laisser que par sa position par rapport à son prévoir a priori son altitude absolue, espace environnant. Comme le décrit jamais très forte » [6]. En revanche, le

60 Revue Synthèse N° 20, Juin 2009 A. Oularbi et A. Zeghiche terrain d’étude est accidenté : les pentes zone de subsidence, est beaucoup plus supérieures à 25% concernent environ raide. 60% de la superficie totale (fig. 3). Quant Ainsi donc, plus que l’altitude et la aux terrains de pente inférieure à 3 %, qui forme du relief, les pentes contribuent à correspondent en grande majorité aux renforcer la sensibilité du milieu à replats de terrasses et aux lits d’oueds, ils l’érosion des secteurs de valeur de pente ne représentent que 3 % de la superficie supérieure à 12,5% et entaillés par un totale de l’aire d’étude (soit réseau hydrographique extrêmement 1449 hectares). ramifié. L’énergie du relief constitue un L’opposition entre les versants nord et potentiel d’érosion dans la mesure où le sud est bien marquée. Le versant nord- degré de la pente augmente le coefficient ouest, au contact du littoral, est moins de ruissellement et la longueur de la abrupt, mais profondément entaillé par de pente est créatrice de force vive pour nombreux ravins : il y a toute une série de l’eau qui s’écoule ; de même l’amplitude crêtes avec une direction nord jusqu’à la de la dénivelée favorise ou accentue les mer donnant naissance en particulier aux processus d’érosion ; et la forme du promontoires rocheux de la Voile Noire, versant (qui est soit convexe ou concave) du Pain de Sucre et de Koudiat Tenfous. déclenche l’érosion ou la sédimentation. Le versant sud-est, en liaison avec une

Figure 2. Localisation de la zone d'étude.

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Figure 3. Les pentes dans le massif de l'Edough.

3.2 Des caractéristiques géologiques favorables à l’action érosive

La lithologie identifie de façon schistosité, la foliation. Le processus de synthétique les caractéristiques des désagrégation est amplifié sous l’effet de substrats géologiques et informe sur leurs la pente et agents climatiques. C’est dire capacités de résistance face aux agents que les structures cristallines résistent bien d’érosion. A ce propos, il y a lieu de à l’érosion mécanique, mais elles n’offrent préciser qu’à la différence des roches qu’une résistance amoindrie à l’altération sédimentaires qui sont, par leur origine et chimique [7]. Quand une roche comporte leur nature, aisément classables en roches parmi ses minéraux constitutifs un minéral dures et tendres, il n’y a pas pour les altérable, c’est tout son édifice qui est roches cristallines de relation directe et susceptible d’être atteint : le minéral immédiate entre le type de roche et sa sensible se transforme en argile et les dureté. En effet, une roche cristalline peut autres minéraux constituants sont libérés connaître un stade de désagrégation sous forme de sable. avancé sous l’effet combiné d’une Le massif de l’Edough (fig. 4) multiplicité de paramètres dont la correspond à un vaste anticlinal dont le cohésion des constituants, la proportion de dôme est constitué de gneiss, ceinturé de calcite, la stratification, la fissuration, la micaschistes avec des extrusions de

62 Revue Synthèse N° 20, Juin 2009 A. Oularbi et A. Zeghiche roches ignées (microgranites, rhyolites), et quartzites. L’ensemble sédimentaire est une couverture de roches sédimentaires représenté par des flyschs sénoniens et des (argiles et grès numidiens). Il est formé de grès numidiens reposant directement sur 3 grands ensembles lithologiques : un le socle. Quant à l’ensemble éruptif, il ensemble métamorphique, un ensemble comprend des roches calco-alcalines, sédimentaire et un ensemble éruptif [8]. principalement des microgranites et des L’ensemble métamorphique est formé rhyolites sécant le plus souvent le socle et par la superposition de trois unités : une sa couverture. Ces différentes formations unité de base à dominante gneiss pourraient être regroupées en trois classes migmatitiques, une unité intermédiaire selon leur degré de résistance à l’érosion : constituée essentiellement de micaschistes celle des substrats résistants, celle des englobant des bancs de marbre et substrats moyennement résistants et celle d’amphibolites, et une unité supérieure des substrats peu résistants. alternant des micaschistes et des bancs de

Figure 4. Carte géologique schématique du massif de l'Edough (J. Hilly, 1962 [6])

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3.2.1 Substrats résistants

Les roches considérées comme les plus intermédiaires font le passage entre ces résistantes aux agents d’érosion sont les différents faciès qui sur le terrain se microgranites et granites, les rhyolites, les rencontrent les uns à côté des autres. La gneiss et les grès. plupart des gneiss sont à deux micas, mais Les microgranites et les granites sont parfois la biotite, et plus fréquemment la des roches cristallines dont les minéraux muscovite est seule représentée. Ils principaux (quartz, plagioclases et renferment, outre la biotite et la biotites) sont fortement liés. Leur texture muscovite, le quartz, des feldspaths microgrenue accroît leur résistance. C’est alcalins (orthose, microcline) et des pourquoi on les retrouve dans la région plagioclases (albite, oligoclase), de la sous une forme massive. Mais, ces roches tourmaline et du grenat, près des zones de cristallines qui sont constituées par des passage aux micaschistes. assemblages de minéraux variés sont plus Quant aux grès, ils constituent des ou moins sensibles à la météorisation. formations épaisses (plus d’un mètre), C’est ainsi qu’en certains endroits, cohérentes, dures au marteau (en l’arénisation peut être très poussée et les particulier les grès quartzeux) et peu affleurements sont masqués par plusieurs diaclasées. Dans ces formations en bancs mètres de sable grossier blanc dans lequel épais, des lentilles argileuses existent. l’érosion a creusé de profondes entailles. Dans ces dernières conditions, les En s’altérant la roche devient plus claire formations superficielles sont peu épaisses tandis que la biotite prend une teinte verte. sauf en bas de pente où les bancs de grès On retrouve ces roches au Kef Bou Assida affleurent souvent. Sur les versants, ainsi que sur la côte au Pain de sucre. s’observent des éboulis de grès ainsi que Les rhyolites, d’origine endogène, des glissements affectant les lentilles représentent également un groupe de d’argile. On a ainsi des colluvions où des roches résistantes. Elles se rencontrent éléments grossiers hétérométriques dans la partie NW du massif de l’Edough gréseux qui se mêlent à une argile ainsi qu’au Kef Lakhal. Suivant le mode bariolée, très marquée par de gisement, ces formations peuvent être l’hydromorphisme. réparties en deux catégories : les unes constituent des massifs, les autres plus 3.2.2 Substrats moyennement résistants récentes sont filoniennes. Elles sont des roches de couleur claire, verdâtre à Cette classe réunit des roches qui sont jaunâtre et parfois franchement blanches fondamentalement résistantes mais qui dans les zones altérées. Elles comprennent s’altèrent plus facilement sous les effets du quartz, parfois en prismes courts et des apports pluviométriques importants et quelques feldspaths, la biotite très altérée de la forte déclivité et de la fracturation. Il est souvent absente. Le débit est s’agit de calcaires métamorphiques, de prismatique. Elles sont finement litées micaschistes, de calcaires massifs du Lias quand elles sont saines. et de formations à faciès flysch. Les gneiss, d’origine métamorphique, Les calcaires métamorphiques se se présentent également sous forme de présentent en bancs interstratifiés dans des matériaux résistants à l’érosion. Ils séricitoschistes et des micaschistes. La forment le cœur de la structure anticlinale calcite est le minéral principal avec le du massif de l’Edough de même qu’ils quartz et la muscovite. Les micaschistes affleurent au Cap de Garde. Les uns sont présentent une structure nettement litée du oeillés, d’autres finement feuilletés, et fait de l’alternance de minces feuillets d’autres encore rubanés ; des types quartzeux et phylliteux. On les retrouve

64 Revue Synthèse N° 20, Juin 2009 A. Oularbi et A. Zeghiche associés aux gneiss surtout au Cap de d’altération et ceux déplacés. Les uns sont Garde. Les calcaires massifs du Lias d’origine marine tels les cordons littoraux qu’on retrouve à la Voile Noire forment et grès de plage ; les autres relèvent de la généralement des ensembles montagneux sédimentation continentale notamment les élevés, ayant subi une altération de type grès dunaires, terres rouges, éboulis, karstique. On peut ainsi y observer alluvions. localement des champs de lapiés. Enfin, les formations à faciès flysch, 3.3 Un climat agressif tectonisées, se comportent aussi comme moyennement résistantes à l’érosion en Les caractéristiques du climat ont une général et à l’érosion hydrique en influence remarquable sur la formation et particulier. Dans cette unité existent des l’évolution des sols et de la couverture grès à faciès numidien en bancs peu végétale, tout comme sur l’intensité de consolidés ou peu épais qui alternent avec l’érosion hydrique là où le ruissellement des argiles. Ces formations sont s’instaure. Les précipitations activent les littéralement hachées de joints de phénomènes d’altération des roches et des stratification et de diaclases diverses. Cela sols. De par la situation géographique de permet le délogement d’une grande l’aire d’étude, l’impact du facteur quantité de matériel grossier très température sur l’érodibilité est moindre hétérométrique dont la mise en place a été que celui des précipitations. « La pluie est facilitée par des glissements. Ces le principal facteur de l’érosion hydrique, matériaux évoluent lentement par et son érosivité dépend essentiellement de reptation sur les versants et donnent, avec sa hauteur et de son intensité » [10]. l’appoint de l’altération, des colluvions Les caractéristiques climatiques de épaisses lorsque la végétation naturelle l’aire d’étude sont établies sur la base des n’est pas dégradée. Ailleurs, lorsque la données recueillies au niveau de quatre végétation est dégradée (versants à stations météorologiques : celle d’Annaba exposition sud, zones cultivées), la partie les Salines située à l’est du massif de terreuse de la colluvion est rapidement l’Edough, celle de implantée au entraînée vers les axes de drainage par le pied du versant exposé au sud-ouest, celle ruissellement. Dans ces secteurs où la de Ain Berda, située au sud à une végétation est fortement dégradée, le trentaine de kilomètres du massif et celle phénomène de décapage se généralise, les de Seraidi localisée sur le massif. De par ravins se développent rapidement pour leur situation géographique, les stations créer des zones de bad-lands. Ces d’Annaba et de Seraidi permettent une formations lithologiques se retrouvent corrélation basée sur le gradient principalement dans les milieux de pente altitudinal, car en latitude le décalage est forte. Dans cette unité, le relief est empâté imperceptible. par des colluvions. Des données climatiques recueillies pour la période 1980-2007, il est aisément 3.2.3 Substrats peu résistants déduit le caractère relativement abondant mais très irrégulier du régime Ils correspondent aux argiles et aux pluviométrique. Les moyennes mensuelles formations superficielles. Les argiles qui et annuelles des précipitations (Tab.1) sont des formations de roches meubles et masquent une très grande variabilité des tendres sont très répandues. Elles sont précipitations dans le temps (variabilité associées aux flyschs sénoniens et de la intra annuelle) et dans l’espace (variation nappe numidienne [9]. Les formations selon la position géographique, superficielles comprennent les produits l’exposition).

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Tableau 1. Moyennes mensuelles et annuelles des précipitations (mm), 1980-2007.

Mois Moyenne S O N D J F M A M J J A Stations Annuelle (mm) Annaba les Salines 32,8 40,1 103,3 116,9 97,6 66,7 69,3 54,4 26,3 9,6 1,7 7,1 625,7 Berrahal 28,7 57,4 92,7 136,1 110,1 83,9 65,0 60,1 36,4 12.8 3,3 7,3 693,9 Aïn Berda 38,6 51,3 76,5 110,7 96,1 72,4 67,9 59,7 39,7 14,4 2.1 7,7 637,1 Seraidi 56,0 106,6 164,1 189,9 173,8 130,1 111,7 112,2 52,9 17,1 6,2 17,4 1138,0 Source : Office National de Météorologie Ainsi, il est enregistré au niveau de la climatique majeure : celle d’une station d’Annaba les Salines 877 mm en alternance très marquée entre une longue 2003-2004 (l’année la plus pluvieuse) saison sèche pendant laquelle surviennent contre 470 mm en 2000-2001 (l’année des orages et une saison humide courte déficitaire). Au niveau de la station de mais aux pluies aux hauteurs très Berrahal sise au pied du versant exposé au irrégulières et au caractère souvent sud-ouest et à une trentaine de kilomètres violent. A ce propos, M. Cote [11] écrit de la mer, il a été enregistré 886,8 mm en cette «appartenance au monde 1984-1985. Tandis qu’au niveau de la méditerranéen introduit dans cette station de Seraidi située sur le massif, les abondance une fausse note : période des quantités de précipitation varient entre hautes précipitations (hiver) et période des 1556 mm en 1991-1992 contre seulement hautes températures (été) sont dissociées ; 738 mm en 1988-1989. Ces hauteurs de le végétal ne trouve pas ici la conjonction précipitations moyennes annuelles des facteurs qui lui réussit si bien en surviennent en une centaine de jours. climat tropical ». Une telle dissociation En terme de répartition mensuelle des profite surtout à l’arbre. Au vu de la précipitations, il faut noter que 90 % du faiblesse de l’évapotranspiration en total de précipitation annuelle tombent période hivernale, une grande quantité des durant la période allant d’octobre à mai, précipitations s’infiltre dans le sol et avec néanmoins une forte concentration constitue un stock pour la période estivale. des pluies durant les mois de décembre et Par conséquent, à la forte oscillation de janvier et une seule semaine sous inter-mensuelle des précipitations s’ajoute forme de neige sur le sommet du Djebel le caractère torrentiel des pluies. A titre de l’Edough. Décembre est le mois le plus indicatif, le 13 décembre 2005, les humide tandis que le mois de juillet, avec hauteurs de pluie maximales recueillies en des hauteurs de pluie comprises entre 24 heures, au niveau de la station Annaba 1,7 mm et 6,2 mm, est le mois de l’année les Salines et de Seraidi, ont atteint le plus sec. respectivement 61 mm et 139 mm, soit De plus, un gradient pluviométrique des intensités respectivement de 2,54 et altitudinal est observé : par exemple, au 5,79 mm/heure. Au niveau de la station de niveau du massif de l’Edough stricto Seraidi, les valeurs maximales sont sensus, il est noté une augmentation de la exceptionnelles : il a été enregistré 147 tranche de pluie de la base au sommet : mm / 24 heures le 15 Avril 1979, soit une 800 à 1000 mm, 1000 à 1200 mm et 1200 intensité de 6,12 mm / heure. Cela signifie à 1500 mm/an. que lors d’une seule pluie torrentielle, on En somme, le massif de l’Edough jouit peut enregistrer une quantité d’eau plus ou d’un climat méditerranéen aux étages moins équivalente au 1/10ème de la totalité bioclimatiques humide et subhumide. des précipitations moyennes annuelles Mais cette relative abondance des (tab. 1). précipitations dissimule une contrainte La sensibilité à l’érosion est d’autant

66 Revue Synthèse N° 20, Juin 2009 A. Oularbi et A. Zeghiche plus prononcée que les épisodes pluviaux conditions climatiques et par des sont longs. En effet, si ces pluies paramètres physiques dont la pente. torrentielles se succèdent au cours d’un Le drainage dans l’ensemble du massif épisode pluvieux assez long, l’effet est de type dendritique. Il est guidé par les hydrométéorologique du phénomène accidents tectoniques qui affectent la d’averse devient plus grand sur la genèse région et qui est responsable de la mise en et la prorogation des crues, et donc d’une place de ravines évoluant suivant la amplification de l’érosion hydrique des direction des petites failles. Il est noté des sols. Pour preuve, il est tombé pendant densités de drainage fortes à très fortes de une séquence de huit jours durant le mois l’ordre de 8,3 km/km² sur le versant de mars 1973 des lames d’eau de 142.8 d’exposition sud et de 7,29 km/km²pour le mm, 138.5 mm, et 135.5 mm versant d’exposition nord. Le coefficient respectivement aux stations d’Annaba les de torrentialité est un paramètre plus Salines, de Berrahal et d’Ain El Berda. En indicatif et plus expressif que la densité de décembre 1984, des séquences de 12 à 13 drainage ; des valeurs du coefficient jours ont donné des lames de 189.4 mm, élevées expriment de fortes torrentialités 250 mm, 179.3 mm et 317 mm aux et traduisent une grande agressivité des stations d’Annaba les Salines, de averses. Tout autour du massif de Berrahal, d’Ain Berda et de Seraidi. l’Edough, se sont développées des zones Ce sont les épisodes pluvieux de ce d’épandage et de dépôts de produits et type (averses) qui sont à l’origine des matériaux arrachés au massif: le lac crues plus ou moins désastreuses. Les Fetzara, la plaine de Kherraza, la vallée de pluies torrentielles jouent un rôle capital et la Mer Méditerranée. dans l’érosion hydrique en augmentant les Le degré de sensibilité à l’érosion varie volumes et les débits d’écoulement, en localement en fonction de l’exposition, de alimentant les transports solides, et en l’altitude et de la distance par rapport à la participant à l’élévation du degré mer ; autant de facteurs participant à la d’altération et de torrentialité. Leurs effets création de conditions microclimatiques et érosifs sont d’autant plus remarquables influant de manière très différentielle sur que l’averse est plus intense, le bassin l’activité érosive locale. De cette manière versant plus imperméable, la pente des si la mer joue un rôle de régulateur du versants plus forte, les chenaux climat en adoucissant les températures en d’écoulement plus pentus et plus étroits et hiver et en les rafraîchissant en été, elle les effluents plus rapidement confluents participe indirectement à l’érosion par les [12]. effets des vents dominants Nord-Ouest L’écoulement, au niveau du massif de (vents marins) chargés d’humidité et de l’Edough, est important : il peut atteindre sel, ce qui en retour favorise la corrosion jusqu’à 60% des précipitations ; plusieurs sur la côte. Par ailleurs, il y a lieu de facteurs y contribuent dont les pentes prendre en compte les effets d’usure fortes et abruptes et les roches compactes produits par la vitesse et par la force des qui en comportant d’étroites fissures vagues surtout en hiver. ralentissent la vitesse d’infiltration. Le Le degré de sensibilité à l’érosion est réseau hydrographique est caractérisé par également variable selon la configuration un chevelu hydrographique très dense et du relief. Dans le cas de l’aire d’étude, le fortement ramifié. La ramification est relief joue un rôle non négligeable de part conditionnée par le degré son orientation parallèle à la côte. C’est d’imperméabilité et de la structure de la ainsi que le versant nord se situe dans roche en place. En outre, l’incision de la l’étage bioclimatique humide à hiver roche est renforcée par l’influence des tempéré, alors que le subhumide à hiver chaud caractérise la partie méridionale.

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Ce qui signifie qu’à l’opposition La couverture végétale joue un rôle topographique se superpose une déterminant vis-à-vis de l’écoulement et différenciation en zones climatiques. de l’érosion hydrique, et plus précisément, L’eau, de par son abondance ou sa rareté, elle atténue les effets du ruissellement. est un agent essentiel de l’érosion. En D’une façon générale, la végétation favorisant la fragmentation mécanique et protège le sol avec un degré d’efficacité les processus de décomposition chimiques qui dépend de son taux de recouvrement des roches, l’eau joue un rôle fondamental et de sa puissance d’enracinement, et de la dans le déclenchement et l’accélération qualité et de la densité de son sous-bois. des processus d’érosion [13]. En périodes Aussi, par le biais d’une délimitation des sèches, son rôle érosif est relayé par celui secteurs à formations végétales denses et du vent et de la chaleur. Cependant, les ceux à formations végétales claires effets des agents climatiques sont modulés (fig. 5), il est possible d’identifier par la qualité et la densité de la couverture indirectement les secteurs d’espace les végétale. plus exposés aux effets du ruissellement et donc à l’érosion hydrique. 3.4 Le couvert végétal : un frein à l’érosion

Figure 5. L'occupation du sol dans le massif de l'Edough (Etude BNEDER 1980 [15]; Photo aérienne et travaux de terrain)

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La couverture végétale s’étend sur mince voire absent. Les sols y sont très 42250 hectares, soit un taux de siliceux engendrés par l’altération des végétalisation important de 89%. Mais microgranites et les gneiss. En rapport à qualitativement, cette végétation a une l’effet protecteur de la végétation contre efficacité relativement amoindrie car elle l’érosion hydrique, il est constaté que, est constituée à 69% de maquis. Le bien qu’environ 67% du domaine forestier domaine forestier n’occupe que soient confinés dans des secteurs à pentes 12793 hectares, soit 27,01% de la fortes voire très fortes, les marques superficie totale de l’aire d’étude. De plus, d’érosion sont moins visibles. il est noté une répartition spatiale inégale Somme toute, sur le plan physique, la du couvert végétal. sensibilité du massif de l’Edough à Sur les ubacs, la présence d’une l’érosion est particulièrement bien couverture végétale plus dense souvent soulignée par une topographie accidentée stratifiée enracinée sur des sols humifères et disséquée, par un réseau assez profonds (0,60 à 1m), composée hydrographique très ramifié, par une d’une strate arborée avec sous-bois, a pour structure géologique et lithologique effet de freiner le ruissellement. Le massif favorisant la décomposition et les de l’Edough est peuplé, sur son versant altérations, et par un climat agressif. Cette nord, par des espèces forestières. La forêt prédisposition du milieu à l’érosion est y est très développée et recouvre la localement atténuée ou accélérée par la majeure partie des terrains nature et la densité du couvert végétal et métamorphiques et ignés ainsi que sur de par les formes d’interventions humaines vastes étendues de flysch argilo-calcaréo- sur le milieu physique. gréseux. La formation dominante est celle du chêne-liège. Son cortège floristique est 3.5 L’homme : facteur de composé essentiellement de bruyère déstabilisation du milieu arborescente, lentisque, myrte, ciste, arbousier [14]. Le chêne Zeen occupe les La zone forestière connaît une enclaves les plus humides telles les fonds importante phase régressive sous l’effet des vallées et le sommet du Djebel de conjugué d’une surexploitation des l’Edough. Sur les hauteurs de l’Edough, ressources forestières, d’une fréquence on recense aussi quelques peuplements de élevée d’incendies ravageurs pins maritimes. Au-delà des limites de la particulièrement durant la décennie forêt se succèdent les secteurs de maquis « noire » (1990-2000) et d’un dense. vieillissement des futaies rendant la A l’opposé, sur les adrets, le taux de régénération naturelle difficile surtout que végétalisation est plus faible. Les les interventions sylvicoles en vue de formations végétales sont plus basses et rajeunissement des subéraies sont rares. développées sur de minces rendzines, sur Selon P. Boudy [16], la couverture des sols squelettiques, voire à même de la végétale du Massif de l’Edough s’étendait, roche en place. Ils sont globalement le en 1950, sur 51686 hectares dont près de domaine du maquis plus clairsemé. On y 75 % composés d’espèces forestières. Une rencontre le doum (palmier nain), le diss quarantaine d’années plus tard, le secteur (Ampelodesma mauritanica) et la lavande. forestier n’occupe plus que 12547 ha soit L’abondance du diss est indicateur d’un une réduction de son étendue par 3,42 par peuplement de clairière, surpâturé. Les rapport à 1950. Par contre, les étendues de pluies y ruissellent avec plus de violence maquis ont progressé de 8655 hectares en et d’agressivité. 1950 à 29457 hectares durant la même A l’échelle de l’aire d’étude, on période [15]. recense quelques secteurs où le sol est très

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Comparativement à d’autres zones de visible dans le paysage : décapage des montagne du Tell, le massif de l’Edough sols, ravines et rills, boursouflures des est peu peuplé. Mais au vu de la richesse versants argileux, etc. de son sous-bois tant sur le plan quantitatif que qualitatif, les riverains 4. MANIFESTATIONS DE L’ÉROSION s’adonnent, pour des raisons socio- DANS LE MASSIF DE L’EDOUGH économiques, à l’exploitation anarchique des ressources forestières (le Les différenciations dans la sensibilité défrichement, la surexploitation des du Massif de l’Edough à l’érosion relèvent ressources forestières dont la coupe de l’effet combiné des variables telles que incontrôlée des arbres) et pratiquent la géologie, la lithologie, la pente, l’élevage extensif (élevages ovin et l’orientation, le bioclimat et l’utilisation bovin). De telles pratiques ont contribué à des terres. Ainsi, d’une manière générale, réduire considérablement la croissance de sur les roches cohérentes telles les la forêt, du sous-bois et du maquis laissant microgranites, les gneiss, la dynamique des étendues de terre à nu, et par voie de érosive ne progresse que lentement et conséquence à déclencher, à aggraver et à reste limitée en profondeur en se généraliser l’action de l’érosion. La loi manifestant le plus souvent par forestière n°84-12 du 23 juin 1984 portant ravinement. Tandis que sur les roches régime général des forêts (complétée et meubles, les argiles, l’érosion en masse se modifiée par la loi n° 91-20 du 2 manifeste par des glissements et des décembre 1991), le code forestier algérien solifluxions. interdisant le parcours en forêt, et la La superposition des cartes thématiques présence sur le terrain d’agents forestiers, a permis la réalisation d’une carte n’ont eu que peu d’effets dissuasifs. Si résumant la subdivision du massif de bien que des formes d’érosion variées sont l’Edough en trois principales classes en perceptibles dans le paysage. La fonction de l’intensité d’érosion (fig. 6). morphodynamique actuelle est partout

Figure 6. Erosion dans le massif de l'Edough

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4.1 Terrains d’érosion intense 4. CONCLUSION

Ce sont les secteurs soumis à une La présente étude a eu pour objectif érosion hydrique intense se manifestant une appréciation qualitative de la par des ravinements et les glissements de sensibilité du massif de l’Edough à terrain récents, à l’exception des secteurs l’érosion. Les résultats de l’analyse des où le taux de végétalisation est élevé. Ces facteurs géographiques, géologiques, terrains sont affectés par des processus et lithologiques et climatiques ont démontré par la fréquence de certaines formes que, globalement, nous sommes en caractéristiques dont la fixation et présence d’un milieu instable, où la l’évolution peuvent atteindre le stade pédogenèse n’arrive que rarement à irréversible si la restauration n’intervient s’exercer. La morphogenèse actuelle est pas à temps. L’équilibre des pentes et des très active résultant de la combinaison des versants est de plus en plus mis en cause ; pentes fortes, d’un climat « agressif » (aux les ravinements ont tendance à s’accroître averses violentes), de sols à mauvaise et à s’approfondir. Certaines zones sont structure, et d’une couverture végétale très représentées le plus souvent par des bad- ouverte favorisent la morphogenèse. Les lands. Cette zone intensément érodée, sols ont du mal à se former et restent dont le potentiel productif est fortement embryonnaires (lithosols). Inversement, réduit, nécessite des travaux majeurs de dans les secteurs où la couverture végétale remise en état pour espérer rétablir la est touffue avec une strate basse très stabilité du milieu. couvrante, des pentes moyennement faibles, la destruction de la matière 4.2 Terrains d’érosion moyenne organique est lente et la pédogenèse favorisée. Tandis que dans les secteurs où Ce sont des terrains qui connaissent un la pente est faible, nous avons constaté début de ravinement. En terme que l’entraînement des particules est d’extension, ils sont plus importants que grandement freiné (colluvionnement). les terrains précédents. On les retrouve sur Ces résultats nous ont permis de le versant exposé au sud, au Cap de Garde dresser une carte synthétique mettant en ainsi qu’au sud de Ain Barbar. Ils sont à évidence la différenciation de sensibilité à considérer comme zones nécessitant des l’érosion selon les conditions micro mesures de protection : selon les cas locales, et ciblant les secteurs d’espace du freiner les ravinements sur les secteurs de massif de l’Edough les plus vulnérables à versants ou fixer les mouvements de l’érosion. Cette carte de zonage oriente masse en terrains argileux. sur la tendance évolutive du milieu et sur les choix de moyens et de techniques 4.3 Terrains de faible érosion pouvant être mis en œuvre pour infléchir la tendance. Mais, il y a lieu de préciser Cette classe regroupe des terrains les que la prise en charge technique ne moins accidentés (principalement les suffirait pas à atténuer l’action de replats), et donc les plus faiblement érodés l’érosion du massif. Pour espérer un et où le potentiel érosif est réduit. Nous infléchissement de la tendance, il faudra les retrouvons aussi sur les versants également préconiser la sensibilisation et exposés au nord où la végétation est l’implication effective de la population dense. L’action érosive se limite à la locale. Sans omettre d’accorder toute naissance de réseaux de rigoles. Pour cette l’importance dévolue aux études d’impact catégorie de terrains, il y a lieu de prendre dont la finalité est de faire connaître et des précautions appropriées dans leur d’évaluer les incidences directes et utilisation et leur exploitation. indirectes des projets d’aménagement sur

71 Revue Synthèse N° 20, Juin 2009 A. Oularbi et A. Zeghiche l’équilibre écologique d’une part et Université Mentouri - Constantine, 1999. d’autre part sur la qualité du cadre de vie [8] G. Gleizes, J. Bouloton, G. Bossiere, J. de la population. Collomb, Données lithologiques et pétro- Références structurales nouvelles sur le massif cristallophyllien de l’Edough (Est [1] http://eduscol.education.fr/ Algérien), C. R. Acad. Sci. Paris, 1988, D0126/hist_geo_bonhoure_delort Tome 306, Série II, p.1001-1008. _veyret.htm [9] J.P. Flotte, Une formation génératrice de coulées : le numidien d’Algérie, [2] K. Elbouqdaoui, H. Ezzine, M. BRGM, 1984, p. 517-524. Zahraoui, M. Rouchdi, M. Badraoui, Evaluation du risque potentiel d’érosion [10] Y. Le Bissonnais, J. Thorette, C. dans le bassin-versant de l’oued Srou Bardet, J. Daroussin, L’érosion hydrique (Moyen Atlas, Maroc), Sécheresse, 2006, des sols en France, 17 (3), p.425-31. http://erosion.orleans.inra.fr/rapport 2002.

[3] A.Saadi, H. Vogt, Une méthode de [11] M. Cote, L’Algérie ou l’espace détermination de l’érodabilité des terrains retourné, Médias-Plus, Constantine, quaternaires par traitement automatique 1993. des données cartographiques, à l’exemple de la région de Kristel – Oranais [12] C. Le Cœur, Eléments de géographie (Algérie). Bull. Assoc. Franç. Etude physique, Collection Grand Amphi, Le Quaternaire, 1981, 1, p.21-26. Bréal, Paris, 1996.

[4] A. Bouchetata, T. Bouchetata, [13] G. Millot, G. Bocquier, R. Boulet, A. Propositions d’aménagement du sous- Chauvel, J.C. Leprun, D. Nahon, H. bassin versant de l’oued Fergoug Paquet, G. Pedro, P. Rognon, A. Ruellan, (Algérie) fragilisé par des épisodes de Y. Tardy, Géochimie de la surface, sécheresse et soumis à l’érosion hydrique, pédogenèse, aplanissements et formes du Sécheresse, 2006, 17 (3), p.415-24. relief dans les pays méditerranéens et tropicaux, In «Phénomènes de transport [5] F. Tomas, Annaba et sa région. de matière dans l’écorce terrestre», ATP- Organisation de l’espace dans l’extrême CNRS, Sciences géologiques, mém.53, nord-est algérien, 1977. pp. 39-44. 1979.

[6] J. Hilly, Etude géologique du massif [14] P. Boudy, Guide du forestier en de l’Edough et du Cap de fer, Publ. du Afrique du Nord, La maison rustique, Serv. de la carte Géol. Algérie, 1962, Bull. Paris, 1952. n°19, 408 p. Alger. [15] Bureau National d’Etudes pour le [7] A. Oularbi, Contribution à l’étude du Développement Rural (BNEDER), Etude milieu physique du massif d’inventaire des terres et forêts de cristallophyllien de l’Edough (nord-est l’Algérie du Nord, Wilaya d’Annaba. Algérien). Mémoire de Magister, Rapport par wilaya, 1980.

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