.. . . - ...... - ...... - ...... - ..

, ...... - - ...... _.~ ~.- .MAGAZ” 1

Le rugby sud-africain : le << sport de l‘homme blanc H ambassadeur d‘une nation multiraciale ?

IFFICILE de ne pas s’émou- sorte d‘hymne au (( politiquement D voir, en ce samedi 24 juin correct D comme la (( nouvelle Afri- 1995, lorsque Nelson Mandela riant que du Sud )) sait en produire. Per- comme un enfant, affiblé d’un mettez cependant à l’auteur de ces maillot des Springboks frappé du lignes de leur rétorquer à l’avance numéro 6 (offert par leur capitaine) que c’est probablement parce qu’ils et d‘une casquette de supporter, méconnaissent le noble jeu et le remettait la coupe William Webb- bonheur qu’il peut générer, toujours Ellis consacrant la meilleure équipe proportionnel à la rudesse du com- de rugby du monde à François Pie- bat qui l’anime. La joie était donc naar, valeureux et exemplaire leader sincère et grandement partagée ce d’une sélection passée en quelques jour-là en Afrique du Sud et il y années du purgatoire, sinon de a fort à parier que ce titre mondial l’enfer, au firmament de ce sport. a plus fait qualitativement parlant Difficile en effet de ne pas se lais- pour l’émergence de cette nouvelle ser gagner par l’enthousiasme réu- nation que nombre de réformes nissant dans un même Clan patrio- politiques des derniers mois. tique ces deux hommes immensé- Plus que tout autre sport, le ment fiers en ce jour d’être sud- rugby est en Afrique du Sud un africains alors que tout aurait pu miroir de la société civile et politi- conduire, il y a quelques années à que. Symbole des vertus ancestrales peine, à les opposer, à les faire se et de la fierté raciale pour les uns, haïr. Par quel miracle le jeu de de l’oppression et de l’inégalité rugby a-t-il donc pu créer une telle pour les autres, il est devenu l‘otage complicité entre un Afrikaner de le plus médiatique du conflit oppo- pure souche, profondément calvi- sant à partir de la fin des années niste et certainement membre de 60 la dictature sud-africaine à la 1’Afrikaner Broederbond (1) et celui communauté internationale (2). qui, à lui seul, symbolise le martyr Après une réintégration laborieuse et la lutte du peuple noir d‘Afrique au plan sportif comme politique de du Sud? l’Afrique du Sud, la Coupe du Certains esprits chagrins y ver- ront à coup sûr une opération de (2) Voir à ce sujet la passionnante étude propagande bien orchestrée, une historique proposée par Jean-Pierre Bodis dans Le rugby en Afrique du Sud: histoire (1) Société secrète aux ramifications com- d’un sport en politique, Bordeaux, Karthala- plexes, haut lieu du conservatisme afrikaner. MSHA, 1995.

139 LE RUGBY SUD-AFRICAIN

monde de rugby a connu un suc- geants de ce sport (4) se résument cès dépassant toutes les espérances. alors à l’adjonction sur le maillot de Dans un pays où la conscientisation la fleur de prothéa à la célèbre anti- politique atteint des sommets, le lope et à l’obligation de jouer le rugby semble aujourd’hui être en Nkosi sikelel’ irifrika avant I’indé- mesure de jouer un rôle majeur racinable Die Stem (5). Alors donc dans le processus d’unification. Des qu’une grande partie de la popula- prises de position sans ambiguïté, tion noire s’apprête à traiter par le comme celles de Nelson Mandela et mépris cet événement, voire à sim- de certains dirigeants fédéraux, sem- plement ignorer son existence, le blent en attester, tout comme la leader charismatique de la nouvelle belle aventure du héros du tournoi, Afrique du Sud décide d’affirmer le métis , partici- sans équivoque son soutien à pent d’un nouvel imaginaire natio- l’équipe si longtemps décriée par les nal. Gardons-nous cependant de opposants au système d’apartheid. tout propos naïf car l’essentiel est Ce faisant, il suscite l’étonnement encore à faire et l’avènement du d’une bonne partie de la popula- rugby en tant que force de change- tjon, toutes ethnies confondues. ment devra nécessairement passer Etonnement qui, au fil d‘un scéna- par un plus grand volontarisme de rio sportif idéal (6), se transforme en la part des dirigeants de ce sport. intérêt grandissant pour se terminer en euphorie générale. En fait, Nel- son Mandela a parfaitement su Nelson Mandela, le 16e homme jouer un rôle d’interface entre l’équipe springbok et la commu- Au lieu de se cantonner à un nauté noire. C’est ainsi que le rôle neutre et protocolaire de pré- 16 juin, jour de la commémoration sident du pays organisateur, Nelson du début des grandes émeutes de Mandela a pris le parti, dès le pre- Soweto en 1976 et veille de la demi- mier match opposant l’Afrique du finale contre la France, il s’adresse Sud à l’Australie, de devenir le sup- aux jeunes du grand township de porter numéro un des Springboks. coiffé d’une casquette Il est vrai qu’au départ le leader de de supporter en les exhortant à 1’ANC n’est pas hermétique à ce encourager (( leur D équipe (7). Sans sport puisqu’il a lui-même tâté du que l’on puisse dire qu’il y ait eu une ballon ovale au cours de sa scola- rité. Mais de là à s’engager à ce (4) La fusion entre la toute-puissante point en faveur d’une équipe dont SARFU blanche et la SARU regroupant les on doit rappeler qu’elle n’était joueurs métis et noirs s’étant rapidement acheminée vers une récupération de cette encore composée, à l’orée de ce dernière. tournoi, que de joueurs blancs (3), (5) Le premier étant l’ancien chant de il y a un cap qu’il a su franchir. libération de I’ANC, le second l’hymne afri- En fait, le rugby sud-africain est kaner inspiré du grand trek. (6) Victoire contre le champion en titre, toujours en ce début de Coupe du l’Australie, dès le premier match puis série monde une affaire presque exclusi- de succès, dont une demi-finale au suspense vement blanche et les concessions haletant contre la France, jusqu’à la victoire accordées par les véritables diri- finale face à des All Blacks donnés largement favoris par des analystes un peu trop inattentifs. (3) Puisque Chester Williams, le coloured (7) Document diffisé dans l’excellente de la sélection a, à ce moment-là, déclaré for- émission proposée par Arte a La légende du fait en raison d’une blessure tenace. sport)), le 7août 1995.

140 .~ ...... _.-...... 1 ...... - MAGAzINe j adhésion totale de la communauté de sa peau mais bien au fait qu’il s’est noire au soutien apporté par Man- révélé être au cours des dernières sai- dela aux Springboks (8), on a cepen- sons le meilleur à son poste. Il lui a dant assisté, pour la première fois d‘ailleurs fallu patienter assez long- dans l’histoire sportive du pays, à temps sur le banc des remplaçants de véritables démonstrations de joie alors qu’il était déjà un des joueurs de la part des Noirs après les suc- phares de la Western Province pour cès de l’équipe nationale (9). Ceci gagner une place de titulaire à l’aile constituant sans doute le premier de l’attaque springbok. S’il fallait une signe d’identification de leur part à preuve supplémentaire que la sélec- une équipe pourtant constituée en tion de ce joueur ne relève pas d‘une grande majorité de joueurs blancs sorte d’affirnzative action (1l), ce mais finalement (( coachée )) par le serait son forfait à la veille de la Père de la nation. En ce sens, Nel- Coupe du monde en raison d‘une son Mandela a accompli un acte blessure récalcitrante. Sa réintégra- politique majeur, au plan interne tion au sein de l’équipe nationale doit comme sur la scène internationale, surtout à un concours de circonstan- en démontrant que le sport pouvait ces assez rocambolesque. En effet, à réunir tous les Sud-Africains dans la suite d’une bagarre générale avec un Clan patriotique commun. Et les Canadiens, deux joueurs de quel choc en effet d’entendre des l’équipe sud-africaine ont été suspen- fermiers boers reprendre en chœur dus, dont l’ailier Pieter Hendricks, le chant des mineurs noirs pour libérant ainsi une place pour Wil- encourager leur équipe lors de la liams. C’est à ce moment que le finale face à la Nouvelle-Zélande ! joueur métis est devenu le favori des médias sud-africains qui voyaient Chester Williams, héros malgré probablement en lui la figure emblé- lui matique idéale de cette Coupe du monde. I1 y avait évidemment un Singulier destin que celui de ce intérêt commercial flagrant dans la sous-officier métis de l’armée sud- mesure où médiatiser un sportif qui africaine, au jeu et au gabarit atypi- n’est ni noir, ni blanc mais les deux ques (lo), victime et bénéficiaire à la fois revient à cibler un public d’étranges concours de circonstances, beaucoup plus vaste. C’est ainsi et qui allait passer en quelques mois qu’en quelques jours on a vu fleurir du parfait anonymat au rang de star le long des routes sud-africaines des de cette Coupe du monde, au même panneaux à l’effigie de Chester, titre que son adversaire néo-zélandais devenu bien malgré lui une sorte de ! Contrairement à ce héros national. Au-delà de l’utilisa- qu’ont pu penser certains observa- tion mercantile du procédé, force est teurs mal informés, Chester Williams de constater qu’il a permis, à l’instar ne doit pas sa sélection à la couleur de ce que souhaitait Nelson Mandela, de canaliser l’intérêt d‘une partie de (8) Ne serait-ce déjà que parce que le la population qui jusqu’alors ne se football est, comme partout en Afrique, le sentait guère concernée par les résul- sport roi. tats des Springboks. I1 fallait, sans (9) Voir par exemple Midi Olympique du 25 mai 1995. (10) C. Williams, ne faisant que (11) Les politiques d’uffimative action 1,73 mètre pour 78 kilos, ce qui est fort sont des ensembles de mesures de discrimi- modeste dans un rubgy où il est de tradi- nation positives visant à rééquilibrer les iné- tion d’aligner des ailiers frisant le quintal. galités sociales imposées par l’apartheid.

141 vouloir faire de jeu de mots douteux, Les development teams, sélections un peu plus de couleur dans cette des oubliés ? équipe pour susciter l’adhésion du public noir et métis. En même temps, Sous l’égide de Danie Craven, il suffisait d’observer le succès que ancien président de la SARU (South remportait, grâce à son jeu spectacu- African ), des tentatives laire et à son Manu Samoa, proche de popularisation du jeu de rugby des danses guerrières zouloues, auprès des populations noires et l’équipe samoane, adversaire de métisses ont vu le jour à partir des l’Afrique du Sud en quart de fi- années 70. Leur impact a été jusqu’à nale (12), pour constater à quel point présent assez limité. De plus, il exis- il était possible de passionner les jeu- tait une sorte de paradoxe à vouloir nes des townships pour cette compé- monter de toutes pièces une dynami- tition. que rugbystique dans des communau- Cela étant, on a pu également tés dotées de leurs propres Edérations assister à quelques utilisations mala- depuis la fin du XIX~siècle, c’est-à- droites de la présence de la e( mas- dire avant même la création des fédé- cotte )) Chester au sein de la sélection, rations française ou néo-zélandaise comme ce fut le cas avec le demi de par exemple (14). I1 y avait d‘ailleurs, mêlée Joost Van der Westhuizen, en 1914,82 équipes non blanches sur accusé par des joueurs Samoans le territoire sud-africain, 43 clubs d‘avoir tenu des propos racistes sur métis et 39 clubs noirs (15). I1 aurait le terrain et clamant pour se défen- été probablement plus efficace de sor- dre que son meilleur ami au sein de tir les clubs non blancs de leur ghetto l’équipe était l’ailier métis. Le silence économique et culturel en les inté- embarrassé de l’intéressé en dit fina- grant aux championnats réservés aux lement long sur l’authenticité de leur équipes blanches (1 6). Evidemment, amitié (13). Cette dernière anecdote le contexte politique ne le permettait nous rappelle qu’on est encore loin guère. Aujourd’hui, l’environnement d’une véritable intégration raciale politique n’est plus le même et pour- dans le rugby et dans le sport sud- tant les méthodes n’ont que peu africain en général. Les stratégies changé. La mode est à la mise en mises en place jusqu’à présent, place de development teams qui sont comme la création des development des sélections (( multiraciales )) opé- teams, révèlent d’ailleurs quelques rant du niveau local au niveau natio- contradictions majeures. Quant 9 nal. L’idée peut paraître intéressante l’attitude de certains dirigeants fédé- à première vue, ne serait-ce que parce raux, comme le très controversé qu’elle permet de détecter de nou- Louis Luyt, on constate qu’elle main- veaux talents, mais elle a aussi quel- tient une ambiguïté qui pourrait que chose de pervers dans la mesure s’avérer à terme très dommageable au plan interne comme au niveau de (14) Un précieux recueil de documents, non publié, sur les origines du rugby non blanc l’image internationale du sport sud- en Afrique du Sud, élaboré par Braber Ngozi, africain. se trouve à la bibliothèque du Centre d‘étude d’Afrique noire de 1’IEP de Bordeaux, sous la réfërence RAS-613. (15) J.?. Bodis, op. cit., p. 35. (16) Cet isolement est d’ailleurs la princi- (12) Match du retour pour Chester Wil- pale explication de la faible proportion de liset au cours duquel il inscfivit deux essais. joueurs métis ou noirs de haut niveau dans la (13) Voir par exemple L’Equipe du 16 mai mesure où il est synonyme de stagnation 1995. technico-tactique.

142 ~ . . . - ...... ~.

‘ .-... . ou elle contribue à recréer des espa- sance économique du rugby sud- ces d‘isolement pour les joueurs non africain. On ne peut en revanche pas- blancs, les Blancs y étant plutôt rares. ser sur ses écarts de langage et de Elles deviennent des sortes de N réser- comportement qui lui valent d’être ves sportives et ethniques tout à la probablement un des hommes les fois. Cette voie est donc plus une plus haïs du rugby mondial. En fait impasse qu’autre chose et beaucoup cet ancien seconde ligne de la Pro- est encore à faire pour que les clubs vince du Transvaal a toujours cultivé deviennent de véritables lieux d’inté- le paradoxe. Coartisan avec le docteur gration. I1 est facile de constater com- Craven du rapprochement entre le bien il est pénible aujourd‘hui encore rugby blanc et les leaders de l’oppo- pour les joueurs noirs de gagner leur sition noire dans les années 80, il place dans les équipes majoritaire- n’hésite pourtant pas en 1992 2. faire ment blanches (17). Le chemin de la jouer Die Stein lors du retour des mixité est encore long et il n’est pas Springboks à la compétition interna- certain que tous les dirigeants actuels tionale face aux All Blacks, alors qu’il du rugby sud-africain aient envie de était convenu de ne pas jouer l’emprunter. d’hymnes tant que le processus de démocratisation n’aurait pas totale- ment abouti. De même, après s’être Le double jeu de certains diri- fait l’ambassadeur du rugby de geants demain, professionnel et médiatique, dans les mois précédant la Coupe du La Coupe du monde de rugby monde, il la fait s’achever sur une très 1995 s’est avérée être une énorme désagréable fausse note en insultant opportunité économique. Les béné- littéralement certaines équipes (19) et fices au niveau de l‘industrie touris- en faisant planer un doute sur l’inté- tique ont été considérables et les grité du corps arbitral (20). I1 y a retombées en terme de promotion de donc parfois un énorme décalage l’Afrique du Sud comme destination entre les progrès en communication de vacances probablement très fruc- des Springboks grâce à des hommes tueuses (18). L’organisation de la intelligents et modérés comme le compétition et de ses à-côtés a été en capitaine François Pienaar ou le tout point irréprochable sauf peut- manager Morne du Plessis et les fras- être une vente de billets inErieure au ques grossi6res du patron de 1’Ellis total escompté, probablement en rai- Park. Ces contrastes Teflètent en réa- son d‘un coût un peu trop élevé pour lité les antagonismes profonds qui les portefeuilles locaux. Technique- existent au sein de la puissante fédé- ment parlant, on ne peut pas repro- ration sud-africaine et ne sont que les cher grand-chose aux organisateurs épiphénomènes d‘un conflit se dérou- sud-africains ayant travaillé en asso- lant sur fond d‘argent et d’idéologie. ciation avec le groupe Rugby World Le rugby d‘Afrique du Sud a pour- Cup, notamment à Louis Luyt, toni- tant besoin d’une grande sérénité truant personnage, président de la SARFU (South African Rugby and (19) Après quelques altercations, les iqui- Football Union) et première puis- pes de Nouvelle-Zélande, d’Angleterre et de France quitteront le dernier banquet avant la fin. (17) Expérience pourtant vécue dans la (20) II remettra à Derek Bevan, arbitre de Province du Natal, qui passe pour être une des la demi-fmale perdue de justesse par la France moins conservatrices du pays. face àl’Afrique du Sud, un chronomètre... en (18) Voir Financial Mail, 19 mars 1995. or.

143 LE RUGBY SUD-AFRICAIN

pour pouvoir tenir le rôle fédérateur champions, constitue un point dont son titre de champion du monde d’orgue à l’euphorie sportive que lui a donné l’opportunité, pour ne connaît le pays depuis la fin de son pas dire la mission. Nelson Mandela bannissement. I1 est vrai que l’évic- et son ministre des Sports, Steve tion du Nigeria du tournoi, d’ailleurs Tshwete, ont donné le ton ;il est pri- largement imputable à l’Afrique du mordial que les grands du rugby Sud et qui constitue ainsi le premier blanc oublient leur conservatisme coup politique majeur entre les deu

arrogant et saisissent la balle au bond. (( géants D, a passablement facilité la Les sportifs sud-africains ont par- tâche aux footballeurs de Nelson fois le sens du symbole. La coureuse Mandela. Celui-ci n’a pas hésité à de fond, Elena Meier, l’avait montré réutiliser la symbolique de la Coupe en faisant un tour d‘honneur aux du monde de rugby en arborant fiè- Jeux olympiques de Barcelone drapée rement le maillot de l’équipe natio- du drapeau éthiopien de son adver- nale lors de la finale. Les Bafana- saire Derartu Tulu. Les deux jeunes Bafanas ont, en plus de leur indénia- femmes, après avoir survolé leur ble valeur sportive, démontré que le épreuve, avaient ainsi ému des cen- sport était décidément le moteur de taines de millions de téléspectateurs la pacification dans ce pays en offrant dans le monde. On découvrait que l’image d‘une équipe unie et ethni- l’Afrique du Sud pouvait aussi mon- quement représentative de la nouvelle trer l’exemple. Le discours du capi- Afrique du Sud. Le public ne s’y est taine des Springboks après la finale pas trompé en faisant son héros du victorieuse de 1’Ellis Park allait dans très offensif défenseur blanc Mark le même sens, en remerciant l’ensem- Fish qui est ainsi devenu le complé-

ble des Sud-Africains et en tentant ment (( footballistique )) de Chester ainsi de montrer aux yeux du monde Williams. qu’un nouveau pays était bien né. En Jean-Pierre Bodis a très probable- ce sens, le sport sud-africain, compé- ment raison lorsqu’il avance que l’élé- titif dans de nombreuses discipli- ment CEde cette magie sportive est nes (21), pourrait bien devenir le la religiosité qui imprègne les Sud-

meilleur ambassadeur de cette (( nou- Africains dans leur rapport au velle Afrique du Sud D, à condition sport (22). On pourrait peut-être d’achever sa propre révolution. La même, en se servapt de la conception Coupe d‘Afrique des nations de foot- sociétale qu’avait Ennile Durkheim de ball 1996, organisée pour la première la religion (23), voir dans cette appro- fois dans ce pays, vient probablement che religieuse de la compétition spor- de constituer une épreuve de vérité tive une sorte de vision transcendée pour la crédibilité sportive et politi- et inconsciemment partagée des défis que d’une nation en construction. Le que doit relever cette nation nouvelle. succès des Bafana-Bafanas dans cette compétition, qui suit de quelques semaines celui des Orlando Pirates dans la Coupe d’Afrique des clubs Patrice Galand CEAN

(21) Par exemple, on annonce déjà le per- chiste Oker Brits comme le successeur du grand Serpeï Bubka. De même, les résultats obtenus aux derniers Jeux panafricains (22) l.-P. Bodis, op. cit. d’Hararé font apparaître l’Afrique du Sud (23) E. Durkheim, Les forms élémetmires comme le nouveau géant du sport continental. de lu vie relipme, , PUF, 1968 (1912).

144