LES GRÈVES Et ROCHEPLATTE
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LES GRÈVES et ROCHEPLATTE FERNAND MERLET LES GRÈVES et ROCHEPLATTE EDITIONS SUBERVIE RODEZ e EDITIONS SUBERVIE, 1958 FAIRE REVIVRE Les Grèves et Rocheplatte. Qui a vécu ici. Qui a passé par là ? Nous allons le résumer, Rocheplatte en vaut la peine. F. M. LES GREVES L A vieille forteresse des Grèves, comme on l'appelait autrefois, a une origine qui se perd dans l'antiquité des temps On ne saurait aujourd'hui en donner l'âge approximatif, puis- que tous les témoins matériels qui auraient pu en situer une époque ont été détruits. Elle avait été construite près du confluent où les rivières de l'Œuf et de la Rimarde se ren- contrent pour former l'Essonne, à un endroit où la terre ferme touche à la rivière, et, sur une plage de sable ou de grève ; de là lui vient son nom ; à une vingtaine de mètres de la rivière de l'Œuf, de manière qu'au moyen d'un petit canal souterrain les larges fossés qui entouraient la motte se tien- nent continuellement remplis d'eau vive. Aussi pour accéder au château il y avait un pont-levis qui se voyait encore à la fin du XVIIe siècle ; nous dirons plus loin, quand et comment le vieux château des Grèves prit le nom de Rocheplatte. Ce que nous savons très bien, c'est qu'en 1060, le chevalier Ingran de Pithiviers était seigneur d'Aulnay-la-Rivière en partie, c'est- à-dire des Grèves. La chronique nous apprend qu'il était fils d'Isembard de Pithiviers et petit fils de Raynard de Pithiviers et d'Héloïse de Chartres fille d'Eudes 1er, grand comte de Chartres et de Blois. Le dit Isembard devint seigneur de Nogent-le-Roi en 1028, par faveur de son frère aîné, Odolric évêque d'Orléans de 1021 à 1035. Isembard de Pithiviers, 1er du nom, épousa Béline de Broyes qui lui donna un certain nombre d'enfants, dont quatre au moins sont bien connus : a) Hugues, dit Bardoul, (l'entêté), qui épousa Elisabeth de Sours ; célèbre par la défense du château de Pithiviers, assiégé de 1040 à 1042 par les troupes du roi Henri 1er, vaincu, il se retira dans sa terre de Broyes, mais bientôt réconcilié avec le roi, celui-ci en fit un de ses principaux lieutenants pour combattre les grands vassaux qui voulaient s'emparer de la couronne. b) Isembard, deuxième du nom, clerc et chanoine, coad- juteur de son oncle Odolric, en 1033, et son successeur sur le siège épiscopal d'Orléans en 1035, où il demeura jusqu'à sa mort survenue en 1063. c) Béline qui épousa Guy de Clamecy et qui chercha des chicanes à son frère Isembard, évêque d'Orléans, au sujet de Beauley, paroisse de Guigneville. d) Ingran, seigneur d'Escrennes et d'Aulnay-la-Rivière en partie, (les Grèves), épousa Ermengarde qui lui donna quatre enfants : 1° - Ayric, clerc et chanoine, qui devint évêque d'Orléans à la mort de son oncle Isembard, en 1063, jusqu'en 1066, où il fut disgrâcié par le concile pour cause de simonie et demeura alors simple chanoine ; en cette qualité il se fit connaître par de nombreuses chartes qui ont été conservées jusqu'à nos jours. 2° et 3° - Isembard et Geoffroy, chevaliers, seigneurs des Grèves qui donnèrent à l'abbaye naissante de la Sainte-Trinité de Morigny, près d'Etampes, leur Ménil-désert d'Echainvil- 1) F. Merlet, Notre Village, chap. II, p. 18. liers « Eschenvillerum », en 1082, par une charte qui existe encore aujourd'hui 1. 4° - Une fille, dont on ignore le prénom, qui épousa Aimon d'Etampes, laquelle, pour grossir l'importance de la donation de ses frères Isembard et Geoffroy, donna à la même abbaye de Morigny, sa seigneurie de Verrines (paroisse de Manchecourt), que son père, Ingran des Grèves, lui avait remise en dot. Isembard et Geoffroy des Grèves eurent plusieurs enfants : Bertrand, fils d'Isembard, Henri et Vilaine fils et fille de Geoffroy, qui sont signalés dans la charte de donation à Mari- gny, en 1082. Ces enfants ont-ils continué la lignée des chevaliers de Pithiviers, à Aulnay-la-Rivière ? nous ne le saurons sans doute jamais, puisque, perte considérable et irréparable, nos pré- cieuses archives départementales ont été détruites par l'incen- die causé par le bombardement de l'aviation Italienne aux premiers jours de juin 1940, alors qu'Orléans s'était déclarée ville ouverte. Pour cette raison il nous sera désormais impos- sible de continuer nos recherches sur les Pithiviers, seigneurs d'Aulnay-la-Rivière ; ce sera la nuit sur la forteresse des Grèves pendant environ trois siècles, et jusque vers 1385 où nous la trouverons aux mains de Gilles II d'Echainvilliers, descendant en ligne collatérale de la grande maison des che- valiers de Pithiviers fondée dans la deuxième partie du dixiè- me siècle par Raynard de Pithiviers et Héloïse de Chartres. De son mariage avec Jeanne, dame de Vert-le-Grand, fille de Geoffroy, écuyer, et de Jeanne de Livry, Gilles II d'Echain- villiers eu trois enfants : a) Jeanne, qui épousa Roger de Hellenvilliers, chevalier, tué à la bataille d'Azincourt, le 25 octobre 1425. b) Marie, qui se fit religieuse chez les Cisterciennes de Villiers-les-Cerny et devint abbesse de la communauté ; et c) Jean, qui dans l'ordre 1) Notre Village, chap. II, p. 26 et suivantes. généalogique prit le nom de Jean III d'Echainvilliers, sieur de la seigneurie de ce nom. Vers 1390, à l'occasion de son mariage avec sa cousine, Robine Griveau, dame de Tigery, son père lui remit en avan- cement d'hoirie, la seigneurie des Grèves avec tous ses droits et ses dépendances. A ce titre il devait le serment d'allégeance à la châtellenie d'Yèvre-le-Châtel dont il relevait, une taxe pour l'hommage, une autre pour le ressort, et une troisième pour les arrières- fiefs, enfin le service militaire toutes les fois qu'il en serait requis par le duc d'Orléans ; — nous avons vu dans « Notre Village » que cette corvée se renouvela de nombreuses fois jusqu'en 1415, où le 25 octobre, à Azincourt, à défaut de discipline et de commandement unique, et à cause aussi de plusieurs fautes stratégiques, la chevalerie Française fut vaincue par l'armée Anglaise bien groupée sous les ordres de Henri V roi d'Angleterre. La noblesse Française y perdit six mille morts et on releva deux mille blessés, parmi lesquels Charles, duc d'Orléans, qui fut emmené prisonnier en Angle- terre où il fut retenu pendant l'espace de vingt quatre années, et pendant lequel temps, il cultiva les lettres et se révéla un grand poète. De retour en France, bien que d'un certain âge, il épousa en second mariage, Marie de Clèves, qui lui donna un fils : Louis XII. jean sans Peur, duc de Bourgogne, qui amenait dix mille hommes de renfort aux Anglais, arriva trop tard pour prendre part à la mêlée ; il se borna à parcourir les abords du champ de bataille et les bois environnants pour faire prisonniers les fuyards dont il espérait tirer rançon. De ce nombre furent trois modestes capitaines de l'Orléanais : Jean d'Echainvilliers, Jean de Moncelard, sieur d'Estouy, et Jean V de Beaumont sieur d'Augerville-la-Rivière. L'année suivante, étant dans ses états, jean Sans Peur offrit la liberté à ses prisonniers, moyennant une promesse écrite et signée de ne plus prendre les armes contre les Anglais et contre lui-même ; en outre, il exigea une rançon. Pour se la procurer, les prisonniers durent envoyer des messagers dans leurs familles et, leur retour, à pied peut-être, ne fut possible qu'au milieu de l'été 1416. Dès leur arrivée chez eux, Jean d'Echainvilliers, Jean de Moncelard et Jean d'Augerville se rassemblèrent pour aller se présenter à Philippe d'Orléans, comte de Vertus, qui administrait le duché d'Orléans en l'absence de son frère Charles, retenu prisonnier en Angle- terre ; très ému de leurs misères, le comte de Vertus donna l'ordre de leur verser le plus tôt possible une gratification de cent livres tournois pour les dédommager de leur rançon. Cette promesse fut portée aux dépenses du duché sur le compte de Toussaint 1416, mais les caisses étaient vides et les recettes très en retard. Pour la justification de ses écritures, le comptable exigea un mandement du comte de Vertus, lequel mandement ne fut signé que le 27 juin 1418, en même temps qu'une quittance des intéressés. 1 Une fois rentré dans ses terres, Jean d'Echainvilliers a-t-il cessé de porter les armes contre les Anglais, comme il en avait fait le serment par écrit pour recouvrer sa liberté ? De 1418 où il reçut une indemnité du duc d'Orléans, jusqu'au mois d'août 1424, on ne sait rien sur son compte. En la dite année 1424, les Anglais s'emparèrent de Ram- bouillet, Etampes et Pithiviers. Gilles II d'Echainvilliers, chevalier, écuyer d'écurie de la reine, bailli de Chartres, gouverneur de la Charité-sur-Loire qu'il avait enlevé aux Anglais par sa bravoure, et, chambellan du roi Charles VII, mourut le quatre septembre de la dite année, et lors de la prise de Pithiviers, Jean III, son fils, était déjà en possession des châteaux, métairies et terres composant sa succession. Pithiviers changeant de maître, Jean d'Echainvilliers et autres gentilshommes de la région, déjà dans la détresse et ne sachant plus quel parti prendre, s'y étaient réfugiés pour éviter 1) Notre Village, mandement du comte de Vertus, chap.