La lettre du

CheminRevue éditée par le desDépartement de l’ D / été 2013ames 2728

En 1874, un scénario du génie : Recherche les Allemands en haut, la guerre entre et et le vaccin contre la typhoïde Archives départementales de l’Aisne © Bibliothèque de l ‘Académie nationale médecine L’album 14-15 d’un régiment du Sud-Ouest

Collection Bernard Ba c elon

« Le soldat Latour, 4e section, racontant une histoire en patois ». Photographie René Paquet, 12e RI, 10e compagnie, 4e section. Sommaire Actualité

François-Xavier Dessirier Actualité 3 - 4 mai 2013, UN hommage a un grand-père disparu saison d’été a la caverne du dragon Portfolio 5 -15 première année de guerre au chemin des dames, e sortie sur le chemin des dames pour les individuels l’album de rené paquet (12 RI) (circuit d’ 1 h 30 avec un guide), les jeudis des mois de juillet et août, 14 h. Mini-bus loué par la Caverne, sortie limitée à 18 personnes. Le rendez-vous est donné au musée. Tous publics. Tarif : 8 € par adulte / 4 € moins de 18 ans. Réservation conseillée. Soldats de la 4e section, 10e Cie, été du conseil général 12e RI. Collection Bernard Bacelon - Mercredi 28 août : visites thématiques « A la recherche du Dragon » organisées à 10 h 30 et 14 Une histoire 16 - 17 Paul cody Bentley, un ambulancier américain h. Entrée gratuite. - Vendredi 30 août : visites de l’exposition temporaire, la veille de la guerre, horaires habituels de visites, dernier au carrefour de la mort « On les aura !» de Barroux. A 11 h et 14 h (jeune pu- départ 18 h 30. Entrée libre. blic), 16 h et 18 h. Limité à 10 pers./visite. Entrée gratuite. Mini exposition : conservation et préservation d’un site : la - Visite guidée de la Caverne gratuite, les 28 et 30 août. Caverne du Dragon. Entrée libre. Recherche Réservation conseillée. sur les traces des britanniques les forts Samedi 28 septembre, visite thématique du Chemin des Dames - Samedi 17 août : visite des forts de et de avec Yves Fohlen : les Britanniques à Cerny (de 14 à 16 h). 18 - 27 Avec la guerre, Condé. De 10 h 30 à 16 h 30 environ. Repas tiré du sac. conférence le vaccin RDV à la Caverne du Dragon (bus loué). Samedi 5 octobre, conférence : les philosophes et la guerre, contre la typhoïde Tarif : 14 € par adulte / 7 € moins de 18 ans. par Emmanuelle Liénard (de 17 à 18 h). Entrée libre. Réservations et règlement auprès du Fort de Condé : l’attaque du fort de la malmaison 2 devient objet 03 23 54 40 00. Dimanche 27 octobre, visite spéciale du fort de la Malmaison : de santé publique les journées du patrimoine (14-15 septembre) l’attaque du fort en octobre 1917 (10 h 30-12 h). - Le samedi : visite guidée du Chemin des Dames à vélo (de café-philo 14 à 16 h). Conférence : les enjeux de la préservation du Dimanche 27 octobre café-philo : Vaccination au Val de Grâce en 1911. patrimoine et le Musée du Chemin des Dames (par la res- « Peut-on raconter la guerre ? » avec Emmanuel Mousset Huile sur toile. Touchemalin. © Musée du Service de santé des armées au Val de Grâce ponsable du musée) (17 h). Entrée libre. (de 15 à 16 h). Entrée libre. - Samedi et dimanche : évocation du Chemin des Dames à

Monument 28 - 30 , une mémoire du sud-ouest Horaires d’ouverture de la Caverne du Dragon, voir en dernière page. renseignements, réservations : 03 23 25 14 18 - www.caverne-du-dragon.fr

Témoignage 31 - 35 quelques pages du chemin des dames écrites en captivité Au festival de , pacifisme et propagande en chansons

Le festival de musique de Laon [21 septembre - 13 octobre] vit en 2013 sa d’œuvre musicaux du XIXe siècle, le siècle d’une culture germanique foisonnante. Page d’archives 36 - 37 en 1874, les prescriptions du génie 25e édition. La thématique générale de ce grand rendez-vous est orientée Le maître d’ouvrage du festival (l’ADAMA *) a voulu en contrepoint de ce répertoire vers le répertoire germanique à l’occasion du bicentenaire de la naissance de autour de Wagner proposer une double référence à Bach, modèle obligé pour ces pour des manŒuvres défensives entre laon et l’aisne Wagner. De Mendelssohn à Mahler en passant par Weber, Beethoven, Schubert, compositeurs du XIXe. Parallèlement, anticipant la commémoration du centenaire Schumann et Brahms, le festival donnera à entendre quelques-uns des chefs de la Grande Guerre et traversant trois conflits franco-allemands, le festival choisit de mettre en lumière un répertoire de chansons pacifistes et de propagande de Livres 38 - 39 quand au front les oiseaux chantent 1870 à 1944, ainsi qu’un spectacle consacré à la musique dans l’univers concen- Pacifisme et propagande en chansons 1870-1944, Arnaud Marzorati trationnaire de la Seconde Guerre mondiale. (baryton), David Venitucci (accordéon), Joël Grare (percusssion). Agenda 40 Samedi 28 septembre, 20 h 30, Maison des arts et loisirs, Laon : Enfin, jetant un pont entre Wagner et cet autre anniversaire qu’est le centenaire « Une pittoresque anthologie de la chanson pacifiste et de propagande, de du début de l’édition de A la Recherche du temps perdu, la création d’un concert 1870 à la Seconde Guerre mondiale. Du Petit crucifié exaltant le sentiment littéraire « Proust, de Wagner à Vinteuil » devrait ravir ceux qui nourrissent une antiprussien aux railleries germanophobes de Mayol, en passant par Dérou- double passion pour l’écrivain et le compositeur, lisent La Recherche en écoutant lède, les contrastes d’une histoire ménageant aussi le refus de la guerre sous Tristan und Isolde... erratum la plume des Pottier, Dupont ou Montehus. Des faiseurs de haine aux chan- * L’association pour le développement des activités musicales dans l’Aisne. En page 12 de La lettre du Chemin des Dames n°27, la ferme qui figure sur la photographie n’est pas, comme indiqué par erreur sonniers du pacifisme, tout un univers historique et patrimonial en un tour de dans la légende, « la ferme de la Creute ». Il s’agit en réalité d’une ferme sise à Merval, village au sud de la vallée de l’Aisne où le 18e chant traversant trois conflits franco-allemands » (présentation extraite du Programme complet, réservations corps d’armée établit son quartier général en octobre 1914. Voir dans ce numéro [Portfolio p. 5-17] les photos du même lieu prises par programme du festival de musique de Laon). (dès juillet) : 03 23 20 87 50. René Paquet. www.festival-laon.fr Actualité Portfolio

˝ J’irai retrouver cette terre ˝

Le 27 mai 2013, Pierre Tramond s’agenouille dans un champ entre la ferme de la Royère et Braye-en-Laonnois. C’est dans ce secteur que son grand-père, Xavier Tramond, vécut ses derniers instants en 1917. Au Chemin des Dames, Pierre accomplit la promesse Pierre Tramond (à droite) faite à son père, orphelin de avec sa femme et son fils en guerre, de se rendre là où son compagnie de Gérard Dagry, maire de Braye-en-Laonnois, père Xavier disparaissait le 22 près de l’Epine juin 1917 avec 300 de ses de Chevregny, le 27 mai camarades du 297e RI. En com- 2013. Photo Franck Viltart pagnie de sa femme et de son fils, Pierre Tramond découvre l’endroit où son grand-père a Allemands font tomber la posi- e e disparu, ce lieudit l’Epine de tion la plus avancée en direction Liste des disparus de la 23 compagnie du 297 RI où figure le nom de Xavier Tramond [JMO 26 N 743, p. 45]. Service historique de la Défense Chevregny où son père n’avait de leurs lignes, avant de prendre pu, lui-même, se rendre. Puis, à revers les poches de résis- avec l’aide de la présidente tance française. S’ensuivent de de l’association du mémorial, terribles combats rapprochés. Jacqueline de la Maisonneuve, Totalement désorganisé, le 4 la famille appose une plaque 297e régiment tente de freiner à la chapelle de Cerny.Xavier l’avance allemande. Une contre- Tramond était originaire de attaque française se heurte Murinais en Isère. Le 15 juin aux mitrailleuses allemandes 1917, son unité, le 297e RI, installées dans les tranchées est rattachée à la VIe armée en conquises. Le 297e RI perd 301 1914-1915 vue d’être déployée sur le front hommes (tués, blessés, dispa- du Chemin des Dames. Le 22 rus). 40 corps sont identifiés juin, les Allemands attaquent mais 174 soldats sont portés pour rependre disparus. Les combats cantonnements et tranchées pied sur le et bombardements de plateau entre l’été font disparaître les fermes de de nombreux corps. au Chemin des Dames Froidmont et La 23e compagnie (3e de la Royère. bataillon) à laquelle L’opération appartient Xavier René Paquet, 39 ans, sergent puis sous-lieutenant au 12e RI, débute à 2 h Tramond est la plus séjourne à plusieurs reprises dans le secteur du Chemin des Dames 45 du matin, touchée avec près elle est menée d’une centaine de entre septembre 1914 et octobre 1915. Il laisse un grand nombre de e par la 46 divi- disparus du côté du Le secteur d’opération du 297e RI le 22 juin 1917. Archives SHD prises de vues au format 8 x 5,5, réalisées au cantonnement mais sion de réserve boyau du Pilori. allemande. Le Le 30 juin, le rempla- aussi dans les lignes, à , au Bois-Foulon, , les Creutes, 297e RI subit cement du général Craonnelle, la Ville-au-Bois, le Bois des Buttes. Bernard Bacelon, de plein fouet Garbit par le général a sauvegardé ces photographies prises par son grand-père et la violence de de Corn est dû proba- l’assaut de blement aux mutineries reconstitué son parcours militaire. Lieux, monuments, installations de petites compa- qui éclatent dans la tranchées, matériels, armements, déplacements, scènes de détente gnies de Stoss- division du 297e RI à la truppen qui fin du mois. F.V. - comme cette partie de pelote basque contre le mur de pignon progressent d’une ferme à Merval - composent cet ensemble de représentations Photographies : à travers les autorisées de la vie d’un groupe de soldats du Sud-Ouest dans les Collection Bernard Bacelon tranchées Xavier Prosper Tramond en La plaque récemment apposée au mémorial de Cerny. françaises. Les 1914. Photo famille Tramond Photo Franck Viltart premiers mois de la guerre. La lettre du Portfolio Chemin des Dames

Le boyau des 4 arbres.

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album, on trouve encore quelques images d’attaques mises en scène pour ressembler rené paquet à des photos de guerre, la représentation de 1875-1961 crapouillots et divers canons, de cagoules pour se protéger des gaz, de périscopes de Né le 28 juin 1875 à Douai (Nord) où tranchées, de prisonniers, d’un avion alle- son père est brasseur, sa mère appartenant mand abattu. Il est blessé en octobre 1915. à une famille de négociants, René Paquet Il passe presque toute l’année 1916 comme s’engage pour quatre ans au 39e RI en 1893 instructeur au camp de Mailly (photos de et devient sergent. Courtier aux assurances Russes, d’ambulance, de champ d’aviation). mutuelles du Mans, il est envoyé en poste à Les dernières années de la guerre, il remplit e Pau. Il a la passion de la photographie. En diverses fonctions au dépôt du 18 RI ; il est Tranchées de Vassogne 1914, il demande à rejoindre le 12e RI. Il nommé lieutenant en juillet 1918. Après la REPères arrive sur le front à la fin de septembre 14 guerre, il se marie à Paris en octobre 1919 et 23 septembre - 17 octobre 1914 au pied du Chemin des Dames. Il photo- retrouve son métier à Pau. Il n’a pas laissé de graphie les tranchées de Vassogne et du témoignage écrit, mais son petit-fils, Bernard René Paquet arrive au front le 23 septembre 1914. Son régiment, Cerny et Craonne le 12 octobre. Les tentatives pour reprendre la plateau de Paissy, les creutes de Merval, Bacelon a sauvegardé ses 350 photos (en le 12e RI, est au Chemin des Dames près de Vassogne. Sergent, ferme, défendue par des mitrailleuses et flanquée de batteries, le Bois-Foulon, les ruines de l’église de deux albums). il commande une section de la 10e compagnie. La guerre alors et pour atteindre le saillant du bois sont menées par un bataillon Craonnelle ; mais aussi des groupes de s’enterre, sont apparus tranchées, boyaux et abris. Les positions du 18e RI, le génie et un bataillon du 12e RI. Elles échouent. 400 soldats jouant à la manille dans la tranchée se figent. Mais après les tentatives meurtrières et infructueuses mètres à découvert séparent la tranchée de départ de l’objectif ou à la pelote basque au cantonnement. D’après Rémy CAZALS du mois de septembre, le commandement français n’a pas que constitue la lisière du bois situé à l’est d’Hurtebise. Il est nommé sous-lieutenant le 14 février renoncé à reprendre le plateau aux Allemands qui tiennent la po- Sur ce terrain, le bataillon qui a mené l’attaque perd 320 soldats, 1915. A l’été, le régiment est déplacé vers « Dictionnaire et guide des témoins de la Grande Guerre, sition d’Hurtebise et le bois qui fait saillant à un kilomètre à l’est 29 sous-officiers et 7 officiers(JM0 36e DI, 26 N 328/1, p. 13/35). Reims où René Paquet fait des clichés des Crid 14-18 », www.crid1418.org de la ferme. Le 18e corps d’armée doit passer à l’offensive entre A paraître : Rémy Cazals (dir.), 500 Témoins de la Grande maisons détruites et des sacs à terre proté- Guerre, Editions midi-pyrénéennes-Edhisto-Ministère de la geant la façade de la cathédrale. Dans son Défense (DMPA), 2013, 496 p. - Voir article page 38 - La lettre du Portfolio Chemin des Dames

Travaux de défense au 34e.

Panorama sur Craonnelle.

8 Un convoi lors d’un mouvement.

La gare de -Beaurieux.

Merval : cantonnement Tranchées du bois foulon REPères 17 octobre - 25 octobre 1914 17 novembre - 30 novembre 1914

C’est à Merval à une douzaine de kilomètres du Chemin des basque contre un mur dans une cour. Cette pratique sportive Le 1er novembre 1914, le 12e RI reçoit le renfort de 101 paraissent reliés entre eux et fixés au sol ». (JMO 12e RI 26 N 585/8, p. Dames que cantonne le 12e RI, alternant séjour en ligne et can- témoigne de l’ancrage régional du 12e RI, unité alors compo- hommes. En cet automne, la guerre de tranchées en est à ses 25/45). Face à la position dominante d’Hurtebise, le 12e RI occupe tonnement de repos tous les 6 à 7 jours en moyenne. Ce village sée principalement d’appelés de Bigorre, du Béarn et du Pays balbutiements. En témoigne cette reconnaissance effectuée le les tranchées du Bois-Foulon. René Paquet y réalise quelques de la rive sud de l’Aisne abrite le quartier général du 18e corps Basque. Les autres régiments de la 36e DI sont également issus 7 novembre par un groupe du 12e RI afin de se renseigner sur clichés de travaux de défense et il tente même de saisir dans son d’armée. Une compagnie du 12e RI est dépêchée sur place, du Sud-Ouest de la . Le 12e RI va aussi au repos dans les réseaux de barbelés qu’utilisent les Allemands : ils « res- objectif, au-delà du no man’s land, les ruines de la ferme depuis les 16 et 17 octobre 1914, pour préparer l’installation de ce QG d’autres communes de l’arrière, Glennes, Maizy, Perles, Vrigny. semblent à ceux que nous employons nous-mêmes. La hauteur laquelle les Allemands contrôlent le secteur. Sa participation à (JMO 12e RI 26 N 585/8, p. 19/45). Plusieurs clichés de René Paquet Mais c’est, semble-t-il, à Merval que le bataillon de René Paquet des piquets varie de 1 m à 1 m 50. En avant des réseaux (...) l’opération de repérage des réseaux est probablement la mission montrent la ferme de Merval et les creutes voisines où stationne s’est retrouvé le plus fréquemment en cantonnement de repos se trouvent des piquets en bois entrelacés qui ressemblent à qui lui vaut plus tard, en juillet 1916, une citation à l’ordre du une partie de la troupe. D’autres saisissent une partie de pelote lors de son séjour au Chemin des Dames. nos chausse-trappes, mais d’une plus grande dimension ; ils régiment et la décoration de la Croix de Guerre. La lettre du Portfolio Chemin des Dames

Paissy, le soldat Lacrampe aux feuillées.

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Exercice avec masque au camp de Mailly.

Plateau de Paissy, écriteau fantaisiste.

Paissy, puis les creutes vassogne, bois foulon REPères Décembre 1914 - janvier 1915 Février 1915 - mai 1915

Le 12e RI occupe alternativement les tranchées de Paissy, le 1 soldat tué, 4 soldats et 2 sous-officiers blessés à rapporter aux Bois-Foulon, Vassogne, Craonnelle et le Blanc-Sablon entre les 3 officiers, 2 sous-officiers, 1 caporal et 49 soldats évacués pour Quand il n’est pas au cantonnement, le 12e RI occupe les tran- Bois-Foulon, la Creute. Le 12e RI subit de lourdes pertes. Le 3e séjours de repos à Glennes et Merval. Dans les lignes, le régiment le même mois. (JM0 12e RI, 26 N 585/9, p. 5/61). Le 14 février 1915, chées du plateau de Paissy à l’ouest des positions de Vassogne bataillon du régiment quitte Merval pour monter aux tranchées effectue de fréquents travaux d’amélioration de tranchées. Ainsi René Paquet est promu sous-lieutenant. Le 26 mai, sa com- et du Bois-Foulon. C’est là que la 10e compagnie dont fait partie à Vassogne, le 26 janvier. Il est employé pendant plusieurs jours le 10 février : « création d’un boyau permettant de se porter de pagnie assure une mission de garde à l’aérodrome de Merval/ la section de René Paquet est envoyée le plus souvent, entre avec des éléments du génie à aménager une nouvelle ligne de Vassogne aux tranchées sans être exposé au feu de la batterie Baslieux-les-Fismes. Quelques photographies témoignent de cet décembre 1914 et mai 1915. Le 25 janvier 1915, les Allemands tranchées (JM0 12e RI, 26 N 585/8, p. 34-35/45). de Vauclerc », (JM0 12e RI, 26 N 585/8, p. 38/45). Le secteur, pour être épisode. Du 10 juin au 20 août 1915, le 12e RI est sur le front de lancent une violente offensive sur tout le secteur Hurtebise, exposé à des épisodes de bombardements est relativement Reims dans le secteur de la ferme d’Alger et au fort de la Pom- calme à cette période. Les pertes d’avril s’élèvent à pelle. La ferme d’Alger est détruite par un bombardement. La lettre du Portfolio Chemin des Dames

Prisonniers allemands sur la route de .

A l’ambulance 1/38 de Fismes en novembre 1915.

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Ambulance de Fismes (novembre 1915) où René Paquet fut soigné. Ambulance 1/38 de Fismes, novembre 1915. Blessés allemands.

retour au chemin des dames REPères 27 août 1915 - 22 octobre 1915

A la fin du mois d’août 1915, le 12e RI fait mouvement pour se départ », (JM0 12e RI, 26 N 585/9, p. 26/61). Bilan : 17 blessés dont Le 29 septembre, le commandement français renonce à Fismes à l’ambulance 1/38 (photographies). Après sa conva- diriger de nouveau vers le front du Chemin des Dames. Il est 2 soldats et un caporal appartenant à la 10e compagnie. Le l’offensive. L’ordre d’attaquer est différé au motif officiel que la lescence, il retourne au front dans le secteur de Reims, puis affecté aux tranchées de la Ville-aux-Bois et du Bois des Buttes. 22 septembre, les travaux continuent, armes et matériels sont progression des armées françaises sur le front voisin de Cham- devient instructeur (prises de vues au camp de Mailly). Dans les Les Allemands bombardent le secteur au moment où les Fran- distribués aux hommes en vue de l’attaque. 23 septembre, le pagne est retardée par le mauvais temps, rendant nécessaire six derniers mois de la guerre, il est chargé notamment d’ani- çais aménagent leur réseau de tranchées dans la perspective régiment fait ses derniers préparatifs. 24 septembre, en raison une restriction de la consommation des munitions. Le 12e RI mer des conférences pour les officiers et appelés qui suivent d’une action offensive. Le 20 septembre, le saillant de la Ville- des risques liés aux bombardements, la population civile de poursuit courant octobre ses travaux dans le secteur. Le 22 une formation avant d’être envoyés au front. Promu lieutenant aux-Bois est sous le feu de l’artillerie allemande : « bombarde- est évacuée à Fismes par camions (JM0 12e RI, 26 octobre, le sous-lieutenant Paquet, blessé au tympan par une en juillet 1918, René Paquet est libéré du service le 25 janvier ment violent sur les boyaux en construction et les parallèles de N 585/9, p. 27-28/61). Celle du village de l’est également. déflagration de torpille lors d’un bombardement, est évacué sur 1919. La lettre du Portfolio Chemin des Dames

Soldat de la section commandée par René Paquet.

Le sous-lieutenant René Paquet.

Soldats de la section commandée par René Paquet.

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Merval. Pelote basque sur un mur de ferme. La lettre du Une histoire Chemin des Dames Un ambulancier américain au Carrefour de la Mort

Le regard sur la guerre d’un étudiant américain de l’Université de Harvard, diplômé en littérature, engagé volontaire dans le service des ambulances de campagne. Dans sa correspondance à ses parents, Paul Cody Bentley, qui sert dans le secteur du Chemin des Dames au cours de l’été 1917, décrit les journées sans sommeil, la conduite de véhicules surchargés de blessés vers les hôpitaux d’évacuation, les gaz... Le 13 septembre 1917, l’ambulance de Bentley est touchée

par un obus au sud de Craonnelle. Blessé à son tour, le jeune homme < Photographie de Paul Cody Bentley en décède quelques jours plus tard dans un hôpital français. uniforme, parue dans Memoirs of the Har- vard dead in the War against Germany. Paul Cody Bentley est né à Cleveland dans l’Ohio, le comme j’ai fait seulement quelques voyages à partir du poste, D.R. 22 Septembre 1895. Sa mère était une cousine du Colonel je n’ai pas été exposé au danger. Cependant, j’ai enchaîné, William F. Cody plus connu sous le nom de « Buffalo Bill », sans interruption, soixante-quatre heures du plus fatigant tra- son père était le fils d’un des premiers découvreurs d’or de vail que l’on puisse imaginer. Californie. Il pleuvait tout le temps, la boue était profonde et les routes 16 En 1913, après avoir étudié à l’Université de Chicago, Paul très mauvaises, quant aux blessés, ils étaient dans un état ter- Cody Bentley devient étudiant de l’Université de Harvard. En rible. Une nouvelle forme de gaz et de liquide enflammé a été 1917, il est diplômé en littérature. Au cours de ces années, employée en grande quantité dans notre secteur. Elle produit il est l’un des premiers étudiants de Harvard à suivre une des effets horribles. Dans l’hôpital, il y avait tellement de bles- formation militaire et devient caporal sés en attente d’être évacués que nous dans le régiment de Harvard. Le 6 avril « Cela faisait une impression n’avons presque jamais roulé sans un 1917, les Etats-Unis entrent en guerre. étrange de voyager la nuit chargement complet, - six couchés, ou Paul décide de s’engager, mais des pro- car nous allions toujours trois couchés d’un côté et six assis de blèmes de tension oculaire ruinent ses l’autre, ou douze assis. Parfois, même, espoirs de carrière militaire. Il s’enrôle sans phares, et longions des nous chargions sur le siège avant l’un alors dans l’Ambulance Field Service 1 convois sans fin » de ces types horriblement sanglants, la et débarque en France, le 4 Juillet tête entièrement enveloppée de gaze 1917, jour de l’Indépendance américaine. Paul Cody Bentley blanche et le reste du corps couvert de boue et en guenilles. je n’ai eu que deux heures de sommeil, à raison de sessions conduire et à sortir de la zone dangereuse puis il s’effondre rejoint sur le front du Chemin des Dames la Section 65, atta- Les trajets étaient tous très longs, de 10 à 16 kilomètres aller- d’une heure. Une fois, me réveillant, j’ai découvert qu’ils d’épuisement. Malgré sept blessures, Ricks transporte sur chée à la 121e division d’infanterie française. Le travail des retour. avaient allongé un mort sur un brancard à moins d’un mètre son dos son camarade jusqu’à un poste de secours. Paul ambulanciers consiste à prendre en charge les blessés à par- du mien, la puanteur était horrible ». Cody Bentley décède de ses blessures, le 19 septembre 1917 tir des postes de secours de la seconde ligne de tranchées et Ce n’est pas une région plate, les collines se succèdent l’une dans un hôpital français. Juste avant son décès, la France lui à les conduire en ambulance vers les hôpitaux d’évacuation. après l’autre tout au long de la route. Aussi, on a de grandes Le 11 Septembre 1917 Paul Cody Bentley écrit encore : a décerné la Croix de Guerre avec la citation suivante : difficultés à monter à cause de la boue, même en seconde « Je n’ai aucune certitude sur ce que je ferai après. Mais « Depuis son arrivée au front s’est fait remarquer par son Le 6 Août 1917, Paul Cody Bentley écrit à ses parents la lettre vitesse. En descendant on doit tenir les deux freins aussi l’incertitude est sûrement une caractéristique de la guerre. courage. Au cours d’une évacuation, sa voiture ayant été suivante : fort que possible. Nous avons travaillé ainsi jour et nuit. A Tout est incertain. D’abord la section peut aller au repos atteinte par un obus, et lui-même très grièvement blessé, a « Nos deux derniers jours au front ont été incontestablement chaque fois que nous revenions, nous constations que les aujourd’hui, mais demain elle ne le pourra peut-être pas. continué à conduire jusqu’à l’épuisement de ses forces ». les plus épouvantables jamais vécus dans cette section d’am- autres voitures de notre section étaient sur la route et qu’elles L’ordre n’est pas encore arrivé, et nous l’espérons depuis une bulance. J’étais, la plupart du temps, garé avec trois autres nous attendaient à l’hôpital pour que nous transportions un semaine... » Ce civil américain, qui rêvait de devenir soldat, repose au- voitures près de la grande tente de l’hôpital, évacuant les autre groupe. A plusieurs reprises, il nous a fallu renoncer à jourd’hui dans le cimetière militaire américain de Seringes- blessés aussi vite qu’ils arrivaient du poste de secours. Toutes nos repas, mais souvent ils nous donnaient du café chaud à Le 13 septembre, l’artillerie allemande bombarde les lignes et-Nesle près de Fère-en-Tardenois. les autres voitures avaient été appelées à travailler à partir du l’hôpital tandis que les brancardiers déchargeaient. On nous françaises avec des obus à gaz. Bentley et un camarade am- poste de secours vers d’autres hôpitaux permanents. Aussi, ravitaillait aussi en chocolat. En règle générale, un aller-retour bulancier nommé Carson Ricks reçoivent l’ordre de convoyer Yves FOHLEN nous prenait trois ou quatre heures. Cela faisait une impres- cinq soldats français gazés. Sous le bombardement le trajet Recherche et traduction

1 Cette unité d’ambulanciers volontaires civils a été fondée au début de la sion étrange de voyager la nuit car nous allions toujours sans vers Beaurieux commence. Alors que leur ambulance arrive guerre par des citoyens américains habitant à Paris. De 1914 à 1917, ces phares, et longions des convois sans fin, des transports de au Carrefour de la Mort au sud du village de Craonnelle, le D’après, De Wolfe Mark Anthony, Memoirs of the Harvard différentes sections d’ambulances vont s’illustrer sur tous les fronts avant d’être, en 1918, rattachées au service de santé de l’armée américaine. Un de toutes sortes, canons, caissons, fourgons et camions de ravi- véhicule est touché de plein fouet par un obus. Paul Bentley dead in the War against Germany, 1920, Cambridge Harvard ces ambulanciers américains sur le front italien s’appelait Ernest Hemingway. taillement qui avançaient sur la route. Durant ces deux jours, est blessé au poumon par un éclat d’obus. Il parvient à University, Vol 2. La lettre du Recherche Chemin des Dames

Val de Grâce, début 1916. Préparation des vaccins anti-typhoïdiques. © Musée du Service de santé des armées au Val de Grâce Pourtant elles n’avaient pas disparu. La fièvre typhoïde était redoutée, parti- culièrement parmi les troupes où cette « maladie de civilisation », causée par le bacille Salmonella typhi, transmise par des aliments ou de l’eau souillée par des matières fécales, trouvait un terrain favorable. La seule épidémie à laquelle les autorités firent face au début de la guerre fut une épidémie de fièvre typhoïde1 . « C’est à partir d’oc- tobre [1914], dès que le front se stabi- lise, que la morbidité typhique* atteint d’inquiétantes proportions ; les mau- vaises conditions d’hygiène qu’entraîne la guerre de position, et avant tout la fécalisation* du sol dans les tranchées et cantonnement où sont entassées les troupes, paraissent à l’origine de cette explosion épidémique ; 9 715 cas de maladie typhoïde contractée dans la zone des armées sont hospitalisés à l’intérieur » (Bernard, 1929, p. 67). Caractérisée par une fièvre croissante, des céphalées, une insomnie et un malaise général, la fièvre typhoïde peut 18 prendre des formes aigües à l’origine de perforations et d’hémorragies intes- tinales, et provoquer pour finir un choc septique.

Typhoïde : des vaccins récents Comme la variole et le choléra, elle 1915. Un major français vaccine des soldats serbes contre le choléra. Photographie de presse, agence Rol. gallica.bnf.fr/Bibliothèque nationale de France avait ses vaccins, et ils s’intégrèrent au dispositif prophylactique destiné “ L’Immense expérience ” à lutter contre le bacille, composé de ministrés à quelques sujets humains l’année 1915. En l’espace d’une ving- diverses mesures d’hygiène et d’assai- dans la deuxième partie de la décen- taine d’années, un objet scientifique nissement 2. On ne manque pas de nie, en Angleterre par Almroth Wright complètement neuf, potentiellement Avec la guerre, la vaccination contre la typhoïde, encore Les vieilles maladies récits élogieux qui disent comment, et en Allemagne par Richard Pfeiffer. dangereux, en tout cas controversé, expérimentale au début des années 1910, est pratiquée n’ont pas disparu protégeant les troupes avec plus d’effi- Des recherches de laboratoire sont devient une pièce centrale du dispo- cacité que toute autre mesure pré- menées en France par Chantemesse et sitif de santé publique. à grande échelle. Les immenses effectifs de l’armée sont Choléra, typhoïde, dysenterie : les ventive, ils ont contribué à la réussite Widal. A la fin des années 1900, Hya- soumis au vaccin : il faut les préserver de la typhoïde vieilles maladies à potentiel épidé- de la guerre. Mais à la différence de cinthe Vincent devient un acteur im- 1 mique, traditionnellement associées la variole contre laquelle on disposait portant de la recherche française sur Après quoi il y eut des épidémies de paludisme et des autres maladies contagieuses traditionnellement sur le front oriental et sur le sol métropolitain. Quant aux guerres, furent peu présentes sur le de la vaccine jennérienne depuis plus le vaccin, prend la tête du laboratoire aux maladies vénériennes, elles se sont considéra- associées aux guerres. Le développement d’une politique front occidental au cours de la Grande d’un siècle, la fièvre typhoïde avait ses antityphoïdique de l’Armée, installé à blement développées pendant la guerre. vaccinale dans un cadre militaire contraignant contribue Guerre. Pour l’ensemble du conflit, les vaccins depuis peu. De manière géné- l’école d’application du Val-de-Grâce, à 2 En aucun cas la vaccination n’annule, pendant la historiens intéressés à la santé publique rale, la recherche sur la fièvre typhoïde partir duquel il va promouvoir l’obliga- guerre, les autres méthodes préventives, elle s’in- à l’avènement d’un objet de santé publique : le vaccin tègre au contraire à un ensemble prophylactique : ont davantage insisté sur l’« immense a été extrêmement rapide si l’on consi- tion de la vaccination pour les militaires « Il ne saurait, cependant, faire de doute que la (loi Labbé de mars 1914) et imposer mise en pratique de la vaccination antityphoïdique antityphoïdique auquel la population française est épisode de la tuberculose » (Murard et dère les possibilités d’investigation de n’exclut ou même ne limite en aucune manière progressivement astreinte après guerre. Zylberman, 1996), sur les reconfigura- l’époque. En une soixantaine d’années, son vaccin à l’éther. A partir d’octobre les autres mesures réglementaires de prophylaxie 1914, quand le front se stabilise, visant principalement l’insalubrité et l’assainisse- tions dans l’ordre du savoir provoquées de 1829 à 1890, la maladie a été dis- ment des milieux contaminés ; pas plus que la vac- par l’apparition de nouvelles patholo- tinguée des autres fièvres, son mode les nouvelles recrues sont vaccinées cination antivarioleuse n’a pour effet de suspendre contre la fièvre typhoïde, à la différence les autres prescriptions telles que l’isolement des Par Gaëtan THOMAS gies (Mendelsohn, 1998), et notam- de contamination a été démontré, son malades, la désinfection des vêtements, de la lite- ment la grippe de 1918, que sur la sur- agent étiologique identifié (Sansonetti, des mobilisés de l’été (Rasmussen, rie, des locaux et de tout ce qui a été contaminé. » dans « Instructions sur la vaccination antityphoï- Doctorant au Cermès 3, Centre de recherche vivance limitée de ces vieilles maladies 1996). Les premiers vaccins sont mis 2008). On considère que les troupes dique dans l’armée – application de la loi du 28 Médecine, sciences, santé, santé mentale et société à potentiel épidémique. au point dans les années 1890 et ad- sont régulièrement vaccinées à la fin de mars 1914 » (SHD : GR NN 7/911). La lettre du Recherche Chemin des Dames

Vaccination au Val de notre analyse autour de ces différents nibles, utiliser dans l’armée ? Question Grâce en 1911. Huile sur toile. Touchemalin. régimes d’expérimentation, d’analy- classique de l’histoire et de la sociologie © Ministère de la Culture, ser ces processus qui ont rapidement des sciences : comment Vincent l’a t-il médiathèque de l’architecture et du patrimoine. donné au vaccin des qualités autorisant emporté sur son rival Chantemesse ? son utilisation massive ; de montrer On laissera délibérément de côté des comment un produit relativement neuf, questions bien traitées dans la littéra- dont l’usage n’est pas sans risque, s’est ture, relatives au succès du vaccin pen- imposé et a conservé ses caractéris- dant la guerre, à la contrainte et l’obliga- tiques dans le contexte particulier de tion vaccinale, pour montrer comment la guerre – des caractéristiques qui ne la politique sanitaire pendant la guerre, sont pas éternellement données, un ob- poursuite de l’expérimentation d’avant jet un temps légitime peut perdre toute guerre, a contribué à la routinisation d’un sa légitimité à l’issue d’une controverse. objet. Derrière le problème de routinisation de Affiche de la préfecture l’objet scientifique, on trouve d’autres de la Seine, 1917. enjeux : quel vaccin, parmi ceux dispo- Collection Musée Henri Leblanc. © Ministère de la Culture, médiathèque de l’architecture et du patrimoine

Un objet expérimental de vaccination, et d’autres l’ont bien l’idée d’expérimentation, un genre de montré pour le vaccin contre la variole connotation peu conforme aux enjeux 20 Contrairement à ce que pré- (Chamayou, 2008) ou le BCG (Bonah, de santé publique, surtout quand la tendent ses promoteurs 3, la méthode 2007), l’expérimentation se poursuit santé publique a aussi manifestement à est bien nouvelle au début des années jusqu’à l’emploi de la technique en san- voir avec la défense d’une nation. Pour- 1910. Elle est nouvelle en ceci qu’elle té publique. Le vaccin est un objet qu’il tant, l’idée n’est pas excentrique, étant est toujours expérimentée sur des faut stabiliser, de sa production jusqu’à donné la nature variable de l’organisme populations réduites, à l’étranger, en son administration, et dont le nombre et de ses traitements, on peut légitime- France, dans les colonies, doubles de doses et la concentration font l’objet ment considérer que « soigner, c’est d’un corps militaire que la loi vou- de débats. C’est un produit aux effets faire une expérience » (Canguilhem, Camp de Tziganes, dra vacciner dans son ensemble, et variables voire très indésirables selon 1959, p.389). D’autres l’admettent environs de Salonique février-mars 1917. que l’ampleur de la guerre identifiera les individus et difficilement prévisibles plus volontiers. Sur un objet proche, le « La vaccination des presque à la population masculine fran- à grande échelle. Enfin, à cette époque, sérum antitétanique dont les qualités Tziganes : les majors de l’A.O.F. au çaise – il faut toutefois garder à l’esprit la technique est encore assez neuve, il étaient controversées, on a pu entendre travail. la différence de traitement des popu- n’existe que peu de pathologies pour en 1916 « un maître de l’école pasto- © Ministère de la Culture, médiathèque de l’architecture et du lations civiles et militaires en matière lesquelles on dispose d’un vaccin. rienne », le Professeur Vaillard, décla- patrimoine sanitaire pendant la guerre (Viet, 2012). D’une certaine façon, une politique rer que « l’immense expérience dont la La guerre a pour effet d’étendre ce dis- vaccinale est la poursuite d’une expé- plus grande de toutes les guerres four- positif expérimental destiné à évaluer rimentation, elle en comporte la plupart nit les douloureux matériaux a levé tous l’efficacité et l’innocuité de la technique des traits. C’est une question d’échelle, les doutes 4». Plusieurs régimes d’expé- Le vaccin de Wright, militaires anglais, allemands, améri- sur un groupe donné, d’abord réduit à pourrait-on dire. rimentation, avoués ou pas, ont légitimé largement testé cains et japonais. Ces expériences, sou- quelques sujets pour toucher progres- l’usage du vaccin, avant puis pendant vent citées par les promoteurs français sivement l’ensemble d’une population, Un vaccin massivement la guerre, s’ajoutant à d’autres formes Au début des années 1910, les prin- du vaccin, ne sont pas complètement à la fois bénéficiaire d’une thérapeu- et rapidement utilisé de légitimation. On propose, structurant cipales expérimentations légitimes favorables à la technique. L’exemple tique, ici une thérapeutique particulière sont étrangères. Les vaccins anti- britannique, étudié par Anne Hardy, puisqu’elle empêche l’apparition d’une La guerre a constitué un énorme champ typhoïdiques, après avoir été testés est de ce point de vue intéressant. Le 3 Voici ce que déclare Hyacinthe Vincent à l’Aca- maladie plutôt qu’elle ne la soigne, et d’expérimentation pour le vaccin anti- démie de Médecine le 24 janvier 1911 : « Per- sur l’animal dans la décennie 1890, vaccin de Wright est le premier des vac- sujet d’une expérimentation dont le typhoïdique : pour la première fois en mettez-moi de vous rappeler que la vaccination ont commencé à être administrés cins antityphoïdiques à avoir été large- antityphique n’est point chose nouvelle. Elle a but est de s’assurer des qualités d’un France, un vaccin a été massivement été mise en usage depuis plus de douze ans, en aux hommes, principalement à des ment testé. Wright l’a d’abord testé sur produit pour continuer à l’administrer. et rapidement utilisé. Bien sûr, certains Angleterre ; depuis six ans, en Allemagne, depuis lui-même et sur un volontaire puis a près de deux ans aux Etats-Unis, et, partout, chez On peut ainsi radicaliser l’acception acteurs s’en défendent, prétendent que un très grand nombre d’individus. Il est donc, au- Affiche de la préfecture de considéré, dans un article de 1897 paru du mot expérimentation et considérer le temps de la santé publique a succé- jourd’hui, permis de se faire de ce problème, une Haute-Garonne. Prophy- dans le British Medical Journal, que son opinion éclairée », (1911), Bulletin de l’Académie laxie de la variole,1917. que l’expérimentation ne s’arrête pas dé à celui de l’expérimentation d’avant de médecine, n°4, 3e série, tome LXV, p. 63. Collection Musée Henri vaccin serait des plus bénéfiques aux à l’essai mené selon des règles histori- guerre. Une forme d’inconséquence, Leblanc. © Ministère de la soldats se rendant à l’étranger, aux 4 Blauchou Horace (1916), « Académie de Méde- Culture, médiathèque de quement variables, mais qu’en matière voire de dangerosité, est associée à cine », Le Figaro, 6 septembre. l’architecture et du patrimoine infirmières et aux habitants La lettre du Recherche Chemin des Dames

de la vaccination – il ne fut malheu- nombres de défauts, dont les acteurs l’emportent sur les défauts apparents, Vincent. « Les résultats obtenus dans reusement pas en mesure de s’assurer sont conscients, pourraient l’interdire, et l’expérience française en terrain colo- les armées étrangères sont ici dépas- que des registres soient tenus correc- au premier rang desquels cette phase nial achève de convaincre, à l’Académie sés. 11» tement, et bien que bactériologiste négative toujours redoutée, les impor- de Médecine, les acteurs intéressés. doué, il n’avait pas évalué la sensibi- tantes réactions post-vaccinales et le Avec l’accord du Ministre de la Guerre, Une autre bataille, elle oppose lité de son vaccin aux changements de nombre élevé de rappels pour une une équipe composée des principaux température lors de leur conservation. protection limitée dans le temps. Les promoteurs français du vaccin, dont les concepteurs du vaccin Si la Guerre des Boers fut, sur le front Allemands partis massacrer les Héré- Chantemesse et Vincent, part vacciner Derrière la démonstration de l’intérêt patriotique et militaire, une débâcle ros, de 1904 à 1911, étaient vaccinés, les troupes stationnées au Maroc. Deux de la vaccination antityphoïdique en désastreuse pour la Grande Bretagne, à et l’on salua les résultats de l’opération vaccins sont utilisés, le vaccin Wright- contexte militaire, une autre bataille une échelle moindre elle fut également prophylactique. Quant aux Américains, Leishman et le vaccin polyvalent de Vin- est livrée. A l’Académie de Médecine, désastreuse pour le vaccin anti-typhoï- après avoir administré avec succès le cent, stérilisé à l’éther. A partir du pre- elle oppose les concepteurs du vaccin dique de Wright 6» (Hardy, 2000, p. vaccin aux troupes postées au Texas et mier août 1911, 129 militaires français et étouffe toute discussion autour de 273). Son vaccin ne prémunissait pas à la frontière mexicaine, ils décidèrent sont vaccinés avec le vaccin anglais, la vaccination en général, de son inté- contre les fièvres para-typhoïdiques, de vacciner l’ensemble de l’armée et au 154 avec celui de Vincent (« en raison rêt – les critiques sont toujours devan- pas encore clairement distinguées de delà : « L’armée des Etats-Unis d’Amé- de la réceptivité habituellement faible cées. Le seul point vraiment polémique la typhoïde et, comme il était surdosé, rique, dont l’effectif dépasse 90 000 des Arabes pour la fièvre typhoïde, les concerne le choix du vaccin. « On a il provoqua d’importantes réactions hommes, ne compte plus aujourd’hui Revue Chanteclair. Don Bouquet. © Bibliothèque de l ‘Académie nationale médecine Revue Chanteclair. © Bibliothèque de l ‘Académie nationale médecine post-vaccinales. De sorte qu’au début que des militaires immunisés contre du vingtième siècle de nombreuses la fièvre typhoïde. Une ordonnance du Combats dans le secteur de Kalinova-Bujuklu en Macédoine. Vaccination des zouaves le 8 juillet 1916. © Ministère de la Culture, médiathèque de l’architecture et du patrimoine voix dans l’armée, dans la presse gé- major général Léonard Wood, promul- néraliste, contestaient l’usage militaire guée le 28 août [1911] dernier, rend en du vaccin. C’est William Leishman qui effet la vaccination antityphique obliga- rétablit, à partir de 1904, la crédibilité toire pour tous les officiers et soldats scientifique du vaccin et de Wright. Il âgés de moins de quarante-cinq ans qui publia, avec ses collègues, de nom- ne sont pas immunisés par une atteinte breux rapports sur le vaccin de Wright antérieure de fièvre typhoïde et fixe un 22 niant l’existence d’une phase négative 7, délai d’un mois pour la mise à exécu- établissant le surdosage, et donna sa lé- tion de ce programme. Nos confrères gitimité à la vaccination antityphoïdique d’Amérique ont marché à pas de géants depuis son laboratoire de bactériologie. si l’on songe que les premières inocula- On voit comment un objet scientifique tions ont été faites en février 1909 par d’abord prometteur a connu un dis- Russel. 8» Après l’armée, voilà que les crédit par des essais puis retrouvé une Etats-Unis vaccinent le personnel des forme consensuelle dans le laboratoire : hôpitaux civils. Le Japon termine la liste

© Bibliothèque de l ‘Académie nationale médecine suite aux travaux de Leishman, certains exemplaire des nations qui ont associé © Musée du Service de santé des armées au Val de Grâce © Musée du Service de santé des armées au Val De g. à d. et de h. en b. : Hyacinthe Vincent (1862-1950) ; caricature d’André Chantemesse (1851-1919) par G. Villa ; réclamèrent l’instauration de la vaccina- la vaccination à l’entreprise de domina- Caricature de Louis Vaillard (1850-1935), médecin inspecteur général, par G. Villa et Hyacinthe Vincent, médecin tion obligatoire pour les soldats. tion militaire : « L’Académie sait com- inspecteur durant la guerre. ment les Japonais ont réussi à réduire Les expériences allemandes le nombre des maladies infectieuses au cours de leurs dernières campagnes. des quartiers endémiques. Il constitue le meilleur indice de la va- américaines puis japonaises C’est ainsi que leurs hôpitaux mili- soldats indigènes n’ont pas davantage des vaccins antityphiques à profusion ; est alors à la recherche de sujets pour leur qu’on peut lui accorder », déclare D’autres essais sont menés, toujours taires, pendant les trois guerres sino- été vaccinés 10»). On constate une il ne manque pas de sérums munis de mener un essai et profite d’une épidé- Hyacinthe Vincent, une dizaine d’an- dans un cadre militaire. Abondam- japonaises (1894-1895), des Boxers absence d’effets indésirables graves belles statistiques 12», écrit le pastorien mie de fièvre typhoïde à Maidstone, nées plus tard 5. Alors qu’émerge une ment citées à l’Académie de médecine (1900), russo-japonaise (1904-1905) qui aurait, d’après Vincent, poussé les Besredka. C’est vrai, mais en 1911 il dans le Kent anglais, pour administrer science statistique appliquée à la santé, de 1911 à 1914, les expériences alle- avaient une proportion de 0,83 ; 0,89 ; militaires à réclamer la vaccination. Il n’y a pas plus de trois vaccins qui, en son vaccin à quatre-vingt quatre volon- cet essai et ceux qui vont suivre, sur des mandes, américaines puis japonaises, 0,84 typhiques pour 10 000 hommes n’y aurait eu qu’un seul cas de fièvre France, se disputent réellement les taires parmi le personnel d’un asile. Au- sujets anglais, européens, japonais et contribuent à légitimer l’emploi de ce d’effectif au lieu de 0,13 en temps de typhoïde chez les vaccinés, au vaccin faveurs du corps médical : cun des vaccinés ne contracte la fièvre des colonies, sont rudimentaires ; ils ne vaccin – en fait, des vaccins – en santé paix (...) Le ministère de la Guerre japo- Wright en l’occurrence. Le groupe té- typhoïde, alors que quatre personnes cherchent pas, par exemple, à ce que publique, quand bien même un certain nais a envoyé à l’exposition d’hygiène moin est composé de 2 632 militaires 8 (1911), « Séance du 19 décembre. Sur la vacci- non vaccinées sur les deux cents tra- ces groupes soient statistiquement re- de Dresde des tableaux montrant qu’en non vaccinés chez qui il y aurait eu 171 nation antityphoïde (1) », Bulletin de l’Académie de e vailleurs de l’asile l’attrapent. Ce mode présentatifs, ou encore à les construire 1908 il a été vacciné 2 977 soldats, cas de fièvre typhoïde. Le rapport est Médecine, n°4, 3 série, tome LXVI, p. 352. de démonstration par l’absurde (si per- l’un en fonction de l’autre. Ils ont été cri- 5 (1911), « Séance du 24 janvier. Sur la vaccination chiffre auquel s’ajoutent 24 795 inocu- donc de un à dix entre le groupe vacci- 9 Ibid, p. 354. antityphique, au nom d’une commission composée 9 10 (1911), « Séance du 5 décembre. Résultats de la sonne ne tombe malade, alors le vaccin tiqués en Grande-Bretagne par les sta- de MM. Chantemesse, Chauffard, Delorme, Kelsch, lés en 1909. » né et le groupe témoin, mais rien ne dit vaccination antytiphoïdique au Maroc par le vaccin Landouzy, Netter, Roux, Toinot, Vaillard, Widal et H. est efficace), avec un groupe témoin tisticiens. Après le Kent, Wright a réalisé s’ils étaient comparables. La démons- de Wright et les vaccins polyvalents, par M. H. Vin- Vincent, rapporteur », Bulletin de l’Académie de cent », Bulletin de l’Académie de Médecine, n°4, non vacciné, est le mode dominant de un essai sur une population militaire Médecine, n°4, 3e série, tome LXV, p. 75. tration paraît sans appel aux membres En terrain colonial 3e série, tome LXVI, p. 272. démonstration pour les essais du vaccin dans le cadre de la Guerre des Boers. 6 de l’Académie, d’autant que la vaccina- Traduction personnelle. 11 , p. 278. contre la fièvre typhoïde.« L’apparition « Il est clair qu’avec l’essai sud-africain Les expériences étrangères donnent tion sur les troupes françaises au Maroc Ibid 7 12 Pendant une à trois semaines après vaccination, toutes ses qualités d’efficacité et d’in- a été pratiquée dans des conditions Metchnikoff EL. et Besredka A. (1911), « Re- ou l’absence de fièvre typhoïde chez Wright était à la recherche d’une preuve le sujet vacciné ne serait pas immunisé et serait cherches sur la fièvre typhoïde expérimentale », les individus soumis à cette protection statistique convaincante de l’efficacité même plus vulnérable à la fièvre typhoïde. nocuité au récent vaccin, qualités qui extrêmement éprouvantes, aux dires de Annales de l’Institut Pasteur, n°3, Mars, p. 13. La lettre du Recherche Chemin des Dames

: le vaccin vivant de Besred- prend la tête 16. Il milite pour l’obligation ce vaccin ne peut être que celui fabri- Val de Grâce, laboratoire central. © Musée du Service de santé des armées au Val de Grâce ka, jugé cependant trop dangereux 13, et, au printemps 1914, conseille le gou- qué par l’armée et pour l’armée, contrô- les vaccins de Chantemesse et de Vin- vernement à propos de la loi Labbé qui lé et élaboré justement par le laboratoire cent, le premier chauffé, le second à rend la vaccination antityphoïdique obli- dirigé par Vincent. L’argument revient l’éther. A l’Académie de Médecine, ce gatoire dans l’armée. Lors des débats à plusieurs reprises dans les notes du sont surtout les vaccins de Chante- au Parlement, les différentes expéri- ministère de la Guerre, en réponse à messe et de Vincent qui sont rivaux. La mentations sont citées pour attester un député qui demande la tenue d’un stratégie de Chantemesse est d’affirmer l’efficacité et l’innocuité de la technique. essai comparatif entre les deux vaccins: en continu qu’il n’y a qu’un seul vaccin. L’autre argument fort est celui du précé- « Il convient en effet de poser en prin- « Mais dira-t-on, on parle de multiples dent : pendant la guerre de 1870, les cipe que l’armée de la Nation n’est pas vaccins antytiphiques : vaccins de M. troupes françaises ont été décimées par un champ d’expériences et que le sol- X., de M. Y. etc., en attendant les nou- la variole, l’Allemagne a gagné pour par- dat ne saurait être choisi pour essayer veaux. Il y a donc beaucoup de vaccins tie grâce au vaccin, il ne faut pas repro- ou comparer la valeur des différents de cette nature ? Non. C’est toujours le duire cette erreur et vacciner largement vaccins qui confèrent l’immunité contre même vaccin, dont la découverte et les soldats 17. la fièvre typhoïde. (...) On ajoutera que l’efficacité ont été établies expérimenta- l’armée prépare son vaccin antityphoï- lement par M. Widal et moi, au labora- dique comme elle prépare son vaccin toire du professeur Cornil, il y a 23 Un vaccin fabriqué antivarioleux et que le service de Santé ans. 14» - argument répété en 1912 et par l’armée et pour l’armée ne saurait accepter l’emploi d’un vaccin 1913. La stratégie de Vincent est plus sur lequel il n’exerce pas son contrôle au efficace : il fait en sorte qu’on utilise son Vincent est multipositionné : présent point de vue technique de préparation, vaccin dans les diverses expérimenta- dans l’armée, écouté au ministère de la pureté et mode de conservation. 18» tions, dont celle menée au Maroc, puis Guerre, actif dans les instances les plus Dans un autre registre, on entend au pour les petites épidémies locales : à prestigieuses de la profession médicale. Parlement qu’un essai comparatif serait Paimpol, à Pont-l’Evêque, en Avignon, à Cela lui permet de jouer finement sur superflu, puisque« les deux vaccins Marseille, et à Montauban entre autres 15.. les différents registres de l’expérimenta- sont absolument parfaits 19». Expéri- Ces épidémies sont aussi des lieux d’ex- tion pour assurer à son vaccin la plus mentation ou non, avouée ou non, le 24 périmentation, comme dans le cas de grande légitimité. Dans un premier Maidstone pour le vaccin Wright, en temps, il le place dans de multiples vaccin Vincent a pris une avance qui se et contrôlées sur le champ même de (Viet, 2012), et enfin par l’acceptabi- ceci qu’elles reproduisent le dispositif essais en contexte militaire et démontre maintient tout au long du conflit, bien l’infection typhique, sont absolument lité même de la technique parmi des des essais (groupe témoin, respect des ainsi ses qualités. Dans un second 13 « par crainte de faire des sujets vaccinés des que le vaccin Chantemesse soit large- concluantes en faveur de la vaccina- troupes, certes contraintes, rappels) et sont productrices de statis- temps, quand la guerre approche et porteurs de germes » Docteur VALENSIN « Confé- ment utilisé dans la Marine. tion. 21» La guerre a eu pour effet de rence de M. le docteur Ardin-Delteil, professeur à tiques. En outre, Vincent dispose de re- qu’il faut déterminer quel vaccin admi- l’Université d’Alger : la question de la vaccination changer l’échelle de l’administration du contre la fièvre typhoïde », lais importants dans l’armée et auprès nistrer aux troupes, il retourne le sens Annales universitaires vaccin, et de ce point de vue elle a bien 20 (1911), « Séance du 24 janvier. Sur la vacci- , mars 1913, n°5, p. 50. Le « porteur de de l’Algérie Le vaccin devient objet de nation antityphique, au nom d’une commission du pouvoir politique. Le laboratoire anti- de l’expérimentation, d’abord positif, germe » préoccupe alors les autorités sanitaires. permis au vaccin de devenir un objet de composée de MM. Chantemesse, Chauffard, typhoïdique et de sérothérapie de l’Ar- pour appuyer sur ses connotations né- santé publique santé publique. La vaccination n’a tou- Delorme, Kelsch, Landouzy, Netter, Roux, Toinot, 14 (1911), « Séance du 19 décembre. Sur la vacci- Vaillard, Widal et H. Vincent, rapporteur », Bulletin mée est créé en 1911 au Val-de-Grâce, gatives, contraires aux normes de santé nation antityphoïde (1) », Bulletin de l’Académie de tefois pas été d’emblée massive, bien de l’Académie de Médecine, n°4, 3e série, tome Médecine, n°4, 3e série, tome LXVI, p. 348. Hyacinthe Vincent, qui s’est formé à la publique. Le temps de l’expérimenta- Avec le déclenchement de la guerre, le qu’obligatoire dès avant la guerre, elle LXV, p. 96. médecine militaire et avait été reçu pre- tion a passé, il faut désormais choisir le 15 Rapport manuscrit de Hyacinthe Vincent « Sur temps de l’expérimentation serait clos, était fortement déterminée d’une part le vaccin contre la fièvre typhoïde en temps de 21 « Rapport fait au nom de la Commission de mier à l’école du Val-de-Grâce, en vaccin le plus sûr et le plus efficace, et guerre, Paris, le 16 mars 1914 », Archives de celui de la santé publique ouvert. Cela par les évolutions militaires, d’autres l’Armée chargée d’examiner la proposition de loi l’OMS, Genève, fonds de l’Office international d’hy- dit, voilà quelques années déjà que les part par les changements politiques et adoptée par le Sénat, tendant à rendre obligatoire giène publique, T 51. dans l’armée la vaccination antityphoïdique, par promoteurs du vaccin considéraient la réorganisation du service de santé M. Lorimy, Député », p. 2, SHD : GR9 NN 7/911. 16 Institué par ordre du ministre de la Guerre, « il que la transition devait s’accomplir. a été construit sur un crédit spécial et installé en vue de fournir à l’armée les provisions de vaccin « La période des essais relatifs à l’immu- antityphoïdique dont elle a besoin. » (SHD : GR 9 NN 7/988). nisation contre la fièvre typhoïde est dé- sormais terminée 20» déclare Vincent en 17 « Aussi sur les 23 400 soldats morts de la variole en 1870-71, pas un seul n’appartenait à l’armée 1911, avant même qu’il ait mené l’essai active, dont tous les hommes avaient été vaccinés. au Maroc. L’idée est reprise pendant le Les victimes de cette terrible épidémie étaient des mobiles, des volontaires, des mobilisés ou gardes travail préparatoire à la loi Labbé : « Il nationaux provenant de la population civile. Et si, résulte en effet des communications de dans le même temps, l’armée allemande ne per- Vaccination dait qu’un nombre insignifiant d’hommes, c’est que l’Académie de médecine, des publica- contre le depuis des années la vaccination était obligatoire tions scientifiques nombreuses et des choléra dans pour tous, civils et militaires. », page 3 du « Rap- rapports officiels du service de santé les écoles port fait au nom de la Commission de l’Armée char- gée d’examiner la proposition de loi adoptée par le militaire, que la période des études russes en Sénat, tendant à rendre obligatoire dans l’armée la Vaccination contre le 1910. vaccination antityphoïdique, par M. Lorimy, Dépu- expérimentales est terminée depuis choléra à Tokyo Photographie té » (SHD : GR9 NN 7/911). assez longtemps, que les méthodes de en 1925. Photographie de presse, 18 « Rapport fait au ministre » (1914), (SHD : GR préparation du vaccin, comme la tech- de presse, agence agence Rol. 9 NN 7/911). nique de l’opération, sont déterminées Meurisse. gallica.bnf.fr 19 gallica.bnf.fr Reproduction d’un débat au Parlement tenu le d’une façon précise et que les statis- Bibliothèque 19 novembre 1913 dans (1913) Le Bulletin médi- Bibliothèque nationale de France cal (SHD : GR 9 NN 7/911). tiques, consciencieusement établies nationale de France La lettre du Recherche Chemin des Dames

mais avec lesquelles on ne voulait masse du vaccin : « Dans chaque subordination de l’individu à l’intérêt pas, à mesure que la guerre avançait, séance, les Médecins vaccinateurs pro- public » (Moulin, 1995, p.23). Le suc- Bibliographie faire preuve d’autorité sans persuasion cèdent à l’interrogatoire et à l’examen cès de cette vaccination, la première (Rasmussen, 2008). L’administration préalable des hommes, à l’analyse des réalisée à une telle échelle, peut s’ex- • BERNARD Léon (1929), La défense de la santé publique pendant la guerre, Presses Universitaires de France, Paris. régulière du vaccin commença donc, urines, à la vaccination proprement dite pliquer par le contexte militaire. Il faut • BONAH Christian (2007), Histoire de l’expérimentation humaine en France, Discours et pratiques, 1900-1940, Les Belles Lettres, Paris. comme on l’a dit, avec la stabilisation et à l’enregistrement des opérations (...) néanmoins prendre en compte la façon du front après la bataille de l’Yser en Toutes dispositions sont prises pour que dont on a maintenu les qualités de l’ob- • CANGUILHEM Georges (1959), « Thérapeutique, expérimentation, responsabilité » dans (1994) Etudes d’histoire et de philosophie des sciences octobre 1914. Elle s’intensifia sous le les injections soient contrôlées et enre- jet, son innocuité et son efficacité, par concernant les vivants et la vie, Vrin, Paris, p. 383-391. coup des circulaires de Justin Godart, gistrées avec une rigoureuse exactitude un travail scientifique, politique, sym- • CHAMAYOU Grégoire (2008), Les corps vils, expérimenter sur des êtres humains au XVIIIe et XIXe siècles, La découverte, Paris. député radical socialiste arrivé à la tête et que nulle erreur ou nulle fraude ne bolique, qui a commencé bien avant la • HARDY Anne (2000), « Straight Back to Barbarism : Antityphoid Inoculation and the Great War », Bulletin of the History of Medicine, n°74, du sous-secrétariat d’Etat au service de puisse se glisser à l’occasion de l’appel guerre et s’est épanoui dans les années santé militaire en juillet 1915. En janvier des hommes à vacciner, de l’enregis- 1911-1913. Malgré toutes les ruptures, p. 265-290. 1916, le vaccin triple est disponible, il trement des vaccinations, ainsi que de il y a une forme de continuité entre • MENDELSOHN Andrew J. (1998), « From Eradication to Equilibrium : How Epidemic Became Complex after World War I », in LAWRENCE Christopher & prémunit les soldats contre les fièvres l’inscription des absents, des malades cette période et la guerre, continuité WEISZ George (ed.), Greater than the Parts, Holism in Biomedicine, 1920-1950, Oxford University Press, Oxford & New York, p. 303-331. marquée par l’impossible • MOULIN Anne Marie (1995), « Introduction : Hasard et rationalité dans l’approche vaccinale », History and Philosophy of the Life Science, vol. 17, achèvement de l’expérimen- tation en matière vaccinale. n°1, p. 5-29 D’ailleurs, bien que les acteurs • MURARD Lyon et ZYLBERMAN Patrick (1996), L’hygiène dans la République, La santé publique en France ou l’utopie contrariée. 1870-1918, Fayard, s’en défendent, l’armée est, Paris. pendant la guerre, le double • RASMUSSEN Anne (2008), « A corps défendant : vacciner les troupes contre la typhoïde pendant la grande guerre », Corps, vol. 2, n°5, p. 41-48. expérimental d’une population encore plus vaste, la popu- • SANSONETTI Philippe J. (1996), « Un siècle de recherche sur le vaccin contre la fièvre typhoïde : fin du commencement ou commencement de la lation française, progressive- fin ? » in MOULIN Anne Marie (dir.),L’aventure de la vaccination, Fayard, Paris. ment astreinte à la vaccina- • VIET Vincent (2012), « La santé publique pendant la Grande Guerre », dans Thénard-Duvivier F. (dir.), Hygiène, santé et protection sociale de la fin du tion antityphoïdique après la XVIIIe siècle aux lendemains de la Grande Guerre, Ellipses, Paris, p. 57-80. Grande Guerre 24. 26

Camp de prison- niers allemands en 1916 à Rabat au Maroc. La vaccination. © Ministère de la Culture, médiathèque de l’architecture et du patrimoine

paratyphoïdiques, outre la fièvre ty- et des ajournés. Les résultats des vac- phoïde. Sur l’ensemble de la guerre, la cinations (numéro d’ordre, dose, date 22 Circulaire N°434 oi/7, 1er mars 1917 « Ins- vaccination a des effets très clairs sur la de chaque injection, nature du vaccin tructions sur la vaccination contre les infections typhoïde et paratyphoïde. Vaccination en deux morbidité et la mortalité : « la typhoïde a employé (à l’éther ou chauffé), signa- injections TAB n°2 », SHD : GR 9 NN 7/988. Des provoqué au total 125 000 cas avec 15 ture du Médecin vaccinateur) sont mesures similaires étaient exigées dans une autre lettre circulaire de Godart datée du 15 décembre 211 décès ; sans doute aurait-elle, sans consignés d’une part sur le registre d’in- 1915, Archives de l’Office International d’Hygiène vaccination, atteint plus d’un million de corporation, de l’autre sur le livret de Publique, OMS, A/37. 22 personnes » (Viet, 2012, p.71). l’homme ». Ces statistiques alimentent 23 Commission sanitaire interalliés, Séance du 30 les discussions techniques, autour du mars 1916, Archives de l’Office International d’Hy- giène Publique, OMS, A/37. Ce changement d’échelle ne fait pas nombre de rappels par exemple, dans pour autant disparaître la dimension des arènes gouvernementales ou inte- 24 Un certain nombre de textes normatifs produits expérimentale de la vaccination. Le ralliées 23. Elles permettent de redéfinir après guerre étendent l’obligation des vaccinations antityphoïdiques et anti-paratyphoïdique à la popu- caractère disciplinaire de la vaccina- le dosage, de préciser la bonne période lation civile : circulaire du 27 mars 1922, loi du 25 tion – carnet de vaccination signé par pour l’administration du vaccin. novembre 1940, loi du 27 août 1948. le médecin vaccinateur, poursuite des En 1917, sous le titre « Guerre contre l’Allemagne. Mortalité par maladies typhoïdes aux Armées » Hyacinthe Vincent publie un article dans La revue scientifique (55e année, 1er janvier/31 décembre 1917, tome 2, p. 693-694) qui met en avant l’efficacité des campagnes de vaccination. A l’appui de sa démonstration il pré- récalcitrants – sert aussi le suivi de ses Un travail scientifique, sente une courbe de la mortalité due aux fièvres typhoïdes. Elevée à l’hiver 1914-1915, « période de non vaccination (la courbe) descend presque verticalement effets indésirables, graves ou légers, et et d’une façon remarquable dès que les vaccinations (...) ont été opérées, à la suite de mes interventions aux armées. Elle se maintient, depuis lors, à un étiage politique et symbolique tellement bas qu’on est obligé de l’évaluer par rapport à 100 000 hommes. », écrit H. Vincent. gallica.bnf.fr - Bibliothèque nationale de France l’établissement de statistiques. Nombre L’auteur remercie Vincent Viet de lui de circulaires du sous-secrétariat de On voit, avec la Guerre de 1914-1918, avoir généreusement montré les ar- Godart détaillent un protocole de type comme le vaccin s’intègre à ces « sys- chives qu’il avait rassemblées sur ce expérimental pour l’administration de tèmes forts et autoritaires impliquant la sujet pour ses propres recherches. La lettre du Monument Chemin des Dames Le paysan au béret basque. Archives départementales de l’Aisne - FRAD002_2Fi_Craonnelle_00015

des villes où résident ces s’agite pas un homme qui liste de l’Argus Soissonnais, unités (Tarbes, Pau, Mont pense […] Dans ce paysage l’ardeur religieuse ne cède ici “ Cela ne s’agite pas de Marsan, Bayonne). Mais aux souvenirs tragiques, il le pas qu’à l’ardeur patrio- l’empreinte régionaliste et impressionne par son calme tique : « Minute émouvante pacifiste du monument est et sa force. 6» que celle où la foi chrétienne un homme qui pense ” également soulignée par la se mêlant aux sentiments présence d’une sculpture : un L’inauguration, patriotiques les plus purs, paysan au béret basque et au point d’orgue nous saluons les étendards visage grave semble scruter d’un vaste pèlerinage glorieux des régiments de la Erigé à la mémoire des soldats de la 36e des nôtres, là-bas, ont lutté, le sol où gisent à jamais ses Division, drapeaux troués et ont souffert et sont morts. 3» camarades tombés au com- L’inauguration du monument déchiquetés, loques sacrées division d’infanterie originaires du Sud-Ouest Un comité de souscription bat. L’intention du sculpteur des Basques s’inscrit comme et encore sanglantes, témoins de la France, le monument des Basques provisoire est mis en place à n’a pas échappé au journa- le moment fort d’un vaste de tant de sacrifices sublimes Bayonne en mai 1926 sous la liste Lucien Hébert lorsqu’il pèlerinage d’anciens com- accomplis pour la Patrie. 7» domine depuis 1928 le plateau qui fait face présidence de l’abbé Durquet. écrit dans le compte-rendu de battants. Il dure cinq jours et C’est un ancien aumônier à ceux de Vauclerc, des Casemates et de D’autres villes le rejoignent et la cérémonie d’inauguration : conduit plus de 400 vétérans militaire, l’abbé Etchebers, qui Californie. Il rappelle le sacrifice d’une unité souscrivent à l’image de Pau, « Ce monument réhabilite la du sud-ouest de la France de ouvre le long cycle Tarbes, Mont de Marsan, Dax, statuaire de guerre et nous la tombe du Soldat inconnu éprouvée sur le Chemin des Dames, en Bordeaux et Paris. L’ancien change agréablement de à Reims puis Verdun, en 1914 comme en 1917. « carrefour de la mort » est, tous ces « navets » - trop passant par le Chemin des jusqu’à la veille de la mise en communs, hélas ! – belli- Dames où la division s’était 1 Anonyme, Amicale du 18e et 218e place du monument, un ter- queux hors du danger qui illustrée en mai 1917 par la Régiments d’infanterie. Le 18e. 1914- 1918. Historique du 18e régiment Un lieu comme le montrent certaines rain de 4 ares qui appartient trahissent aussi totalement reconquête du « plateau de d’infanterie, Pau, Marrimpouey jeune, photographies du fonds du à madame Descubes-Saint- qu’inconsciemment l’ultime Craonne ». Face au monu- 1936, p. 19. de sinistre réputation 2 2 Cf. La lettre du Chemin des Dames sergent Barret , des tombes Désir, propriétaire du château et profonde pensée de ceux ment ont été installés une n° 24, p. 9-21. Sur les anciennes cartes provisoires surmontées de de Craonnelle récemment qu’ils prétendent glorifier […] tribune pour les officiels ainsi 3 Historique…, op. cit., p. 184 d’état-major, le toponyme où croix de bois témoignent de reconstruit. Informée du pro- Au pied, face à la vallée, un qu’un autel. La cérémonie 4 Monument des Crapouillots : Mar- a été dressé ce monument l’omniprésence de la mort à jet, elle y contribue en cédant paysan basque dans le cos- s’ouvre d’ailleurs par une cel Loyau (architecte). Monument des 28 Basques : Claude Grange (architecte) ; porte le nom de « La Terre cet endroit. Au lendemain du gracieusement cette parcelle tume du terroir. La face grave messe, ponctuée de moments Mathieu Forest (sculpteur). Sainte Benoite ». Pendant la conflit, un ancien combattant au comité. tants sollicités après guerre Landes – Basses Pyrénées ». et calme, comme il convient musicaux où intervient la 5 Depuis l’origine de cette arme, elle guerre, ce secteur particuliè- du 18e régiment d’infante- par des comités de vétérans Les numéros des régiments au lieu et à l’idée […] Ni Schola paroissiale de Beau- représente l’artillerie de tranchée. 6 rement exposé est renommé rie revenu sur les lieux y pour leur réalisation 4. Ils qui constituent la 36e division, bravade, ni attribut militaire rieux. Le monument reçoit La Dépêche de l’Aisne, 3 octobre Un monument 1928 citée dans La lettre du Chemin des par les soldats qui le fré- découvre « une végétation mêlant pacifisme sont situés l’un et l’autre gravés sur l’obélisque, sont d’aucune sorte. L’homme ensuite une bénédiction. Dames n°1, p 5. quentent « le carrefour de la folle [qui] couvrait et faisait et régionalisme aux extrémités occidentale tous accompagnés du nom regarde et il pense ; cela ne Comme le souligne le journa- 7 Argus soissonnais, 3 octobre 1928. mort. 1» Il s’agit à l’évidence disparaître tout vestige de et orientale du plateau. d’une position dangereuse, Guerre… encore quelque Comme le monument des La comparaison entre ces Quatre cents anciens de la division assistent à l’inauguration. Archives départementales de l’Aisne - FRAD00226_02281 exposée à la vue des Alle- temps et l’on ne saurait Crapouillots qui sera inau- monuments doit cependant mands et de leur artillerie même plus que l’on s’y soit guré en 1933 au Moulin de s’arrêter là. Elle montre aussi nichée sur les plateaux d’en durement battu… » Pour Laffaux, le monument des combien l’inspiration des face. Ces derniers seront lutter contre cet abandon, Basques est l’un des deux comités d’érection a pu varier reconquis par les Français l’ancien soldat estime qu’« il seuls ouvrages commémo- d’une unité à l’autre. Là où le dans le courant du mois de faudrait faire quelque chose ratifs français de grande monument des Crapouillots mai 1917 au prix de lourdes […] élever sur le plateau taille érigés sur le Chemin reproduit dans sa réalisation pertes, dont celles de la 36e un monument durable qui des Dames. Tous deux sont un objet guerrier (une bombe division. Pendant la guerre, témoignerait que des milliers l’œuvre d’anciens combat- à ailettes 5), le monument des Basques s’attache au contraire à multiplier les Des tombes photographiées symboles de deuil et exploite par le sergent une veine pacifiste teintée Gabriel Barret (127e RI) d’une forme de régionalisme en 1916 à toujours en vogue au moment quelques mètres de la où s’achève la reconstruction tranchée du des régions dévastées. Repre- Buisson. Le monument nant la forme très classique des Basques de l’obélisque, le monument sera élevé sur l’étendue est flanqué à sa base de cou- couverte de ronnes funéraires dans les- barbelés, d’après l’auteur quelles apparaissent les noms du cliché. des départements du sud- Collection Carron- Masbou-Seguin ouest : « Hautes-Pyrénées – Monument Témoignage

L’inauguration. L’abbé Etchebers, ancien aumônier militaire. Comme je voyais un Allemand

Recueillement devant le monument des me mettre en joue, Basques. Archives départementales de l’Aisne - FRAD002_2Fi_ Craonnelle_00011 je criais “ Camarade ! ”

L’inauguration. Dimanche 22 juillet 1917, à 4 heures du matin, surpris par une attaque allemande Le général Mittelhauser, dans le secteur de Craonnelle, le Vosgien Paul Bourguignon, 39 ans, blessé, est fait commandant e le 18e corps prisonnier avec toute une section de son unité, le 41 bataillon de chasseurs à pied. d’armée. Archives Durant sa captivité, il transcrit cette expérience dans un carnet. Extraits. départementales de l’Aisne - FRAD00226_02280 et Fin de séjour au cantonnement de Magneux près de Je devais aller en permission de sept jours à la descente FRAD00226_02291 Fismes et rentrée aux tranchées le 23 juin 1917. Onze de cette fournaise. Pourtant rien ne m’y faisait penser tant jours éprouvants en 1ère ligne sous les bombardements je ne me voyais pas revenir de cette mauvaise passe. Ma au-dessus de la Caverne du Dragon. section était de réserve en première ligne, ce qui faisait que sacrifices, pendant presque d’émotion où l’âme baignait tout le jour on était terré dans une sape. Le bombardement deux années, reconquis enfin tout entière dans l’atmosphère “ On était bien tranquille au cantonnement de Magneux, si était si intense, qu’il nous est arrivé d’être enfermé deux à aux jours à jamais mémo- des grands jours. 11» ce n’est que les avions venaient toutes les nuits nous bombar- trois fois par jour par des obus qui tombaient à l’entrée et qui rables de mai 1917 10. » Plus der. On a été obligé de quitter les baraques que nous occu- la bouchait en partie. C’était tout un travail pour pouvoir se prosaïquement, l’historique Jean-François JAGIELSKI pions le long de la route et de la ligne de chemin de fer. Nous dégager et revoir le jour. des discours. Inter- de notre territoire gascon. Ce du 18e souligne de quelles sommes mon- viendront successivement paysan à makhila et béret charges émotives étaient tés sur la cote Nous mettions toute cette terre en sac et faisions un mur 30 8 F. Duhourcau, La Révolte des Morts, l’abbé Durquet, les généraux que nous laissons, c’est le remplies ces journées de Paris, Editions de la vraie France, 1924. où nous nous pour réparer les brèches. Il pouvait tomber en moyenne de de Belenet et Paquette, nou- sceau régional posé par nous commémoration qui faisaient A l’évidence, cet ouvrage s’inspire du sommes fait cent à cent cinquante obus, torpilles de tous calibres. Heu- Réveil des Morts de R. Dorgelès. 1914-1917 vel et ancien commandants sur ce sol imbibé du sang revivre dans le cœur des 9 Cf. J.-F. Jagielski, « Emergence d’un des abris avec reusement qu’il y avait une bonne épaisseur de terre sur la de la 36e division, le général des nôtres, c’est un veilleur anciens combattants des motif littéraire dans les années 1920 : nos toiles de sape qui pourtant finissait par s’affaisser, et à chaque minute Mittelhauser, commandant moments inoubliables : le réveil des morts » in C. Benoit et alii Paul Bourguignon naît à Mattain- éternel qui monte la garde, (dir.), Le sacrifice du Soldat, ECPAD- tentes dans des on se disait cette fois-ci on n’en sortira pas. Quelle vie pen- le 18e CA ainsi que François au nom de la petite patrie, sur « Depuis que je suis parti, CNRS éditions, 2009, p. 145-155. court (Vosges) en 1878. anciennes car- dant onze jours, toujours se voyant enterrer vivant. Si l’on Duhourcau, un écrivain régio- ce plateau conquis d’abord disait un Landais au soir du 10 Anonyme, Le monument de la 36e En 1914, après quelques semaines rières. C’est de sortait, on n’était pas sur de rentrer. DI. 26 septembre - 2 octobre 1928, naliste, auteur d’un roman par nos corps de troupe en dernier jour, je n’ai fait que Bayonne, Imprimerie S. Sordes, 1928, comme garde-voie à la gare de ces abris que situé sur le Chemin des Dames septembre 1914, gardé par rire et pleurer. C’est le mot p. 28. Mirecourt, il rejoint le 2e bataillon nous avons Nous ne sortions que la nuit pour travailler à la réparation intitulé La Révolte des Morts 8. eux, au prix de journaliers qui résume le mieux ces jours 11 Historique…, op. cit., p. 188. de chasseurs à pied (BCP) puis le regagné le ba- des tranchées, qui pas plutôt refaites étaient démolies de Ce dernier saura d’ailleurs se 42e BCP en mai 1915 sur le front de taillon qui venait nouveau par l’artillerie ennemie. On portait aussi des muni- souvenir de ses écrits lorsqu’il l’Artois ; il y est grièvement blessé de perdre beau- tions en première ligne, le plus dur consistait à faire les tran- évoquera dans son discours lors de l’attaque sur Carency. coup d’hommes chées de première ligne, poser une mystique nationaliste Les soins (multiples opérations, dans le secteur des fils de fer à une distance de Paul Bourguignon. assez proche de celle de la électrothérapie, pose de prothèses de Vauclair, qu’il vingt à quarante mètres de l’en- Coll. Jacques Didier Terre et des Morts 9 de Maurice dentaires) et sa convalescence avait tenu vingt nemi. Que de fois je me voyais Barrès : « En leur nom aussi, s’avèrent très longs mais il peut et un jours. comme tant de camarades, avec un pieux orgueil, nous finalement se rétablir. Début janvier marcher bossu où décou- sommes venus prendre pos- 1917, il rejoint sa nouvelle unité, le Nous avons été vrir en remuant la session de cette terre que la 41e BCP (1ère compagnie), en Alsace. le renforcer avec terre le triste spec- patrie, croyons-nous, consent En mai puis juin, Paul Bourguignon 300 hommes. A tacle. à léguer à nos provinces du est dans le secteur du Chemin des Maizy on a pris Sud-Ouest comme un apa- Dames, sur le plateau de Vauclerc, quinze jours de Vous ne dou- nage de gloire. Ici la bravoure à Hurtebise ensuite, où son unité repos, de là on terez pas avec de nos régiments a créé une coopère à la prise de la Caverne du est allé en ré- quel plaisir on vint enclave empreinte des vertus Dragon. serve pour huit nous dire qu’on jours. Je refis ma allait nous relever. rentrée aux tran- J’étais très fatigué, En 1957, lors d’un voyage chés le 23 juin, au secteur d’Hurtebise. Nous occupions la j’avais mal dormi souvenir au Chemin des Dames, Gabriel Barret pho- Caverne du Dragon, pour meilleur dire le terrain au-dessus, où plutôt pas, peu tographie le monument des qui se trouvait à la droite du Chemin des Dames. Tout un mangé. La fièvre, Basques. Collection Carron-Masbou-Seguin secteur qui était très disputé. le goût La lettre du Témoignage Chemin des Dames

de la poudre, tout ce bruit et les secousses pro- Dès le jour nous avons gagné le premier village non démoli. les nouvelles que je lui annonçais, elle aimait que je ne lui sans dormir, sans être relevé jusqu’au moment où je fus fait duites par les explosions m’avaient empêché de manger. Il est inutile de vous dire que tous les villages qui se trouvaient cache rien. J’écrivais aussi à Joseph de ce que je pensais. Ce prisonnier. Lorsque j’ai découvert le poste que j’occupais, je J’avalais juste une raie de chocolat, mais je bu toute la jour- sur la ligne de combat n’étaient plus que ruines, de vrais amas n’était pas sans émotion que j’écrivais ces lettres, je songeais à me suis considéré comme perdu. Si je n’avais pas été fait née car il faisait très chaud. de pierres. Les forêts n’avaient plus rien de forêts, un tronc toute la famille et à ce qui pouvait leur arriver. ” prisonnier, j’aurais été tué. Cela aurait été un miracle si j’avais d’arbre ici et là, plus de verdure. Dans ce village des autos pu réchapper cette fois-ci de ce mauvais passage. ” Il y avait pourtant à manger. Un homme par escouade par- attendaient pour nous conduire à Chéry-Chartreuve. Là nous tait vers la nuit et rentrait au petit jour avec le ravitaillement. fîmes notre toilette qui avait fort besoin d’être faite. Surtout Dans la soirée du 20, le 41e BCP relève des éléments C’était une rude corvée, il fallait faire au moins dix kilomètres avec nos habits tout en loques et plein de boue pour s’être des 32e et 66e RI sur le plateau de Californie, dans les Le 22 juillet, les Allemands attaquent au plateau de aller et retour sous les obus et même quelque fois pris sous traîné à terre, en plus des accrocs faits dans les barbelés. ” tranchées Von Felt et du Lieutenant Michel. « La 1ère Californie. « Dès l’aube, plusieurs avions ennemis un tir de barrage. Il devait rapporter seize ou dix-huit litres compagnie, sous le commandement du Capitaine Blé- survolent les lignes (...) et mitraillent les occu- de café comme de vin, le pain, la viande et légumes, pour la riot, occupe la droite du secteur du bataillon en liaison pants. (...) les batteries boches entrent en action (...). nourriture. Il y avait de quoi manger quand on pouvait faire 20 juillet. Villers-Cotterêts, étape de la remontée. avec le 77e RI sur le boyau Von Hausen. Trois sections Un véritable déluge d’obus et de torpilles d’abat sur le ravitaillement. ” C’est la réserve qui est annoncée, paroles peu cré- (...) sont détachées (...) dans un élément avancé de la toutes nos tranchées. » [JMO 41e BCP] A 5 heures dibles. Bénédiction donnée par le tranchée des Landes. Une section est en réserve dans c’est au tour de l’infanterie, lance-flammes en tête. commandant, cela revient à dire : la tranchée du Lieutenant Michel. » [JMO 4e BCP] Le 77e RI et la droite du 4e BCP reçoivent le choc 1ère ligne. Ecrire à Marie. « Les tranchées et boyaux sont complètement bou- et se retrouvent en grande difficulté. C’est le cas leversés, les abris n’existent plus. Les Chasseurs notamment de l’unité de Paul Bourguignon : « les occupent des lignes de trous d’obus. Les liaisons sont fractions de notre 1ère Cie, commandées par le lieute- “ Je quittais Noisy vers 10 heures et extrêmement difficiles. » Le lendemain est consacré nant Hourseau, qui se trouvent dans la tranchée des arrivais à Villers-Cotterêts à la nuit. Là à des travaux d’aménagement des lieux ; « l’artillerie Landes, ainsi que la section de mitrailleuses qui la je trouvais un détachement du 41e ennemie nous empoisonne par des tirs incessants » (on soutiennent, sont rapidement environnées et livrées à bataillon de chasseurs à pied qui ve- dénombre un mort et onze blessés). [JMO] leurs seuls moyens. » [JMO] nait d’accompagner un train de per- missionnaires. Je me joignis à eux, on alla coucher dans une salle réservée aux permissionnaires, afin qu’ils nous conduisent avec eux au bataillon. Le 32 lendemain à midi on nous fit savoir qu’il fallait nous tenir prêt, que l’on pouvait partir d’un moment à l’autre, le bataillon était tenu en alerte. Pensez qu’on nous avait dit que l’on devait aller en grand repos, et mieux que cela au rapport de 11 heures, on nous avait an- Le carnet noncé une soirée récréative de cinéma, La situation de écrit au cours il n’ y en a pas eu. la 18e division de la captivité. d’infanterie fin Coll. Jacques Didier juillet 1917. A 3 heures, les autos arrivaient pour Au centre les positions nous conduire à la bonne place. Nous occupées Puis la relève : se mettre à l’abri des obus. Dans le ne savions pas où, on nous disait que l’on allait en réserve et par le 41e BCP. bois de Moulin-Rouge, un bon souper, quantité de [26 N 299/2 p. 104/130] pas en ligne. Je ne croyais pas à ces paroles, d’autant que le Coll. Service historique café, un litre de vin. Au petit jour, décor de villages en commandant nous avait dit que si toutefois nous étions obli- de la Défense ruines et de verdure disparue. Permission. gés de monter en ligne, qu’il espérait que chacun ferait son devoir. Il nous donnait sa bénédiction et nous demandions “ Je me souviendrai toujours de cette relève. Ce que j’ai à St Pierre si nous venions à tomber au champ d’honneur “ Connaissant ce secteur, le bruit courut à midi que c’était “ La nuit de samedi à dimanche avait été assez tranquille. Le souffert avec mes pauvres jambes pour suivre mes cama- qu’il nous ouvre les portes du ciel, que nous les avions bien pour le soir, et à 4 heures on touchait ce qu’il nous manquait, bruit courait que nous ferions une petite attaque dans la rades qui couraient dans les boyaux pour arriver au plus mérité. Maintenant comme tout à l’heure, il fallait toujours en nous ordonnant de faire le paquetage d’assaut. On quitta journée pour tenter d’occuper la ligne de tranchée qui se vite à l’abri des obus. Il fallait bien que je mette toutes avoir le sourire. le camp à 10 heures, après avoir passé sous la bouche de trouvait à peu près 30 mètres devant nous. Nous n’avons mes forces et surtout mon énergie pour suivre, car je ris- nos canons qui crachaient en tirant et nous cassaient les pas eu cette peine, au petit jour le ravitaillement venait quais fort de les perdre dans ces boyaux qui étaient de Ces paroles me firent comprendre ce qui nous attendait, oreilles. Nous traversâmes Craonelle tout en ruine, là on juste d’arriver, j’avais bu un peu de café et mon eau-de- véritables labyrinthes, surtout la nuit. Je parvins non sans j’écrivis quelques mots à la hâte à ma chère Marie pour nous distribua des outils de parc, des munitions de réserve, vie. Je regagnais mon poste en laissant tout le manger peine à rallier le lieu de rassemblement avec un peu de lui faire savoir que mon retour s’était bien passé dans de bref avec ce que nous portions déjà on était chargé à tomber. et le vin à la section qui occupait la tranchée à quelques retard, mais j’étais sauf pour cette fois et je commençais à bonnes conditions. Je lui dis que l’on parlait de remonter Après avoir fait 12 kilomètres par des chemins défoncés par mètres. A peine arrivé que l’ennemi nous envoya une espérer d’aller en permission. Un bon souper nous atten- en ligne à la même place que la dernière fois. les obus et des tranchées à peine tracées toutes boulever- rafale d’obus et de torpilles, je me couchais pour les évi- dait dans le bois de Moulin-Rouge, des pommes de terre sées, on a pu retrouver non sans peine son emplacement. ter le plus possible et me protéger des projectiles. Mon pour la première fois, de la soupe et de la bonne viande. On prit donc les autos à 3 heures du matin, c’était encore Jamais je n’avais fait une relève aussi pénible. On arriva vers trou n’était plus tenable, il en tombait tout autour et bien Je ne pouvais pas manger, j’ai bu je ne sais combien de la nuit, pour aller à proximité du front. On pensait monter une heure du matin, dans une mauvaise tranchée sans abri, près, je me redressais un peu pour voir ce que je pou- café, et un litre de vin. J’étais trempé par la chaleur, il en ligne de suite, mais on passa la nuit en réserve au camp presque en première ligne, située à 30 mètres de l’ennemi. vais faire, rester ou rejoindre mes camarades. C’est à ce fallait vraiment être solide pour résister à tant d’efforts de d’Asile. Ainsi je pus alors écrire ma dernière lettre à Marie Pour ma part, je me suis trouvé avec deux camarades dans moment je vis l’ennemi qui arrivait en nombre sur nos toutes sortes. et lui dire ce qui nous attendait. Elle s’était aguerrie par toutes un trou d’obus qui servait de poste d’écoute. Je suis resté là tranchées et au même instant je recevais une La lettre du Témoignage Chemin des Dames

Fac-similé de pages du carnet de Paul Bourguignon Coll. Jacques Didier

ne put sortir sa tête de la tranchée pour voir ce qui se passait. Voilà pourquoi toute la section et notre lieutenant furent faits prisonniers. Mal- heureusement près de la moitié n’ont pu nous suivre, une partie mort ou mourant. Le 77e régiment d’infanterie qui était en ligne avec nous, a subi de grosses pertes, prin- cipalement en prisonniers. Le 41e B.C.P. n’a pas trop souffert la journée du 22 juil- let, seulement la moitié de la La section de Paul 1e compagnie dont je faisais Bourguignon (1er e partie qui avait reçu l’ordre de rang, 4 à partir de la droite) au dépôt renforcer le 77ème. ” du 2e BCP à Givry, décembre 1914. Coll. Jacques Didier Le bilan de la journée au 41e BCP est de 18 tués (dont 9 à la 1ère compagnie), un moment après une voiture venait me chercher pour me où il rédige ses carnets, avant d’être transféré dans 39 blessés, 47 disparus conduire à une ambulance où je fus bien soigné. Je peux celui de Friedrichsfeld (Ruhr) pour travailler dans une (tous de la 1ère compagnie), dire que partout où je suis passé, j’ai trouvé de la sympathie mine de charbon. pour un total de pertes de envers les blessés de la part de nos ennemis. Paul Bourguignon est libéré le 13 novembre 1918 puis 104 officiers et chasseurs. rapatrié par bateau vers Le Havre en janvier 1919. 34 A cette ambulance, on me retira trois petits éclats que j’avais dans le coude gauche puis on me fit une piqûre au Gil ALCAIX grenade en pleine côte. C’est grâce à ma mu- Les premiers soins sein gauche. On me fit remonter ensuite dans une auto qui sette, à mon équipement et la présence d’esprit qui m’est me conduisit à l’hôpital au village de , à 20 kilo- venu de me tourner de côté que je ne fus que légèrement “ J’ai appris par des camarades qui vinrent nous rejoindre mètres plus en arrière. Il pouvait y avoir 30 kilomètres qui blessé. Je courus rejoindre les camarades qui étaient tous quelques jours après, qu’ils avaient attaqué le 25 pour re- nous séparaient du front. ” C’est à la mort de Paul Bourguignon en 1973 que le petit-fils e couchés dans la tranchée, il y avait déjà beaucoup de bles- prendre les positions perdues. Ils nous dirent que la 2 com- de sa sœur, Jacques Didier, reçoit ses deux carnets de souve- sés. Je donnais l’alarme en criant << les Voilà ! >> ce fut une pagnie et la 3e avaient eu beaucoup de pertes. Après mon La captivité. nirs et ses décorations – Croix de Guerre et surtout Médaille panique, on ne savait plus ou se mettre tant les projectiles premier pansement il fallut quitter le poste de secours pour Paul Bourguignon est successivement soigné dans les militaire, dont il était le plus fier. Nous remercions Jacques de toutes sortes tombaient. J’étais un des premiers de l’autre faire place à de nombreux blessés qui arrivaient de toutes hôpitaux allemands de Lappion, Montcornet et Fourmies Didier de nous avoir transmis ces documents. tranchée qui était devenue muette, ils avaient du tous se parts. Ce n’était pas le rêve, il y avait 2 kilomètres à traverser puis emmené en captivité en Allemagne en septembre faire tuer. Comme je voyais un Allemand me mettre en joue sous un tir de barrage de notre artillerie. Il le fallait à tout prix, 1917. Il connaît alors le camp de Dülmen (Westphalie), je criais << Camarade ! >> Je lui montrais que je perdais car on ne pouvait laisser les blessés dehors sans soins, ils du sang. Au même moment tous mes camarades criaient auraient été blessés de nouveau ou tués, ce qui était le cas de même, quand je sentis une grenade faire explosion sur souvent. Rassemblant toutes mes forces je suivis en courant moi, la fumée, la détonation, la secousse, fit que je me senti un détachement de prisonniers légèrement blessés. Je ne perdu, ce qui ne dura que deux ou trois minutes. sais pas comment nous n’avons pas eu plus de victimes du- rant ce trajet. Je vis pourtant mon camarade qui avait occupé Je respirais, je ne ressentais pas trop de douleurs, si ce n’est avec moi le poste d’écoute, tomber mort à quelques mètres que mes oreilles bourdonnaient avec les bombardements. Je de moi. Que ce voyage me parut long et pénible, je n’en n’entendais plus rien, mais je me sentais capable de ne pas pouvais plus, j’étais tout essoufflé et mes blessures commen- rester là. C’est d’un bond que je courus avec les camarades, çaient à me faire mal. J’avais jugé préférable de me sauver sous nos obus destinés aux assaillants, pour aller au poste de suite avant que mes blessures ne m’épuisent. On arriva de secours allemand. Dans ma course je me suis ramassé à un petit village. On sépara les blessés des valides, qui par- plusieurs fois, tombant dans des trous ou m’accrochant aux tirent de suite pour un camp. Les blessés qui ne pouvaient fils de fer, plusieurs des nôtres furent tués ou blessés au pas marcher furent conduits à l’hôpital. J’étais le seul qui cours de ce petit trajet. Je reçus un bon pansement par le ne pouvait plus suivre, c’était surtout les petites blessures major et les infirmiers ennemis, qui se montraient très bon et que j’avais au côté gauche qui me gênaient et m’inquiétaient Hôpital temporaire doux pour nous. Nous avions été surpris par leur attaque. comme j’avais craché un peu de sang. Je m’étais figuré de Bernay dans D’habitude on subissait un bombardement plus ou moins qu’un éclat avait pénétré dans les intestins. Finalement je l’Eure. Les blessés, 29 juin 1915. Paul prolongé avant l’attaque, mais il n’en fut pas de même cette m’apercevais que ce crachement de sang provenait de mon Bourguignon est au fois. Il y avait à peine dix minutes qu’ils nous terrorisaient oreille que je croyais perdue. On me fit entrer dans une mai- 2e rang, 2e à partir de la gauche. par leurs obus, quand ils vinrent nous surprendre, personne son qui devait être le poste de secours. On me fit coucher et Coll. Jacques Didier La lettre du Page d’archives Chemin des Dames

VERBATIM vallées de l’Aisne et de l’Oise et on peut y entre- tenir une troupe nombreuse, comme l’atteste Rapport “ La ligne de faîte des collines la présence en abondance d’eau, de bois et la e richesse des cultures 1 que décrit le rapport de 2 corps d’armée. Sur le terrain qui pourrait convenir à des manœuvres d’ensemble. Génie. l’officier du génie. Appliquant la doctrine Séré (Demandé par la dépêche du 5 juillet n° 1363, de Mr le Général Comman- Direction d’Amiens. de Rivière, le commandement établit des forts à dant le 2e Corps). qui s’étendent de Craonne à Chefferie de Laon. Mons, la Malmaison et Condé. La Fère et sont aussi fortifiés. La mélinite2 , expérimentée Dans la chefferie de Laon, on propose de cantonner le corps d’armée dans le pays Cerny, Laffaux... “ à la Malmaison en 1886, va cependant révéler accidenté entre St Erme et Craonne, pour le faire manœuvrer dans la plaine située à l’est une apparente obsolescence de ces construc- et au pied des collines, contre un corps d’armée ennemi supposé établi entre et tions. La crise économique qui éclate en Europe Brimont. On supposerait ensuite que le corps d’armée français a eu son aile droite forcée et Un rapport du génie du 2e corps d’armée daté de 1874, conservé aux Archives en 1885 raréfie les moyens financiers. Et la il s’établirait par un changement de front, entre Saint-Erme et Montbéraut pour visiter un départementales de l’Aisne, préconise l’exécution de manœuvres entre Berry-au-Bac doctrine change. Les plans de concentration de corps ennemi qui, ayant pris possession de Craonne, chercherait à s’avancer vers l’ouest, en l’armée française optent pour l’offensive dès le tournant les places de Laon et , et placerait la principale ligne d’opérations sur la et Craonne. Ce document montre l’attention que porte alors le commandement à la plan VI (1883). Les forts de l’Aisne voient leur ligne de faîte des collines qui s’étendent de Craonne à Cerny, Laffaux, etc… zone située entre Laon et la vallée de l’Aisne et à ses avantages défensifs. artillerie dispersée. La mise en service du canon En adoptant ce thème, on trouverait l’avantage de faire manœuvrer successivement de 75, puis les plans XVI et XVII, confirment la les troupes en pays plat et découvert, puis en pays accidenté et boisé. Le cantonnement des stratégie de l’offensive à outrance. Les premiers troupes se ferait avec facilité dans le massif de collines indiqué, massif qui renferme de nom- Le chef du génie de Laon, dans un rapport daté du 12 boisé », écrit le colonel du génie dans sa note en réponse jours de combat face à un ennemi lourdement breux et riches villages, des bois et de l’eau. Ces placements se prêteraient en restreignant juillet 1874, préconise l’exécution de manœuvres par le 2e à une demande du général commandant le 2e corps d’ar- pourvu en mitrailleuses montreront l’innocuité plus ou moins l’étendue du cantonnement aux deux hypothèses d’un corps composé d’une corps d’armée entre Berry-au-Bac et Craonne. « On trou- mé, reçue par dépêche quelques jours plus tôt. L’exercice du plan XVII. division ou seulement d’une brigade, avec les accessoires proportionnés. verait l’avantage de faire manœuvrer successivement les envisagé à l’échelle du corps d’armée serait modulable sui- Les cultures ordinaires du pays sont les céréales dont les récoltes sont généralement troupes en pays plat et découvert, puis en pays accidenté et vant deux hypothèses, en mobilisant une division ou seu- Une première fois terminées du 15 août au 1er septembre : les pentes des collines sont boisées, les plateaux lement une brigade. Il commencerait après le Chemin des Dames sont cultivés en céréales ; les plaines et vallées en céréales et en betteraves, la récolte de Le rapport du chef du génie de Laon daté du 12 juillet 1874 pour le général commandant les moissons et il éviterait d’empiéter sur les ces dernières n’a lieu qu’en hiver ; la partie inférieure des pentes des coteaux de Craonne est le 2e corps d’armée. Archives départementales de l’Aisne - AD02, 3J1 terres à betteraves et les parcelles de vignes. L’offensive française en Lorraine au début de plantée en vignes dont la vendange se fait au mois d’octobre. Dans le scénario proposé par l’officier, les la guerre se solde par un échec, tandis que On pense qu’on pourrait commencer les manœuvres du 15 août au 1er septembre, en 36 Allemands ont pris Craonne. Ils cherchent à l’attaque allemande se heurte aux forts belges évitant les terrains plantés en betteraves et en vignes qui seraient supposés terrains maré- tourner Laon et Soissons, opèrent vers l’ouest dont la résistance prouve tout l’intérêt de posi- cageux ou rochers impraticables ; les difficultés du détail qui en résulteraient ne pourraient « sur la ligne de faîte des collines qui s’étendent tions fortifiées. Joffre décide, dans les derniers être que favorables à l’instruction des troupes. de Craonne à Cerny, Laffaux, etc... », jours d’août d’arrêter l’avancée allemande sur Laon, le 12 juillet 1874. en progressant sur une route qu’il n’est pas une ligne Amiens-Reims-Verdun. Il compte Le chef du Génie. encore d’usage courant de désigner comme sur la résistance de l’armée belge et la mise en le Chemin des Dames... Dans la manœuvre, œuvre d’actions retardatrices pour se donner débordés sur leur droite, les Français, qui se du temps. Cependant, le deuxième corps d’ar- tenaient entre Saint-Erme et Craonne, chan- mée anglais, bousculé devant Le Cateau, recule rapidement tenir la ligne englobant notamment le secteur du Chemin geraient leur front pour s’établir entre Saint- pour se redonner les moyens de combattre. La Ve armée de des Dames. Il n’avait plus le choix que de reculer davantage Erme et Montbérault. Il s’agit-là, même si le Lanrezac freine la marche de l’armée Von Bülow entre Guise afin d’étirer les lignes ennemies pour les rompre. rapport ne le pointe pas expressément, d’une et Saint Quentin, mais celle-ci le poursuit dans sa retraite position haute. L’avantage qui en résulte vers l’Aisne alors que Von Kluck menace sa gauche. Parfois à La guerre ne ressemble à aucune manœuvre. Ni à celle pres- n’échappe probablement pas au commande- la limite de la panique 3, les soldats ne défendent pas les po- crite en 1874 entre Berry-au-Bac et Craonne, ni probablement ment français, de même qu’est bien perçu le sitions pourtant très favorables entre Laon et l’Aisne, comme aux nombreux autres exercices sur le terrain que l’armée fran- profit que pourrait tirer l’adversaire d’un mou- prévu par Joffre. Le 1er septembre, l’avancée allemande et la çaise a régulièrement pratiqués avant août 1914... vement vers l’ouest par les sommets entre les nécessité de réorganiser ses forces poussent Joffre à opter vallées de l’ et de l’Aisne. pour un repli, s’adossant sur les marais de l’Aube et la Michel SARTER forêt d’Orient, entre les points d’appui de Verdun et Paris. A cette époque, le haut commandement fran- L’infléchissement de l’aile marchante allemande vers le 1 Pour un tableau du Chemin des Dames avant guerre (démographie, écono- çais est au fait de l’intérêt que revêt sur les sud-est ouvre la possibilité de contre-attaquer. Entre le 5 mie...) lire Guy Marival, « Le Chemin des Dames en 1914 : la leçon oubliée », plans stratégique et tactique la zone comprise et le 14 septembre, les armées de l’Entente reprennent le dans Nicolas Offenstadt (dir.), Le Chemin des Dames, Paris, Perrin, Tempus, 2012, 785 p., p. 29-37. entre Laon et l’Aisne, comme en témoigne ce terrain perdu. Mais les Allemands ne manquent pas d’uti- 2 La mélinite détone à plus de 7000 mètres seconde, soit un pouvoir détonant rapport. Les plateaux calcaires au nord-est de liser une première fois la forteresse naturelle du Chemin supérieur à la pentrite (5000 m/s) actuellement utilisée dans l’armée française. 4 l’Île de France, modelés par l’érosion et par- des Dames . 3 Voir Claude Carême, « Des exécutions sommaires de civils en août 1914 », fois par la main de l’homme pour l’extraction Mémoires de la Fédération des sociétés d’histoire et d’archéologie de l’Aisne tome L, p. 197-205, imprimerie du triangle bleu, Maubeuge, 2005. de la pierre, offrent des escarpements et de Aucun officier n’ignore l’intérêt des positions fortes situées 4 En conclusion d’une étude sur les combats livrés à l’automne 1914 par multiples abris favorables à la dissimulation et entre Berry-au-Bac, Laon et Soissons, théâtre de nom- les Français et les Anglais contre les Allemands retranchés sur les hauteurs au retranchement. Après la guerre de 1870, breuses batailles. Mais à la veille de la Première Guerre du Chemin des Dames, Frédéric Rousseau affirme que« dès le début de la les stratèges français intègrent les contreforts mondiale, les vertus défensives de ce réduit naturel ne sont guerre, le Chemin des Dames s’est révélé (...) une forteresse inexpugnable. » Et l’historien d’avancer : « Tous les éléments susceptibles d’annoncer l’échec de la cuesta francilienne comme l’un des plus de mise, puisqu’il n’est question alors que d’offen- du 16 avril 1917 étaient donc sous les yeux du commandement français. » points essentiels de leur plan de défense. Ces sive. Au début de la guerre, prisonnier du plan XVII, Joffre Frédéric Rousseau, « Le Chemin des Dames en 1914 : la leçon oubliée », dans Nicolas Offenstadt (dir.), Le Chemin des Dames, Paris, Perrin, Tempus, 2012, positions verrouillent l’accès à Paris par les a sans doute trop tardé à réorganiser son dispositif pour 785 p., p. 40-49. La lettre du Livres Chemin des Dames

BONNEYRAT Thierry, Les nouvelles du front 1914-1918, Nouvelles, Carnac, Editions du Menhir, 2013, 64 p. DELAMAIN Jacques, Pourquoi les oiseaux chantent suivi du Journal de guerre d’un ornithologue Un court recueil de 8 nouvelles écrites par un auteur dont on sent qu’il s’est documenté et tient à Paris, Editions Les Equateurs, coll. Parallèle, 1928, réédition 2011, 226 p. évoquer des lieux de l’Aisne : Laffaux, le Chemin des Dames, mais aussi Saint-Quentin, Laon ou encore Soissons. On croit savoir que la première nouvelle écrite a été celle consacrée à Samba Diallo, Tirailleur dit sénégalais, éleveur Wolof comme il préfère se présenter, et interprète pour son unité. Le 28 février dernier, en écoutant la mode de tout. Et pourquoi, après tout, le Rouge-Queue Thierry Bonneyrat explore et fait s’entrecroiser dans ces nouvelles des destins divers : aviateur alle- chronique matinale de Philippe Meyer m’a-t-il semblé sinistre ? Toutes ces murailles ruinées, il mand, otages français à Senlis, travailleur chinois, soldats et sapeur d’un jour. consacrée à la réédition en 2011 les guette ; l’obus a fait pour son nid des caches innom- d’un ouvrage de Jacques Delamain brables. (…) Dans la plaine, vers les tranchées de première Le recueil se lit bien et, si on regrette parfois des formulations trop insistantes, on sait gré à l’auteur (1874-1953), ornithologue auteur de ligne, très peu d’oiseaux. Les Alouettes sont toujours là, joie ces quelques phrases qui résonnent comme le programme de ces histoires : « La guerre est prévisible Pourquoi les oiseaux chantent, on est des champs, même dévastés comme ceux-ci, coupés de mais pas les hommes qui la font. » Dans la nouvelle intitulée « La fin », ces quelques lignes aussi en étonné d’en arriver à 1914-1918. boyaux, salis par la terre marneuse mêlée de sable. » guise d’introduction : « A 10 h 18, une fusée lance l’assaut. Les hommes surgissent hors des terriers. Ils hurlent de peur et de courage. Ils courent et trébuchent. Ils courent et explosent. Ils courent, se A parcourir ensuite la biographie de A mesure que les années de guerre passent, il persiste à, démembrent et giclent. Certains courent jusqu’aux tranchées. Ceux qui peuvent. Ils plongent sur les Jacques Delamain, on croise d’autres auteurs (écrivains semble-t-il, se refuser à faire allusion à tout autre événement casques. Pas de visage, pas de nom. Que des ennemis, des forces à abattre. Indéfiniment.(…) » comme son frère Maurice, patron des éditions Stock en guerrier que les bombardements ou une permission. Les 1921) et artistes (le compositeur Olivier Messiaen par oiseaux, moins nombreux, ne donnent plus que de faibles exemple) qui attestent son intégration dans le petit monde signaux de vie pourtant essentiels à l’ornithologue : en 1918, Rémy Cazals (dir.), 500 Témoins de la Grande Guerre, e Editions midi-pyrénéennes-Edhisto-Ministère de la Défense de la création du début du XX siècle. Ses livres d’ornitho- le 21 mars, entendre un (DMPA), 2013, 496 p. logie comme - outre l’ouvrage dont il est question ici- Les Rouge-Queue, ce « petit Jours et les nuits des oiseaux (première édition en 1932), égrènement de “ verre La lettre du Chemin des Dames Dans l’avalanche éditoriale Portraits d’oiseaux (en deux volumes, 1938 et 1952), Les pilé ” m’a fait du bien ». (avec du bon et du moins Rémy Cazals (dir.) Oiseaux s’installent et s’en vont (1942) connaissent alors un L’année 1918, Jacques revue éditée bon) que promet la commé- grand succès. Delamain semble se par le Conseil général de l’Aisne moration du centenaire de 500 TÉMOINS concentrer plus encore n° 28 / été 2013 la Grande Guerre, voilà un DE LA 1914-1918 : c’est que Jacques Delamain est aussi un soldat sur les oiseaux et sur eux ISSN : 2259-1141 ouvrage qui trouvera sa place GRANDE à qui il paraît naturel de noter, dans son journal de guerre, uniquement ne mention- - Directeurs de la publication : parmi les incontournables : la présence des oiseaux dans l’Aisne, à Verdun ou sur la nant qu’une bataille, une 38 Yves Daudigny, Philippe Mignot 500 témoins de la Grande GUERRE Marne. On est surpris, donc, de lire ces pages qui men- seule, entre parenthèses. - Rédacteur en chef : Guerre, à paraître au mois de tionnent une variété d’oiseaux sur le front, là où l’on s’ima- « 1918 13 mars (…) Damien Becquart septembre 2013. Ce travail ginait, en dehors des bombardements, un silence absolu ; deux moineaux piaillent - Comité de rédaction : Damien Becquart, Anne au long cours dirigé par surpris parce qu’il faut bien admettre aussi, s’agissant de la sans entrain au moment Bellouin, Caroline Choain, Yves Fohlen, Michel Rémy Cazals a été précédé guerre, qu’on ne s’était jamais réellement posé la question du coucher du soleil, Sarter, Franck Viltart de la mise en ligne sur le de la continuité de la vie de la nature. seul petit brin de vie - Assistante : Karine de Backer site internet du Collectif de - Mise en page : Damien Becquart dans toute cette mort ». - Ont participé à ce numéro : Gil Alcaix, Ber- recherche international et Ce journal, publié à la fin de l’ouvrage, débute le 30 avril « 19 mars. Des Grives de débat sur la guerre de 1915, dans l’Aisne. Dans ces pages, l’ornithologue continue sont passées, ces jours, nard Bacelon, Jean-François Jagielski, Gaëtan ÉDITIONS MIDI-PYRÉNÉENNES / EDHISTO / MINISTÈRE DE LA DÉFENSE-DMPA Thomas 1914-1918 (CRID 14-18) ses études, ce qui explique sans doute le peu de notations et les Poilus ont tiré. » - Remerciements particuliers : de notices sur de nombreux Dessin de TARDI relatives à la guerre elle-même. « 10 septembre. (…) Christian Jomard, Sandrine Bucher, Archives acteurs du conflit - du trou- Aux abords du village le départementales de l’Aisne, Musée du Service pier au général - qui ont raconté une expérience de guerre. Chacune « 1915 1er mai (…) Tous les oiseaux familiers sont là, dans Pouillot Véloce compte de santé des Armées au Val de Grâce, Ministère Un soldat tenant sa pie apprivoisée « Margot » sur la interroge le témoin, son identité sociale, sa position dans les hiérar- la petite vallée au-dessus de laquelle les obus passent et patiemment ses écus, le de la Culture et de la communication-Média- route 44 en juin 1915. Photographie réalisée par André chies militaires... et son témoignage, contenu évidemment, mais aussi repassent. (…) Les migrateurs sont tous présents comme si Verdier répète son « dr- Tropamer, agent de liaison au 127e RI (voir La lettre du thèque de l’architecture et du patrimoine, Biblio- conditions dans lesquelles le récit a été fixé et transmis. Ce travail de Chemin des Dames n° 25). Collection Tropamer-Sargos thèque de l’Académie nationale de médecine. rien n’ était changé (…) » dr-dr » ; des Moineaux collecte et d’analyse critique débouche aujourd’hui sur la publication Peu à peu, la guerre s’invite dans le récit et, surtout le senti- piaillent dans un trou Abonnement gratuit sur demande auprès de d’un dictionnaire qui confronte l’événement 14-18 et sa mémoire à ment de mort. du mur, une Hirondelle gazouille. Vers le nord (attaque de la mission Chemin des Dames/Familistère de Guise : [email protected] 500 acteurs-témoins, citoyens sous l’uniforme, militaires et civils. Le « 1917 13 août. (…) Salué à l’entrée du village par un Montdidier), le canon tonne sans arrêt depuis hier soir et les Tél. 03 23 24 88 39 lecteur pourra se laisser guider dans ce volumineux ouvrage (496 magnifique 150 qui me couvre de terre. Me suis secoué “ départs ” des gros coups font vibrer les vitres de la salle pages) par les index permettant, précisent les auteurs, instinctivement pour savoir si j’étais entier. Le premier chant d’école. » Nous écrire : La lettre du Chemin des Dames, « de retrouver les noms de personnes et de lieux, les thèmes traités et d’oiseau qui me frappe dans le village – et quel village, un mission Chemin des Dames/Familistère de les numéros des unités pour les militaires ». Une autre entrée dans le amas de ruines, de pans de murs inclinés dans tous les Une belle manière de prendre conscience, par ce témoi- Guise, Conseil général de l’Aisne, recueil est permise par la photographie : de nombreux clichés y sont sens, de briques…- est celui du Rouge-Queue noir. Il me gnage, que la Guerre existe aussi sans la guerre, c’est-à-dire rue Paul Doumer, 02013 Laon Cedex. Réédition mars 2015 : Imprimerie reproduits, rappelant que « la photographie, aussi, fait partie du témoi- paraît lugubre aujourd’hui cet amoureux des ruines, de la sans le fracas des armes mais dans ces moments calmes où du Conseil général de l’Aisne gnage de la Grande Guerre ». désolation. (..) ici son chant prend un caractère sinistre- les hommes mobilisés peuvent renouer avec leurs pratiques Le texte de 4e de couverture indique à quel saint se voue cette vaste ment joyeux, une joie de cimetière, et la petite pirouette antérieures : regarder les paysages pour les uns, écouter les entreprise éditoriale qui donne vie à une littérature du témoignage qu’il fait en l’air en poursuivant sa femelle prend des allures oiseaux pour les autres, (re)découvrir, dans ces territoires dont les artisans « n’étaient pas, pour la plupart, des professionnels de de danse de croque-mort. Pour tous les autres oiseaux, ou de guerre, pour tous, l’étrangeté quotidienne de menus faits l’écriture » : Jean Norton Cru. presque tous, il y a ici vraiment trop de désolation. » oubliés. Manière aussi pour Jacques Delamain, comme Ce dictionnaire, enfin, est magnifiquement servi par le dessin de cou- le résume Philippe Meyer, de maîtriser encore un monde verture signé Jacques Tardi. Jacques Delamain tempère pourtant ce tableau lugubre : (détruit), sans s’en croire le maître. D.B. « un couple de Linottes (…) une joie de vivre qui s’accom- A.B. Agenda Coin image

Caverne du Dragon/Musée du Chemin des Dames “ Du blé ! Exposition temporaire en accès libre : carnet de guerre d’un poilu, un roman graphique de barroux

programmation culturelle et visites sur le chemin des dames (voir p. 3)

visites de la caverne du dragon Toute la semaine de 10 h à 19 h en juillet et août (18 h à partir de septembre), en visite guidée exclusivement (durée 1 h 30). Départ de visite : 10 h 15, 11 h, 12 h (en anglais), 13 h 15, 14 h, puis toutes les 30 minutes. Dernier départ à 17 h 30.

Tél : 03 23 25 14 18 ou www.caverne-du-dragon.fr

Abbaye de Vauclair

août - Visite-explication, le jardin de plantes médicinales, par Claude Enault. - Dernier week-end : les 5es rencontres médiévales de Vauclair.

- Fin août-début septembre : vannerie d’art par Corinne Sohet.

septembre - Exposition : Dominique Gall peintre animalier et Daniel Houart, sculpteur animalier. - Dernier week-end : rencontres autour de la mycologie : le champignon, roi de Vauclair. François-Xavier Dessirier octobre - Sculpture sur bronze par Didier Hannecart. Récoltes et pratiques fiscales - Hommage à Michel Guillebart, « Le monde fabuleux des orchidées », à une date en France, XVIe-XIXe siècle “ non encore arrêtée. Tel est le titre de l’exposition temporaire qui s’est ouverte Expositions permanentes : le week-end de 14 h à 18 h 00 : « Ces vies à le 1er juillet au Centre historique du monde du travail créé Vauclair », « Vauclair parmi ses sœurs cisterciennes axonaises », « Les filles de et animé par Stéphane Bedhome, historien et archiviste. Vauclair : l’abbaye du Reclus, l’abbaye de la Charmoy ». L’installation que propose le musée de Vassogne trouvera assurément dans l’actualité politique et sociale une belle Dépliant d’information sur l’abbaye de Vauclair disponible gratuitement sur place. accroche : la question de la fiscalité - justice et efficacité, Visites guidées sur rendez-vous. acceptabilité des prélèvements... - y figure en bonne place, révélant la permanence des enjeux idéologiques Association des Amis de Vauclair Tél : 03 23 22 43 02 autour de l’impôt et leur intensité en période de crise. Mais ici, au musée de l’outil, c’est dans le substrat que le propos puise : l’exposition propose un voyage dans Fort de Condé l’histoire en présentant « un panorama des pratiques fiscales liées au grain dans la France de l’ancien régime - Jusqu’au 14 août, exposition « gravures de poilus ». puis au XIXe siècle (...) Tout commence par la récolte des - 17 août : visite des forts de la Malmaison et de Condé. De 10 h 30 à 16 h 30. “ grains d’or ” », écrit dans sa note d’intention Stéphane Repas tiré du sac. RDV à la Caverne du Dragon (bus loué). Bedhome. Partant de l’outil et de ses usages, qu’il sait - Les samedi 14 et dimanche 15 septembre : Journées du patrimoine. magnifier :« le tranchant des faucilles, sapes et faux Visites guidées supplémentaires les 2 jours, à 10 h et 12 h. Tarif réduit pour tous. est alors à l’œuvre pour coucher l’épi. Puis vient la mise - Du 24 août au 8 novembre : exposition sur le thème de l’arbre. en botte, le battage et dépicage puis le stockage (...) , il - Les samedis 31 août et 20 octobre : contes au pied des arbres. s’attache à montrer comment de la récolte on passe à la - Les 21 et 22 septembre après-midi : Démonstrations d’artisans et artistes du mesure et de la mesure à la valeur prélevable en nature. bois (sciage, sculpture, ébénisterie…). A observer « l’armada d’objets anciens » présentés dans - Samedi 5 octobre : conférence sur les arbres remarquables par G. Feterman l’exposition qui ont nom de « coffins, onglets, aiguilles (s’incrire au préalable au 03 23 54 40 00), stand de l’association A.R.B.R.E.S., à botteler, tribulum, fléaux, bâtardières », on dira : il fut atelier d’écriture et de typographie par les Editions de l’Arbre. un temps où l’impôt entretenait un commerce avec la Ouvert tous les jours jusqu’au 15 novembre de 9 h 30 à 17 h 30 (18 h 30 poésie ! jusqu’à fin août). Visites libres toute la journée, visites guidées à 14 h et 16 h. D.B. Fermeture le 15 novembre. Centre historique du monde du travail à Vassogne Renseignements : 03 23 54 40 00 - www.fortdeconde.com www.outilsvassogne.fr