Carnets, Première Série - 2 Numéro Spécial 10-11 | 2011, « D’Un Nobel L’Autre » [En Ligne], Mis En Ligne Le 16 Juin 2018, Consulté Le 23 Septembre 2020
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Carnets Revue électronique d’études françaises de l’APEF Première Série - 2 Numéro Spécial 10-11 | 2011 D’un Nobel l’autre Cristina Álvares, José Domingues de Almeida et Maria de Jesus Cabral (dir.) Édition électronique URL : http://journals.openedition.org/carnets/3261 DOI : 10.4000/carnets.3261 ISSN : 1646-7698 Éditeur APEF Édition imprimée Date de publication : 1 janvier 2011 Référence électronique Cristina Álvares, José Domingues de Almeida et Maria de Jesus Cabral (dir.), Carnets, Première Série - 2 Numéro Spécial 10-11 | 2011, « D’un Nobel l’autre » [En ligne], mis en ligne le 16 juin 2018, consulté le 23 septembre 2020. URL : http://journals.openedition.org/carnets/3261 ; DOI : https://doi.org/ 10.4000/carnets.3261 Ce document a été généré automatiquement le 23 septembre 2020. Carnets est mis à disposition selon les termes de la licence Creative Commons - Atribution – Pas d’utilisation commerciale 4.0 International. 1 SOMMAIRE D’un Nobel l’autre Cristina Álvares, José Domingues de Almeida et Maria de Jesus Cabral I. Résistance de la modernité littéraire et critique Le promontoire de la langue : variations sur une métaphore dans trois petits traités de Pascal Quignard Cristina Álvares Mutations du roman français depuis les années quatre-vingt : le parcours de Jean Echenoz Dominique Almeida Rosa de Faria D’une forêt à l’autre: quelques remarques à propos des discours de Stockholm de Claude Simon et de J.M.G. Le Clézio Felipe Cammaert D’un discours l’autre : Mise en contexte littéraire et culturelle des discours de Stockholm de Cl. Simon et J-M G. Le Clézio José Domingues de Almeida II. Postmodernité et minimalisme dans la fiction narrative de langue française L’utopie de l’internation littéraire Abdelghani Fennane Textes brefs de Le Clézio: incertitudes et lueurs Isabelle Roussel-Gillet Introduction à la lecture de Jean-Marc Lovay: à propos du livre Epître aux Martiens Maria Hermínia Amado Laurel III. Autobiographie et jeux autofictionnels Figurações do feminino em Printemps et autres saisons de J.-M. G. Le Clézio Ana Alexandra Seabra de Carvalho L'étrangeté, l'exil et l'amour chez Beckett Béryl Schlossman Les récits d’enfance lecléziens – entre autobiographie et fiction Roxana-Ema Dreve Carnets, Première Série - 2 Numéro Spécial 10-11 | 2011 2 IV. Littérature et Histoire Étoile Errante, de J.M.G. Le Clézio: L’Histoire dé-historisée Maria da Conceição Carrilho L’Acacia de Claude Simon: L’écriture à l’épreuve du tragique Maria de Jesus Cabral V. Écriture, images et phénomènes médiatiques L’actualité de Sartre sur la scène portugaise Ana Clara Santos L’écrivain sous les feux des projecteurs: étude d’un phénomène contemporain dans le champ littéraire européen d’expression française Corina da Rocha Soares Réflections préliminaires à une étude du thème de l’eau et de l’extase dans la littérature et le cinéma franco-vietnamiens Géorges van den Abbeele Petits tours: representações do circuito turístico em Lawrence Durrel, David Lodge e Didier van Cauwelaert Isabel Peixoto Correia et Sandra Raquel Silva Gestes et visages. Nicolas Bouvier et le regard de l'autre Lénia Marques VI. Essai D’un nobel l’autre : Mutations culturelles et évolutions esthétiques de la littérature narrative en France Bruno Blanckeman Carnets, Première Série - 2 Numéro Spécial 10-11 | 2011 3 D’un Nobel l’autre Cristina Álvares, José Domingues de Almeida et Maria de Jesus Cabral 1 Entre l’attribution du Prix Nobel de Littérature à Claude Simon (1985) et la récente reconnaissance de l’œuvre littéraire de J-M. G. Le Clézio (2008) par l’Académie suédoise s’étale tout un empan chronologique, esthétique et critique au sein des littératures de langue française qu’il y a tout lieu de creuser, mais dont on peut, d’ores et déjà, dégager les repères et les volets majeurs. 2 En effet, ces deux décennies littéraires voient le congédiement du Nouveau Roman (consacré, il est vrai, par le Nobel) et de la Textualité des années soixante-dix; l’émergence de nouveaux auteurs et de nouvelles formes scripturales (postmodernité, minimalisme, autofiction, écritures de l’insolence à portée médiatique); des prises de position très critiques, aussi bien hexagonales qu’étrangères, sur l’état et l’évolution de la littérature française, et de la culture française en général; l’émergence de nouveaux soucis pour la critique littéraire française, ou encore l’impressionnante reconnaissance et légitimation des littératures dites “francophones”, périphériques par rapport à l’Établissement littéraire parisien, et qui pointent ce que d’aucuns, dont Le Clézio, désignent comme “littérature-monde en français”, ainsi que l’évidence de nouveaux vecteurs thématiques: le multiculturalisme, l’interculturalité, l’écocritique, les études féminines, homosexuelles, noires, etc. 3 En fait, il s’agit de mettre en lumière toute une mutation française et francophone dans les pratiques culturelles et scripturales, ainsi qu’un changement profond dans la conception même de l’écriture littéraire et de la culture en général, perçue dans son effritement, sa dislocation et sa reformulation, et ce souvent dans un contexte marqué par un discours décliniste hexagonal qui en rajoute à la complexité et perplexité de l’approche critique. 4 Les contributions plurielles de cette publication nous aideront à y voir plus clair et à mieux baliser les enjeux des différents aspects de la contemporanéité littéraire en langue française qui se voit, par ce Nobel, à nouveau reconnue et prisée. Carnets, Première Série - 2 Numéro Spécial 10-11 | 2011 4 I. Résistance de la modernité littéraire et critique Carnets, Première Série - 2 Numéro Spécial 10-11 | 2011 5 Le promontoire de la langue : variations sur une métaphore dans trois petits traités de Pascal Quignard Cristina Álvares Postmoderne et substance 1 L’Origine – irrémédiablement perdue mais dont il reste un petit quelque chose, appelé ‘sordide’ – est le référent majeur des fictions et des réflexions quignardiennes. L’Origine est la désignation de l’Être – puisque c’est là, à la source, c’est alors, Jadis, que l’on a vraiment existé, que l’on a réellement été, et c’est pourquoi la perte de l’Origine a fait de nous des ‘ombres errantes’, des être de désir. L’origine est appelée aussi ‘le fauve’ et ‘le nu’: le langage nu (lettre), la musique nue (chant des sirènes), la nudité des dieux (phallus); mais aussi la violence prédatrice. L’approche quignardienne de l’Origine semble osciller entre vide (le blanc, la nuit, l’absence, la scène invisible) et plein: présence massive et substantielle de quelque chose de vivant, le comble du vivant. Pour faire contraste modernité et postmodernité, Zizek les représente par un écrivain: Beckett serait l’écrivain moderne car chez lui la réalité (discours, activités, liens) s’ordonne autour d’un trou, l’absence de Godot – nom du référent qui n’existe pas; de son côté, Kafka serait l’écrivain postmoderne puisque dans ses fictions la place centrale du référent, loin d’être vide, est bel et bien remplie par la présence écrasante de quelque chose de féroce et d’obscène (Zizek,1997:145-6). En transposant à Quignard, on pourrait dire que le traitement qu’il fait de l’Origine vacille entre Beckett et Kafka et que ces deux tendances ne sont pas mutuellement exclusives, elles coexistent et se superposent même, avec des accents différents, à travers un trait commun qui est celui de la violence, la violence du réel hyperesthésique. Mon objectif est de montrer que les trois petits traités de 1993, 1994 et 1995 s’alignent selon une progression qui va de Beckett à Kafka: l’accent est mis d’abord sur le vide, le manque, le négatif (Nom sur le bout de la langue), puis sur la substance, la force vitale, la nature comme physis, c’est-à- dire un corps animée (on voit ici que le postmoderne – c’est un de ses traits – a le goût Carnets, Première Série - 2 Numéro Spécial 10-11 | 2011 6 de l’ancien et même de l’archaïque), en passant par un stade intermédiaire représenté par Le sexe et l’effroi. Cette transformation substantialiste mobilise le rapport du langage à la nature: perçus comme ontologiquement étrangers l’un à l’autre dans Nom sur le bout de la langue et Le sexe et l’effroi (langage comme forme et nature comme force), langage et nature ont la même ontologie dans Rhétorique spéculative (force). À la périphérie 2 J’ai parlé de place centrale vide ou pleine. Mais il faut préciser que Quignard ne conçoit pas l’Origine comme étant au centre (de l’univers humain, du symbolique). Au contraire, elle se trouve à la périphérie, à l’extrémité, au bout. Remarquons que cette décentration du référent majeur prend tout son sens dans le cadre du projet littéraire de Quignard qui consiste à réhabiliter des textes que les grands discours catégoriels, génériques, canoniques, doxaux ont repoussé à la frange du monde, à la marge du groupe social, faute de les avoir enregistrés comme valeurs dans le grand texte de la mémoire collective. L’argument le plus efficace à mon avis pour procéder à cette ‘périphérisation’ de l’Origine consiste dans la réappropriation, dans Rhétorique spéculative, de la thèse de Serge Moscovici sur l’hominisation comme ‘cynégétisation’. Selon lui, chez les primates, le mâle dominant, qui occupe le centre du territoire du groupe avec les femelles et les petits, repousse les mâles subadultes vers les marges pour les empêcher d’accéder aux femelles. On reconnaît le scénario darwinien à partir duquel Freud a composé sa fiction du parricide primordial. Pourtant Moscovici, et Quignard avec lui, racontent une histoire différente, dont le sens est centrifuge. À la périphérie, les jeunes mâles s’exposent aux attaques des prédateurs. La solution n’a pas été celle, racontée par Freud, de la horde qui vient vers le noyau central pour y tuer le père.