La Haute-Vienne aujourd'hui CHEZ LE MÊME ÉDITEUR :

Collection « Géographie des départements français » Sous la direction de MM. Roger BÉTEILLE, professeur à l'université de , Jean COMBES et Michel LUC, inspecteurs de l'Education nationale. les Deux-Sèvres aujourd'hui

Collection « Histoire des départements français » Sous la direction de MM. Jean BRIGNON, Jean COMBES et Michel LUC. la Charente-Maritime des origines à nos jours l'Indre-et- des origines à nos jours la Vendée des origines à nos jours la Sarthe des origines à nos jours

Document de couverture Vue aérienne du lac de Vassivière où l'on peut voir, au premier plan, le village d'Auphelle et les aménagements touristiques. On reconnaîtra au centre l'ne aux Serpents puis l'ne de Vassivière, recouverte de prairies. A l'arrière-plan s'étend le plateau de Millevaches, c'est-à-dire aux mille sources. (Photo Clara). Document page 7 Le plan des Trésoriers. La Haute-Vienne aujourd'hui

Etude géographique

Olivier Balabanian Maître assistant, docteur ès lettres, université de Guy Bouet Docteur ès lettres, professeur, université de Limoges

Editions Bordessoules S aint-Je an-d'Angély — 1983 — @ Editions Bordessoules, 1983. ISBN 2-903504-14-8

Introduction

Le département de la Haute-Vienne, situé à l'ouest du et du Limousin, est un carrefour naturel au contact de régions variées : le Berry au nord, le Haut-Poitou et les Charentes à l'ouest, le Périgord au sud-ouest, les plateaux corréziens et creusois au sud et à l'est. Zone de transition, la Haute-Vienne permet le passage progressif des plaines et plateaux du nord et de l'ouest vers la montagne.

Les origines du département de la Haute-Vienne La création du département de la Haute-Vienne n'a guère posé de problèmes. Pour- tant, la situation administrative antérieure était localement aussi compliquée qu'ailleurs. En effet, quand commencèrent les travaux de leur Assemblée pour clarifier la situa- tion administrative de la France, les Constituants durent débrouiller un imbroglio local. En particulier la généralité de Limoges, créée en 1558, était beaucoup plus grande que le gou- vernement du Limousin et comprenait, avec les 13.664 km2 de ses cinq élections de Limo- ges, Angoulême, Bourganeuf, Brive et Tulle, l'Angoumois et le gouvernement de la Marche. La province de la Marche était elle-même écartelée entre les généralités de Limoges et de Moulins. En d'autres termes, la généralité de Limoges ne coïncidait ni avec la pro- vince du Limousin, ni avec l'ensemble Marche-Limousin, et la présence d'enclaves poitevi- nes compliquait encore cette situation administrative déjà assez confuse. La rupture avec la situation antérieure qu'a été la création des départements a pour- tant été facile en Limousin. Déjà, lors de la création des Assemblées provinciales, chaque province avait revendiqué son autonomie et l'Angoumois avait vigoureusement manifesté sa volonté de se séparer du Limousin. De même, la Marche, dans les cahiers des Etats généraux, voulait reprendre forme entre le Limousin et le Bourbonnais. Cette dernière doléance fut rejetée et l'on décida (comme l'indique le « Rapport sommaire sur la nouvelle division du Royaume », rapport dont la lecture fut faite le 8 janvier 1790 à l'Assemblée constituante par Bureaux de Pussy) que Marche et Limousin devaient former trois dépar- tements dont l'un, la future Haute-Vienne, serait constitué, pour moitié, par des pays de la Marche et, pour l'autre moitié, par des pays du Limousin. C'est donc dans l'ensemble Limousin-Marche qu'ont été dessinées les divisions admi- nistratives limousines et le département de la Haute-Vienne en particulier. Ceci place le Limousin-Marche dans une situation assez proche de la Bretagne, de la Lorraine ou de l'Alsace dont les cadres territoriaux ont constitué la coquille exacte d'un groupe de dépar- tements.

L'établissement des frontières de la Haute-Vienne A l'intérieur de l'ensemble Marche-Limousin, la délimitation des trois départements ne posa guère de problèmes sérieux dans la mesure où les principales villes de cet ensemble étaient éloignées les unes des autres et très distantes des grandes cités environnantes comme Angoulême et Poitiers. Dès le 25 janvier 1790, Gossin (qui avait déjà, le 22 janvier, été rapporteur pour la « constitution du département de Guéret de 288 lieues carrées ») présentait son rapport sur le département du « Haut-Limousin » qui devait devenir celui de la Haute-Vienne. La brièveté du procès-verbal montre que l'accord fut aisé entre les députés des provinces devant former les trois départements limousins et ceux des territoires à y rattacher. De fait, les difficultés furent bien peu nombreuses. Le principal obstacle vint des représentants de la Basse-Marche qui insistèrent long- temps pour obtenir la création d'un département, avec Le Dorat pour chef-lieu, regrou- pant les sénéchaussées de Basse-Marche et de Montmorillon. Plus facilement, les députés du Poitou renoncèrent à l'enclave de Rochechouart convoitée par l'Angoumois. En fin de compte, le département fut constitué selon le « procès-verbal » de constitu- tion et de délimitation territoriale du département de la Haute-Vienne » du 5 février 1790. Vers le sud, on a partagé à peu près également les territoires situés entre Limoges et Tulle. Au sud-ouest, les anciennes limites entre le Périgord et le Limousin ont été respectées. Vers l'ouest, Rochechouart et toute la partie enclavée du Poitou est récupérée par le départe- ment. Vers le nord, quelques paroisses du Poitou et du Berry sont intégrées. Enfin, vers l'est, les territoires entre Limoges et Guéret ont été divisés, à peu près également, en deux. En dehors du nom, d'abord Haut-Limousin, puis Haute-Vienne, et bien que des recti- fications ultérieures aient été prévues, rien ne fut modifié à l'assise territoriale du départe- ment. La surface de la Haute-Vienne est restée ce qu'elle était à l'origine, soit 288 lieues carrées, ou 5.516 km2. La population était alors un peu supérieure à 200.000 habitants. Même l'organisation interne originelle du département s'est maintenue jusqu'à nos jours sans subir de gros changements.

La survie des cadres locaux Dès l'origine et sans aucune contestation, par opposition à ce qui s'est passé en Creuse où Aubusson faillit ravir à Guéret le rôle de chef-lieu, Limoges fut déclarée chef- lieu de département et, bien naturellement, l'est restée jusqu'à nos jours. Le département était divisé en 6 districts, 40 cantons et 247 communes. Ce tableau originel des divisions administratives, publié au décret du 5 février 1790, fut quelque peu altéré par la suite. C'est ce qui se passa pour les communes, circonscrip- tions de base, qui prirent d'abord leur assise sur les anciennes paroisses. A l'origine, elles furent très nombreuses ; par exemple, la ville de Limoges comprenait trois municipalités : la Ville, la Cité et Saint-Christophe. Dès le mois de juillet 1790, alors que l'on dressait un relevé numérique de la population « active » en vue des élections pour la formation des corps administratifs, certaines communes avaient déjà disparu. D'ailleurs, toute latitude avait été laissée à l'administration pour opérer des modifications. De même, les représen- tants du peuple en mission procédèrent à des regroupements. Ainsi, en septembre 1792, le conseil général rattacha à Limoges les municipalités de La Bruyère, Uzurat et Soubrevas- Sainte-Claire. Puis, le directoire du district de Limoges annexa à cette ville les communes de la Cité et de Saint-Christophe. Après la réorganisation des municipalités en l'an VIII et les réajustements opérés sous la Restauration, 42 communes disparurent sur les 247 originelles. Cependant, leur nom d'origine, à quelques exceptions près, se maintint, et ce malgré les altérations opérées sous la Convention. Cette assemblée avait, en effet, exhorté les communes à éliminer tous les noms rappelant l'Ancien Régime comme les noms en « château », « saint », etc. 25 com- munes du département se mirent en règle ; par exemple, Rilhac-Lastours devint, pour un temps, Rilhac-Chaumière. Rien, sur le plan communal, ne fut plus modifié jusqu'à nos jours, si ce n'est quelques regroupements de communes, si bien que la Haute-Vienne compte, désormais, 201 communes. Les modifications, en ce qui concerne les cantons, ont porté sur les villes et leur péri- phérie ; ainsi, récemment, les cantons de Limoges sont passés à 12 et ceux de Saint-Junien de 1 à 2. Le département de la Haute-Vienne compte aujourd'hui 38 cantons. Les modifi- cations, en ce qui concerne les arrondissements, furent importantes. Le procès-verbal d'avril 1790 prévoyait la division du département en 6 districts subégaux, en surface et en population, et ayant pour chefs-lieux Limoges, Le Dorat, Bellac, Saint-Junien, Saint- Yrieix et Saint-Léonard. Le nombre de districts, appelés désormais arrondissements, fut ramené à 4 en l'an VII (Limoges, Bellac, Rochechouart et Saint-Yrieix), puis à 3 en 1926 : Saint-Yrieix fut alors l'une des 75 sous-préfectures supprimées en France.

Unité et diversité géographiques de la Haute-Vienne Comme presque tous les départements, la Haute-Vienne a des frontières artificielles. Situé à cheval sur la frontière séparant les pays de langue d'oc au sud et les pays de langue d'oïl au nord, ce département comporte, néanmoins, des facteurs d'unité qui l'emportent largement sur les facteurs de diversité.

L'unité humaine La Haute-Vienne n'a rien à voir avec ce type de département humainement artificiel représenté par la Haute-Loire écartelée entre l'Auvergne et le Bas-Languedoc, tiraillée entre les influences stéphanoises et clermontoises. L'unité est ici réelle, comme dans la Creuse voisine, et par opposition à la Corrèze ; l'unité n'est pas rompue par une annexe physiquement, économiquement et humainement étrangère comme le bassin de Brive, bien plus aquitain que limousin. L'unité est accentuée par la polarisation incontestée dès l'origine qui s'est opérée au bénéfice de Limoges ; pas de tiraillement, comme en Creuse entre Guéret et Aubusson ou, en Corrèze, entre Tulle et Brive. La Haute-Vienne a immédiatement constitué une unité administrative bien centrée sur Limoges et sans possibilité d'éclatement. Cette unité admi- nistrative s'appuie sur une unité économique.

L'unité économique En 1968, mis à part les cas particuliers des cantons de Limoges et de Saint-Junien, la population agricole active représentait encore plus de 40 % de la population active totale dans 16 cantons, c'est dire le rôle considérable que jouait l'agriculture dans l'économie de ce département. Certes, depuis 1968, le nombre d'agriculteurs s'est considérablement réduit, néanmoins, la Haute-Vienne est restée un département très agricole et Limoges est fière d'organiser chaque année les journées de l'élevage qui en font, pour quelques jours, la capitale de l'agriculture limousine. Le chiffre d'affaires de l'agriculture est supérieur à celui de branches industrielles réputées ; elle représente l'une des richesses de ce département. Toutefois, l'exploitation traditionnelle du bois dans la Châtaigneraie, de Saint- Mathieu à Saint-Yrieix-la-Perche, le travail également traditionnel du cuir à Bellac ou à Saint-Junien, la porcelaine à Sauviat-sur-Vige ou à Limoges, les nombreux moulins à grain, à huile ou à foulon autrefois installés le long de tous les cours d'eau, et, plus récem- ment, l'exploitation de l'uranium, ont conféré, et confèrent toujours à la Haute-Vienne un caractère industriel certain. Cette industrie est non seulement citadine, notamment à Limoges, mais aussi rurale. Cette tradition du travail industriel est donc elle aussi très vivante. Il reste que, en dehors de ces facteurs d'unité, des nuances sensibles permettent d'opposer entre eux plusieurs secteurs.

Une unité physique imparfaite Schématiquement, on peut dire que le département de la Haute-Vienne est constitué de plateaux qui s'abaissent du sud-est vers le nord-ouest ; tous ces plateaux, formés de roches cristallines et métamorphiques, appartiennent au Massif Central. Néanmoins, tous ces plateaux ne se ressemblent pas. A ceux de la Basse-Marche au nord, l'une des régions les plus basses du Limousin où les accidents du relief sont dus à l'encaissement des vallées, et notamment à l'encaissement de la Gartempe et de ses affluents, s'opposent les véritables plateaux limousins. Au sud des monts de Blond et d'Ambazac, séparés les uns des autres par le col de Nantiat, s'étendent les plateaux de la Vienne moyenne où est située Limoges. Au sud de la ligne des « Forêts » (Les Cars ou Fayat), les plateaux du sud-ouest limousin se prolongent jusqu'à Tulle. Dans le détail, rares sont les cantons parfaitement homogènes : sols et formes du relief y multiplient les terroirs. Les hautes surfaces sont éventrées par des rivières (la Vienne, le Taurion, la Com- bade, la Maulde ou la Briance qui coulent au fond de vallées souvent dissymétriques) et par de très nombreux ruisseaux. Au-dessus des plateaux s'élèvent des hauteurs, le plus souvent boisées ; leurs versants ne sont jamais réguliers, des replats les accidentent. Entre Vienne et Gartempe, les monts d'Ambazac (702 m au puy de Sauvagnac), autrefois pays chauve comme la Montagne limousine, et les monts de Blond (515 m au Signal de Blond) sont de petits massifs humides et froids. Pourtant, ils ont attiré les hom- mes par les richesses de leur sous-sol : autrefois, l'étain de Vaulry ou de Chanteloube ; aujourd'hui, l'uranium de la division minière de La Crouzille. Enfin, la Montagne limousine se prolonge vers l'ouest dans ce département. Elle englobe une partie du canton d'Eymoutiers et elle s'impose au milieu des plateaux d'est en ouest par une ligne de hauteurs qui s'allonge des hauts sommets bordiers (le mont Gargan) jusqu'aux monts de Châlus. Malgré cette diversité physique apparente, la Haute-Vienne présente une grande homogénéité. Mais, l'unité du département se fait aussi et surtout autour de sa capitale : Limoges.

Planche en couleurs pages 12-13 Cour du Temple. Ancien hôtel particulier du XVIIe siècle, dit des Templiers. Utilisation rationnelle des pans de bois. Loggias en pierre de taille, chapiteaux et colonnes doriques. Deux étages de caves voûtées. Pavage classique en gazettes-pavés de ville. La restauration de cet ensemble est due à l'initiative privée.

Une capitale régionale dans un pays rural : Limoges

Une installation humaine très ancienne Construite en majeure partie sur la rive droite de la Vienne, Limoges a profité de con- ditions géographiques favorables. C'est, en effet, à Limoges que se situe l'un des rares endroits permettant l'établissement d'une ville entre Saint-Priest-Taurion et Saint-Junien, le long de la Vienne parce que la vallée y est relativement large. La rivière coule à une altitude voisine de 220 m, mais elle n'est plus, comme en amont, brutalement surplombée par un plateau atteignant des altitudes supérieures à 300 m. Lors- que la Vienne pénètre sur le territoire de la commune de Limoges, la courbe des 300 m n'est située qu'à 750 m de la rivière ; en aval, quand la Vienne quitte Limoges, cette courbe est à un kilomètre du cours d'eau, mais, entre ces deux points, au droit du pont Saint- Etienne, elle s'éloigne de la Vienne d'environ deux kilomètres. Ainsi, une ligne de hauteurs de plus de 300 m (323 m à l'ouest au puy Las Rodas, 334 m au nord au Vigenal, 324 m à l'est au château de La Bastide et 350 m au cœur du bois de La Bastide) délimite une sorte d'amphithéâtre orienté au sud-est et protégé des vents froids. Cette ligne de hauteurs est relativement étroite car la vallée de l'Aurence, affluent de rive droite qui coule ici parallèlement à la Vienne, l'interrompt et les altitudes s'abaissent le long de ce cours d'eau à 295 m près d'Uzurat au nord-est, 262 m au moulin Rabaud au nord et à 239 m au moulin Blanc à l'ouest. Au-delà de l'Aurence, le plateau s'élève rapide- ment pour atteindre 416 m à Bellegarde, où ont été construits l'aérodrome et la station météorologique, et toujours plus de 300 m partout ailleurs. C'est cette protection naturelle que doit franchir la voie ferrée ; aussi, le train emprunte-t-il un tunnel en quittant la gare des Bénédictins en direction de Poitiers et la gare de Montjovis en direction d'Angoulême. De très nombreux vallons descendent des hauteurs vers la Vienne et vers l'Aurence, accidentant ainsi le site. C'est notamment le cas du ruisseau d'Anjoumar et du ruisseau de Sainte-Claire, qui ont longtemps constitué les limites de l'emprise urbaine vers l'est et vers l'ouest. Enfin, entre la Vienne et la courbe des 300 m, la pente n'est pas régulière : un pre- mier replat est aujourd'hui parcouru par les boulevards qui relient l'Hôtel de Ville à la gare des Bénédictins, un second replat correspond au plateau Saint-Michel. Or, tradition- nellement en Limousin, l'habitat s'installe sur ces replats. Selon Jean Levet, un village gaulois aurait existé sur le plateau Saint-Michel, ce qui contredit la légende selon laquelle une agglomération gauloise, Rita ou Ritos, se serait établie près du gué de la Roche-au-Gô. Mais, sur ce replat, le village était abrité et ensoleillé. A ce site favorable à l'étalement d'une ville, s'ajoutait sur la Vienne une zone guéa- ble, avant la construction des barrages permettant le fonctionnement des moulins. Ce gué de la Roche-au-Gô, situé au pied de l'actuel quai Salvador-Allende, a joué un rôle impor- tant en Gaule, selon C. Jullian qui écrit : « Les trois Etats, Limousin, Poitou, Saintonge, avaient ce caractère commun qu'ils étaient également des pays de grands passages. Chacun d'eux était coupé par deux des voies naturelles qui joignent la Loire à la Garonne... La route de l'intérieur, à la lisière des grandes montagnes, traversait la Vienne au gué de Limoges. » Ce gué a été doublé à l'époque gallo-romaine par un pont, l'actuel pont Saint-Martial. Le site de Limoges se trouvait donc ainsi sur l'axe Lyon-Saintes. A partir de cet axe, des voies permettaient d'atteindre et Périgueux vers le sud, Poitiers et vers le nord, ce qui donna naissance à un carrefour autour duquel est née la ville gallo-romaine Augustoritum, entre — 10 et — 5 av. J.-C. Augustoritum s'étendait du pont Saint-Martial à l'amphithéâtre Uardin d'Orsay) du sud au nord et entre les ruisseaux de Sainte-Claire et d'Anjoumar. Puits, aqueducs, poteries, vestiges archéologiques divers témoignent de l'importance d'une première ville qui fut pourtant abandonnée à la fin du Ille siècle de notre ère au profit du sommet du puy Saint-Etienne, moins vulnérable. Mais, le site de la ville se réduisit alors considérablement, passant de plus de 150 hectares à 3 hectares. Cet éperon de plateau dominant la Vienne, protégé à l'ouest par le ruisseau d'Anjoumar, au nord par des marécages, a donné naissance à la « Cité » où s'élève aujourd'hui la cathé- drale Saint-Etienne. Après la mort de saint Martial, apôtre du Limousin, son tombeau devint un lieu de pèlerinage, ce dont profitèrent les marchands pour créer devant l'abbaye, édifiée au IXe siè- cle, un important marché. On construisit alors un château (sur l'actuelle place de la Motte) et une nouvelle ville se développa sur l'emplacement du Haut-Augustoritum. Quelques dizaines de mètres ont séparé les deux villes, la Cité et le Château, qui ont formé deux agglomérations distinctes jusqu'à la Révolution. Certes, la ville a ensuite largement dépassé les limites des sites historiques : elle a envahi la ligne de hauteurs des 300 m. Aussi, le site actuel ne se limite-t-il plus à un secteur abrité et ensoleillé surplombant la Vienne ; il correspond à l'interfluve Vienne-Aurence pour l'essentiel. En attendant la fin des travaux de déviation de la 20, les ponts Neuf et de la Révolution sont les axes autour desquels est né un carrefour routier. Cependant, les principaux flux ne sont plus est-ouest, mais nord-sud. La voie ferrée a ren- forcé l'importance de l'axe méridien. Cette permanence d'un carrefour a donné à Limoges l'une de ses plus anciennes fonctions ; Limoges semble avoir été très tôt un marché au contact de régions variées.

Le site de Limoges Limoges aujourd'hui : des rôles multiples Ville commerçante, puis ville industrielle, Limoges est devenue depuis la Seconde Guerre mondiale une ville largement dominée par les activités du secteur tertiaire. Tout au long des décennies 50, 60 et 70, les services publics et privés y ont été multipliés, ce qui tra- duit une volonté de faire de Limoges une véritable métropole régionale. Ainsi, en une vingtaine d'années, de 1954 à 1975, les actifs de l'industrie passaient de 43,2 % à 37 % du total, tandis que les « cols blancs » du tertiaire gagnaient 8 points. Ils représentent mainte- nant 62,2 % de la population active de la ville, contre 54,5 % seulement en 1954. Il n'est donc pas étonnant que les cadres moyens et les employés constituent près de 40 % des travailleurs limougeauds, alors qu'ils n'en représentaient guère plus du quart en 1954. Mais, le nombre d'employés des services privés ne s'est accru que de 41,5 % de 1963 à 1975, alors que celui des salariés de la Fonction publique a augmenté de 70,1 % dans la même période, pour atteindre 24 0J0 de la population active. Aussi, Limoges apparaît-elle, pour une large part, comme une ville de fonctionnaires. C'est là le résultat du développe- ment de la fonction régionale de Limoges ; c'est aussi un témoignage du développement des bureaux de certaines administrations.

Localisation des principales fonctions de Limoges Une grande cité administrative Capitale régionale et chef-lieu de département, Limoges a une double fonction admi- nistrative. L'administration est, d'une part, régionale, avec les services de la préfecture de région et les diverses directions régionales (agriculture, affaires culturelles, équipement ou postes et télécommunications). Elle est, d'autre part, départementale, avec les mêmes ser- vices à l'échelon inférieur. Capitale régionale, Limoges est le siège de l'Etablissement public régional et la mise en place de la politique de décentralisation va sans doute encore accroître l'importance de l'administration dans la ville. Aussi, alors que l'immeuble du boulevard Carnot pouvait avec peine abriter les services du conseil régional, du Comité économique et social et de la Délégation régionale au tourisme, va-t-on installer les services administratifs régionaux dans un immeuble qui sera construit sur l'emplacement de l'ancien hôpital. Au total, Limoges a, et aura, les mêmes activités administratives que toutes les métro- poles régionales. Toutefois, en certains domaines (télévison, radio, sécurité sociale...), les compétences de Limoges vont au-delà des limites régionales et Limoges s'affirme par ce côté comme un pôle de décision du Centre-Ouest. Plus important encore apparaît le rôle joué par l'administration des Postes, grâce au Centre de chèques postaux et au Centre de contrôle des mandats. L'ensemble immobilier du Mas Loubier, au nord de la ville, était occupé, avant 1949, par une annexe du dépôt central du matériel des P.T.T. et par les ser- vices de l'INSEE. En 1949, l'INSEE ayant été installé dans d'autres locaux, un Centre de chèques postaux prit sa place. Il regroupe les comptes des bénéficiaires domiciliés dans les départements limousins et dans les départements du Centre-Ouest. L'annexe du dépôt cen- tral, à l'étroit au Mas Loubier, fut transféré sur un vaste terrain à Buxerolles. On a pu alors décentraliser à Limoges un centre de contrôle des mandats qui, avec 815 emplois en majorité féminins, est le plus important de France. Il traite l'émission des mandats de 56 départements, dont ceux de la Région parisienne et les mandats internationaux (240 em- plois). Certes, la modernisation de la poste, avec la liaison des bureaux de poste à un ordi- nateur par un réseau informatique, peut dans l'avenir menacer l'existence de ce centre, mais son installation a précipité la construction immobilière car il a fallu faire face à cette arrivée massive de fonctionnaires ; aussi, des logements leur furent-ils réservés dans plu- sieurs immeubles récemment construits, notamment à Bellevue et au Mas Loubier. Le développement économique de Limoges dans les années 60 a donc largement reposé sur l'essor du secteur tertiaire. Malheureusement, l'accueil de cette fonction bruta- lement gonflée n'a pas toujours été réalisé dans d'excellentes conditions : nombre de bureaux ont été hâtivement installés dans des locaux inadaptés que l'augmentation du tra- fic a rendu quasiment inutilisables. Certes, des locaux neufs et spacieux ont été construits (comme la cité administrative du cours Gay-Lussac), mais ils sont aujourd'hui eux aussi engorgés. Le plus souvent, les services administratifs ont été logés dans des immeubles qui n'avaient pas été construits dans ce but. Aussi, comme dans l'ancienne caserne vétuste qui a accueilli la cité administrative Blanqui, employés et usagers souhaiteraient-ils une modernisation des locaux. La multiplication des services administratifs a conduit égale- ment à une dispersion des bureaux à l'intérieur d'une même administration soit dans un local, soit dans des immeubles différents parfois éloignés les uns des autres. La réfection de l'ancien hôpital, près de l'Hôtel de Ville, doit permettre d'améliorer les conditions de fonctionnement de quelques services. Par ailleurs, la ville est aussi une métropole judiciaire. Limoges a des tribunaux d'ins- tance et de grande instance, un tribunal administratif, un tribunal de commerce, mais elle a surtout une cour d'appel dont le ressort correspond aux trois départements limousins et qui bénéficie d'une juridiction plus vaste dans certains domaines où elle englobe les cours d'appel de Bourges et de Riom. Deux fonctions en déclin : la fonction militaire et la fonction religieuse Jusqu'à la guerre de 1914, Limoges était le siège du 12e corps d'armée qui rassemblait une dizaine de milliers d'hommes. Les nombreuses casernes témoignent encore de l'impor- tance de la fonction militaire d'autrefois, que ce soit au nord de la ville (casernes Beau- blanc, Beaupuy ou Jourdan), à l'est (caserne Marceau) ou au sud (cité administrative Blanqui). Aujourd'hui, Limoges dépend de Bordeaux, siège de la IVe région, mais la ville a cependant conservé quelques organismes militaires. Le centre de sélection de la IVe région, rue du Pont-Saint-Martial, reçoit pendant trois jours les jeunes gens de vingt départements du Sud-Ouest et du Centre-Ouest qui viennent y subir des tests avant leur incorporation. Autres preuves de la vitalité de la garnison, le quartier général situé place Jourdan et la caserne de la Visitation (un ancien couvent occupait cet emplacement) qui est le siège de l'état-major de la 43e division militaire, correspondant aux trois départements limousins. La 15e division d'infanterie dont dépendent cinq « corps actifs » (le 126e R.I. de Brive, le 57e R.I. de Souge, le RIMA d', le 5e régiment de Dragons de Périgueux et le 20e régi- ment d'artillerie de Poitiers) et une « division dérivée », essentiellement composée de réservistes, est aussi basée à Limoges. On peut, d'autre part, citer place Marceau, dans le quartier du Crucifix, le 15e régiment de commandement et de soutien de la 15e division ; quartier Beaublanc, des éléments de ce même 15e régiment avenue Montjovis, l'établisse- ment régional du matériel et, enfin, la base aérienne 274 à Romanet (entrepôt de matériel) complètent le tableau de la fonction militaire de Limoges qui n'a plus le lustre d'antan, comme en témoigne l'état d'abandon de certains bâtiments (caserne Beaupuy). D'un autre côté, il y a également déclin de la fonction religieuse à Limoges. Si ce rôle a été primordial dans la création de la ville et dans sa vie au cours des âges, il a, par la suite, considérablement perdu de son importance dans un environnement peu favorable. Les noms de rue rappellent l'existence passée de communautés religieuses (avenue des Bénédictins, rue des Feuillants, des Filles de Notre-Dame...). Des bâtiments d'enseigne- ment (l'actuel collège Ozanam, le lycée Gay-Lussac, ancien collège de Jésuites), des monu- ments divers (cathédrale Saint-Etienne, églises Saint-Michel-des-Lions ou Saint-Pierre- Du-Queyroix, palais de l'Evêché...) sont autant de témoignages de l'activité séculaire du clergé. Cette influence de l'Eglise a eu comme origine la « Cité », mais elle a été accrue par le rayonnement de l'abbaye de Saint-Martial au Moyen Age. Née au temps des Carolin- giens, cette abbaye fut un extraordinaire foyer d'art et de culture, notamment entre 1000 et 1200. En 1732, la bibliothèque de l'abbaye, la plus riche de France après celle de Cluny au XIIe siècle, dit-on, a été vendue à la Bibliothèque royale ; l'abbaye devenue bien natio- nal pendant la Révolution a été démolie au début du XIXe siècle. Grâce à elle, Limoges a été, note J. Chailley, le premier conservatoire où s'est forgé pour plusieurs siècles l'art de l'Europe : musique et théâtre religieux donnèrent à Limoges un rayonnement fort lointain. C'est aussi à l'abbaye de Saint-Martial qu'on doit l'inven- tion des émaux champlevés. Il n'est donc pas étonnant que le « chef » de saint Martial orne aujourd'hui le blason de Limoges. Et pourtant, l'influence du clergé est bien modeste aujourd'hui, dans un milieu où la pratique religieuse moyenne serait d'environ 12 %, malgré la présence d'un évêché (le dio- cèse de Limoges comprend les départements de la Creuse et de la Haute-Vienne) et de quel- ques communautés religieuses (Carmélites ou Clarisses). Toutefois, tous les sept ans, les cérémonies des Ostentions rassemblent de nombreux fidèles et des Limougeauds très attachés à tout ce qui rappelle les traditions populaires locales. C'est en 944 qu'eut lieu la première Ostention à la demande des évêques d'Aqui- taine, mais la périodicité n'a été établie qu'en 1519. Après que le maire de Limoges, l'évê- que du diocèse, le curé de Saint-Michel et le premier bayle de la confrérie de Saint-Martial aient ouvert la châsse du saint, les reliques de saint Martial et des principaux saints du Limousin sont portées solennellement le long des rues, manifestations à la fois religieuses et folkloriques, auxquelles participent les confréries locales et, en particulier, celle de Saint-Aurélien composée de bouchers.

La fonction intellectuelle et culturelle En créant l'académie de Limoges par le décret du 20 avril 1965 et l'université par le décret du 24 octobre 1968, Paris complétait les attributs de la capitale régionale. Ces deux créations sont le résultat de la farouche détermination des élus locaux, notamment du maire, qui considéraient que l'absence d'université empêchait la ville de jouer pleinement son rôle de capitale de région, capable de fournir aux trois départements limousins l'élite intellectuelle dont l'économie locale avait besoin. Certes, Limoges avait déjà eu une académie en 1808, mais elle avait été supprimée avant 1848. Seules deux écoles d'enseignement supérieur existaient avant 1965 : l'école de droit et de notariat créée en 1904 (place du Présidial) et l'école préparatoire de médecine et de pharmacie (rue F.-Chénieux). Cependant, seules les trois premières années d'études y étaient assurées et, avant 1968, la plupart des étudiants du Limousin devaient partir à Poi- tiers, à Clermont-Ferrand, à Bordeaux, à ou à Paris. En 1966 furent créés un collège universitaire scientifique (rue de Genève), un collège de droit et sciences économiques, puis un collège littéraire universitaire, annexes de l'uni- versité de Poitiers. Aujourd'hui, Limoges a un éventail presque complet d'enseignements dans ses facultés de droit et sciences économiques, de médecine et de pharmacie, de scien- ces, de lettres et sciences humaines. Elle dispose aussi d'un I.U.T. et elle a accueilli en octobre 1979 l'Ecole nationale supérieure de céramique industrielle. Les cités universitaires (de l'Aurence, de la Borie et Camille-Guérin), les restaurants pour étudiants (la Borie, Bernard-Palissy, Camille-Guérin) et les établissements d'ensei- gnement ne sont pas regroupés sur un seul campus et certaines constructions sont isolées au milieu de résidences privées (Bernard-Palissy). A l'ouest de la ville, entre la rue de Genève et le boulevard périphérique, l'I.U.T., l'U.E.R. des sciences et l'école de cérami- que constituent un premier ensemble qui bénéficie de la présence de deux cités et d'un res- taurant universitaires. Au sud-ouest, sur le plateau de Naugeat, l'U.E.R. des lettres et la faculté de droit sont proches de la faculté de médecine et de pharmacie installée au pied du centre hospitalier universitaire Dupuytren. Enfin, la faculté de droit continue d'assurer les enseignements post-DEUG, place du Présidial. Outre les enseignements classiques, l'université de Limoges dispense des enseigne- ments originaux : licence de télécommunications, droit immobilier, physico-chimie des matériaux céramiques, etc. La fondation de l'eau, qui a une audience mondiale, est divisée en deux parties. L'institut de l'eau, centre scientifique et technologique, est installé à Limoges près de l'U.E.R. des sciences ; on y dispense des cours, des conférences et des tra- vaux pratiques. Le centre industriel d'essais et d'applications se trouve à La Souterraine, en Creuse, à 40 kilomètres de Limoges ; on y assure, en particulier, la formation de techni- ciens capables d'assurer la maintenance des stations d'épuration. Université régionale, l'université de Limoges recrute naturellement dans les trois départements limousins, mais la (notamment le Nontronnais), la Charente (sur- tout le Confolentais) et l'Indre lui fournissent de nombreux étudiants. Si l'influence de Limoges s'étend parfois au-delà des limites régionales, les habitudes acquises lorsque l'université limousine n'existait pas restent fortes et l'influence de Clermont-Ferrand se fait sentir jusqu'à une ligne Bonnat-Guéret-Egletons. C'est dire que la partie orientale de la Creuse et de la Corrèze regardent encore plus souvent vers Clermont que vers Limoges. Malgré ces concurrences, l'université est devenue le centre de formation indispensable à la vie du Limousin et à la promotion sociale et culturelle de ses habitants. C'est, en particulier, à l'université que se rattache le centre hospitalier universitaire dont la construction commencée en 1969 s'est achevée en 1975 (1.250 lits répartis en 24 ser- vices cliniques). Outre la faculté de médecine et de pharmacie, s'élèvent un centre d'hémo- dyalise rénale, l'hôpital Jean-Rebeyrol, l'hôpital du Cluzeau, l'hôpital psychiatrique Esquirol et un institut des formations paramédicales capable de fournir le personnel néces- saire aux hôpitaux et cliniques de toute la région. Limoges possède aussi une école nationale d'arts décoratifs et un conservatoire qui forme des musiciens professionnels ou amateurs et stimule la vie musicale en organisant concerts et conférences. Depuis 1963, le Grand Théâtre municipal (1.600 places), consi- déré comme l'un des plus modernes de France, accueille des spectacles variés. Le Centre théâtral du Limousin, qui donne ses représentations dans la chapelle de la Visitation, a été créé en 1964 au titre de la décentralisation théâtrale ; il organise des tournées dans la région avec les Tréteaux du Limousin. Depuis quelques années, le C.T.L. s'ingénie à préserver la culture populaire locale et le patrimoine culturel régional. Limoges a également deux musées fort intéressants. Le musée Adrien-Dubouché, place Winston-Churchill, est un véritable conservatoire de l'art céramique, avec des pote- ries de l'Egypte ancienne, des porcelaines chinoises et japonaises et des productions con- temporaines. Le musée municipal (palais de l'Evêché) contient, en particulier, de splendi- des collections d'émaux (377 pièces), d'une inestimable valeur, et le legs égyptien de Périchon-Bey. L'influence intellectuelle de Limoges s'exerce aussi par l'intermédiaire de la presse : le Populaire du Centre (organe socialiste) et l'Echo du Centre (communiste) sont imprimés à Limoges. Leur diffusion, surtout départementale, s'étend aussi à la Creuse, à la Corrèze, à la Charente, à la Dordogne et au Lot, mais ils sont fortement concurrencés par la Monta- gne (de Clermont-Ferrand) en Creuse et en Corrèze. Au total, et malgré quelques insuffisances, Limoges maîtrise de mieux en mieux l'espace régional limousin sur les plans administratif, intellectuel et culturel. Il reste que des difficultés demeurent, signe de la jeunesse de ces fonctions dans la ville.

Un commerce très diversifié Le rayonnement commercial de Limoges est né avec elle. Très tôt s'établissent des foires : dès le XIIe siècle, mention est faite de celle de Saint- Martial, puis celle de la Saint-Loup a été autorisée par Charles IX. Au Moyen Age, Limoges était une place commerciale importante et un grand entre- pôt : elle recevait le sel de la Saintonge, les produits des montagnes voisines et les mar- chandises des grandes villes (Paris, Bordeaux ou Lyon). Ces échanges commerciaux avaient permis l'installation d'une colonie de banquiers juifs dès le XIe siècle et Limoges eut sa rue des taules (rue des Changeurs) que la construction de la rue Jean-Jaurès a fait disparaître. Peu à peu, Limoges a multiplié ses foires et ses marchés. Ainsi apparurent le marché au blé de la Claustre, des légumes et poissons au Queyroix, aux volailles à la porte Poulaillère, au pain et à la viande place des Bancs-Charniers, etc. La fonction d'entrepôt a pris un grand essor au XVIIIe siècle, lorsque Limoges est devenue le carrefour routier le plus important du sud de la Loire. Des services hebdoma- daires ou mensuels de messageries parcouraient les routes qui la reliaient à Paris, Tou- louse, Lyon, Bordeaux, La Rochelle ou Moulins. Limoges redistribuait les marchandises reçues dans un rayon de 150 à 200 kilomètres : draps, épicerie, denrées coloniales étaient transportés par plus de 5.000 chariots. Les camions et le chemin de fer ont considérable- ment réduit la fonction d'entrepôt de Limoges ; néanmoins, elle demeure un centre impor- tant pour les échanges de gros et pour le commerce de détail. Le nombre des salariés du commerce de gros a augmenté de 20 % environ de 1962 à 1975, celui du commerce de détail de 7 070. Limoges est encore aujourd'hui un centre de redistribution. Cette fonction répond à une double nécessité : écouler les productions locales (notamment celles de l'élevage, et c'est pour cela qu'a été construit un marché aux bestiaux près de l'abattoir) et approvi- sionner la clientèle locale. Aussi, des entrepôts ont-ils été installés, en particulier, dans les zones industrielles : produits laitiers à Romanet, Oxygène Liquide à Magré, par exemple. Certes, le commerce de gros de la Haute-Vienne n'est pas uniquement limougeaud ; néan- moins, c'est Limoges qui en regroupe la majeure partie, que ce soit l'alimentation (alimen- tation générale aux Courrières-d'Isle ou à Limoges, produits laitiers, viandes ou produits surgelés), la bonneterie et la mercerie, ou les matériaux nécessaires au bâtiment (quincail- lerie, papiers peints, matériaux de construction), ou les produits chimiques et pharmaceu- tiques. Ce négoce de gros est animé non seulement par des entreprises locales (par exemple la Société Plainemaison pour les viandes, installée près de l'abattoir, ou la Société Pénicaut, née en 1850, qui regroupe quincaillerie et appareillages divers rue de la Mauvendière et qui dispose d'un terrain de 7 hectares à Buxerolles pour les produits métallurgiques et les appareils électro-ménagers), mais aussi par des sociétés venues d'ailleurs qui ont des suc- cursales à Limoges (Gervais-Danone ou Davum dans la zone industrielle nord, par exem- ple, ou Longométal à Romanet et Pénamet dans la zone industrielle du Ponteix à Feytiat). L'aire influencée par ce commerce de gros est très variable. Elle est, cependant, plus vaste, en général, que celle du commerce de détail. Limoges dessert en moyenne un secteur d'une centaine de kilomètres autour d'elle. Selon l'INSEE, l'attraction commerciale de Limoges correspond à la totalité du département de la Haute-Vienne. Elle est concurrencée en Creuse, au-delà de La Souterraine, par Guéret et Aubusson, voire par Montluçon ; elle l'est en Corrèze par Tulle et surtout par Brive, carrefour routier et ferroviaire, important centre de commerce de gros au contact du Limousin et du Périgord. L'attraction du com- merce de détail limougeaud est assez difficile à cerner. En effet, les autres villes de la Haute-Vienne ont un appareil commercial suffisamment développé pour retenir au moins une partie de la clientèle locale (Saint-Junien, Bellac, Saint-Léonard, par exemple) et les liaisons routières de mauvaise qualité n'incitent pas les clients potentiels à venir à Limo- ges. Néanmoins, l'hypermarché Radar et le centre commercial de Beaubreuil au nord de la ville, la Coop 2000 à l'ouest (ZUP de l'Aurence) et l'Euromarché au sud-est, attirent une clientèle qui réside le long de la nationale 20. La zone d'attraction s'allonge donc le long de cet axe, mais s'élargit peu de part et d'autre. Le commerce de détail s'est considérablement transformé depuis quelques années. En effet, jusque vers 1960, il était aux mains de petits boutiquiers qui se regroupaient dans quelques quartiers (essentiellement autour des halles de la place de la Motte et de la place Carnot). Aussi, de nombreux quartiers étaient-ils dépourvus de magasins. Seules les Nou- velles Galeries, place de la République, faisaient vraiment figure de grand magasin. Actuellement, bien que de nombreux petits magasins aient disparu, la clientèle peut effec- tuer un grand nombre d'achats variés dans toutes les parties de la ville grâce à l'Euromar- ché (7.919 m2 de surface de vente), à Rond-Point Coop 2000 (4.578 m2) et Radar (8.900 m2), aux supermarchés en libres-services (Franprix, Point-Coop...). S'y ajoutent les marchés forains traditionnels (place de la Motte, place des Bancs, place Marceau) et les marchés forains récemment autorisés dans les quartiers neufs : la Bastide, par exemple. Enfin, les grandes surfaces d'appareils sanitaires ou de meubles, installées à la périphérie de la ville, complètent cette infrastructure commerciale. Avec 812 boutiques et 272 services à caractère commercial, le centre-ville correspon- dant au « Château » conserve une fonction commerciale très affirmée. Il est vrai, cepen- dant, que certains secteurs autour de la place de la Motte d'une part, la rue Jean-Jaurès, les quartiers de la place de la République et du Verdurier d'autre part, sont plus commer- çants que les boulevards Gambetta et Victor-Hugo, occupés plutôt par des services et des professions libérales. Plus du tiers des établissements appartiennent à la catégorie de « l'équipement de la personne » (vêtements, lingerie, maroquinerie...), 20 % à celle de « l'équipement de la maison » (droguerie, papiers peints, articles de ménage...). L'alimen- tation ne vient qu'au troisième rang ; encore faut-il souligner la présence des halles avec 53 étals, les marchés forains de la place des Bancs et de la place Haute-Vienne où sont ven- dus fruits et légumes. Le centre-ville se divise en deux parties : les quartiers anciens de la ville haute, aux rues étroites, et les quartiers de la ville basse, aux artères parfois plus larges et rectilignes. L'activité commerciale est primordiale dans la ville haute : le centre piétonnier (rues du Clocher, du Consulat, Ferrerie), les rues Pennevayre, des Halles et Adrien-Dubouché, les places Saint-Michel et de la Motte constituent le haut-lieu du commerce limougeaud avec 201 points de vente. C'est aussi, notamment avec la rue du Clocher qui relie ville haute et ville basse, le haut-lieu de la flânerie. Toutes les catégories de commerce y sont représen- tées, à l'exception des magasins à rayons multiples et des combustibles et matériels de transport. Le petit nombre de magasins d'alimentation, de restaurants et de débits de bois- sons est également remarquable. Malgré l'installation des centres commerciaux à la périphérie de la ville, le centre-ville a réussi à défendre sa fonction essentielle, la fonction commerciale, en dépit des problèmes difficiles à résoudre comme celui du stationnement des automobiles. Le parking de la place de la République affiche complet le mercredi et le samedi après-midi, celui de la place Winston-Churchill est entièrement occupé de façon quasi permanente ; c'est là un handicap certain pour les commerces du centre-ville. Centre de distribution de gros et de détail, ville industrielle, Limoges est nécessaire- ment une place bancaire. Comme toutes les villes de France, Limoges possède des succur- sales des grandes banques nationales (Crédit lyonnais, Société générale...), mais elle a aussi des banques locales. La Banque Tarneaud, fondée en 1809, récemment installée dans un nouvel immeuble rue Turgot, a non seulement ouvert plusieurs bureaux dans la ville, mais aussi dans les trois départements limousins, en Charente et en Dordogne. La Banque populaire du Centre, banque régionale dont le conseil d'administration est composé de personnalités locales, banque coopérative dont le capital est détenu par ses clients-sociétaires (plus de 5.000), est officiellement née en 1936. En fait, elle a succédé à une série de créations bancaires voulues par des commerçants, des artisans, des membres de professions libérales et de petits industriels qui se prêtaient mutuellement l'argent que leur refusaient les grands banquiers. La Banque de secours créée en 1830, par F. Alluaud, la Banque populaire de Limoges en 1882, la Banque populaire limousine en 1910, la Ban- que coopérative du Centre en 1919, fondée par V. Thuillat et L. Lamant, ont pour héri- tière la Banque populaire du Centre qui rayonne sur 5 départements, avec 30 bureaux per- manents et des bureaux périodiques. Elle ne se contente pas de prêter de l'argent à ses clients : en 1963, c'est à son initiative qu'est née la Société de caution mutuelle immobi- lière qui apporte la garantie de cautionnement aux candidats à l'accession à la propriété. On lui doit aussi la création, avec les chambres des métiers et les syndicats professionnels du secteur artisanal, de sociétés mutuelles et interprofessionnelles dans les 5 départements, sociétés qui ont reçu, en 1979, l'appui des chambres de commerce et d'industrie, ce qui permet aux commerçants et aux industriels d'obtenir des prêts à des taux intéressants. Enfin, pour sensibiliser les entreprises aux problèmes de gestion et pour aider à l'installa- tion ou au développement d'entreprises, la Banque populaire a institué, avec les pouvoirs publics et les organismes consulaires, un prix de gestion et d'entreprise, et, en 1981, elle a créé un concours régional de la création d'entreprises. Limoges dispose donc localement, avec ses banques, d'un outil de grande valeur pour son développement propre et pour celui de la région limousine et des départements voisins. Limoges, carrefour de passage touristique Située sur un grand axe de circulation — Paris-Toulouse-Espagne — Limoges a pu aisément profiter d'un tourisme de passage. En outre, par ses monuments, ses musées, ses productions industrielles et artisanales (émaux et porcelaine surtout), Limoges peut aussi prétendre retenir des touristes. C'est en partie pour eux qu'elle a multiplié ses équipements de loisirs, tel le terrain de golf sur l'ancien aérodrome. Enfin, et c'est essentiel, Limoges est, par la route, la voie ferrée et l'avion, la porte du Limousin, ce « pays vert et mouvant, silencieux et tout mouillé d'eaux vives », chanté par les frères Tharaud, où le tourisme en milieu rural a bénéficié d'un beau développement au cours de ces dernières années. Siège de l'Union touristique du Limousin et d'un syndicat d'initiative actif, Limoges s'est dotée d'un hébergement de qualité : 34 hôtels de tourisme, dont un quatre étoiles et six trois étoiles, 27 hôtels de préfecture, un terrain de camping flambant neuf aménagé au nord de la ville, à proximité de la nationale 20, dans le cadre de la mise en valeur de la val- lée de l'Aurence auprès d'une zone de loisirs de 12 hectares, permettent d'accueillir simul- tanément environ 10.000 personnes. C'est loin d'être négligeable pour le commerce local. Comme partout en Limousin et dans la plupart des régions touristiques françaises, la période de pointe correspond aux mois de juillet, août et septembre, mais la saison touris- tique commence ici dès le mois de mai et se prolonge jusqu'à la mi-octobre. Il est vrai que nombre de touristes et de clients des hôtels sont d'origine étrangère et que cette clientèle est parfois moins attirée par les mois d'été que la clientèle nationale. La plupart des visiteurs étrangers sont originaires des pays de la Communauté européenne, mais Limoges accueille aussi de nombreux Américains du nord et du sud. En 1980, de mai à octobre, 36.110 touristes ont utilisé les services d'accueil du pavil- lon du tourisme, boulevard de Fleurus ; le camping municipal a reçu 16.419 campeurs, le musée Adrien-Dubouché a compté 20.368 entrées, le musée de l'Evêché 40.207 et, entre le 1er juillet et le 30 septembre, la crypte de Saint-Martial a reçu 3.507 visiteurs, la Biennale 50.000.internationale de l'art de l'émail, 23.500 et l'exposition de porcelaine à l'Hôtel de Ville, Il reste que ce bilan est fragile ; en effet, malgré la modernisation de l'aéroport de Bel- legarde, la rapidité des liaisons ferroviaires nord-sud, le flux touristique de passage risque d'éviter Limoges si le retard apporté à l'amélioration du réseau routier devait se prolon- ger. Il est bien certain que la fonction commerciale de Limoges en pâtirait.

L'atout industriel L'industrie n'a pas à Limoges la place qui lui est réservée dans d'autres villes du Mas- sif Central, en particulier à Clermont-Ferrand ou à Saint-Etienne. Limoges n'est plus la ville ouvrière qu'on pouvait décrire à la veille de la Seconde Guerre mondiale ; néanmoins, elle est encore une ville industrielle importante. En 1979, elle comptait 556 établissements industriels, bâtiment non compris, et l'usine fait partie du paysage urbain de Limoges. Rares sont les quartiers anciens où il n'y avait pas autrefois une manufacture, mais les grands établissements sont peu nombreux. Aussi, les véritables quartiers industriels sont-ils rares. La Cité et le Château n'ont pratiquement pas d'activités manufacturières. Seuls de petits ateliers (émaux), de modes- tes usines, notamment de confection, rue Charles-Michels, ont réussi à s'installer et, pour certaines, à se maintenir dans un secteur largement dominé par les activités tertiaires. L'industrie porcelainière, l'industrie de la chaussure et l'industrie textile se sont implan- tées au nord du Château autour de la gare Montjovis, construite en 1874, et dans le quar- tier du Chinchauvaud. Là, usines et habitations se mêlent. Ce même caractère apparaît La Haute-Vienne aujourd'hui

Etude géographique d'un département du Nord-Ouest du Massif Central

Avec la Haute-Vienne aujourd'hui, les Editions Bordessoules présentent une synthçse des recherches géographiques effectuées en Haute-Vienne au cours de ces dernières années. Cet ouvrage a pour objectif de mettre en évidence les aspects physiques, économiques et humains d'un département original, situé au carrefour de plusieurs provinces françaises (Limousin, Marche, Poitou et Angoumois). Il s'adresse à la fois au grand public, aux élus locaux et aux administrations, aux chefs d'entre- prise, aux enseignants, aux étudiants, aux lycéens et aux collégiens, aux touristes. Le lecteur y trouvera des études synthétiques concernant l'organisation de l'espace départemental (villes et campagnes), les principaux secteurs d'activité, les traditions politiques et la vie coopérative. Les auteurs souhaitent mettre ainsi en lumière les potentiels et les handicaps d'un département de moyenne montagne atlantique, qui garde un réel dynamisme autour de sa capitale historique : Limoges. 120 F

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