Fatoumata Diawara Fatoumata Diawara Vocals, Guitar Sékou Bah Bass Yacouba Koné Guitar Jean-Baptiste Ekoué Gbadoé Drums Arecio Smith Keyboards
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2018 20:00 23.03.Grand Auditorium Vendredi / Freitag / Friday Autour du monde Fatoumata Diawara Fatoumata Diawara vocals, guitar Sékou Bah bass Yacouba Koné guitar Jean-Baptiste Ekoué Gbadoé drums Arecio Smith keyboards ~90’ sans pause Fatoumata Diawara photo: Aida Muluneh Fatoumata Diawara, par-delà les codes… Vincent Zanetti Vendredi 9 février 2018, Boulogne-Billancourt, cérémonie des Victoires de la Musique… Enrichi par l’indispensable présence du maître malien de la kora Toumani Diabaté, de son fils Sidiki et de la comédienne et chanteuse Fatoumata Diawara, « Lamomali », le dernier disque en date du chanteur français Matthieu Chedid, alias -M-, remporte la Victoire du « Meilleur album de musiques du monde ». Mais quand arrive le moment d’en présenter un extrait musical, avant que le groupe s’élance, c’est d’abord Fatoumata Diawara qui entre en scène, seule et a capella. Corset de cuir noir sur une jupe longue couleur de soleil, ceinture de cauris, coiffe en couronne de wax multicolore, elle tient dans sa main gauche le chasse-mouches en queue de vache, insigne des dignitaires de la société mandingue traditionnelle. Son port est celui d’une reine, d’une magicienne de légende, mais sa gestuelle et sa manière d’interpeler le public sont celles d’un chantre de la confrérie des chasseurs donsow ou d’une société de masque bamana. Irradiant de l’énergie des héros des épopées sahéliennes, elle incarne une Afrique nouvelle, forte, fière et consciente de ses richesses, mais dont l’avenir ne pourra plus jamais se faire sans les femmes. Les femmes et la musique dans la société traditionnelle mandingue Quiconque a voyagé en Afrique de l’Ouest ne peut qu’avoir été impressionné par le rôle qu’occupent les femmes dans l’animation culturelle de la société traditionnelle mandingue et de ses sous- groupes malinké, bambara ou dioula. 5 De Ouagadougou à Dakar et d’Abidjan à Bamako, la plupart des occasions profanes de battre le djembé – baptêmes, mariages ou fêtes de calendrier musulman – sont encore organisées par des associations de femmes. Pendant les réjouissances, ce sont les griottes qui mènent le bal et leurs chants de louanges déterminent le choix des rythmes et des danses. D’une certaine manière et même si elles-mêmes n’en jouent pas, l’art des tambours est toujours intimement lié aux femmes et dans les régions rurales où se célèbrent encore des cérémonies liées aux masques, il arrive souvent qu’on confie la garde des instruments de percussion à des femmes. C’est que dans les sociétés traditionnelles sahéliennes, en dehors des travaux agricoles collectifs et des rituels d’initiation dont beaucoup sont aujourd’hui tombés en désuétude, la musique et la danse ne sont pas forcément appréciées par la gent masculine. Une certaine approche particulièrement pudique de l’Islam, tel qu’il s’est répandu en Afrique de l’Ouest et particulièrement dans les villes à partir du début du 19e siècle, a poussé les hommes à se distancer de la pratique musicale, voire à la mépriser. Avant même cela, chez les Mandingues, on considère traditionnellement que le jeu d’instruments mélodiques tels que la kora, le balafon, le luth n’goni ou la guitare, doit rester le fait exclusif des jeliw, des griots, qui constituent dans cette culture-là une caste socio- professionnelle à part. De la part d’un horon, d’un homme libre, jouer d’un tel instrument ou même chanter en public – excepté, encore une fois, dans des conditions rituelles particulières – pourrait être considéré comme un signe de déchéance sociale. Évidemment, cet interdit instrumental tacite touche également les femmes. Même dans les familles de griots du Mandé, le jeu des instruments reste l’apanage des hommes. En revanche, cela ne vaut pas pour la relation à la voix et à la danse : dans tous les villages du Sahel, les femmes ont toujours eu l’habitude de se rassembler entre elles pour chanter et danser aux accents des tambours ou, lorsque ceux-ci ne sont pas là, en frappant des mains et en battant elles-mêmes le rythme sur des calebasses. Dans un paysage social en plein bouleversement, où certaines zones rurales se vident de leurs hommes qui partent souvent très jeunes à l’aven- ture dans les grandes villes ou à l’étranger, c’est donc d’abord et surtout par les femmes que se transmet l’amour de la musique. 6 L’héritage du Wassoulou Au sud de Bamako et à l’est du fleuve Niger s’étend une vaste région partagée entre la Guinée, la Côte d’Ivoire et le Mali : c’est le Wassoulou – ou Wassolon – le pays natal de Fatoumata Diawara, la terre des Diallo, Diakité, Sidibé et Sangaré, très anciens lignages peuls sédentarisés depuis des siècles, au point d’avoir adopté la langue et les mœurs bambara. Dans leurs villages, les familles de jeliw – les griots de caste – sont très rares et la tradition du chant soliste s’est développée sans eux, dans une esthétique et sur des gammes pentatoniques plus proches de la tradition bambara que de celle du Mandé. À partir du milieu des années 1960, un « son du Wassoulou » tout à fait caractéristique s’est bientôt popularisé jusqu’à Bamako. Ses principaux ingrédients sont, d’une part, une approche rythmique bien particulière – c’est le pays du didadi, du sogoninkun et du n’gri, un rythme tellement caractéristique que les djembefolaw des régions voisines l’appellent simplement « wassoulou » – et d’autre part une couleur instrumentale propre, celle du kamale n’goni, une harpe-luth pentatonique à six cordes directement dérivée du donso n’goni, l’instrument des chasseurs. Sur ce tapis instrumental parfaitement identifiable se sont épanouies des voix féminines désormais célèbres, celles des Sali Sidibé, Coumba Sidibé, Dienaba Diakité, Nahawa Doumbia et, bien sûr, celle de l’incontournable Oumou Sangaré. Dans leurs bouches, pas de chants de louanges à la manière des griots, mais toutes sortes de conseils à propos du mariage et de la vie conjugale, de l’éducation des enfants, de la confiance ou de la jalousie au sein des familles polygames… Dès son plus jeune âge, ces voix, ces rythmes et ce son typiques du Wassoulou ont forcément marqué la petite Fatoumata de leur empreinte, tout comme la portée pédagogique de ces chansons. Lorsque viendra son tour, ses propres œuvres ne seront pas que pur divertissement, mais également autant de conseils et d’avis sur d’importants thèmes de société : l’excision dans « Boloko », l’émigration dans « Clandestin », la relation d’un couple mise à mal dans « Sowa », le statut des orphelins et le droit à la diffé- rence dans « Sonkolon »… 7 Une artiste aux talents multiples Comme pour de nombreuses jeunes filles africaines, l’éducation artistique de Fatoumata Diawara commence par la danse lorsqu’elle est encore enfant. À Abidjan, où ont émigré ses parents, elle participe au ballet de son père et s’adonne au rythme du didadi avec une passion qui ne laisse pas beaucoup de place à autre chose et surtout pas à l’école. Pour recadrer cette fillette turbulente de douze ans dont le regard d’adulte surprend souvent les aînés, ses parents renvoient Fatoumata dans le Wassoulou, chez un oncle et une tante. Tous deux sont comédiens, à leur contact elle s’initie au monde du théâtre. En les accompagnant sur le tournage du filmTaafe Fanga (« Pouvoir de pagne »), elle est repérée par le réalisateur malien Adama Drabo qui lui confie un rôle et ses premières répliques au cinéma. Le thème provocateur du film et sa manière de remettre en cause l’ordre établi laisseront des traces dans l’esprit déjà très indépendant de la nouvelle jeune actrice : près de Bandiagara, en pays dogon, l’Albarga, masque des esprits de la falaise et symbole du pouvoir, tombe entre les mains de la jeune Yayémé et provoque le désordre dans le village. Les femmes échangent alors leurs pagnes contre les pantalons des hommes, lesquels doivent s’acquitter des tâches ménagères. « En tout homme, il y a une femme et dans toute femme, un homme, dit un des personnages principaux. L’être parfait est celui qui a développé les deux en lui. » Deux ans plus tard, en 1999, un autre cinéaste, Cheikh Omar Sissoko, confie à la jeune Fatoumata le premier rôle féminin de son nouveau film,La genèse. Elle y côtoie Sotigui Kouyaté, un des plus grands comédiens africains de son temps, qui lui enseigne la gestion de ses émotions et l’invite à participer à sa version d’Antigone de Sophocle qu’il met en scène au théâtre à Paris. De retour au Mali, elle joue ensuite le rôle éponyme de Sia dans une relecture cinématographique de l’épopée soninké réalisée par Dani Kouyaté, le fils de Sotigui. Le succès est énorme, les propositions affluent, mais pour la famille de Fatoumata, de la part d’une jeune fille non mariée, aller plus loin relèverait de l’indécence. 8 La comédienne est alors contrainte à abandonner sa carrière. Il faudra l’invitation de Jean-Luc Courcoult, directeur de la compagnie Royal de Luxe, pour la convaincre de s’enfuir, quitter le Mali pour la France et rejoindre la troupe avec laquelle elle tourne alors dans le monde entier. La mue Dans le cadre des spectacles de Royal de Luxe, Fatoumata Diawara commence à chanter en public. Tout s’enchaîne alors très vite : les premiers concerts dans des clubs parisiens, l’Opéra du Sahel, la rencontre avec le musicien-producteur Cheikh Tidiane Seck, les enregistrements avec Oumou Sangaré et Dee Dee Bridgewater, le rôle de Karaba la sorcière dans le Kirikou de Michel Ocelot… Au milieu de toutes ces sollicitations, là où d’autres, à force de participer à des projets qui ne sont pas les leurs, peineraient sans doute à trouver leur propre ligne esthétique, Fatoumata Diawara semble au contraire sortir grandie et plus forte de chaque nouvelle expérience.