André Larquié président Brigitte Marger directeur général sommaire Pour rendre un hommage spécial à François Couperin (1668-1733), le compositeur des « Goûts réunis », la cité de la musique s’est associée au Centre de Musique Baroque de Versailles et aux conservatoires supérieurs de musique de introduction p. 4 et de Lyon pour présenter l’intégrale des vingt-sept Ordres pour clavecin seul, avec douze interprètes choisis pour leur affinité avec ce répertoire (, mercredi 16 mai - 20h p. 7 , Pierre Hantaï, Violaine Cochard, Aline Zylberajch, Noëlle Spieth, Kenneth Gilbert* Céline Frisch, Béatrice Martin, Olivier Baumont, Davitt Moroney, Françoise Lengellé jeudi 17 mai - 20h p. 7 et Kenneth Weiss). Une variété encore accentuée par le fait que ces ordres seront Blandine Verlet* interprétés sur les instruments appartenant aux collections du musée de la musique (les clavecins originaux de Ruckers-Taskin de 1646/1780, Hemsch de vendredi 18 mai - 20h p. 8 1761 et Goujon-Swanen de 1749/1784 ; fac-similé du clavecin Thibaut de 1691), Pierre Hantaï aux collections du Musée national des Châteaux de Versailles et de Trianon (cla- samedi 19 - 15h p. 8 vecin Blanchet de 1746) et à la collection privée d’Emile Jobin (copie de l’épi- Violaine Cochard nette Denis de 1664). L’intégrale des Ordres pour clavecin s’inscrit dans une intégrale encore plus samedi 19 mai - 17h p. 9 vaste : celle des œuvres complètes de François Couperin donnée au fil de vingt- Aline Zylberajch sept concerts qui se répartissent entre différents lieux durant la saison 2000- samedi 19 mai - 20h p. 9 2001 (Château de Versailles, Festival d’Art sacré de Paris, saison de Radio France Noëlle Spieth* et Festival « Couperin en concert » de Champs-sur-Marne). dimanche 20 mai - 12h p. 10 Céline Frisch* dimanche 20 mai - 15h p. 10 Béatrice Martin dimanche 20 mai - 17h p. 11 Olivier Baumont* jeudi 24 mai - 17h p. 11 Davitt Moroney samedi 26 mai - 17h p. 12 Françoise Lengellé Yves Rechsteiner, direction Étudiants du Conservatoire national supérieur de musique de Lyon dimanche 27 mai - 17h p. 13 partenaire de la cité de la musique Étudiants du biographies p. 43 coproduction cité de la musique, Centre de Musique Baroque de Versailles, Conservatoire * Ces concerts sont enregistrés par Radio France et seront diffusés sur France Musiques. de Paris, Saison musicale de Radio France avec le soutien de la Fondation Marcelle et Robert de Lacour pour la Musique et la Danse François Couperin - intégrale des 27 Ordres pour clavecin François Couperin - intégrale des 27 Ordres pour clavecin

François Couperin L’œuvre complète pour le clavecin de François Couperin de la Suite à l’Ordre Il est difficile de savoir aujourd’hui comment s’est opéré le Intégrale de l’œuvre comprend un corpus de plus de 240 pièces, éditées entre cheminement qui a conduit Couperin à affranchir la pièce pour clavecin 1707 et 1730. Seulement six de ces pièces paraissent de clavecin de l’emprise de la suite de danses au profit dès 1707 dans le recueil des Pièces choisies pour le cla- d’un genre nouveau qu’il intitule lui-même « espèces de vecin de différents auteurs chez l’éditeur Christophe Ballard. portraits », organisés en « Ordres », et qui paraissent sur- À l’exception d’une Sicilienne, les cinq autres pièces sont gir ex nihilo de son Premier Livre de 1713. Ce fameux nom rééditées en 1713 dans les Pièces de clavecin - Premier d’« Ordre » qu’il donne à chaque regroupement tonal dans Livre, la première grande publication du musicien, organi- lequel alterne majeur et mineur, inusité avant et après lui, a sée en cinq Ordres réunissant 71 pièces. En 1716 (puis donné lieu à de multiples tentatives d’explication, que le en 1717) paraîtra la méthode L’Art de toucher le clavecin, mot relève d’une francisation d’un usage italien, du voca- avec une Allemande et huit Préludes. Publié en 1716 (ou bulaire de l’architecture, voire de l’esthétique (l’évocation de 1717), le Second Livre comprend sept Ordres (composé la « belle ordonnance » chère à Fénelon). Mais pourquoi de 52 pièces) ; le Troisième de 1722, sept Ordres (44 ne pas l’entendre dans une acception plus révolutionnaire, pièces) ; et le Quatrième de 1730, huit Ordres (45 pièces). celle d’une ambition qui se heurtera toujours aux limites La raréfaction des publications de recueils d’autres musi- illustratives de la musique : « peindre » – tout comme la lit- ciens, entre 1713 et 1730, souligne a contrario l’impor- térature ou la peinture – les émotions, les actions des tance que représenta l’œuvre de Couperin pour la hommes, comme leur personnalité ou leur sensibilité ; et génération qui avait auparavant publié largement au début susciter, chez celui qui écoute, une éclosion d’images. Car du siècle : les Dieupart, Marchand, Clérambault, Dandrieu, les pièces instrumentales peuvent bien porter des titres Le Roux, Rameau, Jacquet de La Guerre et Siret. Seuls depuis le Moyen Âge, et une tradition s’être confortée à Rameau, Dandrieu et Siret oseront passer outre. partir du XVIIème siècle chez les luthistes comme les Gaulthier, Couperin a déjà quarante-six ans lorsqu’il fait paraître son Gallot, Charles Mouton, Couperin est le premier à s’auto- Premier Livre. Aussi, dans sa préface, se sent-il obligé riser d’un lien intime, de l’ordre du vécu, entre sa sensibi- de s’en excuser : de trop nombreuses occupations, lité personnelle et sa musique. « J’ay toujours eu un objet tant à la ville qu’à la cour. On ne suscite pas impunément en composant toutes ces pièces », note-t-il en préface au l’admiration de son roi, de ses élèves et de ses pairs. Premier Livre, « des occasions différentes me l’ont fourni, Parmi eux, Nicolas Siret qui a laissé, dans la préface ainsi les Titres répondent aux idées que j’ay euës ; on me de ses propres Pièces de clavecin, l’un des rares por- dispensera d’en rendre compte : cependant comme parmi traits non seulement de l’artiste mais aussi de l’homme. ces Titres, il y en a qui semblent me flater, il est bon d’aver- « Je quitte tous les ans la province pour venir vous admi- tir que les pièces qui les portent, sont des espèces de por- rer, et je n’en sors jamais que je n’aie l’imagination rem- traits qu’on a trouvé quelques fois assez ressemblant sous plie de mille belles choses ; quel plus parfait modèle mes doigts, et que la plûpart de ces titres avantageux, aurais-je pu prendre ? de quelle supériorité de génie, sont plutôt donnés aux aimables originaux que j’ay voulu de quelle élévation d’harmonie, de quelle délicatesse représenter qu’aux copies que j’en ay tirées. » dans le choix de vos chants, de quelle brillante exécu- Il y a donc loin entre une pièce comportant juste une tion n’est-on point surpris lorsqu’on a le plaisir de vous dédicace et une pièce qui paraît proposer l’univers psy- entendre ? On est encore plus heureux, Monsieur, lors- chologique d’une personne, un art où le Français semble qu’on a le plaisir de vous pratiquer ; on s’aperçoit bien- être passé maître dès la fin du XVIIème siècle. Et Le Mercure tôt que vous ajoutez au mérite dont je viens de vous de France peut s’en faire l’historien en décembre 1704 : parler, celui d’être parfaitement honnête homme. » « Il y a environ quarante ans qu’il s’établit une mode en

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France, qui fut suivie de tous ceux qui estoient capables mercredi 16 mai - 20h de penser et de réfléchir sur eux-mêmes. Chacun s’étu- amphithéâtre du musée François Couperin dia autant qu’il luy étoit possible pour se peindre soi- 1er Ordre (Premier Livre, 1713) (voir p. 14) même dans des ouvrages appelez “Portraits“, faits en L’Auguste (Allemande), Première Courante, Seconde vers ou en prose. (...) Les amis firent ceux de leurs amis ; Courante, La Majestueüse (Sarabande), Gavotte, La les sçavants, ceux des sçavants, les amants ceux de Milordine (Gigue), Menuet, Les Silvains [Rondeau], Les leurs maîtresses, et plusieurs firent ceux des souverains Abeilles [Rondeau], La Nanète, Les Sentimens (Sarabande), et de quantité de personnes distinguées. » La Pastorélle, Les Nonètes, La Bourbonnoise (Gavotte), Les salons précieux pratiquant l’art du portrait littéraire La Manon, L’Enchanteresse [Rondeau], La Fleurie ou la trouvent leur écho chez les peintres. Une héroïne de tendre Nanette, Les Plaisirs de Saint Germain en Laye Molière réclame un portrait « qui soit moi, et qui n’oblige point à demander qui c’est » (Le Sicilien ou l’amour peintre, 4ème Ordre (Premier Livre, 1713) (voir p. 17) scène XII), tandis que Madame de Sévigné demande à La Marche des Gris-vêtus, Les Baccanales, La Pateline, l’artiste de restituer, au-delà d’« un air qui plaît », la « vita- Le Réveil-matin lité » du modèle, sensible à ceux qui savent joindre à « la fidélité de la ressemblance (...) la beauté de l’ouvrage ». Le Kenneth Gilbert, épinette Jobin (d’après Louis portrait peut aussi s’identifier à la notion de caractère, Denis, 1664), clavecin Hemsch (1761) témoin le cardinal de Retz insérant dans ses Mémoires une galerie de portaits pour compléter la peinture des personnages dont il raconte les hauts faits, ou Charles Le jeudi 17 mai - 20h Brun développant dans ses dessins et gravures toute amphithéâtre du musée 25ème Ordre (Quatrième Livre, 1730) (voir p. 37) une « physiognomonie ou l’art de reconnaître le caractère La Visionaire, La Misterieuse, La Monflambert, La Muse par les traits du visage ». victorieuse, Les Ombres Errantes Couperin crée avant tout un monde imaginaire où le titre, jusques dans son mystère actuel – car toute interpréta- 26ème Ordre (Quatrième Livre, 1730) (voir p. 38) tion reste aléatoire – procède également de l’effet poétique. La Convalescente, Gavote, La Sophie, L’Epineuse Mais, comme « la musique a aussi sa prose et ses vers » [Rondeau], La Pantomime (L’Art de toucher le clavecin), on peut reconnaître dans ces œuvres, au-delà de portraits comme La Forqueray ou 27ème Ordre (Quatrième Livre, 1730) (voir p. 38) La Garnier, de grandes Odes (L’Auguste, La Régente, L’Exquise [Allemande], Les Pavots, Les Chinois, Saillie La Majestueuse), des Caractères au sens que La Bruyère donnera au mot dès 1688 (La Ténébreuse, L’Exquise, La Distraite), des Fables (La Corybante, L’Atalante), des Blandine Verlet, clavecin Goujon-Swanen (1749/1784) Satires (L’Arlequine, Les Folies françaises), des Élégies (Les Regrets, Les Sentimens, l’Ame en peine) ou bien des Idylles pastorales (Les Sylvains, Les Vergers fleuris).

Martine Kaufmann

6| cité de la musique vendredi samedi 18 mai - 20h 8ème Ordre (Deuxième Livre, 1716-17) (voir p. 21) 19 mai - 17h 12ème Ordre (Deuxième Livre, 1716-17) (voir p. 25) amphithéâtre du musée La Raphaéle, L’Ausoniéne (Allemande), Première Courante, amphithéâtre du musée Les Juméles, L’Intîme, La Galante, La Coribante, La Seconde Courante, L’Unique (Sarabande), Gavotte, Gigue, Vauvré, La Fileuse, La Boulonoise, L’Atalante Passacaille [Rondeau], La Morinéte 20ème Ordre (Quatrième Livre, 1730) (voir p. 33) 15ème Ordre (Troisième Livre, 1722) (voir p. 28) La Princesse Marie, La Boufonne, Les Chérubins ou L’aimable La Régente ou la Minerve, Le Dodo ou L’amour au Lazure, La Croûilli ou La Couperinéte, La Fine Madelon, La Berçeau, L’evaporée, La Douce et Piquante, Les Vergers Sezile [Pièce croisée sur le grand clavier], Les Tambourins fleüris, La Princessse de Chabeüil ou La Muse de Monaco 19ème Ordre (Troisième Livre, 1722) (voir p. 31) Les Calotins et les Calotines ou la Piéce à tretous [Rondeau], Pierre Hantaï, clavecins Blanchet (1746) et Les Calotines, L’Ingénuë [Rondeau], L’Artiste, Les Culbutes Hemsch (1761) Ixcxbxnxs, La Muse-Plantine [Rondeau], L’enjouée

Aline Zylberajch, clavecins Hemsch (1761) et samedi Ruckers/Taskin (1646/1780) 19 mai - 15h 6ème Ordre (Deuxième Livre, 1716-17) (voir p. 20) amphithéâtre du musée Les Moissonneurs [Rondeau], Les Langueurs-Tendres, Le Gazoüillement [Rondeau], La Bersan, Les Baricades samedi Mistérieuses [Rondeau], Les Bergeries [Rondeau], La 19 mai - 20h 11ème Ordre (Deuxième Livre, 1716-17) (voir p. 23) Commére, Le Moucheron amphithéâtre du musée La Castelane, L’Etincelante ou La Bontems, Les Graces- Naturéles [Suite de la Bontems], La Zénobie, Les Fastes de 7ème Ordre (Deuxième Livre, 1716-17) (voir p. 21) la grande et ancienne Mxnxstrxndxsx La Ménetou [Rondeau], Les Petits Ages (La Muse Naissante, L’Enfantine, L’Adolescente[Rondeau], Les 13ème Ordre (Troisième Livre, 1722) (voir p. 26) Délices[Rondeau]), La Basque, La Chazé, Les Amusemens Les Lis naissans, Les Roseaux, L’engageante, Les Folies françoises ou les Dominos [La Virginité, La Pudeur, L’Ardeur, L’Espérance, La Fidélité, La Persévérance, La Langueur, La Violaine Cochard, clavecins Hemsch (1761) et Coquéterie, Les Vieux galans et les Trésorières Surannées, Ruckers/Taskin (1646/1780) Les Coucous bénévoles, La Jalousie taciturne, La Frénésie ou le Désespoir], L’Âme-en peine

21ème Ordre (Quatrième Livre, 1730) (voir p. 34) La Reîne des Cœurs, La Bondissante, La Couperin, La Harpée, La Petite Pince-sans-rire

Noëlle Spieth, clavecin Ruckers/Taskin (1646/1780), clavecin fac-similé de Tibaut (1691) dimanche dimanche 20 mai - 12h 2ème Ordre (Premier Livre, 1713) (voir p. 15) 20 mai - 17h 10ème Ordre (Deuxième Livre, 1716-17) (voir p. 23) amphithéâtre du musée La Laborieuse (Allemande), Première Courante, Seconde amphithéâtre du musée La Triomphante, La Mézangére, La Gabriéle, La Nointéle, Courante, La Prude (Sarabande), L’Antonine, Gavotte, La Fringante, L’Amazône, Les Bagatelles [Rondeau] Menuet, Canaries [et Double des Canaries], Passepied, Rigaudon, La Charoloise, La Diane, La Terpsicore, La 24ème Ordre (Quatrième Livre, 1730) (voir p. 36) Florentine, La Garnier, La Babet, Les Idées Heureuses, La Les Vieux Seigneurs [Sarabande], Les Jeunes Seigneurs Mimi, La Diligente, La Flateuse, La Voluptueüse, Les Papillons cy-devant les petits maîtres, Les Dars homicides [Rondeau], Les Guirlandes, Les Brinborions, La Divine Babiche ou les Amours badins, La Belle Javotte autre- Céline Frisch, clavecin Hemsch (1761) fois L’Infante, L’Amphibie [Mouvement de passacaille]

23ème Ordre (Quatrième Livre, 1730) (voir p. 35) dimanche L’Audacieuse, Les Tricoteuses, L’Arlequine, Les Gondoles 20 mai - 15h 5ème Ordre (Premier Livre, 1713) (voir p. 18) de Délos, Les Satires amphithéâtre du musée La Logivière (Allemande), Première Courante, Seconde Courante, La Dangereuse (Sarabande), Gigue, La Tendre 22ème Ordre (Quatrième Livre, 1730) (voir p. 35) Fauchon [Rondeau], La Badine [Rondeau), La Bandoline Le Trophée [et Premier Air pour la suite du Trophée], Le [Rondeau], La Flore, L’Angélique [Rondeau], La Villers, point du jour [Allemande], L’Anguille, Le Croc-en-jambe, Les Vendangeuses [Rondeau], Les Agrémens, Les Ondes Menuets croisés, Les Tours de Passe-passe [Rondeau] Olivier Baumont, clavecins Blanchet (1746) et 17ème Ordre (Troisième Livre, 1722) (voir p. 30) Hemsch (1761) La Superbe ou la Forqueray, Les Petits Moulins à vent, Les Timbres [Rondeau], Courante, Les Petites Chrémiéres jeudi de Bagnolet 24 mai - 17h 14ème Ordre (Troisième Livre, 1722) (voir p. 27) Conservatoire de Paris Le Rossignol-en-amour, Double du Rossignol, La Linote- salle d’orgue éfarouchée [Rondeau], Les Fauvetes plaintives, Le Béatrice Martin, clavecins Blanchet (1746) et Rossignol-Vainqueur, La Julliet [Rondeau], Le Carillon de Hemsch (1761) Cithére, Le Petit-Rien

18ème Ordre (Troisième Livre, 1722) (voir p. 31) La Verneüil (Allemande), La Verneüilléte, Sœur Monique, Le Turbulent, L’atendrissante, Le Tic-Toc-Choc ou les Maillotins [Rondeau], Le Gaillard-Boiteux

L’Art de toucher le clavecin (voir p. 39) Allemande, Préludes n° 1 à 8

Davitt Moroney, clavecin, déclamation samedi dimanche 26 mai - 17h Sonate en trio « La Pucelle » (voir p. 40) 27 mai - 15h 9ème Ordre (Deuxième Livre, 1716-17) (voir p. 22) Conservatoire de Paris Lentement/Gayement/Lentement/Gayement/Lentement/ Conservatoire de Paris Allemande à deux Clavecins, La Rafraîchissante, Les salle d’orgue Legerement/Viste salle d’orgue Charmes, La Princesse de Sens [Rondeau], L’Olimpique, L’Insinüante, La Séduisante, Le Bavolet-flotant [Rondeau], Sonate en trio « La Visionnaire » (voir p. 40) Le Petit-deüil ou les trois Veuves, Menuet Gravement/Legerement/Legerement/Legerement/Lent ement/Gayement/Tendrement/Legerement 1er Concert royal Prélude, Allemande, Sarabande, Gavotte, Gigue, Menuet

Étudiants du Conservatoire national supé- Sonate en trio « La Steinkerque » (voir p. 40) rieur de musique de Lyon : Bruit de guerre (gayement)/Air (lentement)/ Stéphan Dudermel, Benjamin Chenier, violons Gravement/Legerement/Mouvement de fanfares/ Clothilde Debuire, clavecin Lentement/Gravement/Gayement/Lentement Lucas Guimaraes Peres, viole de gambe entracte

16ème Ordre (Troisième Livre, 1722) (voir p. 29) 3ème Ordre (Premier Livre, 1713) (voir p. 16) Les Graces incomparables ou La Conti, L’himen-Amour, La Ténébreuse (Allemande), Première Courante, Seconde Les Vestales [Rondeau], L’aimable Thérése, La Drôle de Courante, La Lugubre (Sarabande), Gavotte, Menuet, Les Corps, La Distraite, La Létivile Pélerines [La Marche, La Caristade, Le Remerciement], Les Laurentines, L’Espagnolète, Les Regrets, Les Matelotes Sonate en trio « La Superbe » (voir p. 40) Provençales, La Favorite (Chaconne), La Lutine [Lentement/Vivement]/Tres lentement/Legerement/Air tendre/Gayement Françoise Lengellé, clavecin Étudiants du Conservatoire de Paris : Ludivine Bargin, Bertrand Cuiller, Aurélien Delage, Mathieu Dupouy, François Guerrier, Sonate en trio « L’Astrée » (voir p. 40) Janniz Jonsson, Anne-Laure Lelièvre, [Gravement]/Legerement/Lentement/Gayement/Tendre Emi Nakamura, Bruno Procopio, ment/Lentement/Viste Benjamin Steens, Laure Vovard, clavecin Olivier Benichou, François Lazarevic, Gergios Nikolaidis, flûtes Étudiants du Conservatoire national supé- Jasu-Joachim Moisio, Yanina Yacubsohn, hautbois rieur de musique de Lyon : Nicolas André, basson Stéphan Dudermel, Benjamin Chenier, violons Yuki Koike, Stéphanie Paulet, Tami Troman, violons Clothilde Debuire, clavecin Emmanuelle Guigues, viole de gambe Lucas Guimaraes Peres, viole de gambe François Couperin - intégrale des 27 Ordres pour clavecin François Couperin - intégrale des 27 Ordres pour clavecin

François Couperin Publié à Paris en 1713/dédié à Monsieur Pajot de Villers/ Comme toutes les pièces publiées en 1707 (sauf la Pièces de clavecin, gravé par Du Plessis pour la musique et par Berey pour la Sicilienne) seront rééditées dans le premier livre, voici Premier Livre (1713) page de titre et la préface/à la fin une Explication des Les Abeilles. Avant les plaisirs de Saint Germain, peut- Agrémens et des Signes. être ceux du Château de Sceaux, résidence de la A l’exception du Quatrième Ordre qui ne comporte que duchesse du Maine qui en avait fait son emblème et quatre pièces, les quatre autres Ordres offrent des dimen- instauré l’ordre de « la mouche à miel », préposé à sions exceptionnelles qui s’expliquent notamment par l’organisation de ses divertissements nocturnes. leur organisation en deux groupes distincts : une série Appariées, Les Nonètes, « blondes » ou « brunes », encore traditionnelle de danses et une série toute nou- dépassent le modèle des paires de danses illustrées velle de pièces de caractère. Ce livre contient donc le par Lebègue (1677) pour s’appliquer cette fois dans plus de danses sans titres, mais aussi de nombreuses ces pièces libres, à des fins descriptives. Les deux danses titrées comme L’Allemande L’Auguste qui paie seules danses de cette partie, Les Sentimens son tribu au souverain (dont Couperin possédait un por- (Sarabande) et La Bourbonnoise (Gavotte), hommage trait) et qui paraît ainsi patronner le ton de majesté et la à son élève, Louise-Elisabeth de Bourbon (1693-1713), somptuosité de l’ornementation qui sont les siens. la fille de Louis III de Condé, duc de Bourbon (1668- 1710), contrastent par la modernité de leur écriture avec 1er Ordre (sol) Entre cour et campagne, cet Ordre est placé sous le la Sarabande La Majestueuse et la première Gavotte. signe du roi et donc de la munificence, avec L’Allemande L’Auguste, la Sarabande La Majestueuse et sa « petite 2ème Ordre (ré) Avec ses vingt-deux pièces, le Second Ordre est l’un reprise, plus ornée ». La première Courante et la Gavotte des plus longs, associant danses, portraits et pièces de s’enrichissent d‘un « dessus plus orné sans changer la fantaisie. On y retrouve allemande, courante et sara- basse » pour les reprises ; le Menuet propose un double bande (La Prude qui s’avance à pas mesurés), et ce et les portraits s’insinuent dans la suite avec La Milordine, mélange choisi parmi gigues, menuets et gavottes (ici une gigue presque ironique, indiquée Gracieusement la gavotte et le menuet) auquel s’ajoutent canaries, et légèrement. Souvenir peut-être d’un personnage de passepied et rigaudon. S’agit-il là de ces pièces bien la cour de Jacques II dont Louis XIV accueillera l’exil en antérieures à leur publication comme le suggère une France au Château de Saint-Germain-en-Laye. Saint- remarque de la Préface : « A l’égard de mes pièces, Germain où le musicien louera pour six ans, en 1710, les caractères nouveaux, et diversifiés, les ont fait rece- une maison qu’évoque sans doute la dernière pièce, voir favorablement dans le monde, et je souhaite que Les Plaisirs de Saint Germain en Laÿe. La Fleurie ou la celles que je donne qu’on ne connaissait point, ayent tendre Nanète trouve son écho bucolique dans La autant de réüssite que celles qui sont déjà connues. » Pastorelle. Les Sylvains entament la seconde partie de Est-ce alors un adieu à la suite de danse illustrée par l’Ordre avec le premier des nombeux rondeaux de quelques-uns des plus beaux « labeurs » du musi- Couperin (après la publication de 1707). Ici la répétition cien, témoin L’Allemande La Laborieuse, un qualifi- engendre une continuité quasi liquide pour l’oreille dont catif qui pourrait bien être une référence à la pièce bénéficie également L’Enchanteresse qui fait écho à elle-même : un travail pédagogique, sorte d’exercice L’Enchanteur d’Antoine Watteau (1664-1721), aujour- de contrepoint imitatif à deux voix qu’un contempo- d’hui au musée de Troyes, accordant sa guitare devant rain aurait qualifié de « travaillé », un genre de deux auditrices attentives sur un fond de paysage orné « musique grandement observée, toute pleine d’in- de pins italiens. dustrie et de doctrine » (Antoine Parran).

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Mêmes qualités pour les deux Courantes à la française l’instrument et La Lugubre drapée dans ses voiles et, pour leur seule occurrence, Canaries, « espèce de sombres, les deux Courantes optent pour la même Gigue dont le mouvement est encore plus vif que celui gravité de ton. Les Pélerines ont été d’abord été publiées de la gigue ordinaire », Passepied (au « mouvement en 1712 dans un Recueil d’Airs sérieux et à boire de plus vif que celui du menuet ») et Rigaudon « d’un mou- Christophe Ballard, en trois parties, comme dans la ver- vement gai », pour reprendre les termes du Dictionnaire sion pour clavecin. La Marche est un embarquement de Jean-Jacques Rousseau. A partir de La Charoloise, pour Cithère ; dans La Caristade, les voyageuses récla- l’Ordre s’organise en un ensemble cohérent jusqu’aux ment un peu « de ces vives flâmes/Qui causent aux Papillons, succession de portraits et de caractères âmes/Tant de douceurs » et sont exaucées dans les autour de la pièce la plus longue, Les Idées heureuses. Remerciements. Les Laurentines sortent-elles de Une maîtrise proclamée s’y affiche, sorte de mouve- l’Enéide et du Latium, ce territoire des Laurentes où ment perpétuel où le flux musical passe les doubles débarque Enée après avoir quitté Carthage, ou bien de barres et les reprises. Et la main du musicien repose sur la foire Saint-Laurent à laquelle semble faire allusion cette partition dans son portrait le plus connu dû à L’Espagnolète remplie de gruppetti (portrait d’un acteur André Bouys et gravé par Jean-Jacques Flipart en qui joue le rôle d’un Espagnol de carnaval en faisant 1735. Portrait aussi que celui de Gabriel Garnier (La sonner guitare et castagnettes) ? Comme il n’y pas pas Garnier), l’un des quatre organistes de la Chapelle de portrait du duc de Bourgogne (le petit fils de Louis XIV Royale avec son style luthé et la richesse de son orne- à qui Couperin enseigna la musique à partir de 1694), mentation ; d’une de ses élèves, fille du duc de Bourbon la longue déploration des Regrets est-elle une élégie (La Charoloise), Louise-Anne de Bourbon (mademoiselle sur sa mort, survenue le 18 février 1712 ? La régularité de Charolais, 1695-1758) ; peut-être également de la de la basse y accueille l’incertitude rythmique et har- duchesse de Nevers (La Diane) qui portait ce surnom monique du dessus. La clarté qui paraît s’installer à la fin dans les jeux d’esprits et les pièces galantes cultivés de l’ordre avec Les Matelotes provençales, s’obscurcit dans l’entourage de la duchesse du Maine à Sceaux (où un instant avec la chaconne grave en rondeau à deux l’art du portrait continua d’être prisé jusqu’au début temps (La Favorite) qui se joue, comme l’allègre Lutine, du XVIIIème siècle). de l’ambigüité d’attribution de son qualificatif. Mais tout comme Diane est aussi l’impérieuse déesse de la chasse et de ses fanfares (Fanfare pour la suite 4ème Ordre (fa) Il est le seul du Premier Livre à ne comporter aucune de Diane) et Terpsicore la muse de la danse habillée danse et seulement quatre pièces. Tout comme Watteau de rythmes solennels, l’Italie s’insinue dans la gigue de opposant Les Fatigues de la guerre aux Délassements La Florentine (hommage à Lully ?), la fantaisie dans la de la guerre (aujourd’hui à Saint-Petersbourg), Couperin minuscule Mimi, les doubles croches dans La a placé cet Ordre sous le signe des militaires avec La Diligente, l’ironie affectueuse et légère dans La Marche des Gris-vêtus et de leurs libations avec Les Flateuse et le rondeau de La Voluptueuse jusqu’aux Baccanales : trois moments à la gloire de Bacchus et froissements d’aile ternaires dans Les Papillons. des effets du vin, de l’enjouement à l’attendrissement et à la fureur (deux mouvements vifs encadrant un mou- 3ème Ordre (ut) Ecrit dans la tonalité d’ut mineur (celle de l’obscurité et vement lent). Sous le signe peut-être de la farce et du de la tristesse selon Marc-Antoine Charpentier), cet théâtre de la foire avec La Pateline qui évoquerait quelque Ordre s’offre pourtant quelques éclats lumineux. Entre adaptation de la Farce de Maître Patelin réalisée par La Ténébreuse qui explore la tessiture la plus grave de Bruyes et Palaprat et représentée à Paris en 1706.

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L’alternance entre des passages mélodiques et expres- François Couperin Publié à Paris [à la fin de 1716 ou au début de 1717]/dédié sifs et de passages rythmiques et bruyants dans le Réveil Pièces de clavecin, à Monsieur Prat, Receveur général des Finances de Paris/ matin sont-ils les échos des lendemains d’ivresse – la Deuxième Livre (1716-17) gravé par Berey et Du Plessis. lutte entre le sommeil et quelque importun carillon venu Tout comme le Premier, le Second Livre été peut- vous tirer des bras de Morphée ? être été composé par Couperin durant les quelque vingt années qui précèdent sa publication, puisque 5ème Ordre (la) Le Cinquième Ordre débute, comme une suite clas- dans sa préface, le musicien signale qu’il croyait pou- sique, avec ses quatre danses, sans aucun double ni voir le « mettre au jour dès la même année que le pre- pièce de fantaisie : La Logivière prend les allures d’une mier a paru ». Neuf Leçons de Ténèbres (dont ample allemande suivie de deux Courantes, la pre- seulement trois nous sont parvenues et ont été mière en mineur, la seconde en majeur (interrompue à publiées entre 1713 et 1715) ainsi que L’Art de toucher la fin sur des ponctuations de rythmes pointés et d’ac- le clavecin (« très utile en général ; mais absolument cords exclamatifs). Est-ce dans sa beauté hypnotique indispensable pour exécuter mes pièces dans le goût que la Sarabande La Dangeureuse trouve l’explication qui leur convient ») en auront retardé la publication. de son nom ? La Gigue à la française pour son avant- D’autant que le 5 mars 1717, Couperin a en outre dernière apparition, avant celle du Huitième Ordre, obtenu la survivance de la charge d’Ordinaire de la ouvre la porte d’un jardin ordonné par Le Nôtre avec Musique du Roy pour le clavecin tenue par le fils de quatre pièces en 6/8 entre lesquelles s’intercale La Jean-Henry d’Anglebert, Jean-Baptiste Henry, devenu Badine. Sous l’indication « flaté » (un ornement des presque aveugle. Mais, s’il remplace d’Anglebert dans vents et des cordes), parsemée de croches liées et ses activités, Couperin ne devait recevoir le titre et pointées, elle accompagne La Tendre Fanchon – peut- les gages correspondants qu’à la mort de ce dernier. être une allusion à la chanteuse Fanchon Moreau, Couperin n’obtiendra jamais cette reconnaissance comme dans La Fanchonette du 1er Livre de pièces officielle, D’Anglebert disparaissant en 1736 (trois ans de violle (1709) de Jacques Morel. Dans une tessiture après la mort de Couperin). Louis XV supprime alors réduite (la main gauche faisant sonner le grave de l’ins- la charge qui échappe également à la fille et héritière trument), La Bandoline porte le nom d’un cosmétique, de Couperin, Marguerite-Antoinette. un ancêtre de la laque pour fixer les cheveux. A l’hori- Organisé en sept Ordres, plus longs en général que zon, de robustes Vendangeuses sur une basse évo- ne le seront ceux des Troisième et Quatrième Livres à quant la vièle à roue, très vite l’une des pièces les plus cause de la dimension même des pièces, le Deuxième célèbres de Couperin. Ce jardin « à la française », qui pri- Livre n’offre qu’un Ordre en forme de suite, le Huitième, vilégie le grave de l’instrument, est orné par La Flore et même si certaines des autres pièces conservent des L’Angélique, tout à la fois plante aromatique et prénom rythmes de danse. En revanche, s’y manifestent à la fois féminin, mais aussi un grand théorbe à dix-sept cordes une unité organique, une ampleur nouvelle dans la du XVIIème siècle. Il abrite, avec La Villers, le portrait tour- composition de plusieurs pièces en trois, quatre, voire noyant du dédicataire du livre ou de sa jeune épousée cinq parties (La Triomphante, Les Petits Ages, Les Anne de Mailly, avant de se refermer sur ses propres Fastes de la grande et ancienne Mxnxstrxndxsx), et Agréments, une démonstration du rôle expressif des des audaces formelles (Les Bergeries, Les Bagatelles, coulés, tremblements et pincés, méticuleusement l’Allemande à deux Clavecins) qui expliquent l’intérêt notés, dont Les Ondes seraient le pendant imaginaire, que portera à ce livre. sixième et dernier rondeau de cet Ordre.

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6ème Ordre (si bémol) Sur les huit pièces de cet Ordre – toutes en si bémol intégralement qu’au début et à la fin de la pièce. La majeur comme la Scène au bord du ruisseau de la Commère bavarde en duo, tandis que Le Moucheron, Symphonie « pastorale » de Beethoven –, quatre sont proche d’une gigue à l’italienne, bourdonne entre rythme des rondeaux. Couperin va utiliser de plus en plus binaire et ternaire (une anticipation des procédés d’écri- cette forme à connotation populaire, dont la fausse ture du Vol du Bourdon [Le Tsar Saltan] de Nicolas simplicité oblige à la concision et dont les divertisse- Rimski-Korsakov et de Ce que la mouche raconte des ments des opéras de Rameau seront le versant Mikrokosmos [n° 142] de Béla Bartók). orchestral. L’Ordre débute donc à la campagne, avec ses rustiques Moissonneurs. Les Langueurs tendres, 7ème Ordre (si mineur) Les huit pièces du Septième Ordre, qui privilégient le dans le mouvement d’une allemande, répondent style luthé et le grave du clavier, sont placées sous musicalement à la définition du verbe languir qu’on le signe de l’enfance musicienne du rondeau (« gra- trouve sous la plume de Charles de Saint-Denis, sieur cieux et sans lenteur ») de Françoise Charlotte de de Saint-Evremond (1614-1703) : « Languir est le Ménetou, la fille de la duchesse de la Ferté (La plus beau des mouvements de l’amour ; c’est l’effet Ménetou). Le Journal du marquis de Dangeau, en délicat d’une flamme pure qui nous consume dou- date du 18 août 1689, la présente, enfant prodige cement ; c’est une maladie chère et tendre qui nous âgée de neuf ans, divertissant le souverain en jouant fait haïr la pensée de notre guérison. » Le du clavecin. Avec ce mélange entre réel et fantaisie Gazouillement, avec son troisième couplet en mineur, proche du Watteau de Heureux âge... âge d’or (aujour- noté « plaintivement », annonce les oiseaux du d’hui à Fort Worth), Les Petits âges offrent ensuite le Quatorzième Ordre. La Bersan porte le nom de famille premier exemple de ce que Dandrieu rangera ulté- du fermier général André Bauyin, seigneur de Bersan, rieurement sous le titre de « divertissement » : le et propose une sorte d’invention à deux puis à trois tableau d’une initiation à la musique (La Muse nais- voix qui n’est pas sans évoquer l’art de Bach par une sante) qui réclame de lier les syncopes, allant de l’en- virtuosité d’écriture « germanique ». fance douée sur un rythme de berceuse (L’Enfantine) Et quelles sont ces « mystérieuses » Barricades ? Les à l’accomplissement (Les Délices), en passant par barres de mesure qu’enjambe ce rondeau, apothéose l’âge des promesses (L’Adolescente). Si un château de l’écriture brisée du musicien (avec son jeu systéma- du Maine-et-Loire porte le nom de Chazé, La Basque tique de retards syncopés qui versent ainsi les uns dans retrouve l’esprit des Moissonneurs avec une basse les autres) et de la polyphonie que le style luthé fait écla- de musette dans sa seconde partie, tandis que la ter dans l’espace sonore ? Debussy, qu’une lettre à première partie des Amusements reprend la construc- son éditeur Durand du 19 août 1915 montre hésitant à tion des Bergeries, avec son refrain complet qui n’est dédier ses Études à Couperin ou à Chopin, « ces deux entendu qu’au début et à la fin de la pièce. maîtres, si admirables “devineurs” », notait à leur propos à l’automne de 1913 : « Rien ne peut faire oublier le 8ème Ordre (si mineur) Pour cette dernière suite de son œuvre de clavecin, parfum sournoisement voluptueux, la fine perversité Couperin choisit la tonalité « solitaire et mélanco- inavouée qui rôdent innocemment autour des Barricades lique », selon Marc-Antoine Charpentier, de si mineur, mystérieuses.» Les Bergeries, qu’on retrouve sans qu’il rend à la fois superbe et comme distant. D’aucun nom d’auteur dans le Clavierbüchlein (1725) d’Anna ont souligné la parenté entre le début de La Raphaèle Magdalena Bach, présente une forme inhabituelle en et l’Ouverture à la française BWV 831 de Bach. Des jouant d’un refrain en deux parties qui ne sont entendues similitudes qu’on retrouve dans les danses suivantes,

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notamment les Courantes, les Sarabandes et les du clavecin. Dans Le Bavolet-flottant, la main gauche Gigues. La Passacaille est construite en rondeau sur du claveciniste paraît assumer le rôle du ruban épin- un refrain de quatre mesures de grands accords arpé- glé au dos des coiffes et que le vent agite. Porté après gés sur une basse chromatique, et développe un long le grand deuil, Le Petit Deuil s’associe à la grâce de crescendo jusqu’au huitième et dernier couplet. Ceux- trois veuves qui s’apprêtent à danser le Menuet à 6/8 ci offrent une continuelle variété. L’édition originale qui termine l’Ordre. propose pour terminer l’Ordre, un retour à la légèreté d’une Gigue, La Morinète, qui porte le nom de Jean- 10ème ordre (ré) Cet Ordre est dédié, par le choix du ton de ré majeur, Baptiste Morin (1677-1754), le musicien qui avait à la brillance de l’instrument, avec ses mouvements introduit en France le style des cantates italiennes. rapides et ses mesures composées (pour cinq de ses pièces qui sont à 6/8, 9/8 ou 12/8). Il débute par le 9ème Ordre (la) Hommage au monde féminin, à ses charmes et à ses genre souvent illustré par les musiciens des « bruits de accoutrements, l’Ordre propose, en guise d’intro- la guerre » avec La Triomphante (articulée en trois duction, l’un des rares exemples français de danses parties) traduction au clavecin du style italien concitato écrites pour deux clavecins et surtout deux solistes. (agité) utilisé par Monteverdi dans le Combattimento Seul Gaspard Le Roux a laissé, en 1705, un recueil de di Tandredi e Clorinda (1638). Elle est suivie de trois suites à deux clavecins. Mais les inventaires prouvent « portraits » : La Mezangère est une allemande d’un que l’on trouvait, dans les salons aristocratiques ou genre particulier qui commence au milieu de la mesure chez les musiciens, plusieurs instruments. Indiquée et porte le nom du Maître d’hôtel du roi, Antoine Scott, « nonchalamment », La Rafraichissante est typique seigneur de la Mésangère dont la femme, Anne de ces pièces de Couperin où le titre induit l’écoute. Elisabeth Bouret, était une élève de Couperin. La Entièrement écrite en style luthé, explicité par Couperin Gabrièle est-elle un hommage à l’architecte Jacques d’un « luthé et lié », en accords de notes tenues qui Gabriel (1667-1742), comme La Nointèle le serait à glissent ainsi les unes dans les autres, Les Charmes Jean de Turmenies, seigneur de Nointel, Conseiller réapparaîtront au singulier dans le Neuvième Concert du roi et Garde du Trésor ? La Fringante et L’Amazone des Goûts réunis, Il ritrato dell’Amore, aux côtés de La renouent avec l’esprit de la première pièce, alors que Douceur et de L’Enjouement. La Bagatelle fait contraste par ses sonorités. Pièce Ayant enseigné son instrument non seulement à croisée « que l’on joue à la main droite sur le clavier « Monseigneur le Dauphin, duc de Bourgogne », mais d’en haut... la gauche sur celui d’en bas », le clave- aussi « à six princes et princesses de la maison ciniste obtient ainsi un son léger de boîte à musique royale » comme Couperin le souligne dans la préface que l’on retrouvera dans Le Tic-Toc-Choc du du Premier Livre, voici sans doute l’une d’entre elle, La Troisième Livre. Princesse de Sens. Deux des filles du duc de Bourbon ont porté successivement ce titre : Louise-Anne (future 11ème Ordre (ut) La Castelane exige, de l’interprète, comme le réclame mademoiselle de Charolais) et Elisabeth (1705-1765), Couperin, un respect scrupuleux des ornements dont sa cadette de dix ans, d’abord mademoiselle de Gex. l’édition originale propose les élégants modèles : « Je «Impérieusement et animé », L’Olimpique rend-elle suis toujours surpris, après les soins que je me suis hommage à une dame prénommée Olympe ? donnés pour marquer les agrémens qui conviennent L’Insinuante l’est par son ornementation, La à mes pièces d’entendre des personnes qui les ont Séduisante par son style luthé, dans le registre grave apprises sans s’y assujétir. C’est une négligence qui

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n’est pas pardonnable, d’autant qu’il n’est point arbi- et des Gueux jouant sur le Pont Neuf, et des traire d’y mettre tel agrémens qu’on veut. » Sur le Jongleurs, Sauteurs et Saltinbanques avec les Ours rythme d’une allemande, elle prouve toute la dimen- et les Singes. Les mains du claveciniste se partagent sion expressive des appogiatures et d’un rubato pré- ensuite les Invalides ou gens estropiés au service de chopinien qu’induit le point de suspension inventé la grande Ménestrandise, Disloqués à la main droite par le musicien et explicité dans la table de son et Boiteux à la main gauche, dont on retrouve les Premier Livre. Le reste de l’Ordre est voué à la bonne béquilles à la basse. Le dénouement fait entendre humeur, comme en témoignent L’Etincelante ou la Désordre et déroute de toute la troupe causés par Bontems et Les Grâces naturelles (Suite de la les Yvrognes, les Singes et les Ours. Bontems) qui portent le nom de Charlotte le Vasseur (l’épouse de Louis-Nicolas-Alexandre Bontemps, pre- 12ème Ordre (mi) Le Douzième Ordre est consacré à l’art du portrait mier valet de chambre du roi) qui mourut en 1709. féminin en six tableaux rappelant la fantaisie qu’eut La Zénobie évoque peut-être, au-delà d’une figure le Grand Siècle de se faire portraiturer avec les attri- féminine, la magnificence de la reine de Palmyre. Avec buts des divinités de l’Olympe, un genre qu’illustra Les Fastes de la grande et ancienne Mxnxstrxndxsx aussi bien Pierre Mignard (1612-1695), François de que Couperin a orthographié par dérision ou feinte Troy (1645-1730), Nicolas de Largillierre (1656-1746) prudence en remplaçant les voyelles par des x, on ou encore Charles de la Fosse (1636-1716). Tout pénètre dans le tableau de genre en cinq actes d’une comme Les Deux Cousines (collection particulière) musique à programme, véritable manifeste politique d’Antoine Watteau peintes de face et de dos, Les du musicien contre les exigences d’une corporation Jumèles se contemplent dans le miroir, puisque la fondée en 1321 pour organiser « la communauté des seconde partie reprend en mineur le rythme, les har- maîtres à danser et joueurs d’instruments tant hauts monies et la mélodie de la première, mais par mou- que bas ». Dotée de nouveau statuts en 1659, la vement contraire. L’Intime est une courante proche ménestrandise luttait contre un processus de déclin de la courante à l’italienne du Quatrième Concert ; amorcé dès le XVIIème siècle, lorsque la rue commence La Galante une courante plutôt « gaye » ; La Coribante à échapper aux ménétriers, au profit des musiciens de une gigue ; La Vauvré rend hommage à la famille de l’Académie royale de musique. En 1693, une ordon- Jean Louis Girardin, sire de Vauvré. Sur une basse nance du Prévôt de Paris qui défend à quiconque en croches égales, La Fileuse va développer une d’enseigner le clavecin sans s’être fait recevoir mélodie faites de coulés et de ports de voix. La « maître » par la corporation, paraît la conforter dans Boulonoise retrouve la veine populaire, tandis que ses anciens privilèges. Une bataille juridique incer- L’Atalante déploie sa course rapide, dans l’esprit d’un taine s’engage alors, dont Couperin, Nicolas Le Bègue mouvement de sonate pour violon et basse continue. (ca 1631-1702), Gabriel Nivers (ca 1632-1714) et Jean-Baptiste Buterne (ca 1650-1727), « composi- teurs de musique et organistes de la Chapelle du Roy », furent les plaignants, obtenant une première victoire en 1695, avant une reprise du conflit en 1707. L’humour est au service de cette satire, avec la marche pompeuse des Notables et Jurés- Mxnxstrxndxurs, suivie de la complainte des Vieleux

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François Couperin Publié à Paris [en 1722]/gravé par Louis Hüe pour la musique gauche, entre deux coups de vent, et Couperin y Pièces de clavecin, et par Berey pour la page de titre et les textes. invente un signe nouveau, la virgule (,) destinée à Troisième Livre (1722) phraser le discours : « C’est pour marquer la termi- Couperin espère que ce livre plaira « aux amateurs naison des chants, ou de nos phrases harmoniques, de [ses] ouvrages (...) au moins autant que les deux et pour faire comprendre qu’il faut un peu séparer la volumes qui l’ont précédé ». Face à ceux-ci, il affirme fin d’un chant, avant de passer à celui qui le suit. Cela ses exigences de musicien : « Je déclare donc que est presque imperceptible en général, quoiqu’en n’ob- mes pièces doivent être exécutées comme je l’ay servant pas ce petit silence, les personnes de goût marquées et qu’elles ne feront jamais une certaines sentent qu’il manque quelque chose à l’exécution ; en impression sur les personnes qui ont le goût vray, un mot, c’est la différence de ceux qui lisent de suite, tant qu’on n’observera pas à la lettre, tout ce que j’y avec ceux qui s’arrêtent aux points et aux virgules. ai marqué, sans augmentation ni diminution. » Ces silences se doivent faire sentir sans altérer la Couperin est âgé alors de cinquante quatre ans et habite mesure. » Ce qui est exactement la définition du encore rue de Poitou dans le quartier du Marais. Il n’a rubato, temps volé à toujours restituer. Mais il est bien rien publié depuis le Deuxième Livre hormis la deuxième propre à Couperin que cette sensibilité à l’art de la édition de L’Art de toucher le clavecin en 1717. déclamation, typique de l’ère baroque, emprunte ses Le pittoresque imaginaire que privilégient les titres métaphores à la nature. L’Engageante répète « agréa- (oiseaux, plantes, campagne) s’accompagne d’une blement » ses carrures et invite à entrer dans l’uni- exploration de l’aigu du clavier et d’une recherche vers de l’unique pièce à variations de Couperin pour particulière des caractéristiques propres à l’instru- le clavecin, Les Folies Françoises ou les Dominos, ment (Le Carillon, Les Timbres, Le Tic-Toc-Choc). italienne par la forme et le rythme ternaire, mais fran- Celle-ci renforce l’intimité entre l’instrument et celui çaise par les titres donnés à chaque variation. qui le joue, avec notamment la multiplication des a souligné qu’il n’est guère que pièces croisées. Deux pages suffisent souvent, avec ces Folies (carnaval de masques et de sentiments seulement sept ou huit pièces par Ordre (sauf les virevoltant en douze variations titrées et sous-titrées exceptions des 13ème et 17ème Ordres). Si une seule sur basse obligée), qui se puissent prévaloir d’une Courante s’affirme comme telle, bien des pièces richesse polysémique semblable à celle du Carnaval conservent les « caractères de la danse », allemandes de Schumann. Cette cartographie amoureuse qui (La Régente ou La Minerve, Les Graces incompa- renouvelle celle des Précieuses, hommage à Corelli et rables ou la Conti) ou gigues (Le Rossignol vainqueur, à sa célèbre Folia débouche sur la grande déploration Le Gaillard boiteux). de L’Ame en peine où pourrait s’entendre une « mor- bidezza » proche de Chopin. 13eme Ordre (si mineur) Les Lis naissans sont-ils un hommage au jeune Louis XV (1710-1774) qui regagne le 15 juin 1722, 14eme Ordre (ré) Dédié aux oiseaux et à leurs amours, le Quatorzième tout juste âgé de douze ans, Versailles déserté depuis Ordre escalade les touches comme la gente ailée le la mort de son arrière-grand-père Louis XIV ? Une ciel. Le Rossignol en amour est bon chanteur dans la croche à la main gauche, trois à la main droite pour tradition française de l’air ornementé et Couperin sou- symboliser cette croissance qu’accompagne à la fin ligne que dans son double s’« il ne faut pas s’atta- une discrète montée vers l’aigu. Les Rozeaux, quant cher trop précisément à la mesure (...), il faut tout à eux, se balancent sur le rythme régulier de la main sacrifier au goût, à la propreté des passages, et à

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bien attendrir les Accens marqués dans des pincés ». toute la reconnaissance que m’inspire une société Et d’ajouter, pour souligner ses vertus mélodiques : aussi flateuse, en leur fournisssant, dans ce troisième « Ce Rossignol réüssit sur la flûte traversière on ne ouvrage, un vaste champ pour exercer leur Minerve.» peut mieux, quand il est bien joüé. » Dans ce petit La mélodie de « Dodo l’enfant do » se reconnaît roman des amours ailées, Les Fauvètes plaintives encore sous la recherche ornementale et harmonique témoignent quant à elles de l’art de coloriste de de la berceuse du Dodo ou l’Amour au berceau, avec Couperin qui réussit à donner corps à la tessiture la le rythme uniforme de sa main gauche, nouvelle pièce- plus aigüe et la plus fragile de l’instrument. La Juillet croisée à jouer sur deux claviers. L’Evaporée est à peut se jouer « sur différens instruments », puisqu’on interpréter « très légèrement ». Les trois parties des l’interprètera soit à deux clavecins, soit avec un ins- deux Musètes de Choisi et de Taverni requièrent, soit trument mélodique. C’est la première des cinq pièces deux clavecins (la main gauche des clavecinistes écrites en trio, avec une « contre-partie », chacun des assurant le « bourdon » de l’instrument), soit un seul instrumentistes jouant un contrepoint différent à la avec « les mains croisés en repoussant un des cla- main droite et la même basse à la main gauche. viers » (sans la basse de musette). Le ton pastoral En 1918, Maurice Ravel avec Frontispice écrira, pour reste aussi celui de La Douce et piquante et des « cinq mains », un écho furtif (moins de deux minutes Vergers fleüris avec sa musette « dans le goût de cor- de musique) à cette pratique. nemuse ». Surnommée « Petit Chat », la fille du prince Avant le menuet du Petit Rien, Le Carillon de Cithère Antoine ler Grimaldi de Monaco (La Princesse de résonne de délicates sonneries. Le tableau de récep- Chabeüil ou la Muse de Monaco) jouait en 1722 déjà tion de Watteau à l’Académie royale de peinture, exposé tout le Premier Livre ; aussi lui fallait-il selon son père : au à partir de 1717 (Le Pélerinage à l’isle de « du grand, du sublime, et même du chromatique », Cithère), pourrait bien en être l’arrière-plan imaginaire, car « plus il y a de fond d’harmonie et d’érudition dans jusque dans ses variations sur les couples d’amants une pièce, plus elle s’y attache à l’exécuter. Une dis- déployés en éventail pour lesquelles Rodin parlera de sonance la saisit et l’enlève. » Couperin ne lui enverra « déroulement d’une pantomime », un terme qui n’est pourtant pas son portrait mais une dédicace en forme pas sans évoquer la poésie des Folies françaises. de bagatelle, l’ultime pièce de l’Ordre. Et le prince de rester sur sa faim, avant d’ajouter, magnanime : 15eme Ordre (la) Hommage, après le jeune Louis XV, peut-être au « Quand vous la jugerez digne de quelque produc- régent, Philippe d’Orléans (1674-1723), avec l’alle- tion plus sérieuse, nous la recevrons avec la même mande La Régente ou la Minerve. Mais Couperin lui- reconnaissance. » même se moque par avance de nos prosaïques efforts d’interprétation, inoffensives parodies « sur l’air de... » : 16eme Ordre (sol) Le Seizième Ordre débute à nouveau par une alle- « Je n’aurais jamais pensé que mes pièces dussent mande Les Grâces incomparables ou la Conti, un s’attirer l’immortalité, mais depuis que quelques titre portée par plusieurs membres de la famille des poètes fameux leur ont fait l’honneur de les parodier, princes de Conti, notamment Marie-Anne, made- ce choix de référence pourrait bien, dans les temps à moiselle de Conti (1689-1720), et, par mariage, Marie- venir, leur faire partager une réputation qu’elles ne Anne de Bourbon, la première mademoiselle de Blois devront originairement qu’aux charmantes parodies (1666-1739), fille de la duchesse de La Vallière et du qu’elles auront inspirées. Aussi marquay-je d’avance roi, une élève de Couperin. Les contemporains furent à mes associés bénévoles dans ce nouveau livre, unanimes à vanter son exceptionnelle beauté, au

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point que La Fontaine, dans Le Songe, qu’il lui dédie des doigts que de la force » ; et Les Petites en 1689, évoque « la déesse Conti », « fille des Chrémières de Bagnolet «soutiennent le son », Amours » mais aussi « fille de Jupiter ». L’Hymen- « conservant une liaison parfaite dans ce qu’on y éxé- amour est-il le souvenir de la cantate d’André Campra cute » (L’Art de toucher le clavecin). (1660-1744) publiée en 1714, La Dispute de l’Amour et de l’Hymen ? En quatre pages s’opposent une 18eme Ordre (fa) Opposant le majeur au mineur, l’Ordre débute en fa première partie notée « majestueusement » et une mineur, mais autant l’allemande La Verneuil (l’un des seconde, aux allures marquées, indiquée « galam- titres de la famille du duc de Bourbon) en exploite la ment ». En deux parties dont la première est en ron- gravité sombre, autant son pendant, La Verneüillète deau, Les Vestales introduisent à la fantaisie de joue de la légèreté. En majeur, Sœur Monique a été L’Aimable Thérèse, un prénom porté par l’actrice parodiée en 1721 en bergère par ces « associés béné- Thérèse Le Noir de la Thorillière. La gigue du Drôle voles » plaisantés par Couperin dans sa préface (« Ma de corps n’est pas sans évoquer les contorsions d’un bergère, ma bergère,/L’amour se sert de vos doux saltimbanque, avec ses petits motifs « grotesques », attraits ;/Pour nous plaire, pour nous plaire,/Ce dieu alors que La Distraite, construite sur l’opposition entre vainqueur emprunte vos traits ») et s’oppose à son deux mesures tranquilles et une brusque chute de tour à l’agitation du Turbulent, l’un des rares portraits triples et doubles croches, se complaît ainsi, au gré du au masculin. L’Atendrissante fait retour au mineur musicien, dans ses ruptures de ton. Enfin, La Létiville, dans la gravité de ses rythmes comme suspendus, de aux allures de gigue calme avec ses figures en triolets, ses harmonies dissonantes. L’ordre se termine en termine le groupe des pièces à deux clavecins. majeur sur une pièce croisée, Le Tic-Toc-Choc ou les Maillotins et une gigue à la française avec sa 17eme Ordre (mi mineur) Témoignage du goût déjà ancien pour les portraits mesure à 2/6 où le déhanchement du Gaillard Boiteux, d’artistes popularisés par la multiplication d’une lit- « dans le goût burlesque », est rendu par les sauts térature qui, du modèle renaissant des Vite de Giorgio d’octaves et les rythmes pointés. L’exposition Vasari aboutira aux Entretiens de Félibien, voici le vio- Musiciens des rues de Paris, organisée à la fin de liste Antoine Forqueray (1672-1745) « peint » par 1997 au Musée des Arts et Traditions populaires par Couperin dans La Superbe ou La Forqueray. On sait Florence Getreau, lui a récemment donné un visage, que le musicien inspirait à la fois l’admiration et la celui d’une chanteur des rues de Paris à la fin du crainte par sa virtuosité diabolique et son caractère XVIIème siècle, Guillaume de Limoges, bien planté sur « quinteux, fantasque et bizarre » (Hubert le Blanc). le Pont-Neuf avec ses béquilles. C’est sans doute pour une question de tournes de page que le graveur a placé l’unique Courante fran- 19eme Ordre (ré) Cet Ordre débute sous le signe du théâtre de la Foire çaise du Livre avant Les Petites Chrémières de qui fut un véritable creuset parodique des mœurs et Bagnolet, tant les trois dernières pièces forment alors des musiques du temps, témoins les deux premières un groupe de miniatures instrumentales mettant en pièces, Les Calotins et les Calotines ou la pièce à tre- valeur les différents modes de jeu propres au clavecin : tous (c’est-à-dire à tout le monde) et Les Calotines. Le Les petits Moulins à vent lui « donne[nt] de l’âme » Sage et d’Orneval au tome V de leur édition de pièces au moyen de la répétition ; Les Timbres valorisent la du Théâtre de la Foire (1734) qu’ils ont « recueillies, délicatesse de toucher « car la belle exécution dépend revues et corrigées », proposaient un Régiment de la beaucoup plus de la souplesse et de la grande liberté Calotte, pièce en un acte, représentée à la foire Saint-

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Laurent le ler septembre 1721. L’Avertissement pré- François Couperin Publié à Paris [en 1730], gravé par Du Plessis cise le rôle de cette « société » fondée en 1702 : PIèces de clavecin, « Pour mettre au fait du Régiment de la Calotte ceux Quatrième Livre (1730) Dernier livre publié par Couperin qui indique, dans sa qui n’y sont pas, ils sauront que c’est un Régiment préface, avoir achevé depuis trois ans les pièces qui métaphysique, inventé par quelques Esprits badins le composent et n’avoir « pas fait de grands ouvrages qui s’en sont fait eux-mêmes les principaux Officiers. depuis » à cause de sa mauvaise santé. Cinq ans de Ils y enrôlent tous les Particuliers, Nobles et roturiers silence auront donc précédé sa mort, le 11 septembre qui se distinguent par quelque folie marquée ou 1733. En 1730, Couperin se démet de ses charges à quelque trait ridicule. Cet enrôlement se fait par bre- la cour et, depuis 1723, c’est son cousin Nicolas qui vets en prose et en vers, qu’on a soin de distribuer officie à l’orgue de Saint-Gervais. Est-ce déjà à lui- dans le monde. » même qu’il songe en publiant dans les Pièces de violes La pièce se jouait « dans la salle d’assemblée du régi- de 1728 l’étrange Pompe funèbre ? Huit Ordres com- ment » où Momus, dieu du rire, venait examiner les posent le Quatrième Livre, allant de quatre à huit pièces brevets délivrées par La Folie, série d’allusions à des par Ordre avec des pièces qui dépassent exception- personnages et des événements contemporains qui nellement la concision et la sobriété de deux ou trois se terminait par une cérémonie d’admission d’une pages de musique, seulement quelques danses sans troupe de calotins et de calotines vêtus « de robes à titre (Tambourins, Gavotte, Menuets croisés), mais plu- longues manches parsemés de rats ». Faut-il entendre sieurs danses titrées, notamment des allemandes (Le dans les pièces suivantes, L’Ingénuë (dans son Point du jour, L’Exquise) et des danses cachées (dont « emploi » de « naïve », un rondeau de forme binaire, la loure de la première partie des Chinois). L’univers majeur et mineur), L’Artiste (dont la première mesure sonore s’allège dans la fluidité et dans une écriture plus passe à toutes les parties) et Les Culbutes Jxcxbxnxs linéaire, qui privilégie l’épure sur l’ancienne profusion. [jacobines] d’autres personnages du théâtre de la Foire ? Cette dernière pièce offre huit premières 20ème Ordre (sol) L’Air dans le goût polonois, « 3ème partie de la pièce mesures calmes suivies, comme pour La Distraite, précédente », sorte de mazurka à jouer « les notes d’une chute par gamme descendante. égales et marquées », nous renseigne sur l’identité de Le rondeau de La Muse plantine évoque sans doute La Princesse Marie, la fille de Stanislas Leszczynski, roi le célèbre imprimeur d’origine française établi à Anvers, de Pologne dépossédé de son trône, devenue reine de Christophe Plantin (1520-1589) qui y édita de nom- France le 15 août 1725. Gavotte en deux parties qui breux ouvrages ainsi qu’un unique sonnet, Le Bonheur «ressemble » bien à la femme douce qu’était la prin- de ce monde, où il vante les charmes d’une vie cesse, élève de Couperin, dont Nattier laissera, en modeste, dévote et sage pour « attendre chez soi 1748, un ultime et beau portrait en tenue de ville bien doucement la mort ». L’Ordre se termine par la (aujourd’hui à Versailles). La Boufonne est une gigue pirouette, notée « très gayement », de L’Enjoüée. pleine d’allant. Les mystérieux Chérubins ou l’aimable Lazure privilégient le contraste en miroir puisque la deuxième partie commence par une variation des quatre premières mesures de la première partie. « Délicatement, sans vitesse », La Croûilli ou La Couperinète invite au repos et s’inspire, dans la musette de sa deuxième partie (avec une « contre par-

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tie pour la viole : sy l’on veut »), des charmes campa- 22ème Ordre (ré) Avec Le Trophée sommes-nous à l’opéra ou devant gnards de la terre de Crouilly que le musicien possé- les façades sur jardin de Versailles dont l’étage en dait près de Chaumes en Brie, berceau de sa famille. attique est couronné par une balustrade ornée de pots Elle précède deux portraits de femme imbriqués dans à feu et de trophées, ces éléments décoratifs qui exal- leur écriture et le choix de la tessiture aiguë, puisque la tent les victoires du souverain ? Les rythmes militaires, fin de la deuxième reprend, en mineur, le thème de la dans le ton « joyeux et très guerrier » de ré majeur, se première. La fine Madelon et La douce Janneton appar- prolongent d’une invitation à danser le menuet (les tiennent-elles au monde du théâtre ? S’agirait-il alors de deux Airs contrastés qui le complètent) avant d’aller Jeanne Olivier de Beauval qui succèdera à Madeleine se promener dans un parc tout dédié au mythe solaire Béjart, la première Magdelon des Précieuses ridicules d’Apollon. N’y avait-on pas « mis sa naissance et celle dans la troupe de Molière, où son emploi était les rôles de Diane avec Latone leur mère dans une des fon- de servantes ? La deuxième pièce offre aussi le premier taines... et un soleil levant dans le bassin qui est à l’ex- croisement de mains sur un seul clavier, tout comme La trémité du petit Parc » (Charles Perrault) ? Est-ce cela Sezille, pièce croisée destinée au grand clavier, celui qu’évoque Le Point du jour ? La description musicale du dessous. Les mains s’y croisent par moment reprend ses droits avec L’Anguille qui glisse en ondu- comme dans Les Trois mains de Rameau ou certaines lant dans l’onde des tremblements de sa deuxième Sonates de . Après ce grave hom- partie. Quant à la victime du Croc-en-jambe, après mage au Trésorier des Offrandes et Aumônes du Roi une cadence rompue, elle dégringole sur un trait de (ou à sa femme, Angélique Beaudet), l’Ordre se ter- doubles croches, tel Monsieur de Blanrocher (ca 1607- mine avec Les Tambourins sur deux airs de danse 1652) dont Froberger (1607-1667) illustra musicale- qu’on peut jouer « alternativement et tant que l’on veut » ment la chute fatale dans son Tombeau de Monsieur de mais en finissant toujours par le premier et qui n’est Blancheroche. Les deux Menuets croisés réclament pas sans rappeler le Tambourin des Pièces pour cla- un clavecin à deux claviers avec leurs lignes mélo- vecin en mi de Rameau (1724). diques qui passent constamment l’une par-dessus l’autre. Les Tours de passe-passe complètent le mou- 21ème Ordre (mi mineur) Écrit dans le ton « amoureux et plaintif » selon Marc- vement d’une gigue en style luthé (proche de la Gigue Antoine Charpentier de mi mineur, comme le Dix-sep- de la Première Partita en si bémol majeur BWV 825 tième Ordre, il débute par La Reine des cœurs qui, de Bach) dans laquelle la main gauche passe conti- enveloppée dans la grâce de son ornementation, doit nuellement par-dessus la main droite, paraphrase des se jouer « lentement, et très tendrement », face à l’éner- talents d’escamoteurs des bateleurs du Pont-Neuf. gie de La Bondissante. Pour son propre portrait (La Couperin), le musicien a fait choix d’une allemande 23ème Ordre (fa) Une allemande à nouveau pour commencer, en « style construite sur un seul thème dont Davitt Moroney a pointé » (notes inégales) pour L’Audacieuse, qui devrait noté que la phrase initiale se retrouve textuellement son qualificatif à l’extension de sa phrase musicale à dans l’allemande de la Suite en la mineur BWV 818a de partir du thème initial. Les Tricoteuses s’activent dans Bach. L’ordre se referme sur La Harpée « dans le goût leurs doubles croches jusqu’à l’incident des « mailles de la harpe » avec ses traits diatoniques et l’introduc- lachées ». Indiquée « grotesquement », L’Arlequine tion d’une voix d’alto en syncopes entre le grave et le évoque tout à la fois la commedia dell’arte italienne dessus, et La Petite pince-sans-rire qui égrenne ses popularisée en France par la troupe de Tiberio Fiorilli dissonances sous la feinte tranquilité de son rythme. et les célèbres titulaires du rôle d’Arlequin comme

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Dominique ou Evariste Gherardi) mais aussi le Campra mère jeune fiancée (cinq ans) de Louis XV qui fut aussi (1660-1744) des Fêtes vénitiennes créées en 1710, l’élève de Couperin et qu’on imagine s’essayant à dont la deuxième entrée de la troisième scène, l’art des pincés et tremblements sur ces trois lignes de L’Amour saltinbanque, propose un Air pour les musique. Sous-titrée « mouvement de passacaille », Arlequins. La pièce de Couperin se trouve ici transfi- L’Amphibie propose sept changements de tempo ou gurée par une écriture harmonique qui suscitera l’ad- de style de jeu (« Noblement, Gayement, Modérément, miration de Johann Philipp Kirnberger qualifiant de Vivement, Marqué, Plus marqué, Noblement ») indi- « véritable chef-d’œuvre » cette pièce qu’il publiera qués pour illustrer l’ambivalence suggérée dans le en 1777. Au témoignage de Wanda Landowska, qui titre, en contraste avec le goût habituel de Couperin la lui jouait souvent, c’était la pièce préférée de Ravel. pour les rythmes réguliers, la répétition et la conti- La poésie des titres chez Couperin tient souvent, nuité. Ambivalente, elle participe à la fois du rondeau comme chez Debussy, à l’adjonction de deux termes sans refrain intermédiaire (ce dernier ne revenant que qui nous paraissent aujourd’hui sans rapport entre pour conclure) et du style soutenu de la passacaille. eux, témoins le rondeau des Gondoles de Delos, « badinage tendre » pour un embarquement sur le 25ème Ordre ( mi bémol, ut) Couperin y regroupe des pièces en ut majeur et mineur Grand Canal à Versailles, près des bosquets où résident mais débute audacieusement dans le ton de la tonalité Les Satires Chèvre-pieds aux oreilles pointues et aux relative (mi bémol majeur) pour avoir égaré, comme il pieds de chèvre, pris entre la démarche pesante de l’indique dans la préface, « la première pièce et la troi- la première partie et la danse titubante de la seconde. sième » et, avec une feinte désinvolture, n’avoir « pas jugé à propos, dans le fort de [son] incommodité, de 24ème Ordre (la) Les Vieux Seigneurs font exception à l’allègement de [s’]appliquer à la conduite de cet ouvrage ». Il reprend la texture musicale propre à ce livre avec leurs grands en outre un titre déjà utilisé, La Visionaire, pour l’une de accords de cinq ou six sons qui évoquent justement ses premières « sonades » (la francisation du terme ita- le passé, dans le rythme d’une sarabande grave. Les lien de « sonate »), écrite entre 1690 et 1695. Souvenir Jeunes Seigneurs sont, eux, plein d’allant. Ils ont peut-être de la pièce de Desmarets de Saint Sorlin (créée l’énergie des grands sauts mélodiques. Seront-ils en 1637 mais constamment reprise au cours du XVIIème victimes des Dars-homicides de Cupidon, tandis que, siècle, qui met en scène des « extravagants »), elle s’or- exploitant sans mélange le seul grave de l’instrument, ganise en deux mouvements (lent et vif) et utilise, dans Les Guirlandes se nouent « amoureusement » en style sa première partie, les rythmes pointés de l’ouverture à luthé dans l’imbrication de leurs thèmes et de leurs la française. Quel secret dissimule La Mistérieuse : celui couplets, à la manière des Bergeries. Les Brinborions, de quelques auto-citations (de La Couperin, de si caractéristiques du style de Couperin, avec leur L’Epineuse) ? « Tendrement et sans lenteur », en mineur, carrure en phrases de quatre mesures qu’amplifient La Monflambert est dédiée à François Fagnier, sieur de les reprises, affinent la miniature en quatre parties à Monflambert, Conseiller au Châtelet et Premier Marchand jouer d’affilée. Portraits de femme avec La Divine de vin du roi. La Muse victorieuse entonne, elle, son Babiche ou les amours badins qui descend « volup- chant de victoire « audacieusement » en ut majeur. tueusement » dans le grave du clavier en une suc- Avec Les Ombres errantes, Couperin revient au style cession ininterrompue de trente-quatre phrases de luthé dans cet hommage aux Champs-Elysées qui quatre mesures ; et la très courte Belle Javotte en débute sur une accumulation de fantomatiques gavotte, « autrefois l’Infante » souvenir d’une éphé- secondes mineures descendantes. « Dans le vieux

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parc solitaire et glacé/Deux formes ont tout à l’heure François Couperin Publié à Paris [première édition : 1716, deuxième édition : passé./(...) Dans le vieux parc solitaire et glacé,/Deux L’Art de toucher 1717]/dédié au roi/gravé par Berey et Hüe. spectres ont évoqué le passé » écrira Verlaine dans le le clavecin (1716) Colloque sentimental des Fêtes galantes. Comme l’a souligné récemment Jean-Jacques Eigeldinger (« Chopin et Couperin », in L’Univers musi- 26ème Ordre (fa dièse) Écrite dans le ton rare de fa dièse mineur, dit le « ton de cal de Chopin, Paris, Fayard, 2000), les rapproche- la chèvre » par allusion à une pièce du luthiste Denis ments ne manquent pas entre ce que l’on sait de la Gaultier, l’Ordre débute par La Convalescente qui est méthode de piano prônée par Chopin et le si subtil peut-être un portrait privé de Couperin vieillissant, Art de toucher le clavecin. Couperin a choisi d’illustrer suprêmement maître de son art malgré la maladie, fai- sa méthode d’une allemande qui se présente comme sant du chromatisme et du style luthé un haut moyen une pièce rapide, en contrepoint imitatif à deux voix, d’expression. Même science de la polyphonie dans la indiquée « légèrement », tandis que les préludes s’ins- Gavotte. La Sophie propose une invention à deux voix. crivent dans la tradition française du genre, en micro- Le rondeau de L’Epineuse, avec son quatrième couplet cosmes quintessenciées de la production de leur dans le ton inusité de fa dièse majeur à six « épines », auteur. Chacune des toniques correspond aux Premier offre en outre une unité particulière puisque tous les et Deuxième Livres. couplets reprennent le rythme inital du refrain qui se Et Couperin de préciser les raisons d’avoir choisi des retrouve à la main gauche dans le troisième, alors que préludes mesurés : « Quoy que ces préludes soient le quatrième enchasse son petit rondeau dans le grand. écrits mesurés, il y a cependant un goût d’usage qu’il La Pantomime, si elle fait allusion au Théâtre Italien, faut suivre. Je m’explique. Prélude est une composition restitue par le son, les accents et les accords à contre- libre, où l’imagination se livre à tout ce qui se présente temps, l’art bondissant des comédiens de tréteaux. à elle. Mais comme il est assez rare de trouver des génies capables de produire dans l’instant, il faut que 27ème Ordre (si mineur) Dans le ton « solitaire et mélancolique » (selon Marc- ceux qui auront recours à ces préludes réglés, les Antoine Charpentier) de si mineur, à nouveau une alle- jouent d’une manière aisée, sans trop s’attacher à la mande (L’Exquise) pour commencer, suivie d’un précision des mouvements, à moins que je ne l’aye « sommeil » (Les Pavots) dont la basse verse « leur marqué exprès par le mot Mesuré. Ainsi on peut hasar- jus oublieux » accompagné de cette sensation de fra- der de dire que dans beaucoup de choses la Musique gilité que procure le choix de l’aiguë de la tessiture. Les (par comparaison à la Poésie) a sa prose et ses vers. » Chinois n’ont rien ici d’exotique, même si la Le primat du jeu lié, ce legato « si hermétique, si Compagnie de Jésus a contribué à faire connaître intense » dont parle Wanda Landowska et qu’elle l’Extrême Orient, et les arts décoratifs à mettre à la compare à celui de Chopin, expression de son goût mode une grande variété de modèles empruntés à pour les textures en style brisé, héritées du luth, l’art de la Chine – si ce n’est, sans doute, le dépay- domine dans les Préludes, notamment le premier. sement engendré par la variété des rythmes (« len- Quant au texte, s’il y a sans doute des méthodes tement », « viste », « lentement ») et les changements mieux organisées, il n’en est guère de plus inspirées. de mesures. La dernière pièce publiée est une Saillie, conversation musicale « vivement » menée.

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François Couperin En 1726, François Couperin publie Les Nations, com- définissait ainsi le trio instrumental, né en Italie au début Sonates en trio posées chacune d’une grande Sonate en trio à l’ita- du XVIIème siècle, héritier de la polyphonie du quatuor lienne, introduisant une Suite à la française. Mais, dans vocal et de l’expressivité de la mélodie : « Les sonates l’Aveü qui sert de préface à l’édition, Couperin, revèle sont proprement de grandes pièces, Fantaisies ou qu’une partie du recueil avait été en fait composé bien Préludes, etc., variées de toutes sortes de mouve- auparavant : « Il y a quelques années déjà qu’une par- ments et d’expressions, d’accords recherchés ou ties de ces Trios a été composée : il y en eut quelques extraordinaires, de fugues simples ou doubles, etc., manuscrits répandus par le monde ; dont je me défie par tout cela purement selon la fantaisie du compositeur, la négligence des copistes. De tems à autre j’en ay aug- qui sans être assujetti aux règles du contrepoint, ni à menté le nombre ; et je crois que les Amateurs du vray aucun nombre fixe ou espèce particulière de mesure, en seront satisfaits... J’y ay joint seulement de grandes donne l’essor au feu de son génie, change de mesure Suites de Pièces aux quelles les Sonades ne servent ou de mode quand il le juge à propos. » que de préludes, ou d’espèces d’introductions. » Un manuscrit provenant de l’Académie des Concert La Sonade (sonate) « La Pucelle », rebaptisée « La de Lyon (créée en 1713) contient en outre une autre Françoise » en 1726, fut non seulement la première sonate en trio, La Superbe, sans doute composée sonate en trio composée par Couperin, sans doute plus tardivement. dans les années 1690, mais aussi la première sonata da Choisissant la sonate d’église dont les mouvements chiesa (sonate d’église) à l’italienne composée en enchaînés ne ressemblaient à aucun genre connu en France : « L’histoire même en est singulière. Charmé France, alors que la sonata da camera (sonate de de celles du signor Corelli, dont j’aimerai les œuvres chambre) dérivait de la suite de danses française, tant que je vivrai, ainsi que les ouvrages français de M. Couperin, en introduisant ce genre nouveau en de Lulli, je hasardai d’en composer une, que je fis exé- France, confère à la musique de chambre l’ampleur et cuter dans le concert où j’avais entendu celles de Corelli. la gravité qu’elle avait acquise en Italie – même si les Connaissant l’âpreté des Français pour les nouveautés concerts dans les églises n’existeront guère en étrangères sur toutes choses, et me défiant de moi- France – de même qu’il fut sans doute le premier à même, je me rendis, par un petit mensonge officieux, un mettre en vedette le violon. Celui-ci, comme le note très bon service. Je feignis qu’un parent que j’ai, effec- encore Lecerf de la Vieville « n’est pas noble en tivement auprès du Roi de Sardaigne, m’avait envoyé France », avant d’ajouter : « mais enfin un homme de une sonate d’un nouvel auteur italien : je rangeai les condition qui s’avise d’en jouer ne déroge pas ». lettres de mon nom de façon que cela formât un nom Couperin à partir de 1690 composa six Sonades, italien, que je mis à la place. La sonate fut dévorée avec cinq en trio (la Pucelle, la Steinkerque, la Visionnaire, empressement et j’en tairai l’apologie. Cela cependant l’Astrée et la Superbe), et une en quatuor (la Sultane) m’encouragea. J’en fis d’autres ; et mon nom italia- donnant à chacune d’elle un titre qu’on imagine nisé m’attira, sous le masque, de grands applaudisse- aujourd’hui inspiré par l’actualité de son temps – un ment. Mes sonades, heureusement, prirent assez de événement (la victoire de Steinkerque en 1692), une faveur pour que l’équivoque ne m’ait point fait rougir. » œuvre littéraire (Les Visionnaires de Desmarets de Sébastien de Brossard (1655-1730), qui recopia les Saint-Sorlin) ou encore musicale (la tragédie lyrique quatre premières sonates en trio de Couperin sous le Astrée et Celadon de Pascal Colasse). titre de La Pucelle, La Steinkerque, La Visionnaire et Comme le remarque Pierre Citron dans son ouvrage sur L’Astrée dans son Dictionnaire de musique de 1703, Couperin (Le Seuil, 1956 pour la première édition), ce

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dernier prend exemple sur Corelli, avec des grave de biographies pour le clavecin, notam- études au Conservatoire de caractère religieux, des fugati très libres, des reprises de ment de M. Corrette Paris où elle obtient deux thème d’un mouvement à l’autre pour donner plus d’unité (Lemoine) ainsi que de Premiers prix à l'unanimité, à l’œuvre (Gravement et Vivement dans La Pucelle) et une Olivier Baumont Jacques Du Phly (Oiseau l'un en basse continue tessiture limitée en général à deux octaves qui préserve Né en 1960, primé par Lyre). Il a également publié, (dans la classe de le caractère « humain » du chant du violon. deux fois à l'unanimité au en 1998, un livre sur Christophe Rousset) et Il s’en détache par une ampleur plus vaste des com- Conservatoire de Paris, François Couperin intitulé l'autre en clavecin (dans positions, des mouvements plus nombreux, un usage Olivier Baumont est depuis Couperin, le musicien des celle de Kenneth Gilbert). plus varié des tonalités avec une prédilection pour le plusieurs années considéré rois, dans la collection Elle continue sa formation mineur, l’introduction dans chaque sonate d’un Air, comme l'un des meilleurs Découvertes/Gallimard. auprès de Pierre Hantaï et dans le style tendre de Lambert et de Lulli, l’adjonction clavecinistes de sa généra- Homme de lettres, Olivier de Christophe Rousset aux mouvements lents et rapides, de tempos modé- tion. Il a travaillé auprès Baumont est aussi un dans le cadre du cycle de rés (tendrement, affectueusement, gracieusement). d' et de grand amateur de théâtre perfectionnement. En juin Kenneth Gilbert et a été et de cinéma, et s'investit 1999, elle a remporté le M. K. invité à Cologne par Gustav dans différent projets artis- Premier prix du Concours Leonhardt à ses cours d'in- tiques liant la musique et international de clavecin de Ces notes doivent beaucoup aux travaux et aux conseils d’Olivier terprétation. Sollicité par les ses autres passions. Il est à Montréal. Elle s'est produite Baumont et de Denis Herlin. Qu’ils en soient ici remerciés. principales saisons et les l'origine de productions de en soliste ou comme conti- plus grands festivals fran- théâtre en musique comme nuiste sous la direction de çais, il se produit également le spectacle sur Tallement Ton Koopman, Reinhard dans toute l'Europe ainsi des Réaux, et aussi Le Goebel et Christophe Coin, qu'en Russie, au Japon, en Mariage forcé de Molière ainsi que dans le cadre des Amérique du Sud et aux (avec musiciens, danseurs festivals d'Ambronay, de La États-Unis. S'il privilégie le et acteurs), en collaboration Chaize-Dieu et de Pontoise. récital, par goût, il travaille avec le comédien Nicolas Elle assure le continuo dans aussi fréquemment avec Vaude, ainsi qu’un spec- plusieurs productions de la Davitt Moroney, Jill tacle sur le libertinage aux Simphonie du Marais et Feldman, Isabelle XVIIe et XVIIIe siècles avec le des Talens Lyriques, ou Poulenard, Jean-Paul comédien Manuel Blanc. dans diverses formations Fouchécourt, James Olivier Baumont est direc- de musique de chambre. Bowman, Christine Plubeau teur artistique du festival Elle est membre fondatrice ou John Holloway. Il a enre- Couperin en Concerts au de l'Ensemble Amarillis qui gistré, de 1992 à 1995, l'in- Château de Champs a remporté, en 1995, un tégrale des œuvres pour (Seine-et-Marne). Premier prix au Concours clavecin de François international de Musique Couperin (Erato, avec le Violaine Cochard ancienne d’York, un concours de Radio France). Elle fait ses débuts au cla- Premier prix avec la chan- Erudit reconnu de l’époque vecin au CNR d'Angers teuse Maryseult Wieczorek baroque, Olivier Baumont a auprès de Françoise en 1996 et une bourse du édité plusieurs partitions Marmin, poursuit ses ministère de la Culture au

42 | cité de la musique notes de programme | 43 François Couperin - intégrale des 27 Ordres pour clavecin François Couperin - intégrale des 27 Ordres pour clavecin

Concours européen de la Conseil de l’Europe en influence considérable sur de clavecin à l’Academia musique et prend peu seignement de Ton Fnapec, ainsi qu'un Premier 1996 et reçoit, de la la jeune génération des Chigiana. Il succède, en après ses premières Koopman, Kenneth Gilbert prix en 1997 au Concours Fondation Yamaha- clavecinistes. En effet, ce juin 1988, à Robert leçons de clavecin avec et Gustav Leonhardt. Elle international Sinfonia en Musique, la bourse pour la Canadien (formé à Veyron-Lacroix au Arthur Haas. Très tôt, il est la première lauréate du Périgord (avec la participa- Suisse dans la spécialité Montréal puis en France Conservatoire de Paris et donne ses premiers réci- Concours international de tion de Patricia Petibon et instruments à clavier. À par- par Gaston Litaize et Nadia dirige aussi la classe de tals, remporte plusieurs Clavecin de Bruges en Jean-François Novelli). Elle tir de 1993, Céline Frisch Boulanger ainsi qu’à perfectionnement au prix internationaux et 1977. Depuis, elle se pro- a également enregistré commence à se produire Sienne pendant quatre ans Mozarteum de Salzbourg. fonde un ensemble de duit en soliste et en pour France Musiques, en récital et en formation de à l’Academia Chigiana Une activité aussi intense – musique de chambre avec ensemble (ses partenaires Radio Classique et la BBC, chambre, avec notamment auprès de ) d’autant plus que Kenneth ses frères. Il étudie privilégiées sont Chiara et a donné des récitals ou les ensembles Concerto ne se contente pas d’être Gilbert est un concertiste ensuite, durant deux Banchini et Marianne des concerts de musique Köln, XVIII-21, The Rare un brillant claveciniste et qui parcourt le monde en années, à Amsterdam Muller) dans toute l’Europe, de chambre en France et Fruits Council, ainsi qu’en organiste. Sa réputation de soliste et avec orchestre – auprès de Gustav aux États-Unis et au Japon. en Europe. Elle est actuelle- duo avec le gambiste Juan musicologue s’est large- ne l’empêche nullement de Leonhardt (qui l’invitera à A ces activités de concer- ment professeur de clave- Manuel Quintana. Le ment étendue au monde donner du temps au jouer sous sa direction). tiste s’ajoute l’enseigne- cin au Conservatoire de Festival d’Île-de-France, le entier. À son actif, une temps et de réfléchir sur Membre et soliste de la ment : titulaire du certificat Montpellier. Festival de la Roque série d’éditions très recher- son art. Sa discographie Petite Bande, il sera invité d’aptitude, elle est profes- d’Anthéron, les Folles chées de l’œuvre de clave- abondante (chez Harmonia pour des concerts d’or- seur de clavecin au Céline Frisch Journées de Nantes, l’Eté cin et d’orgue de Mundi et Archiv chestre ou de musique de Conservatoire de Lyon et Née en 1974 à Marseille, musical de Dijon, Couperin, Rameau, Produktion) aborde tous chambre par Philippe également professeur invité elle y découvre le clavecin l’Auditorium du Louvre, le d’Anglebert, Frescobaldi et les compositeurs des Herreweghe, Jordi Savall à l’Université de Santa dès l’âge de six ans. En Théâtre de la Ville à Paris et des Variations Goldberg de époques baroque et clas- ou Sigiswald Kuijken. Barbara (Californie). 1992, après avoir passé le Festival Bach de Rosario Bach, ainsi qu’une monu- sique, et témoigne d’une Désormais, il joue le plus une année en Allemagne, (Argentine) l’inscrivent à leur mentale édition en onze hauteur de vue, d’un sens souvent comme soliste en Béatrice Martin elle reçoit ses premiers prix saison. En 1998, elle fonde volumes des Sonates de d’analyse, d’une rigueur de Europe, aux États-Unis et Née en 1973 à Annecy, de clavecin et de musique avec d’autres musiciens Scarlatti, sélectionnée pour pensée qui assurent à ses au Japon. Il a enregistré Béatrice Martin étudie le de chambre au issus de la Schola l’année européenne de la interprétations une valeur plusieurs disques consa- clavecin dès l’âge de six Conservatoire d’Aix-en- Cantorum de Bâle l’en- musique en 1985. Comme d’évidence. On ne sera crés notamment aux virgi- ans dans sa ville natale, Provence. La même année, semble Café Zimmermann. professeur, il a enseigné au pas étonné, dès lors, que nalistes anglais (Farnaby, puis au Conservatoire de elle est admise à la Schola Canada (Conservatoire de ses élèves aient remporté Bull), Frescobaldi, musique de Genève, dans Cantorum Basiliensis dans Kenneth Gilbert Montréal et Université les plus hautes récom- Scarlatti, Bach (Concertos la classe de Christiane les classes d’Andreas appartient déjà, comme Laval au Québec), en penses dans différents et Variations Goldberg), Jaccottet. Ses études y Staier et Jesper Wanda Landowska, Belgique (Conservatoire concours internationaux Mozart. seront couronnées par un Christensen. À son Diplôme Ruggero Gerlin et Ralf royal d’Anvers) et a suc- (Bruges, Paris, Munich, Premier prix de virtuosité en de soliste cum laude Kirkpatrick, à l’histoire du cédé à Gustav Leonhardt à Varsovie ou Prague). Françoise Lengellé 1992. Elle poursuit sa for- s’ajoute le Prix du Forum clavecin car, à travers ses l’Académie d’été de Après ses études au mation au Conservatoire de des Prix européens des diverses activités profes- Haarlem. En 1981, il a été Pierre Hantaï Conservatoire de Paris et Paris dans les classes de Régions rhénanes ; elle est sionnelles et pédagogiques nommé à la Hochschule est né en 1964. Vers l’âge un troisième cycle de Kenneth Gilbert et de également nommée lau- au service de la musique für Musik de Stuttgart et de onze ans, il commence musique de chambre, Christophe Rousset où elle réate Juventus par le ancienne, il a exercé une dirige également la classe l’apprentissage de la Françoise Lengellé suit l’en- obtient deux Premiers prix à

44 | cité de la musique notes de programme | 45 François Couperin - intégrale des 27 Ordres pour clavecin François Couperin - intégrale des 27 Ordres pour clavecin l’unanimité, l’un en musique mental de Grenoble et Martin a fondé, avec Patrick importants de musique de disques, l'enseigne- Boros, Suède, Amilly, de chambre (1993) et l’Orchestre symphonique Cohen-Akenine, l’ensemble française, notamment les ment et les émissions de Sablé), elle a présidé le jury l’autre en clavecin (1994), de Nancy (Concert Les Folies Françoises. 70 Pièces d'orgue de radio (Le Petit lexique de la du Concours international ainsi qu’un Premier prix de Champêtre de Poulenc), ou Béatrice Martin est égale- (décou- musique baroque pour de Clavecin de Paris. Elle basse continue (1995). bien en récital aux Folles ment titulaire du Certificat vertes en 1957 mais seule- Radio France, Parlons se produit en récital ou en Suivra un cycle de perfec- Journées Bach à Nantes, à d’aptitude à l’enseignement ment livrées au public en Baroque pour la Radio musique de chambre, tant tionnement sous la direc- la Festa di Musica à de la musique ancienne. 1995) et le Livre de tabla- Suisse Romande, ainsi que à travers l’Europe qu’aux tion de Christophe Rousset Lisbonne et dans diverses ture de clavecin, écrit par des émissions régulières États-Unis, Canada et (1997-1998). Béatrice salles européennes. Davitt Moroney Couperin, œuvre du cousin pour la BBC). Il a égale- Brésil. Elle a réalisé de Martin a également travaillé Béatrice Martin s’intéresse Britannique, de souche de François Couperin, ment publié de nombreux nombreux concerts et avec Huguette Dreyfus, Ton également à la musique irlando-italienne, le claveci- Marc-Roger Normand articles scientifiques sur la enregistrements pour Koopman et Lars-Ulrik contemporaine et a joué niste Davitt Moroney a fait Couperin de Turin (qu'il a musique française ainsi France Musiques et Mortensen. En tant que des œuvres de Waneck, ses études en France, en pu identifier en 1997). En que plusieurs éditions cri- d’autres radios euro- continuiste, elle a fait partie Carter et Ligeti lors du Angleterre et aux États- 1983, son enregistrement tiques de partitions fran- péennes. Elle a commencé de l’Orchestre baroque Festival Archipel de Unis. Il vit en France depuis de l'intégrale de l'œuvre çaises du Grand Siècle. l’enregistrement des européen et joue régulière- Genève, des Musicales de 1980. Appartenant à une pour clavecin de Louis Récemment, il a publié son Quatre Livres de Pièces de ment au sein du Concert Lyon, des Rencontres génération influencée par Couperin lançait sa carrière premier livre, Bach, une vie clavecin de François Spirituel, des Talens musicales de Haute- les maîtres à penser que discographique. Il s'est (Actes Sud, 2000), qui a Couperin. Lyriques et des Arts Provence, ainsi qu’à l’occa- sont Kenneth Gilbert et attaché, depuis, à faire déjà été traduit en cinq Florissants. Elle a ainsi parti- sion d’un enregistrement Gustav Leonhardt, il en a partager sa passion pour langues. Blandine Verlet cipé, entre autres, aux pro- réalisé avec l’Orchestre de appris combien les instru- l'école française de clave- À sa manière, Blandine ductions d’Acis et la Radio de Berlin. Invitée ments anciens, bien res- cin, de Chambonnières à Noëlle Spieth Verlet est un jardin un peu Galathée, Orlando, Israël en par de nombreux festivals taurés, peuvent révéler Rameau, en passant par Après avoir étudié à Paris fou, fait d’herbes douces, Egypte et Theodora de (Ambronay, La Roque toute l'expressivité de la , Nicolas (Premiers prix de clavecin, de quelques ronces aussi. Händel, de Zoroastre de d’Anthéron, Festival musique des XVIIe et XVIIIe Siret et, bien sûr, François musique de chambre et Elle qui cultive à loisir les Rameau, de David et Couperin, Festival de siècles. Sa discographie Couperin. Il a enregistré histoire de la musique au massifs apparemment trop Jonathas de Charpentier, Lanvelec, Festival du Jeune comprend près de cin- des œuvres de J. C. Bach, Conservatoire de Paris) et bien dessinés d’un de Didon de Desmarest et Soliste d’Antibes, etc.), elle quante CD, la plupart en J. S. Bach, H. Biber, à Genève (Premier prix de Couperin, sait, en fait, com- des Vêpres de la Vierge de a participé à plusieurs émis- soliste. Ses enregistre- W. Byrd, François et Louis virtuosité), Noëlle Spieth bien cette perspective ras- Monteverdi. Elle a donné de sions en direct pour France ments ont reçu de presti- Couperin, W. A. Mozart, remporte le Premier prix du surante des lignes cache, nombreux concerts en Musiques. Béatrice Martin a gieuses récompenses N. Siret et H. Purcell, chez Concours international de dans les filigranes de son Europe et au Japon, tant en obtenu en 1998 le Premier internationales (un Grand Harmonia Mundi, Radio Clavecin de Paris et suit inconscient musical, des formation de musique de prix de clavecin au prix du disque de France (Tempéraments), des cours de Kenneth fourrés obscurs, des lisières chambre (Midis musicaux Concours international de l'Académie Charles-Cros Arcana, Accord, Gilbert et Gustav folles. […] On la sait fan- du Châtelet) qu’en qualité Bruges, ainsi que le prix du en 1996, ainsi que trois Decca/L'Oiseau-Lyre, Leonhardt. Professeur de tasque, imprévue, « en de soliste, avec Les Arts public. À l’occasion du Gramophone Awards, en Virgin et Hyperion. Sa vie clavecin au Conservatoire dehors » – comme dirait Florissants (concerti de Midem 1999, elle a été 1986, 1991, et 2000). Il a professionnelle se partage national de Région de Debussy –, mélancolique. Bach), l’Orchestre nommée « Révélation de pu créer, pour la première entre des récitals de clave- Paris, ainsi que dans plu- C’est une « visionnaire », au d’Auvergne, l’Orchestre de l’année » par l’Adami. La fois depuis le XVIIe siècle, cin et d'orgue partout dans sieurs stages ou acadé- sens où les Baroques et Picardie, l’Ensemble instru- même année, Béatrice plusieurs répertoires le monde, l'enregistrement mies (Rio de Janeiro, François Couperin enten-

46 | cité de la musique notes de programme | 47 François Couperin - intégrale des 27 Ordres pour clavecin daient le mot. […] Blandine notamment l’orgue et le Verlet n’est pas que miel et pianoforte. Collaboratrice quiétude. Elle est clair-obs- de grands ensembles, tels cur : territoire ambivalent, les Musiciens du Louvre, oblique, celui de fugues qui ainsi que de formations de parlent, de « préludes non chambre comme les mesurés » qui pourraient ne Nièces de Rameau, jamais finir, […] territoire membre du Parlement de végétal, ouvert, proliférant, Musique, partenaire de dif- carnassier parfois : le visage férents solistes, elle a pu de la musicienne est lisse, ainsi aborder les répertoires ses yeux d’un bleu-gris lim- les plus divers, de l’opéra pide, mais le geste est vif, le français au récital de lie- doigt exact et la pensée ders, de l’oratorio à la can- tranchante. Parfois le fracas tate de chambre en fait un bruit très doux. passant par presque tous (Renaud Machart) les aspects de la musique instrumentale. Elle a parti- Aline Zylberajch cipé à plus de cinquante Lauréate du Conservatoire enregistrements discogra- de Paris dans les classes phiques et a enregistré pour d’analyse, histoire de la la radio dans de nombreux musique et clavecin, Aline pays européens. Elle Zylberajch poursuit ses enseigne actuellement le études de clavecin auprès clavecin au Conservatoire de Ton Koopman à de Strasbourg. Maîtrisant Amsterdam. Etablie aux plusieurs langues, elle est États-Unis pendant trois fréquemment sollicitée pour ans, elle étudie avec John des master-classes à Gibbons au sein du l’étranger. Département de musique ancienne du New England technique Conservatory of Music de régie générale Boston, où elle obtient le Didier Belkacem diplôme de Master of régie plateau Music. Depuis, son intérêt Jean-Marc Letang pour les divers aspects de régie lumières la littérature pour clavier l’a Valérie Giffon conduite à pratiquer régie son d’autres instruments, Gérard Police

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