0uest- 31 mai 2000

Extractions illicites en baie du Mont Saint-Michel Razzia sur le sable d’Hirel

Plusieurs agriculteurs ont été verbalisés par les gendarmes dans le secteur de la zone légumière de Saint- Malo, ces derniers jours. Ils transportaient dans leurs remorques du sable extrait illégalement d’un cordon dunaire. L’affaire ne surprend pas grand monde à Hirel. La petite commune du nord d’Ille-et-Vilaine subit depuis plus de vingt ans des visites d’agriculteurs. De nuit, plaques minéralogiques camouflées, ils viennent prélever quelques remorques de sables coquilliers. Un produit naturel qui sert à amender les terres de la région légumière. Mais cette fois les prélèvements ont eu lieu à une grande échelle. Une véritable carrière a été ouverte et plusieurs centaines de m3 de sable ont été prélevées. « Pour accéder à la grève, les agriculteurs ont même dû combler une tranchée » note Joël Pinson, le maire d’Hirel. Les associations de protection de l’environnement sont scandalisées. L’ACEQV, le GASPPE, et la SEPNB sont en colère : « On ne peut pas financer la protection des dunes sur une partie de la baie, et d’un autre côté, tolérer de tels agissements ! » Joël Lamour, de la Société d’Etude et de Protection de la Nature en Bretagne, note que le site abîmé avait été proposé dès 1995 à la préfecture pour bénéficier d’un arrêté de protection du biotope compte tenu de sa richesse. « A quelques mètres de cette carrière, vivent deux plantes protégées, l’élyme des sables et la rentrée de ray. Plus grave, nous avons constaté la destruction d’une plante très rare : le linoléum momannicum, endémique sur le nord de l’Ille-et-Vilaine et des îles Chausey. » Certaines associations ont déjà porté plainte, d’autres envisagent de le faire et ont écrit au préfet pour dénoncer ces extractions. A la direction régionale de l’environnement, on prend l’affaire au sérieux. « A priori, ces espaces sont sensibles. Une étude, qui date de 1994, a recensé 13 à 18 bancs coquilliers sur la baie du Mont Saint-Michel. Nous ne sommes pas favorables aux extractions, mais nous avons essayé de trouver des lieux où elles seraient possibles pour les gens du secteur. » « Tous les ans, c’est la même chose » se plaint Maurice Jannin, conseiller général du canton de . « S’il est vrai que le sable coquillier est un produit important pour l’agriculture, il faut déterminer une zone sur laquelle on puisse faire des prélèvements contrôlés. » Tous les agriculteurs de la zone légumière de Saint-Malo ne pratiquent pas ces extractions sauvages. Certains ont trouvé un autre filon : les déchets coquilliers provenant de l’ostréiculture. Bref, ils cherchent des solutions raisonnables. Thierry MOILLOT.

Ouest-France Vendredi 8 décembre 2000

Manifestation des producteurs de choux-fleurs à Hirel Les agriculteurs demandent du sable

Alors que cinq agriculteurs étaient jugés à Saint-Malo pour avoir extrait du sable sur la grève de la baie du Mont-Saint-Michel, une vingtaine de leurs collègues organisaient une manifestation de soutien à Hirel. « Du sable pour amender nos terres ». Voilà ce que les producteurs de la zone légumière de Saint-Malo réclament depuis cinq ans. Et surtout le droit de prélever ce sable coquillier sur le domaine maritime. Plusieurs concertations avec les pouvoirs publics et les organismes chargés de la gestion du domaine maritime ont eu lieu. « En 1995, ont nous a proposé un site à la Grande Bosse, près de la Chapelle Sainte- Anne à Saint-Broladre. Mais ce lieu est inexploitable. Nous ne pouvons pas y entrer avec nos remorques et les engins ne peuvent pas se croiser. »

Depuis cette proposition, rien n'a vraiment évolué. Les agriculteurs ont donc choisi de prélever de façon sauvage du sable coquillier sur la grève d'Hirel à Vildé-la-Marine. Une solution évidemment inacceptable pour les associations de protection de l'environnement et les pouvoirs publics. C'est à l'occasion de deux de ces prélèvements sauvages, en mars et en mai dernier, que cinq agriculteurs ont été verbalisés et convoqués devant le tribunal. « Nous demandons simplement que l'on nous trouve un site adapté entre Saint-Benoît et », plaide Jean-Michel Lesné, président de la CDJA de Cancale. « Nous ne sommes pas des sauvages. Notre but n'est pas de dégrader l'environnement, mais de cultiver nos terres pour obtenir des produits corrects. »

Une solution existait en achetant le sable à la TIMAC. Mais les agriculteurs affirment que ce sable n'a pas les qualités requises. « D'autre part, nos trésoreries ne sont pas assez correctes pour permettre ces achats. » Les calculs sont faits: il faut 25 à 30 tonnes de sable par hectare, pour amender les terres durant dix ans. « Si on ne fait rien, nos exploitations risquent de disparaître. Et nous ne serons plus représentatifs sur le marché. Nous allons entrer dans la certification courant 2001. II faut donc que nos produits soient bons »

Rappelons que sans cet amendement naturel, les productions peuvent être victimes de maladies, la hernie du chou par exemple. « Nous avons la chance d'avoir ce sable à proximité de nos exploitations, pourquoi aller chercher ailleurs? »

Les producteurs légumiers n'attendront pas cinq ans. Au tribunal correctionnel de Saint-Malo, le jugement a été mis en délibéré au 11 janvier. Le procureur a demandé des peines de principe. D'ici là, les agriculteurs auront eu un nouvel entretien avec le sous-préfet. Avec l'espoir de trouver enfin une solution. Thierry DUBILLOT. Ouest-France Vendredi 8 décembre 2000

Sable volé à Hirel : les agriculteurs sur la sellette

Cinq agriculteurs âgés de 30 à 40 ans étaient poursuivis jeudi après-midi en correctionnelle dans deux dossiers distincts pour des faits commis le 1er mars et le 19 mai dernier à Hirel. Le délit de « vol en réunion» est théoriquement passible d'une forte condamnation, mais, il s'agissait en l'occurrence là encore d'une affaire de principe, où le procureur de la République tenait à repréciser les limites de la loi.

Les agriculteurs ont invoqué le fait qu'avant eux déjà, leurs parents se servaient. II leur a été rétorqué qu'ils ne devaient pas tout à fait avoir la conscience tranquille en venant se servir de nuit. Et qu'il s'agit d'un bien du domaine public, susceptible d'appropriation et de vol, comme l'atteste une jurisprudence de la cour de cassation de 1980. Le procureur Rémy Heitz estime que c'est à l'autorité administrative de dire ce qui est autorisé ou qui ne l'est pas.

II y avait bien selon lui une notion d'intérêt financier dans les agissements des agriculteurs, puisque la tonne de sable de la Timac (qui serait de moindre qualité que le sable coquillier d'Hirel) est vendue 80F. Or, il faut environ 25 tonnes de sable par hectare tous les quatre ans pour éviter la hernie du chou. Cette maladie a causé dernièrement dans la région des pertes estimées à 14 millions de francs. Autre estimation chiffrée : il faut 10 000 F de sable par an pour entretenir une exploitation de 40 hectares.

L'honorabilité des agriculteurs est admise par le ministère public qui ne demande à leur encontre qu'une peine d'amende de 10 000 francs, assortie éventuellement d'un sursis partiel. Le procès a été suivi dans le calme par de nombreux agriculteurs dans la salle, sans que la police et la gendarmerie, réquisitionnées au cas où, aient eu à agir. Le tribunal correctionnel a mis sa décision en délibéré jusqu'au 11 janvier.

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Ouest-France le 09 décembre 2000

Vol de sable à Hirel : réaction de Marcelin Daniel

L'article concernant le vol de sable à Hirel et la manifestation de soutien des agriculteurs à leurs collègues poursuivis au tribunal correctionnel), fait réagir Marcellin Daniel, président de l'Association de la Côte d'Émeraude pour l'environnement et la qualité de la vie (ACEQV : «Je trouve que les agriculteurs ne manquent pas d'aplomb lorsqu'ils reconnaissent avoir soutiré du sable illégalement dans la baie d'Hirel, au mépris de la protection de l'environnement, parce que leurs moyens financiers ne leur permettent pas d'en acheter à la TIMAC », dit-il.

« D'autre part, je trouve bizarre qu'il n'y a eu que cinq agriculteurs identifiés et traduits devant le tribunal, alors que pour cette opération genre commando, ils étaient plusieurs dizaines à extraire le sable, de nuit, avec tracteurs et chargeurs à l'appui, et parfaitement identifiables. Ils ont opéré à plusieurs reprises et tout le monde aura remarqué les tas de sable entreposés dans les champs des agriculteurs », regrette Marcellin Daniel, visiblement remonté.

« Je connais bien et je suis bien conscient des difficultés que rencontrent les agriculteurs, les éleveurs et les maraîchers et ils ne sont d'ailleurs pas les seuls. Mais la loi est faite pour tout le monde et doit être appliquée pour tous, c'est la démocratie... Dans cette affaire, l'environnement dans la baie a bien été dégradé volontairement et les coupables, tous les coupables..., doivent non seulement être sanctionnés, mais condamnés à réparations », conclut Marcellin Daniel.