Dernières Nouvelles d'Alsace, 23 RÉGION QDIMANCHE29SEPTEMBRE2013

RELIGION Rencontre européenne de Taizé GASTRONOMIE La saga des Drouant L’Alsace se mobilise sans attendre Pour préparer l’accueil en Alsace des 20 000 jeunes qui participeront fin décem- bre à la 36e Rencontre euro- Un nom en capitale péenne de Taizé, les Alsa- ciens ont montré une capacité à se mobiliser qui a Véritable institution parisienne, ce sert de cadre, chaque automne, surpris les organisateurs. à la remise des prestigieux prix Goncourt et Renaudot. Son nom : le Drouant.

« J’ai rencontré à Westhoffen des Un établissement fondé il y a 133 ans… par un Haut-Bruchois. catholiques et protestants qui se sont déjà portés volontaires pour héberger des jeunes européens. vant de devenir célè- le lieu est devenu un centre de Ces habitants n’ont pas besoin Le frère Benoît au centre de bre sur les bords de la la vie culturelle parisienne. Au d’être convaincus, mais d’être préparation de . Seine, c’est d’abord sur fil des ans, il s’est en outre rassurés. Ils m’ont interrogé sur PHOTO DNA – JEAN-FRANÇOIS BADIAS A ceux de la Bruche que étendu : d’abord au sein-même des détails d’organisation qui ne le nom de Drouant a circulé. Les du bâtiment, puis avec l’acqui- sont normalement délivrés qu’à Les jeunes volontaires ainsi que racines de cette grande lignée sition de l’immeuble voisin. la fin décembre. Dans une autre les sœurs de Saint-André et les plongent en effet ici, à Bourg- commune, un bénévole a fait du frères de Taizé ont commencé à Bruche, en haut de cette vallée Au village souche porte à porte auprès de tous les sillonner l’Alsace et le pays de des Vosges bas-rhinoises. Au milieu des années 70, le habitants de son village pour Bade pour encourager la consti- Une famille d’origine modeste restaurant sort du giron fami- trouver des familles d’accueil. tution de groupes de préparation comme l’attestent les plus an- lial (lire encadré). Mais presque Les années précédentes, lors des au sein des paroisses et auprès ciens documents retrouvés, da- au même moment, « le premier Rencontres organisées à Berlin des associations de jeunes com- tant du XVIIIe siècle. Dans ce rassemblement des descen- puis à Rome, la mobilisation des me les Scouts. « L’objectif est de coin de moyenne montagne, on dants des Drouant de Bourg- habitants n’était pas aussi forte constituer 150 groupes de prépa- vit alors de quelques champs et Bruche a lieu en 1973. Depuis et elle était surtout beaucoup ration », indique frère Benoît de d’un petit troupeau de bêtes… 1981, nous en faisons tous les plus tardive. Ici, on sent que la communauté de Taizé. quatre ans, toujours dans le vil- toute une région est mobilisée, lage-souche », témoigne Chris- jusque dans les plus petits villa- Le travail commun des tiane Bastien. ges », témoigne sœur Lorella. catholiques et protestants La notion de L’occasion pour « les branches Cette religieuse italienne de la Des équipes de deux volontaires « solidarité alsacienne et parisienne » de se communauté de Saint-André, ont été formées avec mission retrouver sur la tombe des implantée en Belgique, fait pour chaque binôme de couvrir familiale » aïeux, dont les parents de Char- partie de l’équipe d’organisation un secteur géographique précis. Dessin d’époque représentant Charles Drouant devant son les, qui reposent dans le petit de la 36e Rencontre européenne Pour plus d’efficacité, ces équi- restaurant, à l’époque simple bistrot. DOCUMENTS REMIS cimetière de la vallée. de Taizé. Cette équipe, composée pes qui partent de Strasbourg Au milieu du XIXe siècle, un Les retrouvailles d’hier (voir ci- de cinq frères de la communauté pour trois jours sont logées chez Jean-Pierre Drouant apparaît mais revenu ici, son attache- s’agrandir, il rachète la bouche- dessous) étaient donc inédites Taizé, de trois sœurs de la com- l’habitant. « C’est une nouveau- dans les registres comme étant ment à Bourg-Bruche était très rie voisine. Exit la viande, il la en ce qu’elles étaient les pre- munauté de Saint-André, et de té », indique frère Benoit, avant meunier du village et mar- fort. Il a par exemple financé remplace par des fruits de mer, mières à se dérouler loin d’Alsa- 15 jeunes volontaires âgés de 19 d’évoquer l’œcuménisme alsa- chand de bois. « Mais une failli- des vitraux de l’église ». avec une innovation qui suscite ce… et au restaurant Drouant. à 27 ans venus de , d’Alle- cien : « Il y a beaucoup d’en- te l’oblige à envoyer ses enfants Mais avant de pouvoir consentir à l’époque la curiosité du tout- Là où, le 4 novembre prochain, magne, de Belgique et des Pays- droits où les communautés à », explique Christiane à ces dons ou d’aider les siens, Paris : le premier banc d’huî- et comme chaque année, seront Bas, a pris ses quartiers à la catholiques et protestantes se Bastien. Cette Nancéienne de 61 il avait d’abord commencé par tres en devanture de la ville. proclamés les noms des lau- mi-septembre à Strasbourg. sont rassemblées pour préparer ans, descendante d’une bran- acheter, à la sortie de la guerre À la veille de la Première Guerre réats du Goncourt et du Renau- l’accueil des jeunes européens ». che de la famille, a fait d’impor- de 1870, un café du 7e arrondis- mondiale, Charles confie le res- dot. « Toute une région est À Mundolsheim, peu après la tantes recherches auprès des sement. Son travail acharné lui taurant à ses fils. « Il était déjà « Alors qu’on fête le 160e anni- mobilisée jusque dans mi-septembre, les communautés archives notariales de Stras- avait ensuite permis, en 1880, fréquenté par des écrivains et versaire de la naissance de les plus petits villages » avaient déjà trouvé 69 places bourg et en collectant un maxi- de reprendre le bistrot de la des peintres », raconte Catheri- Charles Drouant » regrette pres- Du 28 décembre au 1er janvier à chez l’habitant. À Schiltigheim, mum de témoignages oraux. place Gaillon, dans le 2e arron- ne Drouant-Ballif. Et puis « en que Jean Vogel, « aucun écri- Strasbourg, plus de 20 000 elles en avaient trouvé 45 et Parmi ces enfants, poursuit-el- dissement. 1914, les membres du jury du vain, y compris parmi ceux qui jeunes adultes arriveront de elles en espèrent 400, rapporte le, un gamin de douze ans : prix Goncourt décident d’y tenir l’ont connu, n’a jamais pensé à toute l’Europe. Ils devront être frère Benoît. « Il y a un bel Charles Drouant. En 1865, il est Le premier banc d’huîtres leurs réunions mensuelles » ; écrire quelque chose sur sa vie, hébergés chez les habitants engagement de l’Alsace. Cela mis dans le train, à Saint-Dié, en devanture de la ville ils sont imités en 1926 par ceux même en le romançant. » Il y d’Alsace, notamment dans la motive. » direction Paris. Là, il va tra- Dans ce dernier, le self made du prix Renaudot nouvellement aurait pourtant problablement CUS, et parmi la population du J.F.C. vailler auprès d’un parent, Al- man, comme on dirait aujour- créé. matière, en effet, à trouver dans pays de Bade. phonse Drouant, dans un débit d’hui, décide de développer la Ainsi, entre 1880 et 1945, sous ce destin un peu d’inspira- Plus de 100 000 livrets explica- Q Plus d’informations sur les de boissons que tient ce dernier partie restauration, apprenant la direction successive de Char- tion… R tifs sur le déroulement des rencontres de Taizé au 5 rue du près de la gare de l’Est. le métier sur le tas. Pour les puis de celle de ses enfants, O.T. Rencontres de Taizé et l’accueil Parchemin à Strasbourg. Car la notion de « solidarité fa- des jeunes européens sont arri- ✆03 67 10 30 96 mais aussi sur : miliale » n’est, alors, pas un vés au PC de Strasbourg pour www.taize-str.eu ou vain mot. Des années plus tard, QUELQUES DATES POUR UNE INSTITUTION être distribués de manière ciblée www.facebook.com/TaizeStrasbour Charles l’entretiendra à son auprès des communautés reli- g ou tour, confirme l’une de ses deux gieuses, des groupes d’entrai- http://twitter.com/TaizeStrasbourg dernières petites-filles encore -1880:CharlesDrouantpèrerachètelebistrotdela de… ou #TaizeStr vivantes, Catherine Drouant- placeGaillon.Illedirigejusqu’àlaveilledelaPremière Ballif. Guerremondiale,puislecèdeàsesfilsJeanetCharles. « Tous les dimanches, le restau- -1914:décèsdeCharlesfils.Jean,lefrèredeceder- FORMATION nier,seretrouveàlatêtedurestaurant.En1919,il rant était ouvert pour la fa- embarquedansl’aventuresonautrefrère,Maurice,qui Une convention ENGEES – EDF mille. Si des personnes avaient devientrestaurateur.SouslahoulettedeJean,le besoin d’un conseil, voire d’ar- restaurantvaprospérer,l’empireDrouants’étendreà L’ENGEES (École nationale du 20 000 euros sur deux ans. Les gent, c’est là qu’on venait s’en- d’autresrestaurants. génie de l’eau et de l’environne- objectifs sont de renforcer la traider. » -1946:unautreJean,filsdeMauricecelui-là,prendla ment de Strasbourg) et le grou- formation des futurs ingénieurs De l’histoire familiale qu’on lui relève. Charles Drouant, qui mourra en 1943, ici en pe EDF signeront lundi à l’usi- au contact des réalités de l’en- a transmise, le maire de Saâles -1976:ildécidedevendrelerestaurantdelaplace ne de production treprise, de développer les Jean Vogel, qui figure lui aussi compagnie de sa fille Marguerite et de sa Gaillon—aveclenom—àRobertPascalqui,entré seconde épouse, Ernestine Pallisson. hydroélectrique d’EDF à Kembs relations école-entreprises et de sur l’arbre généalogique, se chezDrouantentantquecommis,yavaittravaillé40 une convention de partenariat. sensibiliser les étudiants aux souvient de son côté que ans. -2006àaujourd’hui :retourauxsourcesenquelque L’École bénéficiera d’une enve- logiques d’action de développe- « quand des cousins de la vallée -1986:lerestaurantchangeencoredemains ;ilest loppe financière de ment durable. débarquaient à Paris, Charles venduàunpremiergroupe,puisàd’autresdontElior sorte :unAlsacien,lechefAntoineWestermann, s’arrangeait pour leur trouver entre1988et2005,unepériodeoùleDrouantreçoit fondateurduBuerehieselàStrasbourg,devientpro- du travail. Même s’il n’est ja- une,puisdeuxétoilesgrâceauchefLouisGrondard. priétaireduDrouant. Un repas de famille pas comme les autres

Ils étaient plus de 60, hier, à se retrouver au restaurant fondé par leur ancêtre com- mun, Charles Drouant. C’était la première fois que cette grande famille se don- nait rendez-vous à Paris dans ce lieu mythique.

TOUTES les branches de la famille C’est avec plaisir que la famille, séparée entre la capitale et l’Alsace, s’est retrouvée. DOC. REMIS sont invitées au grand rassemble- ment, qui a lieu tous les quatre 65 personnes attendues aujour- découvre les lieux : « Je ne suis d’y aller une fois au moins, même ans, habituellement en Alsace. d’hui », explique-t-elle, avant jamais venu ici. Ma mère oui, si ça demande un certain bud- Cette fois, grande opération : d’aller à la rencontre de nou- parce qu’à l’époque, l’aînée des get. » La légère frayeur de voir les direction la capitale. Christiane veaux venus. Certains se retrou- filles de chaque famille des diffé- Alsaciens renoncer au rendez- Bastien s’assure de son bon vent, d’autres passent dans les rentes branches avait le droit à vous est vite passée : « Nous déroulement, badges au poing. groupes pour faire connaissance. une semaine dans une des suites sommes une bonne trentaine à « Il y a le nom des participants. Et D’autres membres de la famille du Drouant pour son mariage. » avoir fait le voyage. » Et même la couleur, c’est celle correspon- sont déjà dans de grandes expli- Jean Vogel, descendant et acces- mieux, « ça a drainé beaucoup de dant à la branche de l’arbre cations sur un point de détail de soirement maire de Saâles, a fait gens, dont des Parisiens, qui ne généalogique. Nous sommes 660 l’histoire de leurs ancêtres. Gé- le déplacement. « On en a discu- sont jamais venus aux réu- descendants, même s’il n’y a que rard Fauler, comme beaucoup, té, on s’est dit que ce serait bien nions ». R RTE 09