Avec un hors série de 7 pages à la fin

Couverture du n° 3 (Bernard Wall) du Publiaïre. LA FIN DU XXe SIÈCLE À MALAUCÈNE SELON LE PUBLIAÏRE

N° 3 : Mois de septembre 1978

1 Ce Publiaïre relate un événement important : la C’était ma grand’mère, née aux Alazards qui naissance du Foyer rural. avait épousé Casimir (alias le Min) de 13 ans plus âgé qu’elle. Ils avaient tous deux émigré en Il est daté de septembre mais nous y trouvons 1910 ou 12 vers Malaucène pour venir vivre à les naissances, décès et mariages jusqu’au 12 la ferme du Gros Noyer achetée 12 000 F or. Un décembre. Il n’a donc paru qu’après cette date. cousin de Mollans avait prêté de l’argent à mon grand’père. Ce dernier partait à pied à travers les Naissances collines une fois l’an pour aller à Mollans rem- 3/07/78 Nathalie De Rizzo bourser sa part de l’emprunt. À pied, messieurs- 17/09/78 Vonarb Carine dames... Il est mort en 1968 à 92 ans. 28/11/78 Éliane Chamary 11/12/78 Fabien Morizot Lors du décès de Rose, j’avais écrit un texte à 13/12/78 Céline Dargaisse prétention poétique qui est resté pratiquement secret et je profite de l’occasion pour vous le Mariages livrer. Pour perpétuer son souvenir et celui de 1/07/78 Gilbert Cibot et Marie-Jeanne Poggi toutes les grands-mères du Ventoux. 15/07/78 Serge Vacher et Patricia Bozec 5/08/78 Thiérry Pastouret et Christiane Giniez On l’appelait la Rose 2/09/78 Joseph Pronesti et Magali Decugis Et le poids de ses ans 30/10/78 Jacky Dargaisse et Raymonde Berthe ne semblait pas gêner l’idée qu’on s’en faisait : elle était immortelle, Décès Le Ventoux la veillait et ce Cerbère immuable ne 12/08/78 Joseph Collard pouvait la trahir. 25/06/78 Gervais Brès Elle et lui, lui et elle, c’était tout comme, 18/06/78 Ernest Lautié Un même sentiment les unissait : 14/07/78 Roger Galliano La durée. 15/08/78 Laurent Albert 21/08/78 Venise Combe veuve de Fernand Ra- On l’appelait la Rose mel Et le poids de sa vie pesait lourd sur la nôtre. 6/09/78 Clément Eyssartel Elle était nos racines, nos joies, nos désespoirs, 2/10/78 Rose Chauvin veuve de Casimir Alazard le passé, le présent et le futur meilleur, 5/10/78 Henri Orthomène Elle était un espoir. 4/10/78 Louise Laurin veuve Roger Lajambe Elle incarnait la vie, la vie mesquine et dure des 25/10/78 Henri Guillemard petites gens, 27/11/78 Marie-Léonie Guigues, veuve de Ses haines, ses bassesses et ses renoncements Joachm Eymar Et les coups de pieds par derrière qu’elle donne 28/11/78 Gaston Arnavon au hasard. 13/12/78 Henri Bonnet Mais elle était aussi la vie âpre de la terre et les Nous remarquerons tous qu’une personne dé- arbres qui poussent cédée porte le joli et rare prénom de Venise. Et les animaux qui naissent Mais c’est surtout d’un autre décès que je veux Et l’araignée qui, patiemment, pesamment, len- vous parler, celui de celle qu’on appelait la Rose. tement,

2 Inexorablement, Tisse la toile qui la nourrit Et la nettoie le soir pour faire honneur aux visi- Conseil municipal du 7 juillet teurs du lendemain. On approuve une convention avec l’Établisse- ment public régional (EPR) en vue de constituer On l’appelait la Rose une réserve foncière et, dans la foulée, on fait Et elle est morte un soir – le matin, c’est indé- l’acquisition des trois premières parcelles. On en cent, une journée reste à faire. profite pour demander l’exonération des droits Elle s’est accrochée jusqu’au bout au dernier de mutation. souffle de sa vie, Étreignant les fils de sa toile, rageuse, râleuse et Un projet de remise en état des voies commu- sereine à la fois. nales s’élève à 130 000 F. On espère une subven- Le mistral et le grésil annonçaient la Toussaint tion de l’EPR de 90 000 F. Elle sera complétée par Et le Ventoux, honteux, s’était caché sous les un emprunt à la CRCA de 40 000 F sur 15 ans. nuages. Enfin, une demande de fonds de concours pour Elle croyait en Dieu. l’éclairage public de 57 021 F est déposée auprès On ne saura jamais qui des deux l’a trahie : du Syndicat d’électrification de est. Dieu ou Conseil municipal du 4 octobre 1978 Le Ventoux ? 16 votants adoptent à l‘unanimité l’interdiction de ramasser des plantes aromatiques et des pierres dans le Ventoux.

La dotation des Joyeux pétanqueurs reçoit une allocation spéciale de 800 F pour la Fête votive. Aujourd’hui, la pétanque a perdu de son ampleur et la Fête votive aussi. Mais, lors de ces jours de fête, s’il n’y a pas de concours de boules sur les places du village, ce dernier paraît bien vide.

Robert Brémond est désigné comme délégué à la Commission administrative des bailleurs et preneurs ruraux. Quant à Daniel Beisson il sera délégué à la Commission de révision des listes Le Min et la Rose à la ferme du Gros Noyer électorales des administrateurs du Centre régio- en 1966. nal de la propriété forestière. Le bébé dans les bras du nonagénaire pourrait bien s’appeler... Philippe Galas. Au fond, à gauche, un ragout ou autre chose mijote Une deuxième tranche de 31 349 F est allouée à au coin du vieux fourneau. Derrière les portes du la réfection de la chapelle de Veaux. placard, la patouille et, à droite en blanc, un buf- fet des années cinquante. Serait-il déclaré vintage Subvention aux associations aujourd’hui ? Une seule remarque, la subvention du Syndi-

3 cat d’initiative fait un grand bon en avant : elle Les réalisations par André Peyre passe à 6 000 F. Les travaux à la cantine scolaire et à la cour des écoles étaient précédemment annoncés. Les impôts locaux Nelly Canestrari fait un long exposé concernant Mais une autre annonce est faite : on va fermer la réforme de la fiscalité directe des collectivités la décharge publique de la Chaîne. Et je voudrais locales. Il s’agit de ce que nous appelions «les parler des visiteurs de ces décharges. D’abord, quatre vieilles» : la taxe foncière sur les proprié- on y rencontrait de nombreux collectionneurs tés bâties, la taxe foncière sur les propriétés non (de cartes postales par exemple). Ensuite, on bâties, la taxe d’habitation, la taxe profession- y trouvait le pire et le meilleur (des ossements nelle. humains et un blouson en daim par exemple). Et puis, un beau jour, suite au nettoyage du gre- La taxe foncière sur les propriétés bâties et la nier d’une vieille fille de l’avenue de Verdun, j’ai taxe d’habitation reposent sur la valeur locative eu la chance (chance parce que c’est croquigno- des locaux qui a été récemment revue par les lesque) de retrouver le tract suivant : Services fiscaux. 49% vont à la commune, 40% Voter Galas au département et 11 % à la région. C’est voter communiste ! Il datait probablement de quelques années, La taxe foncière des propriétés non bâties est mais je ne m’étais jamais rendu compte que répartie selon les mêmes proportions. Mais elle Roger, mon papa qui allait à la messe tous les est établie à partir du revenu cadastral augmen- dimanches et même plus souvent, pouvait être té par un taux fixé par les Services fiscaux. taxé de communiste ! On dit vraiment tout et le contraire de tout dans les campagnes élec- La taxe professionnelle a remplacé la patente en torales... Ne voyez pas là une critique envers 1975. Elle sera basée sur les salaires ou les reve- ceux qui ont ces idées : j’ai quelques amis qui se nus lorsqu’il n’y aura aucun salarié. comptent aujourd’hui sur les doigts de la main qui sont dans cette mouvance et je tiens à les Enfin, le conseil instaure une taxe d’enlèvement conserver. des ordures ménagères. Pour revenir au sujet (les poubelles !), je citerai Voici le montant de ces impôts pour 1978 en F: les décharges de la ville d’Aubenas. Lors d’une Taxe d’habitation : 176 879 balade, nous les avions longées et nous avons Taxe foncière / propriétés bâties 132 633 aperçu un no mans land bizarre qui devait faire Taxe foncière/propr. non bâties 134 920 au moins deux ou trois hectares. Curieux, nous Taxe professionnelle 250 542 nous arrêtons mais nous constatons vite que Taxe ordure ménagères 55 000 la décharge n’était pas «fertile». Nous en com- Total 749 974 prîmes la cause lorsque nous aperçûmes trois caravanes habitées installées sur place. Trois Je ne suis pas grand expert mais l’importance de ménages vivaient donc sur la bête et la net- la taxe professionnelle devrait refléter la place toyaient conscieusement et journalièrement de de l’artisanat et du commerce dans le village. tout objet ayant la moindre valeur. C’était fin 1960-début 1970.

4 Et maintenant, pour revenir à nos poubelles, Artisanat et commerce sachez que les élus décident de clôturer la dé- Avant de nous livrer la liste des artisans-com- charge de la Chaîne «afin d’éviter l’invasion de merçants, on regrette la fermeture du magasin la route de Suzette». Bon, finies les trouvailles de chaussures tenu par Monique Marcellin et de et les rencontres plus ou moins surprenantes de la droguerie de Marcelle Aime, située sur l’ave- fouilleurs venus des villes de la plaine. nue de Verdun.

Il faut savoir aussi qu’à cette époque-là nous por- Ces dernières années, Malaucène a eu la chance tions nos poubelles à Vaison et que la taxe pré- de posséder une droguerie-bazar etc où l’on vue était trop faible pour couvrir tous les frais. trouvait à peu près tout ce que l’on voulait. J’étais époustouflé par les compétences des Le stade municipal au régime sec jeunes personnes qui géraient cet établissement C’est bien beau de vouloir semer de la pelouse et étaient capables de suivre l’approvisionne- pour que les enfants s’écorchent moins souvent ment de milliers d’articles. Hélas, le magasin a sur les cailloux, mais encore faut-il que cette dû fermer. Qu’elles sachent que nous les regret- pelouse daigne sortir de terre. Or, pendant trois tons. mois, de juillet à septembre, il n’a pas tombé une goutte d’eau. Une fois de plus, ce sont les Pape- Mais voici les créations et modifications de 1978. teries qui nous ont dépannés en nous prêtant Plomberie : Patrick Anaya, rue Guiméty leur groupe moto-pompe. Et la pelouse fut... Photographie : Bruno Floquet, Cours des Is- nards On améliore l’adduction d’eau au quartier du Articles ménagers : Sanchis-Garcia, av. de Verdun Puy «pour permettre le maintien d’une douzaine Infirmier : Pierre Wendels, av. de Verdun d’emplois dans l’entreprise Perla». Nous avons Nouveautés : Marie-Thérèse (Mimi) Mai suc- oublié l’existence de cette entreprise. Un bon- cède à Albert Mai jour à Popaul. Coiffure : Évelyne Faraud, Coiffure dames, crée un salon Coiffure hommes Un banc public sur la route du Groseau Josiane Carméry prend la succession du salon de Pour permettre aux personnes âgées (et aux coiffure de M et Mme Guippi (au croisement du autres) de faire une pause en montant au Gro- Cours et de la route du Ventoux, à l’emplacement seau à pied, un banc public et une corbeille à pa- de l’actuelle boulangerie-pâtisserie Chedeville.) piers ont été installés «dans un nid d’ombrage» Hôtel et café du Casino : Robert Leydier, son sur une petite parcelle appartenant à Augustin épouse et leur fils succèdent à Régis Joseph pour Hiély que l’on remercie pour son autorisation. la Café. Henri Fourès et son épouse prennent C’était une idée de René Bagnol. l’hôtel Station Total : Émile Meffre succède à Germain De nombreuses études sont terminées : la Meffre, son père. construction de la station d’épuration, legou- dronnage des chemins, une borne à incendie Les sapeurs-pompiers à Veaux et des colonnes pour remplir les sulfa- Voir les deux pages scannées ci-après. teuses sur tout le réseau.

5 6 Cette photo montre l’ancien portail de l’hospice ce qui me permet de rectifier l’erreur faire lors de la pré- sentation d’un joueur de pétanque qui était devant le portail Lacombe (la famille Lacombe l’appelle portail Marius Geoffroy) et non devant celui-ci comme je l’ai écrit par erreur. Par ailleurs, la caserne des pom- piers de 1978 devait être entre ce portail et le mur de la maison à gauche de la photo.

7 Le Damier malaucénien Le 11e concours interégional du 5 novembre a connu un beau succès : 40 joueurs venus des Bouches-du-Rhône, , Isère, Gard, Hérault, Pyrénées Orientales, Loazère, Ardèche, Alpes- Maritimes. Tout le Grand sud-est est là !

En Excellence, les premières places ont été occupées par des joueurs venant de Nice,, Nîmes, Alès, et Narbonne.

En Honneur les gagnants étaient originaires de Nîmes, Béziers, Malaucène (Novak, le secrétaire du club) et Cheval Blanc.

André Piquet enlève la première place en Promotion A. Il est suivi de Paul Bègue, Lucien Bègue et de joueurs de Cheval- Blanc et Die.

Les commentaires de l’humoriste de service !

8 Naissance du Foyer rural

9 Club cyclo-touriste Malaucène-Ventoux Francis Potier «étant parti sous d’autres cieux», Paul Tenon (était-il encore boulanger ?) le remplace à la vice-présidence. Le futur rallye Promenade par mont et par vaux est annoncé pour le 10 juillet 1979. Les organisateurs pensent que ce type de manifestation est également un «effort de promo- tion de notre région par le cyclotourisme». Ce qui paraît évident.

Le Club des anciens La sècheresse a certes gêné la levée de l’herbe de la pelouse du stade mais elle a favorisé les sorties des Anciens. Ils ont rendu visite au Mont Gerbier-des-Joncs et à l’auberge de Peyrebelle puis aux calanques de Cassis. Le bureau a ensuite pris un abonnement pour la saison 78-79 au Théâtre d’Avi- gnon. L’arbre de Noël avec distribution de cadeaux aura lieu le 14 décembre et sera accompagné par la projection d’un film par le tout jeune Ciné-club.

Mais cet aéropage de personnes d’un certain âge a connu un moment de panique à cause du direc- teur de l’Hospice qui «a mis le Club des Anciens en demeure de rendre la salle dite «Réserve», ne nous laissant plus la possibilité de nous servir du lave-vaisselle des cuisines, nous refusant l’accès de la salle pour nos réunions mensuelles». On n’est pas content du tout et on le dit haut et fort. Heureu- sement le maire et la municipalité mettent des locaux à leur disposition.

L’Office de Tourisme L’accueil a reçu 8 000 visiteurs cette année. La sècheresse (encore !) a, aussi ici, été bénéfique : «la saison touristique dans notre région a dépassé nos capacités d’accueil». Il a donc fallu partir à la recherche de logements supplémentaires.

Au total, 500 personnes ont escaladé le Ventoux de nuit en 9 randonnées. Le record d’affluence a été battu le 18 août avec 124 inscrits. Les guides habituels sont Serge Vidal, Vincent Baudouin, Christine Philip, Ariel Orry et le commandant Chabaud, en vacances à Malaucène. Mais il y a eu un événement. Jean-Pierre Soisson, secrétaire d’Etat des sports et du tourisme a fait cette ascencion pédestre par le GR4, «par un temps remarquable» évidemment, et nos représentants l’ont félicité au sommet et on pu dialoguer avec lui. Pour une fois qu’un ponte ne choisit pas le versant sud, il mérite notre coup de chapeau. Trois jours par semaine, l’été, des visites guidées de la ville sont assurées par M Baudouin.

Il est prévu de publier une carte panoramique de la région au printemps 1979 en collaboration avec l’ONF. Trois dépliants vont également paraître : un en couleur réservé à la propagande touristique, un guide pratique du canton et un fascicule résumant l’histoire de Malaucène.

Le foot Jacques Layre est président avec à la vice-présidence Yves Visserot et Gilbert Giniès. Il y a quatre équipes de jeunes : poussin, pupille, minime et cadet. Il y a également trois équipes d’adultes et on note de nouveaux arrivants pour l’équipe première : Max Cavalacci, Robert Tinto, Jean-Marc Carle. Il ne faut pas oublier Éric Renoncourt qui revient au club. Au total, 55 joueurs adultes. Le siège du club est au café du Casino, chez Robert Leydier et son épouse.

10 11 L’Union des commerçants et artisans malaucéniens Elle est née il y a sept ans. En collaboration avec les Jeunes Agriculteurs, elle organise une Foire de printemps avec la participation de marchands de matériel agricole, de marchands de bestiaux, d’éle- veurs de chiens et exposition de voitures neuves. Il y a même eu une présentation de mode avec des manequins locaux.

L’Union soutient les manifestations sportives. Elle déclare avoir renouvelé son bureau grâce à l’arri- vée de jeunes mais le rédacteur, Marcel Verdeille, ne cite pas les noms.

Gymnastique et Ciné-club Ce sont deux sections du Foyer rural. La gymnastique a lieu les mardi et jeudi de 18h30 à 19h30 pour les adultes et le mercredi de 17 à 19h30 pour les enfants.

Les premières séances du Ciné-club ont vu passer les films suivants : Citizen Kane, Le train sifflera trois fois, Fanfan la Tulipe, Une nuit à Casablanca et L’Autre. On attend pour la fin de l’année Max et les Ferrailleurs et pour janvier à mai de l’année 1979, Les Bonne femmes, Lucky Luciano, Le Beau Serge, Garderam lo Larzac, Alphaville, Les choses de la vie, Goupi mains rouges, Z et Le Boucher. Pra- tiquement que des classiques. Concernant le Larzac, rappelons que, depuis 1971, il est question de consacrer tout le plateau au camp militaire, ceci pour maintenir une population au milieu de cette rocaille. Une centaine de paysans - souvent des éleveurs de brebis - vont s’insurger contre ce projet et ils auront rapidement l’aide de nombreux citadins, notamment de l’intelligentsia nationale. Il y aura des affrontement avec les forces de l’ordre en permanence et, un des agriculteurs, José Bové, deviendra le porte-parole du mouvement. En 1981, avec l’élection à la présidence de la République de François Mitterand, le projet d’extension du camp militaire sera supprimé mais cette longue lutte paysanne laissera des traces dans la société.

La pétanque Le club compte 107 licenciés. Germain Illy a laissé sa place de président à Guy Demolin. 48 concours ont été organisés au cours de l’année. Là aussi, des adultes, en général des femmes, apprennent aux enfants (on dit cadets) à jouer. Joueurs et dirigeants se plaignent de voir la surface jouable se retrécir. Jusqu’à il y a quelques années, on jouait sur le Cours devant chaque bar et un peu n’importe où mais la voiture a besoin de places de parkings. Aussi demande-t-on déjà un boulodrome.

Le ski Le président, André Peyre, rappelle en ouverture de l’assemblée générale que le club existe depuis 1932. Il me semble que les circonstances de cette création ont été contées dans un numéro desCar - nets du Ventoux et on les retrouvera certainement sur le site internet du club. Le nombre actuel de licences s’élève à 957 dont 166 Malaucéniens. C’est Édith Pourquier qui décerne les licences au Café du Cours.

Un stage de compétition est prévu aux Orres du 22 au 27 décembre ainsi qu’un stage pour les va- cances scolaires de février. Un car conduit les enfants ou les adultes sur les champs de ski du mont Serein le mercredi.

12 Émile Tromel raconte le 11 novembre 1918 à Malaucène.

13 C’est très probablement le début d’une belle carrière de toponymiste pour Paul Peyre.

14 15 Quand le pape vend Malaucène au premier soudard venu pour renflouer ses caisses.

16 Supplément hors Publiaïre Ne pas le lire si cela risque de vous donner des boutons

À partir de mars 1977, j’ai tenu quelque chose que l’on pourrait appeler un journal mais qui, à l’usage, sera plus un grand cahier de notes prises quand j’en avais envie que quelque chose de suivi. Je voudrais m’en servir ici pour donner au lecteur ce qui n’est pas dit dans la revue municipale, je veux parler de l’air qu’on respire dans ce village. Évidemment cela est totalement subjectif et nullement exhaustif. J’ai écrit en exergue du premier cahier, sur la première page « Ma mémoire m’échappe. Autant la fixer ici ». Autant dire aux amis qui pensent qu’il n’est pas vrai que je perds actuellement la mémoire et qui ne le croient pas que cela a hélas commencé il y a au moins 43 ans !

Politique Le retour d’une municipalité Cornillac après la municipalité Rogez, a laissé des traces dans le village. Les partisans de l’un ou de l’autre camp s’expriment assez durement mais ce n’est pas le cas au conseil municipal qui paraît pacifié. Les actes soumis au conseil au dernier semestre 1978 ont tous été votés à l’unanimité. Mais nous sommes à une époque où les rapports de force entre membres d’une population ou entre structures sont nombreux et importants. Ils me paraissent moins visibles aujourd’hui, peut- être parce que je suis assez souvent retiré devant mon ordi et pas sur le Cours ou au bistrot à discuter avec les uns ou les autres. Peut-être aussi que ces rapports de force se sont déplacés et se retrouvent sur des sujets qui quelquefois nous dépassent même s’ils conditionnent notre quotidien. Peut-être enfin parce que, depuis, les communicants nous ont appris à parler de «lien social».

Les 12 et 19 mars 1978, il y a des élections législatives. Au premier tour, la gauche – qui avait gagné les municipales un an avant – se retrouve majoritaire. Il y a 4 partis à 20 % : PC : 20,5 %. PS : 23 %. RPR : 22 %, PR +… : 20 %. Je note : « Présence des écologistes qui ne qui ne font pas grand-chose ». «Font» est employé au sens «faire des voix».

À gauche, ça se chamaillait entre le PS et le PC. Ce dernier voyait d’un mauvais œil le Programme commun de la gauche rogner son électorat au profit du PS et le PS commençait à avoir des comporte- ments hégémoniques. On se rabiboche quelque peu entre les deux tours mais dans les deux camps le report des voix s’est mal fait. Je note un avis personnel : « Le Smic à 2 400 F au lieu de 1 740 F a fait peur aux paysans et aux petits commerçants ». C’est une opinion de l’époque, pas plus. Elle permet peut-être d’évoquer d’autres souvenirs chez les lecteurs qui seront arrivés jusqu’à ces pages « hors sujet » et de se souvenir qu’un programme a bien proposé de faire faire un bond de plus de 40 % au Smic.

Dans le Vaucluse le report des voix s’est plutôt bien passé. Au PS, Taddéi succède à Duffaut après un très long règne de ce dernier. Selon moi, il était temps de passer la main d’autant plus que Taddéi apparaissait comme quelqu’un de compétent et de droit. Hélas, il lâchera assez vite son poste pour des raisons familiales nobles et nous n’aurons pas assez de temps pour le voir à l’œuvre. Marin, un élu solide du PC à Sorgue, apprécié même à droite parfois, succède à Bérard (RPR). C’est un retour aux sources. Et Charretier, PR, succède à Leenhard, PS, à Carpentras. Maurice Charretier était maire de Carpentras. Il deviendra Ministre du commerce et de l’artisanat dans le gouvernement de Raymond

17 Barre et finira sénateur. Leenhard qui était un parachuté (il a dû être directeur du journal Le Provençal à Marseille) aurait, toujours selon moi, payé les manœuvres qu’il a accomplies avec son âme damnée Richard, pour contrôler l’appareil de son parti. Où donc ai-je parlé de rapports de force ?

Au travail Ma fonction est scandée par des réunions régionales avec les autres statisticiens (en 1977, il y en eut une aux Embiez. On travailla beaucoup mais on prit notre pied aussi) et des réunions nationales pour préparer des enquêtes. Je suis souvent convoqué à Paris pour lancer des investigations sur les fruits, les légumes, la vigne ou même la transhumance, domaines où je suis peut-être un peu moins ignorant que les responsables nationaux ou communautaires. À Paris, je vois autre chose, j’analyse les rapports de force et je me rends compte que le technicien que je suis serait complètement noyé là au milieu. Bref, j’atteindrais ici à la capitale ce fameux niveau d’incompétence qu’on met à toutes les sauces. Quand le grand patron (il règne à cette époque sur plus de 700 personnes) me proposera deux ou trois ans plus tard une promotion là-haut, je refuserai tout net. De plus, je n’étais pas certain qu’il tienne ses promesses ! À la retraite, j’ai organisé au moins deux réunions d’anciens au Mont Serein. Il y avait là deux anciens patrons dont celui dont je viens de parler. Nous avons évoqué la question mais il a botté en touche.

Mon travail me mange. Mes supérieurs eux-mêmes m’ont eu reproché de trop travailler, quelquefois parce que ce travail les dérangeait. J’animais à cette époque le service de statistique agricole de la DDA de Vaucluse et si les choses n’étaient pas très compliquées avec mes collègues et les 20 à 70 enquêteurs que nous avions sur le terrain, elles devenaient parfois tendues avec les hiérarques locaux. Après un re- censement agricole en 1970 (pas loin de 100 enquêteurs), nous avons fait de nombreuses enquêtes par sondage chaque année. C’est précisément en mars 1977 qu’un accrochage, grave de mon point de vue, a eu lieu. Nous ne possédions pas de données sur l’encépagement récent du vignoble vauclusien (les plus récentes dataient de 1962), aussi, à l’occasion d’un sondage à vocation générale, je glissais un ques- tionnaire supplémentaire sur l’encépagement des viticulteurs. Les résultats dépouillés selon les zones d’appellation ne souffraient pas de contestation. L’erreur due au sondage, quelques erreurs dues à la mauvaise qualité des déclarations (rares pour la vigne, plus fréquentes pour les légumes), n’étaient que du classique. Je me dois de faire connaître ces résultats aux responsables du département qu’ils fassent partie de la fonction publique ou de la profession agricole. Sans la circulation de ces informations, l’économie libérale est biseautée expliquai-je aux récalcitrants. Celui qui a l’info est très avantagé par rapport à celui qui ne l’a pas. Je construis donc une brochure toute simple avec de nombreux tableaux de chiffres et un minimum de commentaires et je passe le tapuscrit à mon directeur pour qu’il écrive sa préface et mette son paraphe. J’attends au moins un mois, rien ne revient et je vais bientôt apprendre que ces chiffres d’une banalité totale mais qui pouvaient servir à la réflexion et aux décisions pour l’orientation du vignoble ont considérablement gêné un notable de la profession agricole et, par consé- quent, mon directeur qui ne voulait pas de vagues a décidé de censurer le tout. Pour étouffer les vagues (je vous rappelle qu’il ne pouvait pas y en avoir suite à cette brochure. Il y a eu, je crois, un réflexe de possession du type, « les cépages, c’est moi et pas ce jeune con »), quelques cadors de l’administration et de la profession ont fait beaucoup de mal à l’agriculture vauclusienne. Je précise que sur proba- blement plus de 50 publications dans ma vie professionnelle, c’est la seule fois que cette mésaventure m’est arrivée. C’était l’air du temps et il valait mieux courber l’échine. Je l’ai pourtant rarement courbée et je me suis vite aperçu que le fonctionnaire que j’étais pouvait se permettre des éclats qui valaient

18 l’expulsion chez mes collègues et amis des chambres consulaires jugées pourtant plus démocratiques. C’est au cours de différentes enquêtes que je découvrirai trois personnalités très attachantes du monde paysan qui vous rappellerons peut-être des souvenirs d’époque. Les essais en vue d’effectuer une en- quête Transhumance me font successivement connaître Solda à l’extrême sud-est du département et Tellène à Monteux. J’apprends plus en deux visites sur la transhumance que ce que j’apprendrai ensuite. Le premier transporte à Isola 2000 un troupeau de 900 bêtes (coût du transport 15F/tête) et a conservé, me semble-t-il, quelques chèvres du Rove, belle race en voie d’extinction à cette époque et qui est repartie depuis. Je le retrouverai lors d’une commission de cotation hebdomadaire ou mensuelle des ovins instaurée par Bruxelles. Il y avait quequefois quelques chamaillages entre bergers et négociants en cours de cotation mais, ensuite, l’athmosphère se détendait. On a même vu le technicien berger du département demander au statisticien de quitter la veste de son costard et sa chemise, de se mettre à plat ventre sur la table pour lui faire passer avec un pendule le mal au dos dont il souffrait. Et ça a marché !

J’ai mis un peu de temps à retrouver le second dans la partie herbue de Monteux et ce n’est pas étonnant. Il me semble me souvenir qu’il se proclamait herbassier, c’est-à-dire un homme qui court derrière son troupeau (« il a son coffre-fort devant lui » affirme-t-il) et qui, toute l’année, marche à la recherche de l’herbe pour nourrir ses brebis. Je le retrouverai à une veillée publique à la Chartreuse de Villeneuve- les-. Il était là pour conter à une assistance plus ou moins bobo (le qualificatif n’existait pas alors) en quoi consistait son métier. Il était très beau et imposant avec son grand chapeau et sa houppe- lande, tous deux noirs, se tenant debout pendant tout la durée de « la conférence » appuyé sur le grand bâton qu’il avait fabriqué avec son opinel. Majestueux, mais j’ai pesté tout le soir devant la bizarrerie des questions posées par ce public mi-bourgeois, mi-écolo ou tous les deux. J’avais tort. Ces gens-là posaient les questions qui les intéressaient et moi je m’intéressais aux détails du métier de cet homme pour qui je commençais à avoir du respect et de l’amitié. Les deux ensembles sont souvent disjoints…

J’allais oublier de vous parler du troisième. Il s’agit d’un laitier du bassin de Montfavet. Environ vingt ans auparavant, pendant des vacances scolaires, j’avais remplacé un ouvrier en congé au moulin Cor- nillac et j’avais fait connaissance avec ce milieu. Il y a deux ou trois siècles, le terroir de Montfavet était probablement semblable aux terrasses du Rhône que l’on voit sous les vignes de Châteauneuf-du-Pape. De beaux galets mais pas de prés. C’est la construction d’un canal d’amenée de l’eau de la , le canal Crillon au XIXe siècle, qui va tout changer. Les eaux de la Durance charrient la terre des rives alpines de la rivière et, quand on arrose en aval, cette terre se dépose. Au fil du temps, il y a d’abord eu une fine pellicule de ces limons qui a couvert les galets. Aujourd’hui, nous en sommes au moins à 20-25 cm d’épaisseur d’une terre très fertile qui, lorsqu’on n’a pas construit des lotissements dessus, produit un foin de qualité qui nourrit les chevaux de course et qui nourrissait après guerre entre 3 et 5 000 vaches laitières. Ces dernières étaient venues-là d’abord parce qu’il y avait un bassin de consom- mation (Avignon, sa banlieue alors peu étendue et deux ou trois villages) et des ouvriers piémontais ou savoyards qui, dès la fin du XIXe, venaient s’occuper des dites vaches dont les propriétaires étaient de riches avignonnais qui avaient fait construire de très belles résidences (secondaires quelquefois, des grands bâtiments à toit à quatre pans avec un portail en pierre à l’entrée d’une grand allée de platanes qui conduisait à la maison en retrait de 100 m environ par rapport au grand chemin du XVIIIe siècle) au milieu des cailloux puis des prés. L’une des caractéristiques de cet élevage est qu’on ne sortait jamais

19 les vaches pour ne pas piétiner ces prairies fragiles. Elles passaient donc leur vie (cinq à six lactations) à l’étable. Et les veaux étaient enlevés du pis de la mère une semaine après la naissance.

C’est au détour d’un travail sur la filière lait que je rencontre un laitier qui me conte «l’histoire bête d’une coopérative d’une coopérative bête et du lait qui fuit». La formulation est peut-être excessive. Dans les années 1860, sa grand mère était laitière rue de la Velouterie à Avignon. Auparavant, elle était femme de chambre du préfet et son grand père en était le cocher. C’est vers 1860 qu’ils voulurent gagner un peu plus d’argent en achetant des vaches et des cochons. À chaque inondation du Rhône, ils condui- saient tout ce beau monde sur la place du Palais. Le préfet va les aider à s’installer aux Agassins, au Pontet en 1872, sur une filature de soie désaffectée. Mon laitier pense que Bonaparte aurait séjourné au château des Agassins lors de son retour d’Italie.

Pendant la guerre de 14-18, la grand’mère et la mère sont seules sur la ferme. Il y avait 32 vaches en 1914, il n’en reste pas une en 1918. Il a fallu vendre pour vivre. On se relance avec 60 cochons mais deux jours avant d’être vendus ils meurent de maladie. C’est la ruine. Sans qu’on lui demande quoi que ce soit (eh oui !) un ami prête de l’argent et on repart. L’homme que j’ai devant moi se lève à 2 heures du matin pour aller livrer du lait depuis l’âge de 11 ans.

Arrive la guerre de 40 et le régime de Vichy. Dans un premier temps un industriel contrôle tout le com- merce du lait et ne se prive pas de s’adonner au marché noir avec l’occupant, toujours selon mon interlo- cuteur. Le préfet ou ses services trouve que le rendement des vaches est bien bas et envisage de les faire abattre. C’est alors, en 1943, qu’on a l’idée de créer une coopérative. Hélas, elle ne faisait que collecter le lait qu’elle livrait… à l’industriel. Cet industriel va envoyer la Gestapo à notre homme au moment où il monte la coopé et prouve les malversations du chef d’entreprise. D’après notre témoin, on aurait arrêté le mécréant mais il aurait été libéré par la Gestapo qui en profite pour arrêter le personnel de la coopérative.

À la Libération, un préfet pro-industriel est en place. Le ministre de l’Agriculture fait une visite. Il y a une réunion à la Préfecture dont notre homme est évincé. Il va pénétrer dans la salle par la fenêtre. Au préfet qui lui demande ce qu’il fait là, il répond le plus naturellement du monde : « je suis entré par la fenêtre, Monsieur le Préfet ». J’ai connu bien d’autres situations similaires à l’époque où des fortes têtes , quelquefois issues de la Résistance, se rebiffaient contre le pouvoir central.

Il parle même de l’affaire Stavisky. La veuve de ce dernier habitait près d’un laitier et l’aurait dénoncé (lui, celui qui parle) pour collaboration. Mais dans quel monde sommes-nous ? J’ai compris assez vite qu’il faudrait vérifier tous ces renseignements mais je n’ai jamais eu le temps. La coopérative va continuer à vivre avec des directeurs qu’il juge plus ou moins incompétent ou voleurs. Toujours selon

20 ses dires. On continuera longtemps l’énumération de diverses malversations mais je dois dire à mes lecteurs un peu âgés qu’ils ont tous bu du lai dit stassanisé de cette coopérative qui a bien grandi mais qui n’existe plus aujourd’hui…

Je voulais vous parler des conditions de vie en 1978-79. Vous en avez eu quelques-unes pour 1940-45 et même pour 14-18 ou la fin du XIXe siècle. En vous rappelant que si je n’ai nommé ni mon interlo- cuteur ni l’industriel accusé, c’est parce que je n’ai pas pu contrôler les dires de cet homme qui était en pétard contre tout le monde et m’a pourtant bien intéressé.

Vie sportive Sur le plan sportif, je vais participer à une aventure sympathique. Le District Rhône-Durance de foot- ball a décidé de lancer un stage d’une semaine pour former des éducateurs pour les jeunes qui auront le titre d’initiateur. Nous étions nombreux car c’était la première fois que cela se produisait. Quelques- uns avaient mon âge et c’était tout drôle de rester enfermé une semaine les uns sur les autres. Nous avions fait l’armée et nous savions ce que c’était que faire le mur. Nous le fîmes donc… à 36 ans pour ma part. Ce qui n’empêche pas que les séances en salle et celles sur le terrain étaient très sérieuses et qu’elles étaient sanctionnées par un examen, assez sérieux lui aussi pour ceux qui sortirent dans la première moitié du tableau, plus cool pour les autres. Je me souviens que, pour les épreuves pratiques, j’étais supervisé par un ancien pro de l’OM qui n’avait pas la renommée d’être tendre. De plus, venant de Malaucène, j’étais peut-être celui qui jouait au plus bas niveau. Surprise, cet homme dur m’a donné une bonne note et m’a parlé très franchement. Le monde du foot n’était pas encore gangréné par la finance (faire SVP la différence entre l’argent et la finance)… Dans la foulée, j’obtiendrai très vite la licence

Les curieux me trouveront quelque part sur la gauche, debout avec une veste de survet foncée et... une moustache. De retour dans nos clubs, certains d’entre nous eurent du mal à faire comprendre aux membres du bureau qu’il fallait au moins un ballon pour 3 joueurs à l’entrainement. Difficile de changer les vieilles habitudes...

21 d’arbitre capacitaire (pour ma part, uniquement pour arbitrer les équipes de jeunes) mais je la retour- nerai vite à l’envoyeur, avec lettre explicative à l’appui, les embrouilles de certains arbitres capacitaires étant aussi horribles que celles des bénévoles.

Quelques années après, des jeunes des équipes dont 3 ou 4 d’entre nous s’étaient occupés devenus adultes s’inscriront à ces stages. Et nous ne verrons plus ce type de bénévole âgé, avec un cœur gros comme ça, prendre une équipe de gamins à l’entrainement parce qu’il n’y a personne d’autre et com- mencer par faire faire 5 tours de stade aux jeunes, ce qui est stupide nous explique-t-on en stage d’édu- cateur. Je précise que cet homme était un très brave type de même que celui que j’avais vu, autour de mes 20 ans, entrer dans les vestiaires d’une équipe cadets à la mi-temps et, parce qu’il faisait un froid de canard dehors, sortir une bouteille de gnole de sa poche et offrir un petit verre du remontant-ré- chauffant à chaque jeune. C’est arrivé à Malaucène et le dealer de gnole était un type qui se dévouait aussi pour la cause commune. J’ai du respect pour lui mais… Il a même poussé le dévouement jusqu’à tomber un jour plié en deux sur la main courante du stade et il a crevé là. Je tiens à écrire cela parce que je pense que c’est aussi ça la vie et l’histoire d’un village. Vie et histoire qui se multiplient avec les mamans qui apprennent aux jeunes à jouer aux boules, avec ceux qui montent un Foyer rural et une troupe de théâtre, avec le tennis, avec le cyclotourisme etc. Et tout ça et plus encore a existé chez vous.

Vie privée L’ainé de mes fils entre en 6e en septembre 1977, ce qui m’entraîne à écrire sur mon cahier les souvenirs de ma propre rentrée comme pensionnaire au vieux Fabre à Carpentras en 1952. Là, il ne s’agit pas que de transcrire des faits sur un papier pour les garder en mémoire, il s’agit d’écrire, car j’ai déjà besoin d’écrire et, à bientôt 80 ans, vous constatez que j’éprouve toujours ce besoin. Simplement, je ne sais plus écrire comme j’écrivais lorsque j’ai pondu mes lignes sur la mort de mamé Rose. D’ailleurs sur ce docu- ment, en 1978, je retrouve ce texte avec beaucoup d’autres que je ne vous infligerai pas. Ils sont là, ont tous été écrits sous le coup de l’émotion et me parlent de ce que j’étais alors… Je phosphorais beaucoup la nuit, je travaillais beaucoup au bureau, je jouais au foot et j’entraînais (pas seul) une ou deux équipes de jeunes et voilà que je retrouve noté que « je faisais les 3/8 au boules », le week-end pendant les vacances solaires quand le foot était terminé, bien sûr. Ils étaient donc bien remplis ces samedis et dimanches…

Ces samedis et dimanches à Malaucène n’étaient rien d’autre pour moi qu’un juste équilibre avec le trop plein de boulot de la semaine. Ils devenaient un défouloir où la simple honnêteté demande de signaler l’importance de l’heure de l’apéritif au bar. Les tournées de pastis valsaient après les matches de foot et cela se terminait souvent autour d’une table chez l’un ou chez l’autre ou au resto. La communauté foot se serrait les coudes malgré quelques anicroches individuelles.

C’est aussi à partir de 30 ans que j’ai eu des nuits incomplètes. Incomplètes, mais dans notre lit, je tiens à le préciser car j’en vois déjà qui sourient en coin. Je me réveillais déjà au milieu de la nuit et j’écrivais quelque chose ou je lisais quelques poèmes qui m’aideraient à me rendormir. J’en ai même noté quelques passages sur mon gros cahier et je vous fais cadeau de celui-ci du grand Guillaume Apollinaire : Je ne sais plus ni si je l’aime Et mes amours s’étant cachés Ni si l’hiver sait mon péché Périssent d’amour en moi-même. Le ciel est un manteau de laine NB : Pourquoi emploie-t-il le mot péché ?

22 Mais d’autres sont là pour accompagner Apollinaire. Comme Eluard ou Camus par exemple. Depuis mes 17 ans à peu près, j’étais Camusien et je mourrai Camusien. Une raison parmi cent autres : il avait le courage de rester seul contre ses adversaires sartriens qui, eux, chassaient en meute. Toujours lors de cette adolescence, Brel est venu épauler Camus. Avec le recul il me semble qu’ils se complètent bien pour guider nos vies. Ce n’est qu’un peu avant 40 ans que Char et ses Feuillets d’Hypnos viendront compléter la panoplie. Mais Camus était mort depuis longtemps et Brel allait mourir le 9 octobre 1978 (presque en même temps que Rose). Ce fut un peu l’événement de l’année à la télé. Depuis Brel s’est estompé, même si j’ai toujours du plaisir quand l’une de ses chansons passe à la radio ou à la télé. Mais les deux autres sont toujours là et je trouve qu’ils ont été d’excellents compagnons de route.

Parlons de la télé précisément. Je note à la date du 25 mai 1978 au Grand échiquier, le passage de deux jeunes gens talentueux encore peu connus : Huster et Weber. Ils ont fait un beau chemin. Une autre télé, le 20 septembre 1978, avec une vie de Blaise Cendrars.

Et, un souvenir qui parlera à certains. C’est en 1978 que nous avons vu paraître un roman intitulé Ca- minarèm (Nous cheminerons) signé par Jean-Pierre Chabrol et Claude Marti. Je qualifierai le premier de poète cévenol, installé dans cette montagne rude grâce à l’aide de Brassens. Mais Chabrol a écrit de nombreux romans et il remboursera probablement assez vite sa dette. Quant à Marty, c’est le trouba- dour occitan par excellence. Lui, je le situerai dans l’Aude, plutôt du côté des Corbières.

Il y a beaucoup de vécu dans ce livre qui conte la lutte des vignerons du Midi viticole pour pas crever de faim devant la crise des prix du vin. Ils ont été très durs ces vignerons et ils n’avaient pas peur de prendre des sales coups en affrontant les forces de police. Non seulement, il n’en avaient pas peur, des coups, mais ils les rendaient. Le 4 mars 1976, à Montredon-les-Corbières, chaque camp eut son mort. Dit autrement, chaque camp a tué quelqu’un du camp adverse. Et n’a-t-on peut-être jamais osé comp- ter les blessés... Il n’y a pas que nos temps qui sont violents il y a dans le roman un autre épisode assez dur, situé aussi dans l’Aude, département avec des têtes au moins aussi dures que celles des Catalans. Le tout est dit avec une langue très vivante, très proche de celle de la terre. Et cette langue du terroir n’interdit pas des analyses pertinentes sur ce qui se passe là- haut, dans les hautes sphères du pouvoir. Les auteurs ont probablement éprouvé quelques difficultés pour écrire la conclusion. Ils ont fait ce que l’on fait quelquefois : ils ont pris un racourci. Pfft... et c’est fini !

Bon, rassurez-vous, j’’ai lu bien d’autres livres ces deux années-là, de ceux dont on parle dans la presse nationale. Il m’a paru bon de mettre l’accent sur celui-ci car ce qu’il raconte nous avait beaucoup tou- ché. Voici pour conclure deux vers d’Apollinaire que vous apprécierez, j’espère :

Jamais les crépuscules ne vaincront les aurores Étonnons-nous des soirs, mais vivons les matins.

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