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Débat animé par Yves Alion après la projection du film Garde à vue, à l’École Supérieure de Réalisation Audiovisuelle de le 28 octobre 2004

Claude Miller est entré au cinéma par la cinéphilie : c’est l’admiration des œuvres d’autrui qui l’a convaincu de se lancer à son tour dans la mêlée. Depuis lors, malgré les aléas d’un box office parfois lunatique, Miller suit son bonhomme de chemin sans varier d’un iota. Son créneau : celui d’un cinéma qui parviendrait à concilier l’ouverture d’un cinéma grand public et les exigences du cinéma d’auteur, une façon de suivre le sillage de celui dont il fut le collaborateur pendant plusieurs années et dont l’influence demeure vivace, François Truffaut. Ce n’est pas par hasard s’il a repris le projet que l’auteur des 400 coups n’avait pas eu le temps de mener à bien : La Petite Voleuse . Claude Miller rechigne le plus souvent à se lancer dans des sujets originaux, préférant imprimer sa marque – toujours très personnelle – sur les histoires des autres. Ce qui ne retire rien au profond sentiment d’unicité que son œuvre fait ressentir. Le matériau du cinéaste, ce sont les frustrations, les secrets, les défaillances. Un cinéma en teintes mineures donc, mais qui nous touche le plus souvent au plus profond, y compris quand Miller pousse jusqu’au malaise l’exploration intime du psyché dérangé de ses Garde à vue personnages. Sans doute parce qu’il n’est pas possible de ne pas se reconnaître en eux. Miller, de son propre aveu, n’est pas un manique de la technique. Mais cela ne l’empêche pas de trouver de façon instinctive les moyens de faire coïncider le fond et la forme. Et certaines hésitations de la narration sont de toute évidence le reflet des hésitations de ceux à qui le film donne vie. Son cinéma est fragile, vibrant. Il nous est particulièrement cher. I Quand vous avez essayé de faire vos premiers films, après avoir réalisé des courts métrages, aviez-vous peur de ne pas être assez bon pour le métier ? C. M. : Oui, j’ai toujours eu peur, j’ai encore peur maintenant. Je faisais partie de ces cinéastes très cinéphiles. C’est-à-dire que toute ma jeunesse a été baignée par l’admiration des films, des grands maîtres du cinéma. C’est tou - jours vrai aujourd’hui. J’ai, comme vous tous, un panthéon personnel qui varie au cours des années. C’est à la fois une grande richesse personnelle, une culture et quelque chose qui m’encombre. C’était encore plus vrai quand j’étais jeune. Parce que je me disais : « Jamais je ne serai comme Fritz Lang ou Alfred Hitchcock ». Cela crée chez moi, évidemment, une peur de l’échec, du ridicule, du bide, du flop, la crainte d’être mauvais.

Entretien Vous avez sur Lang et Hitchcock une supériorité : vous êtes vivant. Ce qui, pour faire du cinéma, est une condition essentielle ! Au centre, Claude Miller sur le tournage C. M. : Il se trouve que j’ai cité des cinéastes morts, mais croyez bien qu’il de Betty Fisher et Peut-être pourriez-vous commencer par décrire votre itinéraire dans la pro - y a également des cinéastes encore en autres histoires fession... (2001). activité parmi ceux que j’admire. Mais « Lorsque j’ai fait mes premiers Claude Miller : Je crois que j’ai un parcours assez classique. Je n’ai jamais voulu c’est vrai que tout cela ne m’empêche pas films, j’ai été étonné que le résultat faire autre chose que du cinéma. Quand j’étais gamin, si on me demandait : de faire des films. Il faut croire que le désir ressemble, finalement, à du cinéma. « Qu’est-ce que tu feras plus tard ? », je répondais : « Du cinéma ». Et pour d’exercer ce métier est plus fort que la moi « faire du cinéma », c’était bien sûr être metteur en scène. Mais je n’avais peur. Lorsque j’ai fait mes premiers films, Je me disais : “Cela a quand même absolument personne, dans ma famille ou autour de moi, pour me pistonner j’ai même été étonné que le résultat res - l’air d’être un film, que l’on n’est dans cette profession. Comme je n’étais pas spécialement hardi ou culotté, semble, finalement, à du cinéma. Je me pas obligé d’aimer, mais cela a l’air je n’avais pas d’autres moyens pour parvenir à mes fins que de faire une disais : « Cela a quand même l’air d’être d’être un film”. » école. À l’époque le choix était plus limité qu’il ne l’est aujourd’ - un film, que l’on n’est pas obligé d’aimer, hui. J’ai préparé le concours de l’IDHEC, l’ancêtre de la FEMIS... Pour mais cela a l’air d’être un film ». Les échecs ne m’ont jamais freiné. Je dois entrer à l’IDHEC, il fallait avoir Bac + 1, le « 1 » étant la prépara - être immodeste : il suffit que trois personnes ayant l’air sincère me disent tion au concours de l’école. Puis la scolarité elle-même se dérou - qu’elles ont aimé mon film, cela me rassure. Même si le reste de la Terre ne lait sur deux ans. Cette école avait surtout le mérite de promettre à l’a pas aimé. Cela ne résout pas l’équation commerciale. Mais si ces trois ceux qui avaient choisi « réalisation » un stage d’assistant sur un long personnes me parlent du film que j’ai voulu faire, c’est que j’ai dis des choses et métrage, à la sortie. En sortant de l’IDHEC, en 1966, j’ai donc été au moins à ces trois personnes. Et puis un échec, c’est une notion relative. Maurice Ronet dans Trois chambres à Manhattan Trois Chambres à stagiaire assistant, sur un film qui s’appelait . Je J’ai fait des films, à mes débuts, qui étaient des bides noirs. Mon deuxième Manhattan de n’ai fait mon premier film qu’en 1975. Il a donc fallu dix ans, mon diplôme film, Dites-lui que je l’aime , par exemple. Marcel Carné. en poche, pour passer à la réalisation. Pendant cette période de « salarié du cinéma », si je peux appeler les choses comme cela, j’écrivais des scéna - Malgré une affiche prestigieuse : Depardieu, Miou-Miou, Dominique Laffin ! rios. Avec l’idée de passer à la réali - C. M. : Comme quoi les acteurs ne garantissent pas le succès. Mais un échec sation. J’ai d’abord réalisé trois courts n’est jamais irrémédiable. La vie des films continue. « Et pour moi “faire du cinéma”, Dites-lui c'était bien sûr être metteur en scène. métrages de fiction. Mais je n’ai pas Aujourd’hui, on me parle avec émotion de réussi à monter ni à faire produire les que je l’aime . La sortie du DVD lui a donné une Comme je n'étais pas spécialement longs métrages que j’avais écrits. seconde jeunesse. Les films vieillissent, bien ou mal, hardi ou culotté, je n’avais pas d’autres Jusqu’à La Meilleure Façon de ils peuvent être vus différemment par une nouvelle moyens pour parvenir à mes fins marcher . Le film a eu une très bonne génération. Bien sûr, un échec rend plus difficile la que de faire une école. » critique et un accueil très correct de mise en chantier du film suivant. Après un échec, les la part du public. Il devenait impen - projets sont minés, forcément. Et les obstacles sont plus sable que je retourne en arrière. Et depuis lors, bon an mal an, malgré quel - difficiles à franchir. Mais avec le temps je suis devenu Gérard Depardieu ques trous d’air, j’ai continué à faire des films. J’ai connu de gros échecs. beaucoup plus philosophe. Et je sais quand je me suis trompé. Dans chacun dans Dites-lui que Mais aussi de grands succès. Suffisamment en tous cas pour continuer à faire de mes films, il y a des séquences que je ne trouve pas réussies. Dans chacun je l’aime (1977). des films, jusqu’à La Petite Lili il y a un peu plus d’un an... de mes films. Cela ne m’empêche pas d’avancer.

2 3 Vous avez été l’assistant de plusieurs réalisateurs. Vous ont-ils regardé avec un ma femme, ma famille, mes amis, mes copains, ces risques-là, c’est qu’ils pensent que je vais autre œil lorsque vous êtes passé à la mise en scène ? en disant que je voulais être metteur en scène ! faire un film qui ressemble à un film et que je C. M. : Oui. C’est évident concernant Truffaut. J’ai fait une dizaine de films Je ne pouvais plus reculer. Même si une petite ne vais pas trop dépasser le devis initial. Et ils avec lui. J’ai travaillé sur tous ses films entre Baisers volés et L’Histoire d’Adèle voix en moi me disait : « Tu es fou, est-ce que tu ont raison : je ne suis pas irresponsable sur ce H. Ce qui inclut notamment L’Enfant sauvage , La vas être capable de le faire ? ». Je ne pensais pas plan-là, je n’ai pas la réputation d’avoir ruiné Sirène du Mississippi et Domicile conjugal . Mes rap - que j’étais capable de le faire, je pensais que qui que ce soit. ports avec François Truffaut étaient excellents. S’il me j’allais me planter. Évidemment, la veille du tour - reprenait de film en film, c’est qu’il trouvait que je nage, je n’ai pas dormi de la nuit. Je me disais Les aléas de ce métier sont inévitables. On sait travaillais bien et que je n’étais pas désagréable. Mais que tout serait réglé si j’avais un accident de que certains cinéastes ont à un moment donné nous n’avions pas pour autant une relation d’intimité, voiture, enfin bon… J’avais le trac, tout simple - reçu la faveur du public et l’ont perdue. Et l’on nous ne parlions même pas de cinéma. C’est vrai ment. Ce trac m’a poursuivi : ça a été la même ne dit rien de tous ces premiers films qui ne qu’on n’a pas le temps de bavarder quand on fait un chose la veille de mon premier long métrage. seront jamais suivis d’un second. Être metteur film : on parle du film qu’on est en train de faire, un Idem pour les films qui ont suivi. Ce n’est plus le en scène demande des nerfs d’acier. Pour les point c’est tout. Mais en même temps François savait cas aujourd’hui, mais cela ne fait guère que cinq techniciens, le cas est un peu différent... très bien que j’étais très cinéphile et je crois qu’il dési - rait se cantonner à une relation professionnelle. Mais quand j’ai fait La Meilleure Façon de marcher , j’ai eu un problème de montage, que mon monteur et moi ne parvenions pas à résoudre. Quelqu’un, je ne sais plus qui, m’a suggéré d’en parler à Truffaut. Je lui ai effec - tivement montré le film, pas fini, en copie de travail. Deux films de Cela a été un conte de fée : il est sorti de la projection en me disant : « J’adore François Truffaut : Claude Miller jouant ce film, c’est magnifique ! ». Avec un sous-entendu : « Je n’aurais jamais cru lui-même dans que vous feriez un film comme ça ! ». Enfin bon ! Le principal, c’est que L’Enfant sauvage, et Baisers volés. c’était très flatteur. On sent tout de suite si quelqu’un est sincère ou s’il vous raconte des histoires. Et puis ce n’était pas le genre de Truffaut de raconter des histoires. Non seulement il m’a fait des compliments, mais il a trouvé la solution de mon problème. Il suffisait d’inverser deux séquences. François a vraiment été formidable. Au point que « Mes rapports avec François quand le film est sorti, et sans que je Truffaut étaient excellents. S’il me lui demande quoi que ce soit, il s’est Le Point reprenait de film en film, c'est qu'il fendu d’un article dans , deux trouvait que je travaillais bien et que pages de critique élogieuse. À partir de ce moment-là, tout a changé. J’avais je n’étais pas désagréable. Mais nous Patrick Dewaere, Patrick Bouchitey et Christine Pascal travaillé dix ans avec lui sans presque ou six ans que ce trac a disparu. Il ne m’a pas dans La Meilleur Façon de marcher (1976). n’avions pas pour autant une relation jamais parler de cinéma. Et nous avons empêché de faire quatorze films, et même de d’intimité, nous ne parlions même commencé à nous voir, nous déjeu - discuter avec vous ! Le trac, je dirais presque pas de cinéma. » nions ensemble très régulièrement, une que c’est un bienfait : je me méfie des gens qui C. M. : Il existe deux aspects dans ce métier. fois par mois, pour parler de cinéma et n’ont pas le trac. Ce qui améliore les choses, D’un côté la technique. Tout le monde peut de nos projets. Notre relation, qui était très professionnelle et à la limite hié - c’est le temps. À partir du moment où l’on com - apprendre et acquérir une certaine assurance rarchique a changé du tout au tout... mence à accumuler des films, qu’il s’agisse de technique, une certaine maîtrise. Je dirai que courts ou de longs métrages, vous vous rendez c’est la moindre des choses. De l’autre côté le Comment avez-vous su que vous étiez prêt à réaliser votre premier long compte que les gens ont confiance en vous. Ne talent. Qui fait que l’on possède quelque chose métrage ? Comment sait-on si l’on est capable de gérer une équipe, un tour - serait-ce que parce qu’ils vous donnent de l’ar - en plus, que les autres n’ont pas. Cela dit, ce nage, des acteurs, sur une période longue et pour la première fois ? gent, beaucoup d’argent même, pour faire un n’est déjà pas mal de posséder la technique. C. M. : Très honnêtement, quand j’ai réalisé mon premier court métrage, je film. Je ne parle pas de mon cachet, mais de ce C’est bien de savoir se servir d’un cérulé ou n’étais absolument sûr de rien. Tout dépend du tempérament de chacun ! Je que coûte la mise en forme de mes désirs de d’éclairer un plan pour qu’il soit visible quand on n’étais pas sûr de moi, mais j’avais tellement emmerdé le monde autour de moi, cinéma. Je me dis que si les producteurs prennent est chef opérateur. C’est bien de savoir faire

4 5 un raccord à peu près correct quand on est Certains aiment prendre des risques et d’autres C. M. : Bruno Nuytten a commencé à être chef opérateur quand je suis devenu monteur. Ce sont des choses qui s’apprennent. pas. Mais si on n’aime pas du tout les risques, on réalisateur : nous sommes à peu près de la même génération. Il a donc tra - La mise en scène, c’est un peu différent. Parce ne se lance pas dans le cinéma… vaillé sur mon premier film, La Meilleure Façon de marcher et mon troisième, que nous baignons en France dans une culture C. M. : Je n’ai jamais eu la sensation d’être quel - Garde à vue . Puis, assez vite, il est devenu réalisateur. Dans les années 60, la qui n’est pas celle des studios d’Hollywood. À qu’un qui aimait les risques. Petit, j’étais plutôt tradition était que les premiers assistants deviennent metteurs en scène. Ce Hollywood, si vous êtes engagé comme metteur craintif, le contraire d’un fier-à-bras. Ce n’est pas n’est plus vrai aujourd’hui. Nombre de premiers assistants finissent, et ce n’est en scène, vous êtes considéré comme un tech - une question de témérité ! Ce qui est nécessaire, pas du tout une déchéance, directeurs de production, voire producteurs. Peut- nicien, pas un auteur. Vous êtes là pour faire c’est d’être un peu irresponsable. C’est la seule être les jeunes générations sont-elles plus pressées que nous l’étions. Toutes votre boulot de technicien metteur en scène. En explication que je peux donner concernant des ces étapes qui étaient au fond un peu artificielles, finalement vous encomb - France et en Europe, nous avons une vision dif - entreprises dans lesquelles je me suis lancé en rent. Si vous avez envie de faire un film, vous férente des choses. On demande au metteur en tant que cinéaste. Si j’avais été un tant soit peu ne vous dites pas : « Je vais attendre dix ans « Être assistant, c'est faire un en étant assistant, je vais essayer de le faire ». travail de chef de gare : il faut C’est vrai que les technologies d’aujourd’hui veiller à ce que les trains arrivent permettent beaucoup plus rapidement qu’hier à l’heure. L’assistant facilite la de savoir faire des images, ce qui n’est abso - logistique du tournage, mais il lument pas péjoratif dans ma bouche. Avec la DV, il est devenu facile de réaliser un film (je n’aide pas le metteur en scène ne parle pas de sa qualité), de s’exprimer par dans sa création. » le cinéma. Même quand on n’a pas été assis - tant. Mais le travail d’assistant n’a pas grand-chose à voir avec la création artistique. Être assistant, c’est faire un travail de chef de gare : il faut veiller à ce que les trains arrivent à l’heure. L’assistant facilite la logistique du tour - nage, mais il n’aide pas le metteur en scène dans sa création. S’il voulait s’en mêler, il s’entendrait dire : « Mêle-toi de ce qui te regarde ! ». Quelqu’un qui a une vocation d’auteur s’embête quand il est assistant. Je ne pense pas du tout que ce soit un marchepied. Je trouve qu’on apprend beaucoup plus de choses sur la mise en scène quand on est monteur, par exemple. On est beaucoup plus proche du metteur en scène, on a un rapport beaucoup plus intime avec lui. Et on n’est pas encombré par des histoires de chef de gare.

Il est une autre profession qui mène de plus en plus à la réalisation, c’est celle Gérard Depardieu et Miou-Miou dans Dites-lui que je l’aime (1977). raisonnable, je me serais abstenu. Mais ce n’est de comédien ! Le parcours de Gérard Jugnot, qui mène de front sa carrière d’ac - pas l’amour du risque, c’est plutôt une forme teur et son activité de cinéaste, est assez exemplaire. d’inconscience. Je crois que c’est nécessaire, C. M. : Ce qui paraît toujours évident quand on commence à faire du cinéma, scène de savoir mettre en scène… Mais qu’est- pour un metteur en scène, en tout cas si c’est et quel que soit son poste, c’est la prééminence du metteur en scène, qui ce que ça veut dire « savoir mettre en scène »? un auteur, de suivre son désir. Quand on a un occupe vraiment une position de pouvoir, au sens le plus noble du mot (même On pourrait en discuter longtemps… Mais on vrai désir créatif, il faut essayer de l’assouvir. si dans certains cas c’est l’aspect coercitif du terme qui l’emporte). C’est le lui demande, aussi, d’avoir du talent, d’être à la metteur en scène qui décide de ce que va être le film. Je peux comprendre que hauteur, d’avoir un univers, d’avoir une expres - Le directeur de la photo de Garde à vue , Bruno certains, qu’ils aient été techniciens ou acteurs, se disent au bout de plusieurs sion personnelle. Et ces deux aspects du métier Nuytten, a réalisé par la suite trois films, années : « J’en ai marre de dépendre des choix d’un metteur en scène, marre sont quand même très, très différents. Il est pos - dont Camille Claudel . D’autres directeurs de la d’être l’objet dont il se sert pour faire son œuvre. Même si c’est pour faire sible de connaître toute sa vie un grand bonheur photo, comme Pierre-William Glenn, Philippe quelque chose de magnifique. Moi aussi, j’ai envie de mener l’attelage et de professionnel, en étant un très bon technicien. Rousselot ou Yves Angelo, sont également passés m’exprimer par le cinéma ». C’est naturel, presque un peu automatique. Et cela Mais le bonheur sera peut-être plus grand encore à la mise en scène. Visiblement, à un moment, débouche parfois sur de très bons résultats, bien sûr. si vous êtes aussi un auteur, qui satisfait son certains techniciens brûlent de s’exprimer autre - ambition d’expression personnelle. Le hic, c’est ment. Comment s’opère ce passage ? Et pour - Quelles sont vos méthodes de travail ? Faites-vous un découpage technique que cette satisfaction là est difficile à rencont - quoi la meilleure antichambre de la mise en avant le tournage ? Comment travaillez-vous avec vos comédiens ? rer. Et que le risque d’être malheureux est grand... scène n’est-elle plus l’assistanat ? C. M. : Ma façon de travailler a évolué avec le temps. Quand j’ai débuté,

6 7 je me disais que je devais absolument donner l’impression de savoir ce que toujours possible de faire les deux et de choisir le meilleur au montage. Ni les je voulais. Pour mes courts métrages, pour mes premiers films, je faisais un acteurs ni les techniciens ne prendront cela pour de l’indécision, enfin la découpage extrêmement précis, de façon parfois aberrante, puisque je ne plupart d’entre eux. Ils s’amuseront au contraire encore un peu plus. Un acteur tenais pas forcément compte de la réalité : il m’arrivait de faire mon décou - sera toujours ravi de dire : « Ah oui ! Tiens, si on le faisait comme ça ! ». Et page alors que je n’avais pas encore le décor... J’avais tendance à prévoir un technicien, si c’est quelqu’un de curieux, il sera heureux d’essayer autre de façon extrêmement précise et pointilleuse les déplacements et le jeu des chose. La possibilité de pouvoir tâtonner, sans exagérer bien sûr, sans boule - comédiens. Cela a duré jusqu’à Dites-lui que je verser le plan de travail, est un privilège énorme. Ce qui n’empêche pas de l’aime . Sur mes premiers films, j’étais tenté de devoir faire son choix, au montage. me référer à un storyboard. Un peu par anxiété, par peur de ne pas bien maîtriser les choses. Pour Vous dites que a fait exploser votre préparation de Garde à vue. Dites-lui que je l’aime et Garde à vue , j’ai fait Mais vous aviez auparavant travaillé avec Patrick Dewaere sur La Meilleure faire un storyboard. Mais sur Garde à vue , est Façon de marcher. On a du mal à imaginer qu’il fasse partie des acteurs survenu un événement très important dans ma dociles... Il devait lui aussi avoir des choses à proposer. vie de cinéaste : je me suis heurté à un acteur C. M. : La Meilleure Façon de marcher est un cas très particulier. C’était un peu qui s’appelait Michel Serrault. En l’occurrence il comme dans Garde à vue , une espèce de huis clos : on ne sortait pas de la n’avait pas du tout envie de rentrer dans les petits colonie de vacances. Mais j’avais pu repérer les lieux Guy Marchand et Michel Serrault dans dessins de mon storyboard. Il avait son idée sur la question et il a fait explo - longtemps à l’avance. J’étais en possession d’un décou - Garde à vue (1981). ser mon storyboard au bout du deuxième jour de tournage. Pas forcément de page assez précis, réaliste de surcroît. Patrick Dewaere façon agressive. Mais il me disait : « Tu voudrais que je me mette comme ceci était effectivement quelqu’un de très inventif, mais et comme cela et que j’aille de tel endroit à tel autre en disant telle répli - en même temps, c’était encore un débutant, malgré que ? ». « Mais on pourrait aussi faire comme ceci et comme cela... » Or ce tout. Je ne compte pas les petits rôles de son enfance. « aussi » que me proposait Serrault, franchement, honnêtement, il était le Il était loin d’être au point de la carrière d’un Serrault. plus souvent tout aussi valable que ce Serrault avait déjà vu passer beaucoup de metteurs que j’avais imaginé. J’ai commencé à en scène, des bons, des mauvais. Il disait avoir souvent Patrick Dewaere et « Je pense qu’il faut répondre à la me dire que je ne faisais pas un dessin souffert de devoir travailler avec des cinéastes qui ne le méritaient pas. Il avait Michel Blanc dans question du quoi avant de se poser animé, que je travaillais avec des êtres raison, même si cela semble au prime abord immodeste de sa part. Patrick, La Meilleure Façon celle du comment. Autrement dit il de chair qui étaient aussi créatifs que lui, n’était pas plus sûr que moi de ce qu’il fallait faire. Ce que je lui deman - de marcher (1976). faut savoir ce que l’on filme avant de moi, finalement ! Et le storyboard est dais de faire, sur le plan de la mise en place, il le faisait sans renâcler. Sim - savoir comment on va le filmer. » resté dans un tiroir. Il existe, on peut le plement, à l’intérieur de mon cadre, de ma mise en scène, Patrick sans le savoir consulter, mais il ne ressemble pas vrai - créait un personnage différent de celui que j’avais imaginé, bien plus riche. ment au film. Et j’ai commencé, au bout Plus profond, plus subtil, plus ambiguë. Cela, c’est sa création... Avec Serrault, du troisième jour, à travailler différemment, à faire répéter les acteurs… Je pense avec d’autres comédiens comme lui, que j’ai pu connaître par la suite, les qu’il faut répondre à la question du quoi avant de se poser celle du comment. choses étaient différentes. Ces comédiens-là sont sans cesse en train de proposer Autrement dit il faut savoir ce que l’on filme avant de savoir comment on va des choses. À moi de prendre ou de ne pas prendre. Si l’on ne prend pas, il faut le filmer. Pour cette raison, je ne pouvais plus faire de découpage chez moi, veiller à ne pas humilier, à ne pas vexer. C’est un autre aspect de la mise en scène dans ma chambre et dans mon bureau la veille du tournage. J’étais obligé de dont nous pourrions parler : un tournage est très proche de la haute diploma -

me jeter à l’eau et tenir compte de ce que me proposaient les acteurs. Je tie. Un metteur en scène pourrait devenir un bon ambassadeur, un bon diplo - Michel Serrault et veillais à pouvoir répéter avec l’équipe technique avant qu’ils ne débarquent. mate, un bon ministre des Affaires Étrangères. dans Je transpirais d’angoisse en me disant : « Il faut vraiment que je me jette à l’eau, Garde à vue (1981). que je fasse des choix ». C’est ce que dit Truffaut dans La Nuit américaine : D’autant que les comédiens ne sortent pas tous du un metteur en scène est quelqu’un qui est confronté en permanence à des même moule. Certains sont extravertis, d’autres intro - choix, ce qui pour moi est l’une des pires choses de la vie. vertis ; ils sont plus ou moins sûrs d’eux ; certains aiment ne faire qu’une prise sur l’énergie du moment, d’autres On vous pose plein de questions à tout bout de champ… préfèrent répéter. Si l’on prend l’exemple de Garde à C. M. : Et il faut toujours être péremptoire dans ses réponses. Peu à peu on vue , il est connu que Michel Serrault peut faire autant apprend à s’assouplir, à gérer ce cruel dilemme. Au contraire de certains de prises qu’il veut, qui seront à chaque fois différen - autres arts, vous pouvez toujours faire plusieurs prises, des prises différentes tes, alors que Lino Ventura avait la capacité de refaire si possible. Si vous ne savez pas si vous devez faire tel ou tel plan, il est au quart de poil, exactement la même chose, en étant

8 9 excellent à chaque fois. Cela doit être passion - sentir l’affectif, le travail préparatoire devenait Lino. Parce que c’était totalement dans l’esprit du personnage. Ce sont nant de les faire travailler ensemble... presque inutile. Parce que Serrault pouvait faire des choses qui arrivent quand même assez souvent, quand les acteurs C. M. : C’est effectivement le cas. Ce sont deux ce qu’il voulait : de toute façon, je l’aurais suivi sont chauds, à la fois physiquement et affectivement. Quand ils sont acteurs de tempérament très différent. Leur carac - en plan taille ! C’est l’une des choses impor - contents d’être là. Les grands acteurs ont souvent des idées formidables, tère lui-même est en opposition presque totale. tantes dans le cinéma : la distance à laquelle parce que c’est leur métier, c’est leur talent. Et, tout à coup, ils vous pro - Mais c’est bien pour cela que je les ai choisis, vous observez votre scène, vos personnages, posent des choses épatantes, qui vont enrichir votre film. Et c’est tout parce que les deux personnages doivent être très l’objet que vous avez à filmer. Et cette dis - bénef pour vous ! différents l’un de l’autre. tance-là doit être la bonne, quoi que fassent les acteurs. Une fois cette distance définie, la Le film est à la base un huis clos : il n’y a que peu de scènes extérieures à ce Faut-il en conclure que les comédiens sont en fait technique s’en mêle. Il faut peut-être décider commissariat de police. Mais vous avez ponctué les confessions de Serrault l’élément le plus important dans un film et que d’utiliser la steadycam au lieu de faire un tra - de petits flashs qui sont autant d’images mentales et qui nous placent par la la technique suit ? velling. Mais ça, c’est de la technique et c’est même occasion dans l’atmosphère de ce qu’il raconte. Sur le phare, sur le long couloir de quinze mètres qui sépare les deux chambres... C. M. : Ces petits flashs me sont venus assez naturellement. J’ai un naturel un peu fantasmatique et je n’aime pas trop, au cinéma, qu’on parle de quelque chose que l’on ne voit pas. La Classe de neige est entièrement bâti sur ce principe, pour le bonheur ou le malheur du film, je n’en sais rien. Ce qui est amusant, c’est que j’avais rencontré Truffaut, après la sortie de Garde à vue . Il m’avait dit : « J’aime bien le film, mais je n’aime pas les petits flashs ! ». Il les trouvait pléonastiques. Sa remar - que ne m’a pas étonnée : les cinéastes issus de Michel Serrault et l’école Rossellini, de la Nouvelle vague aiment tenir un concept jusqu’au Elsa Lunghini dans bout. Je ne dis pas qu’il avait tort. C’est vrai que cela aurait été magnifi - Garde à vue (1981). que de se passer de ces images-là et je pense que c’était possible de la faire. Mais si je l’ai fait, ce n’était pas pour aérer le propos ou vous divertir, par peur que le spectateur en ait marre, mais pour montrer l’ambiguïté de ce genre de situation.

Ces images mentales ne sont-elles pas encombrantes parfois ? Michel Serrault, Guy Marchand et Lino Ventura dans C. M. : Garde à vue (1981). vite résolu finalement, il ne faut pas le mythi - Ces images mentales constituent pour moi une grande tentation. fier. C’est pour cela que j’ai eu l’impression Je crois que tout cinéaste, s’il est cinéaste, c’est sûrement parce qu’il est progresser avec Garde à vue , même si toute particulièrement imaginatif, au sens propre du mot « imaginatif ». Je suis C. M. : J’ai compris une chose grâce à Michel ma préparation volait en éclat. Il me semble pour ma part effectivement enclin à avoir des flashs et des images comme Serrault. Quelle que soit ma préparation, c’est que j’ai compris à ce moment-là que ce qui celles-là, ou à les créer. Et enclin à en mettre dans mes films. Et en même au final le comédien qui permet le mieux d’ex - est important, c’est d’avoir une idée assez temps, j’ai tendance à penser que c’est un peu dangereux. La supériorité primer ce que j’ai à dire. En l’occurrence, c’est précise des valeurs de plan, y compris quand de la littérature sur le cinéma est évidente : quand vous lisez un bouquin, Mulholland Drive de David Lynch. lui qui met en valeur l’ambiguïté de la situation, ces plans deviennent des plans séquences, à vous imaginez ce que vous voulez. Avec mes pas le storyboard. Ce qui était important, ce chaque étape de la dramaturgie. images, je vous impose quelque chose et cela n’était pas tellement le déplacement des acteurs peut, aussi, être un appauvrissement. Je suis dans le décor, mais plutôt la distance de la A un moment, Serrault essaye d’imiter Ventura. très admiratif, par exemple, d’un cinéaste caméra à ces acteurs, quels que soient les On imagine que c’est à son initiative... comme Lynch, notamment dans Mulholland déplacements. Si, par exemple, j’avais prévu C. M. : Effectivement. Ce n’était pas dans le drive . Parce qu’il impose des images qui lui que de telle page à telle page, je voyais les dialogue original. Je me souviens très bien : sont hyper personnelles, mais qui en même personnages plutôt en plan taille, parce qu’un c’est arrivé pendant la répétition du matin et temps ont une telle charge d’ambiguïté, plan trop large ne m’aurait pas permis de res - on a tous trouvé ça formidable, y compris d’étrangeté qu’on n’a pas la sensation qu’il nous

10 11 les impose. Le spectateur se retrouve alors à la même place que le lecteur Après Garde à vue , vous avez travaillé une acceptait ce scénario, il allait y mettre quelque de littérature : il lui reste la liberté d’interpréter ce qu’il voit. C’est en tout seconde fois avec Michel Serrault, pour Mor - chose de l’ordre de l’affectif qui pouvait être ter - cas comme cela que j’analyse le plaisir que je prends à voir un film comme telle randonnée. Existe-t-il une connexion entre riblement émouvant, presque indécent. Mais celui-là. Je sais que si je suis amené à continuer à travailler en me servant les deux films, malgré leurs différences théma - personne n’était au courant, le grand public de ce genre de matériau, je vais essayer d’être plus ambiguë. Je voudrais tique ou de mise en scène ? ne le savait pas. Quand Garde à vue est sorti, que le spectateur se sente moins manipulé. C. M. : Oui, il y a eu une connexion. C’est très le projet Mortelle Randonnée existait déjà entre particulier. Mortelle Randonnée est un film Michel Serrault et Michel Audiard. Et comme Avez-vous vu le remake américain de Garde à vue ? Qu’en avez-vous avez dont le personnage principal, Michel Serrault, Garde à vue a été une réussite commerciale, un pensé ? Avez-vous eu un droit de regard ? pleure la mort de sa fille. Comme il est détec - gros succès même, ils se sont dit : « On va C. M. : Je l’ai vu, bien sûr. Je n’ai pas eu de droit de regard. tive privé de profession, il est amené à faire reprendre Miller et on va lui proposer Mor - J’ai touché un peu d’argent, comme toutes les parties pre - une enquête sur une criminelle, interprétée telle randonnée ». Ils m’ont donné le scéna - nantes du film, à commencer par les héritiers Audiard. par . Peu à peu l’image de cette rio à lire. J’ai dit oui. Nous avons tous touché un peu d’argent pour la fermer ! Les Américains achetaient les droits : ils faisaient ce qu’ils voulaient. Mais le résultat est moins mauvais que ce que je craignais. La seule chose qui ne m’a vraiment pas plu dans l’adaptation, c’est la transformation de la petite fille en une jolie adolescente. Je trouve que c’est un manque Monica Bellucci et Gene Hackman dans de courage, qui est représentatif de la société américaine. Dans Garde à vue , Ser - Suspicion de Stephen rault est un homme accusé par sa femme d’avoir touché une petite fille. Hopkins, le remake américain de Garde Et dans le remake, Gene Hackman se retrouvait accusé d’avoir couché avec à vue. une jeune fille. Ce n’était pas du tout la même chose, ça devenait une simple histoire d’adultère.

Pourquoi une majorité de vos films sont-ils des adaptations de romans plutôt que des sujets originaux ? C. M. : J’ai un gros problème, qui ne s’arrange pas d’ailleurs, avec les scéna - rios originaux. Je commence à me l’expliquer : je ne sais pas finir une his - toire. Cela correspond à ma conception de la vie : je trouve que la fin de toutes les histoires, c’est la mort. En réalité une histoire, ça ne finit pas. Même après le mot « Fin », les personnages continuent à Michel Serrault dans Mortelle Randonnée (1983). « Je ne sais pas finir une vivre, s’ils ne sont pas morts bien sûr. Quand je com - jeune femme se substitue à celle de sa fille. histoire. Cela correspond à mence à imaginer une histoire, j’ai un concept. Je Pour lui, c’est sa fille. Le spectateur saura, au ma conception de la vie : je n’ai pas de problème à me rendre à mi-chemin. Mais bout d’un moment, que ce n’est qu’un fan - à partir de là, je commence à déprimer. Devoir tasme, mais au début il peut croire qu’il s’agit Comment choisissez-vous vos comédiens ? trouve que la fin de toutes conclure m’angoisse, ça me rend malade. Combien réellement de sa fille... Si je vous raconte tout C. M. : La plupart du temps, je commence à les histoires, c'est la mort. » de fois, pour cette raison, ai-je laissé tomber un travail ça, c’est pour dire que l’idée de ce film n’est écrire l’adaptation d’un livre sans penser à qui commencé ? Quand je trouve mon histoire dans un pas mon idée, mais celle de Michel Audiard, que ce soit. Volontairement, pour ne pas faire livre qui a une construction dramatique close, je suis rassuré. Même si après le scénariste, qui était très ami avec Michel le film de Monsieur Machin ou de Mademoi - coup je fais éclater l’histoire, je peux avancer. Mes scénarios originaux me plom - Serrault. Or quelques années auparavant, selle Truc. Et puis, au bout de 20, 30, 40 pages, bent, au contraire. Je ne suis jamais content, je peux passer des années dessus Michel Serrault avait perdu une fille dans un j’ai besoin d’avoir une idée plus précise et je sans être satisfait. accident de voiture. Cette jeune fille avait seize commence à mettre des visages sur les person - ans ou dix-sept ans et cet accident a été, évi - nages. J’ai besoin de dire : « Qui pourrait jouer Vous avez plusieurs scénarios en attente ? demment, une tragédie pour Michel, qui a cer - ça ? ». Depuis le début de ma vie de cinéphile, C. M. : Oui, j’ai plusieurs scénarios dans mes placards. Ou qui n’existent plus tainement changé sa conception de la vie. De je tiens des fiches sur tous les films que je vois, parce que je les ai mis dans la corbeille à papier. Cela m’est quand même façon très implicite, sans qu’ils ne s’en soient en insistant sur les acteurs et les actrices. J’ai des arrivé deux ou trois fois d’écrire des choses qui ne sont pas adaptées, mais cela jamais parlé directement, Michel Audiard savait listes d’acteurs strictement inconnus. Et je me reste quand même assez rare. qu’à partir du moment où Michel Serrault sens obligé de commencer à mettre des visages

12 13 qui, la plupart du temps, ne figurent pas à l’arrivée. J’ai besoin de ça. Mais pour personnage. Je fais des essais pour quasiment tous les rôles, même les plus petits. autant je ne commence pas à faire mon casting avant d’avoir fini le scénario. J’ai vraiment besoin de voir, surtout, la présence à l’écran d’un visage. Je me En principe du moins. Parce qu’il y a des exceptions. Si je prends le cas méfie énormément de la capacité de certains à perdre leur charme ou leur de Betty Fisher et autres histoires , qui est l’adaptation séduction une fois que l’on a dit « moteur ». d’un roman de Ruth Rendel, je suis bien obligé de recon - naître que j’avais envie de tourner avec Kiberlain depuis Que pensez-vous de la critique ? longtemps. Je lui ai donc donné le livre à lire, en lui C’est toujours très désagréable de vous entendre dire : « T’es moche et ce disant : « Si le livre vous plaît, je commence à écrire que tu fais, c’est complètement idiot ». Quand c’est imprimé, c’est encore pour l’adaptation, pour vous ». Mais pour être honnête, pire. Mais cela ne sert à rien de se mettre en colère quand la critique est mau - si le livre ne lui avait pas plu, je pense que j’aurais vaise ! Parce qu’il faut bien dire que nous jubilons quand elle est bonne ! quand même fait le film. J’aurais cherché une autre actrice, parce que je tenais Mais en la matière, ce qui me semble réellement grave, c’est que les criti - dans Betty Fisher et Libération Le Monde autres histoires à raconter cette histoire. Et le film aurait été différent. Il peut donc m’arriver ques n’ont pas de légitimité. Prenons ou : ce sont des (2001). d’avoir besoin, quand je veux vraiment quelqu’un, de lui en parler avant de journaux que lisent ceux qui lisent vraiment les journaux. Et dans ces jour - commencer à écrire. naux très respectables et respectés, vous avez deux colonnes signées Machin. Mais quand je n’ai pas les acteurs et que le scénario est fini, ce qui est le cas Quand j’étais jeune, je pensais que ce Machin était tout aussi respectable la plupart du temps, je commence à faire mon casting, soit tout seul soit avec que celui qui écrivait l’éditorial politique. Mais à force d’être dans le métier,

Isabelle Adjani dans Michel Serrault et Mortelle Randonnée un directeur de casting. Et plus ça va, plus je fais des essais, même avec des j’ai connu ces gens-là et j’ai commencé à me demander : « Pourquoi est-ce Guy Marchand dans (1983). acteurs très connus. La plupart du temps, j’ai plusieurs options d’acteurs pour lui qui écrit dans Libé , dans Le Monde ? D’où vient-il ? Qu’est-ce qu’il a Mortelle Randonnée un rôle, même un rôle important. Il m’est arrivé, pour un rôle principal, d’avoir fait ? ». Rien du tout en général. Quelle est sa légitimité ? Pourquoi faut-il (1983). deux ou trois idées et d’être indécis. Il peut arriver que l’acteur soit une star, écouter ce qu’il dit ? Il se peut qu’à force de le lire sa prose, vous allez finir qu’il n’ait pas envie d’être en compétition avec un autre et de faire ces essais. par le trouver formidable et que vous serez d’accord avec lui. Et là je n’ai En général, cela me refroidit et du coup, l’affaire ne se fait pas. Mais la plupart plus rien à dire. des comédiens jouent le jeu. Je leur dis : « Personne ne le saura ». Parce que c’est surtout par rapport aux autres qu’ils sont gênés. Au cours des essais, je Il peut y avoir des critiques défavorables qui sont constructives et argumen - ne leur fait pas forcément jouer la scène. Ce que j’aime beaucoup faire, c’est tées, comme il peut y avoir des critiques favorables béates et bêtasses. de demander à l’acteur de lire le scénario. Je lui pose ensuite des questions. C. M. : Oui, tout à fait. Moi, ce n’est pas tellement le rapport des cinéastes aux Comme un flic, un juge d’instruction ou un psy. Et l’acteur doit me répondre critiques qui est intéressant. Ce qui pose problème, pour moi, c’est le rapport comme s’il était le personnage. Je filme ses réponses. Cette interview au lecteur. Ne vous laissez pas faire par quelqu’un, vous ne savez pas qui me donne beaucoup de renseignements sur sa compréhension du film et du c’est, et qui se mêle de vous parler du film, allez voir le film.

14 15 Est-ce que la critique a déjà fait le succès ou l’échec d’un film ? Comment travaillez-vous avec le directeur de la photo ? C. M. : La critique n’empêchera jamais le spectateur qui a envie d’aller voir C. M. : Je ne suis pas un cinéaste fou de technique : si vous me demandez Un long dimanche de fiançailles ou un James Bond d’y aller. Un spectateur, avec quelle caméra numérique j’ai tourné La quel qu’il soit, quelque soit son niveau de culture, son niveau social, s’il a Petite Lili , je suis incapable de vous répondre... envie de voir un film, il ira le voir. S’il en parle Mon dialogue avec les opérateurs est un dia - « Mon dialogue avec les avec talent, un critique qui dit du bien d’un logue très impressionniste, j’ai tendance à leur « Mais il existe toute une film peut vous donner envie d’aller le voir parler de sensations, plus que de technique. opérateurs est un dialogue très catégorie de cinéastes en France alors que vous n’en aviez pas spécialement Nous parlons beaucoup des films à voir, et nous impressionniste, j'ai tendance à qui sont en danger si la critique envie au départ. Mais il existe toute une caté - allons voir beaucoup de films. Ce sont des réfé - leur parler de sensations, plus n'est pas bonne. » gorie de cinéastes en France qui sont en rences sur lesquelles j’ai envie que nous par - que de technique. » danger si la critique n’est pas bonne. Des tions. C’est une base pour imaginer ce que cinéastes qui ne font ni un cinéma populaire pourrait être la photo du film qu’on va faire dont le public se fout de la critique de toute ensemble. Ce qui me paraît le plus facile, c’est de parler sur des images qui exis - façon, ni un cinéma hyper pointu qui ne va être apprécié que par une caté - tent déjà : « Telle séquence, je la verrais bien comme ça... ». C’est ainsi que je gorie très infime de journalistes. Moi, je fais partie de cet entre-deux. Si mes dialogue avec le chef opérateur en amont, avant que le film commence. films sont éreintés à 100% par la critique, je suis en danger, parce que je ne suis pas un cinéaste dont le public va voir les films aveuglément. Alors mon film a beaucoup de chances de se planter, de ne pas avoir assez de public pour s’en sortir. Donc malgré tout, je dépends un peu des critiques.

Les chaînes de télévision, qui participent au financement des films, quand elles ne commandent pas elles-mêmes des films pour le petit écran, raisonnent- elles de la même manière ? C. M. : Les chaînes travaillent sur une segmentation du public qui rejoint celle dont le cinéma fait les frais. Arte est la seule chaîne de télévision qui ne tient pas compte de l’audimat et se permet de financer des projets ambitieux et pointus, quitte à aller parfois un peu loin dans cette direction. Mais dans l’en - semble les autres chaînes vont au plus facile. Y compris le secteur public, qui, lui, normalement, n’est pas là pour gagner de l’argent. Bien sûr, il peut y avoir de belles œuvres sur France 2 ou France 3. Mais elles restent le plus souvent conventionnelles. Je crois pour ma part que pour qu’un art évolue, il faut que les formes changent. Il ne faut donc pas tenir compte de contingen - ces à court terme, quitte à déranger ou même à rater son coup. Je suis en attente d’un bouillon de créativité qui ne soit pas consensuel. Clothilde Baudon et a été fait pour Arte ! Quel est le rôle du premier assistant ? Charlotte Gainsbourg La Chambre des magiciennes dans L’Effrontée C. M. : Je ne dis pas que tout est rose dans la critique littéraire, mais au moins, C. M. : Le premier assistant réalisateur occupe un poste d’une importance (1985). La Chambre des magiciennes (2001). on sait de quoi on parle, on ne va pas comparer un roman de Joyce avec un capitale. Sa tâche est énorme, harassante. Il est responsable du plan de roman de Guy des Cars. Au cinéma, quand on parle d’un travail, c’est à lui de veiller à ce que toutes choses roulent sur le plateau de film, on fait comme s’il n’existait qu’un seul genre. Je vois façon correcte et efficace. J’attends également de lui qu’il soit capable d’hu - un petit espoir dans l’édition DVD, qui permet à des films mour. Car j’ai découvert l’avantage d’avoir un assistant qui n’hésite pas, moins évidents de trouver leur public... Y compris cer - malgré le côté harassant de son boulot, à plaisanter et à mettre de la bonne tains films inédits en salle. Il y a la possibilité d’envisager humeur sur le plateau. Ce qui n’est vraiment pas facile, pour lui en tout une filière directe « production DVD », on peut imaginer cas. C’est difficile de dire ce que j’attends de mon premier assistant. Parce un film d’auteur qui serait directement produit pour être que cela dépend en grande partie de lui. J’ai eu des assistants formidables, diffusé en DVD. Et qui sait, si le DVD marche bien, le qui jamais n’auraient osé me dire quoi que ce soit sur le plan artistique et film pourra alors sortir en salle... critiquer ce que je faisais. Quand j’étais assistant, c’était ma façon de pro - céder... Et puis, j’ai eu des assistants qui pouvaient, tout à coup, déborder

16 17 de leur domaine de logistique de plateau. S’il c’étaient des auteurs. Je reconnaissais la pâte. Le remplacement progressif de l’argentique par Le fait de travailler en haute définition a-t-il s’agissait de quelqu’un que je n’estimais pas Hitchcock, pour prendre un exemple des plus le numérique est un phénomène troublant. Parce changé vos méthodes, et au-delà votre mise en en tant qu’homme ou en tant que femme, je prestigieux, je crois qu’il n’a jamais été au géné - que d’un côté la télé finance le cinéma. Et de scène ? Avez-vous tendance à faire des plans dois reconnaître que cela m’exaspérait... En rique d’un de ses films comme scénariste. Et l’autre le cinéma ressemble de plus en plus à séquences plus nombreux, quitte à couper revanche quand il s’agissait de quelqu’un qui pourtant, un film d’Hitchcock, ça a l’air d’un une grande télé. La texture cinéma n’est-elle pas après dans le plan ? Avez-vous tendance à faire m’était sympathique, il pouvait se mêler de tout film d’Hitchcock ! Donc, pour moi, c’est la spé - en péril ? davantage de prises ? Avez-vous tendance à et me glisser : « Tu crois vraiment… », je l’ac - cificité du cinéma, ce n’est pas l’écrit, c’est ce que C. M. : C’est effectivement une question de prendre deux caméras et laisser les comédiens ceptais. Il m’est même arrivé de me servir de ce l’on voit sur l’écran. Et ce que l’on voit sur l’écran, texture. C’est vrai que le cinéma, à partir du s’exprimer plus facilement sur la longueur parce qui m’était dit... En fait, il n’y a pas de règle : c’est le réalisateur. moment où la projection numérique est excel - que le champ / contrechamp va paraître démodé tout est fonction des rapports humains. Sans doute verrions-nous les choses différem - lente, c’est une énorme télé. Mais on s’en fout. et qu’il sera toujours possible de se rattraper au ment sans la Nouvelle vague. J’ai été et Ce n’est pas parce que c’est du numérique, que montage ? je le suis toujours, un admirateur éperdu c’est la technologie utilisée par la télévision, C. M. : Tout ce que vous venez de dire, je le « Nicolas Ray, John Ford, Billy de François Truffaut, de ses premiers que ça a les vices de la télévision, la facilité et fais. J’ai tourné deux films en numérique : La Wilder, Elia Kazan étaient rarement films en tous cas, ou de Jean-Luc Godard. la démagogie. Maintenant, je vois bien l’amour Chambre des magiciennes en DV et La Petite crédités au générique comme J’ai adoré les films de Chabrol, du moins que certains portent à l’argentique, je le perçois Lili en HD. Ce n’est pas du tout pareil : c’est scénaristes. Que le scénario leur les premiers. Quand j’avais vingt-cinq et, non seulement je le respecte, mais je le comme conduire une 2 CV et une Rolls. Mais parvenait par hasard ou qu’ils le ans et que la Nouvelle vague arrivait, je sollicitaient, c'étaient des auteurs. » trouvais que les films qui s’en réclamaient étaient plus satisfaisants que ceux issus des studios. Non seulement en raison de la mise en scène, mais aussi pour la racine des Vous avez dit être parti de romans plutôt que de choses, le concept. S’est en effet développé avec sujets originaux pour réaliser vos films. Et vous la Nouvelle vague le concept d’auteur réalisateur avez souvent confié l’écriture de vos scénarios (et parfois producteur). C’était une façon d’oc - à d’autres, tel Michel Audiard. Cela ne vous cuper tous les compartiments du jeu, ce que la empêche pas de vous revendiquer comme carrière de Truffaut illustre de façon exemplaire. auteur. Cela n’est-il pas contradictoire ? C. M. : Cela dépend beaucoup de la nature et de En France on a tendance à faire la différence la culture de chacun. Ma culture, c’est celle de entre le cinéma d’auteur et le cinéma de pur divertissement. N’est-il pas possible de conci - la critique française du début des années 60, qui Au centre, Clément van den Bergh dans m’avait démontré que l’auteur du film, c’était le lier les deux ? Garde à vue n’est-il pas un bon partage, évidemment. Aujourd’hui, le numéri - La Classe de neige (1998). réalisateur. En tout cas, pour un certain cinéma. exemple de film d’auteur qui convient au grand que n’est pas encore à la hauteur de l’argenti - Bien sûr, ce n’est pas forcément le réalisateur public ? que sur le plan technique. Mais il va y arriver. qui avait écrit le scénario et les dialogues ! Mais C. M. : C’est l’idéal de pouvoir concilier les Tout simplement, parce qu’il n’y a pas d’exem - les films ont malgré tout en commun d’être la mise en scène, la façon dont les acteurs bou - deux. J’ai toujours la prétention de plaire au ple dans l’histoire du monde, d’une technolo - tournés en numérique. Ce qui signifie qu’il y a geaient dans le décor, la distance à laquelle ils public, de le captiver, de faire qu’il soit pris par gie plus rapide ou d’une miniaturisation qui ne beaucoup moins de technologie sur le plateau. étaient regardés, tout cela faisait que le film aurait le film et qu’il ne veuille pas sortir de la salle. triomphe pas. La diligence, c’était épatant. Mais Quand je tourne un film en 35 mm, je dois faire différent si un autre metteur en scène l’avait Mais mes films ne sont pas pour autant des elle a quand même été détrônée par la machine mon métier de metteur en scène quatre heures signé. Par ailleurs le film ne dirait pas forcément divertissements. Je n’ai pas de mission, je n’ai à vapeur. Et puis le cinéma est un art, une dis - sur une journée de huit. Avec le numérique, je tout à fait la même chose sur le plan de l’émo - aucun message articulé à délivrer. Je ne sais cipline ou un artisanat très chers, qui nécessi - fais mon métier huit heures moins le quart. C’est tion, ou sur celui du signifié. Et j’ai grandi dans pas le faire : le monde est vraiment trop com - tent des levées de fonds d’industriels ou de beaucoup plus fatigant. cette culture-là. D’autant plus qu’à cette époque, pliqué. J’ai simplement la prétention, à chaque commerçants. Il a forcément une dimension le cinéma américain qui nous arrivait et que fois, de parler des choses dont je parle, au mercantile. À partir du moment où un film Avez-vous cantonné l’utilisation des deux j’admirais énormément n’était pas un cinéma moment où j’en parle. Avec tout mon cœur et coûtera moins cher pour un résultat égal en caméras au tournage en numérique ? de scénaristes. Nicolas Ray, John Ford, Billy avec ce que je peux en dire à mon âge et à numérique, je ne donne pas cher de l’argenti - C. M. : Non, après La Chambre des magiciennes , Wilder, Elia Kazan étaient rarement crédités au l’heure qu’il est. Pas plus. Si le film en dit plus que... D’ailleurs, chez Kodak ils ont arrêté toute j’ai fait trois films. Deux sont en 35 mm. Et j’ai générique comme scénaristes. Que le scénario que cela, c’est à vous de le dire, c’est à la pos - recherche sur l’argentique. On peut en pleurer, systématiquement tourné avec deux caméras. leur parvenait par hasard ou qu’ils le sollicitaient, térité de le signifier. mais c’est ainsi... C’est vrai qu’en 35 mm, c’est beaucoup plus

18 19 difficile, parce que la lumière est beaucoup plus Une question par rapport à la musique. Vous Comment avez-vous travaillé avec Georges parce que ce n’était pas fini, mais j’avais vu directionnelle. Mais on y parvient quand même, servez-vous de musiques existantes ou faites- Delerue sur Garde à vue ? Gouttes d’eau sur pierre brûlante, ainsi qu’un quand le chef opérateur sait à quoi s’en tenir. vous appel à un compositeur ? La musique peut- C. M. : J’admirais énormément Delerue depuis film de Bonitzer dans lequel elle avait un petit Cela permet parfois, d’avoir des caméras dispo - elle inspirer une mise en scène ? qu’il avait travaillé sur les films de Truffaut et rôle. Je n’étais pas convaincu, elle m’a convaincu sées à 90 degrés, ce qui est très, très appréciable C. M. : La musique est une espèce de hantise Godard. Comme je savais que je voulais très aux essais. J’ai fait des essais avec les dix actri - pour le montage ou pour le jeu des acteurs. pour moi. Quand je vois un très beau film qui peu de musique et qu’il y en aurait très peu, je ces pressenties, je leur ai fait faire la scène du Aujourd’hui je ne tourne plus une seule scène de me déchire et qui n’a pas utilisé la musique, je n’aurais jamais osé sonner à sa porte pour lui film dans le film, quand elle dit un texte de Tche - dialogues, si elle est en champ / contrechamp, suis admiratif. Je trouve formidable de pouvoir demander. Et ce sont les producteurs, qui avaient khov. Et Ludivine était évidente, c’était elle. Il autrement qu’avec deux caméras. Ce qui rend les parvenir à l’émotion que l’on désire provoquer beaucoup travaillé avec lui, Alexandre Mouch - me semblait que je voyais en elle la possibilité acteurs fous de joie. chez le spectateur par les seules moyens du kine en tête, qui ont dit : « On va demander qu’elle soit crédible et vraisemblable dans la

Bernard Giraudeau et Nicole Garcia dans La Petite Lili (2003). à Delerue »... Je l’ai vu avant le tournage et je lui ai dit que j’aimerais bien une musique d’en - fance, liée au personnage de Camille, la petite première époque du film ; mais aussi dans la fille. J’avais pensé à des musiques de manège seconde, cinq ans après, quand elle est devenue pour les enfants. Il m’a fait écouter cette petite une petite actrice connue. Physiquement, ça La Chambre des magiciennes (2001). cinéma, sans musique. Ça ne m’est jamais arrivé. mélodie qui était comme une musique d’orgue marchait. Et puis, elle était parfaite dans ce texte J’ai toujours la tentation de dire : « Là, il faut de de barbarie. C’était parfait. très poétique, très difficile, pas évident du tout. la musique ». Disons que je l’utilise avec ce Elle l’a dit avec une simplicité… Je serais ravi scrupule et cette mauvaise conscience qui fait Comment Ludivine Sanier est-elle arrivée sur le de refaire un film avec elle, je la trouve très talen - N’y a-t-il pas une perte de regard parce qu’on que j’essaye de ne pas aller trop loin. Mais la projet de La Petite Lili ? tueuse, très fortiche. I n’est pas collé aux acteurs ? musique peut être, aussi, comme la photogra - C. M. : Dans La Petite Lili , il y a deux catégo - C. M. : En général, j’utilise des focales assez phie, comme le jeu des acteurs, un moyen d’ex - ries de personnages : les jeunes et les moins longues et je ne suis pas loin. Après, tout dépend pression tout à fait respectable dans un film. Il jeunes. Quand le scénario a été terminé, pour de la précision du cadreur, il faut faire gaffe. Je ne faut pas qu’elle soit du papier peint, ou tous les moins jeunes, je savais qui allait jouer le ne pense pas que La Petite Lili, qui a été fait comme une béquille, qu’elle soit purement là rôle. Je savais que j’avais envie de Marielle, de entièrement à deux caméras ait pâti de cela. pour palier à une carence du film. Je n’ai pas Nicole Garcia, Bernard Giraudeau. Les jeunes, J’aime beaucoup, aussi, le fait de ne pas avoir à de loi, il m’est arrivé d’utiliser des musiques que je ne savais pas qui allait les interpréter. Pour le recharger le magasin tout le temps. Ce sont des je connaissais déjà et que j’aimais. Dès le stade rôle de la petite Lili, j’ai vu une dizaine d’actri - égoïsmes de metteur en scène, mais les acteurs du scénario, je savais que j’allais me servir de ces de cet âge-là, dont Ludivine. J’avais vu ce en bénéficient aussi. telle et telle musique... qu’elle avait fait avec Ozon. Pas Swimming Pool

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