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Ou Guerre D'usure

Ou Guerre D'usure

Août 1942 2 – La guerre en Asie-Pacifique Iles Salomon : batailles « décisives »… ou guerre d’usure ?

1 er août Campagne du Pacifique Sud-Ouest Brisbane – Dans la nuit, quatre G4M1 de Tenaru attaquent la ville. Les dommages sont minimes, mais la défense commence enfin à s’organiser efficacement : un Defiant de la RAAF abat un des bombardiers, qui s’écrase en mer avec tout son équipage. ……… – Tenaru est attaqué par deux B-17 et trois Manchester. Un dépôt d’essence est incendié.

Campagne de Nouvelle-Guinée Piste de Bulldog – Des éléments de la Force Horito explorent les premiers kilomètres de la piste de Bulldog, le long de la rivière Bulolo. Ils tombent dans une embuscade de la Force Kanga, tendue à trois heures de marche vers le nord-est en direction de Kaisenik, et perdent huit hommes. Horito ordonne alors à 200 hommes de faire mouvement dans la nuit et d’attaquer dès l’aube les positions de la Force Kanga. ……… Piste de Kokoda – Après presque trois semaines de préparation et de patrouilles, Wootten commence à avancer sa 18e Brigade sur la Piste de Kokoda le long d’Eora Creek. Les Japonais, qui se sont eux aussi renforcés, les attendent au village d’Eora. De Templeton’s Crossing au village, il n’y a que six km, mais le terrain est accidenté – deux heures et demie de marche difficile pour un homme en forme et ne portant aucune charge. Sur les deux premiers km, les Japonais n’opposent aucune résistance. Ils ne vont commencer à se raidir qu’à 3 km du village. Il faut rappeler que la piste qui va de Templeton’s Crossing à Eora suit la rive droite du canyon d’Eora Creek. Avant d’atteindre le village, la piste grimpe à flanc de montagne au milieu d’une forêt vierge saturée d’humidité jusqu’à ce que le grondement du torrent glacé qu’est Eora Creek ne soit plus perceptible. De la piste, dans la jungle, la visibilité est nulle – dix mètres, peut-être. La piste traverse à angle droit quatre crêtes en lame de couteau avant de plonger dans la pente jusqu’à la saillie où s’accroche le village d’Eora, puis va retraverser le torrent. Wootten fait progresser quatre compagnies de front. Les hommes cheminent au milieu d’une jungle épaisse où l’eau dégouline de toute part, sur d’épaisses couches de mousses et de champignons et des amas de feuilles pourries. A chaque pas, les soldats de l’AIF découvrent des preuves de la résistance acharnée opposée par l’AMF durant leur retraite après la bataille d’Eora Creek – et notamment les restes de beaucoup de ceux que plus personne n’appelle “Chocolate soldiers”, qui dorment de leur dernier sommeil. Il faut ramasser les plaques d’identité et marquer les endroits où reposent les corps. La première crête est atteinte sans incident avant la tombée de la nuit. Au sommet se trouve un arbre, un parmi des milliers d’autres, mais à son pied est allongé le cadavre pourrissant d’un homme qui fut de haute taille. Tout autour de lui gisent les restes de onze Japonais. C’est Sam Templeton. La crête est immédiatement baptisée Templeton’s Stand. ……… Milne Bay – « A la pointe est de la Nouvelle-Guinée, Milne Bay est en forme de rectangle allongé d’ouest en est sur une trentaine de km et large d’une douzaine. Elle est ouverte à son extrémité est, entre le détroit de Chine, au sud-est, et la péninsule du Cap Est, au nord-est. La baie est donc très abritée, entourée de trois côtés par de pentes raides et boisées, ne donnant sur la mer que par des mangroves ou par d’étroites bandes de terre marécageuse entrecoupées de zones plus sèches, sablonneuses et semées d’innombrables palmiers et cocotiers. Quoique la baie soit assez profonde, les seuls points de la côte où il soit impossible de débarquer sont les mangroves. Si, le long des bords nord et sud de la baie, la bande côtière ne fait jamais plus de 1 500 mètres de large, et souvent deux ou trois fois moins, elle s’élargit à l’extrémité ouest en une plaine côtière de 6 à 8 km de large, avant de rencontrer les collines. Milne Bay est en général très humide, et plus humide encore pendant la saison des pluies, qui commence en juillet. Elle est également réputée comme l’une des capitales mondiales du paludisme, tant par le nombre et la férocité de ses moustiques que par la virulence de ses parasites sanguins – des Plasmodium falciparum, le membre le plus redoutable de la famille Plasmodium. C’est dans cette villégiature enchanteresse que l’armée australienne avait envoyé la 7e Brigade de la 1ère Division de l’AMF, venant du Queensland (Brisbane) et commandée par le Brigadier Field. La 7e comprenait les 8e, 25e et 61e bataillons d’infanterie, le 5e Royal Australian Artillery et le 7e Royal Australian Engineers. La 18e Brigade commençant à arriver à Port Moresby, l’état-major avait décidé de renforcer la 7e Brigade avec le 53e Bataillon de la 30e Brigade, stationnée à Port Moresby et censée être acclimatée, puis avec la 15e Brigade. Mais les quatre bataillons de cette brigade (57e, 58e, 59e et 60e) arrivaient de l’Etat de Victoria et les hommes n’étaient nullement acclimatés, ce qui réduisait sévèrement leur capacité de travail. Le pire était qu’ils persistaient, malgré les conseils, à porter des shorts et à relever leurs manches, voire à ne pas mettre de chemise chaque fois qu’ils le pouvaient… ce qui les rendait très vulnérables aux piqûres de moustiques, donc au paludisme. Le major-général Clowes commandait l’ensemble de la région. Sa tâche principale était de construire des infrastructures. Il disposait pour cela du 7e Bataillon des RAE et de quelques compagnies du génie de l’US Army. Ces troupes installèrent assez rapidement deux pistes aériennes à l’angle nord-ouest de la baie, près du village de Gili-Gili (Turnbull, sur Swinger Bay, au nord-est du village, et Gurney, 3 km à l’ouest du village). On construisit aussi des appontements près de la Mission Ladava et un réseau routier décent. Les conditions de travail des hommes du génie étaient atroces. Choisir les endroits où installer les terrains avait été facile, mais élargir trente km de pistes, les renforcer de plaques métalliques, creuser tout le long des fossés de drainage et remplacer les dix-sept ponts de bois légers par des structures capables de supporter le passage d’un camion de 10 tonnes à pleine charge avait été une tâche herculéenne. Et tout cela avait dû être fait avant que les pluies ne transforment les routes en question en bourbiers infranchissables. A l’ouest de Waigani (à 8 km environ de Gili-Gili), il n’y avait plus que des pistes. Au début d’août, il y avait là trois squadrons de la RAAF : le Sqn 75, sur Hurricane, le Sqn 76, sur Boomerang et Wirraway, pour l’appui au sol, et le Sqn 100, sur Beaufort, dont on espérait beaucoup. La base n’avait pourtant pas été prévue pour recevoir autre chose qu’un squadron de chasse, et l’état des deux pistes posait d’énormes problèmes, en dépit des revêtements en plaques Marsden. Les pistes étaient souvent recouvertes par 5 à 10 cm d’eau et il était fréquent que les avions aquaplanent et aillent s’enliser au bord de la piste dans le sol mou et spongieux. Ces difficultés épargnaient heureusement les hydravions Saro Lerwick du Sqn 11, installés au creux de la baie. En revanche, l’humidité omniprésente affectait gravement les appareils de l’unité de radar N° 37, qui étaient souvent en panne. Pour améliorer les chances de repérer une attaque aérienne ou navale japonaise venant de Lae ou de Rabaul, les Alliés avaient envoyé fin juillet sur l’île Goodenough (la plus septentrionale des Îles d’Entrecasteaux) des coastwatchers australiens, accompagnés par une équipe de guetteurs américains chargés de repérer et d’identifier tout avion passant par là. Goodenough est en effet idéalement placée le long de la côte est de Nouvelle-Guinée et son point culminant, le Mont Vineuo, dépasse 2500 mètres. Clowes avait aussi fait construire une solide ligne défensive le long de la mer, de la Mission Ladava au sud-ouest jusqu’à l’embouchure de Point Creek, au nord-est, près du point où la piste de Turnbull touchait presque la mer. La partie est de cette ligne était défendue par le 53e Bataillon. Le QG de la 15e Brigade avait été établi à Gili-Gili et ses unités couvraient la côte à l’est du 53e Bataillon, jusqu’à la Mission K.B. Le QG de la 7e Brigade était à Hagita House, au sud de la piste de Gurney, et ses unités couvraient la côte au sud-ouest. Toute cette installation n’avait pu se faire que grâce à des transports par mer et notamment à deux petits cargos, les AK Anshun (3 188 GRT) et Anking (3 472 GRT), tous deux de la China Navigation Co et filant à la vitesse raisonnable de 12 nœuds. Sept bâtiments de guerre devaient les couvrir : le DD neuf Warramunga (classe Tribal, mis en service à la hâte), les DD anciens Thracian, Vampire, Vendetta et Voyager et les avisos Swan et Yarra (tous de la RAN, sauf le Thracian, de la ). ……… Le commandement allié avait bien pressenti que la stratégie japonaise ne s’en tiendrait pas à l’attaque de Lae/Wau (en mars) et de Buna-Kokoda (en mai). Milne Bay était en effet en troisième position sur la liste des cibles de la Marine Impériale en Nouvelle-Guinée. Son attaque devait utiliser les mêmes transports et les mêmes navires de guerre que celle des deux premiers objectifs. La flotte d’invasion de Milne Bay était ainsi composée : – Force principale : CLTT Ôi (amiral), CL Tama, DD Asagao, Fuyo, Minekaze, Okikaze et Sawakaze, AC Yakumo, Izumo et Iwate 1, ML Okinoshima, ravitailleur d’hydravions auxiliaire (AV) Kunikawa Maru (avec 8 x A6M2-N et 4 x E13A1), transports AK Bangkok Maru (5 350 GRT), AK Nankai Maru et Nana Maru (3 500 GRT), AK Ka Maru n°4 et Ka Maru n°33, LSI Shinshu Maru et Mayasan Maru, LSV(A) Koryu Maru n°1 et Koryu Maru n°2. – Force d’appui : 2 x dragueurs de mines auxiliaires (AMS) type 1 2 et 4 x chasseurs de sous- marins auxiliaires (ASC) type Cha-1 3, 8 x péniches de débarquement de 17 m (39 t, 10 nœuds, chargées de ravitaillement). » (D’après B. Marcus – Les Forces Armées Australiennes dans la Seconde Guerre Mondiale)

Campagne de l’Océan Indien Trincomalee, 22h30 – Commandée par le vice-amiral Somerville, la flotte britannique de l’Océan Indien, autour des cuirassés Nelson et Rodney et des porte-avions Illustrious et Indomitable, lève l’ancre et met le cap sur les îles Nicobar.

2 août Campagne du Pacifique Sud-Ouest Nouvelle-Calédonie – Le nouveau complexe d’aérodromes de la plaine des Gaiacs (au centre de la côte ouest) est déclaré opérationnel. Il possède une piste de 2 300 m, une de 1 700 m et huit petits terrains d’urgence. Le terrain de La Tontouta, un peu plus au sud sur la plaine des Gaiacs, à 90 km de Nouméa, doit être fermé pendant deux mois pour remise en état : il faut achever de réparer les dégâts du raid japonais et l’usure liée à une utilisation intensive depuis plusieurs mois.

Campagne de Nouvelle-Guinée

1 Ces “croiseurs cuirassés” étaient des antiquités qui plafonnaient à 14 nœuds et portaient 4 x 8 pouces/40, 4 x 6 pouces/40, 7 x 75 mm AA, 12 x 25 mm AA. 2 222 GRT, 9,5 nœuds, 1 x 75 mm AA et 3 x 25 mm AA. 3 135 GRT, 11 nœuds, 2 x 25 mm AA. Piste de Bulldog – Les 80 soldats de la Force Kanga qui barrent la route à la Force Horito repoussent la première attaque, tuant une vingtaine d’assaillants, mais perdant douze hommes. Les survivants se replient lorsque leurs éclaireurs leur apprennent que les Japonais ont entamé un mouvement tournant. Ils vont rejoindre le “gros” de la Force Kanga trois heures de marche plus loin, à une heure de marche au sud-ouest de Winima. Harcelés par quelques tireurs isolés (des Papous engagés dans les New Guinea Volunteers Rifles), les Japonais vont mettre plus de deux jours pour regrouper leurs forces et rejoindre leurs adversaires. ……… Piste de Kokoda – Avant l’aube, les hommes de la 18e Brigade se remettent en marche. A la deuxième crête, ils rencontrent leurs premiers Japonais et une série de brèves actions commence, opposant des petits groupes, sections ou escouades. Les Japonais ont construit de nombreuses petites positions très bien camouflées. Chacune oppose une résistance brève quoique mortellement dangereuse, mais les défenseurs se replient quand les Australiens commencent à les envelopper. La troisième crête est plus sérieusement défendue, autour de quatre petites saillies. Chacune de ces positions comprend quinze ou vingt trous d’hommes autour d’un nid de mitrailleuse légère. Le tout est si bien caché que les hommes de l’AIF ne découvrent la présence de l’ennemi que lorsque des tirs venant de positions impossibles à voir à plus de quelques mètres éclatent au milieu d’eux, provoquant de lourdes pertes. Petit à petit, les Australiens avancent et entourent les positions japonaises, mais il faut alors les prendre d’assaut et aller chercher chaque Japonais de son trou en lançant une micro- attaque féroce. Les Japonais – une compagnie environ – combattent cette fois jusqu’à la mort. Peu avant le crépuscule, la dernière des quatre positions est nettoyée. Les Australiens passent la troisième crête et se dirigent vers la quatrième. C’est là la principale ligne de défense japonaise, devant le village d’Eora. Un orage de tirs venus de mitrailleuses légères et de lance-grenades repousse alors les attaquants jusqu’à l’abri de la troisième crête. Dans la nuit, les deux compagnies les plus touchées sont relevées. Leurs remplaçantes sont immédiatement engagées dans une série de petites attaques de reconnaissance. Peu après minuit, les combats s’apaisent. Trois compagnies accrochent l’ennemi de face et la quatrième commence à contourner son flanc, mais elle aura besoin de toute la nuit pour y arriver. ……… Milne Bay – Milne est attaqué pour la première fois, par quatre A6M2 et quatre G3M venus de Lae. Trois Hurricane sont détruits au sol et un Lerwick est coulé au mouillage. Le radar est en panne, mais six Hurricane en patrouille, prévenus par les guetteurs postés sur l’île Goodenough, interceptent les Japonais sur le chemin du retour et abattent deux des bombardiers avant de perdre l’un des leurs sous les coups des Zéro (le pilote se parachute dans la baie). Quatre Hurricane de renfort arriveront le lendemain de Port Moresby.

Opération Oni, ou le “siège” de l’Australie Au large de la côte est de l’Australie, 04h50 (opération Oni, Phase 3c) – Le Ro-67 torpille le caboteur Melida B (250 GRT, allant de Taree à avec un chargement de beurre), qui navigue sans escorte au nord de Port Stephens. Le sous-marin a en effet pris le petit navire (qui, selon les consignes de la Marine Impériale, aurait dû être canonné) pour un vaisseau de 1 500 GRT. Sur cette modeste victoire, le sous-marin rentre à Kwajalein. D’après Research for Australian Official Histories, 1949, notes de Mr Norman.

3 août Campagne du Pacifique Sud-Ouest Nouvelles-Hébrides – Dix-huit PBY-5 (15 de l’US Navy, 3 de la Marine Nationale) arrivent à Espiritu Santo, qui doit jouer le rôle de base avancée pour Watchtower. Ils vont être équipés de détecteurs de radar, ainsi que deux Hudson de la RAAF basés à Port-Vila (Efaté).

Campagne de Nouvelle-Guinée Piste de Kokoda – Juste avant l’aube, mitrailleuses et mortiers australiens ouvrent le feu, visant ce qu’ils peuvent voir des positions ennemies, et l’assaut commence. Le combat se déroule sous une pluie battante et froide, qui tombe sans discontinuer tandis que de sauvages orages électriques fouettent les sommets. Les nuages bas qui écrasent le champ de bataille sous un couvercle gris acier donnent à la scène un aspect presque mystique, mais la brume molle est pleine de métal hurlant. C’est un rêve (ou un cauchemar) pour un cinéaste – et de fait, la bataille est filmée ! En effet, la brigade est accompagnée de deux opérateurs de cinéma, dont le film deviendra le documentaire emblématique de cette campagne dans la “jungle d’altitude”, sans cesse repris au cinéma ou à la télévision chaque fois que l’on évoquera la guerre en Nouvelle-Guinée : Le Septième Cercle de l’Enfer : la seconde bataille d’Eora. Le combat pour la quatrième crête est furieux, mais les hommes de l’AIF ont déjà beaucoup appris sous l’effet d’un brutal mécanisme darwinien – évolue ou meurs – et, moins rudement, grâce aux conseils des survivants de l’AMF. De front, de petits groupes d’hommes lancent une série d’attaques, mitraillant généreusement le pied des arbres et autres positions probables des Japonais. Les tirs des défenseurs infligent des pertes sévères à ces téméraires, mais leurs coups d’épingle couvrent le déclenchement d’une violente attaque de flanc lancée par l’ensemble de la compagnie qui a pu se placer en position de débordement. Les hommes doivent commencer par escalader une pente à 40°, mais ils n’en bousculent pas moins les Japonais, avant d’être contre-attaqués par une charge sauvage à la baïonnette, menée par des officiers brandissant leurs sabres. Le choc à l’arme blanche dure vingt terribles minutes. Dans la brume qui gêne toute tentative de les ajuster au fusil avant qu’il soit trop tard, deux des officiers sabreurs font un massacre dans l’infanterie australienne, avant d’être abattus à la baïonnette. Parmi les Australiens, deux ne sont armés que d’une caméra, mais ils réussissent à filmer les cinq minutes les plus sanglantes, et à survivre. L’un des opérateurs fixe ainsi sur la pellicule la mort de l’un des officiers japonais, tué par le sergent McKibbon (compagnie B, 2/9e Bat.), après deux interminables minutes de combat entre sabre et baïonnette. A midi, les dernières poches où des Japonais résistent farouchement sur la crête sont exterminées. A ce moment, le 2/12e, formant une réserve raisonnablement fraîche, s’élance vers le village d’Eora. Les troupes percent les dernières résistances japonaises sur 800 mètres avant de déboucher des broussailles sur la zone découverte qui s’étend devant le village. Celui-ci n’est normalement qu’un misérable hameau de huttes moisies, mais les Japonais l’ont considérablement transformé. Les Australiens sont accueillis par des tirs extrêmement violents, pendant que la tempête se déchaîne – tonnerre, éclairs et pluie aveuglante poussée par un vent si violent qu’elle tombe presque à l’horizontale. Bloqués, les hommes cèdent à regret un peu de terrain et se retranchent à la lisière de la brousse. Il va falloir se battre pour Eora. Visiblement, la lutte ne fait que commencer. Il n’y a nulle part, de Port Moresby à Kokoda, une meilleure position défensive où arrêter une force venant du sud. Venant de Templeton’s Crossing, le torrent dévale au fond d’une gorge humide, lugubre et toujours plus profonde jusqu’à ce qu’il reçoive un affluent arrivant du sud-est. Les remous créés par la rencontre de ces torrents ont creusé autour du point de confluence une sorte de vaste fosse. Là, les eaux froides bouillonnent et rugissent autour de blocs géants de roche dure. Juste au dessus et juste au dessous du confluent se trouvent deux ponts, tous deux reconstruits par les Japonais. Comme la piste, après avoir escaladé puis dévalé les crêtes, approche du premier pont, elle traverse une zone dénudée qui forme un parfait champ de tir, puis plonge jusqu’à une sorte de corniche où se trouve le hameau, avant de descendre encore plus bas, jusqu’au confluent. La piste est dominée sur trois côtés par des crêtes couvertes de jungle. Les Japonais ont fortifié tout cela en y semant bunkers, tranchées et trous d’homme. Là, près de 2 000 soldats, avec deux batteries de canons de montagne de 70 mm, attendent les hommes fatigués du Brigadier Wootten. Leur principal handicap (que les Australiens ne peuvent évidemment qu’espérer) : ils manquent de ravitaillement.

Opération Oni, ou le “siège” de l’Australie Au large de la côte est de l’Australie, 01h30 (opération Oni, Phase 3c) – Le Ro-64 repère un nouveau convoi côtier et accélère à 16 nœuds pour se placer sur son avant. Mais au bout de 45 minutes, il subit un grave incident mécanique, qui réduit sa vitesse à 5 nœuds. Le mécanicien indique que l’un des moteurs est complètement hors service et qu’en tombant en panne, il a endommagé l’autre. Le sous-marin se dirige alors vers Rabaul pour réparer. Le temps étant très mauvais et l’intervention d’avions étant peu probable, le commandant décide de prendre le risque de signaler ses ennuis par radio. L’I-6, en train de rentrer vers Kwajalein, capte le message et rejoint le Ro-64, qu’il accompagne jusqu’à Rabaul. La phase 3c de l’opération Oni 1 est terminée. Elle s’est traduite par la destruction d’environ 35 500 GRT de tonnage marchand et d’une corvette. Mais l’âge et le manque de fiabilité croissant des Type Ro sont de plus en plus gênants. D’après Research for Australian Official Histories, 1949, notes de Mr Norman.

4 août Campagne du Pacifique Sud-Ouest Nouvelles-Hébrides – Dix P-40E de l’AC20 se posent à Port-Vila (Efaté) afin d’assurer la couverture d’Espiritu Santo. Plus au nord, le américain USS Tucker, qui assure l’escorte des convois entre Fiji, l’Australie et la Nouvelle-Zélande, coule en tout début de matinée, après avoir sauté sur une mine. Dans la nuit, le navire s’était fourvoyé dans un des champs de mines posés moins de 24 heures auparavant par l’US Navy dans le Segond Channel, pour protéger le port principal d’Espiritu Santo.

Campagne de Nouvelle-Guinée Piste de Kokoda – Wootten demande l’aide de la RAAF et Boomerang, Wirraway et Battle font de leur mieux pour bombarder les positions japonaises. Les Hurricane de couverture sont attaqués à deux reprises par des Zéro venus de Lae. Trois Hurricane et deux Zéro sont abattus, mais les chasseurs japonais ne parviennent à passer qu’une fois l’écran australien – malgré une résistance acharnée, un Boomerang est abattu. Le pilote saute, son parachute s’ouvre juste au dessus du sol et le 2/9e Bataillon envoie aussitôt une escouade le récupérer. Elle y parvient malgré une patrouille japonaise, mais le pilote, blessé, refuse d’être évacué et demande à parler au Brigadier Wootten lui-même ! « Maintenant que j’ai vu la situation d’en haut et d’en bas, Sir, explique-t-il, je peux vous dire qu’on n’y arrivera jamais s’il n’y a pas avec vous un type de chez nous pour parler en direct aux pilotes qui essayent de vous aider. Je suis là, j’y reste. »

Opération Oni, ou le “siège” de l’Australie Au large de Sydney (opération Oni, Phase 3d) – La 13e Division de Sous-Marins (trois Type KRS, les I-121, I-122 et I-123, dûment remis en état), a reçu pour mission de créer un grand champ de mines au large de Sydney, avec un mélange de mines de contact classiques et de mines acoustiques allemandes, destinées à rendre le dragage plus difficile. Cette idée vient de la Kriegsmarine. La Marine Impériale possède quelques centaines de ces mines allemandes, mais elle n’a guère de chances d’en obtenir davantage et la production de mines acoustiques japonaises ne commencera pas avant le courant de 1943, d’où l’idée d’utiliser un petit nombre de mines allemandes pour “densifier” un champ de mines marines classique. La 13e Division a quitté Kwajalein le 21 juillet, avec 42 mines de contact et 8 acoustiques (toutes posées par les tubes lance-torpilles) dans chaque submersible. Les 150 mines sont mises en place dans la nuit du 3 au 4 et les trois sous-marins repartent immédiatement pour Kwajalein. Ils ont l’ordre de ne tenter d’attaque à la torpille que si une très bonne occasion se présente. Seul l’I-122 pourra tenter sa chance, le 6 août, contre un gros cargo isolé, mais ses deux torpilles rateront leur but. Les sous-marins arriveront le 18 août à Kwajalein sans autre incident. D’après Research for Australian Official Histories, 1949, notes de Mr Norman.

Campagne de l’Océan Indien Sumatra, 04h35 – D’une position au sud de la Grande Nicobar, les porte-avions de l’Amiral Somerville lancent une formation de 10 Albacore et 8 Martlet II armés de bombes, escortés par 8 F4F-3A (de la Flottille AC-2). A l’aube, ces avions attaquent les casernements et les entrepôts japonais à Banda Aceh, surprenant les défenseurs, dont la DCA ne peut qu’endommager légèrement un Martlet. 10h30 – Le commandement japonais est informé de cette attaque menée par des avions visiblement venus de porte-avions. Le général Yamashita ordonne l’alerte générale dans tout le détroit de Malacca, craignant que ce raid n’annonce un nouveau convoi vers Singapour. En fait, ce n’est qu’une diversion destinée à détourner l’attention japonaise des Salomon.

5 août Campagne de Nouvelle-Guinée Piste de Bulldog – La plupart des hommes en état de combattre de la Force Kanga – environ 280 ! – barrent la piste de Bulldog sur une position dominant un gué du cours supérieur de la Bulolo. Les Japonais s’approchent avec précautions et passent la journée à reconnaître la zone. Ils découvrent que la position n’est pas facile à flanquer, et une attaque frontale par le gué de la Bulolo est hors de question. ……… Piste de Kokoda – Les combattants au sol récupèrent. A l’aube, un Lodestar hollandais dépose à Myola une radio de la RAAF et son opérateur pour contacter directement les avions. Tous deux sont expédiés en première ligne. Tard dans la soirée, ils rejoignent le pilote blessé. ……… Milne Bay – Ce jour-là, le radar de Milne fonctionne bien ! Treize Hurricane et neuf Boomerang se heurtent à douze A6M2 de Lae en patrouille offensive. Pour une fois, le ciel au-dessus de la baie est clair, les nuages habituels étant restés accrochés aux collines. Une furieuse bataille voit les pilotes australiens payer chèrement leur manque d’expérience. Trois Hurricane et deux Boomerang sont abattus, pour seulement deux A6M2. Cependant, les Australiens constatent que le Boomerang résiste honorablement en combat tournoyant contre le Zéro, bien qu’il soit plus lent – en revanche, comme on le savait déjà, le Hurricane, s’il est plus rapide, ne peut affronter l’A6M2 en duel tournoyant. Pendant ce temps, un J1N1-C photographie la zone à haute altitude. Obstinés, les Australiens envoient de nouveaux avions de Port Moresby. Campagne du Pacifique Sud-Ouest – Opération Watchtower Alors que, de l’autre côté de la planète, va démarrer une énorme opération, commence au cœur du Pacifique une bataille qui, bien qu’elle implique des effectifs infiniment moins nombreux, sera bien plus longue et aura sur la suite de la guerre mondiale un effet au moins aussi important. En fin de matinée, un G4M1 de Tenaru en patrouille de routine aperçoit, environ 350 nautiques au sud de Guadalcanal, un convoi d’environ 25 transports, escorté de nombreux navires de guerre, cap au nord. Le G4M1 tente de suivre cette force et alerte sa base. Peu après, il signale qu’il est attaqué par des chasseurs basés sur porte-avions, puis disparaît des ondes. Malgré le temps très médiocre pour la reconnaissance aérienne, deux hydravions E13A1 sont immédiatement envoyés et un raid de douze G4M1 armés de torpilles est préparé. Les huit autres G4M1 disponibles sont laissés de côté, car Tenaru ne possède plus d’autres torpilles. A 14h00, l’un des E13A1 signale le convoi, qui n’a pas changé de cap. L’autre, envoyé plus à l’est, découvre « un porte-avions » 300 nautiques au sud-est de Guadalcanal, avant de cesser toute transmission. Les douze G4M1 décollent, escortés par seize A6M2. Le temps est toujours très nuageux, et les G4M1 ne réussissent pas à trouver le convoi, mais au crépuscule, ils croient apercevoir les porte-avions. En fait, il s’agit des pétroliers Cimarron, Kanewha, Kaskaskia, Neosho, Platte et Sabine, escortés par deux croiseurs lourds et six . Ils sont aussi couverts par une CAP de neuf F4F Wildcat, qui voient arriver les Zéro à moyenne altitude, mais ne distinguent pas, dans le crépuscule, les bombardiers torpilleurs volant au ras de l’eau. Ils surprennent les chasseurs japonais et en abattent quatre, puis s’enfuient en piqué. Seuls deux, oubliant les consignes des vétérans de la Mer de Corail, se laissent entraîner en combat tournoyant et sont détruits. Cependant, les G4M1 attaquent les pétroliers, mais l’intensité et l’efficacité de la DCA américaine les surprend. Quatre sont abattus, deux gravement endommagés, mais aucun ne renonce et deux d’entre eux parviennent à toucher le Neosho. La chambre des machines est détruite et le navire prend feu ; il est rapidement abandonné et sabordé. A l’atterrissage à Tenaru, les deux G4M1 endommagés s’écrasent. La base japonaise ne possède plus que quatorze G4M1 opérationnels, et plus une seule torpille. Devant l’arrivée de la flotte alliée, l’état-major de la 25e Flottille Aérienne ordonne de replier les bombardiers sur Rabaul, ainsi que deux A6M2 en état de voler mais non de combattre. Quant aux autres chasseurs, plutôt que de les replier aussi, l’état-major décide de les conserver à Tenaru pour infliger un maximum de pertes aux avions ennemis dont l’attaque est prévisible. Les hydravions de chasse et les hydravions légers de reconnaissance doivent eux aussi rester le plus longtemps possible à Tulagi. Cependant, la plus grande partie du personnel technique de l’hydrobase est évacuée par des hydravions H6K. Vers 23h00, 4 B-17 de l’USAAF, 4 Hudson de la RNZAF, 9 Whitley, 3 Wellington et 12 Manchester de la RAAF attaquent Tenaru. Un coup heureux de la DCA abat un Whitley.

Opération Oni, ou le “siège” de l’Australie Côte Orientale de l’Australie (opération Oni, Phase 3e) – La 19e Division de Sous-Marins (Kure) est composée de trois vieux bâtiments de type KD3A et B, les I-156, I-157 et I-158. La Sixième Flotte a décidé de prolonger la phase 3 de l’opération Oni en les envoyant sur la côte est de l’Australie. Venant de Kwajalein après une escale à Rabaul, les sous-marins sont arrivés entre le 27 et le 30 juillet dans leurs zones de patrouille : l’I-156 (KD3A) entre Brisbane et la frontière des Nouvelles-Galles du Sud, l’I-157 (KD3B) entre cette frontière et Wollongong, l’I-158 (KD3A) entre Wollongong et le détroit de Bass. 12h30 – L’I-156 aperçoit un convoi au large de Tweed Heads. Il effectue une attaque de jour très bien calculée et deux torpilles frappent le pétrolier américain Gulfbird (Gulf Oil Corporation, 10 208 GRT, en route pour Sydney avec de l’essence d’aviation), qui explose et coule à 13h00. L’escorte pourchasse l’I-156 quatre heures durant avec l’aide de deux Anson et un Botha venus de Caloundra. Une tache d’huile est repérée, pouvant indiquer que le sous- marin a été endommagé. D’après Research for Australian Official Histories, 1949, notes de Mr Norman.

6 août Campagne de l’Océan Indien Sœrabaya – Les sous-marins I-162, I-164, I-165 et I-166 sont des vétérans des opérations dans le nord de l’Océan Indien, qu’ils ont écumé depuis le début du conflit avec un réel succès. Après un aller-retour au Japon pour une remise en état, les quatre submersibles sont à nouveau prêts à s’en prendre au trafic naval allié dans la Baie du Bengale ou la Mer d’Arabie. Toutefois, leur efficacité sera réduite, les premiers mois, du fait des distances à parcourir, car Singapour et Penang, que les Japonais pensaient contrôler rapidement, sont toujours aux mains des Britanniques.

Campagne du Pacifique Sud-Ouest – Opération Watchtower Les 14 Betty partent pour Rabaul, avec les deux Zéro endommagés. Le déploiement d’une partie de la 25e Flottille Aérienne japonaise à Tenaru a donné des résultats dépassant les espérances. Plusieurs navires de fort tonnage ont été coulés, dont un pétrolier, deux cités australiennes ont été touchées par des bombardements et surtout par la menace de nouvelles attaques, l’activité de Nouméa a été très perturbée et bon nombre d’avions alliés ont été détruits. L’importance stratégique de Guadalcanal est confirmée. En fin de matinée, six J1N bimoteurs se posent sur la piste de Tenaru, ravitaillent rapidement puis repartent à la recherche des porte-avions. L’un d’entre eux trouve le convoi, toujours cap au nord, 50 nautiques à l’ouest de Rennell. Deux autres sont repoussés par des Wildcat en patrouille, qui ne peuvent cependant les rattraper. Si les porte-avions ne sont pas repérés, leur présence est une certitude ! Les bimoteurs rentrent à Rabaul dans l’après-midi. Un peu avant 16h00, les cuirassés North Carolina et Washington, escortés par les destroyers Aaron Ward, Farenholt et Grayson, se détachent de l’écran des porte-avions et filent à 25 nœuds vers Guadalcanal. Jusqu’à la tombée de la nuit, des patrouilles de Wildcat assurent leur couverture aérienne. A Tenaru, le soir tombe sans que les Japonais aient vu venir les bombardiers américains attendus. Près de Tassafaronga, le lieutenant Iishi, qui a calculé assez justement l’heure d’arrivée des transports américains, a ordonné une révision complète de ses trois vedettes. Il compte sortir à partir de minuit. « Ces vedettes sont arrivées deux semaines plus tôt et ont vite exploré leur zone d’opérations. Le lieutenant Iishi a rapidement abandonné les tactiques habituelles en eau froide, car les vedettes rapides laissent dans la région des traces (sillage et lame d’étrave) beaucoup plus visibles en raison de la phosphorescence des eaux. Ses petits bateaux de faible tirant d’eau sont parfaitement adaptés à ces conditions. Patrouillant à faible vitesse, entre 4 et 8 nœuds, sur leur moteur de croisière (un moteur de camion de 60 CV), ils sont pratiquement invisibles de nuit au-delà de quelques centaines de mètres. Ils passent totalement inaperçus sur un arrière-plan de terre, surtout si des vaguelettes font varier l’aspect du rivage, formant un motif irrégulier noir et blanc sur lequel les petites vedettes peuvent littéralement disparaître. Les tactiques favorites d’Iishi sont proches de celles indiquées aux Japonais par les Allemands et les Italiens : embuscade furtive et fuite rapide. Il a été informé sur les possibilités des radars et sait que l’ennemi en est équipé. Enfin, il a étudié avec attention le secteur, notamment les récifs, où le tirant d’eau de deux pieds de ses vedettes lui permet de passer là où personne d’autre ne le pourrait. » (Jack Bailey, Un Océan de Flammes– La guerre aéronavale dans le Pacifique) 22h20 – L’escadre de bombardement américaine a pénétré dans la baie. S’orientant sur les reliefs des côtes que laisse entrevoir un mince croissant de lune, les deux cuirassés ne tardent pas à commencer leur bombardement. Les dix-huit canons de 16 pouces martèlent la zone de Tenaru pendant une heure, faisant de nombreux dégâts, semant plusieurs énormes cratères sur la piste et détruisant une demi-douzaine de Zéros dans leurs alvéoles. 23h30 – Les navires américains cessent le feu et se dirigent aussitôt vers la sortie de la Baie. 23h45 – Au large de sa base de l’embouchure de la Mbonehe, le lieutenant Iishi est furieux. Quand les obus américains ont commencé à tomber, il a voulu hâter la mise en route de ses vedettes, mais dans la précipitation du départ, les G-2 et G-3 se sont heurtées. La G-2, légèrement endommagée, a dû retourner auprès du bateau-atelier Kaiyo Maru n°1 pour réparer – pire : quand enfin les deux autres vedettes ont pu appareiller, c’est pour voir les cuirassés américains passer hors de portée et s’éloigner, sortant de la baie au sud de Savo. L’opération Watchtower va vraiment commencer. ……… Malaita – L’état-major allié a décidé de dépêcher dans cette petite île le ravitailleur d’hydravions Mackinac ainsi que neuf PBY de l’escadrille VP-23. Dans la journée, des Avenger du Saratoga, croisant au sud de Guadalcanal, survolent Malaita et signalent au Mackinac, toujours en route, que les principales baies sont désertes. ……… Îles Santa Cruz – Le ravitailleur McFarland (AVD-14, ex DD-237) installe a Ndeni une base d’hydravions avec 5 PBY.

Campagne de Nouvelle-Guinée Piste de Bulldog – Les Japonais transportent à grand-peine deux mortiers en première ligne et commencent à bombarder les positions australiennes – une tâche des plus aléatoires dans la jungle. Cependant, leurs éclaireurs découvrent un autre gué, trois km en amont des positions adverses. ……… Piste de Kokoda – La précision des Wirraway s’accroît nettement, mais Wootten comprend que ses hommes vont malgré tout subir de lourdes pertes en tentant de traverser la zone dénudée qui précède le village, couverte par les feux croisés d’une véritable fortification. Il sait qu’il a besoin d’artillerie lourde, et il sait aussi qu’il lui est parfaitement impossible d’en obtenir – même s’il y en avait à Port Moresby, la transporter jusqu’à Eora poserait des problèmes insolubles. « N’hésitez pas à m’envoyer de l’artillerie lourde, demande-t-il à l’état- major, mais au cas où cela vous semblerait se heurter à quelques difficultés [remarquable litote !], il me faut des bombardiers en piqué. » Hélas, quels avions utiliser ? Les Wirraway et les Battle, incapables d’un piqué accentué, sont obligés d’adopter un profil de vol presque suicidaire pour bombarder les très petites cibles proches des lignes australiennes que sont les bunkers japonais. Quant aux Boomerang, ils ne peuvent pas emporter les bombes nécessaires (du moins, pas à cette époque). Bien conscient du problème, l’état-major de Port Moresby envoie un message urgent à Canberra, réclamant de vrais bombardiers en piqué. Il n’en attend pas grand-chose, mais une solution inattendue (sinon immédiate) apparaît alors. Le 27 juillet, la mission militaire française à Canberra avait fait savoir au gouvernement australien que l’Armée de l’Air allait envoyer en Nouvelle-Calédonie la 52e Escadre d’ACCS (Aviation de Coopération, de Combat et Soutien), composée des Groupes I/52 et II/52, avec au total 45 Vultee V-72 Vengeance I, reçus deux mois plus tôt. L’avion a montré de belles qualités de bombardier en piqué, mais il est très vulnérable aux chasseurs adverses rencontrés sur le théâtre européen. L’escadre doit opérer avec les unités de la RAAF et de l’USAAF déployées dans la région. Ses avions arriveront fin août. Canberra transmet donc la supplique du Brigadier Wootten à Londres et Alger, recommandant de lui affecter les Vengeance français. Les Alliés acceptent avec promptitude, car le front de Kokoda est soudainement devenu important – c’est à ce moment le seul du Pacifique sur lequel les forces alliées avancent contre les Japonais. La 52e EACCS reçoit immédiatement l’ordre de se rendre à Port Moresby et non à Nouméa, mais elle en est encore bien loin.

7 août La campagne du Pacifique Sud – Opération Watchtower Au large de la Pointe Lasa (Guadalcanal) 01h33 (H - 6:27) – La côte de Guadalcanal est en vue du convoi allié. Une demi-heure plus tôt environ, celui-ci a croisé les deux cuirassés en train de rejoindre les porte-avions. 03h00 (H – 5:00) – Alors que les forces d’invasion de Guadalcanal et du secteur de Tulagi se séparent, les vedettes rapides G-1 et G-3 patrouillent lentement le long de la côte nord de Guadalcanal. Pour Iishi, qui s’est promis de venger l’humiliation du début de la nuit, les meilleurs espoirs de succès vont se présenter lorsque le convoi approchera des côtes de Guadalcanal. Il sait que les transports vont être escortés par de nombreux navires de guerre et qu’ils vont rester relativement loin de la terre jusqu’à ce que le débarquement commence, au lever du soleil ; il a donc décidé d’attaquer l’écran. 03h10 – Les deux vedettes japonaises croisent à 1 500 mètres de la Pointe Lasa (ou Pointe Koli), 6 km à l’est de Red Beach, quand elles aperçoivent deux navires évoluant à 12 nœuds, rendus bien visibles par la phosphorescence de leur lame d’étrave sur une mer d’huile. Sur la G-3, Iishi fait signe à la G-1, s’en approche bord à bord et donne ses instructions oralement, puis les deux engins ralentissent encore jusqu’à 2,5 nœuds (vitesse minimale pour pouvoir manœuvrer) et se mettent en position de tir. 03h20 – Les deux navires aperçus sont identifiés comme des destroyers. Ils manœuvrent vers le large jusqu’à 03h35, puis se rapprochent de la côte. 03h44 – Le destroyer le plus proche n’est qu’à 600 mètres, présentant son flanc tribord, lorsque la G-1 puis la G-3 lâchent leurs torpilles. Les vedettes attendent dix secondes, puis tournent vers bâbord, toujours à 2,5 nœuds. Leur cible est l’USS Mugford. La vigie tribord du destroyer aperçoit le sillage de bulles d’une torpille à 150 mètres et hurle un avertissement ; la barre est immédiatement mise à bâbord toute, mais la proue commence seulement à dévier lorsque la première torpille frappe, juste en arrière de la passerelle. Quelques secondes plus tard, une autre torpille touche, vers l’arrière. Le navire stoppe rapidement et s’incline brutalement sur tribord. Trois minutes plus tard, il est sur le flanc et coule peu après, emportant une grande partie de son équipage. Iishi a fait lancer les moteurs dès l’explosion de la première torpille. Illuminé par l’éclair, le navire touché est correctement identifié à sa grosse cheminée comme un destroyer de classe Gridley. L’autre destroyer, le Jarvis, tire quelques obus dans la direction des vedettes, mais au bout de quatre minutes de course, elles ralentissent à 6 nœuds et le destroyer perd la cible que représente la “queue de coq” du sillage. Iishi décroche alors vers Tassafaronga et ses bateaux rejoignent leur base bien avant le lever du soleil. Grâce à sa furtivité (dirait-on aujourd’hui), il a remporté une victoire qui restera rare dans les annales de la guerre des vedettes rapides. Reste qu’il a utilisé quatre de ses précieuses torpilles pour couler un destroyer – lequel a ainsi accompli sa mission de protéger les transports, cibles bien plus cruciales… mais moins honorables (et moins prioritaires selon les instructions du commandement japonais). Averti par le Jarvis, l’état-major américain ordonne de se méfier d’éventuelles MTB, sans exclure qu’il s’agisse en réalité d’un sous-marin. ……… Pointe Cruz (Guadalcanal) 05h30 (H - 2:30) – Le 1er Bataillon de Raiders de l’USMC (colonel Merritt A. Edson), transporté par quatre destroyers convertis (les APD Colhoun, Gregory, Little, McKean), a pour mission de débarquer à Pointe Cruz et de s’emparer du petit port avant d’être renforcé par le Bataillon Parachutiste. Le site choisi pour le débarquement se trouve à peu de distance à l’est de la Pointe Cruz, de chaque côté des installations portuaires. Deux compagnies doivent débarquer dans la première vague, sur dix “Higgins boats” de 36 pieds. Elles doivent s’infiltrer à la faveur de la nuit et encercler les défenseurs, avant que des renforts ne viennent les conduire à la reddition – espèrent encore les Américains. 06h00 (H - 2:00) – Les Raiders ont commencé par progresser sans mal sur le sable, mais les Japonais font bonne garde et l’alerte est donnée. De chaque côté du petit port, tirs d’armes légères et explosions de grenades donnent le signal de plusieurs mois de lutte. Les Japonais sont un peu surpris par le fait d’être attaqués de nuit (les Occidentaux sont censés en être incapables), mais, conformément à leur manuel, ils contre-attaquent. La plus grande confusion règne vite et les deux compagnies de Marines décident de cesser d’avancer pour ne pas être trop désorganisées. Chacune contrôle une tête de pont de 100 mètres sur 100 environ. ……… Red Beach (Guadalcanal) Turner a décidé que l’heure H pour l’ensemble de l’opération serait 08h00, mais sur Red Beach, le débarquement doit avoir lieu à H+1:10, soit 09h10. 06h33 (H - 1:27) – Le soleil se lève, révélant les dix-neuf transports en deux rangées parallèles au rivage, la plus proche (à 8 000 mètres de la plage) comptant neuf navires, la plus éloignée (1 000 mètres plus loin) dix navires. Les navires de chaque rangée sont espacés de 750 mètres. Les DD Dewey et Jarvis, marquant la ligne de départ des bateaux Higgins, sont à 3 000 mètres de la terre. La voie d’approche fait 1 000 mètres de large, plus 300 mètres de chaque côté pour faciliter les manœuvres. Le vice-amiral Crutchley a positionné les croiseurs Quincy et Vincennes à 6 000 mètres de la plage, à l’ouest et à l’est, prêts à contrer tout tir éventuel. 06h40 (H - 1:20) – Les croiseurs lourds Astoria et Wichita s’en prennent à l’aérodrome. Dès le début du bombardement, les Zéro encore opérationnels, qui se préparaient à décoller, s’envolent en hâte pour éviter d’être détruits au sol, malgré les cratères laissés par le bombardement de la nuit. Quinze d’entre eux y parviennent, sous le commandement de l’as Saburo Sakaï. Après avoir tournoyé au dessus de la baie sans apercevoir les bombardiers américains qu’ils espéraient, ils s’éloignent vers Rabaul, suivis par les dix hydravions de chasse A6M2-N de Tulagi. 06h50 (H - 1:10) – Le signal « Mise à terre de la force de débarquement » est donné au large de Red Beach (« Commencez le débarquement » a été ordonné 13 minutes plus tôt devant Tulagi). ……… Pointe Cruz (Guadalcanal) 07h00 (H - 1:00) – La seconde vague de Raiders approche de la plage, leurs Higgins boats accompagnés par deux LCM(2) de 45 pieds, portant chacun un char Stuart. Le croiseur San Juan et les DD Buchanan et Monssen les appuient de quelques salves. Ce n’est qu’à moins de mille mètres de la plage que les douze embarcations deviennent la cible de tirs violents et soutenus, venant des bâtiments du port ainsi que d’une solide position (un bunker et un réseau de tranchées) où sont embusqués les deux canons de 37 mm de la 3e compagnie de la 5e SNLF. L’un des LCM est touché par un obus qui tue le barreur ; le bateau dévie, heurte la plage de flanc, est à nouveau touché par deux fois et s’incline de 25 degrés le long du rivage, envahi par l’eau. Le char qu’il contient est noyé et son équipage l’évacue pour se joindre à l’infanterie. Le second LCM est lui aussi touché, mais réussit à faire débarquer son char. L’infanterie, ballottée dans les Higgins non blindés, subit de lourdes pertes avant d’atteindre la plage. L’un des Higgins reçoit un obus à vingt mètres du rivage ; il coule immédiatement, entraînant tous ses passagers. Au moment du débarquement, la plage est prise sous le feu de quatre canons de 25 mm, mais heureusement pour les Américains la majeure partie de ces tirs passent d’abord au dessus de leur tête : ces canons anti-aériens ne sont pas destinés à repousser un débarquement. Néanmoins, si leurs servants sont peu habitués au tir terrestre, ils corrigent petit à petit le tir. Les Japonais commencent au même moment à ouvrir le feu avec leurs “mini-mortiers” (knee mortars ou, plus officiellement, grenade dischargers) et la situation des assaillants devient difficile. Les Marines déjà débarqués se lancent à l’attaque sur les deux ailes pour soulager leurs camarades. Pendant ce temps, le DD Buchanan s’est approché à 400 mètres de la Pointe Cruz, engageant le bunker central en tir direct. Cette action sauve certainement la vie de nombreux Raiders, car les canons et les mitrailleuses de la position ripostent au destroyer, délaissant les fantassins. Dans le sillage du Stuart survivant, ceux-ci chargent le bunker, bien protégé des tirs par un toit en troncs de cocotier. Le char parvient à masquer les ouvertures et les Marines prennent d’assaut le fortin, tuant tous les occupants. 07h50 (H–0:10) – Alors que le Buchanan pense pouvoir souffler, il est pris pour cible par les deux canons de 75 mm AA installés sur la cote 78, une crête derrière la Pointe Cruz, dont les servants ont dû frénétiquement enlever les troncs de cocotier protégeant leur position contre le souffle des bombes pour pouvoir viser le destroyer. Arrosé par ces canons à tir rapide, le Buchanan est rapidement touché. En deux minutes, il reçoit six obus qui endommagent sa passerelle, tuent son commandant (le capitaine R.E. Wilson) et mettent sa tourelle B hors de combat. Dans les quatre minutes qui suivent, le destroyer encaisse huit obus supplémentaires : le directeur de tir est détruit et un incendie se déclenche dans le compartiment du générateur électrique. Le feu s’étend à la ventilation de la chaufferie arrière, qui doit être évacuée. Les torpilles menaçant d’être touchées, il faut les jeter à l’eau. Le navire bat en retraite, mais non sans recevoir onze obus de 75 supplémentaires. Quand le Buchanan est enfin hors de portée, il compte 16 morts et 65 blessés. La plupart des dégâts sont la conséquence des shrapnels des obus de 75 mm, qui parsèment littéralement les œuvres vives. Le navire n’est pas en danger de couler, mais les appareils vulnérables comme les radars sont gravement endommagés. Le Buchanan va vite être vengé. Le San Juan, appelé à l’aide, arrive à 29 nœuds et engage la batterie de DCA, noyant le sommet de la cote 78 sous les obus de 5 pouces, détruisant les canons et tuant les servants ou les obligeant à s’abriter. Ce faisant, le croiseur reçoit cinq obus, mais qui ne font que l’égratigner. Un nouvel adversaire se démasque alors. Deux batteries côtières de deux canons de 5,5 pouces ont été installées sur les rives est et ouest de la pointe Lunga – les canons de chaque batterie ont été positionnés à 100 mètres l’un de l’autre, bien protégés et camouflés. La batterie ouest prend pour cible le San Juan, qui se dérobe immédiatement, mais le tir de la batterie se rapproche dangereusement, quand intervient l’Astoria. Inquiet du déroulement des opérations, Crutchley a ordonné au croiseur lourd de se rapprocher de la côte et il est aux premières loges pour réagir quand la batterie japonaise ouvre le feu. Le tir du croiseur lourd est précis et après quelques salves, la batterie est mise hors de combat. Même si les canons n’ont pas été détruits, les servants et le camouflage ont été soufflés par les lourds obus et les délicats instruments de réglage du tir ont volé aux quatre vents. ……… Secteur de Tulagi Le secteur dit de Tulagi se compose en fait d’une petite île, Tulagi, et de deux îlots reliés par une jetée, Gavutu et Tanambogo, tous trois à peu de distance de la côte sud de l’île de Florida, elle-même située à une trentaine de km de la côte nord de Guadalcanal. La 28e Brigade australienne a pour tâche de s’emparer des trois îles et d’un point d’appui sur la côte de Florida, autour des villages de Haleta et Halavo, libérant ainsi la totalité des forces de l’USMC disponibles (une division renforcée) pour l’attaque de Guadalcanal même. – Tulagi La conquête de l’île est confiée au 18e Bataillon, appuyé par trois chars Matilda I et deux Covenanter. En face, 300 hommes de la 3e SNLF de Kure, dotés de mortiers légers, de mitrailleuses et de deux canons de 37 mm, et appuyés par 200 travailleurs, qui ont passé les dernières semaines à creuser des retranchements. Heure H (08h00) – Avec l’appui rapproché du Manoora, le 18e bataillon débarque sur Blue Beach. On s’aperçoit aussitôt que cette plage ne convient pas à un débarquement : les hommes doivent marcher sur un récif parsemé de trous profonds. Mais ce mauvais choix a l’avantage de prendre la garnison par surprise. Il y a peu d’opposition (quatre blessés). Le terrain est rapidement balisé et deux des vieux Matilda I, lamentablement dépassés, mal armés et d’allure plutôt comique, rampent jusqu’au rivage. Mais ces vieux engins vont se montrer sans prix, car ils sont invulnérables aux armes japonaises. La première compagnie traverse l’île et s’empare du village de Sasapi. La suivante progresse vers le sud-est et la zone administrative. L’avance est freinée par des tranchées et des grottes fortifiées sur la cote 330, mais l’un des Matilda s’avance et engage les fortins à la mitrailleuse, permettant à l’infanterie de s’approcher suffisamment pour lancer des charges d’explosifs qui font s’effondrer les parois des abris japonais. L’avance reprend, appuyée par le 2 livres d’un Covenanter, mais aussi par l’artillerie de l’, dont les canons facilitent la prise de la cote 208, au centre de la côte sud-ouest. A la tombée de la nuit, le 18e n’est plus qu’à mille mètres de l’extrémité de l’île, mais il est arrêté par un ensemble de bunkers, de fortins, de tunnels, de grottes et de tranchées. Les Japonais se défendent avec rage ; cependant, dépourvus de toute expérience du combat, les soldats de la “Milice” australienne estiment que ce comportement doit être habituel dans toute bataille. Toute la nuit, les Japonais harcèlent les positions australiennes au mortier léger, mais aucune charge massive n’est lancée. – Gavutu-Tanambogo Le 13e Bataillon doit s’emparer des deux îlots, avec le soutien de deux chars Valentine, du Covenanter poseur de pont et de deux Sentinel. Les îlots sont défendus par 800 hommes de la 3e SNLF de Kure, aidés par 400 ouvriers (les techniciens de l’hydrobase ont été évacués la veille). Ils sont armés de nombreuses mitrailleuses, de mortiers légers et de deux canons de 37 mm, et bénéficient de l’appui de quatre canons Vickers de 40 mm et d’un canon de 75 mm AA, installés sur l’îlot pour protéger l’hydrobase. Selon les plans australiens, les deux îlots doivent être attaqués en même temps par deux compagnies chacun. Sur Gavutu, la première compagnie débarque sans difficulté et avance rapidement. La seconde arrive une heure plus tard. A H+6, en dépit d’une furieuse résistance (il y a là environ 150 combattants japonais, appartenant à la 3e SNLF ou à l’unité de construction), l’îlot est aux mains des Australiens pour une quinzaine de morts et une trentaine de blessés. Il semble que seuls des travailleurs coréens (40) aient été faits prisonniers. Sur Tanambogo, c’est un désastre. Ce minuscule bout de terre est tenu par 700 combattants expérimentés, aidés par 300 ouvriers (dont 50 Japonais, qui se battront aux côtés des soldats). Tanambogo a été très soigneusement fortifié, plus parce que le commandant local voulait entraîner ses hommes que parce qu’il craignait une invasion. Très disciplinés, les hommes de la SNLF ne tirent pas un coup de feu avant que les douze LCVP de la première compagnie n’aient touché le sable, mais une vraie tempête de feu s’abat alors. Les embarcations sont détruites ou avariées une à une, obligeant les Australiens à rester sur place, s’abritant comme ils peuvent. Nous ignorerons toujours ce qui s’est exactement passé, mais à H+2, quand le feu cesse, il n’y a plus le moindre survivant de la compagnie. Par la suite, selon la position des corps retrouvés, on déduira qu’un petit groupe a réussi à s’emparer d’un fortin japonais et a combattu là jusqu’au dernier homme. – Haleta et Halavo (côte sud de Florida) Cette mission de couverture revient au 17e Bataillon, soutenu par deux chars Valentine et deux Mk VI. Les deux débarquements se déroulent sans incident, avec l’appui des 6 pouces du Kanimbla. Il n’y a pratiquement aucun défenseur. Les rares Japonais présents s’enfuient dans l’intérieur de Florida. ……… Pointe Cruz (Guadalcanal) 8h00 (H+02:00) – La plage est enfin renforcée, mais tout ce qui reste de Japonais se lance dans des contre-attaques désespérées, au cri de Banzai ! que les Marines entendent pour la première fois – ce ne sera pas la dernière. Les Marines fléchissent sous le coup mais les Japonais ont attaqué de façon désorganisée du fait de la destruction de leur réseau de communication. Quand la poussière retombe après un sauvage corps à corps, le colonel Edson réalise que les tirs ennemis ont faibli. Il demande à la Navy de soutenir ses hommes au plus près, comme avait su le faire le Buchanan – les destroyers Bagley et Helm s’en chargent, et les feux ennemis diminuent encore d’intensité. Edson lance alors tout son monde à l’assaut et après un brutal nettoyage des tranchées japonaises, Pointe Cruz est pris. Les Rangers ont cependant subi des pertes sévères : 130 morts et blessés sur 600 hommes. Quant à la 3e compagnie de la 5e SNLF, elle a été anéantie jusqu’au dernier soldat. La 13e unité de Construction Navale, qui travaillait sur les installations du port, s’est abritée dès les premiers tirs. Quand les combats ont cessé, constatant que les Américains étaient vainqueurs, son chef a décidé de replier tout son monde (surtout des Coréens) du côté de Tassafaronga, à l’ouest. Les parachutistes qui viennent prendre le relais des Rangers comprennent, avec l’aide de quelques indigènes terrorisés, qu’un groupe important de Japonais s’est éloigné vers l’ouest. Ils décident donc de mettre le secteur en état de défense en attendant d’en savoir plus. ……… Red Beach (Guadalcanal) 09h00 à 09h10 (H+1:00 à H+1:10) – Les quatre croiseurs lourds américains effectuent un bref mais intense bombardement de Red Beach. 09h13 (H+1:13) – Les premiers US Marines débarquent sur Red Beach. « Les renseignements rassemblés sur Guadalcanal par les planificateurs alliés étaient extrêmement inégaux. Il avait été possible de se faire une bonne idée de la nature du terrain proche de la côte, et surtout des zones parcourues par des routes et des pistes, mais on n’avait pu obtenir la moindre précision sur l’intérieur des terres, loin des zones cultivées. En ce qui concernait les forces japonaises, les Coastwatchers les avaient très correctement estimées à cinq mille hommes, mais ce chiffre incluait les unités de travailleurs. Le périmètre occupé par ces troupes avait pu être reconnu avec une certaine exactitude grâce à la police locale, dont le sergent Vouza, et aux éclaireurs indigènes du capitaine Clemens, qui tous étaient restés de loyaux sujets de Sa Majesté le roi George VI. A Guadalcanal, les Japonais étaient surtout déployés autour de l’aérodrome (le redéploiement d’une compagnie de la 5e SNLF à Pointe Cruz fut une surprise désagréable pour les Rangers). Pour ne pas prendre de risques, les Américains décidèrent de débarquer 9 000 mètres plus à l’est. » (Robert Leckie, Duel dans le Pacifique). Trois hydravions de l’Astoria marquent les extrémités de la plage avec des fumigènes à l’intention des barreurs des bateaux Higgins (trois autres seront mis par le Quincy à la disposition de l’artillerie de la division). Le commandant de la batterie est de la pointe Lunga est le seul à pouvoir s’opposer au débarquement. Il est conscient qu’il n’aura que quelques salves avant de subir la colère des croiseurs qu’il aperçoit au large, mais il décide de tenter sa chance. Les transports sont trop loin (le plus proche est à 6 500 mètres) pour espérer leur faire grand mal dès les premières salves, mais il peut faire très vite des victimes chez les Marines en train de débarquer. Dès que les premiers obus tombent sur la plage, le Quincy se précipite, mais avant qu’il puisse faire taire la batterie, les deux 5,5-pouces ont le temps de faire une vingtaine de morts et de blessés graves chez les Marines, tandis qu’un Higgins malchanceux a été détruit par un coup direct. Le reste du débarquement se déroule sans incident. Premier débarqué, le I/5e Marines se déploie du côté ouest de la tête de pont. A 09h38, le QG régimentaire du 5e Marines implante son premier poste de commandement, une centaine de mètres à l’intérieur des terres. Une patrouille japonaise se trouve non loin de là, mais elle se contente d’observer et de signaler. 10h00 (H+2:00) – Le QG japonais a été très vite averti du lieu du débarquement. Le Lt- colonel Naga informe tout de suite Rabaul, mais sans réclamer le moindre renfort – le faire serait une grave perte de face pour tout officier japonais ; de plus, il pense sans doute n’avoir affaire qu’à un raid, certes de grande ampleur, mais contre lequel ses forces seront suffisantes en attendant l’aide de la flotte. Il agit d’ailleurs raisonnablement, compte tenu du fait qu’il ne dispose que d’informations parcellaires sur un débarquement localisé et que, d’après les rapports des services de renseignements, les Américains seront incapables de lancer des opérations d’envergure stratégique avant plusieurs mois. 11h00 (H+3:00) – Le 5e Marines a achevé de débarquer et progresse vers l’ouest. Le 1er Marines a commencé à débarquer et ses premiers éléments se dirigent déjà vers le Mont Austen. Néanmoins, les hommes réalisent très vite que cet objectif est presque inaccessible. Le massif de collines désigné sous ce nom et que l’on voyait des navires est invisible de la plage. Le terrain est extrêmement difficile et le cours du Tenaru, à distance de la mer, serpente entre des berges très abruptes, couvertes d’une épaisse végétation où il est difficile de se frayer un chemin, tandis que la rivière elle-même n’est pas guéable. 12h00 (H+4:00) –Le I/5e Marines commence à avancer vers l’ouest pour sécuriser la ligne du Tenaru, où il doit passer la nuit près de l’estuaire. Le II/5e reste en couverture un peu plus au sud. Certaines unités du I/5e se heurtent à des patrouilles japonaises. Aux yeux des Marines, dont la plupart n’ont jamais vu le feu et dont les unités sont désorganisées par le débarquement, ces escarmouches semblent être des engagements acharnés. 13h30 (H+5:30) – Une escouade tente de traverser le Tenaru à proximité de la mer, mais se fait repousser par des tirs d’armes légères. Dans ce secteur, le cours de la rivière est tenu par quelques sections, et l’inexpérience des Marines leur fait voir deux ou trois fois plus d’hommes en face d’eux. 15h00 (H+7:00) – Une compagnie se lance à l’attaque sur un banc de sable de l’estuaire du Tenaru. Un char Stuart mène l’attaque, mais il s’enfonce dans le sable. L’infanterie doit se débrouiller seule – mais les quelques Japonais de garde se replient. 15h20 (H+7:20) – Le général Vandegrift signale à l’amiral Turner que son poste de commandement est déployé sur Guadalcanal. 16h00 (H+8:00) – Le général lui-même est sur la plage. Les Japonais ont évacué toute la ligne du Tenaru, qui est enlevée sans résistance en fin de journée. Les Marines s’apprêtent à passer la nuit sur place. 18h00 (H+10:00) – Deux régiments renforcés et toutes les troupes divisionnaires ont débarqué. Les positions du 5e Marines sont les suivantes : – compagnies A, B, C, D (I/5e) : à l’ouest de Red Beach, le long de la côte, jusqu’au Tenaru ; – compagnies E, F, G, H (II/5e) : un peu plus au sud ; – compagnies I, J, K, L (III/5e) : utilisées pour transporter le ravitaillement et le matériel débarqué, au grand déplaisir des hommes, elles sont maintenant un peu à l’intérieur des terres. Le 1er Marines est plus loin au sud, sur le chemin du Mont Austen. ……… Secteur de Tulagi Dans l’après-midi, l’Australia et le Leander viennent matraquer Tanambogo, un peu à l’aveuglette (les trois AMC continueront toute la nuit pour tenir les défenseurs en haleine). Pendant ce temps, les unités d’artillerie et du génie de la Brigade débarquent sur Gavutu et les canons sont mis en batterie. Le dernier Matilda I, trois Valentine et les deux Sentinel sont également débarqués sur Gavutu, ainsi que la seconde compagnie du 13e Bataillon qui devait débarquer sur Tanambogo le matin, et le 17e Bataillon reçoit l’ordre de se tenir prêt à soutenir l’attaque le lendemain. ……… La réaction japonaise (Guadalcanal) Il faut maintenant revenir vers midi, à l’état-major japonais. Alors qu’il observe le débarquement américain, Naga reçoit un message de Pointe Cruz, apparemment envoyé dans la nuit et annonçant que les Marines ont tenté de débarquer mais qu’ils ont été repoussés. Il conclut aussitôt que les forces américaines sont d’aussi mauvaise qualité qu’il le préjugeait et que la force morale de ses soldats prévaudra sur la supériorité numérique de l’ennemi. Selon ses premières estimations, les Américains n’ont débarqué que trois bataillons sur Guadalcanal (et probablement deux du côté de Tulagi). C’est quand même trop pour espérer les rejeter à la mer avec deux compagnies, mais sa mission est la protection de l’aérodrome, il ne saurait battre en retraite. Il ordonne donc à sa 2e compagnie de s’installer le long de l’Ilu, immédiatement au sud de l’embouchure, pour retarder l’ennemi. Pendant ce temps, la 1ère compagnie, aidée par la 11e unité de construction (dont les 200 membres japonais devront combattre avec les hommes de la SNLF), met l’aérodrome en état de défense. Après les premières opérations et les bombardements navals, il lui reste douze canons de 75 mm AA, seize 25 mm et deux 37 mm antichars. Il confie à la 2e compagnie six 25 mm et les deux 37 mm, conservant le reste pour défendre l’aérodrome. Il a cependant conscience qu’il est en sévère infériorité numérique et qu’il ne peut que retarder l’échéance. Il envoie donc à Rabaul un rapport de situation objectif, quoique inexact dans son évaluation des troupes alliées. ……… La réaction japonaise (Tokyo-Rabaul) A Tokyo, le chef d’état-major de la Marine Impériale, l’amiral Osami Nagano, sait qu’il doit absolument réagir à l’attaque alliée. Mais Nagano ne dispose pas de la moindre troupe terrestre dans les Salomon, en dehors de celles qui sont en train d’encaisser l’attaque américaine ! Il est obligé de faire appel au chef d’état-major de l’Armée, le général Gen Sugiyama. Ce dernier est stupéfait : l’existence même de l’aérodrome de Tenaru était inconnue de l’Armée. Guadalcanal et l’ensemble des Salomon Orientales faisaient en effet partie d’une zone dont le contrôle exclusif était dévolu à la Marine, à la suite d’un accord conclu entre les deux états-majors (voir appendice 1). A Rabaul, le général Hyakutake, contacté par Sugiyama, commence par pester contre l’inconséquence de la Marine, incapable de défendre ses bases. Puis, il cherche quels renforts envoyer à Guadalcanal. Dans l’immédiat, il n’a à sa disposition que le 28e Régiment d’Infanterie, commandé par le colonel Ichiki, et il n’a pas sous la main assez de transports pour embarquer même un millier d’hommes. Tant pis, on fera le maximum ! Alors que l’on prépare fébrilement un petit convoi, Nagano réunit l’état-major de la Marine pour envisager une action navale. A Rabaul se trouve le 2e Escadron de Destroyers du contre- amiral Raizo Tanaka : CL Jintsu et destroyers Amatsukaze, Hatsukaze, Hayashio, Kuroshio et Oyashio (classe Kagerô), auxquels s’est joint le croiseur lance-torpilles Kitakami, en stage d’entraînement après son récent rééquipement. La 18e Division de Croiseurs : CL Tatsuta et Yûbari (contre-amiral Mitsuharu Matsuyama) se trouve elle aussi à Rabaul. Enfin, la 6e Division de Croiseurs : CA Aoba, Furutaka, Kako et Kinugasa, commandée par le contre- amiral Aritomo Goto, est basée non loin de là, à Kavieng. Tanaka commande non seulement le 2e Escadron de Destroyers, mais aussi les bases de la Marine dans le secteur des Salomon, détaché de la 4e Flotte commandée par le vice-amiral Shigeyoshi Inoue, à Truk. Il n’a reçu son commandement que huit semaines plus tôt. A son arrivée à Rabaul, il a constaté une paresse et un relâchement inadmissibles. Sa gloire toute neuve acquise à Balikpapan et la présence de ses navires lui ont permis de faire prévaloir son point de vue – des vétérans bien entraînés et endurcis par les combats ont souvent un tel effet. Son escadron n’est qu’une force réduite dans une immense étendue d’océan, mais c’est une arme de première classe. Tanaka est secondé par des subordonnés efficaces : le commodore Ohmae est son officier d’opérations et le CF Shigenori Kami commande le Jintsu. Tous ses navires ont des équipages très expérimentés et leurs commandants sont de bons officiers. Quant au Kitakami, si son équipage est relativement novice, il s’exerce assidûment et obtient d’excellents résultats 4. Le groupe de Tanaka porte le nom poétique (sinon tout à fait officiel) d’Escadre des Mers du Sud. Grâce à l’action de Tanaka, la construction de la base des Shortland a beaucoup progressé, le terrain de Buin a été achevé, et l’aérodrome de Rabaul même est en cours d’agrandissement. Dès l’annonce du débarquement allié, Tanaka contacte directement l’état-major, à Tokyo. Son idée est d’attaquer au plus vite, de nuit, les forces alliées dans les eaux de Guadalcanal. A Tokyo, l’amiral Nagano manque en avoir une attaque : « Je m’y oppose formellement, ce n’est pas audacieux, c’est inconsidéré ! On ne lance pas à grande vitesse dans des eaux mal connues une petite escadre, dont les navires n’ont jamais opéré ensemble, face à une très puissante force ennemie appuyée par des cuirassés et des porte-avions ! » Son état-major lui expose alors plus en détails le plan de Tanaka et il s’adoucit. Le jeune contre-amiral a une brillante réputation en combat de nuit, sa flottille de destroyers est composée de vétérans, il a remporté avec eux une éclatante victoire à Balikpapan, l’attaque est l’essence même de la Marine Impériale… Enfin, il n’y a pas d’alternative, sauf à ne rien faire. Le dernier message de la garnison de Tulagi emporte la décision : « Les forces ennemies sont écrasantes, nous nous battrons jusqu’à la mort, en priant pour la victoire. » Nagano reprend le plan de Tanaka et frappe sur la table : « Exécution ! » Cependant, il reste encore des détails à régler – des détails capitaux dans la très formaliste Marine Impériale. Si Matsuyama, nommé contre-amiral à peu près en même temps que Tanaka, accepte d’être en pratique son subordonné pour cette opération, obtenant en compensation que le Kitakami (qu’il a jadis commandé) soit ajouté à ses deux croiseurs légers, il n’est pas question de demander pareil sacrifice à Goto, nettement plus ancien que son brillant collègue dans le grade ! Après des négociations feutrées, il est convenu que Goto ne sera pas subordonné à Tanaka, ni l’inverse. Chacun appliquera le plan… de Tanaka, certes, mais que Nagano a fait sien, et Goto aura l’honneur d’être le premier à monter à l’assaut.

4 Le Kitakami et son sister-ship le Ôi viennent de subir une transformation notable. Seize de leurs tubes lance- torpilles ont été débarqués pour laisser place à deux engins de débarquement Daihatsu (14 mètres, 10 tonnes de charge utile) et à un supplément de DCA légère. Cette modification leur laisse une force de frappe respectable avec 24 Longues Lances (sans recharges). Ensuite, les croiseurs légers et les destroyers s’élanceront à l’attaque des cuirassés qui ont matraqué l’aérodrome la nuit précédente et que l’état-major croit encore dans la Baie. Dans le même temps, pour ne rien négliger, l’amiral Inoue ordonne aux sous-marins Ro-33 et Ro-34, qui tentent à ce moment de perturber le trafic allié entre l’Australie et la Nouvelle- Guinée, de rejoindre la zone de Guadalcanal. Ils doivent préciser les points où l’ennemi a débarqué. ……… Le premier convoi japonais (au sud-est de Rabaul) Le gros du 1er bataillon du 28e Rgt, soit 600 hommes et les armes lourdes du bataillon (2 x 70 mm notamment), embarque sur le croiseur auxiliaire Saigon Maru (5 350 GRT, 18 nœuds), équipé de petits bateaux de débarquement à la place de ses canots de sauvetage et de deux embarcations plus grosses sur sa plage arrière. Le Meiyo Maru, seul autre transport disponible qui soit convenable pour des troupes, embarque 300 hommes. Le petit caboteur Ka Maru emporte du ravitaillement. Trois cents hommes sont restés à terre. Les trois transports sont accompagnés par le DD Yunagi et les vieux DD Kuri et Tsuga (classe Momi), qui ont tous vu récemment leur DCA améliorée. Le petit convoi lève l’ancre à midi et marche à 15 nœuds, cap au sud-est, survolé par trois hydravions armés de grenades ASM. A 17h00, les six bateaux sont repérés par le sous-marin américain S-38, au cours d’une des dangereuses et épuisantes patrouilles que cet ancien sous- marin côtier effectue à partir de Brisbane. Sans chercher à s’infiltrer entre les escorteurs, il tire quatre torpilles à 3 000 mètres de distance, mais l’hydravion E13A1 qui orbite au-dessus du convoi (l’un des hydravions mobilisés pour la surveillance ASM) aperçoit le sillage que laisse le périscope sur une mer d’huile et lâche deux grenades sur cette cible. Le convoi entame une manœuvre d’évitement et les escorteurs Yunagi et Tsuga se précipitent. Malgré tout, l’une des torpilles du S-38 touche le Meiyo Maru, qui coule à 17h13 avec la plupart des 300 soldats transportés. Pour les Japonais, le pire a été évité : le S-38 avait évidemment visé le Saigon Maru, et l’aurait sans doute coulé sans l’intervention de l’hydravion. Endommagé par les grenades de l’hydravion, le S-38 est rapidement détecté par l’asdic du Yunagi. Il est grenadé d’abord par le Tsuga, puis par le Yunagi. Le vieux submersible est très gravement endommagé. Avec une forte voie d’eau à l’arrière et des gaz toxiques envahissant le bâtiment à partir des batteries abîmées, le Lt-Cdr Munson n’a pas le choix : il fait chasser partout et ordonne d’abandonner le navire. Par chance, tout l’équipage a le temps d’évacuer avant le naufrage. Le Tsuga recueille les survivants avant de revenir à toute vitesse prendre sa place dans l’escorte. ……… La contre-attaque de Tanaka (au sud-est de Rabaul) 18h00 – Les quatre croiseurs lourds de Goto, venus de Kavieng, rejoignent Tanaka, qui a quitté Simpsonhafen à 16h30. Le groupe d’attaque est accompagné du ravitailleur d’hydravions Akitsushima, escorté de quatre chasseurs de sous-marins auxiliaires (classe Cha). Ces bateaux doivent se détacher de l’escadre quelques heures avant l’attaque pour aller installer une hydrobase dans la baie de Rekata, sur la côte nord de Santa Isabel. 20h30 – L’Escadre des Mers du Sud, qui n’a toujours pas été repérée, passe au nord de Buka. Tanaka projette de passer au nord de Bougainville durant la nuit, puis d’entrer dans le “Slot” par le Détroit de Bougainville. Elle ne marche pas très vite, l’Akitsushima ne pouvant faire mieux que 19 nœuds.

Campagne de Nouvelle-Guinée Piste de Bulldog – Une soixantaine de Japonais traversent la rivière en amont de la position australienne et tentent de la prendre de flanc. Douze hommes des NGVR (New Guinea Volunteer Rifles) s’y opposent, bientôt renforcés par trente autres. Les deux groupes s’affrontent alors dans une série de combats au corps à corps au cœur d’une jungle « de quatre à dix pieds » (l’expression n’indique pas la hauteur de la végétation, mais la visibilité : de 1,20 à 3 mètres…). En fin de journée, les deux camps ont perdu une vingtaine d’hommes. Le commandement de la Force Kanga décide d’évacuer la position dans la nuit.

La guerre sino-japonaise L’USAAF en Chine Chine du Nord – Après un peu plus d’un mois d’une activité frénétique (et la mort d’un certain nombre de paysans contraints de travailler à la construction des aérodromes), assez de carburant et de munitions ont été accumulés dans la région de Yan’an pour y déployer environ soixante-dix avions de l’USAAF et commencer une campagne de harcèlement contre les troupes japonaises occupant la Chine du Nord. Le premier coup est porté par onze B-25 Mitchell qui, escortés par six P-38 Lightning, attaquent le port de Tientsin. L’aviation de l’Armée Impériale est totalement surprise. Les P- 38 mitraillent l’aérodrome, détruisant seize appareils. Les bombes des B-25 coulent six petits bateaux et trois péniches dans le port fluvial et touchent durement les casernes, où 450 hommes sont tués ou gravement blessés. Un P-38 est abattu par la DCA.

8 août La campagne du Pacifique Sud – Opération Watchtower Secteur de Tulagi – Tulagi L’avance reprend à 07h00, les trois chars australiens perçant peu à peu les défenses japonaises. A 09h30, le Covenanter est immobilisé par un coup heureux de 37 mm et détruit par une charge explosive d’une équipe-suicide antichar. Les petits Matilda, en dépit d’innombrables impacts de 37 mm, restent en pointe. A midi, l’un d’eux perd sa chenille droite lors de l’explosion d’une charge placée par une nouvelle équipe-suicide, mais il termine la bataille comme nid de mitrailleuses blindé. A 14h30, toute résistance organisée a cessé. Les Australiens ont fait six prisonniers japonais (plus la plupart des travailleurs coréens). Les pertes de l’AMF se montent à 98 morts et 200 blessés. Le nettoyage de l’île va continuer, mais à J+4, il n’y aura officiellement plus un seul Japonais sur l’île. – Tanambogo La journée se passe en préparation d’artillerie. Les tirs continuent toute la nuit, pour couvrir les patrouilles de reconnaissance envoyées examiner la jetée reliant les deux îlots. ……… Red Beach (Guadalcanal) Les Marines reprennent vers 07h00 une avance précautionneuse le long de la côte, à partir de l’embouchure du Tenaru. Ils ne rencontrent d’abord aucune résistance, en dehors du feu de tireurs isolés qui les ralentit. Les Stuart mènent la progression sur un front d’environ 600 mètres, à travers la cocoteraie de Tenaru. Moins d’un km à l’ouest du Tenaru, un ruisseau sans nom se jette dans la mer. Là, les Japonais ont installé deux petits retranchements, l’un avec une mitrailleuse lourde, l’autre avec une mitrailleuse légère. Les Stuart réduisent la position en miettes. Les Japonais laissent douze hommes dans cette escarmouche, qui ne retarde les Américains que de 40 minutes. Les Marines s’enhardissent et progressent un peu plus vite. Environ 500 m plus loin, la cocoteraie fait place à une jungle épaisse, le long d’un nouveau ruisseau que les Américains surnomment “Black Creek” pour sa couleur. La 5e SNLF a installé à cet endroit un point de résistance plus sérieux : une cinquantaine d’hommes, avec une mitrailleuse lourde et un canon de 25 mm, soigneusement nichés dans des abris en troncs de cocotier. Quand les chars s’avancent sur la plage, les Japonais, soigneusement camouflés, les laissent traverser avant de s’en prendre à l’infanterie qui suit. Avant que les blindés comprennent ce qui se passent, reviennent en arrière, localisent les nids de résistance japonais et les éliminent, les Marines ont subi des pertes sensibles. Les Japonais ont installé leur principale ligne de défense à l’embouchure de l’Ilu. Les Marines, qui s’emparent sans mal du petit village de Tenaru, se doutent qu’il y aura là un nouvel obstacle, mais estiment qu’ils commencent à connaître les tactiques adverses. Il est donc prévu pour le jour suivant de lancer le III/5e à l’attaque sur cette bande de sable avec le soutien de plusieurs chars, de s’emparer de la position qui la couvre, puis de nettoyer la rive ouest de l’Ilu avant d’avancer vers l’aérodrome, 1 700 m plus loin. Plus au sud, dans l’intérieur de l’île, le 1er Marines progresse en lançant en avant de nombreuses patrouilles. Celles-ci ne trouvent rien. Personne à l’intérieur des terres. Une superbe occasion d’éliminer les Japonais est perdue, un peu parce que les Américains ne peuvent pas imaginer que leurs ennemis ne soient pas plus nombreux (ils ont des renseignements précis sur le nombre d’hommes sur place, mais prennent les 1 800 Coréens pour des combattants), beaucoup à cause de la jungle, qui se retourne contre les Marines comme elle l’avait fait contre les Japonais. La progression est ralentie non tant par la végétation que par un terrain boueux, parsemé de marigots et de ruisseaux fangeux. Il est presque impossible de déplacer des armes plus lourdes que les mortiers de 60 mm et les infirmiers font état des premiers cas de coups de chaleur (dans cette atmosphère saturée d’humidité, la sueur ne s’évapore pas et rafraîchit donc peu l’organisme). Les 1er et 3e bataillons avancent lentement, pendant que le 2e reste en arrière pour élargir les pistes. ……… Devant Guadalcanal Les Japonais ont encore à Rabaul 14 G4M1 (Betty) et 17 A6M2 (Zéro) opérationnels, plus 9 D3A1 (Val). Ces derniers pourraient attaquer le secteur de Guadalcanal à condition de se poser ensuite à Tenaru pour y ravitailler. Sans aucune garantie que la piste sera praticable, le commandement japonais décide de prendre le risque 5. Vers midi, les 40 appareils japonais attaquent les cargos en plein déchargement, mais les radars américains les détectent et dirigent vers eux les patrouilles de Wildcat mises en place par les porte-avions, qui continuent de couvrir efficacement le convoi tout en restant eux- mêmes hors de portée. Les bombardiers qui leur échappent se heurtent ensuite à une DCA très dense et efficace. Les combats aériens et la DCA font neuf victimes chez les Betty et cinq chez les Zéro, qui abattent huit Wildcat. Ces derniers ont payé le prix, mais le bombardement est un échec complet ! Après avoir abattu un Wildcat, Saburo Sakaï, qui commande les chasseurs japonais, se retrouve isolé, mais décide quand même d’attaquer ce qu’il croit être trois Wildcat sans méfiance. Il se place dans leur queue et les rattrape rapidement, quand il découvre que, trompé par leurs ailes anguleuses, il a pris pour des Wildcat trois Avenger (un type d’avion qu’il n’a jamais rencontré), en mission d’appui au sol et dont les mitrailleuses lourdes arrière l’ajustent avec ensemble. Grièvement blessé, le pilote japonais parvient malgré tout à poser son avion criblé de balles sur ce qui reste du terrain de Tenaru. Il sera évacué dans la nuit par un H6K demandé spécialement pour lui.

5 A Rabaul se trouvent aussi six J1N1 (Irving), ainsi que des hydravions : huit H6K4 (Mavis), trois gros H8K1 (Emily), dix E13A1 (Jake) et deux F1M2 (Pete). La plupart des hydravions se redéploieront par la suite aux Shortland. Les dix hydravions de chasse A6M2-N (Rufe) venus de Tulagi vont aller se redéployer le 9 août à Rekata Bay, au nord de Santa Isabel, avec six E13A1 (Jake) et quatre F1M2 (Pete) à l’hydrobase créée par l’Akitsushima. C’est alors que surgissent les Val, surprenant la chasse américaine. Les bombardiers en piqué touchent gravement le grand transport George F. Elliot. En perdition, celui-ci doit être échoué sur la plage. Deux D3A1 sont abattus par la DCA ; les sept autres ont la désagréable surprise de constater que le terrain de Tenaru est loin d’être opérationnel. Trois sont détruits à l’atterrissage sur une piste semée de trous d’obus, les autres ne pourront être ravitaillés avant d’être détruits par un bombardement effectué sans opposition par des Avenger dans l’après- midi. Malgré les médiocres résultats de l’attaque et les lourdes pertes subies par les Japonais, le rythme des déchargements a été notablement ralenti. Ses navires ayant besoin de ravitailler en carburant, Fletcher décide de se retirer la nuit suivante avec ses porte-avions aux alentours de Rennell. Il compte revenir le lendemain à portée de patrouille de chasse. Par ailleurs, les avions qui rentrent à Rabaul (5 Betty et 12 Zéro) décrivent la flotte alliée. La description est assez correcte, sauf sur un point : dans la chaleur du combat, plusieurs équipages, avertis que des cuirassés ont bombardé Tenaru la nuit précédente, ont en toute bonne foi cru les apercevoir dans la Baie – il s’agissait sans doute de certains des croiseurs lourds américains. Ce renseignement erroné est transmis à Tanaka, ce qui aura quelques heures plus tard des conséquences importantes. Par ailleurs, arrive dans l’après-midi à Rabaul le vice-amiral Nishizo Tsukuhara, chef de la 11e Flotte Aérienne, venant de Truk. Il est désireux de se rapprocher du nouveau front qui vient de s’ouvrir. Quelques jours après, Tsukuhara sera nommé par Tokyo commandant de l’ensemble des forces de la Marine dans les Salomon. ……… L’Escadre des Mers du Sud (au milieu des Salomon) La journée s’annonce belle et claire. Des hydravions sont lancés à la recherche d’éventuels navires alliés dans le Slot et les trois fractions de l’Escadre (2e Escadron de Destroyers, 6e et 18e Divisions de Croiseurs) sont séparées pour moins donner l’éveil en cas de repérage par des avions alliés. De fait, à 10h26, l’un des trois Hudson de la RAAF lancés de Milne Bay à la recherche de navires japonais aperçoit des navires. Le rapport du sergent Bill Stutt est capté et retransmis par Milne Bay. Stutt suit l’escadre japonaise pendant vingt minutes, puis s’éloigne. Tanaka décide alors de rebrousser chemin pendant une heure, pour échapper à une éventuelle attaque. Peu après, à 11h00, un autre Hudson repère les Japonais. Le F.O. Wilman signale son observation à Port Moresby et lâche deux bombes sur le Furutaka, sans l’atteindre. Son rapport indiquant que l’escadre japonaise a fait demi-tour ne fait que confirmer les préjugés de Turner, qui n’imagine pas qu’une simple force de croiseurs et destroyers s’aventure aussi loin que Guadalcanal. A midi, l’escadre remet le cap au sud-est et l’Akitsushima s’éloigne vers Rekata Bay avec ses escorteurs. A 13h00, Tanaka ordonne de monter à 24 nœuds et entre dans le Slot. Dans l’après-midi, le temps se gâte un peu – nuages bas, brume, quelques grains. Les hydravions de reconnaissance alliés vont le signaler, mais ces conditions météo vont leur masquer l’approche de l’escadre de Tanaka. Vers 17h30, celui-ci donne ses derniers ordres d’attaque (qui, pour les deux autres contre- amiraux, sont présentés comme des « propositions »). Les croiseurs lourds de Goto doivent se placer en avant-garde et jouer le rôle du bélier, en éliminant l’écran ennemi probablement positionné au sud de Savo pour permettre aux deux groupes de navires torpilleurs d’atteindre les cuirassés (dont les renseignements reçus de Rabaul font croire à Tanaka qu’ils guettent au large de Red Beach). Le 2e Escadron, mené par le Jintsu, et le groupe du Kitakami attaqueront alors les navires de ligne à la torpille, par une manœuvre en tenaille classique. Il sera temps ensuite de s’occuper des croiseurs patrouillant au nord de Savo puis, éventuellement, des transports. La formation entrera dans la baie par le passage sud, entre Guadalcanal et Savo. Les vedettes rapides japonaises basées à Guadalcanal ont reçu l’ordre de surveiller ce secteur. Pour éviter toute méprise, les navires japonais devront porter un panneau blanc d’un mètre sur sept de chaque côté de la passerelle comme marque de reconnaissance. Mais pour plus de précautions, Tanaka décide que ses navires ressortiront par le passage nord, entre Savo et Florida. Quand le soleil se couche, à 18h16, tous les navires sont prêts à l’action. Vers 23h15, trois E13A1 sont lancés. Ces hydravions doivent lancer des fusées éclairantes pour marquer les passages et illuminer ou silhouetter les navires ennemis. ……… Sur les navires alliés (entre Guadalcanal et Florida) Quelques jours plus tôt, prenant le commandement d’une escadre de croiseurs et de destroyers tous américains, en dehors de son propre navire, le vice-amiral Crutchley a voulu donner à ses officiers une sorte d’avertissement. Rappelant les combats de Mer de Chine, il s’est exclamé : « Nous savons maintenant que le Jap aime le combat de nuit et qu’il dispose de navires et d’armes efficaces, servis par des marins bien entraînés. L’enseignement principal des combats de décembre dernier est qu’il ne faut pas perdre un instant pour le frapper. Une action rapide et décidée est essentielle pour espérer triompher. Cognez vite et fort sans tergiverser. » Les Américains l’ont écouté poliment. Certains ont-ils pensé : « Pusillanimité d’un amiral du Vieux Continent ne disposant que de navires médiocres ! » ? Quoi qu’il en soit, comme la veille, Crutchley a affecté ses navires à leurs zones de patrouille. Les CA Astoria, Quincy et Vincennes, avec les DD Henley et Monssen, croisent dans le passage nord derrière le DD Ralph Talbot en “piquet radar”. Avec son CA Australia, le CA Wichita, le CLAA San Juan et les DD Bagley et Patterson, Crutchley lui-même surveille le passage sud, et c’est le DD Blue qui joue le “piquet radar”. De son côté, le CL Leander, au large de la Pointe Lunga, envoie à intervalles irréguliers quelques obus sur l’aérodrome « pour empêcher les Japs de dormir ». Enfin, les DMS, les autres DD et le CL Jeanne d’Arc (amiral Turner) gardent les transports. De l’autre côté de la baie, les deux ravitailleurs d’hydravions australiens sont ancrés près de Tulagi, avec les trois croiseurs auxiliaires. Vers 19h30, l’Australia quitte sa place pour conduire Crutchley sur la Jeanne d’Arc, où Turner l’a convoqué pour 20h30, avec Hill et Vandegrift. Ce dernier, épuisé, arrive à 22h00 pour entendre Turner expliquer qu’il a reçu un message de Fletcher. Celui-ci indique qu’il doit éloigner ses porte-avions, pour éviter d’être mis en mauvaise posture par l’arrivée probable de la Flotte Combinée (il semble que des problèmes de transmission aient quelque peu brouillé le message, donnant l’impression que Fletcher s’enfuyait plus qu’il ne s’éloignait). « Ce salaud-là nous laisse le cul à l’air ! » s’exclame Crutchley – qui, comme tout le monde, craint davantage, à ce stade, de nouvelles attaques aériennes qu’une attaque navale. Les Américains se taisent, mais leur silence vaut approbation. Tout ce que peut faire Turner, outre pester intérieurement, c’est promettre à Vandegrift davantage d’hommes pour débarquer les approvisionnements afin de permettre aux transports de quitter au plus vite – dès la fin de la journée du 9, autant que possible – ces parages malsains. La discussion se prolonge jusqu’à minuit, puis Crutchley retourne vers l’Australia, qui s’apprête à rejoindre la force sud. Le temps se gâte un peu – nuages bas, brume, quelques grains.

Malaita – Après avoir traversé le Passage de Maramasike qui sépare l’île principale de la Petite Malaita (ce qui constitue en exploit, car ces eaux n’ont jamais été cartographiées), le ravitailleur Mackinac jete l’ancre sur la côte nord de l’île, dans la baie de Takataka. Il est bientôt rejoint par un détachement de l’escadrille VP-23 – neuf hydravions PBY qui ont passé la journée à patrouiller au nord des Salomon.

Campagne de Nouvelle-Guinée Piste de Bulldog – La Force Kanga compte maintenant plus de 30 blessés. Les blessés légers ont besoin de deux personnes, les “Fuzzy-Wuzzy Angels” pour les aider à marcher, et dans le “pays de Baum”, il faut jusqu’à douze brancardiers qui se relaient pour porter les blessés sur civière. Les hommes de la Force Kanga doivent pourtant continuer à couvrir les civils, les malades et les blessés qui battent en retraite à une vitesse d’escargot dans une contrée sauvage, par une piste à peine marquée. L’officier valide le plus gradé, le capitaine Minchin (2/5e Compagnie Indépendante), rassemble alors ses hommes les plus en forme – environ 150 – et leur explique la situation : « La Force Kanga doit se replier en combattant pour couvrir les civils, les malades et les blessés, mais les hommes qui seront chargés de ralentir les Japonais doivent savoir qu’ils ne pourront compter que sur eux-mêmes s’ils sont blessés. Chacun de vous a donc le choix : rester en arrière-garde ou escorter le gros de la troupe. » Jusqu’au dernier, les cent cinquante hommes décident de rester en arrière-garde. Un coureur est envoyé avertir la tête de la colonne principale de leur décision, et lui demander de déposer des réserves de munitions et de nourriture à différents endroits convenus. A l’aube, la position sur le gué de la Bulolo est abandonnée et les hommes se replient le long de la piste de Bulldog jusqu’à une autre position devant Kudjeru, près de la piste d’aviation. ……… Piste de Kokoda – La perspective de voir arriver de vrais bombardiers en piqué est une chose, mais en attendant, les hommes de Wootten doivent faire avec ce qu’ils ont. Le Brigadier demande à la RAAF un effort maximum au crépuscule, pour favoriser une attaque terrestre dans la nuit. Ce bombardement est programmé pour le 10. ……… Milne Bay – Huit A6M2 de Lae, volant à basse altitude le long de la côte sous un plafond nuageux très bas, débouchent à ras du sol par surprise et mitraillent la piste de Turnbull. Trois précieux C-47 et quatre Beaufort de la RAAF sont détruits. Les Japonais s’échappent sans peine.

Opération Oni, ou le “siège” de l’Australie Au large de Sydney (opération Oni, phase 3d) – Le caboteur hollandais Boorden (750 GRT, réfugié des Indes Orientales Néerlandaises) saute sur une mine (sans doute du I-121) et coule. On croit à ce moment qu’il a été torpillé. De la même façon, on croira à un torpillage le 14 août, quand le caboteur Shadrack (300 GRT, en route de Wollongong à Sydney avec du charbon), sera coulé par une mine (probablement posée par l’I-123). D’après Research for Australian Official Histories, 1949, notes de Mr Norman

9 août Campagne du Pacifique Sud-Ouest – Opération Watchtower Bataille de Savo (ou “Savo-1”) 00h10 – Un hydravion, tous feux de position allumés, est aperçu par des marins américains au-dessus de Savo. D’autres hydravions seront signalés par intermittence jusqu’à 00h55. Ils seront tous considérés comme amis, notamment en raison de leurs feux allumés. 00h35 – La flotte de Tanaka est en vue de l’île de Savo. 00h40 – Les vigies japonaises aperçoivent à tribord un destroyer isolé. C’est le Buchanan, qui rejoint Nouméa après quelques réparations provisoires. Ignorant que ses radios sont détruites et pensant que l’Américain peut avoir vu ses navires, Goto ordonne au Furutaka de lancer quatre torpilles, qui manquent toutes leur cible ! En réalité, personne à bord du navire américain ne semble avoir remarqué la menace et il s’en tire sans une égratignure. 00h50 – Le Kitakami (ainsi que les deux croiseurs légers qui l’accompagnent) ralentit quelques minutes, le temps de mettre à l’eau ses deux bateaux de débarquement Daihatsu. Ceux-ci vont débarquer à Cap Espérance plus de quinze tonnes de ravitaillement en tout ; ils se mettront ensuite à la disposition du commandement des troupes de la Marine sur Guadalcanal. 00h58 – L’Aoba, en tête des navires japonais, aperçoit à 11 000 mètres le DD Blue, patrouillant à l’ouest du passage entre Savo et Guadalcanal. Avant que les croiseurs japonais n’ouvrent le feu, ils le voient virer de bord et s’éloigner. A bord du Blue, le radar ne signale rien d’anormal. La relative nouveauté du système explique cette absence de réaction : les opérateurs, encore peu expérimentés, ont le plus grand mal à distinguer les échos noyés dans les parasites générés par l’ile de Savo et les grains de pluie. De plus, ils sont, comme le reste de l’équipage, épuisés par deux jours d’activité intense et d’attaques aériennes. Devant l’état de grande fatigue de ses hommes, Crutchley a d’ailleurs été obligé d’accepter de mettre les navires en condition II pour la nuit – la moitié de l’équipage est au repos. 01h00 – Goto ordonne de venir au 150 et d’accélérer à 26, puis à 30 nœuds, alors qu’il se rapproche du groupe de « deux croiseurs lourds et deux légers » signalé par ses hydravions. D’autres rapports ont indiqué aux amiraux japonais qu’un navire hôpital brillamment éclairé est ancré à l’est de la baie. Un autre point de repère leur est fourni par un feu allumé à la demande de Tanaka en haut du Mont Austen. 01h25 – Les navires du groupe sud (Wichita, San Juan, Bagley, Patterson, dans cet ordre) sont aperçus par les vigies japonaises, puis silhouettés par une fusée lancée par un hydravion. 01h30 – Les quatre croiseurs lourds japonais lancent chacun quatre torpilles de 24 pouces à 7 000 mètres, de leurs tubes bâbord. Elles doivent courir pendant 4 minutes. Selon les ordres et la doctrine d’emploi, les canons visent l’ennemi, mais restent silencieux en attendant que les torpilles touchent, pendant que les navires continuent à se rapprocher de leurs adversaires jusqu’à 3 500 mètres. 01h32 – Le Patterson aperçoit les Japonais et accélère à 20 nœuds en mettant le cap sur l’ennemi pour une attaque à la torpille, émettant un avertissement pendant que les hommes sont appelés aux postes de combat. 01h34 – Le Bagley est touché par une Longue Lance et se brise en deux, coulant immédiatement. Le Wichita et le San Juan, alertés, ont vite leurs propres ennuis. Le croiseur lourd est frappé deux fois de suite – la première torpille expose au niveau des cheminées, noyant la salle des machines avant ; la seconde frappe un peu en arrière. Tout de suite après, les quatre croiseurs japonais ouvrent le feu, ensevelissant le malheureux navire sous les obus – les officiers survivants rapporteront que 40 à 50 impacts ont été dénombrés en deux minutes. Incapable de riposter, le Wichita est vite stoppé, en flammes et prenant l’eau. Un incendie a éclaté sous le pont-hangar arrière. Pourtant, le navire montre la qualité de sa construction : malgré les dégâts, il ne se brise pas en deux et reste à flot. Derrière le Wichita, le San Juan change de cap et engage l’ennemi, mais très vite, les croiseurs lourds reportent leur tir sur lui. Touché à de nombreuses reprises, le croiseur est secoué par plusieurs détonations, puis une grande boule de feu s’élève dans le ciel. La tourelle A vient de disparaître dans les flammes et le navire s’enfonce fortement par l’avant. Malgré les dommages, il répond aux croiseurs japonais de tous ses canons de 5 pouces (une dizaine sur seize sont encore opérationnels), sans pouvoir entamer le blindage de ses adversaires mais laissant perplexes les Japonais, étonnés par le nombre de départs de tir et qui croient même avoir affaire à deux navires. Attirant le feu des quatre croiseurs japonais, il s’embrase sous les obus qui pleuvent sur lui. En quelques minutes, le petit croiseur devient un bûcher dont la lueur aveugle les vigies japonaises en les privant de leur vision nocturne pendant quelques minutes cruciales. Le Patterson se prépare à lancer ses torpilles, mais il est pris pour cible par le Jintsu et ses cinq destroyers. Dix-sept obus le laissent en flammes, tournant lentement en rond sur bâbord, hors de combat mais toujours à flot. Il réussit à lancer quatre torpilles, sans résultat apparent. 01h45 – A ce moment, l’Australia n’est qu’à 12 000 mètres. Ses vigies découvrent, silhouettés par l’incendie du San Juan, les croiseurs de Goto qui, leurs premiers adversaires anéantis, foncent droit vers l’est et ont pris une certaine avance sur le reste de l’escadre japonaise. Le croiseur australien met aux postes de combat et Crutchley signale « Ennemi en vue – Engageons le combat », persuadé que le groupe nord est déjà en train de se précipiter. Le croiseur abat brutalement sur tribord pour ouvrir ses arcs de tir et barrer le T des Japonais, qui ne l’ont pas repéré – effet rémanent, sans doute, de la flamboyante disparition du San Juan. 01h48 – L’Australia, juste en face du premier navire de la ligne japonaise, ouvre le feu à 6 000 mètres. Sa cible est l’Aoba et celui-ci est vite sévèrement touché, la tourelle B hors de combat et la passerelle endommagée. Le croiseur japonais vire brutalement sur bâbord pour démasquer ses canons arrière et ses tubes tribord. Au même instant, l’Australia lance ses torpilles bâbord avant d’effectuer un demi-tour sur tribord pour démasquer ses tubes tribord. Le Kinugasa, qui suit l’Aoba, abat sur bâbord et commence à engager l’Australia au canon tout en lançant lui aussi ses torpilles tribord. L’Australia dirige alors son tir sur lui, tout en effectuant un nouveau demi-tour, cette fois sur bâbord, qui lui permet d’éviter les Longues Lances. Tanaka, avec son Jintsu et ses cinq destroyers, suivis par les Kitakami, Tatsuta et Yûbari, quitte sa place dans la ligne japonaise, espérant contourner l’action devant lui par tribord. La formation japonaise est donc divisée en deux. Pendant ce temps, le Kinugasa donne, mais aussi reçoit des coups sévères. Les obus australiens touchent le hangar à hydravions et allument un violent incendie. Pire, une torpille (probablement de celles destinées à l’Aoba) le frappe au niveau de la tourelle Y et sa vitesse tombe à 22 nœuds ; il quitte alors la ligne de combat, se repliant vers le sud-ouest. Le Kako et le Furutaka, qui continuent un instant de le suivre, perdent contact avec le croiseur australien. 01h56 – L’Australia a été durement touché par les obus de l’Aoba et du Kinugasa. Les deux tourelles avant sont hors de combat, la cheminée avant est détruite et la passerelle est ravagée. Crutchley est tué et le commandant du croiseur, le Captain Farncomb, est gravement blessé (il faudra l’amputer du bras gauche). Néanmoins, il ne perd pas tout de suite connaissance et ordonne de décrocher vers le nord-est en faisant de la fumée pour éloigner l’ennemi des transports. 02h00 – Au bout de douze minutes d’empoignade, la fumée interrompt le combat. L’Australia blessé se replie vers le nord-est, cependant que le Kinugasa décroche vers le sud-ouest. L’Aoba endommagé, qui a ralenti, est rattrapé par les deux autres croiseurs lourds japonais. ……… Cependant, le groupe du Jintsu et du Kitakami a filé droit vers l’est et les supposés cuirassés ennemis… Or, Tanaka, s’aidant du point de repère représenté par le feu allumé sur le mont Austen, constate qu’il n’a plus devant lui que le Sealark Channel, entouré de récifs d’autant plus traîtres que l’obscurité les dissimule. Les cuirassés ont disparu ! Les aurait-il croisés dans l’obscurité ? Il ordonne alors de faire demi-tour et de marcher vers le sud-ouest : il est sûr, du moins, de trouver les transports. ……… Le groupe nord, dirigé par le commandant du Vincennes, le Captain Fred Riefkohl, a perçu le bruit du massacre du groupe sud, puis reçu le message de Crutchley « Ennemi en vue – Engageons le combat ». Cela voulait-il dire qu’il fallait abandonner la position et marcher au canon ? Après de longues minutes de tergiversation inquiète, Riefkohl décide de mettre le cap au sud-est, à 18 nœuds, après avoir transmis au Ralph Talbot, laissé en arrière en piquet radar, de redoubler de vigilance. Les destroyers Monssen et Henley sont en tête, suivis par les croiseurs lourds Astoria, Quincy et Vincennes. ……… 02h15 – Les croiseurs lourds japonais (Aoba, Kako et Furutaka) aperçoivent les cinq navires de Riefkohl qui s’approchent par le nord-ouest, sur une route parallèle. Goto donne l’ordre d’attaquer à la torpille, mais seul le Kako a encore des Longues Lances. A cet instant, le DD Monssen signale des navires ennemis par tribord avant. Pourtant, des secondes vitales sont perdues lors d’un échange confus en phonie jusqu’à ce que le commandant du Monssen, le Commander Roland Smoot, accède à l’immortalité d’un surnom célèbre en hurlant : « Smoot says f*ck everybody – Attack ! » 6 Il abat brutalement sur tribord et ouvre le feu sur les navires ennemis maintenant bien visibles. Le Monssen lance ses torpilles vers la ligne japonaise, qu’il contourne dans son élan par l’arrière. Au même moment, deux des torpilles du Kako trouvent leur cible : l’Astoria est frappé deux fois juste en avant de la tourelle Y, pratiquement au même endroit. Le quart arrière du navire se détache et coule instantanément, mais la partie avant reste à flot ! La chaufferie centrale ne présente en effet que de légères voies d’eau. A bord du Quincy et du Vincennes, les commandants hésitaient à ordonner le tir de crainte de toucher des alliés, mais les hautes colonnes d’eau jaillissant sur le flanc de l’Astoria lèvent leurs doutes. Zigzaguant pour dépasser de qui reste de l’Astoria, les croiseurs américains rendent obus pour obus aux Japonais – même si les tirs de leurs adversaires sont plus précis. Le Vincennes affronte l’Aoba, le Quincy fait face au Kako… mais le petit Henley se fait matraquer par le Furutaka, qui l’a pris pour un croiseur léger. C’est alors au tour du Kako d’être torpillé : un des engins du Monssen a fait mouche ! Mais le grand croiseur supporte bien l’impact et il poursuit le combat. Au moment ou les deux lignes adverses achèvent de se croiser, un obus (peut-être venu de l’Astoria, dont les tourelles avant tirent toujours) frappe la passerelle de l’Aoba. L’amiral Goto est touché. Sérieusement blessé (un bras cassé, plusieurs plaies profondes), sachant que le Kako a reçu une torpille, que le Kinugasa a disparu et qu’il n’a plus de Longues Lances, il ordonne, comme prévu au départ, de se replier par le nord de Savo. ……… Le Kinugasa, sévèrement atteint par l’Australia un peu plus tôt, est tombé de Charybde en Scylla en se repliant. En effet, le Leander, qui s’est rendu compte qu’il se passait quelque chose du côté de Savo, a entrepris prudemment d’aller voir ce qu’il en était et n’a trouvé que des épaves. Repartant en sens inverse, il aperçoit un croiseur en flammes au large de la Pointe Cruz. C’est le Kinugasa, qui se replie en luttant contre les incendies allumés par l’Australia. Le Leander confirme qu’il s’agit d’un navire ennemi puis ouvre le feu à 4 000 mètres, et met très vite de nombreux coups au but. Le Japonais se défend cependant et parvient à placer trois obus sur le Néo-Zélandais : l’un perce la ceinture et démolit une chaudière, un autre met hors service la tourelle X, le dernier explose dans l’infirmerie, tuant plusieurs membres de l’équipe médicale et provoquant un incendie. Mais le Leander lance ses torpilles, dont deux frappent son adversaire : l’une lui

6 Ce que le traducteur ne peut rendre en respectant la décence que par : « Ici Smoot, allez tous vous faire f… – Attaquez ! » arrache la poupe, l’autre touche sous la passerelle, provoquant des dommages catastrophiques. Le Leander s’approche et achève le Kinugasa de plusieurs salves à courte distance. ……… De son côté, Tanaka a fait route vers les transports, mais l’escorte de celui-ci lui a réservé une mauvaise surprise : il y a encore là le croiseur léger Jeanne d’Arc, cinq destroyers (Dewey, Helm, Hull, Jarvis, Wilson), cinq dragueurs (Hopkins, Hovey, Southard, Trever, Zane) et quatre APD (Colhoun, Gregory, Little, McKean), et ils sont tout sauf surpris. Les neuf DMS et APD tendent un épais rideau de fumée d’où les destroyers émergent par intermittence pour lâcher une bordée. Turner ordonne à la Jeanne d’Arc de soutenir ses destroyers et va s’installer sur la passerelle, où il déclare au commandant du croiseur : « Captain, this ship is yours, please fight as you see fit. » (Commandant, ce navire est le vôtre, veuillez combattre comme vous l’entendez). Puis il se place en retrait et ne dit plus un mot. Le croiseur va se montrer à deux reprises à la pointe du combat. La première fois, la Jeanne surgit de l’obscurité fuligineuse à quelques centaines de mètres de l’Hayashio. Les vigies de ce dernier, sidérées, ne reconnaissent pas le bâtiment français et, dans la crainte d’une erreur, le Japonais n’ouvre pas le feu ! Les autres bâtiments de la ligne de Tanaka, passablement dispersés par leur jeu de cache-cache avec les escorteurs américains et ignorant où se trouvent au juste leurs propres croiseurs légers, imitent leur équipier, et la Jeanne replonge majestueusement dans le brouillard artificiel après une seule bordée, qui frôle l’Hayashio et le secoue sévèrement. La seconde fois, c’est le Jintsu qui est le navire ennemi le plus proche et cette fois, plusieurs salves sont échangées. La confusion japonaise est portée à son comble par un immense drapeau orné de fleurs de lys et de saintes effigies, à l’image de l’étendard de la Pucelle. C’est le lieutenant de vaisseau “shipard” 7 de la Jeanne d’Arc, monarchiste convaincu et catholique pratiquant, qui a fait déployer cet attribut folklorique d’habitude réservé à la fête de la sainte célébrée par les élèves officiers : il est persuadé que se placer sous ce patronage est la seule chance de salut du croiseur. On découvrira après guerre que la Jeanne d’Arc, en tant que navire-école, avait été classée par la Marine Impériale parmi les bâtiments qu’il était hautement improbable de rencontrer au combat, d’où la perplexité “miraculeuse” des vigies japonaises… L’épisode sera quelques mois plus tard immortalisé au mess des officiers de la Jeanne par un tableau allégorique dans le style pompier flamboyant, Sainte Jeanne d’Arc préservant le Convoi de la Fureur des Nippons. Le tableau (aujourd’hui exposé dans un coin discret du Musée de la Marine à Paris) montre la sainte toute armée, coiffée d’une auréole éblouissante. Accrochée d’une main au mât du croiseur où flotte son étendard, elle repousse de son épée des hordes de navires ornés du Soleil Levant dans un geste plein d’autorité (mais qui n’en dévoile pas moins un sein généreux, surgi d’une improbable échancrure de l’armure). Quoi qu’il en soit, les équipements de conduite de tir très perfectionnés de la Jeanne lui permettent de placer deux obus sur le Jintsu tout en lançant son unique torpille tribord, avant de replonger dans l’obscurité. Frayeur japonaise : la torpille frôle le croiseur amiral – alors qu’il est bien connu que les croiseurs américains n’ont pas de torpilles. Dans la confusion et la fumée, le combat se prolonge de longues minutes sans coups au but notables – à plusieurs reprises cependant, un Japonais, croyant avoir une bonne solution de tir, lance une demi-salve de Longues Lances. Aucune de ces torpilles ne trouve la cible prévue, mais deux vont va frapper des transports, loin derrière : le Neville doit être échoué (il sera perdu après avoir été vidé de ce qu’il contenait encore) et le Crescent City est gravement touché à la poupe (il ne sombre pas mais est incapable de se mouvoir).

7 Officier de manœuvre, instructeur en navigation… et terreur des midships (élèves officiers). Enfin, Tanaka, désespérant de trouver la faille, voyant l’heure passer, l’aube se rapprocher et avec elle, de prévisibles attaques aériennes américaines, envisageant aussi un possible retour de cuirassés américains qui, cette fois, ne seraient pas pris par surprise, ordonne le repli. Sur la Jeanne d’Arc, le calme revient. Le convoi est sauvé. Turner sort alors de son silence : « Well done, gentlemen. » 02h40 – Alors que les navires de Tanaka, encore plus ou moins en ligne (témoignage de la qualité de l’entraînement de leurs équipages), filent vers le nord-ouest, un destroyer isolé surgit de l’obscurité et se dirige à toute vitesse vers la ligne japonaise. C’est le Monssen ! Craignant une salve de torpilles, l’Amatsukaze abat brutalement sur tribord. Son adversaire, toujours plein d’ardeur combative, tente de l’éperonner. Il échoue, mais passe si près que Smoot lui-même sort son pistolet pour tirer sur la passerelle du destroyer japonais, dont le capitaine riposte de la même manière ! Pour couronner le tout, le pistolet Taisho de l’officier japonais s’enraye et, furieux, il jette en direction du destroyer américain ce qu’il a sous la main – sa casquette. Celle-ci atteint son but – la distance entre les deux navires ne dépassant guère trois mètres à ce moment – et deviendra la coiffure de Smoot jusqu’à la fin de la guerre. Le Monssen endommage au canon son adversaire, mais souffre terriblement en retour (exclamations farouches mises à part, Smoot recevra la Médaille du Congrès pour ses actions de cette nuit-là) 8. 02h50 – Peu après cette péripétie, Tanaka aperçoit devant ses bâtiments deux grands croiseurs silhouettés par un incendie. Ce sont les Quincy et Vincennes, éclairés par les flammes qui dévorent le pauvre Henley. Ils vont payer pour les frustrations endurées par les Japonais face au convoi. Le Kitakami lance une salve tribord et les navires du 2e Escadron une demi-salve chacun, soit 32 Longues Lances en tout. Frappés par deux à quatre torpilles chacun, les trois Américains sont balayés de la surface de l’eau. Tanaka peut rentrer à Rabaul triomphant ! Il s’en va, comme prévu, par le nord de Savo, tirant au passage quelques obus sur le Ralph Talbot, qui a la sagesse de s’esquiver. ……… Le dernier mot de la nuit restera à l’inimitable lieutenant Iishi. Il a croisé pendant des heures le long de la côte nord, à l’affût. Quand il reçoit un message en clair indiquant que Tanaka s’est éloigné, il intervient. Avec les G-1 et G-2 (la G-3 a un problème de moteur), il file vers le malheureux Wichita. La G-2 lance et une de ses torpilles frappe le croiseur, qui sombre immédiatement. Iishi, très satisfait de son ouvrage, rentre dans sa tanière fluviale – mais après avoir réarmé ses trois vedettes, il ne lui restera plus aucune torpille de réserve. ……… Quand le jour se lève, Turner, assommé par l’importance des pertes, fait le compte de la faible escorte qui lui reste : un croiseur léger, sept destroyers et divers petits bâtiments, ainsi qu’un croiseur lourd (l’Australia), un léger (le Leander) et un destroyer (le Monssen) endommagés mais encore capables de naviguer. Pourtant, il n’est pas question d’évacuer la zone immédiatement, il y a encore trop d’hommes à la mer et trop de matériel attendant d’être débarqué. Il faut rester, mais jusqu’à quand ? L’Astoria est remorqué jusqu’à la Baie de Tulagi et amarré, ainsi que le Crescent City. Aucun d’eux ne peut être évacué, mais ils restent utiles, le transport comme entrepôt et le morceau de croiseur lourd comme batterie côtière (il lui reste six canons de 8 pouces) et comme batterie de DCA couvrant les ravitailleurs d’hydravions Zealandia et Nairana. La présence de l’Astoria (vite rebaptisé Asto, au motif qu’il lui manque visiblement quelque chose) aide à

8 La tradition des forces légères de l’US Navy maintient que la passerelle du Monssen fut en réalité carbonisée par l’intensité de la furie guerrière du commandant, “F*ck Everybody’ Smoot”. Pour parler poliment, ce dernier était désigné sous le nom de “FE Smoot”, ou simplement “FE”. Interrogé par la suite sur la bonne distance pour engager un destroyer japonais, Smoot répondit : « A peu près à une portée de casquette ! », propos qui entra aussitôt lui aussi dans la légende. contrôler chez les Australiens la colère soulevée par la mort du contre-amiral V.A. Crutchley VC, Royal Navy. « Aux yeux des Australiens, les Américains étaient presque aussi coupables que les Japonais de la mort du contre-amiral et des graves dégâts infligés à leur dernier croiseur lourd : ceux du groupe sud s’étaient fait tirer comme des canards posés malgré les avertissements de Crutchley ; ceux du groupe nord avaient lamentablement tardé à intervenir avant de se faire détruire. Et bien sûr, les cuirassés avaient déserté le champ de bataille avant le combat ! Le commandant de l’Australia, le Captain Farncomb, avait survécu. Son récit, plus tard, décrivant un navire australien se battant seul contre toute la flotte japonaise, ne ferait rien pour calmer l’amertume de ses compatriotes. » (B. Marcus, op. cit.) « La bataille de Savo fut un désastre pour les Alliés. Ils avaient perdu quatre croiseurs lourds (car il était peu probable de pouvoir réparer un jour l’Astoria amputé de sa poupe), un croiseur anti-aérien, trois destroyers et deux transports, sans parler du destroyer et du transport perdus auparavant, plus un croiseur lourd, un léger et deux destroyers plus ou moins sévèrement touchés. En face, les Japonais s’en tiraient avec un croiseur lourd coulé, un sérieusement endommagé et d’autres bâtiments plus ou moins touchés. Le déroulement de la bataille confirmait que les marines alliées avaient beaucoup à apprendre en ce qui concernait le combat de nuit. C’était la deuxième fois que l’US Navy rencontrait Tanaka de nuit, et pour la deuxième fois, elle avait subi une lourde défaite, en dépit de la grande bravoure de ses marins. Les unités de l’Empire britannique avaient fait un peu mieux, et la pertinence du concept européen d’armer les croiseurs de torpilles avait été démontrée, mais il s’agissait sans doute de la plus modeste des leçons de Savo. L’assimilation de ces leçons commença immédiatement. » (Jack Bailey, Un Océan de Flammes – La Guerre Aéronavale dans le Pacifique) ……… Au sud de Guadalcanal et dans le Slot Les porte-avions du vice-amiral Fletcher ont commencé à se retirer vers le sud-est dès 16h40 le 8 août. Ce mouvement sera très critiqué, à la lumière du raid de Tanaka contre les forces de Crutchley et Turner. De fait, Fletcher n’a pas reçu d’ordre en ce sens de Ghormley. Il affirmera plus tard avoir estimé que rester à portée de raid de Rabaul rendait sa position risquée et que ses destroyers devaient ravitailler. Le second point n’est pas confirmé par les journaux de bord des navires, mais il est certain que Fletcher était douloureusement conscient que sa force était la seule dans la région capable d’affronter le Kido Butai, et qu’il n’avait pas le droit de l’exposer sans nécessité. Ses hésitations se lisent sur la carte des mouvements de ses navires. Peu avant minuit, il fait mettre le cap au sud-ouest, puis à 01h00 le 9, il ordonne de prendre un cap nord-nord-ouest. 03h00 – Fletcher reçoit un bref rapport signalant « Violente action de surface dans la zone Tulagi-Guadalcanal. » Et à 03h30, un message de Ghormley, à Nouméa (message sans lien avec ce qui se passe devant Guadalcanal) lui demande de « Suspendre tout mouvement de repli. » Or, le groupe aérien du Wasp a reçu un entraînement pour des actions de nuit. Entre 03h00 et 04h30, le commandant du Wasp, le Captain Forrest P. Sherman, qui a lu le rapport de 03h00, demande par trois fois au contre-amiral Noyes l’autorisation de foncer vers Guadalcanal pour fournir à Crutchley et Turner tout l’appui possible. Noyes transmet cette proposition à Fletcher, mais n’obtient aucune réponse et refuse par trois fois. 04h30 – La flotte se trouve entre San Cristobal et Rennell, par 161°10’ E et 11°10’ S. En l’absence de toute précision, Fletcher décide alors de retourner vers le sud. Mais à 04h51, il reçoit un message confus du contre-amiral Turner, indiquant « Presque tous les vaisseaux de l’écran gravement endommagés ou coulés. » Ce message emporte la décision. 05h05 – La proposition de Sherman est acceptée et le Wasp repart vers le nord à 30 nœuds, seulement escorté par quatre destroyers (Aaron Ward, Laffey, Lang, Sterett). Le reste de la flotte suit à plus faible vitesse, afin de pouvoir défendre le Wasp tout en restant hors de portée des bombardiers-torpilleurs basés à terre. 07h20 – Le Wasp est au sud-ouest de Guadalcanal et commence à lancer ses avions. D’abord, ce sont 12 SBD-3 de la VS-71. Les “Speedy-three” 9 se déploient à la recherche de Tanaka, suivis à 08h05 par 12 SBD-3 de la VS-72, sept TBF-1 de la VT-7 et une escorte de vingt F4F- 4 de la VF-71. 09h35 – La flotte japonaise est découverte, remontant le “Slot” à grande vitesse. Tanaka a demandé une couverture de chasse à Rabaul, mais les quelques A6M2 disponibles ne pourront le rejoindre avant 11h00. Les bombardiers en piqué de la VS-72 se concentrent sur les croiseurs lourds, qu’ils prennent pour des croiseurs de bataille. Le Furutaka et le Kako reçoivent chacun une bombe, et la vitesse du second tombe à 20 nœuds. Les TBF-1 de la VT- 7 lancent leurs torpilles d’assez près, mais leurs cibles, rapides et manœuvrantes, esquivent. L’un des Dauntless de la VS-71 réussit à toucher le DD Oyashio, mais sans faire de gros dégâts. La DCA japonaise est peu efficace, d’autant plus que les hommes sont épuisés et que les navires effectuent des manœuvres serrées, et aucun avion n’est abattu. 10h17 – Le dernier avion américain quitte la scène. 11h50 – Tous les avions sont récupérés par le Wasp et Noyes remet cap au sud. 13h45 – Noyes retrouve Fletcher et la flotte réunie se dirige alors vers Port-Vila (Nouvelles- Hébrides) pour ravitailler et renforcer les groupes aériens. Tous les officiers sont convaincus que le raid de Tanaka n’est que le prélude à de plus grandes batailles. En fin de journée, n’ayant pas rencontré d’autres difficultés, Tanaka décide de rejoindre Rabaul. Goto le suit, car plusieurs de ses croiseurs sont chargés de blessés (dont lui-même) et il n’y a pas d’hôpital à leur base de Kavieng. Cependant, Tanaka ordonne au petit convoi transportant le 128e RI de se réfugier aux Shortland le temps que la situation s’éclaircisse. ……… Secteur de Tulagi – Tanambogo Dans la nuit, ignorant tout de ce qui se passe sur mer, de petits groupes d’Australiens montés dans des embarcations se sont engagés dans le chenal de chaque côté de la jetée, s’assurant qu’aucun Japonais ne l’occupe ou ne la surveille. A l’aube, les chars foncent le long de la jetée et sur l’extrémité plate de Tanambogo. L’infanterie suit, par la jetée et par la mer. Une pluie d’obus de 37 mm est sans effet, mais un 75 mm AA, jusque là camouflé, se démasque et détruit deux Valentine avant qu’un Sentinel ne lui règle son compte. Les deux Sentinel s’installent alors sur la partie plate de l’île, dont ils prennent le contrôle. Travaillant en collaboration pendant que l’infanterie protège leurs flancs contre d’éventuelles équipes-suicides, ils commencent à démolir systématiquement les bunkers et autres fortifications en tirant au 25 livres, à bout portant ou presque. Les 37 mm sont rapidement détruits, ainsi que les principaux bunkers. Le Matilda I et le dernier Valentine achèvent le travail à la mitrailleuse derrière les Sentinel (le Valentine n’utilisant jamais son petit 2 livres inutile), fauchant l’infanterie japonaise obligée de se risquer à découvert. En moins d’une heure, la moitié de l’île est conquise, au prix de légères pertes australiennes. A 10h15, cependant, l’un des Sentinel reste coincé sur une souche de cocotier. Quatre Japonais se ruent vers lui, trois sont abattus, mais le dernier parvient à accrocher un bidon de 20 litres d’essence sur l’arrière du char avant d’être tué. Le chef de char tente d’aller le décrocher, mais il est lui-même abattu en passant l’écoutille du véhicule. Les balles japonaises

9 Jeu de mots entre la prononciation du sigle SBD-3 et de l’expression “Speedy-3”, “Rapide-3” – le SBD-3 Dauntless était rien moins que rapide. percent le bidon, l’essence s’écoule dans le compartiment moteur, s’enflamme immédiatement, et le char prend feu. Seul le pilote, gravement brûlé, peut s’en tirer. Cet épisode interrompt temporairement l’offensive australienne. Un périmètre de sécurité est établi sur la partie de l’île occupée. ……… Guadalcanal La nuit du 8 au 9 a été calme… à terre. Au matin, l’amiral Turner décide de rester encore deux jours pour finir au plus vite de décharger ses transports, mais il avertit Vandegrift qu’il devra partir le lendemain soir. Par bonheur, le mauvais temps devrait un peu préserver la flotte des attaques aériennes, mais on ne peut espérer qu’il se maintiendra longtemps. Comment accélérer le déchargement des navires ? Vandegrift fait reconnaître la baie de Tetere, 12 km à l’est de Red Beach. La région est plate, sablonneuse, et le seul établissement humain dans le secteur semble être une léproserie tenue par un vieux prêtre britannique. Comme on n’y trouve aucun Japonais, Vandegrift et Turner décident de débarquer sur cette plage l’essentiel du 2e Régiment de Marines et une grande partie du matériel restant dans les transports. Sur le front, la progression se poursuit, mais avec de grandes précautions – prudence excessive, mais il est difficile aux Américains de le savoir. La rivière Ilu débouche sur une lagune à marée de moins de 70 mètres de large, fermée par une bande de sable de 50 à 80 mètres de profondeur, dominant la rivière de trois mètres. Depuis deux jours, les Japonais s’y retranchent fiévreusement. Deux canons de 37 mm antichars, trois 25 mm et trois mitrailleuses lourdes ont été positionnés dans des mini-fortins pour couvrir la bande de sable. Le III/5e, chargé de s’emparer de cette position, est soutenu par six chars légers Stuart. Le plan américain est tout simplement une attaque frontale. Plus au sud, le II/5e progresse prudemment et le I/5e se tient en réserve. 09h30 –La compagnie la plus en pointe du III/5e s’engage sur la barre de sable, escortée par les six chars. Quelques minutes plus tard, l’infanterie est prise sous un intense tir d’armes automatiques, tandis que les 37 mm entament avec les Stuart un duel incertain, car si les canons sont très bien protégés, leur efficacité est limitée. Un seul canon est détruit par un coup heureux dans l’embrasure du bunker en sable et troncs de cocotier qui le protège, mais deux blindés brûlent sur le sable et les quatre autres se replient, croyant que les Japonais ont encore plusieurs canons. L’infanterie est clouée au sol et quand une autre compagnie avance pour la dégager, elle est la cible de tirs des canons de 25 mm, subissant elle aussi des pertes sévères. 10h30 – Le 11e Rgt d’Artillerie des Marines entame un bombardement de couverture, sans grand effet sur les Japonais bien retranchés. 12h00 – A 2 800 mètres au sud-ouest, les premiers éléments du II/5e approchent de l’Ilu. Les Japonais comprennent que leur position va être tournée et, sous le couvert de la jungle, la majeure partie de la 2e compagnie décroche. 14h00 – Les Américains repartent à l’attaque. Cette fois, les petits bunkers abritant les 37 mm et les 25 mm sont bien repérés et éliminés l’un après l’autre, ainsi que la centaine d’hommes laissée en arrière. 16h00 – L’action est terminée. Le cours de l’Ilu est nettoyé. La jungle s’éclaircit aux abords de l’aérodrome et Vendegrift prévoit de s’emparer de celui-ci le lendemain. A l’intérieur des terres, le 1er Régiment a continué d’avancer vers l’ouest, malgré la jungle et des tireurs isolés. En fin de journée, il borde le cours supérieur du Tenaru (la rivière coule du sud-ouest au nord-est). ……… “Ironbottom Sound” Toute la journée, les restes de l’escorte alliée s’activent à détruire les épaves et à récupérer les survivants, guidés par les hydravions Swordfish et les Walrus. A Tulagi, les ravitailleurs d’hydravions australiens ont en effet achevé d’établir une hydrobase. Les 16 Spitfire V gréés en hydravions (“Floatfire”) vont être les jours suivants la seule couverture aérienne des Marines. Apprenant la destruction de l’escorte, les 25e et 26e Koku Sentai, à Rabaul, décident de lancer un raid contre les transports avec les avions survivants. Néanmoins, le mauvais temps empêche les G4M1 de trouver leurs cibles. Ce mauvais temps coûte aussi au Nairana un de ses Floatfire, dont le pilote évalue mal sa hauteur au moment d’arrondir et brise son flotteur gauche. Le Floatfire coule par petit fond, mais il est repêché vers 16h00. Dans la soirée, le lieutenant Iishi fait une nouvelle sortie, cette fois avec ses trois vedettes. Le temps est médiocre, mais les grains de pluie réduisent la phosphorescence des eaux, permettant aux petits navires d’accélérer à 6 nœuds. Après la Pointe Lunga, il se rapproche de la côte, confortablement blotti dans l’ombre. A cette date, il bénéficie encore d’un avantage inestimable : les Alliés ne redoutent pas la présence de vedettes rapides japonaises. Ils supposent que toute petite embarcation aperçue dans le secteur appartient à la flotte d’invasion, et de fait, c’est le plus souvent exact. Même les marins des petits bateaux raisonnent de cette façon – aussi, quand Iishi se jette dans un groupe de bateaux Higgins au large de Red Beach, personne ne lui tire dessus. Le Japonais se garde bien de déclencher les hostilités. ……… Etats-majors alliés ( et Nouméa) Averti cinq heures après la fin de la bataille par un rapport incomplet mais non moins sombre, le COMCINPAC – l’amiral Chester Nimitz – ordonne à la TF-17, autour du CV Hornet, de quitter immédiatement Pearl Harbor pour aller aider Fletcher. A Nouméa, Ghormley est informé en début d’après-midi que la TF-17 10 a quitté Pearl et qu’elle atteindra les îles Santa Cruz le 15 dans la soirée. Peu après, il apprend que le CVE Long Island, chargé d’avions de renfort, atteindra Port-Vila avec son escorte dans la matinée du 20 11. A 16h00, un peu réconforté par la perspective de l’arrivée de deux porte-avions, un cuirassé, sept croiseurs et huit destroyers, Ghormley rencontre le contre-amiral Pierre Rouyer. Les deux hommes décident de concentrer des forces à Efate et d’y envoyer rapidement davantage de carburant, grâce à un petit pétrolier français qui doit faire chaque semaine la navette avec Espiritu Santo. Deux squadrons des Marines basés à Efate (VMF-223, Captain John L. Smith, avec 18 F4F-4, et VMSB-232, Major Richard C. Mangrum, avec 17 SBD-3) remettront leurs avions et une partie de leurs pilotes (dont le Major Lofton Henderson) aux groupes aériens de Fletcher pour compenser les pertes subies jusqu’alors (une quinzaine d’appareils en tout). Les deux unités de l’Aéronavale (l’AC-20, avec 19 Hawk-87 [P-40E] et l’AB-8, avec 15 DB- 73M [7 x M1 et 8 x M2]) iront renforcer la défense d’Efate, où une partie de l’AC-20 est déjà déployée. Le L.V. Yvon Lagadec est de la partie : « Les ordres sont arrivés dans la soirée du 9, en même temps que des rumeurs sur une épouvantable défaite subie par les Américains. J’avais cru que Nouméa était le bout du monde, j’allais changer d’avis en arrivant à Port- Vila. Mais Efate, cette île perdue, était en quelque sorte sur le front, ou tout près, et toute la flottille frémissait à l’idée de faire quelque chose, alors que certains avaient craint qu’on

10 La TF 17 comprend le CV Hornet, protégé par le BB South Dakota, les CA Pensacola et Salt-Lake City, le CL Honolulu, les CLAA Juneau et et le ComDesRon 2 (DD Anderson, Hughes, Mustin, Russel). 11 Le CVE Long Island est escorté par le CA Louisville, le CL Nashville et la Desdiv 11 (Cdr Frederick Moosbrugger – DD Gilmer, Gridley, Humphreys, McCall). nous fasse patrouiller autour du Caillou jusqu’à la fin des temps. » La décision d’envoyer l’AC-20 à Port-Vila laisse la Nouvelle-Calédonie sous la seule garde des P-400 de l’USAAF, mais avec la mise hors d’état de nuire de l’aérodrome de Tenaru, la menace d’une attaque de Betty s’est dissipée. Il faut aussi rassembler des avions d’attaque aux Nouvelles-Hébrides, pour soutenir les porte- avions de Fletcher si les Japonais arrivent par les Salomon Orientales – s’ils passent par les Salomon Occidentales, Fletcher pourra compter sur les avions de Port Moresby et d’Australie. Le 11e Heavy Bombardment Group de l’USAAF (colonel La Verne Saunders) doit être redéployé à Efate avec tous les B-17 disponibles aux Fidji, soit neuf B-17E/F seulement, mais quinze autres sont attendus des Etats-Unis vers le 15. Le 69e Bombardment Squadron (colonel Clyde Rich) suit le même chemin, avec six bombardiers-torpilleurs B-26 seulement, mais douze autres doivent rapidement le renforcer, venant des Fidji. Les PBY basés à Espiritu Santo et Ndeni tendent un vaste filet de reconnaissance jusqu’au nord-ouest de Bougainville. En revanche, la base de Malaita est considérée comme trop exposée après la bataille de Savo. Le ravitailleur Mackinac reçoit l’ordre de se retirer vers Espiritu Santo, abandonnant l’épave d’un PBY éventré sur un récif. Enfin, six Hudson de la RNZAF doivent se déployer à partir du 11 à Efate pour renforcer les possibilités de reconnaissance et le potentiel ASM de la région. Mais d’autres forces encore sont disponibles. Avant même le début de Watchtower, le vice-amiral Ghormley avait demandé d’établir un double écran de sous-marins. Les petits Type-S de l’US Navy doivent se concentrer autour de Rabaul et de Kavieng, tandis que Truk doit être couvert par les USS Greenling et Drum (venant de Pearl Harbor) ainsi que par les MN Pascal et Le Tonnant. Les patrouilles dans la région de Rabaul et Kavieng sont épuisantes pour les équipages des Type-S, mais les sous- marins de plus grande taille sont seuls à pouvoir opérer dans le secteur de Truk. A la suite du raid de Tanaka, Ghormley ordonne au Bévéziers et au Sfax de quitter immédiatement Brisbane. Ils appareillent à 18h00 et se dirigent d’abord vers le nord-est, à 12 nœuds, avant de prendre la direction de Truk. Si la flotte japonaise quitte Truk vers le sud-est, ils devraient être bien placés pour l’intercepter dans les eaux des Salomon Orientales. ……… Etat-major japonais (Truk) A Truk, où se trouve l’amiral Isoroku Yamamoto, les rapports de Tanaka et Goto ont d’abord été lus avec un peu d’incrédulité. A 07h45, un J1N1-C est envoyé en reconnaissance. Comme il signale de nombreux navires en feu près de Tulagi, un second appareil est envoyé à midi recueillir davantage d’informations. Cependant, le mauvais temps empêche de prendre de bonnes photos en restant à haute altitude. Le pilote ose descendre à 3 000 pieds, persuadé qu’il ne risque rien, mais il est surpris lors de son second passage par deux Floatfire du Nairana et abattu au large de la pointe Lunga. Néanmoins, les renseignements déjà recueillis et les détails fournis dans la journée par Tanaka sont plus que suffisants pour décider Yamamoto à déclencher immédiatement l’opération KA, prévue à l’origine pour les derniers jours du mois d’août. Il s’agit de détruire les bases d’Efate, d’Espiritu Santo et de Nouméa et de couvrir un débarquement à Efate (Port-Vila). On pourra ainsi mettre fin plus facilement à la tentative américaine de reprendre Guadalcanal, gêner gravement les échanges entre les Etats-Unis et l’Australie et – du moins, c’est l’espoir de l’état-major de la Marine Impériale – imposer aux Américains une “bataille décisive” où leur flotte affaiblie sera éliminée par la Flotte Combinée. Le plan prévoit qu’une force commandée par le vice-amiral Takeo Takagi et construite autour du porte-avions léger Hiyo et des cuirassés Mutsu et Nagato, frappera les installations alliées à Tulagi et Guadalcanal le 13 en début de journée, couverte par les quatre grands porte-avions de l’amiral Nagumo. Les renforts terrestres prévus seront débarqués par la suite. Le premier convoi en route pour Guadalcanal a en effet été détourné dans la matinée en apprenant l’attaque des avions du Wasp contre la flotte de Tanaka ; ces navires (dont celui qui porte le colonel Ichiki, furieux de ce retard) doivent aller se réfugier aux Shortland, dont le mouillage est déjà en état de défense. Cette opération ne peut que provoquer une forte réaction alliée. Les porte-avions américains s’attaqueront à l’escadre de Takagi, servant d’appât, et seront détruits par les avions de la Flotte Combinée. Au cas où la flotte alliée n’aurait pas encore été détectée le 14, Nagumo et Takagi exécuteront une variante de l’opération KA : les avions de Nagumo iront écraser Espiritu Santo et Efate pendant que Takagi ira bombarder Nouméa, pour couper de leurs bases les forces alliées débarquées à Guadalcanal et Tulagi. Ils attendront ensuite la réaction alliée pendant deux ou trois jours. Yamamoto ordonne à Nagumo et Takagi d’appareiller de Truk à midi le lendemain 10 août. Cependant, cette décision inquiète le précautionneux Nagumo : « N’est-ce pas agir avec trop de précipitation ? En dehors des deux unités qui patrouillent actuellement dans cette zone (et qui ne vont pas tarder à devoir rejoindre leur base), les sous-marins de la 6e Flotte n’auront pas le temps d’aller prendre position entre les Nouvelles-Hébrides et les Santa-Cruz pour nous avertir de l’arrivée des forces adverses. » Mais Yamamoto réfute l’argument : « Ces sous-marins de reconnaissance n’ont pas jusqu’alors montré une bien grande efficacité ! Pour déséquilibrer l’ennemi, il nous faut agir avec promptitude. Prenez exemple sur Tanaka ! » Nagumo n’est pas convaincu : « Tanaka avait avec lui la fleur de la Marine, des hommes d’une grande expérience. Hélas, si les pilotes et les équipages de nos avions sont toujours aussi courageux, leur qualité moyenne a baissé depuis le début des opérations. Nos groupes aériens ont subi de lourdes pertes, et le nouveau programme d’entraînement accéléré nous envoie des jeunes gens pleins de fougue, mais d’un niveau technique moindre qu’auparavant… » – Justement, tranche Yamamoto. Il faut donc frapper sans attendre. C’est maintenant ou jamais !

Campagne de Nouvelle-Guinée Milne Bay – En réponse au raid de la veille, six Beaufort du Sqn 100 bombardent Lae. Les nuages empêchent d’observer les résultats, mais si trois A6M2 accrochent les bombardiers au retour, aucun n’est abattu.

Opération Oni, ou le “siège” de l’Australie Côte Orientale de l’Australie, 20h30 (opération Oni, Phase 3e) – L’I-157 repère le convoi OC-23 (huit cargos et quatre escorteurs) au large de Newcastle. Le convoi ne marchant qu’à 11 nœuds et les escorteurs n’étant pas équipés de radar, le sous-marin parvient à le dépasser et à se mettre dans une position de tir idéale. Il tire une salve complète, huit torpilles type 95. Cette salve est très efficace. Le Hollandais Palembang (Rotterdamsche Lloyd NV, 7 070 GRT, 13,5 nœuds, allant de Liverpool à Melbourne et Newcastle avec un chargement partiel de tissus, de whisky et de matériel minier) est foudroyé par deux torpilles et coule en quelques minutes. L’American Builder (American Pioneer Line, 6 834 GRT, 14 nœuds, allant de Panama à Melbourne et Brisbane avec du matériel militaire et de construction) est touché au milieu par une torpille. Il coule lentement mais inexorablement. La salve fait une troisième victime, le Norvégien Santos (A/S Ivarans Rederi, 4 639GRT, allant de Whyalla à Newcastle avec du minerai de fer). Sans doute touché par deux torpilles, le bateau disparaît en quelques secondes sans laisser de survivants. Quoique pourchassé et légèrement endommagé, l’I-157 peut s’échapper. Cette salve de torpilles restera la plus destructrice de la campagne Oni, avec trois navires coulés totalisant 18 543 GRT. D’après Research for Australian Official Histories, 1949, notes de Mr Norman.

La guerre sino-japonaise L’USAAF en Chine Port-Arthur (Chine du Nord) – Sept B-25 venus de la région de Yan’an approchent du port à très basse altitude et pilonnent les quais et les entrepôts voisins. Les dommages sont assez considérables, l’entrepôt de peinture et de bois d’œuvre est incendié, il brûlera jusqu’au lendemain.

10 août Campagne du Pacifique Sud – Opération Watchtower Ironbottom Sound, 00h25 – Au centre de la baie, le lieutenant Iishi aperçoit une forme blanche en V devant lui – il lui faut quelques instants pour comprendre qu’il s’agit de la lame d’étrave d’un navire rapide, vue de face. Les deux vedettes lancent leur moteur principal et s’écartent rapidement, évitant de justesse le navire de tête d’une colonne de trois DMS, les Hopkins, Hovey et Southard. Ceux-ci aperçoivent les bateaux japonais, mais les prennent pour des chaloupes rapides de l’US Navy, qui leur ressemblent un peu (les MTB américaines sont très différentes). Iishi s’arrête quelques minutes plus tard pour réfléchir. Il est à présent 2 000 mètres derrière les DMS, qui filent 12 à 15 nœuds. Pour les attaquer, il lui faut les suivre et les dépasser en allant, peu discrètement, à 25 nœuds environ. Iishi n’hésite pas, d’abord sur une route divergente, puis sur un cap parallèle, puis en revenant vers leur position supposée. Mais les DMS ont changé de cap et ralenti. Ne les voyant pas apparaître, Iishi va les chercher. Au bout d’une heure et demie, il détecte deux bâtiments du même type – non pas les trois DMS qu’il a déjà aperçus, mais deux autres, les Trever et Zane. 01h20 – Après une lente approche, Iishi ordonne de lâcher les torpilles, avant de se détourner dix secondes plus tard. Inconscients du danger, les deux DMS patrouillent lentement. Les sillages des six torpilles ne sont pas détectés, car les engins arrivent de l’est, où les marins américains pensent qu’il n’y a que des bateaux alliés. A 01h22, les hommes de quart sur le Trever voient une torpille passer juste devant la proue, puis une autre frappe leur navire au niveau de la passerelle, et dix secondes plus tard, une troisième touche la poupe. Le Trever coule rapidement, pendant que tous les navires alliés dans le secteur mitraillent nerveusement dans toutes les directions, croyant le plus souvent tirer sur des périscopes fantomatiques. Indemne, Iishi remet le cap sur sa base, satisfait de sa nuit… mais il n’a plus une seule torpille.

Secteur de Tulagi – Tanambogo Dans la nuit, les Japonais lancent plusieurs petites attaques, et peu avant l’aube, ils déclenchent une attaque en vague humaine, débordant une partie du périmètre. L’AMF riposte par deux charges à la baïonnette et, après de féroces combats au corps à corps, les Japonais sont rejetés. Les pertes sont lourdes dans les deux camps, mais du côté japonais, on ne compte que des morts. L’avance australienne reprend le jour venu. La combinaison Matilda I, Sentinel et infanterie se montre extrêmement efficace. Les deux types de chars se complètent parfaitement dans ces conditions, et les Japonais n’ont aucune réponse à leur opposer. Deux Valentine s’efforcent d’en faire autant en travaillant avec les deux Mk VI pour nettoyer le terrain, mais les 37 mm japonais détruisent rapidement les deux petits engins. De leur côté, les Valentine se révèlent moins utiles que le Matilda Mk I, car ils n’ont qu’une mitrailleuse légère, bien moins efficace que la Vickers de .50 du Matilda, et les obus pleins de leurs 2 livres sont inefficaces contre les bunkers. Cependant, toute résistance organisée cesse dans la soirée. Il n’y a que deux prisonniers japonais, tous deux blessés. En tout, la 28e Brigade a perdu plus de 500 hommes (200 morts et 300 blessés). « L’étude du réseau défensif montra une redoutable fortification, avec de nombreux fortins reliés par des tunnels. Selon les vétérans de la Première Guerre, l’îlot aurait été pratiquement impossible à prendre d’assaut sans les chars Sentinel, Matilda et Valentine et sans l’artillerie lourde (25 livres). L’aptitude du Sentinel à encaisser les tirs antichars japonais et à détruire d’un seul coup les bunkers fut chaudement applaudie. Le Sentinel survivant portait les traces de plus de 150 impacts. Les Matilda Mk I étaient devenus fort rares. La 28e Brigade n’en avait reçu que par hasard. Les Matilda II étaient eux-mêmes assez rares, et très appréciés. En revanche, les Valentine étaient disponibles en nombre. L’étude de l’utilisation des blindés dans cette bataille ayant montré que le Sentinel avait besoin d’un engin complémentaire pour protéger ses flancs, c’est sur cette base que fut développé le “Valentine Echidna”, un Valentine doté d’une mitrailleuse lourde Vickers à la place de son canon de 2 livres, et pourvu d’une épaisseur de cuirasse supplémentaire. Les Echidna étaient lents, mais complétaient parfaitement les Sentinel pour ce genre de combat. » (B. Marcus, Les Forces armées australiennes dans la Seconde Guerre Mondiale) ……… Guadalcanal – Au matin, les Marines sont prêts à enlever l’aérodrome. Précédés par une douzaine de Stuart, les II et III/5e doivent attaquer respectivement du nord-est et de l’est, tandis que le I/5e restera en réserve. Au sud, le 1er Rgt doit couronner la crête de Tenaru. Du côté de Tetere, le 2e Rgt doit explorer la partie est de l’île – il constatera finalement l’absence totale de Japonais dans cette région. Pendant que le 1er Rgt lutte contre les pièges de la nature et du relief local sur les pentes de la crête de Tenaru, le 5e donne l’assaut, précédé par le premier vrai barrage d’artillerie de la campagne. Les artilleurs, trop heureux de viser des cibles clairement identifiées, matraquent littéralement la défense. Les cibles les plus visibles, comme les pentes des collines et les tranchées repérées, sont couvertes d’obus de 75 mm et de 155 mm. Pourtant, malgré l’effet de choc, les pertes réelles sont faibles, car les Japonais se sont bien enterrés. Néanmoins, leur artillerie souffre, surtout les redoutables mais encombrantes pièces de 75 mm de DCA (bien protégées contre les avions, mais non contre l’artillerie). Pendant ce temps, les Marines profitent des conduites de drainage et des trous d’obus pour s’infiltrer à travers la piste. Malheureusement, dès le barrage levé, c’est la catastrophe. Trois des douze Stuart sont foudroyés par les 75 mm AA qui ont survécu et de plus fortes pertes ne sont évitées que grâce à l’étroitesse de l’angle de tir des pièces installées dans des bunkers improvisés. Quant à l’infanterie d’accompagnement, elle est visée par les tirs des mortiers de 50 mm et des canons de 25 mm survivants. Les hommes qui parviennent aux positions japonaises tombent sur un millier de combattants bien retranchés. Heureusement pour les Américains, les défenseurs sont loin d’être parfaitement entraînés, puisque composés d’un mélange d’hommes de la 5e SNLF, d’artilleurs de la Marine et d’ouvriers de la 11e unité de construction. Les pertes du II/5e sont cependant sensibles. D’abord sidéré par la solidité des défenses japonaises, Vandegrift se ressaisit. Il commence par remettre en jeu son artillerie, dont le tir est réglé par les hommes du 1er Rgt, qui sont parvenus à atteindre le sommet de la crête et dominent l’aérodrome. En fin de matinée, trois hydravions Swordfish du Nairana accomplissent des vols d’observation des positions japonaises, lâchant de petites bombes anti-personnel et réglant le tir de l’artillerie de la Jeanne d’Arc, dont les obus de 56,5 kg, qui peuvent porter à 21 600 m, sont très efficaces. De plus, Vandegrift fait avancer son bataillon parachutiste, qui, débarqué à Pointe Cruz le 7 en fin de journée, a prudemment progressé vers Tenaru les deux jours suivants sans rencontrer d’opposition. Il doit prendre à revers les défenses du terrain. A 15h30, nouvel assaut. Le I/5e remplace le II/5e et cette fois, les chars sont en seconde ligne, intervenant spécifiquement contre les 25 mm et les mitrailleuses, tandis qu’on fait appel à l’artillerie chaque fois qu’un 75 mm est repéré. L’avance est lente et difficile, avant-goût de ce que seront les assauts des trois années suivantes, mais l’arrivée des parachutistes d’une direction que les Japonais n’attendaient pas emporte la décision. Au soir, les défenseurs survivants sont fragmentés en petits noyaux de résistance, mais aucun ne songe à se rendre. Le Lt-colonel Naga est mort. ……… Ironbottom Sound, 10h35 – Les cinq derniers G4M1 de Rabaul tentent d’attaquer les transports à basse altitude, escortés par huit Zéro. Leur arrivée est annoncée par les coastwatchers et ils sont interceptés par des Floatfire, qui surprennent les Zéro et abattent deux Betty, avant de perdre deux d’entre eux sous les coups des escorteurs japonais. Le bombardement est inefficace. 17h30 – Deux E13A1 basés à Rekata attaquent le mouillage de Tulagi, endommageant un Swordfish. En revanche, les Floatfire ne ratent pas un autre petit hydravion, qui tombe au large de Red Beach. Dans la journée, le contre-amiral Turner est parvenu à débarquer l’essentiel du matériel qui restait sur ses navires. La 1ère Division des US Marines est à pied d’œuvre avec 55 à 60 jours de ravitaillement. Mais Turner est convaincu qu’il serait imprudent de rester un jour de plus. 23h50 – Toute la flotte lève l’ancre et reprend la route de Nouméa. Les seize transports encore en état de naviguer n’ont plus pour escorte que la Jeanne d’Arc, sept destroyers intacts (Blue, Dewey, Helm, Hull, Jarvis, Ralph Talbot, Wilson), 4 DMS et 4 APD. Le destroyer Monssen, le croiseur lourd Australia et le croiseur léger Leander sont tous plus ou moins endommagés (le DD Buchanan est reparti seul deux jours plus tôt). Les trois AMC et le transport australiens se joignent à l’exode. Restent sur place le “morceau de croiseur lourd” Astoria et le cargo Crescent City, non coulés mais incapables de naviguer, les ravitailleurs d’hydravions Nairana et Zealandia, camouflés avec soin à Tulagi, et le navire-hôpital Wanganella. “L’Asto” est condamné, et Turner s’est assuré qu’il n’est plus servi que par des volontaires. Mais en jouant le rôle de “chèvre”, le croiseur amputé attirera de nombreuses bombes japonaises qui pourraient, sinon, viser les ravitailleurs d’hydravions australiens ou des dépôts de matériel vitaux. Sa DCA pourrait bien être aussi très utile – et il est de toute façon impossible de le remorquer… ……… Etat-major allié (Nouméa) – Le vice-amiral Ghormley s’attendait au départ de Turner – sans escorte ni appui aéronaval, il ne pouvait rester longtemps sur place. C’est pourquoi il revoit le contre-amiral Rouyer pour lui demander s’il lui paraît possible d’utiliser les croiseurs Emile- Bertin et Lamotte-Picquet pour ravitailler Guadalcanal. L’idée paraît bonne : les deux navires peuvent facilement joindre Port-Vila à Tulagi ou Guadalcanal en 24 heures, débarquer leur chargement de nuit et repartir assez vite pour être hors de la zone dangereuse à l’aube. A eux deux, ils peuvent transporter 650 tonnes, et un aller-retour tous les trois jours semble possible. Les deux croiseurs représenteront un appoint considérable pour les “destroyers de transport” américains déjà sur place, les APD Colhoun, Gregory, Little et McKean. Contactée, la marine australienne propose la participation d’un destroyer ancien, le HMAS Stuart, utilisé pour l’entraînement et l’escorte locale ASM depuis que son équipage de vétérans a été envoyé servir sur un navire moderne. Il est décidé de lui enlever deux canons et ses tubes lance-torpilles avant de l’envoyer se joindre aux croiseurs français et à la force de transport rapide de l’US Navy ; son arrivée est prévue dans une semaine. 22h15 – La flotte de Fletcher arrive à Port-Vila et commence à se ravitailler en carburant et munitions. 23h30 – Fletcher signale à Ghormley qu’il prévoit de quitter Port-Vila le jour suivant à midi, après avoir reconstitué ses groupes aériens avec des avions des Marines – il a perdu huit Wildcat en combat aérien et quatre Avenger et deux Dauntless abattus par la DCA. ……… Etat-major japonais (Rabaul), 07h40 – L’escadre de Tanaka arrive à Rabaul, où l’attend un message de Yamamoto : « J’apprécie la lutte ferme et courageuse de chacun des hommes sous votre commandement. Je sais que vous accomplirez de nouveaux exploits et que vous n’épargnerez aucun effort pour soutenir les forces de l’Armée Impériale, qui sont aujourd’hui engagées dans une lutte désespérée. » Comme le notera plus tard l’historien américain S.E. Morison, il s’agissait d’une figure de style : ni Tanaka ni Yamamoto ne savaient à ce moment combien la lutte serait effectivement désespérée – encore que, si l’on en croit ses fameux Mémoires, Yamamoto l’ait soupçonné dès cette époque. Cependant, le raid a coûté à Tanaka tous ses croiseurs lourds : un seul a été coulé, mais les trois autres ont besoin de réparations plus ou moins longues, au Japon. Le Jintsu (avarié par les obus de la Jeanne d’Arc) est hors de combat pour quelque temps, mais sera réparé à Rabaul. L’Amatsukaze, qui a reçu une rafale d’obus de 5 pouces du Monssen, a lui aussi besoin de réparations. Enfin, l’Hayashio (ébranlé par les obus de la Jeanne d’Arc) et l’Oyashio (qui a reçu une bombe américaine) ne sont pas dans leur meilleure forme, mais ils vont quand même devoir retourner très vite au combat. Par ailleurs, les officiers du service du ravitaillement en munitions sont consternés : en une nuit, l’Escadre des Mers du Sud a consommé 136 exemplaires (tirés ou détruits) de l’efficace mais coûteuse torpille de 24 pouces Type-93. Et il va falloir maintenant réarmer d’urgence le Kitakami et les quatre destroyers intacts ou peu gravement atteints, ce qui représente 88 torpilles ! ……… Truk, midi – Takagi et Nagumo commencent à appareiller. Cette énorme concentration de navires ne peut passer inaperçue. L’USS Greenling et le MN Pascal s’efforcent tous deux de se mettre en position de tir, mais doivent plonger profondément pour éviter les nombreuses patrouilles aériennes. 20h08 – Le Pascal peut signaler à Nouméa : « Grand nombre de navires ennemis quittant Truk, cap au sud-est. » Ghormley et Rouyer n’ont aucun doute sur les intentions ennemies et préviennent immédiatement Turner et Fletcher. Les systèmes d’écoute radio du Yamato ont détecté le message du Pascal et l’amiral Yamamoto sait que la sortie de ses flottes a été signalée, mais d’une certaine manière, cela favorise son plan : provoquer la bataille décisive ! Néanmoins, l’amiral est préoccupé par les pertes subies par les flottilles aériennes maintenant basées à Rabaul et ordonne de leur envoyer des renforts. Ce sont 22 A6M3 mod. 32 tout neufs et dix G4M1-Kai 12. ……… Washington – L’amiral King rencontre le Président F.D. Roosevelt pour l’informer des pertes subies lors de la bataille de Savo. Les deux hommes tombent d’accord pour étouffer l’information concernant cette sévère défaite jusqu’à ce que l’US Navy puisse revendiquer un nombre raisonnable de succès.

Campagne de Nouvelle-Guinée

12 Le G4M1-Kai est une variante du Betty équipée d’un modèle primitif de réservoir auto-obturant, réduisant son autonomie de 6 000 à 5 400 km. Piste de Bulldog – Trois cents Japonais environ rejoignent près de Kudjeru les 150 hommes de l’arrière-garde de la Force Kanga. Leur premier assaut est repoussé, et le commandement japonais ordonne de faire venir en première ligne un canon de 70 mm et trois mortiers. … Piste de Kokoda – Peu avant le coucher du soleil, 16 Wirraway, accompagnés de cinq Boomerang chargés de mitrailler la DCA japonaise et couverts par quatre Hurricane, arrivent au dessus de Myola. Les Wirraway doivent plonger par dessus les positions australiennes, suivre la ligne de crête, lâcher leurs bombes sur les bunkers de la zone découverte devant le village, puis tenter de sortir de leur piqué dans la vallée tout en virant à droite pour suivre le cours de la rivière et éviter de percuter l’une des montagnes voisines. Réussir la manœuvre est un véritable exploit, et il faut l’accomplir dans un avion lent et vulnérable, sous le nez de la DCA japonaise. Une DCA d’autant plus à craindre que chaque avion à son tour doit suivre exactement le même chemin, à quelques mètres du sol, au dessus des troupes ennemies. Les pilotes des Wirraway sont tous volontaires, et ils ont jusqu’au dernier interdit à leurs mitrailleurs de participer à la mission. Les Boomerang “travaillent” les positions japonaises au canon et à la mitrailleuse, pendant que le premier Wirraway commence son approche. Le largage des bombes est quasi parfait et l’avion s’enfuit en rasant le village, dépasse l’éperon opposé, redresse juste au dessus de l’eau et s’échappe en suivant le torrent – mais il a réveillé les défenses. Le deuxième des seize avions dépose ses bombes droit sur sa cible, dépasse le village, bascule sur une aile et percute de plein fouet la paroi montagneuse. Le troisième réussit à traverser le rideau de feu qui s’élève, mais il est endommagé et doit aller se poser sur le ventre à Myola. Le quatrième explose au dessus du pont, le cinquième prend feu en survolant le village et s’écrase au milieu des positions japonaises, près du torrent. La confusion qui s’ensuit permet au sixième de survivre, mais dans un tel état que lui aussi doit se poser à Myola, réduit à l’état d’épave. Le septième réussit à passer. En revanche, les quatre suivants sont tous abattus par des tirs de plus en plus précis, mais non sans avoir lâché leurs bombes selon le protocole. L’impact de ces bombes crée une telle fumée que les servants de la DCA sont aveuglés et que les cinq derniers Wirraway vont passer – mais l’un va s’écraser sur la montagne et un autre va enrichir la collection d’épaves posées à Myola. Au total, sur les 16 Wirraway, cinq seulement, dont quatre criblés de balles, rentrent à Jackson’s Field. Huit pilotes sont morts. Les hommes de l’AIF ont d’abord observé avec joie le premier Wirraway s’aligner pour sa passe, sachant que cette artillerie volante pouvait leur épargner de nombreuses pertes. Puis, voyant chaque appareil suivre exactement le chemin du précédent en dépit du destin de la plupart, la joie a fait place à un éloge amer du courage des pilotes. Dès que le dernier avion a parcouru son chemin de croix, tous les mortiers disponibles bombardent le village et ses alentours durant trente minutes, pendant que le bref crépuscule tropical fait place à la nuit. Alors les hommes s’élancent. Les Japonais luttent énergiquement, mais leurs positions ont été très entamées par les bombes et les trois compagnies chargées de l’attaque les submergent. La plupart des défenseurs des bunkers se font tuer sur place. Au contraire, ceux du village sont mis en déroute par une véritable grêle de grenades à main. Ils s’enfuient vers le torrent, où la moitié se noient. A minuit, la saillie rocheuse où ne se trouvent plus que les restes du misérable hameau d’Eora est à nouveau aux mains des Australiens.