14e Rencontres Bourgogne-Nature et 6e rencontres Odonatologiques Les libellules : le juste milieu ? Entre naturalité et intervention article

Exemple de mise en place d’un plan de gestion sur deux zones humides en secteur periurbain

Dimitri MERCIER 1

Résumé Le Dévorah et la Chagne sont deux petits ruisseaux situés aux portes de la ville de Bourg-en- dans le département de l’. Bordés de zones humides, ces cours d’eau ont été fortement aménagés depuis l’après-guerre. Depuis 2009, des pressions et perturbations sur ces milieux ont été mises en évidence par des associations locales. Il a toutefois fallu attendre l’année 2016 et l’émergence d’un second contrat de rivière, pour qu’une dynamique soit lancée. Le Syndicat du Bassin Versant de la (SBVR) s’est porté comme maître d’ouvrage principal pour la réalisation de ce projet. En 2017, les élus du syndicat, les fi nanceurs et les partenaires techniques du projet se sont accordés pour agir dans le cadre d’un plan de gestion sur 5 ans. Cet article vise, entre autres, à montrer les étapes de réalisation de ce plan de gestion des zones humides qui se déroule dans un contexte délicat. Enfi n, il illustre, par un cas pratique, l’intérêt d’une approche de concertation avec l’ensemble des acteurs qui interagissent directement ou indirectement avec les cours d’eau.

Mots-clés : annexes hydrauliques, Coenagrion mercuriale, restauration, préservation, parties prenantes. Example of setting up a management plan for two wetlands in the peri-urban area Abstract Devorah and Chagne are two small stream located at the gates of Bourg-en-Bresse city, into Ain department. Interest wetlands adjoin these rivers and witness natural richness. They present functional rules for watercourse and human being : fl ood expansion area, ecological corridor, water purifi er rule, etc. Since 2009, pressions and disturbs are highlighted by associations. But, we waited 2016 and emergence of second management plan of Reyssouze river, to develop mobilization to preserv Devorah and Chagne wetland. Union of Reyssouze watershed (SBVR) is main building owner to manage new project around these natural area. In 2017, policians, fi nancers and technical partnership of SBVR have granted to act in case of management plan of a period of 5 years. This article aim 1. to show step of wetland management plan realization and 2. to prove interest of action strategy developed around key species : Coenagrion mercuriale. Finally, it illustrates importance of consultation with stakeholders which directly or indirectly interact with rivers.

Key words : additional natural area, Coenagrion mercuriale, restoration, preservation, stakeholders.

1 Syndicat du Bassin Versant de la Reyssouze - 321 route de Foissiat - 01340 Jayat - [email protected]

Introduction Le territoire de la Reyssouze et de ses affl uents, de par sa géologie, sa pédologie, son large réseau hydrographique et la présence d’habitats semi-naturels encore préservés (prairie de fauche et pâture en bocage), est doté d’une faune et d’une fl ore remarquables. Des prairies sèches du Revermont aux prairies humides du val de , ce ne sont pas moins de 14 zones d’intérêts écologiques qui sont répertoriées sur ce territoire. Les zones humides possèdent une biodiversité remarquable et spécifi que (SKINNER & ZALEWSKI, 1995) mais toutefois menacée. Les destructions de terres agricoles (prairie notamment) pour l’installation d’activités industrielles, l’urbanisation, la réalisation de voies de transport mais aussi les changements des pratiques agricoles (intensifi cation de l’agriculture) perturbent le fonctionnement hydraulique de ces aires naturelles, voire les font disparaître (Eau , 2015). Les cours d’eau du Dévorah et de la Chagne sont des affl uents de la Reyssouze situés dans la zone périurbaine de la ville de Bourg- en-Bresse (01), en limite d’un site industriel exploité par Renault Trucks. Deux zones humides, le marais du Dévorah et de la Chagne, d’une superfi cie respective de 2,5 ha et

Revue scientifi que Bourgogne-Franche-Comté Nature - 27-2018, 197-200 197 1,3 ha bordent ces rivières (fi gure 1). Plusieurs études naturalistes ont permis de mettre en avant le fort potentiel écologique sur ces milieux aquatiques et humides. Nombreuses sont les espèces patrimoniales identifi ées : Coenagrion mercuriale, Lampetra planeri, Carex appropinquata, Oxygastra curtisii… (FRAPNA, 2017 ; Fédération de pêche de l’Ain, 2010 ; FRAPNA, 2010a, 2010b ; Groupe SYMPETRUM, 2008 ; FRAPNA, 2005). Les lourds aménagements de la deuxième moitié du XXe siècle ont modifi é fortement le profi l en long de la rivière du Devorah et le fonctionnement hydraulique de son marais. Il présente un défi cit hydrique illustré par l’assèchement de plus en plus marqué des mares présentes sur le site. Sans gestion depuis plusieurs années, les deux ruisseaux et leurs annexes sont soumis au développement massif des ronciers. L’intérêt porté pour la préservation de ces entités est unanime. Elles jouent un rôle important pour la ville de Bourg-en-Bresse (zones d’expansion de crue) mais également pour le territoire dans son ensemble (rôle épurateur de l’eau, richesse naturelle, potentiel d’ouverture au public). Le Syndicat du Bassin Versant de la Reyssouze (SBVR) porte depuis 2014 un contrat de rivière sur la Reyssouze et ses affl uents. Il s’est porté maître d’ouvrage pour la rédaction d’un plan de gestion qui vise à restaurer et préserver les deux marais.

Marais du Dévorah

Marais de la Chagne Légende Bassin-versant Dévorah Réseau hydrographique Cours d’eau Drain Fossé Réseau busé Ruissellement Nord Source 0 500 m Zones humides Devorah

Figure 1. Bassin-versant et réseau hydrographique du Dévorah.

Méthodes et mise en œuvre du projet L’ossature du plan de gestion adopte les prescriptions des cahiers techniques de l’Agence de l’eau Rhône-Méditerranée-Corse (Agence de l’eau Rhône-Méditerranée-Corse, 2017). Il vise dans un premier temps à établir un état des lieux. Une description générale du site est réalisée : localisation du site, entités paysagères présentes sur le bassin- versant, occupation des sols, foncier, inscription dans les documents d’aménagement du territoire et dans les documents d’urbanisme. La seconde partie de l’état des lieux concerne le fonctionnement hydraulique des zones humides et recense des données d’ordre physique : géologie, pédologie, climat, topographie, contexte historique et aménagements hydrauliques, réseau hydrographique, réseaux d’assainissements et d’eau pluviale et le fonctionnement hydraulique du cours d’eau et des zones humides. Deux campagnes d’analyse de qualité des eaux (métaux lourds et qualité chimique) du Dévorah et de la Chagne ont été effectuées. Ces analyses s’avèrent nécessaires pour comprendre les causes des perturbations perçues sur le terrain. Elle reste toutefois diffi cile à mettre en œuvre : données éparpillées, diffi cultés pour la récupération des données historiques et des données des études réalisées sur le bassin-versant, certaines données non conformes à la réalité du terrain…

198 Dimitri MERCIER Revue scientifi que Bourgogne-Franche-Comté Nature - 27-2018, 197-200 Légende Bassin-versant Dévorah Secteur études 2017 Réseau hydrographique Cours d’eau Drain Fossé Réseau busé Ruissellement Nord Source 0 250 m Zones humides Devorah

Figure 2. Secteur d’étude à enjeux écologiques.

Concernant l’analyse portée sur le patrimoine naturel, une synthèse environnemen- tale a été réalisée pour faire état des données naturalistes historiques et actuelles d’un secteur défi ni comme étant à enjeux écologiques (fi gure 2). L’expertise hydrobiologique de la fédération de pêche de l’Ain (2010) vient compléter les données sur les habitats aquatiques et les peuplements piscicoles des cours d’eau. Le plan de gestion se termine par un diagnostic établissant les grands enjeux du bassin- versant du Dévorah, les objectifs qui en découlent et un plan d’actions défi ni sur 5 ans. Les atouts du plan de gestion Cet important travail mené en concertation par le SBVR a permis de faire émerger une prise de conscience forte autour des zones humides et des services qu’elles peuvent fournir localement. Les différentes analyses réalisées ont pu mettre en évidence des secteurs sensibles impactant le cours d’eau et ses annexes hydrauliques. Des premières actions hors contrat ont vu le jour en 2017 sur la base de partenariats techniques développés avec des entreprises privés et des collectivités. L’entreprise GRT Gaz a fait valoir une mesure compensatoire d’une durée de 10 ans qui vise à restaurer la conti- nuité écologique de la ripisylve du Dévorah sur un linéaire d’environ 3 km. Coenagrion mercuriale, espèce clé de voute, est particulièrement ciblée pour cette action. Renault Trucks a entrepris des travaux de préservation de zone humide sur ses propriétés. L’industriel a également fi nancé les analyses de l’eau réalisées dans le cadre du plan de gestion. Des perspectives d’actions ont été émises par l’entreprise qui souhaiterait valoriser son patrimoine auprès de ses agents. La ville de Bourg-en-Bresse s’est éga- lement rapprochée du SBVR pour la mise en place de travaux de réouverture de zone humide sur les mares situées dans le marais du Dévorah. Un plan de gestion menacé ? Comme évoqué précédemment, les linéaires de cours d’eau traversent en grande partie des aires périurbaines et urbaines. Le plan local d’urbanisme ne garantit pas totalement la réussite du projet car même si la plupart du linéaire du cours d’eau et de ses abords immédiats sont classés en zone naturelle, des zones constructibles existent à proximité immédiate des ruisseaux. Même si les cours d’eau ont subi de lourds aménagements par le passé, ils conservent encore une biodiversité intéressante. Ce dernier point, cumulé avec la présence de article > Exemple de mise en place d’un plan de gestion sur deux zones humides en secteur periurbain 199 Dimitri MERCIER sentiers qui parcourent ces milieux naturels et la Chargé de mission au Syndicat du proximité de la population confèrent à ce lieu un fort Bassin Versant de la Reyssouze, il mène depuis 2015 des projets de potentiel pédagogique. La mise en place d’infrastruc- restauration des cours d’eau et de tures de découverte pourrait être un facteur clé pour préservation des milieux aquatiques. Il est également en charge de la favoriser l’appropriation local du projet et sa réussite communication. sur le long terme. Discussion et perspectives du projet Les mesures proposées dans le cadre du programme d’actions ont été réalisées en collaboration avec les différents partenaires du projet. Elles répondent à 4 enjeux majeurs qui sont : - La qualité de l’eau du Dévorah - Le bon fonctionnement écologique des zones humides - La restauration de la continuité écologique - L’appropriation du projet par les partenaires et la population La réalisation de ce travail en interne au syndicat est plus longue en terme de mise en oeuvre mais permet d’avoir une meilleure connaissance du terrain. Dans le contexte existant, la mise en place du plan de gestion par un organisme extérieur n’aurait pas permis d’obtenir un travail aussi abouti que celui entrepris par le syndicat. La contribution des différents acteurs du territoire (usagers, riverains, associations naturalistes…) a permis d’avoir une très bonne connaissance historique de l’évolution du site. De plus, ces échanges ont permis d’initier des partenariats comme par exemple la mise en place d’opération de gestion pour une durée de dix ans dans le cadre d’une mesure compensatoire portée par GRT gaz. La prise de position du SBVR comme maître d’ouvrage sur cette mission est impor- tante. Un interlocuteur unique est aujourd’hui identifi é. Ainsi, le syndicat pourra être consulté dans le cadre de futurs projets d’aménagement sur le bassin-versant du Dévorah. Cette communication pourra être amplifi ée lorsque les différents travaux de restau- ration auront été réalisés et que des actions concrètes pourront être mises en lumière. Comme évoqué précédemment, le travail mené par le SBVR est réfl échi dans une perspective à long terme. Le site du marais du Dévorah présente un potentiel certains d’ouverture au public car il se situe à proximité immédiate du projet de voie verte mené par la Communauté d’Agglomération du Bassin de vie de Bourg-en-Bresse (CA3B). Il s’agit donc d’une belle opportunité pour assurer une plus grande lisibilité du projet à plus large échelle. Le syndicat travaille avec la CA3B pour que le marais du Dévorah soit intégré comme un des sites phares du tracé. Conclusion Ce vaste projet sur les cours d’eau du Dévorah, de la Chagne et leurs annexes hydrauliques pourrait, à terme, être présenté comme un chantier modèle pour la pré- servation des zones humides de la Reyssouze. Même si une première série d’action ont vu le jour depuis 2017, les soutiens techniques, politiques et fi nanciers resteront des éléments clés pour préserver ce patrimoine naturel sur le long terme.

Bibliographie

Agence de l’eau Rhône-Méditerranée- FRAPNA Ain. 2005. Diagnostic de la zone Groupe SYMPETRUM. 2008. Dossier Corse. 2017. Cahier des charges humide du bief du Dévorah - L’Ala- rouge n°43 : le marais du Dévorah. visant l’élaboration d’un document nier. 12 p. 12 p. de gestion des zones humides. 18 p. FRAPNA Ain. 2010. Diagnostic de la zone SKINNER J. & ZALEWSKI S. 1995. Fonctions Eau France. 2015. « Zones humides : humide de l’Alanier. 13 p. et valeurs des zones humides médi- milieux en danger ». http://www. FRAPNA Ain. 2010. Étude du bief et du terranéennes. Arles (France) : Tour zones-humides.org/milieux-en-danger marais du Dévorah. 26 p. du Valat, 78 p. Fédération de pêche de l’Ain. 2010. FRAPNA Ain. 2017. Étude écologique du Expertise hydrobiologique du cours Dévorah (mise à jour des connais- d’eau du Dévorah. 51 p. sances). 37 p.

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