Rétrospective Hou Hsiao-Hsien Le Contemplatif André Roy
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Document généré le 25 sept. 2021 02:32 24 images Rétrospective Hou Hsiao-hsien Le contemplatif André Roy En promotion : cinéma québécois Numéro 130, décembre 2006, janvier 2007 URI : https://id.erudit.org/iderudit/12671ac Aller au sommaire du numéro Éditeur(s) 24/30 I/S ISSN 0707-9389 (imprimé) 1923-5097 (numérique) Découvrir la revue Citer ce compte rendu Roy, A. (2006). Compte rendu de [Rétrospective Hou Hsiao-hsien : le contemplatif]. 24 images, (130), 11–13. Tous droits réservés © 24/30 I/S, 2006 Ce document est protégé par la loi sur le droit d’auteur. L’utilisation des services d’Érudit (y compris la reproduction) est assujettie à sa politique d’utilisation que vous pouvez consulter en ligne. https://apropos.erudit.org/fr/usagers/politique-dutilisation/ Cet article est diffusé et préservé par Érudit. Érudit est un consortium interuniversitaire sans but lucratif composé de l’Université de Montréal, l’Université Laval et l’Université du Québec à Montréal. Il a pour mission la promotion et la valorisation de la recherche. https://www.erudit.org/fr/ Rétrospective Hou Hsiao-hsien Le contemplatif par André Roy Résolument contemporain, logiquement expérimental, totalement original, tel apparaît le cinéma du Taïwanais Hou Hsiao-hsien, que les spectateurs occidentaux ont découvert avec Un temps pour vivre, un temps pour mourir (1985), film qui marquera aussi la reconnaissance mondiale du cinéaste dont le succès de l'œuvre ira en grandissant au fil des ans. Considéré comme le chef de file de la Nouvelle Vague taiwanaise, apparue au début des années 1980, HHH a construit en un peu plus de vingt ans et dix-sept films (son dix-huitième, Ballon rouge, est en postproduction) une œuvre d'un style et d'une richesse aussi uniques qu'exemplaires, qui fait de lui un auteur incontournable du paysage cinématographique actuel. Good Men, Good Women (1995) e ses premiers films commerciaux Hsiao-hsien arrive avec sa famille à Taïwan en avec Cute Girl. Il réalise deux autres films aux derniers, son parcours est pour 1948. Surnommé A Ha et considéré comme en 1981 et 1982, Cheerfull Wind et Green, D tant presque classique : un travail une petite frappe dans son village, Fengshan, Green Grass of Home. Ces trois longs métra balisé par une cohérence faite d'une série il grandit dans la rue et se décide, à l'adoles ges constitueront ses seules incursions dans d'évolutions et de glissements progressifs. cence, à entrer dans l'armée où il découvrira le cinéma commercial en tant que tel, com Ce Chinois d'origine est également acteur le cinéma. À 22 ans, il s'inscrit dans une école mandes purement alimentaires : ce sont des et producteur; il consacre toutefois, depuis où on enseigne le théâtre et le cinéma. Il en films musicaux mettant en scène des chan 2000, l'entièreté de son temps à la réalisa sort diplômé en 1972 et travaille ensuite pen teurs à la mode, réalisés par un bon profes tion. Figure de l'auteur complet, il a, comme dant une dizaine d'années comme assistant, sionnel de l'industrie locale du divertissement l'écrit Olivier Assayas, transformé l'idée scripte ou scénariste, tout en souhaitant deve cinématographique. Hou Hsiao-hsien reniera qu'on se Faisait du cinéma chinois avant les nir acteur (il tiendra en 1985 le rôle principal très vite ces trois productions. années 1980'. La connaissance de la bio dans un film d'Edward Yang, Taipei Story, Il fait au début des années 1980 quelques graphie de Hou Hsiao-hsien peut aider les qu'il produira par ailleurs). Il aura néanmoins rencontres décisives. En premier lieu, Chu Occidentaux à entrer dans une œuvre au entrepris sa carrière de réalisateur dès 1980 Tien-wen, romancière, personnalité majeure premier abord difficile parce que inspirée en grande partie par l'histoire de son pays d'origine et celle de son pays d'adoption, his toire transformée par la dialectique que Hou pose entre l'espace privé et l'espace public, établissant dans le continuité spatio-tem porelle de ses récits une vision symbolique de la rencontre de l'ancien et du moderne et en jouant de la proximité et de l'éloi gnement, de l'observation et de l'engage ment - qui fait indubitablement de lui un grand contemplatif. Vers une spécificité culturelle taiwanaise Né en 1947 à Canton, dans la province du Guangdong, qui vient de se libérer du joug japonais mais qui est plongée en pleine guerre civile entre les partisans de Tchang Kaï-chek et ceux de Mao Zedong, le petit Three Times (2005) N°130 24 IMAGES 11 de la littérature taiwanaise, qui l'initiera à l'es Mais Les garçons de Fengkuei signe aussi qui nourrit ce que beaucoup de spectateurs thétique moderne. C'est elle qui l'introduit la première partie d'une tétralogie autobio taïwanais considèrent comme un film du dans le milieu intellectuel de Taipei où il fait graphique, bloc initial de trois films qui terroir, une description minutieuse des codes la connaissance de gens comme Wu Nien- deviendront autant de démarches, sur le plan sociaux et une vision méticuleuse de la hié jen (scénariste puis réalisateur), Chen Kuo- narratif, de Hou Hsiao-hsien. Les autres par rarchie familiale qui restent opaques pour fu (critique puis réalisateur), Peggy Chiao ties comprennent Un été chez grand-père nous, Occidentaux, qui, en plus, ne sommes (publiciste et productrice) et, surtout, le (1984), film sur les difficultés d'un enraci pas aidés par la complexité narrative étour cinéaste Edward Yang. C'est à leur contact nement dans un nouveau pays et qui rap dissante et déconcertante du film. qu'il entame une réflexion théorique dont pelle, par son jeu du dehors et du dedans, les Hou Hsiao-hsien concrétise ensuite sa col il ne s'était guère soucié auparavant et qui films d'Ozu (auquel HHH rendra hommage laboration commencée avec Li Tien Lu, qui débouchera sur son désir de faire un cinéma avec Café Lumière) ; puis Un temps pour a déjà joué dans Poussières dans le vent différent, dans une industrie qui considère le vivre, un temps pour mourir (1985), his et La cité de la douleur, en lui consacrant film comme un loisir de masse et les réalisa toire familiale, sur laquelle pèsent les morts son second volet historique, Le maître de teurs comme des hommes assoiffés d'argent et qui ont peuplé l'enfance de A Ha, racontée marionnettes (1993). Il signe un pacte avec de gloire. Il participe à deux œuvres collecti par une voix off qui donne une empreinte Li : il tracera son portrait si le vieil artiste ves, In Our Time (1982) et L'homme-sand fortement mélancolique à la meilleure œuvre lui raconte la période historique de la Chine wich (1983) qui seront considérées comme les de cette tétralogie autobiographique qui se précédant l'occupation japonaise. Par là, il manifestes de la Nouvelle Vague taiwanaise, clôt par Poussières dans le vent (1986) qui, peut encore creuser, avec la délicatesse qu'on mouvement né du désir de définir la spéci cette fois, déroule l'adolescence de A Ha et lui connaît, les relations entre le privé et ficité culturelle des habitants de l'île, dans d'un groupe d'amis avant la fin de leur ser le public, entre l'individuel et le collectif, laquelle doivent se croiser la découverte de vice militaire ; HHH y poursuit son travail entre l'intime et l'historique; c'est même ces leurs racines - ce qui permettra l'affirmation sur le temps et l'espace, en particulier par la «entre» que HHH filme tant il tire parti des identitaire d'une partie de la population qui lumière (la clarté et l'obscurité comme para ellipses, des interruptions temporelles et de se considère comme opprimée et humiliée mètres) et les panoramiques (lents, doux). la voix off, trouant ainsi son récit, le rendant depuis son exil de la Chine - et la décou lacunaire et - on imagine facilement - plus verte, au cours de voyages, des autres cultures, Le présent et le passé mystérieux encore, comme si les souvenirs celles des Chinois résidant à Hong Kong et Après une œuvre de transition, La fille de Li n'étaient en fait que des rêves que le aux États-Unis. Cette interférence nourrira du Nil (1987), faux film de gangsters, on spectateur peut ou doit interpréter. la volonté des jeunes cinéastes de renouveler peut distinguer un deuxième bloc de films Good Men, Good Women (1995) conclut le cinéma pratiqué à Taipei. dans l'œuvre de Hou : ses fresques histori le cycle historique et annonce la période Les films collectifs serviront à Hou Hsiao- ques - qui n'ont d'ailleurs rien à voir avec le ultérieure en effectuant un glissement de hsien de transition vers un cinéma d'auteur style pompier des fresques hollywoodiennes; la représentation d'un monde à dominante dont Les garçons de Fengkuei (1983) consti Hou étant un fordien de premier ordre, sa rurale vers un monde citadin (pleinement tue le premier jalon. On sent bien que le réalité historique et, par le fait même, poli assumé dans Goodbye South, Goodbye). cinéaste cherche encore un style, qu'il trouve tique passe avant tout par des chroniques Juxtaposant les deux thèmes qui imprè des pistes qui le conduiront à cette mélan familiales et personnelles et des micro-évé gnent déjà si fortement l'œuvre de Hou, colie qui ressortira durablement de ses films nements. Le premier volet de cette suite sur soit la mémoire individuelle et la mémoire postérieurs et où se distinguent, entre autres, l'histoire de Taïwan, qui comprend Le maî collective, le film entremêle trois époques son attachement et sa sensibilité à la dou tre de marionnettes et Good Men, Good (le présent de 1995, le passé récent montré leur qui ronge les gens.