Climat, Sociétés Et Environnement Aux Marges Sahariennes Du Maghreb : Une Approche Historiographique Philippe Leveau
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Climat, sociétés et environnement aux marges sahariennes du Maghreb : une approche historiographique Philippe Leveau To cite this version: Philippe Leveau. Climat, sociétés et environnement aux marges sahariennes du Maghreb : une ap- proche historiographique. Guédon Stéphanie. La frontière méridionale du Maghreb et ses formes : approches croisées, Antiquité - Moyen Âge. 1 : [Colloque international La frontière méridionale du Maghreb et ses formes, essai de définitions, Antiquité - Moyen Âge à Pessac les 15-16 décembre 2016], 13, Ausonius, pp.19-106, 2018, Scripta receptoria, 978-2-35613-232-1. hal-03139249 HAL Id: hal-03139249 https://hal.archives-ouvertes.fr/hal-03139249 Submitted on 11 Feb 2021 HAL is a multi-disciplinary open access L’archive ouverte pluridisciplinaire HAL, est archive for the deposit and dissemination of sci- destinée au dépôt et à la diffusion de documents entific research documents, whether they are pub- scientifiques de niveau recherche, publiés ou non, lished or not. The documents may come from émanant des établissements d’enseignement et de teaching and research institutions in France or recherche français ou étrangers, des laboratoires abroad, or from public or private research centers. publics ou privés. La frontière méridionale du Maghreb. Approches croisées (Antiquité-Moyen Âge), 1 Stéphanie Guédon est maître de conférences habilité en histoire romaine à l’université de Limoges Illustration de couverture : Lyon, G. F., A narrative of travels in Northern Africa, in the years 1818, 19 and 20, Londres, 1821, p. 67 Ausonius Éditions — Scripta Receptoria 13 — La frontière méridionale du Maghreb Approches croisées (Antiquité-Moyen Âge), 1 textes réunis par Stéphanie Guédon Ouvrage publié avec le concours de l’université de Limoges Programme Hubert Carien “Désert” (PHC Maghreb 16/MAG 18) — Bordeaux 2018 — Notice catalographique : Guédon, S., éd. (2018) : La frontière méridionale du Maghreb. Approches croisées (Antiquité-MoyenÂge), 1, Ausonius Scripta Receptoria 13, Bordeaux. Mots-clés : Maghreb, Sahara, frontière, Antiquité, Moyen Âge AUSONIUS Maison de l’Archéologie F - 33607 Pessac cedex http://ausoniuseditions.u-bordeaux-montaigne.fr Directeur des Publications : Olivier Devillers Secrétaire des Publications : Nathalie Tran Graphisme de Couverture : Stéphanie Guionneau Tous droits réservés pour tous pays. La loi du 11 mars 1957 sur la propriété littéraire et intellectuelle interdit les copies ou reproductions destinées à une utilisation collective. Toute représentation ou reproduction intégrale ou partielle faite par quelque procédé que ce soit sans le consentement de l’éditeur ou de ses ayants droit, est illicite et constitue une contrefaçon sanctionnée par les articles 425 et suivants du Code pénal. © AUSONIUS 2018 ISSN : 2427-4771 EAN : 9782356132321 Achevé d’imprimer sur les presses de Laplante Parc d’activités Mérisud 3, impasse Jules Hetzel F - 33700 Mérignac 6 décembre 2018 Sommaire Remerciements 9 Stéphanie Guédon, Introduction. L’apport d’une étude diachronique de la frontière méridionale du Maghreb 11 1. Le désert comme frontière, un tropisme géographique ? Philippe Leveau, Climat, sociétés et environnement aux marges sahariennes du Maghreb : une approche historiographique 19 Dominique Valérian, Le Sahara et la Méditerranée, frontières du Maghreb médiéval : approches comparées 107 2. Construire, revendiquer la frontière Laurent Callegarin, Négocier la frontière : la fluctuation du limes en Maurétanie tingitane 121 Michel Reddé, Il y a frontières et frontières... Les franges sahariennes de Rome, de la mer Rouge à la Tripolitaine 139 Jean-Charles Ducène, Les frontières du Maghreb vues depuis la chancellerie mamelouke (xiiie s.-xve s.) 161 Yann Dejugnat, Perception et statut de la frontière méridionale du Maghreb dans le récit de voyage (riḥla) d’Ibn Baṭṭūṭa (milieu du xive siècle) 177 3. étude régionale : l’Algérie centrale : du Hodna à Biskra Souad Slimani et Hanane Kherbouche, Les formes d’occupation antique dans le Hodna : état des lieux 193 Nacéra Benseddik, Sidi Okba ou Thouda-Thabudeos : un nouveau milliaire 207 Mohamed Meouak, Biskra et ses oasis au Moyen Âge, marge aurésienne, marge saharienne ? Notes préliminaires 215 Climat, sociétés et environnement aux marges sahariennes du Maghreb : une approche historiographique Philippe Leveau Introduction : géographie historique et sciences du climat La connaissance des conditions climatiques qui régnaient sur les marges arides du Maghreb dans l’Antiquité et au Moyen Âge est de la compétence des disciplines du paléoenvironnement. Cependant s’agissant d’une région qui se trouve en bordure du plus grand désert du globe et où les conditions de vie des populations sont étroitement dépendantes des fluctuations du climat, elles revêtent une importance qui justifie la place que leur accordent les historiens et les archéologues. Il y a un siècle, S. Gsell concluait à partir des données dont il disposait – principalement les sources écrites –, qu’en Afrique les conditions climatiques de l’époque romaine présentaient de grandes similitudes avec celles qui régnaient sur cette rive de la Méditerranée au début du xxe siècle. À peu près à la même époque, le géologue J. W. Gregory tirait d’observations faites en Cyrénaïque des conclusions opposées à la thèse déterministe défendue alors par le géographe et écologue E. Huntington : recherchant une explication climatique de l’histoire humaine, celui-ci incluait Cyrène dans la liste des témoignages d’une diminution de la pluviosité qui aurait joué un rôle déterminant dans la chute de l’Empire romain 1. Par la suite, l’idée d’une stabilité générale des conditions climatiques a été défendue jusque dans les dernières décennies du xxe siècle par G. Barker et D. D. Gilberston à l’issue des études pluridisciplinaires qu’ils ont conduites dans le prédésert de Tripolitaine en Libye 2. De son côté, faisant un bilan des opinions de ses collègues, l’écologue H. N. Le Houérou soulignait l’unanimité de celle maintes fois reprise selon laquelle “l’homme fait le désert” 3. L’abandon de l’hypothèse de changements drastiques du climat qui seraient à l’origine du déclin des activités agricoles et de l’essor d’un pastoralisme nomade ne met pourtant pas un terme aux interrogations des historiens sur le rôle de ce facteur dans les changements environnementaux. Ainsi, s’interrogeant sur la possibilité de localiser un paysage forestier décrit par Corippe, Y. Modéran repose la question dans les termes suivants : “La thèse d’une identité absolue des conditions climatiques et végétatives entre notre époque et celle de Corippe, malgré tout ce qui en est dit, demeure à notre sens plus un postulat qu’une vérité 1 Huntington 1917, 181. 2 Barker 1996, 345-346 ; Gilbertson 1996. 3 Le Houérou 1969. P. Leveau, in : La frontière méridionale du Maghreb, p. 19-106 20 Philippe Leveau scientifiquement prouvée” 4. Mais surtout, le débat est relancé depuis une vingtaine d’années au moins par les sciences de l’environnement, géologie, écologie, géomorphologie et physique de l’atmosphère, qui, grâce à de nouveaux outils de datation et d’analyses, mettent en évidence l’importance et les conséquences des variations des climats de la terre durant les trois derniers millénaires. Stimulées par les inquiétudes suscitées par les perspectives d’un réchauffement majeur du climat, les nouvelles sciences du climat relancent le débat sur son rôle dans l’histoire des sociétés. Dans ces conditions, l’historien et l’archéologue qui désirent connaître les conditions environnementales dans lesquelles ont vécu les sociétés antiques et médiévales sur les marges du Maghreb se heurtent à des difficultés de nature plus épistémologique que factuelle. À celles qui sont imputables à l’étroite relation que la question entretient avec les outils d’analyses et les géosciences de l’environnement s’ajoute la dimension idéologique prise par le débat. En 1970, A. Laraoui à qui l’on doit une mise en question de l’historiographie du Maghreb posée en des termes qui restent actuels, ouvrait le chapitre consacré à “la recherche des origines” en énumérant deux questions où se mêlaient science et idéologie : celle d’un changement dans le climat du nord de l’Afrique et celle de l’origine des Berbères, de leur langue et de leur culture 5. S’agissant de la première, celle qui nous occupe ici, il soulignait la dimension idéologique de la formulation qu’en donnait S. Gsell. “Il s’agit de savoir”, écrivait-il, “si [la] prospérité [de l’Afrique romaine] a eu pour cause principale un climat plus favorable à la culture que le climat d’aujourd’hui ou si elle a été surtout l’œuvre de l’intelligence et de l’énergie des hommes ; si nous devons nous borner à regretter un passé qui ne revivra plus ou lui demander au contraire des leçons utiles au temps présent” 6. En cela il se montrait moins catégorique que L. R. du Coudray de La Blanchère qui, bien des années plus tôt, affirmait que “la prospérité de l’Afrique ne fut pas une question de météorologie ; elle était le prix du travail” 7. Cette citation d’un historien dont les travaux sont unanimement salués pour leur qualité mettait en évidence le péché originel d’un siècle d’études savantes. Les descriptions du milieu physique, relief et climat, que nous utilisons ont été faites par des géographes et des historiens dans un contexte culturel où la colonisation était vue au mieux comme une mission civilisatrice, au pire comme une revanche à l’humiliation de la défaite contre la Prusse. En France, à la fin du xixe siècle, “l’accoucheur [de l’histoire coloniale