La sédimentation miocène au nord des massifs de Ventoux-Lure Christian MONTENAT (1)** Pascal BARRIER (1) (chaînes subalpines méridionales)* Loïc GARNIER (1)

Miocene sedimentation to the north of the Ventoux-Lure range (southern subalpine belts)

Géologie de la , n° 3, 2000, pp. 3-32, 20 fig., 1 tabl.

Mots-clés : Stratigraphie séquentielle, Miocène, Sédimentation marine, Sédimentation fluviatile, Paléogéographie, Tectonique compression, Drôme, Alpes-de-Haute-Provence, Chaînes Subalpines.

Key words: Sequence stratigraphy, Miocene, Marine sedimentation, Fluvial sedimentation, Paleogeography, Compression tectonics, Drôme, Alpes-de-Haute-Provence, Subalpine belts.

Résumé Abstract Introduction

Les dépôts miocènes marins affleu- Miocene marine sediments deposited Les dépôts néogènes du Couloir rho- rant au nord de l’axe Ventoux-Lure in narrow intramontane depressions to the danien et du bassin durancien sont connus (chaînes subalpines méridionales) appar- north of the Ventoux-Lure range (French de longue date et ont donné lieu à des syn- tenaient à un golfe étroit allongé d’ouest southern subalpine belts) form sedimenta- thèses devenues classiques (Deperet, en est, ouvert sur le Couloir rhodanien. ry corridors connected with the Rhône val- 1893, 1900 ; Fontannes, 1876, 1882 ; Ce golfe s’est étendu vers l’ouest en plu- ley marine domain. The sedimentation Combaluzier, 1932 ; Demarcq, 1962 ; sieurs étapes, entre le Burdigalien et le was influenced by the existence of con- Debelmas et Demarcq, 1980 ; etc.). Entre début du Langhien sans se relier vers trasted morphostructures inherited from ces régions, les terrains miocènes affleu- l’est au bassin de Digne. Paleogene tectonic episodes. rant de manière discontinue au nord des massifs Ventoux-Lure sont restés peu étu- Cinq unités lithologiques sont décrites The depositional areas remained diés, n’ayant fait l’objet que d’observa- (unités M1 à M5 de Montbrun-les-Bains), under tectonic control during the Early tions parcellaires, le plus souvent à la analysées en termes de séquences de dépôt Miocene sedimentation and as a result of faveur de la réalisation de monographies et comparées à leurs homologues de la the N-S compressive tectonism, the locales (Leendhardt, 1883 ; Killian, 1888, vallée du Rhône (bassin de Valréas). marine domaine of the intramontane 1895 ; Lapparent, 1941 ; Flandrin, 1963 ; Au début du Langhien, la mer aban- depression was uplifted and succeeded, Blancherie, 1963 ; Delécolle, 1968 ; donne ce golfe subalpin laissant la place à during the early Langhian, by a fluvial Montenat, 1968). un réseau fluviatile originaire des Alpes domain running to the north of the internes (« paléo-Durance ») qui débou- Ventoux-Lure range. The river A partir d’une abondante documenta- chait sur le littoral rhodanien à la hauteur corresponded to a “paleo-Durance” tion inédite (C.M. et P.B.), rassemblée lors de Vaison-la-Romaine. drainage (clastic material originating des nombreux stages sur le terrain effec- from the Internal Alpine zone) which tués dans la région par les élèves de L’avancée du front chevauchant flowed into the sea that remained over the l’IGAL et d’observations originales effec- Ventoux-Lure dans un contexte de com- Rhône valley, close to Vaison-la- tuées par Garnier (1999), il est présenté un pression N-S a eu pour conséquence Romaine. essai de synthèse sur l’évolution de la l’oblitération du cours de la « paléo- sédimentation miocène dans la gouttière Durance » qui se trouve alors détourné Due to continued folding and uplift synforme complexe située au versant nord vers le sud en direction de l’aire forte- along the Ventoux-Lure axis, this paleo- du mont Ventoux et de la montagne de ment subsidente de Digne-Valensole, Durance channel was deserted and the Lure. Cette gouttière se place sur une ainsi qu’une déformation très intense des fluvial system became diverted southward ligne structurale majeure qui marque la terrains miocènes. to flow into the Digne-Valensole basin. limite des chaînons plissés des Baronnies

* Manuscrit déposé le 6 juin 2000, accepté le 31 octobre 2000. ** ESA7073 (1) Institut Géologique Albert-de-Lapparent (IGAL) Institut Polytechnique Saint-Louis, 13, boulevard de l’Hautil, 95092 Cergy-Pontoise Cedex [email protected]

GÉOLOGIE DE LA FRANCE, N° 3, 2000 3 SÉDIMENTATION MIOCÈNE AU NORD DE VENTOUX-LURE

Grenoble

Valence N

Extension de la mer au Miocène moyen Région étudiée Haut-fond de la mer Valréas burdigalienne (éventuellement émergé) Le Buis

Extension de la mer Montbrun au Burdigalien Digne Sisteron Sault Domaine émergé Forcalquier Avignon 0 50 km Apt

Nîmes

Montpellier

Marseille

Fig. 1.- Place du secteur étudié dans le contexte paléogéographique du Miocène rhodanien (d’après Demarcq, 1962, modifié). Fig. 1.- Location of the studied area in the paleogeographic framework of the Rhodanian Miocene (after Demarcq, 1962, modified).

au nord, appartenant au domaine vocon- subsident de Montbrun-les-Bains, dépôts A la différence des dépôts néogènes tien, et des puissantes dalles calcaires limniques aquitaniens de la vallée du du Couloir rhodanien généralement peu barrémo-bédouliennes de Ventoux-Lure Jabron, tandis que, de l’Eocène supérieur déformés, ceux de la bordure nord au sud, qui forment le rebord septentrional au Stampien, s’ouvre et évolue le fossé Ventoux-Lure ont été fortement affectés de la plate-forme urgonienne provençale lacustre subméridien de Sault-de- par une déformation compressive : plis (fig.1 et 2). Cette limite que suivent à peu Vaucluse séparant le Mont-Ventoux de la serrés de Montbrun-les-Bains, Miocène près les vallées du Jabron et du montagne de Lure (Montenat, 1968 ; de la vallée du Jabron largement impliqué Toulourenc, correspond vraisemblable- Saillard, 1991) (fig. 2). dans le chevauchement de la montagne ment à une faille du socle d’orientation de Lure. Après de nouvelles déformations sub- E-W (environ N100° à N110°), dont intervenues pendant et après l’Oligocène, La présente étude donne une vue la mobilité est enregistrée dans la sédi- le couloir tectonique nord Ventoux-Lure, d’ensemble de ces dépôts peu connus, mentation au moins dès le Crétacé infé- déjà fortement structuré, fut à nouveau définit leur organisation et précise leur rieur (Flandrin, 1963 ; les indices emprunté par la mer miocène, formant situation dans le cadre paléogéogra- antérieurs font défaut). A l’Eocène, cet alors un étroit diverticule qui se détachait phique du Miocène rhodanien. accident participe à l’édification d’un axe à l’est du bassin rhodanien à la hauteur de anticlinal Ventoux-Lure déjà bien Vaison-la-Romaine (fig. 1). esquissé à la suite des mouvements Localisation des dépôts « pyrénéo-provençaux » intervenus entre L’aire de dépôt miocène a été, comme miocènes les dépôts continentaux du Lutétien et de aux époques antérieures, étroitement l’Eocène supérieur (Lapparent, 1941 ; contrôlée par la tectonique, ce que tradui- Les dépôts miocènes se répartissent en Montenat, 1968). A l’Oligocène, la bordu- sent les variations de faciès, les taux de deux groupes principaux d’affleurements, re nord du massif Ventoux-Lure est à nou- subsidence souvent élevés, et, plus géné- l’un dans la région de Montbrun-les-Bains, veau le siège d’une sédimentation ralement, la configuration d’ensemble du entre Barret-de-Lioure et Savoillan, l’autre continentale : bassin lacustre fortement cadre paléogéographique. dans la vallée du Jabron entre et

4 GÉOLOGIE DE LA FRANCE, N° 3, 2000 SÉDIMENTATION MIOCÈNE AU NORD DE VENTOUX-LURE

BUIS-LES-BARONNIES Plate-forme Miocène Ventoux-Lure Paléogène MEVOUILLON Faille Accident Ventoux-Lure Pas-du- Ventoux Macuègne-Bas La Gourre

Vallée du Jabron SISTERON SAVOILLAN MONFROC MONTBRUN SAINT-VINCENT nt Ven -LES-BAINS -SUR-JABRON Mo toux Montagne de Lure N AUREL

SAULT

0510 km

Fig. 2.- Localisation des affleurements de terrains miocènes au nord des massifs Ventoux-Lure. Fig. 2.- Location of Miocene outcrops to the north of the Ventoux-Lure mountain range.

Saint-Vincent-sur-Jabron (fig. 2). Deux (Montenat in Saillard, 1991) (fig. 3). Le et Les Marignons, au nord-est de affleurements ponctuels, conservés au sud Miocène de Montbrun-les-Bains étant très ), il atteint plusieurs mètres de de Séderon : Macuègne-Bas et La Gourre vigoureusement structuré, le contact avec puissance (≥ 10 m au nord des Marignons) sont des jalons entre les précédents. Enfin son substratum est rarement visible (fig. 4) ; et comporte des galets bien émoussés de quelques témoins de dépôts miocènes se il s’opère le plus souvent par faille avec les grande taille (≤ 0,2 m) au voisinage de trouvent à l’écart des affleurements pré- terrains du Barrémien et de l’Oligocène. paléoreliefs de calcaires barrémiens. Les cités : au Rocher de Mévouillon au nord, Initialement, les couches de base du galets sont d’origine locale : calcaires néo- dans le fossé de Sault-de-Vaucluse au sud, Miocène (M1) ont dû reposer en légère dis- comiens, barrémiens et oligocènes, ces près d’Aurel. cordance sur l’Oligocène (calcaires en pla- deux derniers abondants ; calcaires gréso- quettes et marnes lacustres), ou, localement glauconieux cénomaniens, chailles noires La série miocène de Montbrun-les- (nord-est de Reilhanette), sur des paléore- en petits galets peu arrondis empruntées à Bains, la plus complète, servira de réfé- liefs de calcaires barrémiens. l’Oligocène (les plus fréquents), au rence et les autres affleurements lui Barrémo-Bédoulien ou exceptionnelle- seront comparés. Les données biostrati- Les « calcaires sableux ment au Lutétien lacustre. La présence de graphiques étant particulièrement rares, galets de Tithonique, signalée par la chronologie des dépôts a d’abord été du Château » (unité M1) (fig. 3) Blancherie (1963) laisserait supposer que établie à partir de critères lithostratigra- l’épaisse couverture paléogène et crétacée Il s’agit de calcaires bioclastiques (tex- phiques qui autorisent des corrélations (largement supérieure au millier de mètres) ture packstone) qui se signalent par leur fiables avec les séries mieux datées du était déjà, au moins localement, affouillée richesse en grains de quartz souvent gros- Couloir rhodanien. par l’érosion lors de la transgression siers (millimétriques à pluri-millimé- miocène. Le Miocène triques) et la présence de glauconie authigène logée dans les cavités de bio- de Montbrun-les-Bains Galets et graviers se retrouvent égale- clastes (bryozoaires, foraminifères, ment dispersés dans les calcaires sableux Après les premières observations de balanes, etc.) ou enduisant des graviers et sous la forme de coulées de débris occa- Leenhardt (1883), Killian (1895) et petits galets. Ces niveaux, en position sub- sionnelles. Lapparent (1941), Blancherie (1963) a verticale, supportent l’ancienne agglomé- donné une description précise, accompa- ration de Montbrun et notamment le La fraction détritique fine des cal- gnée d’une cartographie détaillée, du château qui domine le village. caires sableux comporte des minéraux Miocène de Montbrun-les-Bains qu’elle (feldspath, biotite, chlorite, tourmaline), subdivise en quatre unités stratigra- Le conglomérat de base à galets bio- originaires de régions plus internes des phiques. Les trois premières (M1, M2 a et perforés (Gastrochenia et Lithodomus), Alpes, témoignant d’apports fluviatiles. b) sont rapportées au Burdigalien, la qua- plus ou moins émoussés, occasionnelle- Ils peuvent aussi provenir du remanie- trième au « Vindobonien ». ment verdis de glauconie, est généralement ment des couches lacustres oligocènes peu épais (quelques décimètres), à élé- sous-jacentes dans lesquelles ces mêmes Le découpage utilisé ici distingue cinq ments de petite taille (centimétrique à plu- minéraux ont été signalés (Saillard, unités lithologiques notées M1 à M5 ricentimétrique). Localement (La Conche 1991). La fréquence des remaniements de

GÉOLOGIE DE LA FRANCE, N° 3, 2000 5 SÉDIMENTATION MIOCÈNE AU NORD DE VENTOUX-LURE

nannofossiles paléogènes est un autre Paleo- Formations Lithologie indice d’apports terrigènes d’origine Séq. profond. orientale où les dépôts nummulitiques Conglo. marins sont présents. M5 S4 Montfroc 40 m Les calcaires sableux se présentent en bancs peu épais (0,2 à 0,5 m) vers la base, plus massifs vers le haut (0,5 à 1 m envi- ron). Les bioclastes abondants sont variés : S3 algues mélobésiées, serpulidés, balanes, térébratules, bryozoaires, échinodermes M4 0 (échinides, ophiures), ostréidés et pecti- nidés, rares débris de madréporaires, dents de sélaciens, etc.. Les forami- Combe Ferre nifères comptent de nombreuses formes Sables marneux de benthiques : Amphistegina, Cibicides, Bolivina, Elphidium crispum, Lenticulina, S Cristellaria vortex, Discorbis, Orbitoides, 2 Globulina, Osangulina, miliolidés, etc.. Les formes planctoniques sont rares et Lumachelle indéterminables. La macrofaune comporte M3 à bryozaires des bryozoaires (nombreux Cellepora, Steginoporella rhodanica), des échinides Reilhanette

Calcaires de (Echinolampas abondants comportant des formes juvéniles avec E. scutiformis et E. Septaria hemisphaerica, Echinus sp., Cyathocidaris aveniensis, Pericosmus cf. latus, Spatangus sp., Tripneuste planus ; voir révision des diagnoses in Philippe, 1996), des bivalves Marne avec des pectinidés (Pecten pseudobeu- danti, Chlamys davidi) et des Pycnodonta ainsi que des brachiopodes (Terebratula). Les pectinidés précités indiquent un âge M2 burdigalien (Blancherie, 1963 ; Demarcq Calcaire marneux et Barbillat, 1971).

Marnes de Mercuès Les calcaires sableux montrent sur- S1 tout des auges progradantes barkanoïdes Calcaire de largeur métrique à décamétrique avec une puissance du remplissage métrique à plurimétrique. On observe aussi de nom- breuses mégarides et rides progradantes de taille métrique à décimétrique ainsi Calcaire que des chenaux. Les résultats de l’analy- sableux se courantologique (Garnier, 1999) sont cohérents et assez homogènes : le sens M1 d’écoulement des chenaux sous-marins Sables et grès est très généralement dirigé vers l’ouest et l’WSW. C’est également le sens d’ac- crétion des rides et des auges barkanoïdes qui progradent dans le sens de la pente (fig. 5). On en déduit l’existence d’une Conglomérat Calcaires Sableux du Château pente sédimentaire inclinée vers l’ouest- Substratum ou l’WSW, c’est-à-dire vers le Couloir Barrémien à rhodanien. Oligocène 0 émersion - 1 infralittoral sup. - 2 infralittoral inf. Des rides de courant (ripples) de plus 4 3 2 1 0 3 circalittoral sup. - 4 circalittoral inf. petite taille (cm) sont indicatives de régi- me tidal. Peu fréquentes, elles sont repré- Fig. 3.- Coupe synthétique des dépôts miocènes du secteur de Montbrun-les-Bains. sentées par des feuillets progradants Fig. 3.- General section of the Miocene deposits in the Montbrun-les-Bains area. décimétriques très régulièrement dirigés

6 GÉOLOGIE DE LA FRANCE, N° 3, 2000 SÉDIMENTATION MIOCÈNE AU NORD DE VENTOUX-LURE

Le Moulin La Citadelle Roche Guérin upe 1 Co 60 Coupe 7 3 25 35 upe Coupe 2 55 Coupe 6 Combe Ferre Co 75 Savoillan 89 Combeau 50 35 pe 4 45 75 ou 75 Coupe 5 C 40 55 20 70 55 70 55 25 70 60 30 80 50 55 59 50 Mercuès 65 75 70 55 50 75 70 50 50 50 70 80 45 80 Montbrun-les-Bains 60 45 Les Marignons N

Château de Pendage Montbrun 0 1 km inverse Reilhanette Miocène M 1 Miocène M Pendage 4 La Conche

Oligocène Miocène M 3 Faille

Crétacé inférieur Miocène M 2 Miocène M 5 Tracé des coupes

Fig. 4.- Carte géologique simplifiée du secteur de Montbrun-les-Bains (d’après Garnier, 1999), avec localisation des coupes de la figure 18. Fig. 4.- Geological sketch map of the Montbrun-les-Bains area (after Garnier, 1999), showing the location of the structural sections of Fig. 18.

vers l’est (fig. 5). Leur faible fréquence du secteur de Montbrun-les-Bains (envi- La réduction des lithoclastes (en taille indiquerait une tranche d’eau relative- rons de Barret-de-Lioure) (voir fig. 19 et en nombre) d’est en ouest, le dévelop- ment importante (plusieurs dizaines de et 20). pement des passées pélitiques, l’augmen- mètres) et en conséquence un approfon- tation des Buliminidae et Lagenidae dans dissement assez rapide de l’aire de dépôt Les informations paléoécologiques le même sens, traduisent un approfondis- lors de la transgression miocène (voir doivent être interprétées avec prudence, sement du milieu de dépôt vers le secteur plus loin les données paléoécologiques). les restes d’organismes ayant été généra- occidental. Cette disposition est confor- (1) lement déplacés par les courants . me aux données de l’analyse courantolo- Un affleurement situé à l’est de gique (transit dominant sur une pente Montbrun (en bord de la D542, cote 707, Un certain nombre de foraminifères inclinée vers l’ouest). au nord du col d’Anraine), montre des che- benthiques, Miliolidae, Elphididae, Anomalinidae, Rotalidae, amphistégines naux entaillant sur plusieurs mètres de pro- Enfin, bien qu’il soit malaisé d’appré- et les balanes, caractérisent plutôt un fondeur les calcaires détritiques stratifiés cier les variations de puissance du calcai- milieu infralittoral. Par ailleurs, les ou disposés en grands feuillets obliques. Ils re détritique M1 (le contact normal avec Chlamys, térébratules, certains bryo- peuvent aussi se recouper les uns les autres, le substratum est rarement visible), on zoaires et des foraminifères benthiques prenant ainsi une disposition imbriquée peut noter un épaississement de ces Buliminidae et Lagenidae se rencontrent (fig. 5). Certains chenaux sont remplis d’un dépôts du nord vers le sud (de 30 à 60 m plutôt en milieu circalittoral supérieur. Il matériel calcaréo-sableux similaire à celui environ), l’aire la plus subsidente se qui est affecté par l’incision, mais enrichi s’agit d’une paléobiocénose proche du « détritique côtier » (DC), située immé- situant au voisinage de l’accident bordier en graviers et petits galets de calcaires ou Ventoux-Lure (fig. 7 et 15). de chailles (diamètre < 5 cm) d’origine diatement en dessous de l’étage infralitto- locale. D’autres ont un remplissage bré- ral, aux alentours de -50 à -80 m (Pérès et chique constitué d’intraclasts anguleux et Picard, 1964 ; Barrier et Cauquil, 1996). Les « Marnes de Mercuès » hétérométriques du même calcaire incisé, La rareté des figures de courants de (unité M2) (fig. 3) inclus dans une matrice peu abondante de marée est en accord avec cette estima- faciès analogue, plus sableuse, faiblement tion ; la fréquence des débris d’orga- Il s’agit de marnes sableuses ou sil- indurée et riche en bioclastes. Il s’agit donc nismes issus de l’infralittoral, montre teuses, de teinte grise ou beige, bien de coulées chenalisées de brèches intrafor- l’importance des déplacements sur la exposées notamment dans le synclinal de mationnelles résultant du démantèlement pente, sous l’action des courants. Mercuès à l’est de Montbrun-les-Bains où et du remaniement de calcaires M1 ayant leur épaisseur atteint au moins la centaine déjà subi un début de lithification (frag- de mètres (voir plus loin variations de puis- ments plus ou moins anguleux). Les écou- (1) Les interprétations paléoenvironnementales sance). La transition avec les calcaires lements chenalisés de brèches s’opérant sont fondées sur le modèle de bionomie benthique détritiques sous-jacents (M1) s’effectue par vers l’ouest, on en déduit l’existence d’une de l’école d’Endoume (Pérès et Picard, 1964) l’intermédiaire de calcaires marno-sableux. zone instable (seuil structural), soumise à dont la pertinence a été reconnue et dont Les marnes M2 ont un faciès et un déve- l’application aux périodes miocènes a déjà été des remaniements précoces de sédiments, discutée (Masse, 1988 ; Barrier et Cauquil, loppement différents dans les parties nord située en amont vers l’extrémité orientale 1996). et sud du secteur de Montbrun-les-Bains.

GÉOLOGIE DE LA FRANCE, N° 3, 2000 7 SÉDIMENTATION MIOCÈNE AU NORD DE VENTOUX-LURE

W E 95 97 34 104 45 50

W 50 155 E 55 144

W 41 173 50 174 E 40 170

N N

Calcaires Brèches Surface d’érosion détritiques autoclastiques

Résultat des mesures débasculées (sur l’ensemble du site) 4 m

Sens Sens de Chenaux à remplissage de : d’écoulement progradation 4 m des chenaux des rides Calcaires détritiques Bréches intraformationnelles 29 mesures 60 mesures à galets d’origine locale de calcaires détritiques

Fig. 5.- Affleurement des « Calcaires sableux du château » (M1) à l’est de Montbrun-les-Bains (bord de la route D 542, cote 707). La progradation des dépôts de calcaires sableux est interrompue par des arrêts de sédimentation (surface d’érosion) ou par des écoulements chenalisés de matériel sablo-conglomératique ou constitué de brèches intraformationnelles (remaniement précoce des calcaires sableux incomplètement lithifiés) (d’après Garnier, 1999). (Longueur de la coupe : environ 160 m). Fig. 5.- Outcrop of the “Castle Sandy limestones” (M1) to the east of Montbrun-les-Bains (along the road D 542, altitude 707 m). Progradation of the sandy limestone was periodically interrupted by erosional surfaces and channel deposits including pebbly sandstones and sedimentary breccias (reworking of unlithified sandy limestones) (after Garnier, 1999). (Length of the section: about 160 m).

Dans la partie sud où elles sont les (coulées sableuses sans granoclassement Les principaux groupements de septarias mieux développées (entre 100 et 150 m marqué) d’extension limitée (plurihec- se rencontrent dans le synclinal de d’épaisseur, synclinaux de Mercuès et de tométrique à kilométrique) qui ne s’obser- Mercuès, à la Citadelle et au sud de Combe-Ferre), les marnes contiennent de vent pas de manière constante dans les Combe-Ferre. Ce sont des corps calcaires nombreux foraminifères planctoniques et différents affleurements. ovoïdes (calcaire micritique gris à silt spicules de spongiaires. Il s’y intercale un quartzeux, fines paillettes de muscovite, ou deux niveaux de calcaires argilo- Les « Marnes de Mercuès » contien- grains de glauconie et spicules de spon- sableux (2 à 5 m d’épaisseur, texture wac- nent des septarias calcaires de grande taille giaires). Une cavité de petite dimension kestone/packstone) à graviers et bioclastes (diamètre 0,5 à 1 m) dont Blancherie peut en occuper le cœur, tapissée de cal- de milieu infralittoral (amphistégines, (1963) a donné une première description cites et de cristaux de pyrite. Les septarias Miliolidae, Elphididae). Ces niveaux cor- accompagnée d’une localisation cartogra- sont parcourues de fentes rayonnantes, respondent à des écoulements gravitaires phique (voir également Garnier, 1999). donnant en surface un réseau polygonal de

8 GÉOLOGIE DE LA FRANCE, N° 3, 2000 SÉDIMENTATION MIOCÈNE AU NORD DE VENTOUX-LURE

fissures plus ou moins calcitisées. La Aubert), partie nord de Combe-Ferre et à développe occasionnellement dans des genèse de ces corps calcaires, souvent Combeau (Garnier, 1999) montrent une loges de bryozoaires. regardés comme des « météorites » (sic) nette réduction des marnes M2 dont l’é- dans la tradition locale, n’est pas élucidée. paisseur ne dépasse pas une trentaine de Les mélobésiées se présentent parfois L’intervention éventuelle de facteurs bio- mètres (fig. 7). On n’y observe ni inter- en accumulations de rhodolithes (diamètre logiques dans leur formation n’a pu être calation gravitaire ni septaria. Plus au pluricentimétrique) proches du « faciès à démontrée à l’échelle macroscopique ou nord encore, au nord de Combe-Ferre (est pralines » de Pérès et Picard (1964). La microscopique. du ravin d’Angros) et à la Roche-Guérin, macrofaune comporte de grosses colonies l’intervalle sédimentaire correspondant à plus ou moins roulées de bryozoaires En dehors de rares petits bioclastes M2 ne dépasse pas une vingtaine de Retepora et Cellepora, des échinides (ostracodes, bryozoaires, pectinidés, fins mètres de puissance. Il est constitué de (Echinolampas sp., Echinus sp. ; voir radioles d’oursins limivores, etc.) la frac- calcaires argilo-sableux friables, beiges. réexamen des formes rapportées à ce genre tion biogène des marnes est essentielle- Les foraminifères planctoniques y sont in Philippe, 1996) et des pectinidés ment constituée de spicules de spongiaires rares ; les formes benthiques comportent (Chlamys praescabriusculus, Chlamys et de foraminifères. Ces derniers compor- davantage de représentant du milieu pavonacea, Ch. macrotis). Périodiquement, tent une forte proportion de formes infralittoral (amphistégines, Miliolidae, des coquilles de Chlamys ont couvert le planctoniques : petites globigérines Elphididae). La fraction détritique y est fond marin de manière quasi continue. La (Globigerina bulloides, G. trilobus) et aussi plus abondante (graviers calcaires disposition des valves a convexité systéma- Heterohelicidae (Plectofrondicularia spp.). et de chailles). tiquement tournée vers le haut indique l’ac- En dépit de leur abondance, les forami- tion de courants de fond relativement forts nifères planctoniques sont peu diversifiés Ces données indiquent que le net (« dalle à Chlamys » mentionnée plus haut ; et comptent peu d’espèces caractéristiques épaississement, du nord vers le sud, des face nord-est du sommet de la Citadelle, du point de vue biostratigraphique. Les dépôts M2 s’accompagnent d’un appro- etc.). L’environnement de dépôt se situe foraminifères benthiques, en revanche, fondissement de l’aire de dépôt dans la probablement dans l’infralittoral inférieur, sont nombreux et variés avec un dévelop- même direction. L’évolution bathymé- entre 20 et 40 m et reçoit quelques apports pement particulier des Buliminidae trique s’effectue au sein de l’étage circa- de faunes remaniées de l’infralittoral supé- (Bolivina, Bulimina, Uvigerina, Brizalina, littoral (entre circalittoral supérieur et rieur (amphistégines par exemple). Stilostomella, etc.) et des Lagenidae inférieur) et peut illustrer le passage du (Dentalina, Fissurina, Lenticulina, détritique côtier (DC) (nord de Combe- Du point de vue biostratigraphique, la Lagena, Marginula, etc.). Uvigérines et Ferre) aux vases terrigènes côtières présence de Chlamys pavonacea et de Lenticulines sont des formes caractéris- (VTC), ces dernières recevant quelques Chlamys praescabriusculus indique encore tiques d’environnement vasicole. écoulements gravitaires de faible exten- le Burdigalien (Demarcq et Barbillat, L’association rencontrée correspond à un sion (coulées sableuses). 1971). Compte tenu de l’âge des « Marnes milieu circalittoral (Cauquil, 1992). La de Mercuès » (M2) sous-jacentes, ces cal- paléobiocénose est vraisemblablement de Les « calcaires de Reilhanette » caires doivent être placés dans le type « vases terrigènes côtières » (VTC) (unité M3) Burdigalien sommital. Comme les niveaux qui occupe la moitié inférieure de l’étage précédents, ils s’épaississent du nord vers circalittoral (aux alentours de 100 m de Il s’agit de calcaires bioclastiques le sud, la variation de puissance étant fond). Les marnes prennent épisodique- beiges, formant une barre bien marquée cependant ici de moindre ampleur (environ ment un aspect brunâtre, laminé, à petites dans le paysage au nord de Reilhanette 30 m au nord de Combe-Ferre contre une écailles de poissons, qui trahit une ten- (Combeau, Combe-Ferre). Ils comportent cinquantaine au sud) (voir fig. 7). dance, au moins locale et périodique, au des niveaux très riches en pectinidés L’épaississement est bien visible, locale- confinement. (« dalle à Chlamys » visible en bordure de ment. Ainsi, le synclinal perché au sommet de la colline de la Citadelle (nord de L’association G. trilobus - G. bulloides la route D72, de Reilhanette à Savoillan ; Montbrun-les-Bains) montre des flancs indique le Burdigalien supérieur. Le nan- Blancherie, 1963). Dans ces différents asymétriques. Les premiers bancs de cal- noplancton est relativement pauvre en endroits, le calcaire M3, très compact, se caire M3 visibles sur le flanc sud se biseau- espèces caractéristiques. Cependant l’as- présente en bancs massifs, généralement tent et disparaissent les uns après les autres sociation Helicosphaera amphiaperta - dépourvus de figures sédimentaires. Il est Sphenolithus heteromorphus indique la toujours nettement plus pauvre en élé- vers le nord, au contact des marnes M2 et NN4 du Burdigalien supérieur. L’examen ments détritiques (grains de quartz et gra- ne se retrouvent pas sur le flanc nord du nannoplancton a révélé en outre la per- viers divers) et en glauconie que le (fig. 6). La variation de puissance observée sistance d’un nombre important de formes calcaire M1. Le microfaciès, à texture est d’environ 4 m pour une distance N-S remaniées du Nummulitique des régions packstone, montre une nette prédominan- (après dépliage du synclinal) d’environ plus orientales. ce des débris d’algues mélobésiées, bryo- 15 m. Ceci correspondrait à une ouverture zoaires, échinides et ophiures, pectinidés vers le sud de l’éventail sédimentaire M3 Dans la partie nord du secteur de et foraminifères benthiques (amphisté- d’environ 15°, ce qui représente une forte Montbrun-les-Bains, les marnes M2 ont gines, Anomalinidae, Miliolidae, Elphididae, pente sédimentaire, eu égard à la nature un faciès sensiblement différent. Les etc.). Les Buliminidae sont peu repré- marneuse du substrat (M2). Il est peu pro- coupes levées au nord-ouest de sentés ; les foraminifères planctoniques bable que les calcaires M3 aient comblé en Montbrun-les-Bains (sud de Combe- sont rares. De la glauconie authigène se « onlap » une telle pente préexistante. La

GÉOLOGIE DE LA FRANCE, N° 3, 2000 9 SÉDIMENTATION MIOCÈNE AU NORD DE VENTOUX-LURE

disposition en éventail du calcaire M3 M2) semble correspondre à la formation, syndiagénétiques affectent les mêmes résulte plus vraisemblablement d’une pendant la sédimentation miocène, d’un calcaires dans le secteur de Combe-Ferre. déformation synsédimentaire progressive anticlinal d’axe sub-E-W, à peu près Disposées selon une direction sub-E-W et se traduisant par un basculement vers le parallèle à l’accident bordier Ventoux- à regard sud (rejet d’échelle centimé- sud de l’aire de dépôt. Lure (voir fig. 7). trique à décimétrique), elles traduisent une flexuration vers le sud des calcaires A l’est de Savoillan, entre la Roche- La mobilité tectonique pendant le non encore lithifiés (Garnier, 1999). Guérin et les Marignons au sud, les cal- dépôt des calcaires M3 est également caires M3 sont exceptionnellement minces indiquée par la présence de « slumps » (moins de 20 m d’épaisseur). Cette zone (Le Clos, à l’ouest de Montbrun-les- Les « sables marneux anomalique, déjà signalée par une forte Bains) et de bréchifications synsédimen- de Combe-Ferre » (unité M4) réduction des termes sous-jacents (M1 et taires. De petites failles en ciseaux Ces dépôts forment le remplissage des synclinaux de Combe-Ferre, ravin de S N Combe-Ferre et des Marignons, entre Montbrun-les-Bains et Savoillan (fig. 4).

La succession comporte trois termes 70 principaux (fig. 3) : 130 70 - un calcaire argileux gris sombre 50 50 lumachellique (épaisseur maximale 1 m) succède sans transition aux calcaires M3. Il est bien visible au sud de Combe-Ferre et dans le ravin de Combe-Ferre, tandis qu’à l’ouest (synclinal des Marignons) il se subdivise en plusieurs lits fossilifères 0 1 4 m au sein d’argiles grises. Le calcaire luma- chellique contient des petits galets Fig. 6.- Interprétation du biseau sédimentaire des « Calcaires de Reilhanette » (M3) dans le synclinal (< 2 cm) pour la plupart d’origine locale perché de La Citadelle (nord de Montbrun-les-Bains). (calcaires barrémiens et oligocènes, grès Fig. 6.- Schematic illustration of the pinch-out of the “Reilhanette limestones” (M3); La Citadelle calcaréo-glauconieux cénomaniens, syncline (north of Montbrun-les-Bains). chailles noires) ou plus lointaine (quartz

Mévouillon N 1 Roche-Guérin 4 6 2 R.-Guérin-Marignons 7 8 Séderon 3 Ravin d’Angros 3 1 Barret-de- 10 4 Combe-Ferre N. Lioure 5 Combe-Ferre S. Montfroc M5 6 Montbrun -les-B. Nord Savoillan Montbrun Reilhanette -les-Bains 7 Montbrun NE (D 542) 9 8 Mercuès 2 Coupe n°4 Coupe n°5 5 9 Macuègne-Bas Aurel 0 2 10 km 10 La Gourre Miocène moyen

M4 faille Coupe n°9

faille

Coupe n°10 Coupe n°6 ? M3 M2 M5 Conglomérat de Montfroc

Burdigalien M4 Sables marneux M1 Coupe n°2 de Combe-Ferre Coupe n°1 Coupe n°3 M3 calcaires de Reilhanette 50 m M2 Marnes de Mercuès

M1 calcaires sableux 0 du Château Coupe n°7 Coupe n°8 Substratum : Substratum Barrémien/Oligocène

Fig. 7.- Variations de puissance et corrélations des unités lithostratigraphiques miocènes de la région de Montbrun-les-Bains. Fig. 7.- Thickness variations and correlations of the Miocene lithostratigraphic units of the Montbrun-les-Bains area.

10 GÉOLOGIE DE LA FRANCE, N° 3, 2000 SÉDIMENTATION MIOCÈNE AU NORD DE VENTOUX-LURE

filonien), verdis de glauconie. La luma- Vallée du Jabron Montbrun chelle est essentiellement constituée L1 L2 L3 Base M4 Milieu M4 d’une faune de bryozoaires diversifiée Adeonella polystomella + (déterm. M. Moissette) (tabl. 1) associée à Alderina sp. + Annectocyma sp. + des Echinus sp., Chlamys gentoni, dents Aplousina bobiesi + de sélaciens (Odontaspis sp., Carcaias Berenicea striata + sp., Lamna sp.). La faune de foraminifères Biflustra sawarti ++ comporte de rares formes planctoniques Calpensia calpensis ++ (Globigerina) et une association benthique Cellaria fistulosa +++ Cellepora sp. ++ plus variée : anomalinoïdes, Cibicides, Celleporaria palmata ++ + + Brizalina, Stillostonella, Elphidium cris- Celleporina costasi + pum, Operculina, Ammonia, Gyroidina, Chychocella angulosa + Textularia, etc.. Copidozoum tenuirostre + Cribellopora latigastra + - des marnes sableuses ou silteuses Cribrilaria innominata + gris bleu (environ 5 m) succèdent au cal- Dakaria goniostoma + Diplosolen obelium + caire lumachellique. La fraction détri- Escharella variolosa + tique (< 0,5 mm) des marnes diminue Escharella ventricosa + d’est en ouest. A leur partie supérieure, Escharina dutertrei + ces marnes montrent (ravin de Combe- Echaroides coccinea ++ Ferre) des terriers rapportés aux types Exidmonea atlantica + Frondipora verrucosa ++ Arthrophycus annulatus (échinide ou Herentia latreillae + polychète) et Sabularia simplex (annéli- Hincksina laxopora + de ; Ksiazkiewicz, 1977). Le contenu fau- Hippodiptosia sp. + nistique des marnes est pauvre (absence Hippopleurifera sp. + Hippoporella pauper + de bryozoaires) ; les foraminifères pré- Hornera frondiculata ++ sents ne diffèrent pas de ceux répertoriés Idmidronea coronopus + dans la lumachelle ; Lichenopora echinulata + sp Lichenopora mediterranea + - des sables marneux micacés gris Lichenopora prolifera + bleuté ou jaunâtres, souvent massifs et Membranipora spinirecta + irrégulièrement indurés, forment le reste Mesenteripora meandrina + ≥ Metrarabodotos canui + de la série ( 70 m). Ils contiennent des Micropora coriasea ++ graviers et de petits galets de roches Microporella ciliata + locales (Barrémien, Cénomanien) ou Microporella rhodanica + d’origine lointaine (amphibolite, quartz Myriapora truncata ++ filonien, radiolarite rouge). La faune, rare Onychocella angulosa + Onychocella angulosa demarcqi + et mal conservée, constitue une associa- Plagioecia sarniensis + tion appauvrie (bryozoaires et forami- Porella cervicornis ++ nifères ; tabl. 1) par rapport à celle qui est Porella decorata + contenue dans la lumachelle de base. Reteporidea coronopus ++ Rhamphonotus appendiculata + Les figures sédimentaires indicatives Schizobrachiella sanguinea + Schizomavella auriculata + de courants (feuillets progradants, che- Schizoporella dunkeri + naux) ont été observées uniquement dans Sertella cellulosa + la partie occidentale (synclinal des Smittoidea reticulata + Marignons). Elles indiquent des courants Steginoporella rhodanica + dirigés essentiellement vers le secteur Steraechmella buski + Stromatopora sp. + ouest (Garnier, 1999). Les figures de bat- Thalamoporella neogenica + tements de marées (flaser structures) sont Trectocycloecia dichotoma +++ peu fréquentes. Turbicellepora coronopus + Turbicellepora tubigera + Des conglomérats lenticulaires épais Umbonula monoceros + d’environ 2 m correspondant à des rem- Umbonula paraboucheti + plissages de chenaux (imbrication des L1 : lumachelle 1, L2 : lumachelle 2, L3 : lumachelle 3 galets indiquant un courant dirigé vers Tabl. 1.- Distribution des bryozoaires dans les « Sables marneux de Combe Ferre » (M4, base et partie l’ouest à Combe-Ferre) s’intercalent au moyenne) et dans les horizons de lumachelle (L1 à L3 ; cf. fig. 10) des « Alternances marno-sableuses sein des sables marneux. Les galets inclus de Châteauneuf-Miravail ». dans une matrice sablo-marneuse Table 1.- Distribution of bryozoans in the “Sables marneux de Combe Ferre” (M4 of Montbrun-les- jaunâtre indurée sont variés : matériaux Bains; base and middle part) and in the lumachelle beds (L1 to L3; cf. Fig. 10) of the “Alternances d’origine locale (Crétacé, Oligocène) ; marno-sableuses de Châteauneuf-Miravail” [Jabron valley].

GÉOLOGIE DE LA FRANCE, N° 3, 2000 11 SÉDIMENTATION MIOCÈNE AU NORD DE VENTOUX-LURE

galets exotiques (≤ 5 cm de diamètre) ori- paléobiocénose est proche de celle des La composition des galets est assez ginaires des Alpes internes (radiolarite, « sables grossiers sous courants de fond » comparable à celle observée dans les quartz filoniens, calcaire gréseux rouge), (SGCF) en limite inférieure de l’infralit- conglomérats de l’unité M4 : blocs anguleux (décimètre, jusqu’à envi- toral (30 - 40 m). ron 1 m) et galets plus ou moins arrondis - nombreux galets d’origine locale de de calcaire bioclastique du M3, dont le Les Crassostrea crassissima sont des calcaires néocomiens, barrémiens, grès démantèlement est vraisemblablement organismes supportant une certaine dessa- calcaires glauconieux du Cénomanien, consécutif à une structuration préalable, lure. Leur remaniement dans les chenaux calcaires et chailles lacustres du Lutétien notamment dans le secteur de Combe- conglomératiques laisse supposer qu’elles et de l’Oligocène ; des galets de calcaire Ferre. Les chenaux conglomératiques se sont développées en milieu littoral tithonique ont été signalés par Blancherie remanient en outre de nombreuses envasé au voisinage de l’embouchure d’un (1963) ; les remaniements de calcaire M3 Crassostrea crassissima. cours d’eau déversant périodiquement des sont abondants ; produits détritiques grossiers. D’un point de vue paléoenvironnemen- - les galets d’origine lointaine sont plus tal, l’abondante faune de bryozoaires Blancherie (1963) attribue un âge variés : quartzite grossier rose (Trias), cal- diversifiés présente dans la lumachelle de « helvétien » à l’unité M4 succédant aux caire gréseux rouge (« Argovien » base (tabl. 1) fournit des indications calcaires M3 d’âge burdigalien sommital. briançonnais ; Flandrin, 1961), granite à paléoécologiques précises (Debourle, En fait, le nannoplancton contenu dans muscovite, gneiss riche en feldspaths, 1974 ; Pouyet, 1973 ; Harmelin, 1976). Les les marnes grises, au-dessus de la luma- micaschiste, radiolarite, variolite, dolérite morphologies vinculariiformes et adéoni- chelle à bryozoaires présente encore une plus ou moins altérée, etc.. L’association formes sont dominantes ; d’après Pouyet association d’Helicosphaera ampliaperta radiolarite-variolite indique une origine (1973), une telle association atteint un pre- et Sphenolithus heteromorphus (déterm. interne (zone piémontaise). mier maximum de fréquence vers - 40 m. M.C. Janin) caractéristique de la NN4 Dans la vallée du Jabron, les niveaux Debourle (1974) indique que les adéoni- définie par Martini et Müller (1986) similaires ont livré une faunule de gasté- formes se rencontrent entre - 40 et - 50 m comme étant d’âge burdigalien supérieur ropodes pulmonés indiquant le sur les fonds coralligènes de Méditerranée. à langhien basal. « Vindobonien » (= post-Burdigalien ; Les vinculariiformes trahissent un milieu Montenat, 1968). Ces dépôts continen- calme. La faune considérée comporte envi- Les variations d’épaisseur de l’unité taux clôturent la sédimentation miocène ron 65 % de formes érigées et 35 % de M4 ne peuvent être appréciées, cette der- de la région de Montbrun-les-Bains. formes encroûtantes. Harmelin (1976) nière étant tronquée au sommet par l’éro- indique des pourcentages sensiblement sion récente ou ancienne (miocène). La identiques sur les fonds coralligènes série la plus épaisse observée (environ Le Miocène du fossé actuels de Méditerranée vers - 40 m. Le 150 m) est située à l’extrémité occidenta- d’Aurel - Sault-de-Vaucluse niveau lumachellique de base correspond à le du secteur, au voisinage de l’accident une paléobiocénose proche de celle du type bordier Ventoux-Lure (Les Marignons), Au sud de Montbrun-les-Bains, des coralligène située vers la limite de l’infra- ce qui laisse supposer la persistance témoins subtabulaires de Miocène repo- littoral et du circalittoral supérieur entre 40 d’une subsistence active au voisinage de sent en discordance sur le Cénomanien et 60 m. Mélobésiées, balanes et forami- cet accident (fig. 7 et 15). (nord d’Aurel) ou le Paléogène (Éocéne nifères Elphididae et Rotalidae se rencon- supérieur au nord d’Aurel et Stampien au trent de manière sporadique dans un tel Les « conglomérats de Montfroc » sud) (Blancherie, 1963 ; Saillard, 1991). milieu ; les Buliminidae et Globigerinidae (unité M5) y sont rares. Les différents affleurements présentent un même faciès : calcirudites congloméra- Des sables marneux et des marnes Les marnes grises succédant à la tiques à la base à galets d’origine locale sableuses beiges ou rougeâtres, à passées lumachelle correspondent à un milieu (calcaire à chailles du Barrémo-Bédoulien, conglomératiques (chenaux fluviatiles) appauvri, sans doute à cause d’un taux grès cénomaniens), suivies de calcaires reposent en discordance angulaire accusée d’envasement trop élevé incompatible bioclastiques riches en mélobésiées et bio- avec l’épanouissement des bryozoaires, sur les sables marneux M4 (discordance clastes variés (débris d’Halimeda, échi- mais aussi par réduction de la tranche atteignant 45° au maximum), par l’inter- nides, coraux, balanes, bryozoaires d’eau. médiaire d’une surface de ravinement, cellépores, ostréidés, pectinidés et fora- dans le synclinal de Combe-Ferre (puis- minifères benthiques, amphistégines, Les sables marneux qui succèdent aux sance 20 à 30 m) (fig. 3, 4, 13 et 15). I l Elphidium et Miliolidae). Ces calcaires marnes renferment une association de est à noter que le synclinal de Combe- contiennent une fraction notable de grains bryozoaires proche de celle de la luma- Ferre était déjà asymétrique, avec un de quartz, de graviers (quartz chaille, cal- chelle mais beaucoup plus pauvre en flanc nord plus redressé, lors du dépôt caires mésozoïques) et de glauconie qui individus (à l’exception de Biflustra des conglomérats M5. L’appellation les rapprochent des « Calcaires sableux du savarti) (tabl. 1) ; il en va de même pour « Conglomérats de Montfroc » fait réfé- Château » (unité M1 de Montbrun-les- les foraminifères benthiques. La présence rence aux dépôts fluviatiles analogues Bains, voir fig. 13). de strates obliques implique l’action de mieux représentés dans la vallée du courants de fond. Ces sables indiquent de Jabron, notamment à Montfroc (Montenat, Les foraminifères, balanes, ainsi que nouveau un approfondissement : la 1968) (voir plus loin). l’algue Halimeda, sont caractéristiques

12 GÉOLOGIE DE LA FRANCE, N° 3, 2000 SÉDIMENTATION MIOCÈNE AU NORD DE VENTOUX-LURE

d’un milieu infralittoral. Au Richarneau (jalon le plus méridional des dépôts), la SWRocher de Mévouillon NE Miocène (M ) présence de vermets (Saillard, 1991) 1 indique une très faible tranche d’eau 100 m

(quelques mètres). Dans ce contexte Turonien général infralittoral, les vermets et la pro- Cénomanien Cénomanien lifération des algues calcaires caractéri- 100 m sent une biocénose proche de celle des 0 « algues photophiles » (AP) (entre N N NN Cénomanien quelques mètres et une vingtaine de mètres de fond). Ces niveaux assimilés à ceux de M1 de Montbrun-les-Bains, se sont donc déposés à moindre profondeur Imbrications Downlaps Mégarides Microrides de galets 29 mesures progradantes progradantes que ces derniers, montrant ainsi une 77 mesures 17 mesures 63 mesures réduction de la tranche d’eau du nord vers le sud. Fig. 8.- Coupe générale des dépôts miocènes progradants (M1) du Rocher de Mévouillon, fortement discordants sur le Crétacé supérieur du synclinal de la Méouge (d’après Garnier, 1999). Il est à noter que la mer miocène (M1) Fig. 8.- General field section of the Miocene prograding deposits (M1) in the “Rock of Mevouillon”. s’est avancée jusqu’ici dans une dépression Note the strong unconformity between the Miocene and the Late Cretaceous deposits (after Garnier, tectonique préexistante (fossé oligocène de 1999). Sault-de-Vaucluse) profondément entaillée entre Mont-Ventoux et montagne de Lure (Saillard, 1991). Compte tenu de la faible importance de la tranche d’eau révélée par mètres, sur ses faces nord, ouest et sud-est. tentrionaux de la falaise, s’estompent dans la nature des dépôts, on peut en déduire que Ces escarpements ne s’atténuent qu’à l’ex- la partie sud, en relation avec une variation les reliefs adjacents précités constituant les trémité sud de l’affleurement qui en notable de faciès (fig. 8). épaulements du fossé n’ont pas été atteints constitue aussi le point culminant La base de la série (au nord) est un par la transgression miocène. D’autres (1119 m). conglomérat à matrice calcaréo-sableuse, arguments (voir plus loin) conduisent à Le Miocène sub-horizontal repose en épais d’environ 2 m. Les galets (diamètre admettre qu’une grande partie du massif discordance angulaire accusée sur les ≤ 5 cm, souvent de taille centimétrique) Ventoux-Lure est restée émergée au couches du Cénomanien et du Turonien sont d’origine locale : débris de chailles Miocène. redressées entre 70° et 90° (fig. 8). Ces du Barrémien et du Turonien, grès calcai- terrains appartenant au large synclinal E- Les calcaires affleurant au nord re et calcaires gréseux glauconieux du W de la Méouge qui s’étend sur une quin- d’Aurel, relativement tendres, faciles Cénomanien et du Turonien, calcaires zaine de kilomètres à l’est de Mévouillon, d’accès et peu affectés par la tectonique sublithographiques beiges (Berriasien étaient donc déjà fortement structurés (à la différence de leurs équivalents de probable). avant le dépôt du Miocène. Il en allait de Montbrun-les-Bains) ont été exploités même pour la structure anticlinale de la Au-dessus se développe un ensemble dès l’époque romaine, les « molasses » Montagne de Bouvrège située plus au calcaréo-détritique qui forme l’essentiel (pierres tendres) à algues miocènes ayant nord, au droit de Mévouillon, qui a évolué du dépôt. Les bioclastes : algues mélobé- été particulièrement prisés des bâtisseurs en chevauchement à vergence sud (voir siées, coraux coloniaux, mais aussi gallo-romains. Les anciennes carrières du plus loin). Des failles affectant les niveaux ditrupes, bryozoaires (essentiellement des Chassis conservent des traces d’exploita- cénomaniens et turoniens sont cachetées Celléporidés), débris d’échinides, brachio- tion et notamment des pierres de grand par les dépôts miocènes (Boussin, 1993). podes, balanes, ostréidés, pectinidés et appareil dont l’extraction est restée La présence de calcaires en plaquettes à foraminifères (amphistégines, operculines, inachevée. empreintes végétales (roseaux) en éboulis, Elphidium sp., Textularia sp.) sont mêlés à sur le flanc nord du rocher révèle la pré- des lithoclastes (grains de quartz, débris de Le Miocène du Rocher sence de l’Oligocène ponctuellement chailles, graviers calcaires) et à des grains de Mévouillon conservé là entre le Crétacé et le Miocène. de glauconie authigène pour partie rema- L’organisation générale des dépôts appa- niée du substratum crétacé, dont l’abon- Le Rocher qui domine le village de raît de manière spectaculaire dans les dance décroît vers le haut. Les passées Mévouillon-Gresse, au nord de Montbrun- falaises du rebord sud-est qui montrent conglomératiques d’épaisseurs décimé- les-Bains supportait le fort de Mévouillon une succession de grandes strates obliques triques, dispersées sur toute l’épaisseur de démantelé sous le règne de Louis XIV et longues d’environ 150 m en moyenne, la série ont la même composition d’en- dont il ne subsiste aucun vestige. Ce puis- progradant vers le sud ou le SSW avec une semble que le conglomérat de base (per- sant entablement, de contour triangulaire, pente d’une vingtaine de degrés. La suc- sistance des apports de calcaire allongé sur environ 400 m du nord au sud cession des dépôts est donc à examiner sublithographique, prédominance des cal- est constitué de calcaires détritiques mas- suivant le même sens, du nord au sud. Les caires gréso-glauconieux cénomano-turo- sifs du Miocène, exposés dans des falaises stratifications (bancs épais de 1 à 2 m en niens) et traduisent la pérennité d’apports abruptes hautes d’une cinquantaine de moyenne), bien marquées dans les 2/3 sep- détritiques chenalisés. Par ailleurs, des

GÉOLOGIE DE LA FRANCE, N° 3, 2000 13 SÉDIMENTATION MIOCÈNE AU NORD DE VENTOUX-LURE

remaniements précoces de calcarénite par- anticlinale de Bouvrège séparant les probablement (sub) normal, en faible dis- tiellement lithifiée, résultant de la déstabi- vastes cuvettes synclinales crétacées de la cordance (environ 5° de discordance angu- lisation de feuillets progradants, donnent Méouge au sud, et de Saint-Auban au laire). Des calcaires lacustres oligocènes lieu à des écoulements périodiques de nord, était déjà profondément érodée au en plaquettes associés à des marnes brèches intraformationnelles (puissance Miocène. La présence de cette structure sableuses beiges et à des lentilles ≤ 50 cm). antiforme mobile d’axe E-W (zone haute conglomératiques à galets de calcaires cré- source d’apports détritiques) est cohéren- tacés et de chaille (Berriasien à L’épaisseur des bancs augmente vers te avec la création et l’évolution du pris- Barrémien) se trouvent en contact par le sud (de métrique à plurimétrique), tan- me sédimentaire de Mévouillon faille contre le Miocène à quelques dis que la pente sédimentaire s’atténue progradant vers le sud. dizaines de mètres plus à l’ouest. (fig. 8). Les dépôts les plus méridionaux, correspondant à la partie distale (visible) Les mouvements tardifs (Miocène Les calcaires marno-sableux, épais de du système progradant, sont des accumu- supérieur ou plus récent) qui ont conduit à quelques mètres, à texture packstone, ren- lations de rhodolithes qui se substituent l’accentuation des structures (chevauche- ferment des bioclastes et quelques fossiles latéralement aux calcarénites. La base de ment vers le sud de la structure de correspondant à une faune relativement ces dépôts remanie des blocs de maté- Bouvrège) se traduisent essentiellement diversifiée : brachiopodes, bryozoaires, riaux cénomano-turoniens et s’infiltre de dans le Miocène demeuré subtabulaire par échinides, ostréidés et pectinidés, ditrupes, façon spectaculaire entre les bancs sub- la formation de nombreux plans styloli- ostracodes et foraminifères planctoniques verticaux du Crétacé. thiques verticaux de taille exceptionnelle rares (Globigerinidae) et benthiques plus (hauteur des plans décamétriques, pics variés (Anomalinoides sp., Cibicides sp., La progradation des dépôts vers le horizontaux décimétriques) bien visible Elphidium crispum, Miliolidae, Textu- secteur sud ou SSW est confirmée par les dans la falaise occidentale. Les plans laridae et autres agglutinants. imbrications de galets des chenaux qui espacés de 20 à 50 cm ont des directions Par leur faciès, ces niveaux se rappro- indiquent aussi un transit vers le sud. Par variant de N090° à N120°, les pics hori- chent à l’évidence des « Marnes de ailleurs, les matériaux des grands corps zontaux indiquent une direction de rac- Mercuès » (M2) de Montbrun-les-Bains ; progradants vers le sud sont repris (sur- courcissement comprise entre N00° et ils sont cependant plus calcareux. Les tout dans leur partie inférieure) par de N30° (Garnier, 1999). Cette déformation données paléoécologiques assez pauvres petites rides décimétriques à feuillets est sans doute en relation avec la proximité n’apportent pas de données précises ; le obliques inclinés vers l’est ou vers du chevauchement de Bouvrège, dont le milieu de dépôt se situe probablement l’ouest. Ces figures bidirectionnelles cor- front est aujourd’hui à moins d’un vers la limite de l’infralittoral et du circa- respondent à des courants de marée E-W kilomètre au nord du Rocher de littoral supérieur, c’est-à-dire à une pro- (Boussin, 1993 ; Garnier, 1999) (fig. 8). Mévouillon. fondeur sensiblement plus faible que La géométrie des grands strates pour les marnes M2 de Montbrun-les- obliques montre que la sédimentation Le Miocène Bains. La présence de ditrupes suggère s’est opérée sous une tranche d’eau d’au de Macuègne-Bas une certaine turbidité des eaux. moins une cinquantaine de mètres (circa- littoral supérieur). La forte inclinaison A l’extrémité orientale du secteur de Calcaires bioclastiques massifs des pentes sédimentaires atteignant la Montbrun-les-Bains, les dépôts miocènes vingtaine de degrés favorise la remobili- très fortement comprimés sont réduits à Ces calcaires grisâtres ou gris-beige sation de faune infralittorale et les rema- des témoins discontinus de calcaires épais d’une vingtaine de mètres succèdent niements de dépôts incomplètement détritiques du M1 (Le Moulin). Ils réap- en continuité aux calcaires marno-sableux. lithifiés. Dans cet intervalle circalittoral paraissent à l’est de Barret-de-Lioure, au Le contenu faunistique : serpulidés, supérieur, la biocénose est de type nord de la D 542 au hameau de ditrupes, bryozoaires, débris de balanes, « détritique côtier » (DC), passant à des Macuègne-Bas (porcherie), 5 km avant échinides, brachiopodes, pectinidés « fonds à pralines » (rhodolithes) dans la d’atteindre Séderon. Les affleurements y (Chlamys) et foraminifères (Elphidium, partie distale où le taux de sédimentation sont de dimension réduite (une centaine amphistégines, etc.) est accompagné de est moins élevé. de mètres). Les terrains intensément frac- nombreuses algues mélobésiées, fréquem- turés et fortement redressés sont impli- En l’absence d’arguments détermi- ment sous forme de rhodolithes. La fraction qués dans un couloir de faille complexe nants, les similitudes de faciès et le détritique est réduite (grains de quartz, qui constitue un segment de l’accident contexte paléogéographique (courantolo- petits débris de chailles) associée à Ventoux-Lure. Deux ensembles litholo- gie des apports chenalisés dans la partie quelques grains de glauconie authigène. La giques sont représentés (voir fig. 7). orientale du secteur de Montbrun-les- texture originelle est de type packstone ; la Bains, voir plus haut et fig. 8), conduisent micrite a été recristallisée en microsparite à rapprocher les dépôts miocènes de Calcaires marneux (influence de la fracturation ?). Ces Mévouillon de l’unité M1 de Montbrun- niveaux peuvent être comparés aux les-Bains. Il s’agit de calcaires plus ou moins « Calcaires de Reilhanette » (unité M3 de marneux et sableux de teinte jaunâtre qui Montbrun-les-Bains). Le milieu est proba- La présence de galets de calcaires reposent sur le Cénomanien marno-gré- blement proche de la limite infralittoral/cir- lithographiques (Berriasien) originaires seux ; le contact précis avec le Crétacé calittoral. L’affleurement de Macuègne-Bas du secteur nord montre que la structure n’est pas visible : étiré par faille, ou plus appelle les remarques suivantes :

14 GÉOLOGIE DE LA FRANCE, N° 3, 2000 SÉDIMENTATION MIOCÈNE AU NORD DE VENTOUX-LURE

- les calcaires détritiques comparables Les sables marneux sur-Jabron. La quasi-totalité des dépôts à l’unité M1 de Montbrun-les-Bains (cf. unité M4 de Montbrun) est constituée d’alternances marno- n’ont pas été observés ; il est probable sableuses de milieu marin. Les dépôts qu’ils ne se sont pas déposés ici ; Des sables marneux grisâtres à passées fluviatiles sus-jacents sont localisés vers grésifiées se superposent aux calcaires l’extrémité occidentale (Montfroc). - les terrains miocènes représentés sans que le contact précis soit visible Les dépôts marins reposent, en dis- s’apparentent clairement aux unités M2 (environ 6 m d’épaisseur). Le faciès des et M3 de Montbrun mais elles auraient sables, la nature des bioclastes (notam- cordance au nord, sur des terrains d’âges été de moindre épaisseur et se seraient ment la fréquence des bryozoaires) et des variés : le plus souvent les marnes déposées sous une tranche d’eau plus lithoclastes (éléments d’origine allochto- sableuses bleu sombre du Cénomanien réduite notamment en ce qui concerne les ne : feldspaths, biotite, radiolarite, quartz (20° à 30° de discordance angulaire), plus calcaires marneux (M2) qui sont ici très filonien, etc.) sont autant de points com- localement des niveaux paléogènes attri- pauvres en foraminifères planctoniques muns avec les « sables marneux de bués au Lutétien, à l’Éocène supérieur et (fig. 13) ; Combe-Ferre » (unité M4 de Montbrun- à l’Aquitanien lacustre (Lange, Le Passavour ; Montenat, 1968) (10° à 20° - il n’a pas été observé d’affleure- les-Bains) d’une part, avec la série similaire de la vallée de Jabron « Alternances marno- de discordance angulaire avec l’Éocène, ments correspondant aux unités M4 et sableuses de Châteauneuf-Miravail », (voir accordance observée localement avec M5. plus loin), d’autre part. l’Aquitanien) (fig. 9). Le Miocène de La Gourre Au sud, les dépôts miocènes sont Marnes rouges à galets impliqués dans des écaillages de terrains Situé à l’est de Macuègne-Bas, le cénomaniens : sud de Saint-Vincent-sur- Des marnes sableuses marbrées de gris lambeau miocène de La Gourre est impli- Jabron, sud-ouest des Brochiers et de rouge-orangé, visibles sur environ qué dans la structuration complexe du (Châteauneuf-Miravail), sud-ouest de 2 m d’épaisseur contiennent des galets flanc sud de l’anticlinal de Séderon, au Curel (La Bégue), situés au front du che- généralement bien roulés dont la nature est voisinage de l’accident Ventoux-Lure. Il vauchement de la Montagne de Lure (che- comparable à celle des conglomérats de est vigoureusement déformé, abondam- vauchement vers le nord de la barre Monfroc (voir plus loin) ou des conglomé- ment fracturé et ses rapports avec les ter- Tithonique, ou localement des niveaux rats M5 de Montbrun-les-Bains (prédomi- rains encaissants notamment les marnes oxfordiens sous-jacents) (Delécolle, 1968). nance de galets exotiques comportant oxfordiennes, s’effectuent par failles. Un notamment des calcaires roux sénoniens et Les conglomérats miocènes fluvia- bloc de calcaire en plaquettes blanc des radiolarites). tiles surmontent en continuité, sans dis- (Oligocène) se trouve préservé dans le cordance visible, les dépôts marins même secteur et ne peut être relié à aucun On ne peut savoir s’il existait à La sous-jacents (sud-est de la Bégue). A des terrains avoisinants. Gourre des niveaux miocènes antérieurs Montfroc et les Anières, ils sont faillés de aux calcaires M3 ou si ces derniers toute part contre les terrains crétacés. Les calcaires miocènes de La Gourre étaient directement transgressifs ici sur le avaient déjà été repérés par P. Termier substratum. C’est en tout cas le dernier (1927, in Lapparent, 1941) qui avait cru y témoin vers l’est de ces calcaires M3 qui La série marine voir du Nummulitique marin, probable- n’existent pratiquement plus dans la « Alternances marno-sableuses ment en raison de la détermination vallée du Jabron. erronée d’amphistégines confondues de Châteauneuf-Miravail » avec des nummulites. Les affleurements de Macuègne-Bas La série marine miocène de la vallée et de La Gourre semblent donc montrer L’affleurement qui se présente sur du Jabron dénommée ici « Alternances un biseautage et une disparition progres- marno-sableuses de Châteauneuf-Mira- environ 250 m de long suivant une direc- sive vers l’est des niveaux inférieurs vail » affleure particulièrement bien sur le tion ENE-WSW présente trois termes représentés à Montbrun-les-Bains (unités territoire de cette ancienne commune distincts (voir fig. 7). M1 à M3 ; fig. 7). La déformation tecto- aujourd’hui désertée (colline Philibert, nique intense qui affecte les couches l’Orme, le Cimetière, etc.). Elle a été étu- miocènes dans ces deux sites ne permet Les calcaires diée notamment par Killian (1888) et pas de donner une démonstration indiscu- (cf. unité M3 de Montbrun) Delécolle (1968) qui ont recueilli des table d’une telle évolution qui apparaît faunes abondantes (scutelles, pectinidés, cependant hautement probable. Il s’agit de calcaires bioclastiques gris dents de sélaciens, etc.) attestant un âge à beiges très comparables à ceux de burdigalien. Macuègne-Bas (packstone à forte spariti- Le Miocène sation de la matrice), visible sur une de la vallée du Jabron Il s’agit d’alternances irrégulières de moindre épaisseur (environ 5 m). Les marnes bleutées plus ou moins sableuses Chlamys, abondants et accumulés par Les terrains miocènes de la vallée du et micacées et de sables calcareux plus ou niveaux, rendent évidentes les similitudes Jabron s’étendent d’ouest en est sur une moins indurés, de teinte grise à jaunâtre. avec les « calcaires de Reilhanette » (M3) dizaine de kilomètres, de l’ouest de L’ensemble a une épaisseur d’environ de Montbrun. Montfroc jusqu’au sud de Saint-Vincent- 500 m et tend à s’amenuiser vers l’est

GÉOLOGIE DE LA FRANCE, N° 3, 2000 15 SÉDIMENTATION MIOCÈNE AU NORD DE VENTOUX-LURE

Curel 60 Les Anières 01 km Montfroc 75 Passavour 35 65 60 St. Vincent-sur-Jabron 15 60 70 50 55 40 55 70 Lange 70 50 45 50 45 80 55 55 45 65 75 Éboulis et Philibert 70 Cénomanien Niveau de 50 alluvions lumachelle 50 65 Albien- Miocène Pendage 40 40 70 Gargasien continental (inverse) 40 Châteauneuf - Miravail 35 20 Miocène marin Chevauchement BarrémienBarrèmien à lumachelle de Lure

Néocomien- Paléogène Faille Tithonique

Fig. 9.- Carte géologique simplifiée de la vallée du Jabron (d’après Garnier, 1999). Fig. 9.- Geological sketch map of the Jabron valley area (after Garnier, 1999).

(voir plus loin). Les principaux encroûtantes (30 %) est comparable à ce (environ 6 m ; sud des Clausas et de ensembles lithologiques sont les suivants que l’on observe actuellement en Curel) marquée dans la topographie. (fig. 10 ; niveau a à f)). Méditerranée sur les fonds à petits sub- Cette unité sableuse atteint environ strats durs (Harmelin, 1976). 135 m d’épaisseur. Elle est bien exposée dans la colline de Philibert et au sud de a. La lumachelle de base ≤ Les marnes ( 10 m) qui succèdent à la Lange. Des éléments d’origine exotique, Succédant à un lit de galets d’origine lumachelle sont pauvres en bryozoaires tels que feldspaths (orthoclases, plagio- locale enduits de glauconie, irrégulière- (envasement). La microfaune de forami- clases et microclines), biotite, épidote, ment distribué (partie orientale : colline nifères benthiques (nombreux Elphididae, quartz automorphes rougeâtres (« quartz de Philibert, sud des Curniers), la série Rotalidae et Anomalinidae) semble de Compostelle » originaires du Trias), débute généralement par un niveau de caractéristique d’un milieu infralittoral. La graviers de radiolarites, etc., apparaissent calcaire argilo-sableux à lumachelle fréquence des Buliminidae, généralement dans la fraction détritique. La faune peu (≤ 1 m) très riche en bryozoaires (environ bien représentés à partir du milieu circalit- abondante ne montre pas de variations 45 espèces recensées ; tabl. 1), balanes toral, ne contredit pas cette interprétation. notables sur toute l’épaisseur de la série : (Balanus tintinabulum, B. concavus), On sait que ces derniers peuvent se trouver débris de balanes, pectinidés, ostréidés ostracodes (Basslerites sp., Cytherella dans les petits fonds si le milieu est turbide, (dont Crassostrea crassissima), quelques orthezensis), mollusques (turritelles, riche en fines particules restant en suspen- bryozoaires et foraminifères benthiques débris d’ostréidés et de pectinidés), et sion (Cauquil, 1992). Ceci illustre ce et des échinides (Parascutella paulensis, foraminifères benthiques peu diversifiés qu’est, dans son ensemble, la sédimenta- Amphiope bioculata, Schizaster sp., (Stillostomella sp., Elphidium spp.). tion des « Alternances marno-sableuses de Déterm. H. Soudet). A noter la présence Châteauneuf-Miravail » : des fonds sou- d’une passée (0,5 m) marno-sableuse bio- Le dépôt et son contenu faunique sont mis alternativement à l’envasement ou aux construite à vermets au sud de Lange. très comparables à ceux de la lumachelle courants, en milieu infralittoral inférieur. de base de l’unité M4 de Montbrun-les- Dans le même secteur, les sables Bains. Toutefois, les bryozoaires mem- A l’est du méridien des Curniers (sud montrent un ichnofaciès à Arthrophycus braniporiformes dominent ici sur les des Clausas), la lumachelle de base et la annulatus et Sabularia simplex déjà vinculariiformes et adéoniformes ce qui dizaine de mètres de marnes qui la sur- observé dans l’unité sédimentaire M4 de laisserait deviner une tranche d’eau un monte s’amenuisent et disparaissent, pre- Montbrun-les-Bains. On y récolte aussi peu moins importante (milieu infralittoral mier indice d’un phénomène plus général des fragments de bois flottés ainsi que de compris entre 20 et 40 m d’eau). Les de biseautage du Miocène vers l’est, en nombreuses dents de sélaciens déjà balanes s’accordent bien de cette profon- « onlap » sur son substratum crétacé. signalées en ces lieux par Kilian (1888) et deur. Les bryozoaires sont particulière- Flandrin (1963) (voir également Garnier, ment abondants là où existent les graviers b. Unité sableuse inférieure 1999). et galets verdis (colline de Philibert ; sud des Curniers), les petits substrats durs Les sables marneux jaunâtres, coupés Au-dessus des cinquante premiers constituant probablement un support de d’intercalations marneuses inframé- mètres dépourvus de figures sédimentaires prédilection pour ces organismes. Le rap- triques comportent des passées plus ou particulières, les sables présentent, tant port entre formes branchues (60 %) et moins indurées dont une barre gréseuse dans la colline de Philibert qu’au sud de

16 GÉOLOGIE DE LA FRANCE, N° 3, 2000 SÉDIMENTATION MIOCÈNE AU NORD DE VENTOUX-LURE

Lange, de nombreuses structures sédimen- Paléo- taires : feuillets obliques progradants, Seq. Local. Formation Lithologie auges barkanoïdes, chenaux, ripple-marks, profond. flaser-structures et imbrications de galets. L’analyse sédimentologique (Garnier, 1999) met en évidence trois unités de Montfroc

S de Conglo. dépôt à l’intérieur d’un corps deltaïque 4 d’échelle kilométrique progradant vers le sud, puis vers le SSE et à nouveau vers le sud (fig. 10 et 11). Cette progradation est Lumachelle à bryozoaires alimentée par des apports fluviatiles dont témoigne la présence de bois flottés, mol- lusques continentaux (hélicidés, méla- nidés), galets et graviers d’origine Marnes sableuses lointaine. Les nombreuses Crassostrea crassissima observées dans ces niveaux Au Sud-Est de la Bégue peuvent indiquer un milieu dessalé par des apports d’eau douce. Grès marneux f Le cours d’eau alimentant le corps deltaïque a pu être guidé par un couloir d’accident N 20 actif dès le Lutétien Conglomérat (Garnier, 1999), qui correspond à la S3 vallée de la Druigne actuelle. e “Philibert” Ces apports terrigènes étaient soumis

à des courants de marée (flaser-struc- Au Sud de la colline tures, ripples, petits feuillets obliques, témoins de courants bidirectionnels). Les courants résultant des battements de marées sont orientés ENE-WSW à d WNW-ESE. Les auges indiquent un tran- Boubenc

sit sur le fond dirigé systématiquement Au Sud-Est de vers l’ouest : c’est dans ce sens que s’opère l’approfondissement du milieu 4 de dépôt. Ainsi, l’alimentation en pro- duits terrigènes originaires du secteur nord (apports latéraux) se combine avec S une redistribution longitudinale des sédi- 2 c 3 Alternances marno-sableuses de Châteauneuf - Miravail ments vers l’ouest (courants de fonds 2 dominants) (fig. 11). Cote 777 (au Sud de Lange) Le milieu de dépôt est infralittoral supé- 50 ms rieur à en juger par le caractère littoral de la faune et les figures sédimentaires (quelques mètres à une dizaine de mètres d’eau). Colline “Philibert”

Des figures de liquéfaction de sédi- b 0 1 ments marno-sableux et marno-silteux et des indices d’expulsions de fluides sont visibles dans la colline de Philibert (envi- Stades évolutifs du cône deltaïque de Lange figure 11 cf. Au Sud de Curel ron 84 m de la base ; Garnier, 1999). Ces a structures liées à la nature tixotropique du S1 sédiment sont peut-être engendrées par Cénomanien des chocs séismiques (séismites). 0 émersion - 1 infralittoral sup. - 2 infralittoral inf. 4 3 2 1 0 3 circalittoral sup. - 4 circalittoral inf. c. La deuxième lumachelle (fig. 10) Fig. 10.- Coupe synthétique des dépôts miocènes de la vallée du Jabron (d’après Garnier, 1999) D’épaisseur modeste (≤ 1 m), elle n’a (a à f : description dans le texte). été observée que dans la moitié orientale Fig. 10.- General section of the Miocene deposits in the Jabron valley area (after Garnier, 1999) de la zone d’affleurement (est de la vallée (a to f: see description in the text).

GÉOLOGIE DE LA FRANCE, N° 3, 2000 17 SÉDIMENTATION MIOCÈNE AU NORD DE VENTOUX-LURE

progressivement un substrat crétacé plus ou moins profondément érodé.

d. Les deuxième et troisième unités Village de Lange sableuses

Village de Lange Sur une épaisseur moyenne de 160 m, Sud de Lange Colline Philibert deux corps sableux, épais respectivement Les Clausas Sud de Lange de 35 et 80 m d’épaisseur alternent avec Colline Philibert des épisodes marneux épais de 15 à 25 m N Les Clausas (colline de Philibert notamment). Les corps sableux montrent la persistance STADE 1 STADE 2 d’apports continentaux venus du secteur nord, dont témoignent les remaniements de gastéropodes continentaux et d’oto- 0 1000 m lites de poissons d’eau douce (Siluriforme Arius sp. et Saccula sp. ; déterm. H. Lapierre). La présence des Village de Lange Village de Lange Crassostrea crassissima peut signaler, Sud de Lange Sud de Lange comme précédemment, une dilution de Colline Philibert Colline Philibert l’eau de mer par des apports fluviatiles. Les Clausas Les associations fauniques des marnes Les Clausas comme des sables (balanes, bryozoaires, scutelles, foraminifères benthiques) se placent dans l’étage infralittoral supérieur STADE 3 STADE 4 (quelques mètres à 10 m d’eau).

Le premier corps sableux montre un Sens des progradations Direction de courants Site de mesure ichnofaciès à Tuberculichnus meandrinis et des mégarides et des rides tidaux (en trait plein mesuré, Limite morphologique Helmintohopsis temis correspondant à des en pointillé supposé) Sens de progradations supposée du cône traces d’annélides (Ksiazkiewicz, 1977). des auges barkanoïdes deltaïque sous-marin Delécolle y a recueilli Gigantopecten resti- Sens des d’apports tutensis (= Chlamys latissima var. restitu- fluviatiles supposés tensis) indiquant un âge burdigalien (Demarcq et Barbillat, 1971). Fig. 11.- Reconstitution schématique de l’éventail deltaïque miocène de la vallée du Jabron (secteur de Lange) (d’après Garnier, 1999) (stades 1 à 4, voir dans le texte). e. La troisième lumachelle Fig. 11.- Schematic reconstitution of the Miocene fan-delta of the Jabron valley (Lange area) (after Garnier, 1999) (stages 1 to 4, see in the text). Elle affleure uniquement dans la partie médiane des affleurements au sud des de la Druigne). A la différence de la lumachelle est remplacée latéralement par Brochiers (est de la Druigne). Son épais- lumachelle de base, elle compte peu de un calcaire blond rugueux (packstone/ seur est de l’ordre de 0,5 m. La faune de bryozoaires (tabl. 1). Les échinides sont grainstone) épais d’environ deux mètres, à bryozoaire est abondante mais peu diversi- surtout des Psammechinus (P. dubius ; P. rares grains de quartz et de glauconie, fora- fiée (tabl. 1), associée à des Parascutella dubius var. microphinus, P. delphinus) minifères benthiques littoraux abondants et paulensis, Ostrea lamellosa et Anomia associés à Schizaster lovisatoi (déterm. nombreux Chlamys praescabriusculus ephippium. Cette faune montre un mélan- H. Soudet). La malacofaune est assez (Delécolle, 1968). Ce calcaire surmonte ge d’élément de l’infralittoral supérieur et variée : Chlamys sp., Ostrea lamellosa, environ six mètres de marnes bioclastiques de l’infralittoral inférieur. Anomia ephipium, Clavatula sp., Natica miocènes reposant, elles-mêmes, en dis- sp., Turritella sp., Strombus sp, Voluta cordance sur le Cénomanien. Ainsi, entre f. Marnes et grès supérieurs (fig. 10) sp., Pirula condita (déterm. D. Merle). les « Clausas » où se biseaute la première La partie supérieure de la série lumachelle (voir plus haut) et l’affleure- L’ensemble se place dans l’étage infra- (≤ 200 m) est à dominance de marnes ment des calcaires de « Sous les Baumes » littoral (10 à 20 m) ; quelques formes sablo-micacées bleutées, comportant équivalent latéral de la deuxième luma- (bryozoaires, échinide Psammechinus) deux intercalations gréseuses épaisses indiquent un milieu d’herbier bénéficiant chelle (sites distants d’environ 1500 m), la (10 à 15 m) dans leur moitié inférieure et d’un taux de sédimentation réduit. partie inférieure de la série miocène s’est des bancs gréseux (0,2 m) échelonnés amenuisée d’ouest en est, d’environ 150 m dans la moitié supérieure. A l’extrémité orientale de la zone d’af- de puissance (fig. 9 et 13). Ce dispositif en fleurement (sud de « Sous-les-Baumes » onlap traduit la transgression progressive Les marnes comportent plusieurs au droit de Saint-Vincent-sur-Jabron), la vers l’est de la mer miocène, qui recouvre niveaux riches en échinides (Parascutella

18 GÉOLOGIE DE LA FRANCE, N° 3, 2000 SÉDIMENTATION MIOCÈNE AU NORD DE VENTOUX-LURE

paulensis, P. paulensis morphe lorioli, Alpes internes. Montenat (1968) met en Les mesures d’imbrications de galets Schizaster sp.), les épisodes gréseux évidence la position stratigraphique des dans les chenaux (Boussin, 1993 ; contiennent également des Parascutella conglomérats de Montfroc, superposés Garnier, 1999) indiquent, après débascu- paulensis et des Schizaster lovisatoi et S. aux couches du Miocène marin non ren- lement et déduction du pendage tecto- eurynotus. Les marnes sablo-micacées versées. La superposition s’observe à nique, un sens de courant dirigé sommitales affleurant à l’est de la Bègue l’est de Montfroc, au lieu-dit « Le systématiquement vers le secteur sud sont fossilifères (Boussin 1993) : mol- Grand » et à l’ouest de Montfroc en allant (entre N 140 et N 210, pour la plupart lusques (Chlamys sp., Ostrea lamellosa, au hameau des Anières (fig. 9). entre N 170 et N 210). Thracia sp., Anomia sp., vénéridés, luci- nidé, pinidés, Cardium burdigalinum, Au Grand, la transition avec les On a noté que les apports fluviatiles Tapes sp., Meretrix sp., Turitella sp., marnes sablo-micacées bleutées est gra- originaires des Alpes internes se sont Pyrula sp., vermets en position physiolo- duelle, par l’intermédiaire de marnes manifestés tôt dans la sédimentation gique, échinides (Parascutella paulensis), sableuses grises (environ 4 m), suivies marine de la vallée du Jabron. Le réseau balanes (Balamus concavus, B. tintinabu- d’un banc (0,5 m) de grès jaunâtre suppor- fluviatile apportant ces matériaux à la lum), bryozoaires dont Biflustra savarti, tant un cordon de gros galets bien roulés mer s’est installé sur le couloir du Jabron, ostracodes (Aurila sp., Miocyprideis forti- d’origine non locale (calcaires jaunes du accompagnant ainsi le retrait de la mer. sensis, Pokornyella deformis, Basslerites Crétacé supérieur de régions plus orien- bosqueti, Hemicyprideis villandrautentis, tales) (fig. 10) ; le conglomérat présente Corrélations des galets perforés (lithodomes) et des Cytheretta orthezensis, Cytheromorpha stratigraphiques sp.). La microfaune benthique est peu Ostrea lamellosa roulées. Succèdent à ce variée (Ammonia, Elphidium, Rotalia, niveau des marnes sableuses marbrées de Cibicides). Le milieu est clairement infra- gris et de rouge-saumon (≤ 40 m) à pédo- Lithostratigraphie littoral (sables infralittoraux) en domaine tubules et nodules calcaires pédogéné- abrité. tiques. Dans les premiers mètres, les Le Miocène de Montbrun-les-Bains marnes rougeâtres ont livré des hélicidés comporte cinq unités lithologiques, bien La microfaune planctonique est peu (Helix sylvana, H. orbignii) d’âge post- individualisées par leurs caractéristiques abondante : Globorotalia cf. mayeri, burdigalien (« Vindobonien » auct., pro- faciologiques, dont on retrouve les équi- Globigerinoides trilobus trilobus, G. tri- bablement Miocène moyen ; Montenat, valents dans d’autres parties de la région lobus sacculifer, G. bisphaericus, cette 1968). L’environnement de dépôt de cette étudiée (fig. 3 et 13). dernière espèce indiquant un âge burdiga- série est de type plaine d’inondation del- Les calcaires détritiques miocènes du lien supérieur à langhien basal (déterm. taïque à l’arrière d’un dispositif d’estuaire fossé d’Aurel-Sault-de-Vaucluse et du M. Toumarkine). ou de baie. rocher de Mévouillon se rattachent aisé- Le nannoplancton (déterm. M.C. Des lits de galets et des chenaux ment aux « Calcaires sableux du Janin) compte surtout des formes rema- conglomératiques à matrice sableuse, Château » (unité M1). Ainsi, les calcaires niées du Crétacé et du Paléogène ; cf. s’intercalent dans les marnes rougeâtres M1 paraissent être cantonnés dans la moi- Montbrun-les-Bains). D’après M.C. Janin, (chenaux et dépôts de plaine d’inonda- tié occidentale de la région considérée Sphenolithus heteromorphus pourrait être tion). La taille des galets varie de 2 à (fig. 13). présent dans la partie sommitale des 20 cm. Ils sont pour la plupart au moins Les « Marnes de Mercuès » (unité M2 marnes mais l’état de conservation des décimétriques, bien roulés, présentant de Montbrun) ne se rencontrent, à l’est de échantillons ne permet pas une détermina- souvent des cupules d’impressions, ou Montbrun-les-Bains, qu’à Macuègne- tion certaine ; cette espèce indiquerait découpés en segments décalés les uns par Bas, où elles présentent un faciès plus l’intervalle NN4-NN5 (Burdigalien termi- rapport aux autres, les fragments restant calcareux et un contenu faunistique qui nal-Langhien) en accord avec la présence soudés entre eux. Ces déformations sont laissent deviner une moindre profondeur de G. bisphaericus. Il est vraisemblable en relation avec les fortes compressions de dépôt, probablement liée à une posi- que le sommet de la série marine miocène subies par les conglomérats (front chevau- tion plus marginale. du Jabron atteigne le début du Langhien chant de Lure). Les galets d’origine loca- (cf. Unité M4 de Montbrun-les-Bains). le, nettement minoritaires sont empruntés Les « Calcaires de Reilhanette » aux calcaires crétacés : Berriasien et plus (unité M3) sont présents, avec une épais- Les « conglomérats de Montfroc » souvent Barrémien. Flandrin (1961) avait seur modeste, à Macuègne-Bas et La reconnu la nature exotique de nombreux Gourre. Dans cette dernière localité, les Les conglomérats continentaux de galets : diabase, radiolarite, quartzite, similitudes de faciès avec les calcaires de Montfroc ont d’abord été signalés par « marbre de Guillestre », calcaire brun de Reilhanette sont particulièrement étroites Flandrin (1961) qui les attribua à « l’Argovien » briançonnais, etc. S’y (dalles à Chlamys). Les calcaires M3 ne l’Oligocène, considérant que la succes- ajoutent des galets de conglomérats roses sont pas représentés plus à l’est dans la sion visible à l’est de la Bègue (fig. 9) est à quartz filoniens (Permo-Trias), des ser- vallée du Jabron. en série inverse et en se fondant sur des pentinites et des roches volcaniques ; la comparaisons avec les «molasses rouges» variolite indique clairement des apports Les « Sables marneux de Combe- de la région de Barrème qui contiennent originaires de la zone piémontaise Ferre » (unité M4 de Montbrun) ont un aussi des galets exotiques, originaires des (Montenat, 1968). faciès similaire à celui des « Alternances

GÉOLOGIE DE LA FRANCE, N° 3, 2000 19 SÉDIMENTATION MIOCÈNE AU NORD DE VENTOUX-LURE

M1 M2 (Montbrun) M4 (Montbrun) 100 % 100 % 100 %

50 % 50 % 50 %

0 % 0 % 0 % OUEST EST OUEST EST a (Marignons) b (Mercuès) (Marignons) c (Combe-Ferre)

M4 (Jabron) M5 100 % 100 %

Chlorite

Kaolinite 50 % 50 %

Illite

Smectite 0 % 0 % HAUT BAS Combe- La Gourre Jabron d Ferre e

Fig. 12.- Composition de la fraction argileuse des dépôts miocènes - a. M1 (Montbrun-les-Bains) - b. M2 (Montbrun-les-Bains) évolution d’est (droite) en ouest (gauche) - c. M4 (Montbrun-les-Bains) évolution d’est (droite) en ouest (Gauche) - d. M4 (Jabron) évolution de bas (droite) en haut (gauche) - e. M5 (Jabron, La Gourre et Montbrun-les-Bains). Fig. 12.- Clay minerals of the Miocene deposits - a. M1 (Montbrun-les-Bains) - b. M2 (Montbrun-les-Bains) Evolution of clay minerals from east (right) to west (left) - c. M4 (Montbrun-les-Bains) Evolution of clay minerals from east (right) to west (left) - d. M4 (Jabron) Evolution of clay minerals from the base (right) to the top (left) - e. M5 (Jabron, La Gourre and Montbrun-les-Bains). marno-sableuses de Châteauneuf- Ferre » (M4) et les « Alternances marno- Biostratigraphie Miravail » dans la vallée du Jabron, sableux de Château-Miravail » (Jabron) similitude renforcée par la présence, dans ont les mêmes assemblages de minéraux Les données biostratigraphiques sont les deux séries, de lumachelle à bryo- argileux caractérisés par la présence de rares et peu précises. La biozonation des zoaires. Dans la vallée du Jabron, ces chlorite en quantité appréciable (10 à 20 %). pectinidés (Demarcq et Barbillat, 1971) niveaux sont directement transgressifs Les marnes associées aux conglomérats place les unités sédimentaires M1, M2, sur le substrat anté-miocène et se biseau- fluviatiles de Montfroc (M5) ont une com- M3 dans le Burdigalien. Les organismes tent en onlap vers l’est. position similaire. En revanche, les planctoniques rencontrés dans l’unité « Marnes de Mercuès » (M2) montrent une M2 : (biozone à Globigerinoides trilobus Les « conglomérats continentaux de association différente : la chlorite y est peu et nannoplancton NN4 à H. amphiaperta Montfroc » et de La Bègue (vallée du représentée, voire absente. Ainsi, les deux et S. heteromorphus) sont en accord avec Jabron) se retrouvent vers l’ouest à La cette attribution. épisodes marneux principaux de la série Gourre et dans le secteur de Montbrun- miocène (M2 et M4) ont des caractères A Montbrun-les-Bains comme dans la les-Bains (M5), caractérisés dans tous les minéralogiques distincts. La proportion vallée du Jabron, la partie inférieure de cas par la présence de galets exotiques notable de chlorite dans les niveaux M4 et originaires des Alpes internes. l’unité M4 appartient encore au M5 est à mettre en relation avec les apports Burdigalien. Dans ses termes plus élevés, La distribution des minéraux argileux de matériaux exotiques (reconnus à l’é- elle atteindrait le Miocène moyen (Garnier, 1999) apporte des compléments chelle macroscopiques) originaires des (Langhien) d’après les quelques données utiles aux corrélations lithologiques Alpes internes (schistes lustrés et chlorito- recueillies dans la vallée du Jabron (est de (fig. 12). Les « Sables marneux de Combe- schistes du domaine piémontais). la Bègue). Les Conglomérats de Montfroc

20 GÉOLOGIE DE LA FRANCE, N° 3, 2000 SÉDIMENTATION MIOCÈNE AU NORD DE VENTOUX-LURE

VALLÉE du RHÔNE MONTBRUN MACUÈGNE JABRON JABRON AUREL MÉVOUILLON La GOURRE ENTRECHAUX -les-BAINS -BAS MONTFROC EST

S4 errav. M5 MFS3

S MFS 2

3 S Langhien M4 ? MFS 1 ? S2 M3

?

M2 S 1 B u r d i g a l e n VAISON -la-ROMAINE MÉVOUILLON ENTRECHAUX M1 MACUÈGNE SISTERON MONTFROC SAVOILLANS -BAS La MONTBRUN St. VINCENT 01020 km GOURRE -sur-JABON Subst. AUREL

Fig. 13.- Corrélations des dépôts miocènes entre la vallée du Rhône et la vallée du Jabron. Fig. 13.- Correlations of Miocene deposits from the Rhône valley to the Jabron valley.

(M5) sont attribuables au Miocène moyen, - marnes sableuses ; est situé dans la partie inférieure, sur des sans plus de précisions. niveaux considérés comme langhiens par - calcaires bioclastiques. comparaison avec les « Grès de » (cf. supra). Il contient des galets origi- Comparaisons avec les domaines Ces niveaux dans lesquels on recon- naires des Alpes internes (voir plus loin). naît facilement les faciès des unités M1, adjacents Les deux autres niveaux, « Conglomérats M2 et M3 se superposent ou passent laté- de Puyméras » et « conglomérats de ralement de l’un à l’autre, plus ou moins a. Couloir rhodanien », situés respectivement aux deux- largement. A l’ouest de Montbrun-les-Bains, des tiers et au sommet des Sables de Valréas témoins de Miocène attribuables à l’unité Au-dessus se développe l’épaisse sont rapportés au Serravallien. Les galets M1 existent encore à l’ouest de Savoillan, série (environ 500 m) de sables et grès sont constitués de roches d’origine subal- impliqués dans le chevauchement à ver- marneux micacés, de teinte gris bleu ou pine proche. gence nord de Mont-Ventoux. Au-delà, jaunâtre (connus localement sous le nom vers l’ouest, des placages de calcaires de « safre ») à chenaux et grandes strati- b. Bassin de Digne organogènes et détritiques (similaires à fications obliques, formant les « Sables et l’unité M1) transgressifs sur des reliefs grès de Valréas », rapportés à la fin du Les dépôts marins du Miocène infé- irréguliers entaillés dans les calcaires Langhien et au Serravallien (Cavelier et rieur et moyen du bassin de Digne sont barrémo-bédouliens de la retombée nord al., 1991). La partie inférieure de ces constitués essentiellement de dépôts ter- du Ventoux annoncent, dans le secteur de alternances marno-sableuses surmontant rigènes (marnes, grès et conglomérats) de Pas-du-Ventoux, les séries miocènes du les calcaires burdigaliens, non datée dans milieu infralittoral voire intertidal Couloir rhodanien qui affleurent large- la région d’Entrechaux-Vaison, serait l’é- (niveaux classiques du Burdigalien à ment à partir d’Entrechaux et de Vaison- quivalent des « Grès de Grignan » ou des ripple marks et empreintes de pas d’oi- la-Romaine (fig. 2). La succession « Grès roux du Comtat » (Demarcq, seaux ; Tessier, 1990). Les apports de stratigraphique miocène de cette dernière 1962 ; Philippe, 1987 ; Cavelier et al., galets originaires des Alpes internes sont région se compare aisément à celle précé- op. cit.) attribués au Langhien. De fait, la importants à plusieurs reprises (niveaux demment décrite au nord des massifs limite Burdigalien-Langhien n’est pas rapportés au Burdigalien et formation des Ventoux-Lure (voir plus loin corrélations fixée avec plus de précisions ici que dans poudingues de Valensole). La sédimenta- séquentielles, fig. 14). Le Burdigalien y les régions de Montbrun-les-Bains ou du tion y est beaucoup plus puissante que est constitué d’une trilogie faciologique, Jabron (M4). dans la vallée du Rhône (environ 1500 m soit de bas en haut : dans la partie nord-est du bassin pour le Trois niveaux conglomératiques prin- Miocène inférieur et le début du Miocène - grès et calcaires sableux glauco- cipaux sont intercalés dans les « Sables et moyen et 2000 m pour les poudingues de nieux, comportant à la base un niveau Grès de Valréas ». Le premier, affleurant Valensole, débutant au Serravallien et se irrégulièrement développé de galets au nord et à l’ouest d’Entrechaux poursuivant jusqu’au Pliocène). Cette d’origine locale verdis de glauconie ; (« Conglomérat de la Roche-Galière »), forte puissance est la conséquence d’une

GÉOLOGIE DE LA FRANCE, N° 3, 2000 21 SÉDIMENTATION MIOCÈNE AU NORD DE VENTOUX-LURE

Séq. Séq. Unité de de Âge Formation litho. dépôt Lithologie Lithologie dépôt Formation Âge

Conglomérat de Nyons 900

800 S5 N O N Sables 700 D de É P Valréas Ô T 600

SERRAVALLIEN (?) SERRAVALLIEN 500 S4 SERRAVALLIEN (?) SERRAVALLIEN

Marnes de Grignan 400 Conglomérats Molasse rousse M de Suze Sables de Montfroc 5 S4 et Molasse 300 de S Nn5 Sables marneux 3 S3 Grignan de Combe-Ferre M Barre supérieure

LANG- -HIEN 4

de Nyons LANG- -HIEN S2 Marnes du Prieuré Calcaires de Faucon de Reilhanettes M3 200 S2 Molasse de St-Paul-3-Châteaux Marnes de Mercuès M2 100 Marnes de Salles S 1 S1 Molasse verdâtre

BURDIGALIEN de Saint-Restitut Calcaires sableux M Sables de BURDIGALIEN du Château 1 Chantemerle 0

AU NORD DES MASSIFS VENTOUX-LURE LE BASSIN DE VALRÉAS D’APRÈS MONTENAT et al. (cet article) D’APRÈS PARIZE et al. 1999

Fig. 14.- Corrélations des séquences de dépôts du Miocène de la vallée du Rhône (d’après Parize et al., 1999) et de la région de Montbun-les-Bains (unités sédimentaires M1 à M5). Fig. 14.- Correlations of Miocene depositional sequences in the Rhône valley (after Parize et al., 1999) and the Montbrun-les-Bains area (sedimentary units M1 to M5). subsidence active du bassin situé au front argument ne permet d’ailleurs d’envisa- Les séquences de dépôt de l’arc de Digne (Rousset, 1981). Les ger l’existence éventuelle d’un bras de de Montbrun-les-Bains limites d’étages, notamment la limite mer reliant le bassin de Digne à la vallée Burdigalien/Langhien ne sont pas fixées du Jabron (Tessier, 1990). L’analyse de la coupe du Miocène de avec précision, faute de données biostrati- Montbrun-les-Bains montre une succes- graphiques fiables (Demarcq, 1962 ; Gigot Corrélations séquentielles sion de quatre séquences de dépôt qui, et al., 1982 ; Graciansky et al., 1982). compte tenu de l’intervalle de temps en Le découpage séquentiel est établi à question, peuvent être considérées A la différence de ce qu’a été constaté partir des données d’environnements de comme des séquences d’ordre 3 (fig. 3) : précédemment à propos du Couloir rho- dépôts (paléoprofondeurs, géométrie des danien, la succession miocène du bassin corps sédimentaires) présentées dans la - la séquence S1 comprend un cortè- de Digne ne montre pas de similitudes première partie de ce travail et synthétisées ge transgressif composé du conglomérat lithostratigraphiques avec les séries étu- sur les courbes paléobathymétriques des de base, des « Calcaires sableux du diées au nord de Ventoux-Lure. Aucun figures 3 et 10. Château » (M1) et de la base des

22 GÉOLOGIE DE LA FRANCE, N° 3, 2000 SÉDIMENTATION MIOCÈNE AU NORD DE VENTOUX-LURE

« Marnes de Mercuès » (M2). Le maxi- unité sableuse dans laquelle les apports c. Le cortège transgressif de S2 mum d’inondation est atteint au niveau d’origine continentale sont de plus en ramène une sédimentation carbonatée du premier banc carbonaté dans les plus présents ; bioclastique sur l’ensemble du profil. La marnes en milieu circalittoral inférieur. subsidence demeure plus active à l’ouest. Le cortège de haut niveau est constitué - la séquence S3 débute avec un cortè- Le maximum d’inondation de cette par le reste des Marnes de Mercuès ; ge transgressif développé dans les sables de séquence amène un recouvrement marin la troisième unité sableuse. Son maximum complet, en faciès carbonaté, avec les - la séquence S2 comprend un cortège d’inondation est atteint avec la troisième premiers dépôts transgressifs sur la coupe transgressif représenté par l’ensemble des lumachelle en limite des milieux infralitto- du Jabron Est. A cette époque, les dépres- « Calcaires de Reilhanette » (M3). Le ral inférieur et supérieur. Le cortège de haut sions subsidentes sont comblées. Les maximum d’inondation est atteint dans les niveau est particulièrement développé dans faciès de type calcaires bioclastiques calcaires marneux fossilifères (lumachel- les marnes et grès supérieurs ; recouvrent l’ensemble de la zone étudiée. le) à la base de la formation des « Sables marneux de Combe Ferre » (M4) en - la séquence S4 n’est représentée que d. Le cortège de haut niveau de S2 milieu circalittoral supérieur. Le cortège par la base du cortège transgressif, mon- est peu développé sur l’ensemble des de haut niveau se développe dans les trant des faciès de plaine d’inondation del- coupes avec des faciès détritiques marnes sableuses puis, dans les sables taïque et de fond de baie. Il faut noter que sableux ou silto-argilo-sableux. marneux de la formation de Combe Ferre ; le passage entre les séquences 3 et 4 est progressif, sans incision, à la différence de e. La séquence S3 est bien enregistrée - la séquence S3 s’inscrit dans le ce que l’on observe à Montbrun-les-Bains. sur l’ensemble des coupes. Elle s’exprime reste de la formation de Combe Ferre dans les sables et les sables argileux de avec un cortège transgressif marqué par Les corrélations à l’échelle l’unité M4. La séquence est complète à l’apparition de détritique grossier l’est avec un maximum d’inondation bien conglomératique. Le maximum d’inon- des bassins au nord du massif marqué par un niveau lumachellique à dation est réalisé dans les sables en Ventoux-Lure faune diversifiée de l’infralittoral inférieur milieu infralittoral inférieur. Le cortège et un cortège de haut niveau qui évolue de haut niveau, sableux de milieu littoral Le découpage séquentiel réalisé sur progressivement vers l’émersion. est tronqué par la séquence suivante ; les coupes de Montbrun-les-Bains et de la vallée du Jabron permet de proposer les A l’ouest, à partir de Montbrun, le toit - la séquence S4 n’est représentée corrélations régionales suivantes sur un de la séquence S3 est tronqué par les que par les restes du cortège de haut profil globalement W-E (fig. 13), faciès du cortège de haut niveau de la niveau de milieu continental. La base de contrôlées par les données biostratigra- séquence S4, particulièrement érosifs. cette séquence, montre une incision mar- phiques disponibles. quée dans la séquence précédente. f. La séquence S4 montre à l’est les a. Le cortège transgressif de la premiers dépôts d’un cortège transgres- séquence S1 est enregistré sur presque sif. A l’ouest, seule une partie du cortège Les séquences de dépôt toutes les coupes à l’exception de celle de haut niveau est préservée. Le toit de de la Vallée du Jabron située le plus à l’est (coupe de Jabron S3 et le cortège transgressif de S4 ayant Est). La transgression marine n’atteindra été érodés par la progradation particuliè- La coupe du Miocène de la vallée du ce secteur que durant le maximum rement forcée des faciès continentaux du Jabron montre également quatre d’inondation de la séquence S2. cortège de haut niveau de S4. séquences de dépôt (fig. 10) : Entre la vallée du Rhône et - la séquence S1 n’est pas complète Montbrun-les-Bains, ce cortège trans- Comparaison avec en raison du diachronisme de la trans- gressif est surtout constitué par les faciès le bassin de Valréas gression (fig. 13). Le cortège transgressif bioclastiques de l’unité M1 et par une est tronqué et la séquence débute par un partie des faciès argilo-silteux de l’unité La série miocène du Bassin de niveau lumachellique qui représente le M2. Un ombilic de subsidence est bien Valréas, d’un millier de mètres d’épais- maximum d’inondation en milieu infralit- marqué entre Mévouillon et Montbrun. seur, a fait l’objet d’études stratigra- toral inférieur. Le cortège de haut niveau phiques détaillées (Lesueur et al. 1990 ; s’inscrit dans les sables massifs de l’unité Les coupes de Macuègne-Bas et de Parize et al. 1999). D’après ces auteurs, sableuse inférieure. Le maximum régres- La Gourre montrent un cortège transgres- elle s’organise en sept séquences de dépôt sif est attesté par l’apparition des faciès sif réduit marqué exclusivement par des de 3ème ordre, du Burdigalien au progradants d’influence deltaïque ; faciès calcaires bioclastiques (M3). Tortonien (fig. 14 ; seules les cinq pre- mières séquences sont représentées). - la séquence S2 comprend un cortè- b. Le cortège de haut niveau de S1 se ge transgressif illustré par les faciès développe essentiellement dans les argiles Le découpage séquentiel de la base de tidaux de la fin de l’unité sableuse infé- et argiles silteuses entre la vallée du Rhône la série de Valréas s’avère très compa- rieure. Le maximum d’inondation est et Montbrun en contexte subsident. A l’est, rable à celui des bassins situés au nord du atteint dans la deuxième lumachelle en entre Macuègne-Bas et la vallée du Massif Ventoux-Lure (fig. 14).Les quatre milieu infralittoral inférieur. Le cortège Jabron, les faciès restent carbonatés et d’é- premières séquences (S1 à S4) montrent de haut niveau s’inscrit dans la deuxième paisseur réduite. la même organisation. Les épaisseurs de

GÉOLOGIE DE LA FRANCE, N° 3, 2000 23 SÉDIMENTATION MIOCÈNE AU NORD DE VENTOUX-LURE

20). Ce seuil tectonique se placerait au Accident voisinage de Barret-de-Lioure. Nord Ventoux-Lure Sud M5 La transgression et la «mise en eau» semblent avoir été rapides : après le M4 conglomérat de base, localement déve- loppé à l’approche de paléorelief M3 Barrémo- (Reilhanette), le milieu atteint rapide- Bédoulien 200 m ment le circalittoral supérieur. Une M2 tranche d’eau de même importance (envi- Substrat : 100 Crétacé inférieur ron 50 m de fond) s’est étendue vers le à Oligocène nord jusque dans le synclinal de La

0 500 m Méouge pour atteindre le secteur de Mévouillon (fig. 8, 19 et 20). Vers le sud, la mer s’est avancée sur la partie septen- Fig. 15.- Evolution transverse (N-S) des dépôts miocènes du secteur de Montbrun-les-Bains (d’après trionale du fossé d’Aurel-Sault-de- Garnier, 1999). Vaucluse. La faible tranche d’eau (étage Fig. 15.- Evolution of the Miocene deposits in the Monbrun-les-Bains area (north-south section; after infralittoral) oblige à admettre que les Garnier, 1999). reliefs de Ventoux et de Lure encadrant le fossé étaient émergés et que, par consé- quent, l’essentiel du massif Ventoux-Lure dépôt sont semblables à l’exception de la découpage est beaucoup plus proche de était alors émergé (fig. 20). séquence S1 plus épaisse, de 50 m, dans celui publié dernièrement par Gnaccolini la région de Montbrun-les-Bains mon- et al. (1998), dans la région stratotypique L’influence des marées est peu sen- trant ainsi l’activité de la gouttière subsi- de Langhe, que celui établi antérieure- sible sur l’aire de dépôt (Montbrun, dente située au front de l’accident ment par Haq et al. (1988). Mévouillon) ; les courants de fond domi- Ventoux-Lure. nants s’écoulent vers l’ouest. Au nord-est de Montbrun-les-Bains un lobe deltaïque, Une grande différence entre ces deux Évolution régions apparaît à la base de la séquence paléogéographique peut être canalisé par un couloir tecto- nique (failles de Chavoul et de Buc ; S4 car à cette époque (Langhien supé- et structurale rieur ou Serravallien basal ?) la gouttière fig. 19 et 20) depuis le secteur de Ventoux-Lure émerge alors que le bassin Mévouillon, prograde vers le sud et le de Valréas connaît son maximum de sub- Évolution de la sédimentation sud-ouest. Les remaniements de nanno- sidence et reste actif jusqu’au Tortonien. marine planctons marins paléogènes laissent deviner l’influence d’apports fluviatiles venus de régions alpines plus orientales. Implications stratigraphiques L’évolution de la sédimentation mari- ne miocène peut être examinée selon Les Marnes de Mercuès (unité M2) deux directions principales : d’ouest en Le découpage séquentiel en quatre signalent un approfondissement du milieu ème est (fig. 13) et dans le sens N-S (fig. 15). séquences de 3 ordre, reconnu tant de dépôt qui atteint l’étage circalittoral dans le bassin de Valréas (Parize et al., inférieur ou la limite de l’épibathyal sur 1999) que dans les bassins au nord du a. Évolution d’ouest en est Montbrun. La microfaune planctonique Massif Ventoux-Lure (ce travail), est clas- abondante bien que peu diversifiée, tra- La mer miocène s’est avancée au nord siquement reconnu pour la période allant duit une relative ouverture sur la haute des massifs Ventoux-Lure à partir du de l’Aquitanien supérieur au Langhien mer, ce qui n’exclut pas une tendance inférieur (Haq et al., 1988). Les corréla- Couloir rhodanien, envahissant progressi- locale au confinement sur le fond. tions chronostratigraphiques attribuées vement une gouttière synforme d’orienta- aux limites de ces séquences sont cepen- tion générale E-W qui est le résultat d’une La relative homogénéité des dépôts dant très variables d’un auteur à l’autre structuration polyphasée : tectonique pro- carbonatés M3, de l’ouest de Montbrun (voir synthèse in Hardenbol et al., 1998). vençale éocène et déformations oli- jusqu’à La Gourre, traduit une certaine La base de la première séquence est le gocènes. La sédimentation marine a gagné uniformisation du milieu de sédimenta- plus souvent attribuée à l’Aquitanien progressivement d’ouest en est, la pente tion (infralittoral/circalittoral) et une raré- supérieur ( Haq et al., 1988 ; Gnaccolini sédimentaire étant inclinée vers l’ouest. A faction des apports terrigènes. et al., 1998). Ce n’est le cas ni dans le bas- l’est de Montbrun-les-Bains, les remanie- sin de Valréas ni dans les bassins au nord ments de dépôts précocement lithifiés, Vers la fin du Burdigalien, la mer de Ventoux-Lure, où les dépôts sont bur- sous forme de coulées de « brèches intra- miocène transgresse rapidement et large- digaliens dès la base. Les corrélations formationnelles » chenalisées (fig. 5) et ment vers l’est atteignant le secteur de la chronostratigraphiques proposées par les apports conglomératiques signalent la vallée du Jabron. Les dépôts se biseautent Parize et al. 1999 pour les autres limites proximité d’une marge instable sous vers l’est en onlap sur le substrat crétacé, de séquences sont comparables à celles contrôle tectonique, qui peut correspondre laissant supposer que le couloir marin du proposées dans ce travail (fig. 14). Ce au tracé de la faille de Chavoul (fig. 19 et Jabron se fermait à l’est avant d’atteindre

24 GÉOLOGIE DE LA FRANCE, N° 3, 2000 SÉDIMENTATION MIOCÈNE AU NORD DE VENTOUX-LURE

l’actuelle vallée de la Durance et le bas- sin de Digne. Ceci est confirmé par les N 0 50 km Mont Genève données courantologiques indiquant la Briançon permanence d’une pente sédimentaire inclinée vers l’ouest. e c n Mont Viso ra Guillestre Les dépôts de l’unité sédimentaire M4 Gap u D (« Sables marneux de Combe-Ferre ») pré- sentent un faciès homogène de Savoillan- Montbrun jusque dans la vallée du Jabron Nyons Le Buis Accidents (« Alternances marno-sableuses de Vaison Accident majeurs Châteauneuf-Miravail ») et sont compa- Entrevaux Ventoux-Lure Sisteron rables par ailleurs aux « Sables de Cours de la Digne Mont Montagne Durance actuelle Valréas » (sensu lato) de la vallée du Ventoux de Lure e Rhône. Dans tous les cas, il s’agit de es nc m ra Cours de la î u D “paléo-Durance” dépôts de milieu infralittoral (20 à 40 m Forcalquier a lle de N l Plateau Nîmes Fai e d’eau, quelquefois moins) montrant une d de Conglomérat à Apt le influence surtout marquée des courants de il Valensole galets originaires Dura Fa des Alpes internes nc marée. e (Conglomérats de Montfroc et de la Roche Galière)

Le rôle des apports fluviatiles s’est Extension de la Aix-en-Provence mer au Miocène manifesté par l’édification d’un lobe del- moyen taïque sableux qui envahit la partie orienta- le de la vallée du Jabron (apports détritiques Fig. 16.- Esquisse du réseau de la « paléo-Durance » miocène. originaires des Alpes internes, remaniement Fig. 16.- Sketch map of the Miocene “paleo-Durance” network. de faunes d’eau douce, indices de dessalure marqués par la prolifération des sive d’un pli-faille d’axe sub E-W, situé en tives vers le nord et de l’engagement du Crassostrea crassissima) (fig. 11). avant du chevauchement du Ventoux Miocène sous le chevauchement de Lure, Dans la vallée du Rhône, les « Sables (fig. 18, coupes 6 et 7). la largeur (N-S) du bras de mer situé ini- de Valréas » et leurs équivalents succèdent tialement sur le Jabron ne peut être vala- Le site de Mévouillon fournit une illus- en discordance cartographique aux dépôts blement estimée (cf. fig. 19). tration de la relation existant entre la sédi- burdigaliens qu’ils débordent fréquemment mentation miocène et la structuration du pour reposer directement sur le substrat Esquisse d’une paléo-Durance domaine subalpin des Baronnies. Le dépôt anté-miocène (régions de Vaison-la- du M1 s’est opéré au creux d’une gouttière miocène Romaine et de Nyons par exemple ; synclinale déjà fortement structurée (syn- Cavelier et al., 1991). De même, les dépôts Les conglomérats fluviatiles de clinal de la Méouge) notamment sur son de l’unité M4 manifestent une certaine Montfroc (M5) sont caractérisés par la pré- flanc nord (fig. 8) et apparaît clairement indépendance par rapport aux unités burdi- sence de galets originaires des Alpes influencé par le jeu du pli-faille sub E-W à galiennes sous-jacentes. A Montbrun-les- internes. L’association radiolarites, ultraba- vergence sud de la montagne de Bouvrège Bains (Combe-Ferre), les « Calcaires de sites serpentinisées, variolite, caractérise (grands feuillets sédimentaires progradant Reilhanette » (M3) sont remaniés dans des une aire de provenance correspondant aux vers le sud, apports conglomératiques lentilles conglomératiques incluses dans régions drainées actuellement par le haut venus du nord remaniant les calcaires ber- les « Sables marneux de Combe-Ferre » cours de la Durance et de ses affluents riasiens-tithoniques arrachés au pli érodé (M4) ; le démantèlement est probablement (Ubaye, Queyras, Guillestre, Mont- de Bouvrège) (fig. 20). consécutif à une phase de déformation Genèvre) dans les domaines briançonnais intervenue à la limite entre ces deux unités. Dans la vallée du Jabron, la disposition et piémontais. Les affleurements de des affleurements ne permet pas de statuer Montfroc, la Bègue, La Goure et b. Évolution N-S sur une évolution d’épaisseur des dépôts du Montbrun-les-Bains jalonnent le tracé d’un M4 dans le sens N-S. D’une manière glo- paléo-cours d’eau s’écoulant au Miocène La comparaison des coupes levées dans bale, les dépôts du Jabron montrent une moyen au nord de l’axe Ventoux-Lure le secteur de Montbrun-les-Bains montre forte puissance (environ 500 m), supérieure après le retrait de la mer miocène. A un épaississement sensible des dépôts, du au cumul des épaisseurs des niveaux M1 à Montfroc, les données courantologiques nord vers le sud (fig. 15), en direction de M5 de Montbrun-les-Bains. Ceci suppose indiquent un sens de transport fluviatile l’accident bordier Ventoux-Lure. Ce dernier une subsidence particulièrement active au s’opérant du nord vers le sud ou du NNE manifeste ainsi une activité qui retentit sur front du chevauchement de Lure, bien que vers le SSW. Ce sens de transport est com- la sédimentation miocène. Aux environs de la sédimentation se soit effectuée constam- patible avec la source d’approvisionne- Savoillan, les variations d’épaisseur des ment sous une faible tranche d’eau. ment évoquée plus haut. Le tracé amont de niveaux M1 à M3 (net amincissement au ce cours d’eau aurait pu être comparable à sud du Rocher-Guérin) sont vraisemblable- Compte tenu de l’absence de varia- celui de l’actuelle Durance au nord de ment en relation avec la surrection progres- tions de faciès et d’épaisseur significa- Sisteron (N020) (fig. 16).

GÉOLOGIE DE LA FRANCE, N° 3, 2000 25 SÉDIMENTATION MIOCÈNE AU NORD DE VENTOUX-LURE

5° 5° 10 Valréas

B a s s i n Nyons Sillon très subsident d e (300 à 500 m de dépôts) V a l r é a s 44° 20 s e u g Bassin subsident y ’ E (100 à 300 m de dépôts) l e N d n o Domaines peu subsidents l i l (<100 m de dépôts) S

Vaison Dôme de Faucon Haut-fond

Dôme Galets originaires Entrechaux de des Alpes internes Vaison Roche (paléo-Durance) Galière Malaucène Conglomérats de Suzette la Roche Galière 44° 10 (Nord d’Entrechaux)

es B a s s i n Nîm e d e d ille C a r p e n t r a s Fa 0 10 km

Fig. 17.- Débouché probable de la « paléo-Durance » miocène dans le bassin marin rhodanien (comparer avec fig. 16) (adapté de Casagrande, 1989). Fig. 17.- Probable outlet of the Miocene “paleo-Durance” into the Rhône marine basin (to compare with Fig. 16) (adapted from Casagrande, 1989).

Le régime d’écoulement de cette d’est en ouest sur un peu moins de 5 km, proches, calcaires et chailles du Paléogène « paléo-Durance » était de type torrentiel : du nord d’Entrechaux jusqu’au sud de lacustre, nombreux galets de calcaires détri- chenaux de petite dimension, profondé- Vaison-la-Romaine. Les indications cou- tiques burdigaliens. Ces derniers témoi- ment incisés dans les dépôts marno- rantologiques (imbrications de galets, gnent d’une érosion importante du sableux de la plaine d’inondation soumis à auges) montrent un transit sous-marin Burdigalien déjà structuré avant le Miocène l’altération pédogénétique (rubéfaction, d’abord dirigé vers l’ouest, dans le prolon- moyen (cf. supra). pédogenèse à nodules et pédotubules cal- gement direct de l’écoulement fluviatile, caires) témoignant de phases climatiques puis s’infléchissent vers le nord-ouest et le Le cours de la paléo-Durance passant assez sèches. Le réseau s’écoulait vers nord en direction de Vaison-la-Romaine. au nord de Ventoux-Lure ne fut sans doute l’ouest atteignant le Couloir rhodanien à la Cette inflexion peut s’expliquer par l’in- actif que pendant une période relativement hauteur d’Entrechaux, à l’est de Vaison-la- fluence d’une paléostructure sous-marine, courte (Langhien pro parte, d’après l’âge Romaine. La paléo-Durance débouchait là le « dôme de Vaison » (Casagrande, attribué aux « Conglomérats de la Roche dans un milieu marin peu profond qui se 1989), allongée suivant une direction Galière »). Les autres niveaux congloméra- maintenait alors sur le Couloir rhodanien, subméridienne entre Vaison-la-Romaine et tiques intercalés dans les « Sables de et dans lequel se sont déposés les « Sables le diapir de Suzette (fig. 17). Valréas » (Conglomérat de Puyméras) ou de Valréas » (fig. 17). Les matériaux situés au sommet de ceux-ci (Conglomérat apportés par ce cours d’eau forment les A leur débouché en mer, les apports flu- de Nyons) sont sensiblement plus récents « Conglomérats de la Roche Galière », viatiles d’origine alpine interne sont dis- (Serravallien) et correspondent à des cônes répandus en chenaux sous-marins alter- persés au milieu de galets d’origine locale, deltaïques alimentés uniquement en galets nant avec les dépôts sableux littoraux sur largement dominants et de plus grande d’origine subalpine proche par un cours une épaisseur de 15 à 20 mètres. taille (dcm à pluridcm), collectés dans la d’eau local préfigurant l’Eygues qui traver- partie aval du cours d’eau : calcaires subli- se Nyons. L’évolution de la « paléo- Les affleurements de ces conglomérats thographiques (Berriasien/ Tithonique), cal- Durance » peut être résumée comme suit déterminent des petites collines disposées caires barrémo-bédouliens issus de reliefs (fig. 16 et 17) :

26 GÉOLOGIE DE LA FRANCE, N° 3, 2000 SÉDIMENTATION MIOCÈNE AU NORD DE VENTOUX-LURE

- dans un premier temps, au début du Évolution structurale graphie miocène est également important, Burdigalien, une « paléo-Durance » se bien que leur identification soit plus ou jette dans le golfe marin de Digne où elle moins précise. Nombre d’accidents submé- a. Le cadre structural répand les matériaux détritiques d’origine ridiens (NNE-SSW à NNW-SSE) présents alpine interne ; Les aires de sédimentation miocènes dans ces régions sont hérités de phases de au nord des massifs Ventoux-Lure sont fracturation crétacée et/ou paléogène. C’est - l’extension du golfe marin des conditionnées par un cadre structural le cas du fossé d’Aurel-Sault, dans lequel Baronnies progressant vers l’est et la sub- polyphasé, déjà vigoureusement modelé la mer miocène a fait une incursion peu sidence s’accélérant sur le secteur du à l’aube du Miocène, la pile sédimentaire poussée (fig. 19 et 20). L’installation du Jabron, le même cours d’eau aurait pro- étant déjà en partie érodée au moins loca- corps deltaïque du secteur du Jabron gressivement été détourné vers ce bras de lement, jusqu’au Berriasien-Tithonien. (Châteauneuf-Miravail) a été induite par la mer nord Ventoux-Lure ; présence d’un couloir d’accident N20 (La Sur le bord sud du couloir sédimentai- Druigne) dont l’activité est attestée dès - l’apport de matériaux alpins y est re, le rôle de l’accident bordant au nord les l’Eocène moyen (Lange ; Garnier, 1999) sensible dès le dépôt des « Alternances massifs Ventoux-Lure a déjà été souligné (fig. 9). marno-sableuses de Châteauneuf- (cf. supra). Lorsqu’il est visible à l’affleu- Miravail » (M4 ; Burdigalien élevé - rement cet accident apparaît alors subverti- Le prolongement septentrional des début du Langhien) ; cal. Le meilleur exemple actuellement failles bordières du fossé d’Aurel-Sault- de-Vaucluse, au nord du bassin oligo- - l’installation du réseau fluviatile de la visible est exposé au sud de Montbrun-les- miocène de Montbrun-les-Bains, a déjà été « paléo-Durance » au nord de Ventoux- Bains, au voisinage de la route de mis en évidence par Blancherie (1963) et Ferrassières, où l’exploitation d’une carriè- Lure (Conglomérats de Montfroc, M5) discuté par Flandrin (1963). Le dispositif re d’éboulis cryoclastiques quaternaires l’a s’effectue à mesure que la mer se retire en graben prolongeant ce fossé au nord de exhumé ces dernières années. C’est un très pour se cantonner plus à l’ouest, sur le Montbrun-les-Bains est plus ou moins grand escarpement subvertical à regard Couloir rhodanien ; la « paléo-Durance » apparent dans la structure actuelle, du fait nord, entaillé dans les calcaires barrémo- débouche sur le littoral à la hauteur de l’intensité des déformations post- bédouliens, visible sur une vingtaine de d’Entrechaux où l’épandage des matériaux miocènes. Le prolongement de la faille mètres de haut et plusieurs dizaines de fluviatiles (alpins et subalpins) est relayé orientale à regard ouest (faille de Chavoul) mètres de long. Il porte des placages de par un écoulement sous-marin chenalisé est ténu, jalonné de segments discontinus brèches sédimentaires variées qui tradui- (Conglomérats de la Roche Galière) ; (Boussin, 1993) ; le prolongement de sent une évolution polyphasée : manifesta- l’accident occidental (faille de Laurence) - cet épisode fluviatile fut de courte tions précoces possibles dès le Crétacé est plus fortement imprimé (faille du Buc durée (Langhien pro parte ?) ; la poursui- (post-Aptien ; Montenat et al., 1986) ; à regard est). Ce couloir tectonique te de l’avancée vers le nord du front che- jeux importants probables à l’Oligocène subméridien (fig. 19) a été emprunté par vauchant Ventoux-Lure (régime de (Saillard, 1991). L’influence de cet acci- la mer miocène (Mévouillon) et a favorisé compression à N170° ou à N020°, voir dent sur la sédimentation miocène a été la canalisation vers le sud ou le SSW d’un plus loin) oblitère le cours de la « paléo- notée plus haut. Flandrin (1963) a montré éventail détritique débouchant dans la par- Durance ». Cette dernière est alors que l’accident Ventoux-Lure, subvertical tie orientale du secteur détritique de détournée vers le sud ou le SSE, à nou- en surface, est nettement plus incliné en Montbrun-les-Bains. veau en direction du golfe marin de profondeur et à vergence nord, d’après les Digne, siège d’une subsidence très active indications fournies par le forage profond b. Evolution du régime et d’une sédimentation détritique puis- de Valbelle situé au front septentrional de de déformation sante, où le régime marin a perduré jus- Lure (sud-ouest de Sisteron). qu’au début du Miocène supérieur. Les données de l’analyse structurale et Sur son bord nord, le couloir miocène microstructurale ont été recueillies princi- Le cours actuel de la Durance fournit n’était pas limité par une autre ligne de palement dans les secteurs de Montbrun- une image de ce qu’a pu être cette évolu- failles (à regard sud) mais par une succes- les-Bains et de Mévouillon, les dépôts du tion miocène (sans que l’on puisse affirmer sion d’ondulations anticlinales d’axe E-W, Jabron se prêtant mal à l’enregistrement de que cette configuration soit effectivement déjà nettement esquissées : prolongement la fracturation. Trois stades principaux de héritée de l’histoire miocène précitée) (fig. oriental au nord de Montbrun-les-Bains de structuration ont été reconnus (Garnier, 16). Le tracé NNE-SSW de la Durance au l’anticlinal de Bluye-Fontaube, anticlinal 1999), qui peuvent être comparés avec les sud de Gap rappelerait celui de la « paléo- de Séderon, anticlinaux passant au nord de données bibliographiques. Durance » rejoignant le couloir nord Montfroc et de Saint-Vincent-sur-Jabron. Il Ventoux-Lure entre Montfroc et Lange. Le en résulte un profil transverse asymétrique Les dépôts miocènes ont d’abord été cours actuel NNW-SSE passant pas de la gouttière sédimentaire (amincisse- affectés par une phase compressive corres- Sisteron illustrerait le détournement ulté- ment au nord, épaississement maximum au pondant à une direction de raccourcisse- rieur du cours d’eau vers le bassin de sud) bien illustré dans le secteur de ment subméridienne (N160° à N170°) qui Digne-Valensole. Au sud de Châteaux- Montbrun-les-Bains (fig. 15 et 20). apparaît clairement dans la disposition du Arnoux, le cours dirigé à nouveau du NNE train de plis serrés du secteur de Montbrun vers le SSW traduit le contrôle tectonique Le rôle des accidents transverses, (fig. 4) (orientation moyenne des axes de opéré par « la faille de la Durance ». essentiellement NNE-SSW, dans la paléo- plis à N75°) et les jeux de failles (N130° à

GÉOLOGIE DE LA FRANCE, N° 3, 2000 27 SÉDIMENTATION MIOCÈNE AU NORD DE VENTOUX-LURE

La Citadelle NNW Le Ranquet Mercuès SSE N S 800 m 800 m

Montbrun-les-Bains 700 m 700 m

600 m 600 m

500 m 500 m Coupe 2 Coupe1

728 m 800 m Chasterelas NNW SSE NNW SSE 800 m Combe Ferre 700 m Le Garon 700 m 600 m

600 m 500 m

500 m Coupe 3 Coupe 4

Champ 706 m Ravin de N d’ Angros S 800 m NNE SSW Combe Ferre Les Marignons 700 m 700 m Discordance

600 m Miocène 600 m M5

500 m Miocène 500 m M4

Coupe 5 Coupe 6 Miocène M3

Ravin de N Roche Guerin Les Marignons S Miocène la Robert M2

200 m Miocène 600 m M1 100 500 m Oligocène

0 100 200 m Coupe 7 Barrémien

Fig. 18.- Coupes structurales du Miocène de la région de Montbrun-les-Bains, (localisation des coupes, voir fig. 4) (d’après Garnier, 1999). Fig. 18.- Structural sections of the Miocene series in the Montbrun-les-Bains area, (location of sections on Fig. 4) (after Garnier, 1999).

150° dextre, N20° à N40° senestre, N60° à couches du M1 apparaissent alors déjà Bouvrège à cœur jurassique et synclinal N85° inverse). Les plans stylolithiques affectées d’ondulations atteignant une crétacé de la Méouge). mesurés dans les calcaires du M1 vingtaine de degrés de pendages. Les (Montbrun village et Le Casse, synclinal mégastylolithes du Rocher de Mévouillon Ce régime compressif a dû exister dès de Mercuès) indiquent une direction de (cf. supra) indiquent une direction de com- le Burdigalien : pli synsédimentaire de compression à N160°. Les pics styloli- pression subméridienne cohérent avec Rocher-Guérin-Les Marignons ; mobilité thiques étant replacés à l’horizontale et les l’accentuation des mégastructures d’axe de la structure de Bouvrège évoquée plus plans stylolithiques à la verticale, les E-W (pli chevauchant de la montagne de haut ; flexuration vers le sud de l’aire de

28 GÉOLOGIE DE LA FRANCE, N° 3, 2000 SÉDIMENTATION MIOCÈNE AU NORD DE VENTOUX-LURE

Anticlinal de Bouvrège N 2 km Mévouillon e c n ra 0 2 km ? u Fai M1 -D l l o e du lé Pa An Bu Séderon B tic luy lina c e-F l d Anticlinal d on e e tau Séderon be Anticlinal du M5 N M2 M3 ord du Jabron M4

Montfroc e g

n

a L l Montbrun-les-Bains e ? u d o v e l l a i h C n t a Fa o g n e M e Ventoux d

e e d ll e i a L u r e renc F u a L e Affleurement de d Sens d’écoulement le conglomérats fluviatiles il Aurel M5 de la paléo-Durance Fa ? (Montfroc) Courant Courant Lobe Limites de la mer mineur M4 majeur deltaïque (marée)

Limites de la mer Faille en ciseaux Slump M3 et faille listrique

M2 Limites de la mer

Courant Courant Lobe Limites de la mer mineur M1 majeur détritique (marée)

Failles majeures

Fig. 19.- Esquisse paléogéographique miocène au nord de Ventoux-Lure. Relations possibles avec le cadre structural. La largeur (N-S) du couloir marin Miocène est hypothétique. Fig. 19.- Miocene paleogeographic sketch map to the north of the Ventoux-Lure mountain range. Possible relationship with the structural framework. The N-S width of the Miocene marine corridor is hypothetical.

sédimentation de Montbrun (failles gravi- La même direction de compression (op. cit.), il se placerait dans le Miocène taires, slumps, épaisseur des dépôts) sans subméridienne est reconnue par d’autres supérieur-Pliocène. doute associée à une déformation synfor- auteurs (N163°, Casagrande, 1989, bor- me au voisinage de l’accident bordier dure occidentale des Baronnies, N170°, Un dernier épisode compressif (direc- Ventoux-Lure (fig. 15 et 18). Villeger et Andrieux, 1987, bassin d’Apt- tion de raccourcissement à N50°) est mis en Forcalquier). Les avis divergent quant à évidence par des jeux de failles et par la A Montbrun-les-Bains, une accentua- l’âge et à la durée de cet épisode com- mesure de pics stylolithiques horizontaux tion de la déformation se manifeste entre pressif (au moins Miocène moyen, voire de direction NE-SW. Il est surtout sensible les unités sédimentaires M3 et M4, les plus récent), aucune chronologie précise au niveau de la petite déformation, les « Calcaires de Reilhanette » (M3) étant n’ayant encore été établie. structures majeures, plis et chevauchement démantelés et remaniés en quantité notable de direction sub-E-W, ayant été profondé- dans les sables marneux M4. De même les Un deuxième épisode compressif ment imprimées lors des phases antérieures. dépôts fluviatiles M5 de Montbrun repo- (direction de raccourcissement à N020°), Les témoins plus ou moins discrets de cette sent en discordance angulaire accusée sur plus discret et se distinguant mal du précé- compression NE-SW (N45° à N50°) ont été les couches M3 et M4 déjà plissées du syn- dent, peut être déduit du jeu polyphasé de reconnus également par Kandel (1986), clinal de Combe-Ferre. Ces observations failles (Combe-Ferre, la Conche, les Casagrande (1989), Saillard (1991). n’apportent malheureusement aucune indi- Faysses, dans la partie occidentale du sec- Casagrande date cette déformation comme cation précise concernant la chronologie teur de Montbrun). Cet événement n’est étant postérieure au Pliocène supérieur dans des stades successifs de déformation. pas daté ici. D’après Villeger et Andrieux la vallée du Rhône.

GÉOLOGIE DE LA FRANCE, N° 3, 2000 29 SÉDIMENTATION MIOCÈNE AU NORD DE VENTOUX-LURE

Barret

Fig. 20.- Représentation schématique de l’extension du domaine marin miocène (M1) dans son cadre morphostructural. Fig. 20.- Illustration of the Early Miocene marine domain (M1) related to the morphostructural framework.

Conclusions raux (fin Burdigalien ; M4 et « sables de Langhien, tandis que le milieu marin se Valréas ») remanient et débordent large- maintient plus durablement tant à l’ouest Les dépôts miocènes présents sur la ment les niveaux miocènes sous-jacents. (vallée du Rhône) qu’à l’est (bassin de marge méridionale des Baronnies au nord Digne). de Ventoux-Lure appartenaient à un golfe Bien que d’affinités rhodaniennes, les marin relativement étroit allongé d’ouest dépôts du couloir nord Ventoux-Lure ont De même le réseau fluviatile originai- en est, ouvert sur le Couloir rhodanien. Le subi une structuration beaucoup plus re des Alpes internes (« paléo-Durance ») golfe s’est étendu vers l’est en plusieurs vigoureuse que dans la vallée du Rhône, qui s’établit un temps (Langhien) au nord étapes, entre le Burdigalien et le début du conforme à leur position à l’intérieur du de Ventoux-Lure pour déboucher sur le Langhien sans jamais se relier au bassin de domaine subalpin. Ce dernier était déjà littoral rhodanien ne s’y maintient pas Digne. Ainsi les massifs « urgoniens » de notablement structuré avant le dépôt du durablement en raison de la poursuite du Ventoux-Lure et des Monts du Vaucluse Miocène. Les structures (plis et failles) mouvement chevauchant. La « paléo- n’ont pas constitué une véritable île ou un héritées de phases tectoniques antérieures Durance » se trouve alors « captée » par haut-fond isolé mais plutôt une presqu’île, jouent un rôle important dans la sédimenta- l’aire fortement subsidente de Digne- durablement reliée au continent par le tion miocène (accentuation de la subsiden- Valensole, elle-même « découplée » par nord-est, baignée au nord par le golfe ce au voisinage de l’accident bordier le jeu de la faille de la Durance, des mas- étroit des Baronnies et au sud-est par le Ventoux-Lure ; influence des accidents sifs Ventoux-Lure et des Monts du bras de mer beaucoup plus vaste d’Apt- transverses, dans le transit des matériaux Vaucluse, en voie de surrection et de Forcalquier - Digne (fig. 1). détritiques). translation vers le nord. La série représentée pour cinq unités sédimentaires (M1 à M5 de Montbrun- La sédimentation s’est opérée en régi- L’avancée du front chevauchant les-Bains) s’organise en séquences de me de déformation compressive subméri- Ventoux-Lure a eu enfin pour conséquence dépôts, corrélables sur l’ensemble du sec- dienne (direction de raccourcissement une déformation très intense des terrains teur étudié et avec les dépôts du Couloir N165°-N170°). Dans ce contexte tecto- miocènes (plis serrés du secteur de rhodanien (fig. 13 et 14). nique, la mobilité du front chevauchant Montbrun-les-Bains ; chevauchement du Ventoux-Lure vers le nord a pour consé- synclinal miocène du Jabron à flanc sud Dans le Couloir rhodanien comme au quence une émersion précoce du couloir fortement tectonisé) qui s’est poursuivie nord de Ventoux-Lure, les dépôts litto- sédimentaire des Baronnies, dès le jusqu’à une période récente plio-quaternaire.

30 GÉOLOGIE DE LA FRANCE, N° 3, 2000 SÉDIMENTATION MIOCÈNE AU NORD DE VENTOUX-LURE

Références

Barrier P., Cauquil E. (1996) - Environnements et biocénoses de Méditerranée : un modèle paléoécologique. Géochronique, 58, 42. Blancherie F. (1963) - Étude géologique détaillée de la région de Montbrun-les-Bains (Drôme). DES, Univ. Lyon, 72 p. Boussin J.M. (1993) - Le Miocène de la région de Montfroc et du Mévouillon (Baronnies, Drôme, France). Mém. Apt. Géol., IGAL, 86, 54 p. Casagrande L. (1989) - Évolution tectono-sédimentaire mio-pliocène du bassin du Comptat Venaissin (Vallée du Rhône). Géologie de la France, n° 3, 13-20. Cauquil E. (1992) - Écobiostratigraphie des séries plio-pléistocènes de la marge apenninique entre Parma et Piacenza (Emilia Romagna, Italie). Relation avec le cadre naturel. Thèse, Univ. Paris VI, 265 p. Cavelier C. et al. (1991) - Notice explicative de la feuille de Vaison-la-Romaine, n° 915. Carte géologique de la France à 1/50 000, BRGM, 55 p. Combaluzier C. (1932) - Le Miocène de la Basse-Provence. Bull. Serv. Carte géol. Fr., 182 p. Debelmas J., Demarcq G. (1980) - Le Bassin rhodanien (de Lyon à la Méditerrannée) in C. Lorenz (coord.). Géologie des pays européens. France, 315-318. Dunod édit. Debourle A. (1974) - Les bryozoaires du Nummulitique d’Aquitaine sud-occidentale, systématique, paléoécologie. Thèse, Univ. Bordeaux I, 264 p. Delécolle M. (1968) - Recherches géologiques dans la région de Saint-Vincent et Noyers-sur-Jabron (Basses Alpes). DES, Univ. Orléans, 64 p. Demarcq G., Barbillat R. (1971) - Les pectinidés néogènes du Bassin rhodanien. Docum. Lab. Géol. Univ. Lyon, h.s., 45-49. Demarcq G. (1962) - Étude stratigraphique du Miocène rhodanien. Mém. BRGM, Fr., 61, 257 p. Depéret M. (1893) - La classification et le parallélisme du système miocène. Bull. Soc. géol. Fr., 3, 31, 170-266. Depéret M. (1900) - Les bassins tertiaires du Rhône. Livret-guide. Excursion VIIIe Congrès Géologique International, Paris, 32 p. Flandrin J. (1961) - Les conglomérats sannoisiens de Montfroc au Nord de la chaîne de Lure (Drôme) C.R. Acad. Sci., Fr., Paris, 252, 764-766. Flandrin J. (1963) - Remarques stratigraphiques paléontologiques et structurales sur la région de Séderon. Bull. Serv. Carte géol. Fr., 272, 815-844. Fontannes F. (1876) - Études stratigraphiques et paléontologiques pour servir à l’histoire de la période tertiaire dans le bassin du Rhône : sur les terrains tertiaires supérieurs du Haut-Comtat Venaissin. Soc. Agr. Hist. Nat. Arts utiles, Lyon, 2, 7 p. Fontannes F. (1882) - Nouvelles observations sur les terrains tertiaires et quaternaires des départements de l’Isère, de la Drôme et de l’Ardèche, Imp. Pitrat Ainé, Lyon, 20 p. Garnier L. (1999) - Le Miocène au Nord de Ventoux-Lure. Évolution paléogéographique et structurale (Vaucluse, Drôme, Alpes de Haute-Provence, France). Mém. Géol., IGAL, 124, 222 p. Gigot P., Colomb E., Damiani L., Dubar M., Durozoy G., Thomel G. (1982) - Notice explicative de la feuille de Forcalquier, n° 943. Carte Géologique de la France à 1/50 000, BRGM, 27 p. Gnaccolini M., Gelat R., Falleti P., Catrullo D. (1998) - Sequence stratigraphy of the « Langhe » Oligo-Miocene succession, Tertiary piedmont Basin, Northern Italiy. In: Mesozoic and Cenozoic sequence stratigraphy of European Basins, SEPM Spec. Publ., 60, 233-244. Graciansky P.C. de, Durozoy G., Gigot P. (1982) - Notice explicative de la feuille de Digne, 944. Carte géologique de la France à 1/50 000, BRGM, 35 p. Haq B.U., Hardenbol J.E., Vail P.R. (1998) - Mesozoic and Cenozoic chroniostratigraphy and cycles of sea-level changes In: Sea-level changes: an integrated approach. SEPM Spec. Publ., 42, 71-108. Hardenbol J., Thierry J., Farley M., Jacquin Th., Graciansky P.C. de, Vail P.R. (1998) - Cenozoic biochronostratigraphy In: Graciansky P.C. de et al. edits « Menozoic and Cenozoic sequence stratigraphy of European Bassins » SEPM Spec. Publ., 60. Harmelin J.G. (1976) - Le sous-ordre des Tubuliporina (bryozoaires cyclostomes) en Méditerranée. Ecologie et systématique. Mém. Inst. océano. Monaco, 10, 1-326. Harmelin J.G. (1988) - Les Bryozoaires, de bons indicateurs bathymétriques en paléoécologie. Géologie Méditerranéenne, 15, 1, 49-63. Kandel D. (1986) - Étude préliminaire tectono-sédimentaire du diapir de . Mém. Apt. Géol., IGAL, 36, 125 p. Killian W. (1888) - Description géologique de la Montagne de Lure. Thèse, Univ. Paris, 458 p. Killian W. (1895) - Note sur la structure de la Montagne de Lure et des environs de Sisteron (Basses Alpes). Bull. Soc. géol. Fr., 3, 33-35. Ksiazkiewicz M. (1977) - Trace fossils in the flysch of the polish Carpathians. Polska akademia Nauk zaklad paleobiologii, 36, 208 p. Lapparent (de) A.F. (1941) - Les phases de plissements tertiaires dans la région du Mont-Ventoux et de la Montagne de Lure. Bull. Soc. géol. Fr., 5, 6, 75-85. Leenhardt F. (1883) - Étude géologique de la région du Mont-Ventoux. Thèse, Univ. Montpellier, 278 p. Lesueur J.L., Rubino J.L., Giraudmaillet M. (1990) - Organisation et structures internes des dépôts tidaux du Miocène rhodanien. Bull. Soc. géol. Fr., 1, 49-65. Martini E., Muller C. (1986) - Tertiary and Quaternary calcareous nannoplankton stratigraphy. Newsl. stratigr., 16/2, 99-112. Masse J.P. (1988) - L’étagement bionomique des milieux bentiques néritiques actuels : signification bathymétrique et implications paléobathymétriques. Géologie Méditerranéenne, 15, 1, 91-102. Montenat C. (1968) - Contribution à l’étude des formations continentales des Baronnies. Bull. BRGM, Fr., 2, 1-18. Montenat C., Ott d’Estevou P., Saillard M. (1986) - Sur la tectonique anté-cénomanienne du fossé de Sault-de-Vaucluse (chaînes subalpines méridionales). C.R. Acad. Sci., Fr., Paris, 303, (2), 7, 609-612.

GÉOLOGIE DE LA FRANCE, N° 3, 2000 31 SÉDIMENTATION MIOCÈNE AU NORD DE VENTOUX-LURE

Parize O., Callec Y., Rubino J.L. (1999) - Le Miocène moyen et supérieur du bassin de Valréas (SE France) : faciès et organisation stratigraphique. Congrès ASF, Nancy, 1999. Publ. ASF, 33, 249-250. Pérès J. M., Picard J. (1964) - Nouveau manuel de bionomie benthique de la Mer Méditerranée. Trav. Stat. Mar. Endoume, 23, 14, 122 p. Philippe M. (1987) - Le Mont-Ventoux et son auréole de terrains miocènes ; les principaux faciès et leurs utilisations par l’Homme. Actes Colloque « Voyages autour du Ventoux ». Études vauclusiennes, n° spéc. 3, 21-33. Philippe M. (1996) - Les échinides miocènes du bassin du Rhône (Révision systématique), Thèse, Univ. Lyon 1, 2 tomes, 513 p. Pouyet S. (1973) - Révision systématique des Cellépores (Bryozoa, Cheilostomata) et des espèces fossiles européennes. Analyse de quelques populations à Cellépores dans le Néogène du Bassin rhodanien. Doc. Lab. Fac. Sci. Lyon, 55, 266 p. Rousset C. (1981) - Chronologie et géodynamique du bassin néogène de Digne. C.R. Acad. Sci., Fr., Paris, 292, 1213-1216. Saillard M. (1991) - Évolution tectono-sédimentaire du fossé de Sault et du bassin de Montbrun-les-Bains durant l’Oligocène (Vaucluse-Drôme), Thèse, Univ. Provence (Aix-Marseille 1), 286 p. Tessier B. (1990) - Enregistrement des cycles tidaux en accrétion verticale dans un milieu actuel (la baie du Mont-Saint-Michel) et dans une formation ancienne (la molasse marine miocène du bassin de Digne). Thèse, Univ. Caen, 227 p. Villeger M., Andrieux J. (1987) - Phases tectoniques post-éocènes et structuration polyphasée du panneau de couverture nord-provençal (Alpes externes méridionales). Bull. Soc. géol. Fr., 1,3, 147-156.

32 GÉOLOGIE DE LA FRANCE, N° 3, 2000