Fabien Conord, « De la “République sénatoriale” à la “forfaiture”. Le Sénat et la Ve République 1959- 1962 », Histoire@Politique. Politique, culture, société, N°12, septembre-décembre 2010, www.histoire- politique.fr

De la « République sénatoriale » à la « forfaiture ». Le Sénat et la Ve République 1959-1962

Fabien Conord

La lecture des rapports entre le Sénat et la Ve République des débuts se concentre sur les deux termes principaux de la période : la renaissance du Sénat et l’affrontement institutionnel de 19621. Le regard est attiré par la personnalité des deux principaux protagonistes, le chef de l’État et le président du Sénat, tous deux dotés d’un caractère bien trempé. et Gaston Monnerville2 ont évoqué cette querelle dans leurs mémoires. Le chef de l’État, qui doit consulter les présidents des deux Chambres lorsqu’il dissout l’Assemblée nationale en 1962, écrit que l’entrevue avec Gaston Monnerville prit « deux minutes sans poignée de main3 », version contredite par le président du Sénat dans ses propres souvenirs. Quoi qu’il en soit, le président du Sénat apparaît bien comme le leader des opposants à la pratique institutionnelle de Charles de Gaulle. Son rôle ne doit pas occulter les différends croissants qui séparent peu à peu la grande majorité des sénateurs français et le pouvoir gaullien entre 1959 et 1962. L’objet de cet article est de restituer le climat de ces quatre années de tensions et d’en déterminer les raisons. L’analyse des débats et des votes du Sénat montre les faux-semblants d’une lune de miel avortée puis les principaux éléments qui contribuent à séparer puis à opposer la Haute Assemblée, gaullistes exceptés, et le pouvoir exécutif, jusqu’à atteindre un point de non retour en 1962.

L’année 1959, d’espoirs en déceptions

L’instauration de la Ve République en 1958 signe le retour du vocable « Sénat » dans les institutions politiques, même si les membres du Conseil de la République s’étaient réappropriés dès 1948 leur nom de « sénateurs » et si les pouvoirs de la seconde Chambre sont inférieurs à ceux du Sénat de la IIIe République. C’est à une figure du Conseil de la République, sénateur d’Indre-et-Loire, qu’est confiée la direction du gouvernement4. Les opposants à Michel Debré n’hésitent d’ailleurs pas à lui rappeler

1 Pour un regard d’ensemble, Jean Mastias, Le Sénat de la Ve République : réforme et renouveau, , Économica, 1980, et Le Sénat de la Ve République. Les cinquante ans d’une assemblée bicentenaire, Actes du colloque du 3 juin 2009, Paris, Sénat, 2009. 2 Gaston Monnerville, radical-socialiste, préside le Conseil de la République de 1947 à 1958 et le Sénat de 1959 à 1968. 3 Charles de Gaulle, Mémoires d’espoir, tome 2 : L’effort 1962-…, Paris, Plon, 1971, p. 60. 4 Il faut attendre le XXIe siècle pour qu’un sénateur entre à nouveau à l’hôtel Matignon (Jean-Pierre Raffarin puis François Fillon). Trois anciens Premiers ministres sont devenus sénateurs (Maurice Couve de Murville, Pierre Mauroy, Michel Rocard).

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ce passé lorsqu’ils dénoncent le poids de l’exécutif face au Sénat. C’est ce que fait Gaston Defferre qui déclare, le 3 juillet 1960 : « Vous avez été, dans le passé ancien et dans le passé récent, un des promoteurs du rétablissement du Sénat, d’un Sénat avec toutes ses prérogatives, et notamment ses prérogatives législatives » et « vous faites de ce Sénat moins encore que n’était le Conseil de la République5 ». Hormis Michel Debré, peu de sénateurs entrent au gouvernement. Le ministère de l’Agriculture est le seul qui leur semble vraiment dévolu. Au cours de la période considérée, ses trois titulaires proviennent en effet de la Haute Assemblée. Roger Houdet évoque des raisons de santé pour justifier sa démission du gouvernement après son élection au Sénat au printemps 19596. Son successeur est Henri Rochereau, président de la Commission des affaires économiques au Conseil de la République depuis 1952. Michel Debré expose clairement ses motivations lorsqu’il écrit : « À la place d’Houdet, je souhaite un sénateur. Je choisis Henri Rochereau qui vient d’être réélu en Vendée et qui a toujours fait preuve d’un comportement national7. » En 1961, c’est un membre du groupe de la Gauche démocratique, Edgard Pisani, qui a voté contre la loi d’orientation agricole en 1960, qui devient ministre de l’Agriculture, portefeuille faisant figure d’exception dans le recrutement ministériel. Il est vrai que le renouvellement général du Sénat en 1959 ne sourit guère aux gaullistes, déjà déçus dans leurs ambitions municipales quelques semaines auparavant. Le scrutin est en effet marqué par une stabilité globale, défavorable au gaullisme, et par un fait marquant, la « revanche » de députés battus en novembre 1958. Ces deux éléments sont soulignés par Le Monde qui titre « Le Sénat de la Ve République ressemblera beaucoup à celui de la IVe ». Jacques Fauvet voit dans cette preuve que le personnel de la IVe République existe toujours une « leçon d’humilité » pour le pouvoir8. Ces commentaires, partagés par la quasi-totalité de la presse, ne doivent pas masquer une droitisation de la seconde Chambre, même si le phénomène est moins prononcé que dans l’Assemblée nationale issue des élections législatives de novembre 1958. En effet, ce sont surtout le Mouvement républicain populaire (MRP) et les modérés qui progressent. Les gauches apprécient néanmoins le scrutin, qui permet le retour au Parlement de figures emblématiques. Les trois personnalités les plus convoquées par les commentateurs sont Jacques Duclos, Gaston Defferre et François Mitterrand. Ces trois leaders ne sont pas seuls à effectuer le trajet entre Palais-Bourbon et palais de Luxembourg. Au Parti communiste français (PCF), la représentation proportionnelle offre la possibilité de faire élire, outre Jacques Duclos, Georges Cogniot et Jeannette Thorez-Vermeersch. Le groupe de la Gauche démocratique s’enrichit d’anciens ministres de haut rang, tel François Mitterrand, mais aussi de radicaux comme Edgar Faure, ancien président du Conseil. L’arrivée de certains élus de droite peut également contribuer à rendre les débats animés. C’est ce

5 Journal officiel, Sénat, débats parlementaires, séance du 3 février 1960, p. 39. 6 Roger Houdet avait déjà siégé au Conseil de la République de 1952 à 1958 et exercé les fonctions de ministre de l’Agriculture de 1953 à 1955. Il demeure sénateur de la Seine-Maritime jusqu’en 1977. 7 Michel Debré, Trois Républiques pour une , Mémoires, tome 3 : Gouverner. 1958-1962, Paris, Albin Michel, 1988, p. 25. 8 Le Monde, 28 avril 1959.

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que laisse entendre Edmond Barrachin lorsqu’il présente sa liste dans la Seine : « La Haute Assemblée équilibrera désormais les pouvoirs, l’exécutif s’étant déplacé de Matignon à l’Élysée, et l’Assemblée issue des élections de novembre dernier pouvant avoir tendance à une certaine timidité9. » Les premières passes d’armes ne tardent pas. Dès le mois de mai, en effet, Pierre Viansson-Ponté note que les remous « ont pris au Sénat un caractère particulièrement vif10 ». Les escarmouches se multiplient, tant sur les attributions précises de la Haute Assemblée que sur les questions économiques et sociales. Face à ces manifestations d’indépendance vis-à-vis de l’exécutif, celui-ci tente « la neutralisation du Sénat ». Selon Charles Roig, « une première tactique gouvernementale a consisté à ignorer une assemblée qu’il était impossible de maîtriser, d’autant que la Constitution, en autorisant l’Assemblée nationale à statuer définitivement, permettait au gouvernement de passer outre au veto sénatorial ». Cette pratique fut mise en œuvre pendant la session de juin 1959. Durant l’automne suivant, « la préoccupation du gouvernement fut au contraire de prendre en main le Sénat, et ce fut à ce moment que se posa véritablement un problème de majorité11 », qui est particulièrement visible lors de la discussion du budget en décembre 1959. Le 21 décembre, le budget est rejeté par 128 voix contre 73. Seuls les sénateurs de l’Union pour la Nouvelle République (UNR) ont voté en bloc en faveur du projet gouvernemental. Tous les communistes et socialistes, mais aussi les radicaux- socialistes ont voté contre. Les représentants du MRP se sont abstenus () ou n’ont pas pris part au vote (Jean Lecanuet). Les indépendants et paysans ont choisi des options diverses, et leur éclatement explique le rejet du budget. Si Georges Bonnet, Robert Gravier, Henri Lafleur ou Hector Peschaud12 ont voté en faveur du projet, Léon Jozeau-Marigné, Modeste Legouez, Pierre Marcilhacy, Georges Portmann, Paul Ribeyre13… ont choisi l’abstention, tandis que des personnalités comme Edmond Barrachin, René Blondelle ou Martial Brousse14 n’ont pas pris part au vote. Devant cette fronde, le gouvernement est contraint à des concessions : il doit, notamment, s’engager à ne pas mettre en recouvrement la moitié des cotisations des prestations sociales agricoles et à appliquer les pourcentages établis par la commission des finances du Sénat pour les tranches locales du fonds routier. Le 23 décembre 1959, le budget est finalement adopté par 116 voix contre 100, grâce au ralliement de certains sénateurs indépendants qui s’étaient abstenus deux jours auparavant (tels Léon Jozeau-Marigné ou Georges Portmann) ou n’avaient pas pris

9 Le Monde, 15 avril 1959. 10 Le Monde, 29 mai 1959. 11 Charles Roig, « L’évolution du Parlement en 1959 », dans Éliane Guichard-Ayoub, Charles Roig, Jean Grangé, Études sur le Parlement de la Ve République, préface de Marcel Prélot, Paris, PUF, 1965, p. 43- 166, p. 148. 12 Respectivement sénateurs de la Lozère (1955-1973), de la Meurthe-et-Moselle (1946-1974), de la Nouvelle-Calédonie (1947-1955 et 1959-1974) et du Cantal (1946-1968). 13 Respectivement sénateurs de la Manche (1948-1983), de l’Eure (1959-1989), de la Charente (1948- 1980), de la Gironde (1933-1941, 1955-1971) et de l’Ardèche (1959-1980). 14 Martial Brousse, ancien président de la CGA (Confédération générale de l’agriculture) de 1946 à 1948 et ancien vice-président du Conseil économique de 1947 à 1948, est sénateur de la Meuse de 1948 à 1974.

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part au vote (Martial Brousse). Communistes et socialistes maintiennent, unanimes, leur opposition, partagée par une majorité de la Gauche démocratique. Quarante- neuf sénateurs persistent dans l’abstention (c’est le cas des centristes André Colin et Alain Poher, mais aussi de l’indépendant Pierre Marcilhacy) et trente-trois sénateurs ne prennent pas part au vote (dont Edgar Faure qui avait voté contre le 21 décembre, le MRP Jean Lecanuet et des indépendants et paysans aussi connus que René Blondelle ou Roger Duchet). Quelques jours plus tard, l’année 1959 se termine au Sénat par un débat qui ressoude les droites. Le 29 décembre, le « projet de loi relatif aux rapports entre l’État et les établissements d’enseignement privés », passé à la postérité sous le nom de loi Debré, est adopté après deux motions de procédure parlementaire, l’exception d’irrecevabilité défendue par Edgar Tailhades (SFIO)15 et la question préalable posée par Georges Cogniot (PCF), qui recueillent respectivement 77 et 65 voix. Le projet de loi est ensuite adopté par 173 voix contre 9916, grâce au rassemblement des groupes du MRP, de l’UNR et des indépendants et des paysans. L’ensemble des socialistes et des communistes, mais aussi tous les radicaux-socialistes de stricte obédience s’opposent au projet17, y compris des hommes aussi modérés qu’Edgar Faure ou Eugène Romaine18. La laïcité entretient toujours un clivage qui réunit dans un même vote les trois gauches du premier XXe siècle (radicalisme, socialisme et communisme).

1960-1961 : de multiples désaccords

Charles Roig estime que « si les grands problèmes nationaux ne suscitèrent aucune opposition grave entre le gouvernement et le Sénat, il n’en fut pas de même pour les problèmes économiques et sociaux », et considère que « le problème algérien ne provoqua ni perturbation, ni crise de conscience » au palais du Luxembourg19. La dernière appréciation mérite nuance, comme le montre le vote du 3 février 1960 sur le « projet de loi autorisant le gouvernement à prendre certaines mesures relatives au maintien de l’ordre, à la sauvegarde de l’État, à la pacification et à l’administration de l’Algérie ». Consécutif à la semaine des barricades, il recueille certes une large approbation (225 pour, 39 contre), facilitée par le soutien apporté par Amar Beloucif au nom des « sénateurs musulmans d’Algérie20 », mais la personnalité des opposants et la teneur des réserves exprimées révèlent une distanciation certaine. Le groupe

15 Maire de Nîmes de 1947 à 1965, Edgar Tailhades est sénateur du Gard de 1948 à 1986. 16 Six sénateurs s’abstiennent (dont Étienne Dailly), vingt-et-un ne prennent pas part au vote et six sont excusés ou absents pour congé. 17 Les représentants du Centre républicain (formation dissidente du parti radical-socialiste) votent la loi Debré. 18 Eugène Romaine est sénateur de la Creuse de 1959 à 1980. 19 Charles Roig, « L’évolution du Parlement en 1959 », op. cit., p. 43-166, p. 151. 20 Journal officiel, Sénat, débats parlementaires, séance du 3 février 1960, p. 34-35.

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communiste est le seul à s’y opposer en bloc, Jacques Duclos considérant que « tout affaiblissement des libertés populaires fait le jeu des aventuriers fascistes ». Il est rejoint par quelques sénateurs de gauche (Émile Aubert, Paul Baratgin, Jean Geoffroy, François Mitterrand, Ludovic Tron21). Les motivations des opposants indépendants et paysans sont diverses. Pierre Marcilhacy rappelle qu’il fut favorable à la loi-cadre et au collège unique, mais affirme que, « par honneur et par conscience », il refuse de voter le texte, qui suscite encore le vote hostile des adversaires de la politique de décolonisation (Edmond Barrachin, René Blondelle, Jacques de Maupeou, Guy Petit22). Les dix-huit abstentionnistes se recrutent principalement à droite (André Armengaud, Roger Duchet, Robert Gravier…), même si les trois sénateurs socialistes du Puy-de-Dôme partagent cette option, tandis que les dix-sept sénateurs ne prenant pas part au vote sont souvent issus de l’outre-mer (Alfred Isautier, Mohamed Kamil, Laurent Schiaffino23). Dans son intervention, André Armengaud craint « une révision indirecte de la Constitution », « dans un sens présidentiel », et exprime l’agacement de nombreux sénateurs vis-à-vis du pouvoir exécutif : « Nous sommes majeurs ! », dit-il24. Le même type de réaction est perceptible lorsque Émile Hugues (Gauche démocratique, sénateur des Alpes-Maritimes) déclare, le 18 mai 1960, à propos de la révision du titre XII concernant la Communauté : « Sur le fond, nous sommes d’accord » mais il ajoute que la Constitution est traitée avec trop de désinvolture pour qu’il puisse approuver le projet25. La modification est adoptée par 146 voix contre 127, selon un clivage opposant essentiellement droite et gauche, même si quelques indépendants et paysans manifestent leur désapprobation (Edmond Barrachin, René Blondelle, Roger Duchet, Pierre Marcilhacy, Guy Petit)26. Les sénateurs déplorent également que le gouvernement ne sollicite point leur avis en dehors de lois précises. En 1961, Gaston Monnerville regrette que le gouvernement n’ait jamais demandé au Sénat « de se prononcer sur sa politique générale », ce que permet l’article 49 de la Constitution27. Le 15 mai 1962, Jacques Duclos exprime le même sentiment lors d’une question orale : « Il me paraissait normal à l’occasion de l’entrée en fonction d’un nouveau Premier ministre que s’ouvrît un débat de politique générale au Sénat28. » La Haute Assemblée ne semble guère peser sur la confection des lois, puisque sur les 291 adoptées par le Parlement entre 1959 et juillet 1962, seules sept sont d’initiative sénatoriale. De plus, si neuf motions de censure sont

21 Respectivement sénateurs des Basses-Alpes (1948-1969), des Hautes-Pyrénées (1946-1966), du Vaucluse (1948-1986), de la Nièvre (1959-1962) et des Hautes-Alpes (1957-1968). 22 Jacques de Maupeou est sénateur de Vendée (1948-1963) et Guy Petit des Basses-Pyrénées puis des Pyrénées-Atlantiques (1959-1983). 23 Respectivement sénateurs de la Réunion (1959-1974), de la Côte française des Somalis (1959-1965) et d’Alger (1955-1962). 24 Journal Officiel, Sénat, débats parlementaires, séance du 3 février 1960, p. 38-39. 25 Journal Officiel, Sénat, débats parlementaires, séance du 18 mai 1960, p. 233. 26 La fin de la Communauté affecte particulièrement le président du Sénat, enfant de la France équinoxiale (Gaston Monnerville, Vingt-deux ans de présidence, Paris, Plon, 1980, p. 97-116). 27 Gaston Monnerville, Revue Politique et Parlementaire, n°711, avril 1961, p. 3-6, p. 4. 28 Jacques Duclos, Mémoires, tome 6 : 1959-1969. Et la lutte continue. Du début de la Ve République à la campagne présidentielle de 1969, Paris, Fayard, 1972, p. 182.

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présentées à l’Assemblée nationale entre novembre 1959 et octobre 1962, le pouvoir exécutif est préservé de cette procédure au Sénat. Si la survie du gouvernement ne s’y joue pas vraiment, le contenu de certaines lois peut y subir de réelles inflexions. Les projets économiques et sociaux sont particulièrement discutés. Le projet de loi d’orientation pour l’agriculture suscite ainsi de vives réticences. Michel Debré reconnaît que « c’est une autre affaire » qu’à l’Assemblée nationale. Le rapporteur est le MRP Jean Deguise, « un exploitant important du département de l’Aisne », collègue dans ce département de René Blondelle qui préside l’Assemblée permanente des présidents de chambres d’agriculture. Sur les bancs des républicains indépendants, Michel Debré bénéficie toutefois du soutien de « deux anciens collègues et amis », Paul Driant (sénateur de la Moselle) et Michel Yver (sénateur de la Manche)29. Malgré leur appui, c’est avec une large majorité qu’est repoussé le projet de loi d’orientation agricole, en troisième lecture, le 25 juillet 1960, par 162 voix contre 72. La majorité hostile regroupe la SFIO, l’essentiel de la Gauche démocratique, du MRP et des indépendants et paysans. Le groupe PCF est plus modéré, ne prenant pas part au vote, attitude partagée par quelques sénateurs du centre et de droite, dont Edmond Barrachin, Alain Poher et Roger Houdet, ancien ministre de l’Agriculture de Charles de Gaulle. En novembre 1961, le budget est adopté par le Sénat (par 123 voix contre 70), mais avec beaucoup de modifications (suppression de crédits pour la Légion d’honneur, le Sahara et l’Algérie, notamment), grâce au choix décisif des sénateurs indépendants et paysans qui sont les seuls à l’approuver avec leurs collègues de l’UNR. Socialistes et communistes votent contre, tandis que le MRP et la Gauche démocratique s’abstiennent. En votant le budget, les indépendants et paysans ont adopté une stratégie élaborée puisque les modifications introduites contraignent les députés à discuter du texte remanié et non pas à revoter simplement la version initiale. Trois tendances se dégagent de ces scrutins : communistes et socialistes constituent une opposition résolue ; les groupes du centre (Gauche démocratique et MRP) observent une attitude critique ; les indépendants et paysans, enfin, composent avec l’UNR une majorité, faible mais suffisante, pour approuver les projets gouvernementaux, non sans négociations. Libéraux et conservateurs expriment d’ailleurs leurs réserves et tracent les limites de leur coopération. Envisageant de prononcer le discours au sujet du budget de 1961, Edmond Barrachin30 écrit ainsi que « voter un budget est une chose ; pratiquer une politique de soutien gouvernemental en est une autre », et qu’« il y a des réalités permanentes : la défense des intérêts considérés comme vitaux par une nation, et un gouvernement parlementaire qui tienne compte des aspirations de l’opinion et qui s’appuie sur cette opinion publique sans laquelle vous ne bâtirez rien de durable31 ». L’explication de vote des républicains indépendants est finalement prononcée par André Armengaud. Il

29 Michel Debré, Gouverner…, op. cit., p. 78 à 83. 30 Sénateur de la Seine, Edmond Barrachin a été élu président du groupe des républicains indépendants le 25 octobre 1961. 31 Archives d’histoire contemporaine (Centre d’histoire de Sciences Po), Fonds Barrachin, en cours de classement.

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critique les charges nouvelles, exprime l’importance que son groupe attache à la politique européenne32, mais aussi à la question de la justice (« Nous sommes du fond de nos entrailles opposés à tout ce qui porte atteinte à la liberté individuelle, aux droits sacrés de la défense »), ce qui conduit ce sénateur indépendant à citer (« à titre personnel », précise-t-il toutefois) un propos du Club Jean Moulin (« C’est tuer le citoyen, c’est tuer le pouvoir, l’État et presque l’Homme »). Ces propos non dénués d’aspérités participent d’un concert de plus en plus unanime dans l’enceinte du Sénat et provoquent une irritation croissante à l’Élysée mais aussi à Matignon. Dans ses Mémoires d’espoir, Charles de Gaulle écrit que « le Sénat, faute d’avoir encore reçu une destination économique et sociale moderne et, par là, une effective responsabilité, se confine dans une contestation aussi morose qu’elle est vaine33 ». Si ce propos est publié de manière postérieure, il n’en va pas de même pour ceux de Michel Debré, dont François Goguel rapporte en 1962 qu’il aurait dit « que, dans un régime comportant par ailleurs de sérieuses garanties d’autorité et de stabilité du pouvoir gouvernemental, l’utilité de la seconde Chambre lui paraissait aujourd’hui moins grande qu’il ne l’avait pensé en 195834 ». Gaston Monnerville est conscient de l’inflexion gaulliste en matière institutionnelle et s’emploie à en prévenir les conséquences. En 1961, il publie un article dans la Revue politique et parlementaire où il rappelle que l’article 46 de la Constitution prévoit que les lois relatives au Sénat doivent être adoptées dans les « mêmes termes » par les deux Chambres, et qu’il serait également nécessaire pour y parvenir d’amender l’article 24 de la Constitution et de modifier la loi organique du 15 novembre 1958. Gaston Monnerville indique que le Sénat constitue une « assemblée politique et qui entend le rester », n’a jamais été une chambre d’enregistrement et « exerce, sans complaisance comme sans parti pris, le contrôle parlementaire dont l’a chargé la Constitution ». Le président Monnerville en appelle à Georges Clemenceau qui vantait le « temps de la réflexion » permis par le Sénat, et ajoute : « La caution est de taille. Il est vrai que Clemenceau, démocrate convaincu, familier de la psychologie politique des Français, respectait les droits du Parlement. »35 La conclusion restitue les tensions qui existent entre l’exécutif et le Sénat, largement préexistantes à l’affrontement suscité par la révision constitutionnelle de 1962. Ce moment est souvent présenté comme une rupture alors qu’il ne constitue que l’étape ultime d’un processus de distanciation entre deux institutions et non seulement entre deux hommes, sur lesquels focalise largement l’analyse des éclats de voix et des traits de plume qui font l’histoire des relations entre le Sénat et la Ve République gaullienne.

32 André Armengaud, qui représente au Sénat les Français de l’étranger, est également parlementaire européen. 33 Charles. de Gaulle, Mémoires d’espoir, tome 2 : …, op. cit., p. 103. 34 François Goguel, « Réflexions sur le régime présidentiel », Revue française de science politique, juin 1962, p. 289-311, p. 289. 35 Gaston Monnerville, Revue politique et parlementaire, n°711, avril 1961, p. 3-6.

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L’année 1962, point de non-retour

L’allocution de Gaston Monnerville au congrès du Parti radical-socialiste, le 29 septembre 1962, durant laquelle il prononce le terme « forfaiture », illustre et résume la violence de l’opposition née de la volonté de modifier le mode d’élection du président de la République. L’épisode occulte non seulement les désaccords exprimés lors des années précédentes mais également les incidents qui émaillent l’année 1962 elle-même. La cessation de mandat des parlementaires d’Algérie intervient le 4 juillet 1962, en application de l’ordonnance n°62-737 du 3 juillet 1962 consécutive à l’indépendance de l’Algérie. La rapidité de la procédure, qui concerne 34 sénateurs, heurte de plein fouet la sensibilité de leurs collègues. A posteriori, Gaston Monnerville est réservé sur la légalité de cette décision : « Un principe fondamental du régime républicain est que l’élu est le représentant non seulement d’une circonscription, mais de la nation tout entière. » Il n’appartient donc « à personne » de « mutiler » la représentation parlementaire36. Le 3 juillet 1962, le président du Sénat s’adresse à l’ensemble des élus algériens pour leur dire que « si impérieuses que soient les conséquences de la loi, le Sénat ne peut qu’éprouver grande tristesse de cette séparation ». Il décline ensuite sa sympathie tant « aux sénateurs algériens de confession musulmane, quelles que puissent être leurs affinités personnelles » qu’« aux sénateurs algériens de souche européenne37 ». Le devenir de ce personnel politique constitue également une préoccupation pour Edmond Barrachin qui transmet leur courrier sur la situation au lendemain de l’indépendance à le 25 juillet 1962 ; le 2 août suivant, c’est d’ailleurs à lui que s’adresse la réponse du Premier ministre. En octobre 1962, c’est encore Edmond Barrachin qui plaide pour l’inscription des rapatriés sur les listes électorales. Le point de non-retour dans les relations entre le Sénat et la Ve République des années 1960 est atteint en septembre et octobre 1962. L’épisode est connu : Charles de Gaulle propose de modifier le mode d’élection du chef de l’État par référendum, procédure qui provoque l’opposition de la quasi totalité des juristes et de la majeure partie du personnel politique. Dans ses mémoires, Gaston Monnerville évoque même les réticences exprimées discrètement par quelques sénateurs UNR et les réserves formulées ouvertement par Marcel Prélot, qui « n’approuva point la méconnaissance des règles constitutionnelles par le général de Gaulle38 ». Malgré ce cas isolé, les gaullistes font bloc autour du chef de l’État, mais se trouvent de ce fait placés en grande partie hors jeu des élections sénatoriales du 23 septembre 196239.

36 Gaston Monnerville, Vingt-deux ans de présidence, op. cit., p. 195. 37 Journal officiel, Sénat, débats parlementaires, séance du 3 juillet 1962, p. 667-668. 38 Gaston Monnerville, Vingt-deux ans de présidence, op. cit., p. 216-217. Le juriste Marcel Prélot, professeur des universités et ancien recteur d’académie, est sénateur du Doubs de 1959 à 1971. 39 Les élections sénatoriales de 1962 concernent la série A (départements de l’Ain à l’Indre, ainsi que la Guyane, la Polynésie française, Wallis et Futuna).

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Fabien Conord, « De la “République sénatoriale” à la “forfaiture”. Le Sénat et la Ve République 1959- 1962 », Histoire@Politique. Politique, culture, société, N°12, septembre-décembre 2010, www.histoire- politique.fr

Lors de ce scrutin, l’UNR est absente de la plupart des départements. Lorsque les gaullistes sont présents, leurs scores sont souvent très faibles (2,79 et 2,89% des suffrages exprimés pour les deux candidats qui concourent dans le Gard, 10,81% dans l’Hérault) ou du moins largement minoritaires (27,27% pour le maire de Falaise, dans le Calvados). L’UNR ne parvient à s’imposer qu’outre-mer ou grâce à une coalition avec d’autres forces de droite. C’est le cas dans l’Aisne où Jean Deguise et René Blondelle, pourtant largement critiques envers la politique gaulliste, font tout de même liste commune avec Louis Roy, et dans l’Ille-et-Vilaine, où Yves Estève est réélu. L’UNR a également un élu en Guyane ; la situation est plus complexe en Polynésie française, où le sortant gaulliste, Gérald Coppenrath, est battu par Alfred Poroi, qui rejoint le groupe UNR après sa victoire ! Le renouvellement de 1962 est marqué par une grande stabilité politique, ce qui s’explique en partie par la proximité avec le scrutin précédent (intervenu trois ans auparavant). Le 2 octobre 1962, plusieurs sénateurs indépendants demeurent assis pendant la lecture du message du président de la République au Parlement. Gaston Monnerville est triomphalement réélu par 212 suffrages exprimés sur 215, les sénateurs UNR s’étant réfugiés dans l’abstention. Ils sont absents lors du discours prononcé le 9 octobre par le président réélu. Gaston Monnerville dénonce sans surprise la violation de la Constitution (que ne nient pas, selon lui, le Conseil d’État et le Conseil constitutionnel). Le doyen socialiste du Sénat, Marius Moutet40, demande aux sénateurs de voter l’affichage, ce qui est acquis par des acclamations unanimes. Gaston Monnerville en demande la mise en application au ministre de l’Intérieur, « comme l’exige la réglementation en cette matière ». Il décrit la suite en ces termes :

« Ainsi que je m’y attendais, la réponse de celui-ci fut négative ; il laissait au Sénat le soin de procéder lui-même à l’affichage demandé. Le gouvernement espérait ainsi rendre cet affichage impraticable. Ce refus ne fit qu’exciter les passions. Non seulement le bureau du Sénat normalement chargé de l’exécution du vote de la Haute Assemblée, mais aussi les partis politiques, les syndicats, les maires, les présidents de conseils généraux, tous les mouvements civiques eurent à cœur de diffuser et de faire afficher le discours du président du Sénat à travers la France. J’appris, en outre, qu’une maison d’édition avait enregistré une bande sonore de mon discours à mon insu. Il fut aussitôt gravé sur disque à Paris, puis répandu dans toute la France, sous le titre La Constitution est violée, le peuple est abusé41. »

Dans ses mémoires, Gaston Monnerville publie l’une des réactions favorables reçues après son discours. Il s’agit d’une lettre de René Coty, en date du 10 octobre 1962 :

« Cher Président et Ami, le vieux sénateur honoraire que je suis est fier de son Sénat et, comme lui, fier de notre président. À l’hommage qu’il a rendu à votre admirable discours, qu’ajouterais-je quand je suis tout ému de cette page historique dont je viens d’achever la lecture ? J’y ai entendu la

40 Ancien député du Rhône (1914-1928) puis de la Drôme (1929-1942 et 1946-1947), Marius Moutet fut conseiller de la République du Soudan (1947-1948) puis sénateur de la Drôme (1948-1968). 41 Gaston Monnerville, Vingt-deux ans de présidence, op. cit., p. 231.

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grande voix, non pas seulement du Sénat d’aujourd’hui, mais du Sénat de toujours qui, pour avoir à peu près unanimement barré la route à l’aventure plébiscitaire, a mérité la haine des boulangistes, puis des nationalistes, et a ainsi gagné la confiance reconnaissante de tous les républicains. Quelle flamme l’animait, hier, cette voix de notre Sénat ! Ah ! Vive le Quercy, qui nous a donné Gambetta et Monnerville42 ! »

C’est toute l’histoire républicaine qui est convoquée par l’ancien chef de l’État pour appuyer son propos. Les adversaires du projet ont une propension presque exclusive à puiser leurs arguments dans le passé, ce dont se nourrit l’argumentaire gaullien. Les résultats du référendum du 28 octobre 1962 sont favorables au président de la République, même s’il avait escompté un succès plus large. Le 6 novembre suivant, le Conseil constitutionnel, saisi par le président du Sénat, considère que son pouvoir se limite aux lois votées par le Parlement et non à « celles qui, adoptées par le peuple à la suite d’un référendum, constituent l’expression directe de la souveraineté nationale ». L’épisode le plus conflictuel entre le Sénat et l’exécutif depuis l’instauration de la Ve République se solde donc par une défaite de la Haute Assemblée. L’affrontement n’est pas clos pour autant, et se prolonge durant sept ans, jusqu’à ce qu’un autre référendum donne l’avantage décisif au Sénat.

Trois caractéristiques apparaissent de manière privilégiée dans les préoccupations du Sénat entre 1959 et 1962 : une vigilance sourcilleuse en matière budgétaire, parfois contrariée par une attention soutenue accordée aux questions agricoles et, plus largement, rurales, et la défense des libertés politiques (qu’elles soient parlementaires ou individuelles). En fonction de ces trois éléments, les groupes parlementaires se situent sur une palette qui va de l’opposition précoce et quasiment permanente (communistes et socialistes) au soutien sans condition (gaullistes), en passant par les évolutions qui affectent la Gauche démocratique, puis le MRP et, enfin, les indépendants et paysans qui se transmuent peu à peu de partisans critiques en adversaires décidés. La défaite référendaire de 1962 avive les tensions préexistantes et les hisse à un niveau rarement atteint entre le législatif et l’exécutif. Cette période prend fin avec un autre référendum qui consacre, en 1969, la victoire du Sénat. Les gaullistes font taire leurs critiques et investissent la Haute Assemblée, au point d’en devenir le premier groupe en 1986, avec l’entrée symbolique de Maurice Couve de Murville et Philippe de Gaulle. En 1998 et 2008, ce sont même deux élus issus du gaullisme qui accèdent à la présidence du Sénat (Christian Poncelet puis Gérard Larcher). Durant la Ve République, la seconde Chambre est restée fidèle à la vocation affirmée entre 1959 et 1962, qu’il s’agisse de faire fonction d’opposition (entre 1981 et 1984, notamment) ou de porter un regard critique sur un exécutif de même sensibilité politique (ainsi que l’attestent en 2009 les réticences exprimées par de nombreux sénateurs sur la

42 Lettre du 10 octobre 1962, reproduite dans Gaston Monnerville, Vingt-deux ans de présidence, op. cit., p. 231.

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réforme des collectivités territoriales ou les conditions de nomination du président d’Électricité de France (EDF).

Annexe : répartition des sénateurs par groupes, 1959-1962

Avril 1959 Juillet 196243 Septembre 1962 Groupe communiste 14 14 14 Groupe socialiste 51 51 52 Gauche démocratique 64 50 50 MRP 34 34 35 UNR 44 33 32 Républicains indépendants (RI) 74 64 65 Centre républicain d’action sociale et rurale 20 20 20 (CRARS) Non inscrits 6 7 6 Total 307 273 274

L’auteur Agrégé et docteur en histoire, Fabien Conord est PRAG à l’université Blaise Pascal Clermont-Ferrand II, où il appartient au Centre d’histoire « Espaces et Cultures » (CHEC) . Lauréat du prix Jean Zay 2008, il a publié récemment Rendez-vous manqués. La gauche non communiste et la modernisation des campagnes françaises (Pessac, Presses universitaires de Bordeaux, 2010). Résumé Entre 1959 et 1962, les rapports entre le Sénat et le pouvoir exécutif témoignent de crispations fréquentes, qui ne se résument pas à l’affrontement autour du mode d’élection du président de la République. Les tensions résultent d’une conception différente du régime mais aussi de divergences en matière économique et sociale. La critique envers le gaullisme affecte peu à peu tous les groupes parlementaires, à l’exception de l’UNR, et débouche sur l’opposition décidée à la réforme constitutionnelle de 1962. Abstract From 1959 to 1962, the relationships between the and the executive power revealed frequent strains which were not only limited to the debate relating to the way the President of the Republic was elected. Tensions resulted from different conceptions of the regime but also from diverging views on economic and social issues. Little by little, criticisms against Gaullism had an impact on all the parliamentary groups —except the UNR— and led to the wilful opposition about the 1962 constitutional reform.

43 À ce moment, les sénateurs élus en Algérie ne siègent plus.

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Mots-clés : Élections sénatoriales ; débats parlementaires ; institutions ; décolonisation ; groupes parlementaires. Keywords : Senatorial Elections; Parliamentary Debate; Institutions; Decolonization; Parliamentary groups. Pour citer cet article : Fabien Conord, « De la “République sénatoriale” à la “forfaiture”. Le Sénat et la Ve République 1959-1962 », Histoire@Politique. Politique, culture, société, N°12, septembre-décembre 2010, www.histoire-politique.fr.

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