Faits de langue et société, n° 6, 2020 : pp. 126-135

FRANÇAIS ET AMAZIGHITE A TRAVERS L’HISTOIRE DU MAGHREB

French and amazighity a through the history of Maghreb

Par /By

Mohammed Qitout

Résumé L’auteur de cet article se propose de porter son regard sur un sujet rarement évoqué, celui du rapport de la France aux amazighes et à l’amazighité. Il est vrai que l’on a souvent entendu parler de la « politique berbère de la France ». Mais cette politique a-t-elle réellement existé, une politique linguistique entendu au sens d’une stratégie raisonnée et finalisée aboutissant à des actions concrètes sur les terrains-clefs de l’amazighité à savoir la langue et la culture amazighes. C’est à cette interrogation que tentera de répondre ce papier en creusant la question à travers toute la période de la colonisation française du Maroc et de l’Algérie. Mots clefs : langue amazighe, Amazighes, amazighité, politique berbère, dahir berbère. Abstract The author of this article intends to focus on a rarely mentioned subject, that of France's relationship to Amazigh and Amazigh. It is true that we have often heard about "the Berber policy of France". But did this policy really exist, a linguistic policy understood in the sense of a reasoned and finalized strategy leading to concrete actions on the key lands of Amazighity, namely the Amazigh language and culture. This paper will attempt to answer this paper by exploring the question throughout the period of the French colonization of and Algeria. Keywords: Amazigh language, Amazigh, Amazigh, Berber politics, Berber dahir.

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Depuis l’occupation de l’Algérie par la France en 1830 jusqu’à nos jours en passant par le protectorat imposée au Maroc en 1912 ainsi qu’à la Tunisie par le traité du Bardo du 12 mai 1881 au terme d’une rapide conquête militaire s’impose à l’observateur une curieuse attitude de la France vis-à- vis des Amazighes et de l’amazighité en général. C’est ainsi qu’on a souvent entendu parler ça et là d’une « politique berbère » de la France tout particulièrement pour ce qui est du Maroc mais de l’Algérie également. Du coup, on se propose dans ce papier de s’interroger si cette politique a- t-elle vraiment existé ? Une politique qui serait liée à une politique plus générale fondée sur une spécificité amazighe ayant abouti entre autres au fameux « dahir berbère » au Maroc et à l’intérêt qu’a suscité l’étude de la langue amazighe chez les Français. Cette politique, correspond-t-elle à une réalité objective ou est-elle l’œuvre d’une idéologie véhiculée à la fois par l’arabo-islamisme, par l’anticolonialisme de gauche et par un discours colonial amazighophile qui reste d’ailleurs aussi bien exceptionnel chez les scientifiques éminents que rares chez des politiques de premier plan. (Chaker, 1989) Cette spécificité, comme on va le voir, n’a jamais eu de traduction sur les terrains-clefs de l’amazigho-phonie à savoir la langue et la culture, mais par contre, elle a été constamment exploitée à des fins de politique politiciennes. Mais voyons d’abord sur le terrain les décisions qu’ont prises les autorités coloniales en faveur de la langue amazighe : En Algérie, dès 1880, l’enseignement de l’amazigh est institutionnalisé à la faculté des lettres d’Alger. En 1885, le brevet de langue kabyle est créé. Il donnera plus tard lieu à une prime annuelle comme c’était le cas d’ailleurs du brevet de langue arabe. 1887, un diplôme de dialectes amazighs est mis en place. De même que l’École normale de Benzariah verra quelque temps après un enseignement régulier de l’amazighe. Parallèlement à ces initiatives, les Pères Blancs créent en 1946 le Fichier de documentation berbère. Il donnera lieu à des travaux de recherche et d’investigation d’une grande valeur linguistique et ethnologique. Au Maroc, trois ans après la signature du protectorat conclu à Fès, le 30 mars 1912, entre la Troisième République française et Moulay Abd El Hafid, le Comité d’Etudes Berbères est fondé pour centraliser les travaux sur les populations amazighes. Parallèlement, la revue Archives berbères est publiée pour en recueillir les résultats. Plus tard, une chaire de l’amazigh est créée à et le collège d’ dans le Moyen-Atlas permettra un enseignement secondaire sous la direction du berbérisant A. Roux. La colonisation permet, il est vrai, une production scientifique jamais égalée auparavant dans le domaine amazighe. Les autorités coloniales,

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civiles et militaires, ont encouragé cette production. Les militaires, eux- mêmes, ont été d’ailleurs, à l’origine des plus grands travaux sur l’amazighe au XIXe siècle, mais aussi au début du XXe siècle1 lorsque l’université prendra principalement la relève de ces travaux. Et si ce rôle joué par les Français en faveur de l’amazighe, s’interroge à juste titre, S. Chaker (1989), ne se limitait-il pas justement là, c’est-à-dire au seul rôle de diffusion de ce savoir sur la langue amazighe et sur les Amazighes ? La France, dit-il, un pays centralisateur, qui a mené, pendant des siècles, une croisade unique en Europe contre les particularismes culturels régionaux sur son territoire propre, ne peut concevoir ni développer tant soit peu une quelconque politique berbère ainsi liée à une spécificité ethnolinguistique dans des territoires censés intégrer plus tard la mère patrie régie par le sacro-saint concept d’Etat Nation. Les faits constatés tout au long de la présence française au Maghreb, plaident en effet en faveur de cette hypothèse : la scolarisation s’est toujours faite dans la langue de l’Institution ou en arabe, mais jamais en amazighe, l’écrit amazighe est resté le grand absent pendant toute la durée de l’occupation : aucune presse en amazighe n’a jamais vu le jour par exemple, les études amazighes sont restées exclusivement académiques sans aucune traduction sur le terrain social, absence de toute relève amazighisante locale : toutes les thèses soutenues en amazighe par des Maghrébins l’ont été après les indépendances.

La présence française a plutôt été un support à l’arabisation en profondeur des populations amazighes et des régions qu’ils habitent, et ce par : - L’ouverture des routes, - Le mouvement des populations (exode rural, fuite devant l’ennemi, etc.) - La désorganisation des fondements économiques et sociaux des sociétés amazighes, - La densification des échanges avec les zones arabophones, - L’intégration des zones amazighes dans des divisions territoriales artificielles et hétérogènes. La Kabylie fera partie de la zone de Constantine ; les touaregs seront écartelés entre l’Algérie, la Libye, le Mali et le Niger avec les conséquences dramatiques que l’on sait désormais, etc.

1. Comme le Général Hanoteau pour le kabyle : Essai de grammaire kabyle, Alger, Jourdan, 1858) et le touareg : Essai de la langue tamachek, Alger, Jourdan, 1860 ou G. Mercier : Le chaouïa de l’Aurès, Paris, Leroux, 1896 ou encore le Père Ch. De Foucauld, un ancien officier devenu religieux, pour le touareg également : Dictionnaire abrégé touareg- français, 2 vol., Alger, 1951.

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La présence française, par les institutions éducatives (écoles), juridiques (tribunaux) et administratives qu’elle a mises en place, a eu un impact désastreux sur des populations amazighes dont la langue, le mode de vie et les structures sociales et économiques sont restés jusqu’au là épargnés. Rappelons à titre indicatif que l’arabe est devenu à un certain moment, dans un souci d’ouverture et sous l’effet de l’action nationaliste, une langue obligatoire dans les écoles françaises et dans les écoles franco-arabes dans tout le Maghreb, et même dans les écoles des Pères Blancs que l’on accusait, en Kabylie et ailleurs, d’avoir été les promoteurs de la langue amazighe. A ce titre, les Français ont permis curieusement à la langue arabe de pénétrer dans des zones qu’elle n’a jamais atteintes auparavant. Une des nombreuses conséquences de ce phénomène sur les populations amazighes est l’impact considérable et immédiat sur la nomenclature onomastique du Maghreb notamment l’Algérie et le Maroc : la détoponymisation (Quitout, 2001) est d’une ampleur considérable aussi bien en faveur de l’arabe que du français. L’anthroponymie (Quitout, 1997) achève de dépersonnaliser des Berbères qui n’ont plus désormais d’identité anthroponymique propre. Quand on ne leur attribue pas un anthroponyme de sens arabe, souvent un nom de famille, on leur en invente un totalement arbitraire. La situation était d’un paradoxe tel que les personnes se retrouvent parfois avec deux anthroponymes2 : l’un, intime, quand elles s’expriment en amazighe ; l’autre, public ou d’état civil, lorsqu’elle s’exprime en arabe ou en français. L’auteur de ces lignes a toujours connu deux prénoms pour son père qui lui-même en a connu deux pour le sien, soit Haddou et Ahmed ; Notre tante, elle, pour donner un exemple au féminin se prénommait, au choix, Berri et Meryem. Quant au nom de famille « Quitout », prononcé avec un « t » emphatique en arabe, il est sans signification aucune nulle part, d’après la tradition orale recueillie sur place, il était inconnu chez les arrière grands-parents, et son irruption eut lieu curieusement lors de la pacification de la région natale par les Français dans les années 20. Lors de cette opération de nomination, l’administrateur français étant en général de formation arabisante et étant entouré de collaborateurs arabes ou de berbérophones de formation coranique ou extérieurs à la région, l’arabe

2. Notons que la nomenclature anthroponymique a quasiment disparu. Il ne subsiste plus que quelques rares prénoms. A l’arrivée des Arabes, il était difficile pour les Berbères d’intégrer tels quels les anthroponymes arabes jugés trop longs. Pour mieux les assimiler, ils recourent à leur abrégement : c’est ainsi que pour des prénoms comme Abdelkader, Abdeslam, ou Abdelhamid ou encore Abdellah ont donné respectivement en berbère : Aqqa, Assou, Hammou et Alla. Par ailleurs, les Français, pressés de recenser et d’identifier les personnes, et étant habitués à des noms de familles, il était assez difficile pour eux de préserver la filiation telle qu’elle.

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et le français alliés au sentiment d’infériorité intériorisé par les uns et les autres, ont tout naturellement servi de modèle à l’opération. L’attitude très particulière des Français vis-à-vis de la population amazighe amorcée déjà dès 1870 en Kabylie à travers la reconnaissance et la codification du droit coutumier kabyle aboutit officiellement, au Maroc, au fameux « dahir berbère ». Avec ce décret, les Amazighes se retrouvent au milieu d’un bras de fer qui les dépasse, entre une France caressant leur spécificité ethnique, juridique et linguistique pour en faire un moyen de pression et de division, et les nationalistes qui soupçonnent leur foi musulmane voire leur collaboration avec l’ennemi. Cet épisode entraînera de lourdes conséquences plus tard sur les Amazighes en ce sens qu’il va condamner, en la délégitimant, toute référence à l’amazighité aussi minime et légitime soit-elle. De ce point de vue, le discours que l’on peut qualifier d’amazighophile dans certains milieux français non officiels, aura été une catastrophe historique pour la langue et la culture amazighes. En évoquant ci-avant ce « dahir berbère » de sinistre mémoire, il serait judicieux ici de rappeler au lecteur de cette honorable revue intitulée Faits de langue justement les faits, mais aussi les tenants et ses aboutissants de ce dahir pour en démanteler les implications linguistiques qui nous intéressent ici au premier plan. Rappelons d’abord ce qu’il a été ainsi que les circonstances de sa promulgation car il n’est pas sans rapport avec le champ d’interaction linguistique qui nous intéresse ici. Ce dahir consistait principalement à préserver l’autonomie traditionnelle des populations amazighes dans le domaine juridique par le maintien de leur droit coutumier (urf en arabe ; azref en amazighe). Celui-ci, montrait en effet, la survivance, au sein des sociétés amazighes, de pratiques animistes fort peu orthodoxes et des rites païens préislamiques qui vont à l’opposé des préceptes de l’islam notamment dans le domaine du statut personnel (mariage, divorce, héritage, etc.). Il faut préciser que ces survivances n’entament en rien, chez ces Amazighes ni le sentiment d’appartenir à une communauté musulmane ni la nécessité de défendre l’islam au besoin par les armes. Leur foi et leur appartenance communautaire ne sont donc point affectées par ce particularisme. Les tenants du courant assimilationniste français développent alors l’idée que l’on pourrait faire de ces Amazighes, ainsi préservés de toute influence arabo-musulmane, des Français grâce à la juridiction française, à l’école française et à la religion chrétienne. D’autant plus qu’ils ne manquent pas de ressemblance physique frappante avec la souche française. Ne sont-ils d’ailleurs pas, se pressent de dire certains, issus de la race arienne !

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Paul Marty, un des plus grands théoriciens de ce courant, prévoit les étapes de ce projet comme suit :

« L’école franco-berbère c’est l’école française par l’enseignement et la vie, berbère par les élèves. Donc pas d’intermédiaire étranger. Tout enseignement de l’arabe, toute intervention du « fqih3 », toute manifestation islamique seront rigoureusement écartés… En résumé, les écoles berbères seront autant des organismes de politique française et des instruments de propagande que des centres pédagogiques proprement dits ». (cf. P. Marty, 1925)

Ainsi, conformément à ce projet, 20 écoles furent ouvertes au Maroc dans les années 20. Elles scolarisaient quelque 700 élèves. Parallèlement à ce projet exprimé, désormais publiquement par des personnalités proches du pouvoir résidentiel, on assiste ça et là au Maghreb, à la veille de la publication de ce décret, à une suite d’événements qui va confirmer et révéler au grand jour les visées assimilationnistes des Français : - 14 juin 1930, célébration en grande pompe du Centenaire de la présence française en Algérie, - du 7 au 11 mai de la même année, organisation du Congrès Eucharistique à Carthage en Tunisie, - la publication de la revue Le Maroc catholique dirigée par l’archevêque de Rabat, Mgr. Vieille, - l’organisation de l’Assemblée Générale des Pères Blancs en Algérie sous le titre révélateur : « L’évangélisation des Berbères ». La revue, Le Maroc catholique, en fait état dans ses colonnes et rend compte de la satisfaction des chrétiens de voir le « droit franco-berbère » triompher au Maroc, - En 1928, eut lieu un événement rarissime : la conversion à la religion catholique de Mohamed Abdeljalil, fils d’une des plus grandes familles de la ville de Fès. En 1929, le nouveau converti entre dans l’Ordre franciscain. Plus tard, en 1935, il sera ordonné prêtre sous le nom de Jean Mohamed Abdeljalil. Cet acte, passible de la peine capitale selon la loi islamique, provoque une profonde humiliation dans la population et notamment dans la ville de Fès considérée comme la cité religieuse du pays. - les « fqihs » sont frappés d’interdiction de circuler librement dans les campagnes, ce qui provoque la conscience nationaliste montante et exaspère ses jeunes dirigeants dont une partie est formée dès 1925 dans les « écoles libres » et nourrie d’idées salafistes réformistes venant de l’Egypte. C’est dans ces conditions d’inquiétude légitime des Marocains et d’une exacerbation du climat psychologique que l’occasion d’une explosion

3. Maître de l’école coranique.

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populaire est donnée par la publication d’un simple décret comme il y en a eu des dizaines depuis la signature du protectorat : Ce dahir prévoit dans son article 6, le plus contesté, que :

« Les juridictions françaises statuant en matière pénale suivant les règles qui leur sont propres sont compétentes pour la répression des crimes commis en pays berbère quelle que soit la condition de l’auteur du crime ».

La France soustrait ainsi à la législation islamique et au pouvoir du sultan toute une partie de citoyens marocains musulmans. Pourtant, ce dahir fut signé par le sultan Mohamed Ben Youssef, alors âgé d’à peine une vingtaine d’années le 16 mai 1930. Il fut ensuite promulgué le 23 du même mois par le Résident général M. Lucien Saint qui, évidemment, en porte l’entière responsabilité compte tenu de l’âge du futur roi Mohamed V qui ne pouvait en saisir, à cet âge-là, toutes les nuances et les implications directes et indirectes pour ses sujets. Même si le droit coutumier amazighe n’a pas été créé par les Français, mais préexistait aussi bien aux Français qu’aux Arabes, et a fortiori au dahir lui-même, et même si celui-ci, ne précise ni les lois coutumières ni les tribus qui devaient s’y soumettre, il donne lieu, dans une conjoncture historique et politique particulière, liée au nationalisme marocain et maghrébin, entraîné par un arabisme moyen-oriental, à une dramatisation volontaire du contenu du décret présenté essentiellement comme une tentative de christianisation des Berbères qui formaient à l’époque plus des ¾ de l’ensemble de la population marocaine. Sous couvert donc de la défense de l’islam, les revendications politiques des nationalistes ont trouvé un écho dans la masse religieuse aussi bien à l’intérieur qu’à l’extérieur du pays notamment en Egypte. La politique de la France est alors vite assimilée à une « croisade » contre la foi musulmane. Devant l’ampleur des protestations, la France sera amenée à abroger l’article contesté par le dahir du 8 avril 1934. Mais contrairement à ce que pourraient croire beaucoup de gens, l’abrogation n’a eu aucun impact sur le terrain. Les tribunaux coutumiers continuaient de fonctionner et leur nombre augmentait à mesure que des tribus amazighes se soumettaient de même que les écoles franco-amazighes. Mais, ce n’est pas pour autant que les Berbères sont devenus des chrétiens ni des anti-Arabes dangereux contrairement à ce que laissait entendre une certaine propagande, une propagande d’autant plus fausse que la guerre du Rif venait à peine de se terminer et que les Berbères luttent encore à cette époque contre l’envahisseur dans les montagnes de l’Atlas. La tempête passée, la défense de l’islam restera pour l’ensemble de la population, comme par le passé, un principe fondamental de la lutte

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anticoloniale, une lutte qui mènera tous les Marocains réunis à l’indépendance en 1956. Curieusement, depuis ces événements, les Amazighes sont frappés d’une suspicion profonde délégitimant toute référence à l’amazighité, et ce, quel que soit l’engagement patriotique dont ils peuvent se prévaloir. Ainsi donc, la « politique berbère de la France», si politique il y a eu, aura été un échec flagrant dont les Amazighes sont les premières victimes. Malgré les moyens qu’elle avait, force est de constater, en accord avec S. Chaker, que la France ne s’est jamais engagée dans une quelconque politique linguistique au sens d’une stratégie raisonnée et finalisée aboutissant à des actions concrètes sur les terrains-clefs de l’amazighité à savoir la langue et la culture amazighes. Les secousses de sa politique seront ressenties tout au long de la période postcoloniale à travers les politiques linguistiques menées par les Etats maghrébins indépendants. Aujourd’hui encore, la France bien que l’amazigh ait été reconnu officiellement dans plusieurs Etats, la France garde toujours le cap d’une ignorance quasi-totale de tout ce qui relève de l’amazighité. En France, on pourrait songer par exemple à un Institut du monde amazigh un peu à l’image de l’IMA à Paris, mais rien de tel. Tout près de nous, une chaine internationale comme Medi I, qui fut d’abord créée par les pouvoirs français sous la houlette de l’ancien Président Jacques Chirac et marocains, avant de devenir, en 2006, entièrement marocaine n’a jamais songé à inclure dans ses programmes des chansons de langue amazighe ou une plage horaire dédiée à la chose amazighe, et ce, bien qu’elle diffuse ses programmes à partir de Tanger à des millions de locuteurs maghrébins dont une bonne proportion d’amazighophones. Cette tradition, initiée donc par la France, a été maintenue jusqu’à présent contre toute logique par la nouvelle direction de la chaine. . Mohammed Qitout Université Hassan II de Casablanca

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