Pargny et la cartographie depuis 400 ans Exposé de J-C Mouginot D'après une documentation consultable sur deux sites internet : géoportail et gallica.bnf

A quoi ressemblait notre village autrefois ? Comment vivaient nos prédécesseurs ? Les réponses à ces questions sont difficiles à trouver si l'on souhaite dépasser la période où la mémoire humaine et le témoignage direct permettent encore de s'imaginer le passé.

De nos jours, pourtant, grâce à l'outil internet et avec un peu de patience, et de méthodes, de nombreux documents historiques peuvent être consultés. Tout un chacun peut ainsi se lancer dans l'investigation historique et se construire une idée du passé local.

Ce qui suit est un exemple d'une modeste recherche historique réalisée uniquement à partir de cartes disponibles sur internet, principalement sur le site GallicaGallica, l’une des plus importantes bibliothèques numériques accessibles gratuitement. Elle offre l'accès à tous types de documents : imprimés (livres, presse et revues) en mode image et en mode texte, manuscrits, documents sonores, documents iconographiques, cartes et plans. Gallica s’adresse à tout lecteur, du curieux au bibliophile, du lycéen à l'universitaire.

Le présent document a donc pour objet l'observation de cartes géographiques réalisées à différentes époques. Cette observation permet notamment de suivre l'évolution de certains toponymes et, d'une manière plus générale, d'apprécier les progrès réalisés dans la précision des relevés géographique. La plus ancienne des cartes présentées dans cet exposé a tout juste 400 ans. Elle est extraite d'un atlas géographique 1616 intitulé (dans le Français de l'époque):

« Theatre geographique du Royaume de . Contenant les Cartes & Descriptions particulieres des Provinces d'iceluy. Oeuvre nouvellement mis en lumiere : Avec une table, où sont les noms de toutes les cartes de chacune desdites Provinces [Document cartographique]. Les descriptions par escrit ont esté recueillies & dressées par Gabriel Michel de la Roche-Maillet Angevin, ancien advocat au Parlement & au Conseil privé de sa Majesté. Le tout dedié au Roy. » Auteur(s) : La Rochemaillet, Gabriel Michel de (15..-16..). Auteur du texte Voir les notices liées en tant qu'auteur Publication : A Paris, Chez la Veufve Jean Le Clerc, ruë sainct Jean de Latran, à la Sallemandre Royalle. M. DC. XXXII. Avec privilege du roy Description matérielle : 1 atlas, 52 cartes en 50 feuilles : A-Z, Aa-Zz, Aaa-Ddd ; in-fol

Extrait de la carte « du pais de Champagne » On notera les toponymes parfois éloignés des noms actuels : Lifou, Neufchastel, Pont pierre, Paigne … L'absence de , et de (Villeray?) et la présence de Trainville entre Villeray et Mont. Les paroisses sont, semble-t-il, représentées par des clochers. Neufchâteau et Grand ont toutefois un traitement spécial (ville fortifiée, citadelle). Le relief est fantaisiste, les côtes sont représentées par ce que les géographes nomment des taupinières. Sur ces deux cartes de la fin du 17e siècle, 1661 sont indiquées les limites des territoires et on peut imaginer la complexité administrative qui en découle. Complexité également dans les systèmes de mesure (voir les échelles sous le cartouche du titre). Les routes ne sont pas représentées : les rivières sont encore les meilleures repères sur le terrain. En ce qui concerne la Meuse, elle marque aussi, au Nord de Neufchâteau, la frontière entre la France (la Champagne) et la Lorraine . 1696

« Mureaux » est précédé de « AB-H.O.P. » : Ab baye d' hommes de l' ordre des Prémontrés. On retrouve ces lettres sur les deux cartes présentées ci-contre.

A noter également les toponymes Liffou, Vill'ourse, Saone (Sionne) et Neuchastel 1707 Les termes « civitas » et « pagus » sont d'époque gallo-romaine mais leurs significations a évolué dans le temps. En 1707 (date indiquée sur la carte), la civitas désigne généralement le diocèse. Quant au mot « pagus », il a donné en Français moderne « pays ». Les pagi et les civitates étaient donc des espèces de communautés de communes.

On notera que l'auteur de cette carte a pris soin d'indiquer, pour chaque paroisse identifiée, son nom contemporain et un toponyme « antique » souvent d'origine (du moins de consonance) latine. Ainsi Mureaux se serait jadis appelé Mirevallis , Liffol serait une évolution du toponyme Lifou, lui-même venant de Lufaus et Lutefao. Grand ( Grandesae ) est désigné comme un ancien camp romain (voir la légende) et Solimariaca ( Soulosse ), chef-lieu (?) du Pagus le Soulossois, est inscrit en capitales, rappelant ainsi l'importance de ce village dans un lointain passé. 1772 Les cartes de CASSINI En 1744 est levée la première carte de France réaliséeréalisée par triangulatriangulationtiontion. Comme on le voit ci-contre, cette carte ne couvre pas encore tout le territoire; une grande tache blanche recouvre encore notre région où aucun relevé n'a encore été effectué. Il faudra plus de 50 ans pour achever le maillage et la gravure sur cuivre des 180 planches couvrant la France entière, au 1/86 400. Ce sera l’œuvre d'une famille de cartographes, les Cassini. La planche « Joinville » n°112 sur laquelle se trouve notre vallée (On peut la commander sur le site de l'IGN) a été publiée en 1762. Cette carte de référence est visible sur le site Géoportail où l'on peut la superposer à la carte IGN actuelle .

Le cartographe a ici multiplié les repères physiques pérennes ( églises, chapelles, moulins, fermes isolées, etc.), éléments constituant, pour le voyageur, d'utiles indicateurs visuels, et, pour l'historien, de précieuses informations. Les cartes de CASSINI A noter le réseau hydrographique autour de Villoucel avec, au sud, le canal reliant l'étang du gué au ruisseau de la goulotte, afin d'alimenter en eau les forges (Succ. Fourneau).

A remarquer également la végétation sur les rives de la Saunelle jusqu'en aval de Villouxel. Il s'agirait peut-être de roselières dont on peut encore voir les vestiges aujourd'hui. Cette végétation n'est pas visible au niveau de Pargny.

Un moulin à tan est un bâtiment où l'on broie l'écorce de chêne qui sert au tannage des peaux (Wikipédia)

Admirons ici la précision du dessin Le toponyme Morvillier nous dans les représentations des permet de dater assez différents édifices religieux, précisément le travail du précision qui permet de distinguer cartographe puisque Liffol a les paroisses, les prieurés, les porté officiellement ce nom abbayes, les chapelles et autres de 1725 à 1778 (lire sur l'histoire de Liffol, l'excellent maisons-Dieu. livre d'André Mouzon) Un canal dans la vallée de la Saônelle

En 1785, un certain Pichon, ingénieur géographe, propose l'ouverture d'un canal reliant la Meuse à la Marne. Cet ouvrage, comme l'explique l'ingénieur dans les pages reproduites ici, aurait permis le désenclavement de la région en offrant de nouveaux débouchés aux produits locaux, en particulier les bois d’œuvre et de chauffage dont les parisiens ont alors un grand besoin. Le rapport du Sieur Pichon est consultable dans son intégralité sur le site Gallica/bnf.

En rouge, la limite entre la Lorraine et la Champagne 1875 La carte d'état-major

Comme son nom l'indique, la célèbre carte au 1/80 000 avait d'abord, à l'origine, une vocation militaire. La grande nouveauté par rapport à la carte des Cassini est la figuration rationnelle du relief avec des points cotés. Comme la carte précédente, il a fallu près de cinquante années pour réaliser une couverture complète du territoire. La première édition de 1875 sera suivie de nombreuses autres versions jusqu'en 1972.

Sur la version présentée ci- contre, le relief est figuré par des hachures ; les courbes de niveau n’apparaîtront qu'en 1922. L'extrait ci-dessous est tiré de la planche n°84 et a pour titre « » : notre vallée est passée en Lorraine. On remarquera notamment les lignes de chemins de fer (en noir ; c'est donc une édition postérieure à 1875) et l'apparition des lieux-dits (Lemont, Huchot...)

A noter, les limites de la forêt qui semblent nettement en retrait par rapport aux limites actuelles du côté du bois le comte. La carte IGN au 1/25 000 bien connue des randonneurs est la dernière née des cartes imprimées. Elle est désormais consultable sur géoportail . Cette carte a définitivement fixé les toponymes et les lieux-dits, témoins d'un passé plus ou moins lointain.