Rapports De Force Et Échelles De Grandeur Sur Le Marché De La Traduction
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Rapports de force et échelles de grandeur sur le marché de la traduction Les obstacles à la circulation des œuvres de littérature et de sciences humaines à l'ère de la mondialisation Étude réalisée dans le cadre d’une convention avec le DEPS sous la direction de Gisèle Sapiro Centre européen de sociologie et de science politique Juillet 2011 Cette étude a été réalisée dans le cadre d’une convention avec le Département d’étude et de prospective du ministère de la Culture. L’équipe, dirigée par Gisèle Sapiro (CNRS-CESSP), et coordonnée par Cécile Balayer (doctorante au CESSP), était composée de : Pays-Bas : Johan Heilbron (CNRS-CESSP) Marjolijn Voogel (éditrice chez Kuwer) Brésil : Marta Pragana Dantas (Université Fédérale de Paraïba, Brésil) Artur Perrusi (Université Fédérale de Paraïba, Brésil) Royaume-Uni : Marcella Frisani (doctorante au CESSP) États-Unis : Jill McCoy (étudiante de master à l’EHESS) Gisèle Sapiro France, sciences humaines et sociales : Sylvie Bosser-Jupin (Université Saint-Denis-Paris VIII) Mathieu Hauchecorne (doctorant au CERAPS) Marc Joly (chercheur associé au CRIA) Sophie Noël (chercheure associée au CESSP) Romain Pudal (chercheur associé au CESSP) Ont également participé à l’enquête : Jérôme Pacouret (étudiant de master à l’EHESS), Éric Brun (doctorant au CESSP) et Youna Kwak (étudiante à NYU). La préparation et mise en forme du tapuscrit a été effectuée par Monique Bidault (CNRS-CESSP) Que soient très sincèrement remerciés tous ceux qui ont bien voulu nous recevoir et nous accorder des entretiens malgré leur emploi du temps chargé. Merci aussi à Bruno Auerbach et Afranio Garcia pour la relecture de certains chapitres et pour leurs conseils avisés, ainsi qu’à Jocelyne Pichot, secrétaire générale du CESSP, pour avoir assuré la gestion financière de l’enquête. 2 PRÉAMBULE : LES RAISONS DE TRADUIRE 6 MÉTHODOLOGIE 9 INTRODUCTION. LES OBSTACLES ÉCONOMIQUES ET CULTURELS À LA TRADUCTION 15 LES OBSTACLES ÉCONOMIQUES 15 LES OBSTACLES CULTURELS 30 PREMIÈRE PARTIE. PRÉSENCE DU LIVRE FRANÇAIS À L’ÉTRANGER : LE POIDS DES CULTURES NATIONALES 42 REVALORISER LA TRADUCTION DANS UN ENVIRONNEMENT HOSTILE : LE MARCHÉ ÉDITORIAL AUX ÉTATS-UNIS 43 MARGINALITÉ DES TRADUCTIONS ET OBSTACLES À LA CIRCULATION DES ŒUVRES AU PÔLE DE GRANDE PRODUCTION 45 L’INVESTISSEMENT DES PETITS ÉDITEURS INDÉPENDANTS DANS LA TRADUCTION 56 Encadré. Un succès américain non-commercial : le cas de Jean-Philippe Toussaint 68 L’ENTREPRISE DE CANONISATION DES PRESSES UNIVERSITAIRES 69 Annexe. De l’appropriation fragmentée au programme de recherche :la réception de Bourdieu aux 83 États-Unis L’INVISIBILITÉ DE LA CONTEMPORARY FICTION DE LANGUE FRANÇAISE DANS LE MARCHÉ BRITANNIQUE DE LA TRADUCTION 89 STRUCTURES DU CHAMP ÉDITORIAL BRITANNIQUE ET POSITION DE LA LITTÉRATURE TRADUITE 90 PROFILS D’ÉDITEURS DE CONTEMPORARY FICTION DE LANGUE FRANÇAISE AU ROYAUME-UNI 98 TRADUCTION ET POLITIQUES ÉDITORIALES : ENTRE RÉSISTANCE ET ADAPTATION AU MARCHÉ 103 REPRÉSENTATIONS DE LA « FRENCHNESS » : LES DIFFICULTÉS D’UN LIVRE « A BIT TOO FRENCH » 108 LE DÉCLIN DES TRADUCTIONS DU FRANÇAIS AU PAYS-BAS 117 LES FLUX DE TRADUCTIONS DU FRANÇAIS AUX PAYS-BAS 120 L’ÉDITION DES TRADUCTIONS DU FRANÇAIS AUX PAYS-BAS 124 SÉLECTION : LE « MULTICULTUREL » AU GOÛT DU JOUR 129 LA POSITION SUBORDONNÉE DES TRADUCTEURS 133 EXPOSITION EN LIBRAIRIE 134 UNE FAIBLE VISIBILITÉ DANS LA PRESSE 136 DES AIDES CONSIDERÉES COMME INSUFFISANTES 138 UNE BAISSE D’INTÉRÊT ? 141 3 LE RECLASSEMENT D'UNE TRADITION : LES TRADUCTIONS DU FRANÇAIS DANS LE MARCHÉ ÉDITORIAL BRÉSILIEN 144 TRADUCTION ET TENSIONS DANS UN PAYS ÉMERGENT 145 GLOBALISATION ET NOUVELLES FORMES DE DÉPENDANCE : QUELQUES DONNÉES SUR LE MARCHÉ ÉDITORIAL BRÉSILIEN 149 LA PLACE DES TRADUCTIONS DANS LE MARCHÉ EDITORIAL 154 BRÉSILIEN DÉCLIN DE L'INFLUENCE DE LA CULTURE FRANÇAISE 162 TRADUCTION ET HÉGÉMONIE LINGUISTIQUE 167 LES AIDES À LA TRADUCTION 171 DEUXIÈME PARTIE. LES TRADUCTIONS EN FRANÇAIS : OBSTACLES ÉDITORIAUX ET GÉNÉRIQUES 178 GÉRER LA DIVERSITÉ : LES OBSTACLES À L’IMPORTATION DES LITTÉRATURES ÉTRANGÉRES EN FRANCE 179 UNE TRADITION DE DIVERSITÉ 179 LES OBSTACLES A LA TRADUCTION EN FRANÇAIS À L’ÈRE DE LA MONDIALISATION 187 Encadré. Les libraires et la valorisation de la littérature traduite 201 Encadré. Les obstacles à la traduction d’une « très grande œuvre » : le cas de David Foster Wallace en France 207 Annexe. Comment faire découvrir une littérature inconnue ? Les traductions du néerlandais en France 208 SURMONTER L’INEXISTENCE 209 DES POLITIQUES MUTUELLEMENT FAVORABLES 211 EXISTE-T-IL UNE LITTÉRATURE NÉERLANDAISE ? 213 LES ÉDITEURS DE LA LITTÉRATURE NÉERLANDAISE EN FRANCE 218 APRÈS LE SALON DU LIVRE 221 PRATIQUES ET REPRÉSENTATIONS DE LA TRADUCTION EN SCIENCES HUMAINES ET SOCIALES : ÉDITEURS GÉNÉRALISTES ET MAISONS D’ÉDITION SAVANTES 224 LE MARCHÉ DU LIVRE : QUELS OBSTACLES ? 225 LA GESTION DE L’ALTÉRITÉ LINGUISTIQUE 231 LE RÉGIME DES INTERACTIONS : ACTEURS ET VOIES DE RÉSONANCE 234 Encadré. Produire et traduire la science sociale dans un petit pays : le cas d’Abram de Swaan 241 Encadré. Une politique volontariste : la collection « NRF essais » chez Gallimard 248 L’ENGAGEMENT PAR LA TRADUCTION. LE RÔLE DES PETITS ÉDITEURS INDÉPENDANTS DANS L’IMPORTATION DES OUVRAGES DE SCIENCES HUMAINES 250 DES RESSOURCES INFORMELLES 251 UNE DIMENSION POLITIQUE 255 MODALITÉS DIFFERENCIÉES D’ACCÈS AU CHAMP 259 FRAGILITÉS 268 4 TROISIÈME PARTIE. TROIS ÉTUDES DE CAS 273 LA « GRANDE ŒUVRE » MECONNUE : NORBERT ELIAS EN FRANCE 274 TRADUCTION NON SCIENTIFIQUE ET RÉCEPTION-ANNEXION 275 UN CAS DE NON RÉCEPTION : QU’EST-CE QUE LA SOCIOLOGIE ? (1981) 279 TRADUCTION SCIENTIFIQUE ET RÉCEPTION ACADEMIQUE 288 LA PHILOSOPHIE PEUT-ELLE ÊTRE AMÉRICAINE ? LES OBSTACLES A L’IMPORTATION DU PRAGMATISME EN FRANCE 292 QU’EST-CE QUE LE PRAGMATISME ? 295 LE SENTIMENT DE SUPÉRIORITÉ NATIONALE 297 DEUX TERRITOIRES PHILOSOPHIQUES : CONTINENTAL OU ANALYTIQUE 299 L’ENSEIGNEMENT DE LA PHILOSOPHIE : SPÉCIFICITÉ FRANÇAISE ET TRADITION SÉCULAIRE 301 QUELLES LOGIQUES ÉDITORIALES ? 303 LE RENOUVEAU DU PRAGMATISME 306 Annexe. Tableau comparatif des traductions françaises d'ouvrages pragmatistes 311 UNE RÉCEPTION POLITISÉE. LA TRADUCTION DE JOHN RAWLS ET DE LA PHILOSOPHIE POLITIQUE ET MORALE ANGLOPHONE EN FRANÇAIS 314 TRADUIRE LA PHILOSOPHIE POLITIQUE ANGLO-ÉTASUNIENNE, UN INVESTISSEMENT A RISQUE 319 LA POLITISATION DES « THÉORIES DE LA JUSTICE » DURANT LES ANNEES 1990 327 DES LOGIQUES DE CATALOGUES DIFFERENCIÉES À PARTIR DES ANNEES 2000 333 Annexe. Du public généraliste au public spécialisé : les chiffres de vente de Théorie de la justice 335 CONCLUSION 339 Annexes 347 L’enquête par entretiens 347 Tableau récapitulatif des entretiens réalisés 347 Index des graphiques et tableaux 352 5 Préambule : les raisons de traduire Gisèle Sapiro La traduction est souvent envisagée comme un vecteur d’échange et de circulation des idées. On s’est moins interrogé jusqu’à présent sur ce qui pouvait faire obstacle à ces échanges. Qu’est-ce qui empêche les œuvres de circuler entre les cultures ? L’étude des obstacles à la traduction constitue un terrain d’analyse privilégié de cette question, puisque traduire implique une démarche volontariste de la part des intermédiaires et un investissement généralement supérieur à une publication en langue originale, en temps de travail comme sur le plan financier. Si le facteur économique est toujours mis en avant par les acteurs, il ne constitue qu’un aspect du problème, et masque souvent des obstacles plus profonds, d’ordre culturel. La présente enquête s’est donné pour objectif d’identifier et d’analyser les différents types d’obstacle à la traduction dans deux domaines, la littérature et les sciences humaines et sociales, en portant une attention particulière au sort des « grandes œuvres ». La question des obstacles renvoie en effet à celle des principes de sélection et des critères de jugement : qu’est-ce qu’une œuvre qui mérite d’être traduite ? Dans quelle mesure la reconnaissance de la « grandeur » d’une œuvre conditionne-t-elle sa traduction1? À l’inverse, on peut se demander dans quelle mesure la traduction participe de la construction de la « grandeur » d’une œuvre. Il faut d’emblée différencier des types idéaux de « grandeur », en particulier celle qui peut être mesurée aux chiffres de vente (les best-sellers ou ce qu’on appelle, dans l’édition anglo-américaine, les « big books ») et celle qui repose sur des critères intellectuels ou esthétiques. Les acteurs ne confondent d’ailleurs jamais les deux registres : les « big books » (grands par leur potentiel de vente à court terme) ne sont pas des « great works » 1 Sur la notion de « grandeur », voir Luc BOLTANSKI et Laurent THEVENOT, Les Économies de la grandeur, Paris, Gallimard, 1987. 6 (des chefs-d’œuvre, dont la grandeur tient à la qualité universellement reconnue et à la capacité de s’inscrire dans la durée). Ces logiques distinctes, du point de vue des critères de la valeur d’une œuvre (marchande vs intellectuelle), sous-tendent l’opposition entre pôle de grande production et pôle de production restreinte, théorisée par Pierre Bourdieu dans son analyse du champ éditorial2. Cette opposition se retrouve aussi bien au niveau national, permettant de comparer la situation et le fonctionnement des marchés nationaux, qu’au niveau du marché mondial de la traduction dans lequel ces marchés sont encastrés3 : d’un côté, un pôle de grande production régi par des agents qui imposent leurs critères et leurs méthodes, organisent des enchères toujours plus élevées, dans des délais toujours plus courts (parfois