Nouvelles De L'estampe
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Nouvelles de l’estampe 245 | 2013 Varia Édition électronique URL : http://journals.openedition.org/estampe/798 DOI : 10.4000/estampe.798 ISSN : 2680-4999 Éditeur Comité national de l'estampe Édition imprimée Date de publication : 1 décembre 2013 ISSN : 0029-4888 Référence électronique Nouvelles de l’estampe, 245 | 2013 [En ligne], mis en ligne le 15 octobre 2019, consulté le 26 novembre 2020. URL : http://journals.openedition.org/estampe/798 ; DOI : https://doi.org/10.4000/estampe.798 Ce document a été généré automatiquement le 26 novembre 2020. La revue Nouvelles de l’estampe est mise à disposition selon les termes de la Creative Commons Attribution 4.0 International License. 1 SOMMAIRE Articles « Nous allons à l’an pire » À propos d’un almanach mural pour 1653 et de sa mise en abyme Maxime Préaud Orens Denizard et le Burin satirique (1905) Bruno de Perthuis La réception de l’estampe (XVIIIe siècle- XXIe siècle) Pour une approche statistique lexicale Rémi Mathis Vie de l'estampe Christiane Baumgartner La mémoire en mouvement Catherine De Braekeleer L’atelier de Bernard Rémusat à Callian Maxime Préaud Vive l’estampe ! Lauren Laz Anne-Catherine Nesa L’estampe et l’habit Miriam Ambattle Comptes rendus De l’estampe au cinéma Michel Melot Imprimeur et graveur à la Belle Époque Eugène Delâtre et Alfredo Müller Sarah Sauvin Charles Donker La nature à l’eau-forte Rémi Mathis Nouvelles de l’estampe, 245 | 2013 2 Actualités Hommage à Éric Seydoux Marie-Cécile Miessner, Amélie Seydoux, Guy de Rougemont, Pierre Buraglio, Shirley Jaffe, Claude Viallat, Bernard Moninot, Frédérique Lucien, Paul Cox, Matthieu Perramant et Michael Woolworth Nalini Malani Marie Van Bosterhaut Entretien avec Laurence Schmidlin Rémi Mathis Dessins du XVIIe siècle du département des Estampes Barbara Brejon de Lavergnée Nouvelles de l’estampe, 245 | 2013 3 Articles Nouvelles de l’estampe, 245 | 2013 4 « Nous allons à l’an pire » À propos d’un almanach mural pour 1653 et de sa mise en abyme « Nous allons à l’an pire ». Meta-imagery in popular prints: mise en abyme of a 1653 wall almanac Maxime Préaud 1 La disparition du cardinal de Richelieu en 1642 puis celle du roi Louis XIII l’année suivante ont laissé à la tête de la France un gouvernement considéré comme faible : un roi enfant, une reine régente mal aimée, un ministre étranger détesté. Le Parlement menacé dans ses privilèges, les grands seigneurs réduits à l’obéissance veulent en profiter. C’est la Fronde. Comme la guerre contre les Habsbourg, et spécialement contre l’Espagne, ne cesse pas malgré les traités de Westphalie (1648), la pression fiscale considérable et les disettes répétées entraînent des révoltes populaires. Paris affamé est soulagé de voir le roi entrer triomphalement dans ses murs en octobre 1652. 2 C’est à ce moment que l’enlumineur Pierre Saincton, occasionnel éditeur d’estampes, publie pour l’année 1653, dans la capitale, un almanach mural intitulé Nous allons à l’an pire1, sur le thème récurrent de la misère du petit commerce en période de crise, donc parfaitement adapté à la fin de la Fronde, qui laisse exsangue la bourgeoisie marchande, française en général et parisienne en particulier (ill. 1, ill. 8). Nouvelles de l’estampe, 245 | 2013 5 Ill. 1. Nous allons à l’an pire, partie supérieure d’un almanach publié par Pierre Saincton, 1652-1653, 2e état, burin (BnF, Est., coll. Hennin, 2473). 3 Saincton en confie la gravure, mais peut-être pas la composition, au talent mesuré de Jean Frosne. Ce buriniste, graveur d’environ deux centaines d’images2 est jusqu’à présent fort discret puisque sa seule apparition dans les archives date de 1646, quand il est parrain d’un fils du graveur Nicolas Cochin, avec pour commère la femme du graveur et éditeur d’estampes Balthazar Moncornet3. Il réalise principalement des portraits, qu’il semble ne jamais avoir exécutés ad vivum. Ses premières pièces datées, un portrait de la duchesse de Ventadour4, et La Mort glorieuse du maréchal de Gassion au siège de Lens5, le sont de 1647. Il paraît avoir travaillé jusque vers 1672. 4 Dans cet almanach antérieur à la stabilisation de la forme de ces estampes si particulière lors du règne personnel de Louis XIV, le calendrier proprement dit occupe encore une place importante. La partie supérieure est un peu plus haute que dans les almanachs précédents, mesurant 290 x 410 mm. La partie inférieure, qui mesure environ 265 x 405 mm, est constituée de deux piliers (c’est le terme consacré) en taille- douce qui encadrent le calendrier typographié en rouge et noir. L’épreuve examinée étant légèrement rognée, on peut estimer ses dimensions totales à environ 585 x 420 mm, ce qui en fait un petit almanach relativement à la moyenne de ceux publiés à partir de 16616. 5 Au bas de l’image principale, à gauche, on lit : J frosne fecit. La mention « fecit » est suffisamment équivoque pour que l’on puisse penser que Frosne serait aussi l’auteur de la composition, sans en avoir la moindre certitude. 6 Une foule de personnages, hommes et femmes du peuple, de toutes les conditions du tiers-état, semble marcher vers la droite de l’image, au fond de laquelle se dressent trois pavillons à l’architecture rudimentaire, disposés côte à côte et où pénètrent quantité de gens. Ces bâtisses sont identiques, à l’exception de leur appellation gravée Nouvelles de l’estampe, 245 | 2013 6 sur un panneau qui fait une sorte d’enseigne insérée entre l’ouverture rectangulaire de l’entrée et l’œil-de-bœuf au-dessus. Le pavillon de gauche s’appelle la Pitié : LA PITIE, celui du centre : LA MISERICORDE, et celui de droite : LA GVEVZERIE. 7 À chacun de ces pavillons correspond un quatrain en français, gravé au bas de la planche. Pour celui de la Pitié, à gauche, on lit : De nos troubles, voicy quelz sont les rares fruits, / Apres beaucoup de maux, nous nous voions reduitz : / D aller a la pitie, mais dans ceste disgrace, / On nous refuse encor, de nous y donner place. Pour celui de la Miséricorde, au centre7 : Nous errons vagabondz en cherchant d’autres lieux / Nous auons beau chercher, nous ne trouuons pas mieux / Et le ciel a nos maux, pas seulement n’accorde : / Que puissions loger a la misericorde. Pour celui de la Gueuserie, à droite : Enfin Jusqu a ce point nous sommes mal heureux / Que nous n’auons recours, qu’a l’Hopital des gueux / Nous voions tous les jours que nostre mal empire / Enfans disposons nous d’aller tous a l’An pire. 8 Tout en haut au centre, sur une banderole (laquelle touche presque le faîte du pavillon central), le calembour est affirmé dans le titre de la planche : NOVS ALLONS A L’AN PIRE. 9 Dans la foule en marche, au premier rang se reconnaissent, ou sont désignés par une inscription, les représentants de différents métiers ou emplois. En partant de la gauche, à côté d’une femme qui tient un enfant par la main, se voit : Le solliciteur d’affaire, chargé de sacs de procès. Devant lui, un homme relativement bien vêtu porte sur l’épaule une longue baguette agrémentée d’une feuille de papier où on lit : Chambre / garnie a / loüer. À côté, une femme porte un panier dans lequel, semble-t-il, se trouve un livre. Vient ensuite un musicien, qui abrite sous sa cape son instrument : Le Violon. Le Rotisseur, qui le précède, porte une longue broche garnie d’un morceau de viande vers lequel un homme tend une main avide. Devant, un garçon tient un plateau chargé probablement de pâtés puisqu’il est : Le Patissier ; il passe devant un homme qui, presque de face, montre un almanach dont la partie supérieure, parfaitement reconnaissable, n’est autre que la planche que je suis en train de décrire, et dont la partie inférieure porte l’inscription : auec Priuilege / Pierre Saincto(n) / excudit (ill. 2). Nouvelles de l’estampe, 245 | 2013 7 Ill. 2. Nous allons à l’an pire, détail 10 Cela laisse entendre, incidemment, que les almanachs étaient ainsi colportés, comme on pouvait d’ailleurs le déduire d’une estampe bien connue composée par Pierre Brebiette8. Plusieurs rangs derrière lui s’aperçoit une pancarte où on lit : Le / Crieur / de mort / aus rats. Un pas à droite, Le Libraire porte des livres dans ses bras, tandis qu’à côté de lui Le Peinitre [sic] présente un tableau de paysage de style nordique. Suivent un portefaix puis, au premier plan à droite, Le Boulanger, qui tient de la main gauche un panier plein mais, curieusement, semble de la main droite faire les cornes à la cantonade. Enfin, tout à fait à droite, un homme porte un baril de : Fine pou / dre a / Canon. 11 La partie inférieure de l’almanach complet est composée de deux piliers qui encadrent un calendrier typographié en rouge et noir en tête duquel on lit : ALMANACH POVR / L’ANNEE MIL SIX CENS CINQVANTE TROIS. / Exactement Calculé par M. R. LE TILLEVR9, Speculateur és Astres & Causes secondes. Au bas du calendrier, on lit, à gauche : De l’Imprimerie / de Thomas la Car / riere, sur le Quay / de Gesvres, et au centre : A Paris, Chez Pierre Saincton, Enlumineur, rue S Iacques, à la Sereine, deuant la porte du Cimetiere S Seuerin10. 12 Chacun des deux piliers gravés au burin, peut-être de la même main, en tout cas du même dessinateur – ce qui ne veut pas dire que Frosne y a la moindre responsabilité, car il est fréquent que partie principale et piliers soient d’artistes différents –, porte deux images superposées sur chacune desquelles sont figurés les représentants de deux métiers, avec leur dialogue en rimes au-dessous.