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Nuit blanche

Essai

Number 109, Winter 2007–2008

URI: https://id.erudit.org/iderudit/19840ac

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Publisher(s) Nuit blanche, le magazine du livre

ISSN 0823-2490 (print) 1923-3191 (digital)

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Cite this review (2007). Review of [Essai]. Nuit blanche, (109), 61–73.

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Une plongée sub­ jouer les médiateurs dans ce par Hélène Rioux tile et délicate dans les tourbil­ conflit, ce qui l'a amené à main­ XYZ, Montréal, 2007, lons de l'adolescence. tenir une position neutre. C'était 184 p. ; 24 S Linda Amyot le cas auparavant et ça l'est encore aujourd'hui ». Belle À l'été 1950, Anne Coleman a neutralité qui a permis au 14 ans. Sportive, indépendante, Jean-Frédéric Légaré-Tremblay Canada de regarder ailleurs entêtée, elle jouit d'une grande RAYMOND CHRÉTIEN quand Israël a pilonné le Liban, liberté d'action au sein d'une LE CANADA DANS LE MONDE y tuant des centaines de civils. famille anglophone fortunée de D'HIER À AUJOURD'HUI Raymond Chrétien a raison de North Hatley dans les Cantons- Varia, Montréal, 2007, ne pas décrire le Canada comme de-l'Est. Esprit romanesque, elle 103 p.; 12,95$ un pays neutre, mais il dénature passe ses journées à lire Tolstoï la réalité quand il présente ou les sœurs Brontë et à discuter Pour qu'un livre fondé sur l'en­ comme une preuve de notre du destin de leurs héroïnes avec trevue soit réussi, questions et non-neutralité les missions de son amie Patsy. Le reste du réponses doivent obéir à des paix des Casques bleus. temps, elle donne un coup de impératifs apparentés : rigueur Fidèle porte-parole d'un main à Emily qui tient une bou­ chez celui qui interroge, trans­ gouvernement canadien qu'il tique dans le village, affronte parence de la part de l'inter­ a loyalement servi pendant tous les temps à bord du petit viewé. Un questionnaire mal 38 ans, Raymond Chrétien s'en voilier qu'elle manœuvre seule préparé laissera dans l'ombre tient, aujourd'hui encore, aux et, bien sûr, tombe amoureuse. des enjeux essentiels ; trop de affirmations attendues : l'Iran L'homme qui occupe ses pen­ Ce tout premier récit d'Anne restrictions mentales de la part s'immisce dans les affaires des sées est beau, marié, sans enfant, Coleman a été mis en nomi­ du témoin rendra l'échange pays voisins, etc. On n'attendait et enseigne à l'Université McGill. nation dans sa version origi­ stérile ou trompeur. Dans le cas pas la candeur, mais la perti­ À 43 ans, Hugh MacLennan est nale, en 2004, au prix du présent, il y a hiatus entre les nence des questions aurait déjà une célébrité. Entre l'auteur Gouverneur général. L'aveu de interrogations et les réactions. mérité autre chose que des de Deux solitudes et la jeune l'« amitié » amoureuse, vague­ D'emblée, c'est vers l'ex-ambas- clichés. fille qui veut un jour devenir ment scandaleuse, d'une jeune sadeur Raymond Chrétien qu'il Laurent Laplante écrivaine naît une affection fille avec une icône de la litté­ faut diriger les reproches. Le complexe et secrète qui prendra rature canadienne dont on questionnaire est bien construit fin abruptement avec le mariage découvre également certains et l'interviewer est renseigné et Yvon Quiniou d'Anne, à 21 ans, avec un jeune traits de caractère détestables - poli, tandis que les réponses KARL MARX émigré yougoslave tourmenté. MacLennan s'y révèle misogyne provoquent d'abord l'étonne- Le Cavalier Bleu, Paris, 2007, Ce mariage, tous le désap­ et quelque peu réactionnaire - a ment, puis l'impatience. L'alter­ 127 p. ; 16,95$ prouvent et elle-même sait qu'il fait couler beaucoup d'encre. native est sans échappatoire : ou sera désastreux. « C'est comme Mais, dès les premières pages, bien Raymond Chrétien sait « Marx n'est pas mort... » En si c'était une fatalité », explique- c'est avant tout l'écriture maî­ qu'il déforme les faits et cela effet, l'auteur de cet ouvrage t-elle à MacLennan. « J'ai l'im­ trisée, fluide et « silky » - n'est pas glorieux, ou bien il nous montre que les études pression d'avancer vers une soyeuse, comme la qualifie un ignore la réalité et cela laisse marxiennes sont toujours perti­ falaise, et je vais tomber. Je ne critique anglophone - qui planer des doutes sur sa com­ nentes en regard de notre peux arrêter ce qui va se passer. séduit et retient les lecteurs. En pétence. En l'occurrence, le plus monde néolibéral, « post­ C'est mon destin. » Mais l'homme trois chapitres, Coleman réussit probable est que l'homme aime marxiste ». Ne pensons qu'au dont elle espère qu'il la sauvera à faire sentir le tumulte inté­ la langue de bois et se fait une capitalisme mondialisé, se de ce destin qu'elle s'impose ne rieur et les bouleversements conception contestable de la croyant sans ennemis, exacer­ peut rien pour elle. Et les mots émotionnels du passage vers loyauté politique. bant ce qu'il y a d'autodestruc- qu'il lui dit alors, cinq décennies l'âge adulte de cette jeune Anne, Qu'on en juge. Raymond teur en l'humain. Par ailleurs, plus tard, Anne Coleman en qui n'a rien d'une Lolita. « Nous Chrétien affirme qu'il est plus les « idées reçues » qui gan­ trouvera enfin tout le sens. éclatons de rire : pendant un facile à la Norvège qu'au Canada grènent la pensée marxienne

N" 109 . NUIT BLANCHE . 61 commentaires essai ont été endossés par les mem­ I théorie de la littérature, autobiographie bres de Liberté, en explicitant comment ces références chemi­ nent jusqu'aux animateurs (par le truchement de la France, grande traductrice des auteurs sont, dans cet essai, hardiment que sociale, a la capacité de allemands) et surtout en révé­ décapées afin de mettre en s'améliorer, de se transformer lant la manière dont l'Alle­ lumière les fondements de la en affrontant le réel qui l'abêtit - magne sert le débat culturel et pensée de Marx, sa pertinence ce qui devrait l'obliger à capter identitaire québécois, Dion pro­ pour la deuxième moitié du XXe les « racines de [son] propre mal­ pose une réflexion qui fait du siècle et le début du nôtre. Yvon heur ». Un communisme « vrai » transfert culturel une réception Quiniou fait ainsi surgir la serait-il en mesure de permettre active et participative des prati­ richesse d'une démarche intel­ qu'une « démocratie réelle » ques étrangères. lectuelle toujours capable de puisse s'infiltrer qualitativement Alors que le Québec cherche déceler les aliénations qui nous dans l'espace économique, social, à échapper à sa fatigue cultu­ cernent de toutes parts. politique, idéologique, culturel relle et à colmater les brèches Marx a écrit quelque part : autant qu'écologique ? C'est une causées par la défaite référen­ « Tout , c'est que large perspective sur l'humain daire de 1980, l'expérience moi, je ne suis pas marxiste ». que nous invite à explorer Yvon allemande de Liberté sort le Aurait-il décrié les dérives Quiniou. Ce dernier est membre débat québécois des ornières de horrifiques qui ont caractérisé du comité de rédaction de la la France et des États-Unis. le marxisme-léninisme, et tout revue Actuel Marx, éditée aux L'élection de l'Allemagne de ce qui a pu contribuer à figer PUF, qui incarne le renouveau Liberté comme « culture pro­ une pensée constamment en des études marxiennes contem­ fonde et lointaine » est donc une mouvement ? C'est ce qu'effectue poraines. stratégie intéressante pour Quiniou en distinguant la Gilles Côté mettre en perspective les apports pensée « marxienne », qui est étrangers et voir qu'il demeure un discours reflétant la pensée possible de choisir ses référen­ de Marx, insistant sur ses Robert Dion ces au-delà des contingences nuances et son évolution, de L'ALLEMAGNE DE LIBERTÉ culturelles et historiques. celle des « marxologues », qui SUR LA GERMANOPHILIE DES Michel Nareau sont des spécialistes de la INTELLECTUELS QUÉBÉCOIS fait d'un sujet somme toute théorie, de l'œuvre de Marx, Presses de l'Université marginal dans l'espace culturel mais qui n'adhèrent pas néces­ d'Ottawa, Ottawa/ d'ici un révélateur des questions Orhan Pamuk sairement à son projet d'éman­ Kônigshausen & Neumann, de références à l'étranger et de ISTANBUL cipation ou ne se prononcent Wùrzburg, 2007, 335 p. ; 25 $ détermination de la conjoncture SOUVENIRS D'UNE VILLE pas sur sa « valeur », et du nationale. Trad. du turc « marxisme », une version de la Empruntant aux théories des Les mérites de cet ouvrage par Savas Demirel, Valérie Gay- pensée de Marx qui est perçue transferts culturels, tout en sont nombreux. Dion est d'abord Aksoy et jean-François Pérouse comme la seule valide. Il est démontrant une bonne connais­ l'introducteur au Québec des Gallimard, Paris, 2007, surtout important de garder en sance de la culture allemande, théories des transferts culturels 445 p. ; 39,95 $ mémoire que si Marx a bous­ Robert Dion analyse, dans qui, s'appuyant sur l'étude des culé les enjeux sociaux et idéo­ L'Allemagne de Liberté, la façon procédés concrets d'accès à une La Turquie contemporaine, celle logiques de son époque, il le fait dont les animateurs (André pratique étrangère, servent à qui fascine mais effraie, celle encore grandement si l'on sait Belleau, Fernand Ouellette, Yvon expliquer l'acclimatation d'élé­ qui fait couler beaucoup d'en­ bien le lire... et sans que l'on soit Rivard, Diane-Monique Daviau, ments d'une culture dans une cre, est ici racontée de l'intérieur obligatoirement marxiste ! Si Gilles Marcotte principalement) autre. Le choix d'une revue est à par Orhan Pamuk, un de ses « l'humanité ne se pose jamais de cette revue phare de la Révo­ cet égard éclairant, puisque la enfants les plus illustres. Après que des problèmes qu'elle peut lution tranquille ont intégré une périodicité de la publication les succès de Mon nom est résoudre », la pensée marxienne référence à la culture germa­ permet d'historiciser l'avène­ rouge et Neige, entre autres semblerait encore avoir sa place ; nique. Prenant soin de situer ment d'une germanophilie au titres traduits en plus de qua­ il est difficile d'en douter... Ce cet emprunt dans le contexte Québec et de la saisir dans les rante langues, le Prix Nobel petit volume est vraiment québécois et de montrer que ce débats qui ont cours à divers 2006 raconte son enfance à saisissant sur ce plan. pays était déjà commenté par moments. En montrant quelles Istanbul, ville mythique située Rappelons que Marx a insisté les essayistes des revues anté­ œuvres, quels auteurs, quelles entre Orient et Occident. sur le fait que l'être humain, tant rieures, l'auteur présente une pratiques culturelles (les ro­ Fondée en 667 avant Jésus- dans son acception individuelle analyse claire et surprenante qui mantiques, la poésie instituée) Christ par les Argonautes, dit-

N' 109 . NUIT BLANCHE . 62 SCÈNES DE CRIMES on, Byzance est grecque. Mille Sur le roman policier ans plus tard, en 330, Constan­ Norhort Spehner tin lui donne son nom - Cons­ tantinople - et en fait la capitale el un sismographe sensible et vigilant, qu'il ne saurait montrer de l'Empire romain d'Orient. Un Norbert Spehner détecte et enregistre la tolérance d'un lecteur deuxième millénaire passe. En T le moindre mouvement dans le monde moins averti ou moins 1453, les nouveaux conquérants de plus en plus diversifié du roman policier. immergé dans cette spé­ ottomans la nomment Istanbul. Connaisseur irremplaçable de ce pan de la cialité. Cet aveu, qui est Troisième en titre à régner littérature, il excelle aussi bien à saluer le honnête, explique une sur la région, l'Empire ottoman - talent tout à coup révélé qu'à établir la bonne partie des préfé­ fondé par les Turcs - a duré plus tendance lourde. Comme il veille à le préciser rences, peut-être aussi de 600 ans. Après la défaite de la lui-même en introduction à ce nouveau survol quelques-unes des (rares) omissions. Pas guerre de 1914-1918, Kemal du genre policier, on trouvera ici non toutes cependant. Quand, par exemple, Ataturk fonde la Turquie laïque seulement bon nombre de ses recensions déjà l'essayiste examine la relation entre le crime et et moderne en 1923 et la capi­ offertes dans diverses publications, mais aussi la guerre, on se surprend de ne rien lire sur tale devient Ankara. - et surtout - une série de regroupements Jonquet (Les orpailleurs...) ni sur Yasmina Ces guerres, ces victoires et thématiques fort utiles à quiconque a Khadra (La part du mort, prix du Meilleur ces conquêtes semblent définir fermement jeté son dévolu sur tel type de Polar francophone 2004, etc.). Et peut-être un l'âme trouble d'Istanbul. Métro­ romans policiers. surplus d'audace aurait-il conduit Spehner à pole du pays, certes, mais la ville Ce qui distingue un peu ces « enquêtes » loger Kamouraska d'Anne Hébert à proximité n'est que le « résidu d'un grand des relevés précédents de Spehner, c'est peut- du roman policier. Cela dit, Spehner est un empire » et pleure sa notoriété être que l'auteur laisse ici s'exprimer ses guide au goût très sûr, un des rares qui enfuie. « À Istanbul, les heures démons intimes, autrement dit ses penchants. puissent stabiliser un vocabulaire qui confond glorieuses passées, l'Histoire et Il aime ce qui rattache le roman policier aux souvent le polar, le thriller, le roman noir, le les vestiges des civilisations guerres d'hier et d'aujourd'hui, il demeure suspense, un des conseillers auxquels on peut sont beaucoup plus perceptibles prudent devant les signatures féminines plus se fier pour lire de confiance un auteur encore (qu'ailleurs]. » Les Stambou- sujettes que leurs collègues masculins à la inconnu. liotes sont depuis partagés entre tentation des harlequinades, il préfère l'action Laurent Laplante le déni et le « sentiment de nerveuse, voire frénétique, aux lentes et prévi­ défaite, de perte, et de tristesse sibles marées montantes, il se lasse vite des dont Istanbul avait hérité ». bouquins qui exploitent un genre éculé au lieu Pamuk n'échappe pas à la d'en créer un nouveau. On ne reprochera Norbert Spehner règle. La ville où il est né en certes pas au meilleur spécialiste de ce genre SCÈNES DE CRIMES 1952 est source de toutes ses littéraire son manque de patience pour tout ce ENQUÊTES SUR LE ROMAN POLICIER passions et de ses douleurs. qui prolonge au lieu d'inventer : il flaire si vite CONTEMPORAIN « Influencés par cette tristesse la paresse, le deus ex machina, le remplissage Alire, Québec, 2007,279 p. ; 22,95 $ héritée d'un grand empire [...], les Stambouliotes sont comme condamnés à être la proie d'une espèce de pauvreté éternelle. » York, pourfendu qu'il est chez village de Bavière pour la France natal. Au cœur de leur dilemme Œuvre poétique, illustrée de lui pour avoir pris la défense des dans les dernières années avant commun : une difficile recher­ superbes dessins et photos en Arméniens. la Seconde Guerre mondiale. che d'identité marquée, pour noir et blanc, Istanbul parle Michèle Bernard Avec La biographe, Bloch-Dano l'une, par un immense senti­ bien sûr de mosquées, konaks, offre un récit beaucoup plus ment de culpabilité en raison de pachas, harems, divans, janis­ personnel que les classiques l'allégeance affichée de sa mère, saires et Sublime Porte mais Evelyne Bloch-Dano biographies Madame Zola, l'actrice Magda Schneider, pour davantage des relations qu'un LA BIOGRAPHE Madame Proust ou Flora le nazisme - Romy croit même enfant - ayant « la chance d'être Grasset, Paris, 2007, Tristan, la femme-messie pour qu'elle a été la maîtresse de Hitler né dans une famille aisée » - 233 p. ; 29,95 $ lesquelles elle a récolté de à une époque de sa vie - et, pour entretient avec son omnipré­ nombreux prix. l'autre, par un désir d'humi­ sente famille et de son appren­ « Comment peut-on être Alle­ Entrecroisant les destins liation qui la fera s'engager dans tissage de la vie. mande ? » demandait l'actrice pourtant si différents de la l'Armée française d'Occupation, Sélectionné par le Time en bavaroise naturalisée française célèbre actrice et de sa propre heureuse de voir Berlin dévasté 2006 comme l'une des person­ Romy Schneider. Tel un écho, mère, l'auteure parvient néan­ et l'Allemagne à genoux. nalités influentes de notre Evelyne Bloch-Dano se demande moins à éclairer sous un même Les lecteurs de biographies monde, juré au festival de à son tour : « Comment peut-on angle la vie de ces deux Alle­ n'y trouveront sans doute pas Cannes 2007, Orhan Pamuk être Juive allemande ? » comme mandes qui, par choix ou leur compte. La vie de Romy s'est récemment exilé à New sa mère ayant fui son petit nécessité, ont quitté leur pays Schneider - de son vrai nom

N° 109 . NUIT BLANCHE . 63 commentaires essai satile, Rauch, également connu I société, récit de voyage pour ses travaux sur les vacances des Français, ne semble négliger aucun lieu d'affirmation de la masculinité. Il considère aussi bien l'évolution des lois ou des Rosemarie Albach - est esquis­ s'engager dans l'armée. L'ou­ mœurs que la vie militaire et ses sée à grands traits pour ne vrage, qui, étonnamment, ne rituels de célébration du mérite. garder que l'essentiel du destin manque pas de qualités litté­ En sociologue aguerri, il passe de cette femme jetée trop tôt raires, raconte les guerres au crible la chose imprimée, du dans l'arène des fauves - elle a menées mais aussi la vie tract révolutionnaire obscène 15 ans à peine lorsqu'elle tourne humiliante d'un soldat. L'esprit aux œuvres littéraires annon­ son premier film -, exploitée de la guerre, la quête du pou­ çant de nouvelles mentalités. On par sa mère et son beau-père, et voir, l'asservissement dont sont peut penser à La garçonne dont les amours malheureuses, victimes les fantassins ont sur (1922), le controversé roman de la mort tragique de son fils et eux des effets destructeurs. Les Victor Margueritte, qui inspire à son propre suicide ont fait la simulations de combats, par Rauch quelques-unes de ses une de tous les journaux. Mais exemple, se doivent de refléter la meilleures pages. les parallèles esquissés par réalité, et il n'y aurait pas de Deux titres sont en réalité Evelyne Bloch-Dano soulèvent honte à terroriser et à torturer réunis ici : Le premier sexe de nouveaux questionnements un soldat de son bataillon, qui (2000) et L'identité masculine à sur cette plaie européenne fait partie de l'autre clan pour la l'ombre des femmes (2004), inguérissable, la Shoah, et sur la durée de l'exercice. Celui qui ne auxquels s'adjoint une postface complexité de l'identité natio­ se prêtera pas au jeu sera dou­ s'inspirant de la crise des nale et individuelle des Allemands loureusement rabroué par son banlieues françaises de 2005. Le de l'après-guerre. supérieur. Sens de l'initiative, premier volet porte sur les Linda Amyot émotions, individualité, on mutations et la crise affectant l'aura compris, n'ont pas lieu l'identité masculine entre 1789 d'exister. et 1914. Le second volet se con­ Martin Petit Le pire, évidemment, sera les sacre à l'identité masculine à QUAND LES CONS fameuses missions de paix. Le l'heure des grandes conquêtes SONT BRAVES soldat en ressort frustré, en état du féminisme, de la Grande MON PARCOURS DANS de choc. Comme l'affirme l'au­ Guerre à la Gay Pride. Chaque L'ARMÉE CANADIENNE teur, un soldat sur sept revien­ période jouit d'éclaircissements VLB, Montréal, 2007, dra d'une intervention en déve­ qui nous la rendent plus trans­ 259 p. ; 25,95 $ loppant le syndrome de stress parente. À partir des paroles et post-traumatique. des comportements qui jouent Martin Petit a servi pendant Plusieurs passages du livre un rôle dans la construction quatorze ans comme fantassin mériteraient d'être diffusés. sociale de la « virilité », Rauch dans les Forces armées cana­ Certains épisodes peu glorieux tient compte des principaux diennes. De son embauche en de notre histoire, comme les cas paramètres avec lesquels l'indi­ 1989 jusqu'à sa « libération » en de torture en Somalie, ont ici vidu masculin a dû composer 2003, il aura participé à cinq leur témoin. « J'ai allégé le texte au fil du temps afin d'affirmer « missions de paix » : au Qatar final de pages entières, tant ce sa personnalité, fût-ce l'éro­ en 1990-1991, en Croatie en que j'avais écrit était honnê­ tisme, la galanterie et le flirt ou 1992, en Somalie en 1992-1993, tement trop méchant, nocif et André Rauch les rapports du mâle au corps, à en Krajina en 1995 et en Bosnie subversif. J'ai même eu le scru­ HISTOIRE la vie affective, à la gloire, au en 2002. Maintenant atteint pule, par je ne sais quel réflexe DU PREMIER SEXE danger et à la propriété. Du régi­ du syndrome de stress post- idiot, de taire les noms des DE LA RÉVOLUTION ment militaire au nid domes­ traumatique, il se dit un ardent meurtriers et des abuseurs que À NOS JOURS tique, de la brutalité à l'intimité, défenseur de la paix. j'ai connus. J'en ai encore contre Hachette Littératures, Paris, les hommes se sont livrés, depuis Dans la postface, il avertit certains individus, mais c'est le 2006, 646 p. ; 24,95 $ deux cents ans, à la recherche de qu'il n'a pas la prétention d'être système et la culture militaire nouveaux lieux de réalisation de un écrivain. Le livre, il l'a écrit qui, plus que tout, m'exaspère », L'ouvrage d'André Rauch retrace soi. Dans le contexte qui a vu pour se libérer des images obsé­ conclut l'auteur, dont la har­ l'odyssée de la condition mas­ naître la civilisation des loisirs dantes qui l'empêchent de dor­ gne, au fil du livre, ne s'est pas culine et sa spectaculaire décon­ et la suprématie de l'individu, mir. Et aussi pour décourager émoussée. venue depuis la Révolution les critères du partage des rôles entre les sexes n'ont cessé de se les jeunes qui souhaitent Judy Quinn française. Méthodique et ver­

N" 109 . NUIT BLANCHE . 64 redéfinir au gré des change­ phare, il profite de ses temps encore à des louanges du loup- nordique et circumpolaire. Elle ments sociaux et des avancées libres pour écrire sur son coin marin ou de l'outarde, dont il comporte cinq titres dont Deux scientifiques. Proche d'Alain de pays d'adoption, la Côte- complimente la grâce, mais émigrés en Suède de Xavier Corbin dans son approche de la Nord, autrefois appelée Labra­ aussi le duvet, les plumes... et Marmier, grand voyageur et vie privée, André Rauch signe dor canadien. la viande ! Quelques bribes de autre personnalité des plus avec Histoire du premier sexe Récits du Labrador, publié souvenirs d'expéditions en marquantes dans le paysage un ouvrage savant aux allures pour la première fois en 1894, bateau, de nuits passées dans culturel français de son temps. de livre de chevet. Il manque est déjà salué par la critique des anses habitées par des L'édition de Récits du Labrador, toutefois un index des noms littéraire de l'époque pour son esprits sont aussi des sujets qui dotée d'une introduction, de cités, qui faciliterait de beau­ écriture ironique et analytique. définissent l'univers de Récits notes et d'une chronologie coup le travail de relecture de Le recueil, composé de quinze du Labrador, recueil hybride signées Daniel Chartier, par cet essai dense et captivant. courts récits, livre un véritable fait de textes engagés et docu­ ailleurs directeur de la collec­ Patrick Bergeron cours d'histoire naturelle sur mentés, où les genres tendent à tion, permet au lectorat de le Labrador avec passion et se fondre entre fiction, science, redécouvrir un explorateur humour. Henry de Puyjalon géographie et manifeste. Sensi­ coloré de notre pays. Henry de Puyjalon nous emporte littéralement ble aux inquiétudes environne­ À la lecture de ces récits, qui RÉCITS DU LABRADOR dans ses expériences de voya­ mentales qui sont aujourd'hui forment de succulents tableaux ImaginaireINord, Montréal, geur solitaire au creux d'un les nôtres, ce recueil, toujours de la vie au Labrador, on finit 2007, 202 p. ; 20 $ territoire immense et sauvage, d'actualité, fait de Puyjalon un par saisir la fascination pour encore perçu à l'époque comme précurseur de la cause écologiste. l'éloignement nordique qui a À la fin du XIXe siècle, le comte un lieu de solitude, de désola­ La collection « Jardin de givre », mené Henry de Puyjalon du Henry de Puyjalon, intellectuel tion et d'effroi. Le lecteur a droit du Laboratoire international château familial et des cabarets français fasciné par les grands à une description hostile du d'étude multidisciplinaire com­ de Paris, jusqu'aux côtes déso­ territoires isolés, s'installe en vorace moustique, ce « culicidé parée des représentations du lées de la Côte-Nord, puis enfin permanence au Canada. Tour à immonde » dont l'auteur sou­ Nord, vise la réédition, pour la à la solitude de l'île à la Chasse, tour fonctionnaire, chasseur, haite l'extermination complète recherche et l'enseignement, où il demeura jusqu'à la fin de trappeur, ornithologue, géolo­ dans les plus affreux supplices, à d'œuvres significatives mais ses jours en 1905. gue, naturaliste et gardien de une tirade sur la bête puante, ou épuisées, liées à l'imaginaire Nicolas Davignon

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SANDRA RoMrR_--Di_stH*NPS g|j| MAISON JU MÉMOIRE 1 *~lW i) ( 1 MR_ VARIN CLARICE I I SELECTOR

CUIRE VARIN MICHAËL LA CHANCE JOËL DES ROSIERS SANDRA ROMPRÉ-DESCHÊNES CLARICE LISPECTOR L'INQUISITORIALE CAÏQUES LA MAISON MÉMOIRE rencontres brésiliennes Fugue solaire dans les îles poésie, 136 p., 22 S roman, 166 p., 19 $ essai, 227 p., 22 $ & plateaux du langage la, il aura entendu au bord du littoral ce qui «Je suis entrée. L'odeur de la soupe, connue n'est pas chanté dans le chant. depuis toujours, m'a enveloppée. Cette odeur. Ce livre accessible et vivant se visire comme un essai, 131 p., 22 $ Là, il lui aura semblé qu'une vie aura coulé sur Grand-maman, était collée à ta maison ct à cabinet de curiosités : extraits d'entrevues ac­ De Majorque à l'île Bonaventure, du désert de la mer offerte, sans rivages, sans possibilité de ton être tout entier, comme si tu t'en par­ cordées par la romancière a la presse brésilienne, l'Arizona au Plateau Mont-Royal, nous retour, mer si parfaitement la même qu'elle fumais ou comme si tu étais toi-même un photos, lettres, fragments de nouvelles ct de fouillons le réel pour tirer de celui-ci les mots était l'unique mémoire des choses enfouies. ingrédient de cette soupe. I_a maison, en quel­ manuscrits parfois inédits. Conçu et réalisé dans lesquels il consentira à se laisser dire. Il Nul autre vocable n'aurait pu mieux accom­ que sorte, devenait une grande marmite de bois par Claire Varin, Remontres brésiliennes nous nous faudrait admettre qu'aujourd'hui les pagner la dérive. Caiques, en exil lumineux, où se mélangeaient les arômes ambiants. » mène À la découverte d'une des grandes voix mots sont tordus, précipitant une trahison de dans le sillage des îles et des villes où s'ex­ de la littérature du XX1 siècle, d'une œuvre qui l'expéricnce. Il nous faudrait retrouver dans le posent les enfants perdus du langage. a suscité l'admiration d'écrivains reis que Julio fil de nos phrases une origine, que chacun Corti_tar. Alain Robbe-Grillet, Hélène Cixous. retrouve ainsi sa création du monde.

N° 109 . NUIT BLANCHE . 65 commentaires essai I essai biographique, histoire, biographie, société ne portent d'ailleurs pas sur les principes en cause : d'une part, le Canada français prélevait ses esclaves surtout chez les Amérin­ diens (environ 2000 sur 4000) ; forme, pesant un kilo (« Au d'autre part, si les esclaves sont Henri Calet musée de l'asperge »). Ailleurs, moins nombreux au Canada ACTEUR ET TÉMOIN l'écrivain participe à une séance français, ce n'est pas que les Mercure de France, Paris, de signatures au rayon librairie mœurs y soient plus douces, 2007, 232 p. ; 31,50 $ d'un grand magasin et joue les mais que le commerce des sociologues (« L'écrivain dans la fourrures exige moins de main- Ce livre, publié à l'origine en bergerie »). Sans s'appesantir d'œuvre que la culture du coton. 1959, rassemble des articles sur la grisaille du destin, Calet, Le mérite d'Afua Cooper est de écrits entre 1947 et 1955. Auteur qui a connu la privation et la donner une voix à l'esclave que de très beaux romans, tels Le captivité, reste partout sensible sa révolte conduit à l'incendie tout sur le tout et Monsieur aux manifestations de la détresse. criminel, tout en décrivant l'im­ Paul, Henri Calet (1904-1956) Pourtant, de la vingtaine d'arti­ plication du Canada français fait partie de ces écrivains qui, cles réunis dans Acteur et dans l'esclavage. Comme l'incen­ comme Raymond Guérin, témoin, un seul prend vérita­ die a détruit une cinquantaine André Beucler et Marc Bernard, blement un ton grave, « Treize d'édifices, y compris l'Hôtel- ont laissé une œuvre remar­ ans de retard ». Calet y narre Dieu, on imagine dans quel quable bien qu'ayant jusqu'à ce son pèlerinage sur les routes de climat s'est déroulé le procès. jour insuffisamment attiré Bourgogne où il avait été fait L'auteure dramatise quelque l'attention. Acteur et témoin prisonnier de guerre en 1940 ; peu les témoignages rendus lors révèle la personnalité tendre et c'est l'occasion pour lui d'évo­ du double procès qui a conduit ironique de l'écrivain, en qui l'on quer le souvenir de tirailleurs à la condamnation et à l'exécu­ a vu l'inventeur d'un « humour africains abattus méthodique­ tion de la jeune incendiaire et gris ». Collaborateur de Combat ment par les S.S. « Acteur et on ne lui en voudra pas. En et du Parisien libéré notam­ témoin » de l'existence à la revanche, la traduction laisse à ment, Calet se faisait une joie, petite semaine et à la grande, désirer. Parler « de gens dont le dans ses reportages, de partir à Henri Calet l'a été et c'est dans seul but est de la déclarée incen­ la découverte de la petite face un style bien à lui qu'il célèbre diaire » manque d'élégance. cachée du monde, cherchant la liberté et la douceur de vivre. ajoutant un Dictionnaire des Surtout quand on affuble d'un autour de lui des sujets d'amu­ Patrick Bergeron esclaves et de leurs proprié­ sic chaque citation du journal sement. Les petits voyages lui taires, rares sont les Québécois Quebec Gazette/Gazette de plaisaient particulièrement : au courant de notre passé Quebec. une promenade dans la banlieue Afua Cooper esclavagiste. Afua Cooper, Laurent Laplante nord de Paris ceinturée d'usines LA PENDAISON biographe de l'incendiaire (« Tourisme suburbain »), une D'ANGÉLIQUE Marie-Joseph-Angélique et randonnée en autocar aux Pays- L'HISTOIRE DE L'ESCLAVAGE historienne intéressée au sort Henri Troyat Bas, rythmée par les commen­ AU CANADA ET des esclaves au Canada, ne PASTERNAK taires patriotiques du guide DE L'INCENDIE DE MONTRÉAL pouvait donc nous convaincre à Grasset, Paris, 2006, (« Tourisme chez les autres »), Trad. de l'anglais moins de présenter une impec­ 214 p.; 29,95$ une visite du village de vacances par André Couture cable reconstitution de cette vie de Guéthary, où les vacanciers L'Homme, Montréal, 2007, et de cette exécution. Mission Henri Troyat est mort en mars logent dans des bungalows 312 p. ; 29,95$ accomplie. 2007 à l'âge de 95 ans, peu après (« Un village sans histoires »)... Visiblement, l'esclave Marie- la parution de Pasternak. Prix Facétieux, mais dénué de Avec vigueur et pertinence, l'au­ Joseph-Angélique a vécu la Goncourt et membre de l'Aca­ malice, Calet prétendait avoir teure et son préfacier profitent même chose que les centaines démie française, il est l'auteur pris l'« habitude de regarder de ce livre pour dénoncer la de milliers de Noirs et d'Amé­ français contemporain le plus [ses] contemporains d'un point complaisante amnésie que pra­ rindiens arrachés à leur culture, lu, dit-on, avec une bibliogra­ de vue de larbin, de concierge, tique le Canada dès qu'on privés de liberté, vendus comme phie riche d'une centaine de comme par le trou d'une ser­ évoque l'esclavage. Comme si du bétail. Le Canada français, titres. rure ». Le résultat en est souvent jamais cette honte ne nous avait où elle aboutit sans l'avoir voulu, D'origine russe - sa famille insolite, comme le jour où il atteints. Même si Marcel Trudel n'entretenait pas plus de scru­ s'exila de Moscou en 1917 -, s'est rendu à Argenteuil dans le a secoué notre bonne cons­ pules que ses contemporains à Troyat ou Lev Tarassov a tou­ but d'admirer quatre asperges cience dès 1960 avec l'Esclavage l'égard de cet asservissement. jours écrit en français. Il a phénoménales dont une, dif­ au Canada français, en y Deux différences seulement, qui raconté avec passion nombre de

N' 109 . NUIT BLANCHE . 66 Une femme à Berlin ses compatriotes dont Tolstoï, Journal de guerre 20 avr«-22 join 1945 Tchékhov, Gogol, Dostoïevski et Pouchkine. Écrire la biographie de Boris Pasternak, célèbre ne des particularités d'un journal inti­ tard, un éditeur se met à la auteur du non moins légendaire me est qu'il permet une lecture toute recherche de son auteure Le docteur Jivago, allait de soi. U personnelle de moments importants de pour lui demander la Troyat semble par contre l'Histoire, présentant un point de vue différent, permission de publier à préférer l'homme aux capacités voire complémentaire, de celui qui est apporté nouveau le journal. Après littéraires de l'écrivain : « Ne par les historiens. Dans ce cas-ci, il s'agit du de nombreuses recherches l'admire-t-on pas davantage journal d'une femme, début trentaine, qui habite infructueuses - l'éditeur pour son caractère que pour son Berlin durant les derniers jours de la Seconde d'origine étant mort -, il talent ? » Guerre mondiale. Tandis que les premiers réussit à la retrouver. Mais elle refuse toute Si l'infatigable Troyat tarde à obus russes tombent sur la ville, elle se met à parution de son vivant. Elle mourut en 2001. écrire cette trente-deuxième écrire afin de conserver son équilibre mental. Ce qui surprend de ce journal est son biographie, il y conserve la Les premiers jours se passent principale­ écriture empreinte à la fois d'une rage de vivre qualité d'écriture que nous lui ment dans le sous-sol d'un immeuble où elle et d'une totale indifférence, et ce, malgré les connaissons. Pasternak perd se terre en compagnie d'une douzaine de conditions de vie précaires et les viols quasi cependant en densité car les personnes. Puis, les obus cessent et les soldats quotidiens que l'auteure a eu à subir. À travers pages et les chapitres sont bien de l'Armée rouge envahissent les rues de son les pages, elle dépeint aussi des habitants de courts. L'être Pasternak et la quartier à mesure que les combats se déplacent son quartier qui, déboussolés, se demandent genèse de sa saga - dont David vers le centre de la ville. Pour survivre, elle doit ce que l'avenir leur réserve tout en tentant de Lean a extrait un film-culte en faire preuve d'intelligence. Grâce à ses rudi­ survivre le plus dignement possible. C'est une 1966 - n'en sont pas moins ments de russe, elle réussit à établir certains magnifique mais cruelle tranche de vie d'une captivants. « Il maudit les liens avec les soldats cantonnés dans son femme qui a le malheur de se trouver du côté heures qu'il a passé à écrire [des quartier, trouvant la protection auprès des des perdants, un journal qui démontre surtout vers) alors que Le docteur officiers les plus forts qui la nourrissent en que si les hommes font la guerre, les femmes la Jivago attendait, derrière la échange de son consentement silencieux. Puis, vivent. porte, la permission d'entrer au bout de quelques jours, les soldats partent. Manouane Beauchamp dans sa vie. » Et dans cette ville en ruine, la vie tente tant Le romancier, poète et traduc­ bien que mal de reprendre son cours. teur Pasternak (1890-1960) a Publié pour la première fois en anglais en un destin fascinant. Issu d'un 1954, ce journal ne paraîtra que cinq ans plus milieu aisé, le jeune Boris hérite tard dans sa langue d'origine par les soins d'une de la sensibilité d'artiste de ses maison d'édition suisse. Le livre ressassant Anonyme parents. « À les regarder vivre l'un trop de souvenirs désagréables, il sera mal UNE FEMME À BERLIN et l'autre, il se figure que l'exis­ accueilli en Allemagne et sera rapidement JOURNAL, 20 AVRIL -22 JUIN 1945 tence des grandes personnes est retiré de la circulation. Cinquante ans plus Gallimard, Paris, 2006,259 p. ; 39,50 $ un jeu perpétuel », commente Troyat. La vie se charge évidem­ ment de lui enseigner bien autre chose. construire une identité sexuelle. plein pouvoir de la reproduction Le docteur Jivago a été inter­ Michel Schneider Toutefois, selon l'auteur, à force de l'espèce. Si une femme peut dit en Russie et publié en Italie, LA CONFUSION de réclamer l'égalité entre décider d'avoir un enfant, et ce, en 1957. En russe. Quelle ironie. DES SEXES les sexes à cor et à cri, ce ne sont avec ou sans l'accord du père, Pour de sombres raisons politi­ Flammarion, Paris, 2007, pas les inégalités qui furent un homme ne peut forcer une ques, Pasternak a dû refuser le 126 p.; 22,95$ attaquées, mais bien les fon­ femme à porter son enfant. prix Nobel en 1958. Il s'est aussi dements mêmes de l'identité Idem en ce qui a trait au pou­ vu retirer sa qualité d'écrivain L'idée qui guide la réflexion de sexuelle. voir de la reproduction sociale, soviétique. « Le Comité du Parti Michel Schneider, psycha­ Pourtant, tout est parti de alors que les femmes sont majo­ [...] continue de dénoncer ses nalyste, est que « l'indifférence bons sentiments. Les moyens ritaires dans les activités où agissements déloyaux contre le au sexe est la conséquence de contraceptifs et l'avortement, l'enfant se façonne. Seule la peuple soviétique. » l'indifférence entre les sexes ». qui devaient apporter une politique semble encore échap­ Pasternak meurt sans récon­ Tout d'abord, rappelle-t-il, le libération sexuelle, sont venus per aux femmes, mais Ségolène ciliation. « Je quitte la vie sans sexe est un fait biologique : on en fait bouleverser l'équilibre Royal en France est venue aucun regret. Il y a trop de lai­ naît femme ou homme. De cette entre les hommes et les femmes. démontrer la montée irrépres­ deur, non seulement chez nous, réalité découle un certain nom­ Désormais, le lien obligé entre sible de celles qui furent autre­ mais dans le monde entier. » bre de représentations qui per­ sexualité et reproduction était fois appelées le sexe faible. Michèle Bernard mettent à tout un chacun de se dénoué, laissant à la femme le L'auteur procède par ailleurs

N° 109 . NUIT BLANCHE . 67 commentaires essai I éducation, économie, spiritualité, société Nous dérivons donc vers des formes de totalitarisme toujours plus subtiles. À tel point que la parole devient chaque jour plus interdite, que la dictature du à une analyse de certains de recevront un enseignement néo-capital devient ostentatoire. ses discours. Cet élément est d'éthique et de culture religieuse Le livre de Kempf, écrit d'une d'autant plus intéressant que rompant définitivement avec manière simple et directe, éclaire les prochaines élections au l'enseignement confessionnel crûment les croyances : la crois­ Québec verront une femme donné depuis des décennies. sance économique résoudra les briguer le poste de premier L'auteur d'Éthique, culture conflits sociaux, c'est par la ministre. religieuse, dialogue, un philo­ technologie qu'on traversera la Ainsi, à force de rechercher à sophe, est bien placé pour en crise écologique, etc. Le titre dit tout prix l'égalité entre les sexes, parler : il a fait partie de l'équipe TOUT. D'où la proposition, que ce sont les frontières entre les qui a conçu ce programme com­ j'endosse, d'un RMA (revenu rôles respectifs qui sont tran­ mandé par le ministère de maximum admissible). Je ne quillement gommés. Comment, l'Éducation. De quoi s'agit-il au sais pas si je suivrais toutefois dès lors, se construire un Soi juste ? D'une école neutre, laï­ Kempf jusqu'au noir scénario assez solide pour être capable que, où toutes les conceptions dans lequel les oligarchies - de vivre en couple avec une de la vie doivent se rencontrer dont on connaît le comporte­ personne du sexe opposé et en toute transparence, en toute ment criminel, asocial et auto­ accepter l'expérience ultime qui harmonie. Pour les parents ritaire - aspirent au désastre consiste à avoir un enfant ? religieux, cela veut dire que, si écologique. Je ne suis pas L'analyse de Michel Schneider leurs enfants seront accueillis partisan de l'apocalypse. Mais permet de comprendre que dans le respect de leurs cro­ lorsqu'il évoque la « pulsion de certains choix que la société yances, ils n'en seront pas moins la classe dirigeante pour la occidentale a faits dans le but de exposés au pluralisme des déflagration », c'est la pulsion libérer l'humain ont eu l'effet pensées, dont l'athéisme. de mort (Freud) qu'il met en inverse : en retirant certaines À l'inverse, les parents agnos­ lumière ainsi que le fondement barrières soi-disant nuisibles, la tiques verront leurs rejetons de violence qui stimule la con­ société a fait disparaître des se faire expliquer les croyances sommation (Baudrillard). références essentielles reliées religieuses, celles de leurs Or, pour laisser à l'humanité aux rôles de chaque sexe, réfé­ origines certes, mais aussi qui vient une planète sur rences à la base de la construc­ toutes celles existant de par le laquelle vivre décemment, il tion de l'identité. Une analyse monde. (Tout en évitant les Hervé Kempf faudrait, avant-hier, réduire sincère et actuelle qui ne écueils du « relativisme », COMMENT LES RICHES radicalement cette consom­ cherche pas à accuser, mais bien insiste l'auteur, pensée selon DÉTRUISENT LA PLANÈTE mation. Les gens richissimes, à faire prendre conscience de la laquelle toutes les coutumes Seuil, Paris, 2007, s'ils étaient responsables (mais richesse de la différence entre s'équivalent.) 125 p.; 22,95$ ils ne souhaitent pas le devenir), les sexes. Il s'agit, selon l'expression de devraient selon Kempf donner Manouane Beauchamp Georges Leroux, d'une éduca­ Vous avez dit « démocratie » ? l'exemple puisque ce sont eux tion au « vivre-ensemble », où Nous sommes actuellement que les autres classes paient l'école agit comme « foyer inté­ en présence de sa caricature. pour imiter. C'est dans cet Georges Leroux grateur » d'une population de Rappelez-vous les deux élections horizon qu'on peut et qu'on doit ÉTHIQUE, CULTURE plus en plus plurielle. de George Bush. Observez le tsar re-lier l'écologie (à ne pas RELIGIEUSE, DIALOGUE Voilà un bel idéal certes, Poutine, le roi Sarkozy se payer confondre avec sa perversion ARGUMENTS POUR mais fondé sur un espoir : celui tous les gauchistes d'hier qui qu'on nomme « développement UN PROGRAMME de former une société de demain tombent les uns après les autres, durable ») au social. Au lieu de Fides, Montréal, 2007, habituée à faire cohabiter saine­ même les plus dignes. Plus près poursuivre l'individualisme 117 p.; 9,95$ ment des valeurs divergentes. de nous, voyez le mépris des contemporain qui pave la voie Outre la cohabitation, le pro­ Harper, Charest et Marois envers au despotisme et à la tyrannie, il Encore bon nombre de parents gramme du gouvernement les citoyens. Bref, depuis que la est urgent, soutient-il, de revenir ne le savent pas, mais l'automne cherche à faire dialoguer les chute du soviétisme puis le 11 non seulement à l'idée mais à la 2008 marque un tournant dans élèves. Pour préparer ces ci­ septembre ont eu comme effet pratique du « destin collectif ». les programmes scolaires au toyens de demain à la nécessaire pervers de désarticuler, comme Pour subsumer « l'outre- Québec. Pour la première fois en vertu de tolérance, fondement le fait remarquer Hervé Kempf, violence » qui devient aujour­ effet, les enfants québécois, d'une société « raisonnable ». démocratie et liberté, tout, abso­ d'hui la norme civique, un quelle que soit leur origine, Yvan Cliche lument tout est permis. espoir de liberté, que je partage

N" 109 . NUIT BLANCHE . 68 .or Janoff sinon... : articuler « l'impératif Homophobie au Canada de la solidarité à la diminution des consommations ». Utopie. Oui, mais nécessaire. e Canada se targue d'être une société qui violence homophobe a Michel Peterson traite équitablement sa minorité remplacé le « à quoi vous L homosexuelle. S'il est vrai que les gais et attendiez-vous accoutrée lesbiennes d'ici ont enregistré d'importants ainsi ? » infligé autrefois Andrée Quiviger gains au chapitre de la reconnaissance de leurs aux victimes de viol. CASSER MAISON droits ces dernières années, notamment en Chercheur autant que Bayard, Montréal, 2007, ce qui concerne le mariage, cela fait-il pour militant, Janoff ne fait pas 177 p. ; 25,95$ autant du Canada un éden rose ? Pas vraiment, mystère de son parti pris s'il faut en croire Douglas Victor Janoff. Ce pour les points de vue défendus par la Dans cet essai brillamment conseiller en politique auprès du gouver­ communauté homosexuelle pas plus qu'il ne écrit, Andrée Quiviger prend nement fédéral s'est consacré, pendant de cache les circonstances à l'origine de son prétexte du fait qu'elle doive nombreuses années, à l'analyse de plus de 350 projet. (Il a été scandalisé du comportement délaisser définitivement sa cas d'agression et de 120 homicides perpétrés des forces policières et des acteurs du système demeure, qu'elle casse maison, sur des personnes gaies et lesbiennes entre judiciaire, à la suite d'une agression homo­ pour réfléchir à la filiation, à la 1990 et 2004. Dans Pink blood, La violence phobe dont un ami fut victime.) Ce sont là des maternité, à la place de l'autre homophobe au Canada, il nous livre ses préalables qui ne disposent pas toujours à dans la vision de soi et du conclusions. l'objectivité que requiert pareille étude. Ce qui monde et surtout à sa démarche Avant toute chose, l'auteur dénonce la gêne également, c'est le recours répété de l'au­ spirituelle. Dans cette œuvre sous-évaluation des crimes homophobes teur à des statistiques étrangères (américaines personnelle, qui part de l'ex­ dans les statistiques officielles ; cette sous- et néo-zélandaises notamment) pour appuyer périence intime pour aboutir évaluation étant due à la répugnance des ses thèses. Ces réserves faites, il faut retenir aux grands textes bibliques, victimes à porter plainte pour ne pas avoir à que Pink blood, La violence homophobe au où l'auteure se confie pour afficher leur orientation sexuelle. Pour analyser Canada est, par l'ampleur de son champ mieux étayer ses généreuses la question, notre chercheur a dépouillé les d'investigation et la richesse de ses données, convictions, les courts textes qui archives judiciaires, compulsé les statistiques, un incontournable pour tout chercheur, constituent la réflexion visent à épluché les articles de presse, rencontré des policier, procureur et militant œuvrant auprès faire du doute une politique victimes, leur famille et leur entourage, des des communautés gaies et lesbiennes. d'ouverture à l'autre, véritable policiers et des membres de groupes commu­ Yvon Poulin fondement, selon Quiviger, nautaires. Au terme de son enquête, Janoff en de toute entreprise spirituelle. arrive à la conclusion que les gais et lesbiennes Les souvenirs, les confessions, qui portent plainte contre leurs agresseurs les paraboles narrées servent à sont actuellement confrontés à une homo­ Douglas Victor Janoff présenter un individu aux phobie dans les organisations policières et PINK BLOOD prises avec sa foi, qui, refusant judiciaires. Leur situation rappellerait celle des LA VIOLENCE HOMOPHOBE AU CANADA les réponses toutes faites des femmes dans les années 1980 à la différence Trad. de l'anglais sous la dir. institutions, prend appui sur que le « qu'alliez-vous faire à cet endroit, de Diane Archambault les textes bibliques pour ren­ à cette heure ? » demandé aux victimes de Triptyque, Montréal, 2007,412 p. ; 30 $ forcer ses liens avec le monde et ceux qui l'habitent. Dans un univers où Dieu n'est qu'un fragile souffle, où la liberté et la taire et de fanatisme, ce rappel réfléchit constamment aux legs conscience sont entre les mains de l'importance du doute et à laisser en héritage à ses enfants Christiane Singer humaines, vivre avec les êtres de l'ouverture aux autres est le et à la capacité d'émerveille­ DERNIERS FRAGMENTS aimés l'expérience du doute bienvenu. ment associée à la découverte D'UN LONG VOYAGE et celle du partage constitue Casser maison est un essai d'une communication sincère Albin Michel, Paris, 2007, l'espoir premier. La rencontre dans lequel l'auteure assume avec eux ; il en résulte un éloge 135 p.; 21,95$ de l'autre, dans cette optique, pleinement sa subjectivité ; ses de la liberté. Vision spirituelle prend valeur de révélation ; un fragments épars n'en consti­ du monde, qui laisse une grande À l'heure où l'on s'interroge plus contact se crée qui régénère, qui tuent pas moins une œuvre place aux Écritures, et prin­ que jamais sur l'ultime étape permet de participer au souffle concertée, vouée à susciter un cipalement à la tradition juive, de la vie, que l'on discute de de la vie: « Il n'y a pas loin désir de partage et de rencontre, Casser maison est un parcours, suicide assisté, d'euthanasie, du à chercher pour comprendre où le doute participe mieux que mais surtout un plaidoyer per­ droit de mourir dans la dignité, que l'absolu à portée humaine, la foi aveugle au dépassement et sonnel, intime et convaincant des soins palliatifs, de l'accom­ ce sont les autres ». Dans un à la rencontre d'autrui. Mère et pour la compassion. pagnement des mourants, Der­ contexte de crispation identi- grand-mère, Pascale Quiviger Michel Nareau niers fragments d'un long

N" 109 . NUIT BLANCHE . 69 commentaires essai la France, pourrait-on lui rétor­ I identité, création, philosophie, écologie quer, mais en même temps pro­ bablement beaucoup plus lié aux aspirations québécoises. Yvan Cliche voyage constitue un témoignage une lampe-tempête qui éclaire qui vient renforcer ce que celui ou celle qui part mais aussi Pascale Quiviger disaient Claudine Baschet et ceux qui restent. Derniers UN POINT DE CHUTE Jacques Bataille, respectivement fragments d'un long voyage est Bayard, Montréal, 2007, médecin psychanalyste et un livre qui ne se résume pas et 146 p. ; 24,95 $ chirurgien, il y a déjà deux dont la lecture ne peut être que décennies dans un numéro fort très personnelle. Toute singu­ Pascale Quiviger pratique deux intéressant et toujours très larité qui s'exprime au seuil de formes d'art, le dessin et actuel de la revue Autrement, la mort est porteuse d'enseigne­ l'écriture romanesque ; elle est La mort à vivre : « Le plus ments et mérite qu'on l'entende. donc bien placée pour entre­ insupportable n'est peut-être Sylvie Trottier prendre une réflexion sur la pas tant la mort, instant ultime création, ses motifs et ses buts. de passage, dont on peut dire Dans Un point de chute, elle beaucoup mais dont on ne sait Yolande Geadah associe le déroulement d'une rien, que l'idée qu'il y a de la ACCOMODEMENTS journée à la destinée d'un geste mort dans la vie et, encore plus, RAISONNABLES créatif, de la naissance impul­ qu'il y a de la vie dans ce temps DROIT À LA DIFFÉRENCE ET sive d'une vision à sa réalisa­ qui se clôt par la mort ». NON DIFFÉRENCE DES DROITS tion. Essai fragmentaire, truffé Du 28 août 2006 au 1er mars VLB, Montréal, 2007, de courtes histoires qui expli­ 2007, Christiane Singer a con­ 94 p.; 12,95$ citent un propos toujours élé­ signé dans un carnet de grands gant, mais quelquefois abscons, moments puisqu'ils seront ses Avec l'ouverture des travaux de l'ouvrage rassemble des expé­ derniers : en sursis, la médecine la commission Bouchard-Taylor riences créatives, des moments lui donnant au plus six mois à sur les accommodements rai­ de révélation artistique et fait de vivre, elle livre à son mari, ses sonnables, paraît cet ouvrage la créativité un langage suscep­ fils, ses amis et à ses lecteurs qui donne un point de vue intel­ tible de donner forme à l'intan­ une longue et touchante confi­ ligent et documenté sur ce sujet le terrain juridique et social. gible, à l'incommunicable. La dence : « Ne nous laissons pas combien sensible. Récusant la logique très indi­ mission révélatrice accordée à emprisonner dans cette part de La contribution est d'autant vidualiste des chartes des droits, l'art et au geste créateur consiste nous qui est vouée à la mort ». appréciée qu'elle vient d'une elle prône l'intégration, à diffé­ ainsi à informer la matière et à Brèves réflexions, certes, mais immigrante d'origine égyp­ rencier de l'assimilation qui faire surgir une nouveauté, une riches d'une expérience singu­ tienne, bien intégrée au Québec, suppose implicitement la « supé­ vision renouvelée du monde par lière que l'on reçoit comme un et déjà connue pour un récent riorité » d'un modèle culturel l'expérience des formes. don bien que l'espace-temps ouvrage critique sur le voile sur un autre. L'intégration amène L'auteure propose des asso­ d'où elles nous parviennent islamique. peut-être « l'abandon de certai­ ciations entre les phases du jour nous restera, pour un instant, Comme le titre l'indique, nes valeurs et pratiques tradi­ et celles de la création. Ainsi, des mois ou quelques années l'auteure est réticente à avancer tionnelles » qui s'expriment elle lie le matin à la lumière, qui encore, inconnu. Christiane trop loin dans la voie des com­ avec force sur la place publique, détermine les pourtours d'une Singer en mesure d'ailleurs la promis en faveur des signes mais convient mieux à une forme par ses contrastes. La distance quand ses amis lui religieux, entre autres. Elle y voit société laïque cherchant à luminosité implique une ouver­ disent qu'elle peut encore une certaine dérive, malencon­ établir des ponts entre les ture et un désir de passage, choisir la vie. « L'intention est treusement appuyée par notre cultures, et non à accentuer les deux attitudes nécessaires pour bonne, elle est naïve. À ces système juridique actuel, qui différences. que l'acte créatif puisse prendre encouragements manque la penche nettement pour la Elle recommande donc de naissance. L'art tient du regard vraie brûlure de l'expérience. reconnaissance de l'expression sortir de l'« enfermement iden­ subjectif, de la capacité d'obser­ Dans l'espace où j'évolue, vivre des différences plutôt que pour titaire » que pose l'enjeu des ver les corps et le monde, de et mourir est la vie. J'opte pour un vouloir-vivre collectif. accommodements raisonnables, saisir leurs pulsations. Une fois le tout. Voilà. » Yolande Geadah ne fait pas pour adopter et appliquer des cette impulsion de vie créée, les Sur le chemin de la vie, reposer son argumentation sur règles laïques plus claires, formes peuvent se transformer, les dernières réflexions que une vision émotive (comme cela notamment en ce qui concerne croître, se déterminer et en Christiane Singer a bien voulu est trop souvent le cas autour de le droit à l'égalité des sexes. Un venir à représenter ce qui est partager avec nous sont comme cet enjeu), mais bel et bien sur modèle plus proche de celui de observé. Le plein jour implique

N" 109 . NUIT BLANCHE . 70 pour l'écrivaine la nécessité de L'islam et la modernité renoncer à des virtualités pour se pencher sur une seule forme, une image qui se jouera du réel algré la pléthore de livres publiés marque de sa vulnérabilité pour en souligner une part depuis le 11 septembre 2001 sur croissante ». cachée, une histoire ou un temps M l'islam et le monde arabe, les ouvrages Un des vecteurs de cet secret, une mémoire enfouie. Ce rédigés par des experts québécois demeurent accès au moderne est la travail du sens participe de la rares. Ceux de qualité, encore plus. L'ouvrage laïcité, que favorise claire­ période associée à la soirée et à de Sami Aoun, professeur à l'Université de ment l'auteur. Celui-ci fait la nuit. Sherbrooke et commentateur bien connu des un bel exposé des polé­ Plaidoyer pour l'inutile et le médias électroniques, doit être salué. miques qui ont cours sur ce sujet crucial dans détail, ce par quoi l'instinct peut Car l'universitaire nous fait entrer au cœur le monde musulman. À raison, Sami Aoun assumer sa liberté et s'offrir aux des (lourds) débats qui ont actuellement cours rappelle que ces débats, qui portent aussi sur découvertes du monde, l'essai au sein du monde arabe et musulman. Certes, les droits de l'homme, la place de la femme, de Pascale Quiviger pèche à le propos ne sera pas toujours facile pour les etc., ont encore beaucoup de difficultés à l'occasion par des formules néophytes. Cet avertissement posé, les enjeux se sortir du « référentiel religieux » et de la lapidaires qui imposent une soulevés sont de première importance pour comparaison, voire de la confrontation, avec définition stricte de l'art, mais il comprendre le bouillonnement dans cette l'Occident. Ce qui bloque encore l'émergence n'en demeure pas moins qu'il région. Sami Aoun y traite de la modernité, de d'une pensée « libre ». apporte une vision intéressante la laïcité, de la démocratie, de la violence, de la Un espoir ? Il réside notamment chez les de la création, en liant l'expé­ condition de la femme, entre autres sujets qui élites arabe et musulmane de la diaspora, qui rience des sens à celle de créer, alimentent les discussions et les réflexions sur sont à même de faire cette « synthèse en joignant les gestes quotidiens le devenir de cet Orient encore si mal compris historique » pacifiée avec un lourd passé à la découverte de la beauté. et son insertion, tant recherchée dans le cercle religieux et les valeurs modernes de tolérance. C'est d'ailleurs lorsqu'elle part des nations dites développées, dans le bassin Yvan Cliche d'exemples concrets et de sou­ des pays alliés. venirs personnels que Quiviger Une des principales conclusions de est la plus efficace et réussit à l'universitaire est que, pour le monde Sami Aoun transmettre sa perspective, son musulman, « l'accès à la modernité est devenu AUJOURD'HUI L'ISLAM talent de romancière prenant le une nécessité historique pour faire partie du FRACTURES, INTÉGRISME ET MODERNITÉ pas sur les démonstrations obs­ concert des nations, et son absence est la Médiaspaul, Montréal, 2007,190 p. ; 21,95 $ cures pour évoquer les images appropriées. Michel Nareau Sernin, professeur émérite de sance scientifique : désormais, taines sociétés. Une réflexion philosophie à l'Université de elle est le produit d'une pluralité riche, doublée d'une recherche Bertrand Saint-Semin Paris-Sorbonne, propose une d'individus et elle est devenue fort instructive sur les condi­ LE RATIONALISME réflexion sur la rationalité inassimilable intégralement par tions du savoir. QUI VIENT actuelle et s'interroge sur les une seule personne. La fabri­ Manouane Beauchamp Gallimard, Paris, 2007, façons de faire naître une cation de la première bombe 337 p. ; 23,50 $ « rationalité commune et parta­ atomique l'a nettement démon­ gée, active aussi bien dans la tré. Au fil des pages, l'auteur Collectif d'étude Une des tâches qui incombe à production de savoirs que dans tente de produire un nouveau sur les pratiques solidaires la philosophie consiste à mettre la conduite des sociétés ». discours sur l'inégalité scien­ LA CONSOMMATION en évidence et à analyser les Sa réflexion est construite tifique entre les nations, et RESPONSABLE grandes orientations que la autour de certains constats s'interroge sur les façons de la ENTRE BONNE CONSCIENCE rationalité dominante imprime relatifs à la science. Après la réduire. INDIVIDUELLE ET à la science afin d'expliquer son Seconde Guerre mondiale, La réflexion de Bertrand TRANSFORMATIONS développement passé et d'inter­ quelques pays sont devenus des Saint-Sernin démontre hors de COLLECTIVES roger son évolution future. Cet pôles d'attraction en matière de tout doute que la philosophie ne Écosociété, Montréal, 2007, exercice amène certains cons­ recherche scientifique au détri­ peut pas se cantonner dans un 92 p.; 12$ tats, comme celui que l'activité ment de ceux qui ont non seule­ rôle de simple spectateur. Elle se scientifique est inégalement ment vécu un exode de leurs doit de poursuivre une réflexion Le Collectif d'étude sur les répartie sur la planète, et que cerveaux, mais n'ont pu profiter sur la science et la technologie, pratiques solidaires (CEPS) est certains pays sont loin de de transferts de connaissances. tant sur le plan social que moral. « un regroupement multidis­ profiter de ses retombées bien­ De plus, cet événement est venu Car la rationalité d'aujourd'hui ciplinaire d'une douzaine de faisantes. Dans Le rationalisme profondément changer les a des répercussions de grande chercheurs et de chercheuses, qui vient, Bertrand Saint- caractéristiques de la connais­ importance sur l'avenir de cer­ d'étudiantEs, d'intervenantEs

N" 109 . NUIT BLANCHE . 71 commentaires essai I politique internationale, biographie, philosophie une hydre islamiste déterminée à l'anéantir et une population palestinienne assoiffée de vengeance. Rien d'encourageant pour un règlement même partiel de ce conflit déjà vieux sociaux qui, depuis 2003, est L'ensemble de l'ouvrage pro­ de plus de 60 ans. engagé dans un programme de pose une intéressante réflexion Yvan Cliche recherche sur les 'pratiques sur les progrès de la consom­ solidaires' ». mation responsable et ses S'interrogeant sur la réelle limites. On comprend qu'il ne François Bon portée de la « consommation s'agit pas d'une panacée mais BOB DYLAN responsable », le CEPS a orga­ qu'elle a tout de même apporté UNE BIOGRAPHIE nisé, le 29 septembre 2006, un des changements significatifs Albin Michel, Paris, 2007, séminaire public intitulé « La sur le plan des comportements 487 p. ; 32,95 $ consommation responsable est- en provoquant une prise de elle au service du néolibéra­ conscience. Que pourrait-on dire de plus sur lisme ? » Le livre publié aux édi­ Gaétan Bélanger Bob Dylan ? Une discographie tions Écosociété est en quelque critique étoffée, Bob Dylan, Au sorte un compte rendu de ce fil des albums, est parue chez séminaire. Charles Enderlin Triptyque en 2006, tandis que L'ouvrage débute par une LES ANNÉES PERDUES les éditions Libre Expression référence au livre bien connu de INTIFADA ET GUERRES AU publiaient cette même année Laure Waridel, Acheter, c'est PROCHE-ORIENT, 2001-2006 une magistrale biographie illus­ voter, dont on se demande si le Fayard, Paris, 2007, trée, intitulée Dylan, portraits titre est en passe de devenir un 400 p. ; 36,95 $ et témoignages. slogan récupéré par la publicité. Je dois avouer que je crai­ Plus loin, s'ajoutent trois allo­ Ce livre est essentiellement une gnais, en lisant les premières cutions prononcées en ouver­ recension, au jour le jour, des pages de Bob Dylan, Une bio­ ture du séminaire. On propose événements (majoritairement graphie, de découvrir un ouvrage également une « réflexion post­ sanglants) des cinq dernières dans le style exalté des Jacques séminaire » et une « conclusion années au Proche-Orient. Ceci Vassal, Philippe Manœuvre, en forme de petit manifeste ». de la part d'un vétéran du terrain, Hervé Mùller d'il y a 30 ans, du La consommation respon­ correspondant d'une télévision tégrisme islamique. La princi­ genre « moi et Bob Dylan », où sable présente aussi quelques française. pale conséquence en est la l'auteur ne parlerait que de commentaires d'internautes Ceux et celles qui suivent montée du Hamas en Palestine. l'effet de Dylan sur sa propre vie reçus avant la tenue du sémi­ régulièrement les tragédies à Ces conceptions biaisées, (voir le premier collectif, Dylan, naire, ainsi que certaines des répétition dans la région appren­ appuyées par le lobby néo­ paru chez le même éditeur). interventions qui ont eu lieu au dront quelques petits faits inté­ conservateur à Washington, Heureusement, il est aussi ques­ cours du débat. On a pris soin, ressants, mais sans plus. Les préconisent l'usage exclusif de tion de musique et de rencon­ dans ces parties du livre, de autres jouiront d'un topo com­ la force militaire pour régler les tres dans cette biographie qui sélectionner des opinions plet et détaillé des faits et gestes problèmes politiques sur le s'apparente parfois aux articles diversifiées. Quelques-uns des principaux acteurs - les terrain, manière de « marquer impressionnistes du magazine soulignent que le commerce dirigeants palestiniens, israé­ les consciences » du côté pales­ Rock & Folk des années 1970. équitable et la consommation liens et aussi américains - dans tinien et de décourager toute Toutefois, l'ouvrage ne parvient responsable sont un pas dans la leur corps à corps incessant. attaque de leur part. Elles ont pas à remplacer l'autobiogra­ bonne direction, même s'ils Ces « années perdues » aussi fait du dirigeant histo­ phie de Dylan, Chronicles, ou sont récupérés en partie par la auxquelles réfère le titre, années rique Yasser Arafat, maintenant même le film de Martin Scor- publicité et par de grandes où, une nouvelle fois, aucun décédé, le principal obstacle à la cese, No Direction Home. La entreprises. Certaines dérives progrès vers la paix n'a été paix, tout en lui attribuant la majeure partie du livre de sont évoquées, comme par enregistré, l'auteur en attribue responsabilité des attentats François Bon porte sur les exemple l'annonce de la fabri­ la faute surtout aux Israéliens. terroristes, qu'en fait il ne con­ années obscures du chanteur : cation de bombes et de muni­ C'est que leurs dirigeants se trôlait à peu près pas. Le bilan l'enfance, les premières créa­ tions « vertes » par une grosse sont laissés gagner par des de tout cela est largement tions, puis les enregistrements compagnie. D'autres interve­ conceptions fausses de la réalité négatif. Les dirigeants d'Israël révélateurs. On suit les tournées nants estiment que tout est, palestinienne, et ont ainsi glissé ont en fait marginalisé les de Dylan, le recrutement de ses en définitive, récupéré par le dans un radicalisme militaire modérés palestiniens, et se musiciens lors de son passage à système capitaliste. contribuant à la montée de l'in­ retrouvent aujourd'hui devant la guitare électrique et l'hostilité

N" 109 . NUIT BLANCHE . 72 de son public qui rejetait son changement de style. Le texte comprend des dia­ logues reconstitués ou recueillis ême si, comme dans tout ouvrage l'objectif canadien est (!) ; mais ici, François Bon ne collectif, les contributions sont inatteignable ». Un peu mentionne jamais de sources M d'inégale valeur, une certitude court ! Heureusement, les écrites lorsqu'il cite les paroles s'impose : autant que sa rivale, la droite a droit nuances reviennent dans de tel musicien ou rapporte à son temps de parole. Ce n'est ni en l'ignorant l'historique présenté par textuellement un témoignage, ni en lui niant tout mérite qu'on nourrira le Jean-François Caron, dans sauf lorsqu'il utilise les Chro­ débat démocratique. Certains lecteurs le survol que présente I pj niques de Dylan. Mais alors, profiteront de ce livre pour la mieux détester ; Xavier Gélinas de la droite pourquoi ne pas aller direc­ d'autres puiseront ici de quoi la vanter sur la québécoise, dans le paral­ tement à la source et lire Bob place publique ; tous la connaîtront mieux. lèle qu'établit Robert Bernier entre les partis Dylan lui-même ? De plus, La démarche choisie par le coordonnateur dotés d'un programme et ceux qui obéissent François Bon partage inlas­ Nelson Michaud frappe par son bon sens. aux circonstances ou dans le regard que porte sablement ses interrogations D'abord, pour savoir de quoi l'on parle, la Louis Balthazar sur le conservatisme canadien sans réponse ; il demande par définition des termes. Ensuite, un regard sur le et celui de nos voisins du sud. On lira avec un exemple : « Où ont été gribouil­ regain de popularité de la droite. Enfin, la rela- sourire le texte de Maurice Pinard et Pat Rafail les les premiers couplets de la tion de la droite avec les divers types de sur ce que les médias appellent le « mystère longue suite de Like a Rolling formation politique, la démocratie et les québécois », autrement dit les succès de l'ADQ Stone ? À l'hôtel Savoy, sur le contextes canadien et étatsunien. et de Stephen Harper à Québec et dans ses rouleau de papier toilette inséré La plupart des textes paient tribut aux environs. Il est clair, sondages à l'appui, que le dans la Remington ? » usages universitaires, dans certains cas conservatisme de la capitale déborde le cadre Au milieu du livre, nous jusqu'au jargon inclusivement. Les choses sont politique et s'étend aux questions syndicales sommes seulement en 1963, dites dans le respect des nuances, à distance ou morales. Cela ajoute à l'ampleur du mys­ c'est-à-dire juste avant que des procès d'intention. Toute fiction de neutra­ tère, mais ne l'explique pas. Dylan ne connaisse la célébrité. lité est cependant laissée au vestiaire lorsque Livre nécessaire en ce qu'il nourrit presque Deux chapitres seulement, soit Gilles Paquet ou Pierre Simard prennent la toujours sobrement un débat essentiel. une quarantaine de pages, parole. Le ton se fait ardent, cinglant, vengeur. Laurent Laplante couvrent les quatre décennies Simard, accusant la gauche de s'abreuver à « la suivant 1970, ce qui reste dis­ théorie du complot », estime que les politiciens proportionné. La référence « n'ont guère à craindre de devoir répondre de sur Dylan en français demeure leurs gestes ». Il en trouve la preuve dans le Sous la dir. de Nelson Michaud Blowin' in the Wind, Les débat autour du protocole de Kyoto : « Alors DROITE ET DÉMOCRATIE AU QUÉBEC parcours de Bob Dylan de Michel que les spécialistes ne s'entendent pas sur les ENJEUX ET PARADOXES Jacques (Botakap, 2000). causes du réchauffement de la planète, tous Presses de l'Université Laval, Québec, 2007, Yves Laberge s'entendent cependant pour affirmer que 207 p.; 25$

Luc Ferry APPRENDRE À VIVRE lequel nous vivons, car la la postmodernité et la philoso­ prendre comment les courants TRAITÉ DE PHILOSOPHIE « quasi-totalité de nos pensées, phie contemporaine. Pour cha­ de pensée s'imbriquent les uns À L'USAGE DES JEUNES de nos convictions, mais aussi cune d'elles, il présente les dans les autres. À ce sujet, il est GÉNÉRATIONS de nos valeurs s'inscrit, sans assises, les sources d'inspiration intéressant de constater comment Pion, Paris, 2006, que nous le sachions toujours, et les influences, ainsi que les Luc Ferry intègre le christia­ 302 p. ; 31,95 $ dans de grandes visions du auteurs marquants. Puisque le nisme à la philosophie plutôt monde déjà élaborées et struc­ livre est construit selon une que de l'en exclure. La philosophie s'est forgé au fil turées au fil de l'histoire des approche pédagogique avouée - Tout au long de sa présen­ du temps tout un assemblage idées ». C'est justement pour l'auteur tutoie le lecteur, ce qui tation, Luc Ferry effectue un de savoirs, d'approches et de permettre un premier contact peut parfois irriter -, il indique magnifique exercice de présen­ systèmes théoriques, voire un que Luc Ferry propose ce traité quels textes lire afin de débuter tation, soulignant au passage langage capable d'intimider de philosophie. un approfondissement. qu'il est « indispensable, avant le plus hardi des intéressés. Au fil des pages, Ferry pré­ Ce traité se révèle fort ins­ de 'penser par soi-même', Pourtant, comme le précise Luc sente ce qu'il conçoit comme tructif pour plusieurs raisons. d'avoir l'humilité de 'penser par Ferry dans l'avant-propos de étant les cinq grandes périodes D'accès facile, il présente les les autres', avec eux et grâce à son traité, il s'agit de la science historiques de la philosophie, à bases de la philosophie sans eux ». Une superbe invitation à la plus éclairante qui soit pour savoir le stoïcisme, le christia­ pour autant en gommer les la découverte. comprendre le monde dans nisme, la philosophie moderne, nuances, et permet de com­ Manouane Beauchamp

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