Une Introduction Philosophique au Miguel Quaremme Une introduction philosophique au copyleft

2 Miguel Quaremme Une introduction philosophique au copyleft

Ce texte est issu du mémoire présenté sous la direction de Monsieur le Professeur Benoît Frydman en vue de l’obtention du titre de licencié en Philosophie spécialisation Communication par Miguel Quaremme lors de l’année académique 2002-2003

Remerciements

Je remercie les femmes de ma vie. Celles que j’aime et celles que j’ai choisies. Je remercie également mes maîtres à penser : Christophe V.R. et Philippe V.

Copyright © 2003-2009, Miguel Quaremme

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Table des matières

Introduction 5

Chapitre 1 : Aux origines historiques du copyleft 8

Chapitre 2 : Considérations contextuelles 17

Chapitre 3 : Les licences 20 3.1 Le droit d’auteur et le copyright 22 3.2 La General Public Licence 27 3.3 Les limites de la GPL 31 3.4 Les licences dérivées de la FSF 33 3.5 Les licences « Libres » 35

Chapitre 4 : Aux origines philosophiques du Copyleft 43 4.1 Le Manifeste GNU 45 4.2 L’impératif catégorique Kantien. 54 4.3 L’esprit des Lumières. 59 4.4 A new name for some old ways of thinking? 72

Chapitre 5 : Conclusion 76

Bibliographie 81 I. Ouvrages 81 II. Articles. 83 III.Sites Internet. 89

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Introduction

La réflexion se limite, bien souvent, à évaluer les quelques actions les plus favorables à la bonne continuation de notre existence. Ponctuellement, nous sommes amenés à avoir une pensée plus intense, un questionnement lié à un événement ou à un stade de notre évolution personnelle. Il n’est pas évident de sortir de ce schéma égocentrique pour découvrir la complexité de la relation à l’autre et de diriger son regard vers le monde. En contrepartie, la connaissance nous prodigue de grandes joies et nos efforts obtiennent parfois une juste récompense lorsque nos actions influent positivement sur notre environnement.

La confrontation avec le monde se traduit par un désenchantement. Celui-ci nous oblige à chercher des repères, nous essayons alors de reconstruire une vision cohérente de ce qui nous entoure afin de mieux agir. Si nous poursuivons cette démarche et réfléchissons aux principes directeurs et aux fondements des choses, nous philosophons.

D’un certain point de vue, le principal rôle de la philosophie consiste à rendre conscient, sous une forme intellectualisée, ou sous une forme de problèmes, les chocs les plus importants et les troubles inhérents aux sociétés complexes et en mutation, en tant qu’elles ont affaire avec des conflits de valeurs.1

Nos prédécesseurs ont suivi ce chemin bien avant nous et nous pouvons leur emboîter le pas afin de ne pas reproduire stupidement leurs erreurs et accélérer le processus d’apprentissage. Néanmoins, la confrontation avec le réel dans l’immédiate expérience du monde est nécessaire. Ainsi une réinterprétation et une actualisation de leur concept ou de leur doctrine se révèlent fructueuses à qui sait prendre le temps de l’analyse.

Les pages qui suivent ont comme objectif principal d’étudier philosophiquement un problème actuel en profitant de l’enseignement reçu, et d’apporter au lecteur les bases pour continuer à réfléchir.

1 Extrait de Dewey, John. « Philosophy », in Encyclopedia of the Social Sciences. New-York, Macmillan, The Middle works, Vol. 7, 1934 ; cité dans Cometti, Jean-Pierre. « Le pragmatisme : de Pierce à Rorty », in La philosophie anglo-saxonne. Paris, Presses Universitaires de France, 1994, np.

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Le sujet abordé est le copyleft. Le copyleft ne se laisse pas facilement apprivoiser. Technique, nouveau et décalé, son approche demande une contextualisation importante. Le copyleft est la possibilité donnée par un auteur (un artiste, un informaticien, ou quiconque produit un travail soumis au droit d’auteur) d’utiliser, copier, étudier, modifier et distribuer son œuvre à l’utilisateur, avec la restriction que celui-ci devra laisser l’œuvre sous les mêmes conditions d’utilisation, y compris dans les versions modifiées ou étendues.

Ce concept soulève une série de questions essentielles. Il est le déclencheur d’une réflexion qui touche plusieurs aspects de notre société. Il comprend des facettes économiques, juridiques, politiques, informatiques, sociologiques et philosophiques. Une analyse strictement philosophique serait par trop réductrice, dès lors, nous aborderons le sujet avec un « regard philosophique ». C’est-à-dire, en nous positionnant a priori dans une démarche de compréhension des principes généraux et d’une analyse des fondements du concept, sans catégorie académique, sans nous restreindre dans le type de principes ou de fondements. Pour ce travail, nous devons circonscrire des champs d’analyse, ceux qui nous semblent les plus pertinents.

Pour rencontrer l’objectif principal et rester dans le cadre académique, nous avons décidé de présenter une introduction « philosophique » au copyleft. Ce choix permet d’ouvrir les différentes perspectives intellectuelles et de créer une cohérence plus évidente dans les arguments. La contextualisation donne à voir le terreau de la réflexion et offre, à la personne attentive, les indices de l’émergence d’une pensée. De son côté, l’exemple montre, lorsqu’il est didactisé, une proximité qui facilite la compréhension. L’analyse se trouve grandement aidée par ces démarches préliminaires, mais elle doit encore se retourner vers les idées qui l’ont précédée et, finalement, faire éclore une conclusion, temporaire par essence.

Ce mémoire est structuré de telle sorte que le lecteur puisse lire le texte sans devoir jongler entre les chapitres pour comprendre une notion, un concept ou un mot. Ce procédé n’est pas exempt de défaut, notamment certaines répétitions inévitables. Cependant, une structure claire, associée à une simplicité de lecture, participe à la bonne assimilation du texte et de sa pensée.

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La genèse du copyleft est présentée dans le premier chapitre, de son origine aux développements les plus récents. Nous verrons comment une idée née dans un laboratoire informatique a progressivement été acceptée par une bonne partie de la communauté des programmeurs. Tous les jours, l’histoire se construit, les sujets comme le copyleft étant particulièrement actifs, ce que nous disons aujourd’hui n’aura peut-être plus lieu d’être demain.

Le deuxième chapitre est consacré à un ensemble de considérations nécessaires à une bonne introduction, mais qui ne font pas directement partie de notre analyse. Ce sont des repères économiques, sociologiques ou idéologiques, qui offrent au lecteur l’environnement du copyleft. Le monde vu depuis le copyleft, ce qui l’entoure ou le compose.

Le troisième chapitre analyse les licences du copyleft. C’est-à-dire, les licences d’utilisation sous lesquelles le créateur propose son œuvre. L’analyse y est plus juridique, la clé de voûte du copyleft étant de nature légale. Nous examinerons en particulier la General Public License, la première licence copyleft, qui est encore aujourd’hui le fer de lance de ce mouvement. Plus brièvement, d’autres licences qui ne concernent pas les logiciels, mais l’art par exemple seront abordées.

La quatrième partie expose les concepts du copyleft. L’analyse du Manifeste GNU, qui est un texte rédigé au début du mouvement par son fondateur le plus important, permettra de distinguer les influences philosophiques, les positionnements idéologiques et les principes directeurs du copyleft. Nous restons dans la perspective d’une introduction en essayant de donner des pistes pertinentes à celui qui veut comprendre l’origine des idées contenues dans le copyleft.

La conclusion synthétise les différentes parties et propose plusieurs perspectives et conséquences du copyleft. Un avis personnel y est plus explicitement présenté. Bien sûr, l’entièreté de ce mémoire reflète peu ou prou nos idées, mais nous avons essayé de réaliser un travail le plus « scientifique » possible.

La bibliographie n’est pas exhaustive, mais regroupe un nombre considérable d’articles en français écrits sur le copyleft. On y trouvera notamment des adresses d’internet qui proposent des compilations de références régulièrement mises à jour.

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Chapitre 1 Aux origines historiques du copyleft

Durant les trois dernières décennies, le monde a connu un bouleversement. Bien sûr, les changements ne sont pas tous flagrants. La secrétaire prend toujours des rendez-vous, rédige le courrier, classe les dossiers. La différence ? Cela lui prend quelques minutes au lieu de plusieurs heures. La micro- informatique lui permettant de visualiser en un « clique » l’ensemble de l’agenda de son patron, et les communications ne étant plus dépendantes de la poste, mais d’internet. Les nouvelles technologies de l’information et de la communication modifient parfois radicalement notre rapport au travail, à la communication ou au loisir. Pas un jour sans qu’il ne soit évoqué dans les journaux une nouvelle avancée technique, un nouvel appareil sensé métamorphoser notre façon de faire des courses ou un cas de « piratage informatique ».

L’intérêt que suscite l’informatique est remarquable, et visiblement, nous avons bien intégré ces nouveautés. Néanmoins, un passé récent nous prouve que « la Révolution Numérique » n’est pas encore pleinement comprise. L’éclatement de la « bulle spéculative », le crash boursier qui a touché les investissements dans la « nouvelle économie », en est un bon exemple. L’expansion rapide et illimitée d’internet se révélant être un miroir aux alouettes. Une autre tendance récente est le partage de musique et de vidéo sur l’Internet. Vivement critiquée par les sociétés de gestion de droit d’auteur et les maisons de disques, cette pratique est en constante augmentation.

Des chercheurs de toutes les disciplines se penchent sur les changements apportés par l’informatique. Les politiciens tentent de modifier ou de créer des lois qui encadrent ces nouvelles façons de vivre. Des divers mouvements se sont emparés de ce nouveau médium pour diffuser à moindre coût leurs opinions. Les sociétés l’utilisent pour leur publicité ou pour entretenir le contact avec leurs clients. Il existe aussi des groupes qui, depuis le début de la micro-informatique et d’internet essayent

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de défendre certaines valeurs qui leurs sont chères. Ces lobbies n’ont bien évidemment pas ni les mêmes attentes, ni les mêmes objectifs.

Le paradigme a changé, c’est-à-dire que notre rapport au monde n’est plus le même, qu’on le veuille ou non. Il est devenu très difficile, voire impossible, de faire fi des nouvelles technologies qui se sont répandues. ThomasKhun dans sa théorie des « révolutions scientifiques »2 explique qu’il existe des basculements irréversibles dans la conception des théories scientifiques. Par exemple le passage de la physique newtonienne à la théorie de la relativité d’Einstein. Il n’est pas douteux de penser que la « révolution numérique » ait touché notre société occidentale de plein fouet, mais de manière technique.

Le changement de paradigme a fait émerger une série de réactions, parfois très tôt dans l’histoire du basculement. Ceux qui l’ont provoqué, étant bien entendu, aux premières loges pour se manifester en faveur ou en défaveur de celui-ci.

Au laboratoire d’intelligence artificielle de l’Institut de Technologie du Massachussets3 (MIT), l’anecdote historique indique que le laboratoire possédait une imprimante qui tombait souvent en panne. Mais comme les chercheurs disposaient du code source4 du pilote, ils avaient modifié le programme pour que l’imprimante leur envoie un signal à chaque panne. Entre-temps, l’équipe du laboratoire avait écrit et utilisait un système d’exploitation informatique à temps partagé. Ils autorisaient l’utilisation de ces logiciels par d’autres universitaires ou ingénieurs et laissaient à la libre disposition le code source afin de lire et modifier ce logiciel.

Un jour, le laboratoire achète une nouvelle imprimante, de marque Xerox, considérée comme plus fiable. Mais le pilote5 de l’imprimante n’est pas fourni. Il n’y a donc plus aucune possibilité d’agir en cas de panne. , qui travaille dans ce laboratoire depuis 1971, entend parler d’un autre laboratoire qui possède les sources du fameux pilote, et les demande. On lui répond que le

2 Khun, Thomas. La Structure des révolutions scientifiques. Paris, Flammarion Collection : Champs, 1989 3 Institution universitaire de très haut niveau ayant une réputation mondiale d’excellence. 4 Code source : Totalité des lignes de code composant un programme, ainsi que les informations nécessaires à sa maintenance. Il se présente sous forme de texte lisible par un informaticien. 5 Petit logiciel qui gère la connexion avec les périphériques (imprimante, clavier, etc.).

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laboratoire s’est engagé à ne pas diffuser les sources du pilote. Particulièrement frustré, il décide de réagir en développant un système d’exploitation libre, autrement dit un système qui lui permettrait d’effectuer librement les modifications qu’il désire et éventuellement les communiquer à ceux qui en émettraient le souhait, comme il pouvait le faire auparavant. Stallman va envisager diverses formules pour son projet, il va finalement, et afin de garantir le succès de ces logiciels, choisir un système compatible avec Unix.6 Son projet est nommé GNU selon une mode de l’époque, GNU étant un acronyme récursif qui signifie « GNU’s Not Unix ». C’est de l’humour d’informaticiens. Afin de susciter de l’intérêt pour son projet, Stallman écrit un manifeste, The GNU Manifesto7, dans lequel il explique ses motivations, ses objectifs. Compréhensible et direct, le style du manifeste parle aux développeurs qui adhèrent rapidement à son projet.

Une des premières préoccupations de Richard M. Stallman et des autres participants au projet GNU est de créer une association, la Foundation, dont l’objet est le développement de logiciels libres. Elle permet notamment de structurer le mouvement naissant et d’accueillir les fonds. Notons que Free de Free Software Foundation doit être traduit par libre et non par gratuit. Ces logiciels peuvent tout à fait être vendus, mais il existe toujours un moyen légal de se les procurer gratuitement.

L’autre préoccupation de Richard Stallman a été d’instituer des conditions de distribution qui empêcheraient de transformer le logiciel GNU en logiciel propriétaire, puisque ce projet a comme volonté de construire un système informatique global, complet et libre, développé par un groupe social dont les membres ont partagé librement leurs travaux. Le moyen utilisé pour défendre ces principes est la GNU General Public License8. Il s’agit d’un contrat qui lie le programmeur et l’utilisateur. Ce dernier reçoit l’autorisation de copier, modifier, étudier, distribuer le programme, il a également accès au code source de celui-ci. En contrepartie, et il s’engage à transmettre le programme, y compris les travaux dérivés ou si le programme est incorporé dans un autre, selon les mêmes termes et à garantir un accès au code source.

6 Unix est un système d’exploitation créé à la fin des années 60 et qui a très bonne réputation. 7 Stallman, Richard. The GNU Manifesto. 1984, [En ligne] Adresse URL : http://www.gnu.org/gnu/manifesto. html 8 Nous reproduisons le texte en annexe. [En ligne] Adresse URL : http://www.gnu.org/licenses/gpl.html

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In the GNU project, our aim is to give all users the freedom to redistribute and change GNU software. If middlemen could strip off the freedom, we might have many users, but those users would not have freedom. So instead of putting GNU software in the , we « copyleft » it. Copyleft says that anyone who redistributes the software, with or without changes, must pass along the freedom to further copy and change it. Copyleft guarantees that every user has freedom.9

Le principe de copyleft, traduit parfois en français par « gauche d’auteur », vient donc directement de la sphère informatique. Et plus précisément de la Free Software Foundation. La création de la GPL est associée au jeu de mot sur le copyright « copyleft-all rights reversed ». Cette anecdote nous informe de deux choses : premièrement, les hackers10 qui ont conçu la GPL ont de l’humour, deuxièmement la licence se base sur le copyright.

Richard Stallman inventa l’idée du copyleft en 1983, quand il démarra le projet GNU. Les premières ébauches de la GPL sont rudimentaires11. Elles ne couvrent pas l’ensemble des besoins et ne protègent pas des utilisations illégitimes possibles. La version numérotée 1.0 apparaît en 1989. Il aura donc fallu plusieurs années à Richard Stallman et à la Free Software Foundation (FSF) pour concevoir une version satisfaisante. La GPL a su évoluer et mûrir ; Richard Stallman en est le « créateur » mais de nombreux contributeurs, Elben Molgen12 en tête, sont intervenus pour l’amender à l’image des logiciels que la licence recouvre. L’actuelle version, la numéro 2, est datée de juin 1991. N’ayant pas changé depuis douze ans, on peut dire qu’elle est arrivée à maturité. La version 3 est en cours de développement, mais gageons que « l’esprit » en sera le même. La Free

9 « Dans le projet GNU, nous voulons garantir à tous les utilisateurs la possibilité de redistribuer et de modifier les logiciels. Si des intermédiaires pouvaient supprimer ces libertés, nous aurions peut-être plus d’utilisateurs mais ces utilisateurs n’auraient pas les libertés que nous voulons leur donner. Alors, au lieu de placer les logiciels GNU dans le domaine public, nous les mettons sous copyleft. Le copyleft énonce que quiconque redistribue le logiciel, avec ou sans modifications, doit transmettre aussi la liberté de copier et de modifier ce logiciel. Le copyleft est une garantie des libertés de tous les utilisateurs ». 10 La meilleure traduction est « bidouilleur informatique éclairé ». Insistons sur la différence avec « cracker » qui signifie pirate informatique. 11 Voir le Chapitre 9 de Williams, Sam. Free as in Freedom, Richard Stallman’s Crusade for Free Software. Editions O’Reilly, 2002 . [En ligne] Adresse URL : http://www.oreilly.com/openbook/freedom/ 12 Molgen, Eben. « L’anarchisme triomphant, Le logiciel libre et la mort du copyright ». In Multitude N° 5, mai 2001. [En ligne] Adresse URL : http://multitudes.samizdat.net/article.php3?id_article=170 Eben Molgen est professeur à la Columbia Law School http://emoglen.law.columbia.edu/

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Software Foundation souhaite que la stabilité de la GPL soit garantie, et il semblerait que tout soit mis en œuvre pour cela.

En 1990, le système GNU de Richard Stallman est presque terminé. Le seul composant qui manque est le noyau13. Or, en 1991, Linus Torvalds développe un noyau compatible avec Unix, qui fût par la suite appelé en honneur à son créateur, et il décide de le mettre sous les termes de la GPL après quelques mois.

À l’origine, Linux était simplement quelque chose que j’avais fait, et le rendre disponible relevait plus d’un « regardez ce que j’ai fait » en espérant que quelqu’un le trouverait utile. Le rendre libre a permis à un plus grand nombre de développeurs d’y travailler et de l’étendre. Encore plus important a été le fait qu’un d’un seul coup, le système a pu bénéficier des utilisateurs qui en testaient à la fois les bogues (erreurs) et l’utilisabilité. Aujourd’hui, il est évident que je profite de la renommée de Linux pour travailler, et je marchande donc ma réputation plus que Linux.14

C’est de cette manière qu’en 1992, la jonction de Linux et du système GNU fournit un système d’exploitation libre et complet, évitant l’utilisation du logiciel propriétaire d’Unix. Stallman était au M.I.T. à l’époque de la création du projet GNU et Linus Torvalds terminait ses études lorsqu’il a choisi de diffuser ce qui était son mémoire de fin d’études. Soulignons que lecopyleft vient du milieu de la recherche fondamentale en informatique, lorsqu’une invention était naturellement disponible et partagée avec d’autres informaticiens afin que la recherche se poursuive. Cette attitude se situe dans la tradition du travail scientifique où la communauté scientifique a comme objet l’avancée de son domaine, sans avoir de compte à rendre à une application directe, et en particulier à une application mercantile.

Le phénomène du logiciel libre et du copyleft a pu réellement prendre son envol avec l’apport de Linus Torvalds. GNU/Linux a également beaucoup profité d’internet balbutiant au début des années 90 et puis de sa massification au cours de la décennie.

13 C’est la partie du système d’exploitation qui gère les différents logiciels et leurs interactions. 14 Interview de L. Torvalds par Rishab Aiyer Ghosh, in First Monday, mars 1998.

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Les logiciels libres sont maintenant développés par des milliers d’individus qui, pour diverses raisons, écrivent des programmes et choisissent de les diffuser en se conformant à laGeneral Public License. La multiplication des projets sous copyleft s’est accompagnée d’une diversification. Outre GNU/ Linux, des centaines de logiciels sont quotidiennement développés et maintenus. Ils sont conçus pour des applications de calcul, de traitement de texte, de courriel, de gestion de rendez-vous, de jeu et probablement tout ce qui peut être utile aux développeurs ou à leurs employeurs. La facilité d’acquisition et de modification est un des facteurs essentiels à la propagation des logiciels libres. Sa disponibilité en ligne permet de télécharger de n’importe quel point du globe les mises à jour ou les nouveautés. Par exemple, la technique des miroirs consistant à proposer des réplications des programmes à des endroits stratégiques d’internet permet de diminuer les temps de connexion et donc le coût.

Depuis plusieurs années, on trouve sur l’Internet des « distributions ». Ce sont des regroupements de logiciels qui forment au minimum un système d’exploitation complet. La plupart des distributions, il en existe des dizaines, proposent en plus des utilitaires, des jeux, de la documentation, et certains des services après-vente. Ce sont de véritables systèmes « clé en main » comme Microsoft peut en proposer par ailleurs.

Les corollaires à cette grande disponibilité et cette connaissance des réseaux d’internet sont la création de véritables communautés de développeurs. Ceux-ci ayant rapidement inventé des outils leur facilitant la tâche. Nous pouvons citer : la création de listes de diffusion, envoi simultané d’un même message à un groupe d’utilisateurs, et des forums de discussion ont également participé à la mise en place de véritables communautés. L’invention de systèmes de suivi des versions des programmes ou de « bugs » sont autant de signes du dynamisme et du sérieux de l’entreprise du logiciel libre.

La qualité, la fréquence et surtout la dispersion géographique des relations entre développeurs sont très particulières. Cela fait émerger un modèle de développement original qui a été étudié notamment par Eric Raymond dans son essai intitulé The Cathedrale and the Bazaar15. Il y compare les caractéristiques du développement du logiciel libre avec celles du modèle traditionnel du développement de

15 Raymond, Eric. La cathédrale et le bazar. 1998 [En ligne] Adresse URL : http://www.linux-france.org/article/ these/cathedrale-bazar/cathedrale-bazar.html

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logiciel. À partir d’un test qu’il a effectué, il énumère plusieurs principes qui s’appliquent selon lui à l’élaboration d’un logiciel. Il les étudie ensuite selon la perspective traditionnelle (Cathedral) et la perspective « libre » (Bazaar). À l’inverse de la construction de cathédrales, silencieuse et ordonnée, la communauté « libre » paraissait plutôt ressembler à un bazar, grouillant de rituels et d’approches différentes à partir duquel un système stable et cohérent ne pourrait apparemment émerger que par une succession de miracles.

Ces communautés ne sont pas homogènes, les participants sont versatiles et viennent d’horizons très différents : universitaires, bien sûr, mais aussi des professionnels et des amateurs qui profitent de leur temps libre pour donner un petit coup de pouce à leur projet favori. Les relations humaines ne sont pas absentes et il arrive régulièrement qu’un projet s’éteigne ou se divise pour des questions d’affinité ou de point de vue qui ne sont pas très « scientifiques ». Les différences peuvent également être idéologiques. Si le logiciel libre est né avec la Free Software Foundation, d’autres personnes ou organisations ont créé des licences d’exploitation distinctes. Ces licences sont plus ou moins proches dans l’esprit et dans la lettre de la GPL. Donc de ces communautés de plus en plus nombreuses, des dissidences à la Free Software Foundation sont apparues. Les vues radicales de Stallman et de ses compagnons concernant les logiciels libres ne se sont pas montrées suffisamment fédératrices pour certains.

Eric Raymond est programmeur « hacker » depuis plus de trente ans. Il a contribué au projet GNU, mais est également l’auteur d’ouvrages marquants : le dictionnaire The New Hackers Dictionary16, et le plus connu, l’essai La Cathédrale et le Bazar qui a contribué à populariser le mouvement des logiciels libres. Plusieurs articles ont suivi La Cathédrale et le Bazar, formant un ensemble qui se veut une étude de « l’intérieur » du mouvement des logiciels libres. Il est généralement considéré comme le spécialiste de la sociologie du mouvement du logiciel libre.

À la fin des années 90, le modèle du logiciel libre est reconnu, mais peu utilisé au sein des entreprises. L’argument est le suivant : le mot « free » semble avoir causé beaucoup de dommages dans l’esprit des gens, et des industriels, qui traduisent ce mot par « gratuit » plutôt que par « libre ». En français,

16 Raymond, Eric. The New Hackers Dictionary. MIT Press, 1996.

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l’erreur semble évidente, mais chez les anglo-saxons, il existe une ambiguïté entre « free-speech/free- beer » car le même terme est utilisé pour parler « d’expression libre » et de « bière gratuite ». D’où le terme , que les premiers participants à ce qui deviendrait plus tard la campagne de l’Open Source (et, finalement, l’organisation de l’« Initiative de l’Open Source ») ont inventé lors d’une réunion en février 1998.

Eric Raymond a créé l’ avec Bruce Perens17. Ce dernier jouit d’une grande notoriété dans la communauté du logiciel libre car il est un des fondateurs du projet Debian.18 Remarquons au passage que les leaders du logiciel libre sont pour la plupart des développeurs ayant fait leurs preuves. Stallman avec le logiciel Emacs19, Torvalds et Linux, Raymond et fetchmail20 et Bruce Perens et le projet Debian.

Le point-clef de cette approche réside dans : « Oublions la tactique de la conquête par le bas ; il faut convaincre la tête ». Car selon eux, la stratégie reposant sur les ingénieurs, dominante dans le projet GNU, qui allaient convaincre leurs patrons à l’aide d’arguments rationnels, s’avère être un relatif échec. De plus, la percée de la société Netscape ne provenait pas d’un ingénieur, mais d’un décideur stratégique (Jim Barksdale) qui avait compris tout cela et avait imposé sa vision des choses à ses subalternes.

Bruce Perens avait enregistré le domaine « opensource.org » et avait mis en ligne la première version du site web de l’Open Source21. Il a commencé à enregistrer le terme Open Source en tant que marque de certification de telle sorte qu’on puisse légalement exiger des gens qu’ils utilisent le terme Open Source dans le cadre de produits conformes à cette définition. À l’inverse,Stallman ne s’est jamais prononcé pour un dépôt de marque, et au contraire s’est ouvertement défendu de soutenir le projet Open Source, le considérant comme immoral.

17 [En ligne] Adresse URL : http://perens.com/ 18 Debian est un projet de distribution d’un system GNU/Linux complet. Il est considéré comme le plus « pur » car uniquement maintenu par des développeurs bénévoles et entièrement sous licence GNU GPL. [En ligne] Adresse URL : http://www.debian.org/ 19 Sorte de logiciel à tout faire, souple et puissant. Il bénéficie d’une réputation extrêmement élogieuse. [En ligne] Adresse URL : http://www.gnu.org/software/emacs/emacs.html 20 [En ligne] Adresse URL : http://catb.org/~esr/fetchmail/ 21 [En ligne] Adresse URL : http://www.opensource.org/

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Parallèlement à l’Open Source, Eric Raymond a aussi développé l’idée de l’Open Hardware22, concept similaire, mais traitant des périphériques matériels et de leurs interfaces plutôt que de programmes et de logiciels. L’Open Hardware n’a pas rencontré à ce jour le même succès que l’Open Source, mais il suit son bonhomme de chemin.

L’Open Source Initiative (initiative de l’Open Source), est donc une organisation dont le seul but est de gérer la campagne de l’Open Source et sa marque de certification. Lors de son lancement, la campagne de l’Open Source a suscité de nombreuses critiques, même au sein du contingent de Linux, qui avait déjà accepté le concept du logiciel libre.

En effet, le logiciel libre est clairement sorti de la sphère des « hackers ». Aujourd’hui, ce modèle de développement de logiciels est soutenu et utilisé par des institutions éducatives, industrielles (comme NeXT, Intel, Motorola, certaines écoles en Belgique) et gouvernementales (notamment la NASA et l’U.S. Air Force, mais aussi dans les administrations belges, qui ont pour la plupart installé des serveurs « pare-feu » (fire-wall) sous GNU/Linux). Le modèle de GNU/Linux a connu un tel succès, que des sociétés commerciales ont adopté cette technique de développement. Dans le monde informatique, il est devenu impossible de négliger les logiciels libres.

Le fait remarquable est que le copyleft s’est propagé dans d’autres sphères d’activités que l’informatique. Nous devrions dire, pour être plus juste, que l’informatique s’est propagée en dehors de sa sphère traditionnelle, la recherche scientifique et l’éducation pour ne finalement plus faire de distinction précise entre ce qui relève de l’informatique et ce qui relève de l’art, du commerce ou des loisirs. Si nous en restions là, nous négligerions les aspects économiques, politiques, sociaux et philosophiques qui participent à l’extension du copyleft.

22 Open Hardware : matériel dont les spécifications sont ouvertes.

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Chapitre 2 Considérations contextuelles

Cette partie aborde, en complément de l’historique du copyleft, des sujets qui, bien qu’étant essentiels à la compréhension du projet GNU et du copyleft, n’entrent pas directement dans le champ d’analyse de ce travail. Ce sont des constats économiques, sociologiques ou politiques généraux que la nécessaire interdisciplinarité de l’analyse du copyleft réclame. Ils seront évoqués succinctement afin de donner au lecteur une vue globale de la problématique et de ses multiples implications.

Rappelons que s’il est devenu un lieu commun de parler de notre époque comme d’une époque de changements rapides, certaines choses semblent immuables, notamment les sentiments humains. Nous nions souvent que ce sont des femmes et des hommes remplis d’affects qui agissent et préférons voir dans les actions des uns et des autres, tels des êtres de pur intellect, la raison et la logique. Dans le cadre de l’analyse du mouvement du copyleft, l’aspect émotionnel permet de comprendre la passion, la rage ou l’humour qui animent ses promoteurs et ses détracteurs. Et c’est sans arrière pensée, que nous croyons que si Richard Stallman n’avait pas été frustré, humainement frustré, il n’y aurait peut-être pas de copyleft actuellement. Cependant, notre travail ne saurait se fourvoyer dans quelque analyse psychanalytique et nous préférons essayer de comprendre les arguments intellectuels du copyleft, sans négliger les parties affectives, mais en les considérant rationnellement.

Les changements de paradigme socio-économique, politique ou juridique que nous vivons actuellement sont largement étudiés et commentés par un grand nombre d’auteurs et ont fait l’objet de travaux remarquables. Les domaines d’investigation sur ces changements sont variés et non exclusifs, on y retrouve de la philosophie, du droit, de l’économie, ainsi que des approches pluridisciplinaires.

Il peut paraître étonnant que le projet GNU et le mouvement du copyleft, qui ont déjà une influence considérable dans les technologies de l’information et de la communication, et qui ont un impact croissant sur d’autres domaines soumis aux droits intellectuels, ne constituent pas ou peu des sujets d’étude. Bien que nous citions dans ce travail des ouvrages ou des articles sur le copyleft émanant

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d’universitaires, professeurs ou étudiants, nous n’avons pas trouvé de recherches approfondies ; tout au plus telle ou telle partie d’ouvrage évoque le copyleft ou les logiciels libres, mais généralement, les travaux se limitent à un article de quelques pages ou à un mémoire de fin d’études. Le copyleft semble intéresser plus les juristes que les autres chercheurs, certainement est-ce dû à son origine qui l’assimile strictement à un type particulier de contrat.

Pourquoi le copyleft suscite-t-il un intérêt modéré comme objet d’étude ? C’est une question qui révèle à travers sa réponse la complexité du mouvement.

Le premier élément de réponse réside dans la jeunesse du projet GNU : environ vingt ans. Nous vous renvoyons à la partie historique, qui a traité de la genèse du copyleft, mais nous tenons à souligner son extrême nouveauté, surtout en regard au temps que prend une recherche dans le cadre d’un doctorat ou de la constitution d’une critique par publications interposées. Nous sommes encore dans le débat. L’histoire du copyleft n’a probablement pas encore commencé en tant qu’idée constituée, même si ses bases sont déjà largement posées.

Le deuxième élément est l’hétérogénéité des intervenants et leur nombre. Il ne s’agit pas seulement d’informaticiens et de quelques autres techniciens ou ingénieurs épris d’informatique. Depuis les origines de la Free Software Foundation à ce jour, ce sont des personnes venant de tous les horizons professionnels ou sociaux qui y participent ; du professeur d’université réputée à l’écolier, en passant par le chef d’entreprise ou le journaliste. S’ajoute à cette diversité sociale, et grâce à l’Internet, la pluralité ethnique. Des gens de la plupart des pays du monde contribuent au copyleft. Ces quelques dernières années, l’Internet a accru le nombre de participants d’une façon exponentielle. Cette masse est difficile à estimer car il n’existe pas d’organisation centralisée capable de recenser les projets sous copyleft. Les coutumes sur l’Internet sont telles que la plupart des projets ne réclame pas d’identification pour pouvoir y participer. Ce « melting-pot » ne se laisse pas cerner facilement et il nécessiterait à lui seul une étude sociologique approfondie et spécifique.

Le troisième élément trouve sa source dans le remarquable « manque d’orthodoxie » des adeptes du copyleft. C’est un des rares mouvements qui laisse des informaticiens être des juristes, des

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juristes devenir des traducteurs ou des traducteurs se prendre pour des informaticiens. Le « melting- pot » s’ancre dans le mouvement du copyleft, y compris les fonctions qu’occupent ses intervenants. Heureusement, le manque d’orthodoxie a pour pendant l’ingéniosité. Les idées du copyleft ne sont pas neuves mais l’utilisation d’une idée particulière dans un champ différent de celui dans lequel elle a été imaginée donne un résultat nouveau. Néanmoins, il est déroutant pour l’analyste d’être confronté à des personnes ne maniant pas les codes généralement admis dans sa discipline. Les approximations et les erreurs sont fréquentes, compliquant drastiquement l’étude du copyleft. L’interdisciplinarité est, nous semble-t-il, une condition sine qua non à l’étude du mouvement du copyleft.

Le dernier élément, plus délicat à traiter, concerne la politique. L’Occident se trouve largement dominé par le néo-libéralisme. Il est actuellement impossible, ou pour le moins très difficile, d’avoir une position politique et sociétale qui ne tienne pas comme essentielle la sphère économique. Nous sommes immédiatement confrontés aux vues du néo-libéralisme dans notre quotidienneté, la publicité étant probablement l’exemple le plus insidieux, par sa banalité. S’extraire de ce schéma néo-libéral dans la recherche « scientifique » relève de l’exploit, surtout si l’on veut éviter l’anti-américanisme primaire, très à la mode, et ne pas se satisfaire d’un altermondialisme puéril. Comme nous l’exposerons plus en détail dans la suite de ce travail, le copyleft défend des valeurs peu compatibles avec le néo-libéralisme. Dès lors, le chercheur étudiant le copyleft se trouve personnellement devant une double difficulté. En tant que citoyen, celle de la place de ses convictions politiques, et en tant que producteur d’une œuvre intellectuelle, celle de son éventuelle adhésion au copyleft.

Pour résumer nous pourrions dire que le copyleft est contemporain ; numérique, mondialisation, néo-libéralisme, pluridisciplinarité, changement, l’Internet, multi-ethniques ou licence, ce sont des mots d’aujourd’hui, des termes, des concepts d’un débat présent mais qui aura immanquablement une influence considérable sur notre futur.

Nonobstant les difficultés susnommées, le mouvement du copyleft offre un point de rencontre : la General Public License. Cette licence évoquée dans la partie historique, est fondamentale pour le mouvement du copyleft. À l’heure actuelle et en soulignant les nuances que nous aborderons dans la prochaine partie, on peut dire que les licences « libres » sont consubstantielles au copyleft.

19 Miguel Quaremme Une introduction philosophique au copyleft

« Le plus fort n’est jamais assez fort pour être toujours le maître, s’il ne transforme sa force en droit, et l’obéissance en devoir. » Rousseau, Du Contrat social (1762)

Chapitre 3 Les licences

Sans vouloir entrer dans une quelconque polémique sur la place du droit dans la pensée ou dans la société, force est de constater qu’il occupe une part importante de notre vie. Son étude permet de comprendre, partiellement en tout cas, l’esprit qui anime le législateur, et plus largement, la société qui l’a vu naître. L’évolution du droit, marqué par des idéologies et doctrines, reflète une époque. Les changements de société, la métamorphose de notre société influencent le droit positif, et aussi notre rapport au droit. Quel droit voulons-nous ? Pour quelle société ? Pour reprendre la question d’introduction du livre La Philosophie du Droit23 : Les hommes peuvent-ils déterminer et établir, sous la conduite de la raison, les modalités d’une société juste qui permette et garantisse la coexistence pacifique à ses membres ?

Le droit se transforme dans ses concepts, nous ne sommes plus tout à fait dans le même droit qu’avant, nous changeons de paradigme. Les évolutions actuelles mettent en cause les principes, les fondements et les institutions du droit moderne, et suscitent une réflexion sur l’avenir, mais aussi un retour aux sources du droit. Le néo-libéralisme a une influence considérable sur le droit et ses concepts.

[Ce modèle] défend l’instauration d’une sorte de nouveau droit naturel, basé sur la logique et les nécessités du marché, qui accompagne et légitime le mouvement en cours de libéralisation et de mondialisation des échanges.24

23 Frydman, Benoît et Haarscher, Guy. Philosophie du droit. Paris, Dalloz, collection Connaissance du droit, 1998, p. 68. 24 Frydman, Benoît. Les transformations du droit moderne. Diegem, Kluwer, collection Story-Scientia, 1999, p. 63.

20 Miguel Quaremme Une introduction philosophique au copyleft

Particulièrement touchée, l’économie du numérique et de la communication représente le fer de lance de ce « nouveau droit naturel économique ».

Dans le « nouveau paradigme » néo-libéral et mondialiste, l’économie joue un rôle fondamental, y compris dans les aspects juridiques. Les règles ne représentent plus un besoin, les marchés opèrent la « naturelle » redistribution propice à l’équilibre de la société. L’imperfection de nos sociétés, n’ayant pas encore atteint le stade de « la concurrence parfaite », les quelques règles nécessaires pallient à cette imperfection et tentent de réaliser l’idéal néo-libéral.

Dans ce contexte de plus en plus présent, une des pierres angulaires est le contrat.

[Le contrat] représente le type même de la règle efficace. Il entérine des engagements librement souscrits et leur confère la protection du droit, ce qui permet de stabiliser les attentes réciproques et par conséquent d’établir la sécurité nécessaire à l’exécution dans le temps de la transaction.25

Le projet GNU et le mouvement du copyleft se basent en effet sur des licences d’exploitation. Que l’on peu définir comme suit :

La licence est un contrat par lequel le titulaire des droits d’un logiciel autorise un tiers à poser des gestes qui autrement les enfreindraient26.

En regard de ce que nous avons signalé ci-dessus, cela prend un sens digne d’intérêt. Le projet GNU se basant sur un rapport contractuel entre le créateur et l’utilisateur.

Envisageons tout d’abord le cadre juridique général de la protection des logiciels, car les logiciels libres sont avant tout des logiciels. Puis, nous verrons comment les auteurs de logiciels libres ont su se ménager, grâce aux licences, une protection adaptée à leur volonté et à leurs besoins.

25 Lemyre, Pierre-Paul. Les logiciels libres sous l’angle de la Responsabilité Civile. 2002. [en ligne] Adresse URL : http://www.juriscom.net/documents/log20030325.pdf 26 Berenboom, Alain. Le droit d’auteur. 9e éd. 2002-2003 Bruxelles, Presses universitaires de Bruxelles, 2002 et Buydens, Mireille. Droits d’auteur et internet : problèmes et solutions pour la création d’une base de données en ligne contenant des images et/ou du texte. Bruxelles, SSTC, 1998.

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3.1 Le droit d’auteur et le copyright

Les origines du droit d’auteur remontent au 18e siècle et plus particulièrement aux révolutions anglaises, américaines et françaises.27 Néanmoins, il faut attendre la fin de l’ère napoléonienne et les grands traités internationaux pour voir l’expansion de ces droits intellectuels28. Le débat sur les droits intellectuels est ancien mais a connu ces dernières années un regain d’intérêt dû à l’apparition de moyens de copie peu onéreux et d’accès aisé. La massification des technologies basées sur les données numériques a obligé les détenteurs de droits intellectuels à se positionner. Le lobby puissant qui représente ces derniers et les intérêts financiers en jeu ont obligé les États à légiférer. Le Parlement Européen, mais également les États, planchent régulièrement sur des modifications des lois et des directives sur les droits intellectuels.

Pour bien comprendre ce qu’est le droit d’auteur, revenons à la notion de base de droit intellectuel. Les droits intellectuels s’assimilent aux créations de l’esprit (inventions, œuvres littéraires et artistiques mais aussi les symboles, les noms, les images et les dessins dont il est fait usage dans le commerce). Il y a deux aspects : la propriété industrielle qui comprend les inventions (brevets), les marques, les dessins et modèles industriels, et les indications géographiques ; et le droit d’auteur qui comprend les œuvres littéraires et artistiques (romans, poèmes et pièces de théâtre), les films, les œuvres musicales, les œuvres d’art telles que les dessins, peintures, photographies et sculptures, ainsi que les créations architecturales.

Si la protection du droit d’auteur s’étend aux expressions, elle ne comprend pas les idées, procédures, méthodes de fonctionnement ou concepts mathématiques. Ce principe a été confirmé par l’Accord sur les aspects des droits de propriété intellectuelle qui touchent au commerce (ADPIC) de l’Organisation Mondiale du Commerce29, ainsi que le Traité de l’OMPI30 (Organisation Mondiale de la Propriété 27 L’expression est utilisée par Edmond Picard et vise à éviter l’utilisation jugée fausse du terme propriété intellectuelle. La Free Software Foundation insiste également sur l’usage « incorrect » de la notion de propriété s’appliquant à l’immatériel. 28 [En ligne] Adresse URL : http://www.wto.org/indexfr.htm 29 [En ligne] Adresse URL : http://www.wipo.org 30 Nous faisons fortement référence, en citant ou en résumant des passages de l’un ou de l’autre, à Berenboom, Alain. Le droit d’auteur. 9e éd. 2002-2003 Bruxelles, Presses universitaires de Bruxelles, 2002 et Buydens, Mireille. Droits d’auteur et internet : problèmes et solutions pour la création d’une base de données en ligne contenant des images et/ou du texte. Bruxelles, SSTC, 1998.

22 Miguel Quaremme Une introduction philosophique au copyleft

Intellectuelle) sur le droit d’auteur. Le brevet, quant à lui, confère un droit exclusif sur une invention, qui est un produit ou un procédé offrant une nouvelle manière de faire quelque chose ou apportant une nouvelle solution technique à un problème. En ce qui concerne les programmes d’ordinateurs, le principe généralement accepté est que les programmes sont sous protection du droit d’auteur tandis que les appareils qui utilisent les programmes ou les inventions liées aux programmes doivent être protégées par le brevet.

Le logiciel est protégé par le droit d’auteur. La directive européenne du 14 mai 1991 consacre la protection juridique des programmes d’ordinateurs par le droit d’auteur. Cette directive européenne clôt le débat sur le type de protection à adopter pour le logiciel. Les « atermoiements doctrinaux » furent nombreux et longs, mais un certain nombre de décisions convergèrent vers une reconnaissance du logiciel comme œuvre intellectuelle relevant du droit d’auteur. Le logiciel ainsi que le matériel de conception préparatoire, c’est-à-dire l’ensemble des travaux de conception aboutissant au développement d’un programme (à la condition toutefois qu’ils soient de nature à permettre la réalisation d’un programme d’ordinateur à un stade ultérieur) revêtent donc le caractère d’œuvre de l’esprit et bénéficient à ce titre d’une protection fondée sur le droit d’auteur, à la seule condition qu’ils soient originaux, et donc qu’ils portent la marque intellectuelle de leur auteur.

Une fois déterminée l’existence d’une œuvre protégée par le droit d’auteur, il convient d’examiner ce que cette protection signifie concrètement.

L’auteur possède deux types de droit :

1. Les droits patrimoniaux ou pécuniaires.

C’est-à-dire les droits qui organisent la communication et l’exploitation de l’œuvre.

Dans cette catégorie de droits, on distingue :

23 Miguel Quaremme Une introduction philosophique au copyleft

–– Le droit de reproduction (ou d’édition), ce droit comprend la possibilité que l’auteur a de fixer les modalités et l’autorisation de la copie de tout ou d’une partie de son œuvre. Il permet à l’auteur de louer son œuvre ou de l’assigner à une destination précise. L’auteur, grâce à ce droit, peut autoriser ou non les adaptations et les traductions.

–– Le droit de communication (représentation), par ce droit, l’auteur peut donner son autorisation à la représentation ou à l’exécution publique de son œuvre. Insistons sur le caractère public.

–– Ces droits peuvent faire l’objet d’une cession. Ces différents droits permettent à l’auteur de retirer le bénéfice économique de son œuvre.

Les droits moraux.

2. C’est-à-dire les droits qui visent à protéger « la personnalité » de l’auteur et son œuvre et à les respecter.

Dans cette catégorie de droits, on distingue :

–– Le droit de divulgation : il permet à l’auteur de décider quand son œuvre est terminée et qu’elle peut être divulguée au public.

–– Le droit de paternité : l’auteur a le droit de revendiquer la paternité de son œuvre. Cela se traduit généralement par la mention de l’auteur lors de l’exploitation de l’œuvre.

–– Le droit à l’intégrité de l’œuvre : l’auteur peut s’opposer à toutes modifications, déformations ou mutilations de son œuvre. (L’application de ce droit est cependant nuancée dans la jurisprudence récente)Le droit à s’opposer à toute atteinte préjudiciable à l’honneur et à la réputation.

Ces droits ne peuvent pas être cédés entièrement, cela se fait généralement dans le cadre d’une convention.

24 Miguel Quaremme Une introduction philosophique au copyleft

Les exceptions au droit d’auteur :

–– Le droit de citation, c’est-à-dire la copie d’un extrait bref d’une œuvre.

–– La reproduction à usage privé.

–– La communication gratuite dans le cercle familial. Par exemple, mettre de la musique dans le salon.

–– La parodie.

Tous ces droits et exceptions ne sont qu’une vue générale du droit d’auteur. Des subtilités existent, mais aussi des divergences dans la catégorisation des différents droits ou de leur portée effective. Remarquons que l’Internet et les logiciels, du fait notamment de leur nouveauté, ne sont pas encore parfaitement couverts par la loi.

Dans les pays anglo-saxons, nous retrouvons un concept juridique qui est « l’équivalent » de droit d’auteur, le copyright. Il est une protection attribuée par la loi aux auteurs d’œuvres originales, littéraires, dramatiques, musicales, artistiques ou répondant à d’autres qualificatifs. Cette protection s’applique tant aux œuvres publiées que non publiées.

Dans le droit européen31, le droit moral est constitutif de l’attachement du droit d’auteur à la personne de l’auteur plutôt qu’à l’œuvre : il reconnaît dans l’œuvre l’expression de la personne de l’auteur, et la protège donc au même titre. Le copyright est une protection qui se limite à la sphère stricte de l’œuvre, sans considérer d’attribut moral à l’auteur en relation avec son œuvre, sauf sa paternité ; ce n’est plus l’auteur proprement dit, mais l’ayant droit qui détermine les modalités de l’utilisation d’une œuvre.

31 Strowel, Alain. Droit d’auteur et copyright : divergences et convergences : étude de droit comparé. Bruxelles, Bruylant, 1993.

25 Miguel Quaremme Une introduction philosophique au copyleft

Communément, le copyright donne à l’ayant droit le droit exclusif d’exercer et d’autoriser des tiers à exercer les actes suivants :

–– la reproduction de l’œuvre,

–– la préparation de travaux dérivés de l’œuvre originale,

–– la distribution de copies de l’œuvre au public (vente, location, prêt, cession), sous quelque forme que ce soit,

–– la représentation publique de l’œuvre, avec quelque procédé que ce soit.

Pour simplifier notre propos, nous ne faisons pas de distinctions, sauf exemption notable, entre le droit d’auteur et le copyright, et plus globalement entre les législations. Les législations nationales et les textes internationaux apportent une cohérence suffisante, et ce depuis plus de cent ans entre les deux principes pour ne pas, dans le cadre de ce travail, nous pencher sur leurs différences. Les travaux d’harmonisation de la Commission Européenne et d’autres organismes internationaux à l’échelle mondiale semblent renforcer une vision unique des droits intellectuels. Néanmoins, nous ne nions pas les écarts importants qui existent entre des notions d’origines, de droits et de conceptions différentes. Insistons sur le fait que les textes nationaux peuvent encore receler des exceptions remarquables, même si ils sont d’une origine commune.

3.2 La General Public Licence

De facto, la plupart, et même probablement tous les programmes, sont vendus ou distribués gratuitement avec une licence d’utilisation. Ces licences définissent de façon plus ou moins explicite les conditions d’utilisation, de distribution ou de copie des programmes. Leur quantité augmente régulièrement et leur complexité également. Ce mouvement d’inflation juridique autour des logiciels et du numérique au sens large est principalement dû à la popularisation et à la massification des ordinateurs et des connexions au réseau d’internet.

26 Miguel Quaremme Une introduction philosophique au copyleft

Les entreprises, les associations ou les particuliers créent des licences qui conviennent au mieux à leurs desiderata. Leur nombre est actuellement considérable, par exemple : l’Open Source Initiative (OSI)32 propose près de quarante licences logicielles Open Source différentes ; la société Microsoft33 utilise plusieurs licences d’utilisation, qui varient suivant le programme et la version de celui-ci, les mises à jour sont soumises à d’autres licences et les accès à l’information technique sur les programmes sont régis par des licences différentes, ce qui complique notablement leur compréhension et leur respect.

La motivation des créateurs de licence est multiple et parfois contradictoire ; les groupes financiers34 producteurs de logiciels créent des licences qui définissent précisément leur usage, en général de façon très restrictive, et ceci afin de défendre leurs investissements ; certains petits éditeurs donnent des licences limitées dans le temps dans un but promotionnel ; de jeunes hackers utilisent des licences libres pour la seule gloire de voir leur programme diffusé. Bien sûr, cette caricature ne rend pas la complexité et la variabilité de la création et de l’usage des licences.

La GNU General public License35 (GPL) est une licence dont l’objet est « technique », elle encadre juridiquement des faits techniques : code source, application, traduction, etc. Même si la protection accordée aux logiciels est du même type que pour les œuvres artistiques et littéraires, il est important de garder à l’esprit qu’il s’agit de programmes d’ordinateur.

Bien que la licence soit très permissive et aille à l’encontre de la conception « classique » du copyright et du droit d’auteur, elle s’appuie sur les bases juridiques qu’elle semble contredire. Le paradoxe n’est qu’apparent. La GPL est un addendum à la mention du copyright qui en précise l’usage, les conditions de distribution, etc. Dans le préambule, il est explicitement fait référence au copyright en terme de protection des droits. On peut y lire :

32 [En ligne] Adresse URL : http://www.opensource.org/ 33 [En ligne] Adresse URL : http://www.microsoft.com/permission/ 34 Beaucoup d’éditeurs de logiciels sont des groupes financiers dont les intérêts sont variés, par exemple la diffusion de contenu numérique (Microsoft, Apple, etc.) ou la production de matériel (IBM, Apple, etc.). 35 Le titre précis de la licence est « GNU General Public Licence », mais il est rare de trouver le titre exact dans les textes. Souvent on se contente de l’acronyme GPL.

27 Miguel Quaremme Une introduction philosophique au copyleft

Nous protégeons vos droits de deux façons : d’abord par le copyright du logiciel, ensuite par la remise de cette licence qui vous autorise à copier, distribuer et/ou modifier le logiciel.

La GNU GPL est créée pour défendre le logiciel libre, celui-ci se définissant, selon la Free Software Foundation, suivant quatre « libertés »36 :

–– La liberté d’exécuter le programme, pour tous les usages ;

–– La liberté d’étudier le fonctionnement du programme, et de l’adapter à vos besoins. Pour ceci, l’accès au code source est une condition requise ;

–– La liberté de redistribuer des copies, donc d’aider votre voisin ;

–– La liberté d’améliorer le programme et de publier vos améliorations, pour en faire profiter toute la communauté. Pour ceci, l’accès au code source est une condition requise.

Richard Stallman conçoit la GPL dans le but explicite de défendre les logiciels libres d’une appropriation par qui que ce soit. Il y a dans le projet GNU la volonté d’un système libre dont les composantes ne soient pas « propriétaires »37 et ne le deviennent pas. Autrement dit, un logiciel lorsqu’il devient GPL, le reste, même s’il est intégré dans un autre programme.

[Vous devez] Distribuer sous les termes de la GPL l’ensemble de toute réalisation contenant tout ou partie du programme [sous GPL], avec ou sans modification38.

L’article 1 de la GPL consacre la possibilité pour l’utilisateur

36 Le terme est impropre et utilisé abusivement mais il est rentré dans le langage courant de l’informatique. Il désigne les logiciels dont l’utilisation, la redistribution et la modification sont interdites ou très restreintes. En générale, ces logiciels sont le fruit de sociétés commerciales. 37 Article 2 b de la GPL 38 FONTAINE, Mélanie. La licence publique générale GNU. Montpellier, 1999. [En ligne] Adresse URL : http:// crao.net/gpl/

28 Miguel Quaremme Une introduction philosophique au copyleft

de copier et distribuer des copies conformes du programme à condition de placer sur chaque copie le copyright approprié (...), de ne pas modifier ou omettre toutes les stipulations se référant à la présente Licence (...).

Comme le souligne M. Clément-Fontaine :

La boucle est bouclée, le licencié peut devenir donneur de licence et la communauté des utilisateurs du logiciel libre s’agrandit peu à peu39.

Donc, la licence GPL permet à l’utilisateur de jouir des droits de copie, de distribution et de modifications, et le force à les transmettre à son tour, y compris dans les travaux dérivés ou dans le cas d’une intégration à un autre programme, ces derniers devant être également sous GPL. Dès lors, il est impossible d’inclure un programme sous copyleft dans un programme propriétaire. L’effet de cette obligation est la contagion de la GPL qui devient virale.40

Outre la protection des libertés susmentionnées, un point important est l’ouverture de la licence à des programmes autres que ceux du projet GNU. On peut lire dans le deuxième paragraphe du préambule « Vous pouvez aussi appliquer les termes de cette licence à vos propres programmes, si vous les désirez »41. Contrairement à d’autres licences, par exemple la « Apple Public Source License » qui ne s’applique qu’aux programmes soumis à l’approbation d’Apple inc.42 et qui peut être « annulée » à tout moment par Apple inc.43 Le caractère générique de la GPL sert sa diffusion

39 Souffron, Jean-Baptiste. La licence publique générale : un système original de protection juridique pour les créations issues des systèmes de développement coopératifs 2002 [En ligne] Adresse URL : http://soufron.free.fr/ files/gpl.html 40 GNU GPL Version 2, juin 1991 41 « This License applies to any program or other work which Apple Computer, Inc. (« Apple ») makes publicly available and which contains a notice placed by Apple identifying such program or work as « Original Code » and stating that it is subject to the terms of this Apple Public Source License version 1.2 (or subsequent version thereof) (« License »). As used in this License ». La licence complète est disponible sur http://www. opensource.org/licenses/apsl.php 42 Voir critique de la FSF concernant la Apple Public Source License sur http://www.fsf.org/philosophy/apsl. fr.html 43 Les distributions sont des versions « clés en mains » de différents logiciels libres rassemblés autour d’un système d’exploitation. On peut citer Debian GNU/Linux, Mandrake ou Red Hat

29 Miguel Quaremme Une introduction philosophique au copyleft

et sa réappropriation par d’autres projets. Elle ne reste pas cantonnée au système d’exploitation GNU. Autrement dit, tout le monde peut utiliser la General Public Licence.

L’ouverture du code source et sa disponibilité représentent la garantie de la gratuité, mais les services annexes peuvent être rémunérés. À l’heure actuelle, les « distributions »44 sont généralement payantes lorsqu’elles sont accompagnées d’un support technique et d’un manuel d’utilisation et gratuites quand elles sont téléchargeables sur l’Internet. Dans son préambule la GPL signale :

Liberté des logiciels ne signifie pas nécessairement gratuité. Notre Licence est conçue pour vous assurer la liberté de distribuer des copies des programmes, gratuitement ou non, de recevoir le code source ou de pouvoir l’obtenir, de modifier les programmes ou d’en utiliser des éléments dans de nouveaux programmes libres, en sachant que vous y êtes autorisé.

Et l’article 1 dernier alinéa :

Vous pouvez demander une rétribution financière pour la réalisation de la copie et demeurez libre de proposer une garantie assurée par vos soins, moyennant finances.

3.3 Les limites de la GPL

Dans ses articles 11 et 12, intitulés « limitation de garantie », la GPL annonce que les logiciels sont fournis en l’état sans aucune garantie implicite ou explicite. Si Valérie Sédallian45 remarque la validité du contrat, n’oublions pas que la licence GPL est un contrat, elle constate aussi les limites de l’efficacité des clauses d’exonération de garantie dues aux textes de lois.

Les cas dans lesquels les clauses limitatives ou exclusives de responsabilité peuvent être écartées sont les suivants :

44 Sedallian, Valérie. Garanties et responsabilités dans les logiciels libres. Novembre 2002 [en ligne] Adresse URL : http://solutions.journaldunet.com/0211/021128_juridique.shtml 45 Lemyre, Pierre-Paul. Les logiciels libres sous l’angle de la Responsabilité Civile. 2002. [en ligne] Adresse URL : http://www.juriscom.net/documents/log20030325.pdf

30 Miguel Quaremme Une introduction philosophique au copyleft

–– en cas de faute lourde ou de dol (tromperie) de la partie qui invoque le bénéfice de la clause ;

–– en cas de manquement à une obligation essentielle du contrat qui a pour effet de contredire la portée de l’engagement pris (Jurisprudence dite « Chronopost », Cour de Cassation 22 octobre 1996) ;

–– lorsque le logiciel est fourni à un consommateur, en application du régime des clauses abusives (article L 132-1 du Code de la consommation ;

–– en application du régime de la responsabilité du fait des produits défectueux qui prévoit le principe d’un régime de responsabilité sans faute des fabricants et distributeurs (articles 13686-1 à 1386-18 du Code civil). L’application de ce texte aux logiciels ne vise que les situations où ceux-ci seraient à l’origine directe d’une atteinte à la sécurité physique des personnes ou des biens.

Nous pouvons considérer que le fournisseur de licence peut avoir sa responsabilité civile engagée. Dès lors, la problématique de la garantie et de la responsabilité semble cruciale pour certains observateurs, plus particulièrement pour les entreprises qui souhaiteraient implémenter des logiciels sous GPL. Les deux éléments relevés sont l’identification du ou des développeurs et l’endroit géographique où ils se trouvent46. La rapidité des développements, le nombre des intervenants et l’absence de structure organisationnelle représentent une difficulté quasi-insurmontable pour celui qui cherche à établir une responsabilité. La GPL organise, dans son article 247, la traçabilité du logiciel mais cependant cela n’est pas suffisant et certains projets qui utilisent les logiciels libres se dotent de moyens de suivi, contrôle et identification, tant des développeurs participants que des distributions authentiques. La répartition sur l’ensemble de la planète, l’Amérique du nord et l’Europe représentant la majeure partie des développeurs, augmente encore la complexité d’un recours en responsabilité. Les lois de protection du consommateur variant suivant les législations et l’inévitable internationalisation d’un recours complique et allonge l’exécution d’un éventuel jugement.

46 Article 2 a. « Ajouter aux fichiers modifiés l’indication très claire des modifications effectuées, ainsi que la date de chaque changement » 47 [En ligne] Adresse URL : http://www.sco.com/scosource/complaint3.06.03.html

31 Miguel Quaremme Une introduction philosophique au copyleft

Il est important de souligner que les problèmes susmentionnés liés aux logiciels sous GPL ne sont pas absents des logiciels propriétaires classiques. Ils utilisent également des clauses limitatives ou exclusives de responsabilité de garantie ce qui renvoie aux mêmes constats que décrit précédemment. L’internationalisation du commerce et, spécifiquement du commerce en ligne, pose un défi toujours croissant, tant aux législateurs qu’aux magistrats. Il nous semble par ailleurs douteux de penser qu’il serait facile pour le chaland d’attaquer en justice une multinationale de l’édition informatique. Et si le développeur, à la pauvreté légendaire, n’est probablement pas capable de couvrir les dommages éventuels, nous gageons que recevoir quelques sous d’un Microsoft ou autre Oracle n’est sûrement pas chose aisée.

Dans le chef du développeur qui souhaite mettre son œuvre sous copyleft des problèmes émergent : Le respect de la licence GPL, comme obéissance à la volonté de l’auteur et du contrat, ou l’intégration éventuelle dans son programme d’un code sous licence propriétaire. Pour reprendre l’exemple du programmeur à la pauvreté légendaire, cette personne n’a pas le potentiel d’investigation pour retrouver son code dans la masse des logiciels quotidiennement produits. Il se confronte à chercher une aiguille dans une botte de foin dont le propriétaire n’autorise pas la consultation, vu qu’il ne diffuse pas le code source de son programme. L’autre problème est illustré par la société SCO Inc. qui accuse IBM d’avoir intégré du code dont ils sont les ayant droit dans le système GNU/Linux. SCO a également menacé d’attaquer les personnes utilisant GNU/Linux. La publicité qui résulte de l’action en justice de SCO48, qu’elle soit fondée ou non, apporte de l’eau au moulin de ceux qui argumentent contre les logiciels libres en brandissant des poursuites contre les développeurs peu délicats et contre les utilisateurs de ces programmes.

3.4 Les licences dérivées de la FSF

La Free Software Foundation, au cours du temps, a créé d’autres licences afin de réagir aux développements du projet GNU et répondre aux critiques.

48 [En ligne] Adresse URL : http://www.gnu.org/licenses/lgpl.html

32 Miguel Quaremme Une introduction philosophique au copyleft

La Lesser General Public License49, la GPL amoindrie, s’appelait Library GPL, au sens informatique50 du terme, dans les versions antérieures. Le besoin d’avoir une licence plus souple pour certaines parties de programmes provient de la mixité des licences dans un système informatique. Les licences propriétaires sont beaucoup plus utilisées pour la conception de logiciels, or la GPL ne permet pas l’utilisation d’un programme « copylefté » dans un logiciel propriétaire. Nous ne rentrerons pas dans les détails techniques sur l’usage et l’intérêt crucial des bibliothèques, nous retiendrons qu’elles sont un des liens entre le système d’exploitation et l’application. Le nom a changé pour différencier l’usage de LGPL des bibliothèques et un texte51 averti le développeur de l’intérêt pour le projet GNU et le mouvement du copyleft, de diminuer l’usage de cette licence. Les alternatives libres aux logiciels propriétaires devenant de plus en plus nombreuses, le choix entre la GPL et la LGPL est moins problématique et la constitution de bibliothèques copyleftées de qualité renforce l’attrait du logiciel libre.

La troisième licence copyleft de la Free Software Foundation porte le nom de GNU Free Documentation License (GFDL). Elle répond aux besoins d’une documentation copyleftée pour les logiciels de ce type. Elle ne s’applique plus aux logiciels mais aux ouvrages écrits, au sens de livre ou de manuel. Les termes de la licence diffèrent nettement de la GPL mais la volonté est la même.

Garantir la liberté d’utilisation, à savoir : de copier ou de redistribuer, avec ou sans modification, commercialement ou non.52

La Free Software Foundation recommande cette licence pour les manuels techniques, mais également pour les travaux destinés à des fins d’enseignements ou devant servir de documents de référence.53

La cohérence par rapport aux objectifs du projet GNU saute aux yeux, mais un pas important est franchi avec cette licence. On s’éloigne des aspects strictement informatiques pour se pencher sur

49 « Library » en anglais signifie bibliothèque, dans le langage informatique le terme est utilisé pour désigner un fichier contenant une fonction ou un ensemble de fonctions récurrentes. 50 [En ligne] Adresse URL : http://www.gnu.org/licenses/why-not-lgpl.fr.html 51 Préambule de la GNU Free Documentation Licence. 52 Préambule de la GNU Free Documentation Licence. 53 [En ligne] Adresse URL : http://www.gnu.org/licenses/why-gfdl.fr.html

33 Miguel Quaremme Une introduction philosophique au copyleft

un autre domaine du copyright : la littérature. Bien sûr, nous sommes loin de Marcel Proust ou de Stéphane Mallarmé, l’ambition concerne la littérature technique ou pédagogique. Néanmoins, les préoccupations des auteurs de la FDL contrastent avec les notions usitées dans la GPL.

Richard Stallman précise pourquoi il faut utiliser la FDL :

Elle se veut un moyen d’inciter des éditeurs commerciaux à financer de la documentation libre sans pour autant renoncer à leurs libertés les plus vitales. Le « texte de couverture », ainsi que certains autres aspects de la licence concernant la couverture, la page de titre, l’historique et les cautions, y ont été placés afin de rendre la licence attirante pour des éditeurs commerciaux et pour des livres dont les auteurs sont rétribués54.

Dans le texte de la GNU Free Documentation License (GFDL), nous notons l’apparition des notions de nombre de copies, de dédicace, remerciements ou page de titres. Ces notions peuvent également concerner un logiciel, or elles ne figurent pas dans la GPL. L’influence du papier est flagrante : la mise en page, par exemple, est longuement abordée. La GFDL autorise la protection de certaines parties du texte contre les modifications. L’impensable pour les logiciels est permis pour les textes « littéraires », il y a une distinction qui dépasse le cadre juridique ou pratique et qui ne trouve sa justification, nous semble-t-il, que dans le « respect » historique de la parole de l’auteur, et probablement dans le besoin de rendre la licence acceptable. Précisons que les parties visées par cette protection contre les modifications sont les parties non techniques, c’est-à-dire celles ne devant pas être mises à jour dans le cadre de l’évolution de l’informatique.

Arrêtons-nous et imaginons Richard Stallman non pas en défenseur des logiciels libres, mais en protecteur de la cuisine libre. Il aurait sans doute écrit les quatre libertés de la cuisine libre :

–– La liberté de manger le plat, par n’importe quel moyen et n’importe quand ;

54 La Free cooking Licence a été créée par notre imaginaire afin d’illustrer notre propos.

34 Miguel Quaremme Une introduction philosophique au copyleft

–– La liberté d’étudier le fonctionnement de la recette, et de l’adapter à vos besoins. Pour ceci, l’accès à la recette est une condition requise ;

–– La liberté de préparer autant de repas que vous le souhaitez pour votre voisin ;

–– La liberté d’améliorer le plat et de publier vos améliorations, pour en faire profiter toute la communauté. Pour ceci, l’accès à la recette est une condition requise.

Cette fiction de notre cru, basée sur la classique et pédagogique comparaison entre le code source et la recette de cuisine, illustre la souplesse du copyleft qui n’est pas réductible à l’informatique, mais au contraire, aisément adaptable à d’autres types de créations. Richard Stallman n’est pas cuisinier ! Laissons-le à l’informatique. Intéressons-nous aux licences dérivées de la GPL, du moins par l’esprit.

3.5 Les licences « Libres »

Toutes les licences du copyleft reposent sur le copyright. Il s’agit toujours d’un contrat par lequel le titulaire des droits sur l’œuvre autorise un tiers à poser des gestes qui autrement les enfreindraient. Les créations qui jouissent de la protection des droits d’auteur peuvent potentiellement se « faire copylefter ». Autrement dit, toutes les œuvres d’art et littéraires : musique, émission de télévision, livres scolaires, poèmes ou sites web. Face à la diversité du type de production, les licences contiennent des termes spécifiques propres aux moyens de diffusion ou de reproduction susceptible d’être utilisés.

De facto, un très grand nombre de licences existent, elles couvrent probablement tous les genres d’art et de création. Nous distinguons deux grandes sortes de licences :

–– Les généralistes, elles tentent de couvrir toutes les productions intellectuelles dans des termes génériques facilement appropriables par un ayant droit.

35 Miguel Quaremme Une introduction philosophique au copyleft

–– Les spécifiques, qui ne servent qu’un type d’œuvre ou de projet, l’archétype étant la General Public License destinée aux logiciels.

Remarquons que la qualité varie fortement suivant les licences, ainsi que la couverture et la pertinence de celles-ci. Leurs usages se modifient au cours du temps, et la bonne volonté ne suffisant plus à recueillir les grâces des créateurs, la publicité autour d’une licence et de ses qualités est, à force, devenue indispensable. L’histoire du mouvement du copyleft se trouve parsemée de regroupements, de communautés. Une licence sert de point de rencontre, de dénominateur commun, elle expose publiquement une vision de la création et du rapport que la société et l’artiste doit entretenir avec elle. Les sites d’internet55 fleurissent, diffusant les licences, les bons usages, les philosophies et les œuvres. Dans un « melting-pot » encore plus vaste et hétérogène que celui créé par le projet GNU.

La diversité des licences étonne, la plupart des domaines étant couverts par des licences spécifiques. La contre partie positive de ce foisonnement est l’aboutissement de quelques tentatives. Remarquons qu’une nouvelle tendance, sans en avoir de preuve établie, semble être l’utilisation de quelques licences particulièrement bien pensées. Creative Commons (CC) et la Licence Art Libre (LAL) se plaçant en très bonne position, à l’exception des logiciels pour lesquels la GPL est largement dominante.

Citons brièvement quelques licences ayant un certain succès et étant représentatives de la diversité.

La licence HyperNietzsche56

Cette licence n’est pas copyleft, contrairement à ce qu’affirment les auteurs, mais elle représente une appropriation intéressante du copyleft dans le monde de la recherche Nietzschienne. C’est un cas à part dans les licences dérivées du copyleft qui a le mérite de concevoir un système réellement hypertextuel.

55 N’oublions pas qu’historiquement l’Internet est le berceau du copyleft. 56 [En ligne] Adresse URL : http://www.hypernietzsche.org/licenses/hn/

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Open Gaming License57

Licence copyleft pour les jeux de rôles développée par l’Open Gaming Foundation. À noter qu’il existe une autre licence pour les jeux de rôles : la Licence Ludique Générale58 qui n’a pas grand succès. L’utilisation de la langue anglaise favorise notablement la diffusion des licences, l’Internet restant très majoritairement anglophone.

PLoS Open-Access License59

La Public Library of Science est une organisation non gouvernementale qui promeut la libre diffusion de la littérature scientifique. Cette licence participe à l’extinction des monopoles de l’édition scientifique.

Open Audio License60

Licence de l’Electronic Frontier Foundation, pour la musique, les objectifs visés sont multiples : l’alternative au modèle capitaliste, la transmission massive de l’information, la popularisation des œuvres. L’Electronic Frontier Foundation adopte par ailleurs les licences Creative Commons et les promeut.

Mozilla Public License61

Cette licence a été créée par Netscape, un des éditeurs de butineurs62 Internet qui fut marginalisé suite à l’intégration de Internet Explorer dans Microsoft Windows, actuellement propriété de AOL- TimeWarner, dans le but de soutenir le projet Mozilla. Ce projet vise à développer le butineur le plus

57 [En ligne] Adresse URL : http://www.opengamingfoundation.org/licenses.html 58 [En ligne] Adresse URL : http://jeuxlibres.free.fr/llg.htm 59 [En ligne] Adresse URL : http://www.publiclibraryofscience.org 60 [En ligne] Adresse URL : http://www.eff.org/IP/Open_licenses/20010421_eff_oal_1.0.html 61 [En ligne] Adresse URL : http://www.mozilla.org 62 Terme français pour « browser » ou navigateur.

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performant d’internet. Cette licence illustre une tendance particulière, non copyleft, d’encadrement d’un projet sans que la licence puisse être utilisée à d’autres fins.

Actuellement, Creative Commons63 et Art Libre64 ressortent nettement du magma des licences copyleft. L’examen de ces licences offre la possibilité de faire émerger plusieurs éléments significatifs. Notons que leurs origines et leurs histoires respectives présentent des différences sensibles.

Creative Commons65 est une organisation sans but lucratif basée aux États-Unis proposant une collection de licences et faisant la promotion de licences free of charge66. Via leur site Internet, la sélection de la licence la plus adéquate à ses besoins s’opère en quelques secondes en choisissant dans une grille reprenant les « options » possibles ou en répondant à un questionnaire. Soulignons d’emblée, la qualité formelle des licences Creative Commons, qui offrent une cohérence et une précision remarquable, contrairement aux très nombreuses licences « amateurs ». Elles se veulent ouvertes à tous les types d’œuvre (works), ce qui permet une réelle appropriation par l’auteur quelque soit sa discipline. Toutes les licences proposées par Creative Commons autorisent to copy, distribute, display, and perform the work67, avec les variantes suivantes (et leurs combinaisons) : Attribution, NonCommercial, ShareAlike, Noderivs.68

Par exemple : la Licence NonCommercial, NoDerivs69 ne permet pas l’utilisation commerciale du « travail » ou sa modification. Cette licence ne peut être considérée comme copyleft, mais par contre : la Licence ShareAlike, Attribution70 correspond à une licence proche du copyleft.

63 [En ligne] Adresse URL : http://creativecommons.org 64 [En ligne] Adresse URL : http://www.artlibre.org 65 La traduction est malaisée. Nous préférons ne pas la traduire, mais juste souligner que « commons » signifie dans le cas présent « biens communs ». 66 « Gratuites » 67 De copier, distribuer, diffuser et jouer l’œuvre. » 68 « Attribution, non commercial, partage semblable, pas de dérivé. » « Partage semblable » signifie sous les mêmes termes de licence. 69 [En ligne] Adresse URL : http://creativecommons.org/licenses/nd-nc/1.0/ 70 [En ligne] Adresse URL : http://creativecommons.org/licenses/by-sa/1.0/

38 Miguel Quaremme Une introduction philosophique au copyleft

Rappelons-nous que les dérivés sont permis avec la GPL et même encouragés par la Free Software Foundation. Quant à la GFDL, elle prévoit la possibilité de protéger certaines parties du texte contre les modifications. Il nous semble important de souligner qu’aucune licence Creative Commons n’impose la disponibilité des sources comme le demande la General Public Licence dans son article 3.

a) Fournir le code source complet du programme, sous une forme lisible par un ordinateur et selon les termes des articles 0 et 1, sur un support habituellement utilisé pour l’échange de données ; ou,

b) Faire une offre écrite, valable pendant au moins trois ans, prévoyant de donner à tout tiers qui en fera la demande une copie, sous forme lisible par un ordinateur, du code source correspondant, pour un tarif n’excédant pas le coût de la copie, selon les termes des articles 0 et 1, sur un support couramment utilisé pour l’échange de données informatiques ; ou,

c) Informer le destinataire de l’endroit où le code source peut être obtenu (cette solution n’est recevable que dans le cas d’une distribution non commerciale, et uniquement si vous avez reçu le Programme sous forme de code objet ou exécutable avec l’offre prévue à l’alinéa b) ci-dessus).

Le respect de ces dispositions augmente la portée de la licence dans sa capacité à promouvoir le partage des connaissances. Nous interprétons l’absence de mentions similaires comme une concession au caractère générique des licences Creative Commons, les implications pratiques de l’impératif de disponibilité s’appliquant difficilement aux arts plastiques traditionnels, par exemple à la sculpture. Néanmoins, une indication du type : « dans la mesure du possible vous devez rendre disponible votre travail par des moyens lisibles par un ordinateur » aurait permis de conserver l’esprit du copyleft.

La licence Art Libre, quant à elle, est née d’un mouvement d’artistes contemporains. La communauté Art Libre, très vivace, tend à favoriser l’échange d’œuvres d’arts numériques. La référence au copyleft y est explicite, le mouvement Copyleft Attitude, c’est son nom, ayant inventé un dérivé de la GPL correspondant à leurs attentes d’artistes anticapitalistes71. Nous trouvons un militantisme très affirmé

71 « Aujourd’hui, nous devons surtout nous protéger des marchands extrémistes, nos prédateurs contemporains. Le simple droit d’auteur est impuissant à cela. Le copyleft, c’est la liberté contre le libéralisme. » [En ligne] Adresse URL : http://artlibre.org/copyleft.php/index.html

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et revendiqué, la Licence Art Libre faisant fonction de manifeste. Les listes de diffusion semblent être le moyen de communication privilégié.

La démarche qui a présidé à sa création s’éloigne donc considérablement de Creative Commons (CC). Le contraste entre les deux entreprises permet de mieux cerner la spécificité de la Licence Art Libre

La structure des licences se ressemble, en cela l’influence de la GPL semble prépondérante. Néanmoins, la licence Art Libre possède un préambule cernant les objectifs, l’esprit de la licence qui est absent des licences CC. Il est significatif que les licences issues de mouvements, et d’organisations militantes aient un préambule, la GPL, et aussi la PLoS Open-Access licence en sont de bons exemples. L’ « esprit de la loi » y importe visiblement autant si pas plus que le contrat. Autre différence notable est l’absence dans la licence CC de référence à un droit national, a contrario la licence Art Libre se soumet au droit français, y compris dans les versions étrangères (allemande, italienne, etc.). L’inscription dans un contexte donné semble prépondérante, il n’y a pas la volonté d’internationaliser les effets de la LAL. La GPL ne possède qu’une traduction officielle en japonais, les autres traductions étant officieuse. L’argument principal trouve son origine dans le danger d’une traduction ne tenant pas compte des « subtilités » nationales et mettant en péril l’intégrité de l’ensemble des logiciels sous GPL72. La LAL se termine par un mode d’emploi de la licence. Ce type d’introduction pédagogique à l’usage de la licence est également présente dans la GPL, mais complètement absente de la licence CC. Cette dernière se conclut par une exemption de responsabilité de l’association Creative Commons.

Une remarque importante, par ailleurs traitée dans le site Internet de la communauté Art Libre, concerne l’impossibilité pour les artistes sociétaires de la SACEM73 de mettre leur œuvre sous copyleft.

[...] Tout auteur, auteur-réalisateur, ou compositeur admis à adhérer aux présents Statuts fait apport à la société, du fait même de cette adhésion, en tous pays et pour la durée de la société, du droit

72 Une version française officielle est à l’étude, il semble que les travaux se termineront bientôt. Peut-être en même temps que la nouvelle version de la GPL 73 Société des Auteurs Compositeurs Editeurs de Musique pour la gestion collective du droit d’auteur et de la propriété intellectuelle (organisme français).

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d’autoriser ou d’interdire l’exécution ou la représentation publique de ses œuvres, dès que créées. -- Statuts de la SACEM, Article premier.

« Par cet acte d’adhésion, il s’engage notamment : [...] - de ne conclure aucune convention qui dispose au profit de qui que ce soit des droits dont il a fait apport à la société ; [...] »

-- Règlement général de la SACEM, Chapitre 5 - Règles communes à tous les membres de la société ; I. Devoirs généraux, Article 29.

Nous n’avons pas l’objectif dans ce travail d’étudier les avantages et inconvénients relatifs à l’adhésion à une société de gestion collective des droits d’auteur par rapport au copyleft. Nous supposons que le choix du copyleft est le fait d’artistes qui ne sont pas dans une société de type SACEM. C’est-à-dire probablement des artistes peu connu, « marginaux » n’ayant pas beaucoup d’impact médiatique. Notons pour nuancer ce propos que John Perry Barlow74, membre fondateur de l’Electronic Frontier Foundation citée plus haut, se prononce en faveur du copyleft. L’intéressant est sa participation au Gratefull Dead, célèbre groupe de rock progressif américain, et l’incitation à la copie des chansons du groupe entre les fans. Il s’explique dans un article devenu classique : Vendre du vin sans bouteilles : l’économie de l’esprit sur le réseau global.75

Cette brève analyse de ces deux licences proches du copyleft indique sa complexité juridique. Celle-ci est en partie due à la multiplicité des licences, mais surtout au manque d’une définition juridique du copyleft claire et stable, nous ne pouvons pas donner de caractéristiques explicites. À notre connaissance, il n’existe pas de référence en droit positif au copyleft ou à une expression similaire.

Pour clore ce chapitre sur les licences copyleft ou celles qui en sont proches, nous voudrions attirer l’attention du lecteur sur notre propos du début, c’est-à-dire sur « l’inflation contractuelle ». De plus en plus de contrats sont conclu, et loin d’endiguer le phénomène, le copyleft l’accentue. Il est vain de croire en l’égalité des contractants, les rapports de force toujours présents ne cessent de

74 [En ligne] Adresse URL : http://www.eff.org/~Barlow/ 75 Barlow, Perry. Vendre du vin sans bouteilles : l’économie de l’esprit sur le réseau global. [En ligne] Adresse URL : http://www.freescape.eu.org/eclat/2partie/Barlow/Barlow2.html

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s’accroître. Les moyens pour tirer avantages du contrat sont nombreuses, un exemple typique est le contrat de travail se résumant à : « si vous voulez travailler, signez ! ». L’autre moyen en vogue dans les technologies de l’information et de la communication se présente par la facilité d’adhésion au contrat, un clic de souris suffit à s’engager. Si la pratique est d’une légalité douteuse, actuellement, tant les éditeurs traditionnels que les lobbies du copyleft désirent que cela soit pleinement légal. Le risque sous-jacent est la banalisation du « tout contrat », en oubliant le rôle régulateur des lois. Ce serait une reconnaissance implicite de la « véracité » des thèses, par ailleurs vivement critiquées, du néo-libéralisme.

Nous avons été particulièrement consterné dans nos recherches, de l’absence de remise en cause juridique du droit d’auteur. Ponctuellement, on observe une négation totale, insuffisante et intenable en pratique. Il y a une utilisation dévoyée du copyright et une affirmation de sa portée, mais pas de texte alternatif, une nouvelle loi devant se substituer à celle ayant cours actuellement. En quelque sorte, une redéfinition complète de ce que doit être le copyright.À l’inverse, les lobbies néo-libéraux sont extrêmement actifs et productifs législativement. Nous supposons que la faiblesse de la réaction législative est proportionnelle à la résistance nécessaire aux textes néo-libéraux. La conservation des « acquis » fait office de victoire. Les relais politiques restent confidentiels, mais petit à petit certaines dispositions, certaines prises en considération tendent à reconnaître les logiciels libres et le mouvement copyleft en général comme une alternative crédible.

42 Miguel Quaremme Une introduction philosophique au copyleft

« Every generation has its philosopher – a writer or an artist who captures the imagination of a time. Sometimes these philosophers are recognized as such ; often it takes generations before the connection is made real. But recognized or not, a time gets marked by the people who speak its ideals, whether in the whisper of a poem, or the blast of a political movement. Our generation has a philosopher. He is not an artist, or a professional writer. He is a programmer. » Lawrence Lessig

Chapitre 4 Aux origines philosophiques du Copyleft

À cette époque d’abus de langage, où le mot « philosophie » est dévoyé, et sert autant à du marketing de marchand de chaussures qu’à des émissions de télévision, un projet de système d’exploitation informatique peut-il se révéler philosophique ?

Constatant la multiplicité des définitions de la philosophie et ne désirant pas entrer dans un débat long, complexe et ardu, nous avons choisi une des définitions d’un dictionnaire usuel qui nous semble classique, ouverte et finalement peu polémique, mais, néanmoins pleine de sens. La définition du « Petit Robert » convient à cet exposé.

Philosophie : Ensemble de considérations tendant à ramener une branche de connaissances ou d’activité humaine à un petit nombre de principes généraux.76

Le manque de systématisme et d’unité dans la présentation de concepts du copyleft représente probablement les raisons principales de l’absence d’une doctrine. Néanmoins, ces concepts sont suffisamment élaborés pour former un tout dont les parties trouvent une cohérence et une identité

76 Dictionnaire « le nouveau Petit Robert », 2002.

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commune. Rappelons que nous associons, trop souvent, une doctrine à un philosophe particulier, créateur d’une œuvre philosophique unique. Le simplisme « pédagogique » ou « historique » permet sans doute une transmission facilitée du savoir mais ne résiste pas à l’analyse. Et plongé dans les sources, nous nous retrouvons dans la complexité et la pluralité. Œuvre collective par excellence, le projet GNU multiplie les points de vue, les volontés et les angles possibles d’étude.

Dès lors, il peut sembler illégitime de rapprocher trop explicitement le copyleft d’une doctrine philosophique « classique » ou d’une personne particulière. Pour justifier cette position, plusieurs arguments existent ; le premier, comme nous l’avons souligné à maintes reprises, le nombre et l’hétérogénéité des participants au copyleft ne permettent pas de cerner une influence particulière ; le deuxième, la nouveauté du copyleft et son inachèvement ; et le troisième, la philosophie « involontaire », c’est-à-dire, la plupart des intervenants ne sont pas conscients qu’ils philosophent, comme Monsieur Jourdain qui ne savait pas qu’il faisait de la prose. Concernant la « philosophie involontaire », nous devons préciser que le projet GNU a une partie philosophique sur son site Internet77, mais les articles regroupés proposent des pensées diverses parfois éloignées de ce que nous avons défini comme philosophie. Par ailleurs, certains intervenants se posent des questions philosophiques, émettent des considérations véritablement philosophiques sans que cela ne soit voulu comme tel.

Nonobstant les arguments cités ci-dessus, le projet GNU a un fondateur charismatique, lu et fédérateur, Richard Stallman, qui se réfère régulièrement à des philosophies, des courants de pensée. Au début du projet GNU, il écrit un manifeste78 qui dans la forme s’éloigne d’un manifeste politique ou artistique, mais qui défini les bases argumentatives et philosophiques du projet GNU et du copyleft. Dès lors, il serait dommage d’écarter des pistes pour comprendre le copyleft et ses fondements. L’analyse de ce texte nous permet de dégager les concepts centraux, les lignes de force et les faiblesses du copyleft. Il servira de fil conducteur, mais sachant qu’il se situe au début de l’histoire, nous l’augmenterons d’autres textes et d’une mise en perspective avec des écrits plus traditionnels de la philosophie.

77 [En ligne] Adresse URL : http://www.gnu.org/philosophy/ 78 [En ligne] Adresse URL : http http://www.gnu.org/gnu/manifesto.fr.html. Une copie de ce texte se trouve en annexe.

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4.1 Le Manifeste GNU

Un manifeste ! Manifestation étrange pour un informaticien. Ce genre d’ouvrage s’écrit généralement pour lancer un mouvement artistique ou politique. Saint IGNUcius79 a-t-il eu la Révélation face à l’imprimante ?

L’histoire donne raison à Richard Stallman, le projet GNU, et à sa suite le copyleft sont devenus un mouvement qui dépasse largement le cadre de l’informatique. Et ce n’est pas devenu une secte80. En 1985, lorsqu’il écrit le Manifeste GNU, son projet est embryonnaire et il est ardu de préjuger de l’évolution de l’informatique, lato sensu. Malgré tout, au fil du temps, il attire un nombre croissant de personnes venues d’horizons très différents. La cause est simple : Richard Stallman réinterprète une série de concepts plus anciens, mais qui correspondent à une attente actuelle.

À première vue le Manifeste GNU est un jeu de questions-réponses comme nous en trouvons sur n’importe quel site d’internet81. À la différence des FAQ, le texte a une véritable construction argumentative, mais d’un abord aisé. Force est de constater la pédagogie de la méthode. Platon dans ses discours, pour nommer un illustre prédécesseur, l’utilisait déjà quelques années avant Richard Stallman avec un certain succès.

Cette construction du discours permet une fluidité proche du dialogue oral, une proximité avec le lecteur, renforcée dans le Manifeste par l’utilisation de la première personne du singulier. C’est le ton personnel de celui qui s’adresse à son interlocuteur. La subjectivité assumée de l’écrit soutient la thèse de la relation humaine défendue dans le texte. Il y a adéquation entre la façon d’exprimer et le sens de l’expression. Nous pouvons retrouver le ton « personnel » dans la plupart des textes de Richard Stallman, mais cela ne se rencontre pas chez les autres auteurs du copyleft ou des logiciels libres. Ce décalage souvent souligné, tant par ses défenseurs que par ses détracteurs, est probablement une des clés de la qualité de la rhétorique de Richard Stallman.

79 Surnom parodique de Richard Stallman. [En ligne] Adresse URL : http://www. Stallman.org/. 80 Une église Emacs existe, elle a été créée par des admirateurs de ce logiciel. [En ligne] Adresse URL : http:// www.dina.kvl.dk/~abraham/religion/. 81 Les Frequently Ask Questions ou FAQ sont très répandues sur l’Internet. Elles servent à donner des réponses aux questions les plus fréquemment posées, en général des questions triviales.

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La « marginalité » du personnage se retrouve dans une série de comportements qu’il met en scène avec humour. Par delà l’anecdote, essayons dans cette parenthèse de mieux la comprendre et de voir en quoi elle montre quelque chose du copyleft. Richard Stallman enlève régulièrement ses chaussures pour parler en public82. Imaginez un homme, la cinquantaine bedonnante, les cheveux longs et hirsutes, habillé d’un maillot de corps et de sandales, qui se déchausse devant plus de mille personnes pour donner une conférence. Immanquablement, il est drôle et perd d’emblée toute crédibilité. Le paradoxe est que cela sert son propos. Le message que Richard Stallman adresse à l’assistance est : « Soyez vous-mêmes, n’ayez pas peur du ridicule, car si vous dites des choses intéressantes, elles seront écoutées ». Ainsi énoncé, la banalité du message est troublante, mais replacé dans la réalité quotidienne, il prend une radicalité rare. Il est impensable d’imaginer un présentateur de journal télévisé arriver sur le plateau en maillot de corps et d’enlever, entre deux massacres, ses sandales. Pour prendre un exemple de la réalité académique, l’attitude du recteur ne se coupant plus les cheveux et la barbe jusqu’à la fin de son mandat et portant une chemise hawaïenne serait perçue comme en décalage par rapport à sa fonction. Nous sommes conditionnés à attendre certains comportements ou attitudes de nos interlocuteurs et suivant leur position sociale, le schéma se renforce par l’absence de contre-exemple. Richard Stallman fait preuve d’une radicalité rare, le copyleft aussi.

Le Manifeste GNU a pour objectif déclaré de rallier les développeurs au projet GNU qui, rappelons- le, n’est qu’un projet informatique. Et s’il ne parle quasiment que d’un système informatique, son projet est plus ambitieux dans ses corollaires et, comme nous l’avons vu, la licence GPL est stricte. La justification s’étend au fil du Manifeste GNU. Suivons-le, dans un premier temps, en soulignant les « moments » importants. Ensuite, ayant fait émerger les concepts, nous les expliquerons.83

Nous commençons le texte à la deuxième question. Après avoir décrit ce qu’est GNU R. Stallman répond à la question : Why I must write GNU ?84

82 Nous avons été personnellement témoin d’un « enlevage de chaussure » à l’ULB lors d’une conférence donnée dans le cadre du FOSDEM (Free and Open Source Software Developers’ Meeting) en 2003. [En ligne] Adresse URL : http://www.fosdem.org/. 83 Dans la plupart des cas, nous avons suivi les traductions « officielles » en français. Dans le cas du Manifeste, la traduction nous semble trop bâclée et imparfaite pour être utilisée comme telle. Nous conservons la version originale et nous traduisons en bas de page. 84 « Pourquoi suis-je obligé moralement d’écrire GNU ? »

46 Miguel Quaremme Une introduction philosophique au copyleft

I consider that the golden rule85 requires that if I like a program I must share it with other people who like it.86

S’il nous est loisible de partager notre création avec qui bon nous semble, de facto, nos créations sont parfois produites, dans un cadre institutionnel qui ne nous le permet pas juridiquement, dans le cas de Stallman, il s’agit du laboratoire d’intelligence artificielle du Massachusetts Institute of Technology87. La phrase de R. Stallman doit donc être considérée comme une généralisation du principe : quelque soit ma position, mon travail, les contraintes imposées par l’organisation, je dois pouvoir partager les œuvres (les programmes) que je crée. Rien ne doit entraver la possibilité du partage ! L’autre étant perçu comme une personne susceptible d’aimer mon programme, c’est mon ami.

Software sellers want to divide the users and conquer them, making each user agree not to share with others. I refuse to break solidarity with other users in this way.88

L’ennemi, celui qui divise pour régner, qui brise la solidarité, c’est le marchand (de logiciel). Il faut refuser d’entrer dans le jeu des marchands.

I have decided to put together a sufficient body of free software so that I will be able to get along without any software that is not free89

La situation oblige à une réaction suffisante pour être autonome et pour que chacun puisse rencontrer cette indépendance, il faut constituer un fond de ressources libres (de logiciels libres) accessible à tous.

How GNU Will Be Available?

85 Référence à l’impératif catégorique Kantien, voir plus bas. 86 « Je considère que la règle d’or est que, si j’aime un programme, je dois le partager avec d’autres qui l’aiment ». 87 Etablissement universitaire américain très prestigieux, il est situé à proximité de Boston. 88 « Les vendeurs de logiciels veulent diviser les utilisateurs et les conquérir, faisant que chaque utilisateur accepte de ne pas partager avec d’autres. Je refuse de rompre la solidarité avec les autres utilisateurs de cette manière. » 89 « J’ai décidé de rassembler un corpus suffisant de logiciels libres, comme ça je pourrais me débrouiller sans logiciels non libres. »

47 Miguel Quaremme Une introduction philosophique au copyleft

GNU is not in the public domain. Everyone will be permitted to modify and redistribute GNU, but no distributor will be allowed to restrict its further redistribution. That is to say, proprietary modifications will not be allowed. I want to make sure that all versions of GNU remain free.90

C’est une définition primitive, mais essentielle du copyleft, avec son refus explicite de mettre les œuvres dans le domaine public et donc de perdre la protection du copyright.

Why Many Other Programmers Want to Help?

The fundamental act of friendship among programmers is the sharing of programs ; marketing arrangements now typically used essentially forbid programmers to treat others as friends91

Stallman dénonce celui qui empêche le créateur (le programmeur) d’agir suivant son désir, dans sa relation avec ses collègues, avec les autres, il devrait être privé d’agir comme un ami. R. Stallman insistant sur les pratiques commerciales courantes qui vont à l’encontre de l’amitié « fondamentale ».

By working on and using GNU rather than proprietary programs, we can be hospitable to everyone and obey the law.92

Ici, on remarque la préoccupation de concilier la légalité et la morale. L’expression de ce souci sera bien entendu la licence GNU et plus généralement, les licences « copyleftées ».

This can give us a feeling of harmony which is impossible if we use software that is not free.93

90 « Comment GNU sera-t-il disponible ? GNU n’est pas dans le domaine public. Tout le monde aura la permission de modifier et redistribuer GNU, mais aucun distributeur ne pourra restreindre ces futures redistributions. C’est-à-dire, que des modifications propriétaires ne seront pas permises. Je veux m’assurer que toutes les versions de GNU restent libres. » 91 « Pourquoi tant de programmeurs veulent participer ? L’acte fondamental d’une amitié entre des programmeurs est le partage des programmes ; maintenant, les arrangements commerciaux habituellement utilisés interdisent aux programmeurs de considérer les autres comme des amis. » 92 « En utilisant GNU plutôt que des programmes propriétaires, nous pouvons être amicaux envers tout le monde tout en respectant la loi. » 93 « Cela peut nous donner un sentiment d’harmonie qui est impossible si nous n’utilisons pas des logiciels libres. »

48 Miguel Quaremme Une introduction philosophique au copyleft

La phrase est lyrique, mais elle donne un objectif supérieur au projet GNU, l’harmonie. En faisant un pas que R. Stallman ne fait pas, nous pourrions dire le bonheur. Soulignons la notion de collectivité sous-tendue par l’harmonie, être en accord avec ceux qui nous entourent, avec notre pratique (collective).

How You Can Contribute?94

Rappelons que le Manifeste est un appel à la participation au projet GNU. Les aspects techniques, qui ne sont pas abordés dans cette analyse, sont censés convaincre les développeurs.

Why All Computer Users Will Benefit?95

Il y a un saut dans le discours, R Stallman parle des programmeurs, ensuite de tous les utilisateurs d’ordinateurs. Il ne s’adresse plus à une profession, mais à tous. Le copyleft doit bénéficier à chacun d’entre nous.

This means much more than just saving everyone the price of a Unix license. It means that much wasteful duplication of system programming effort will be avoided. This effort can go instead into advancing the state of the art.96

Si nous ne devons pas réinventer la roue à chaque nouveauté, nous économisons un temps précieux. C’est également un projet de progrès de la technique.

Users will no longer be at the mercy of one programmer or company which owns the sources and is in sole position to make changes.97

94 « Comment pouvez-vous contribuer ? » 95 « Pourquoi tous les utilisateurs d’ordinateurs en bénéficieront-ils ? » 96 « Ceci représente beaucoup plus que l’économie d’une licence Unix. Cela signifie que beaucoup de doublons inutiles dans le travail de programmation pourront être évités. Cet effort pourra plutôt contribuer à l’avancement du progrès (technique). » 97 « Les utilisateurs ne seront plus à la merci d’une seule personne ou d’une seule société qui possède les sources du programme et qui a le monopole de pouvoir effectuer des changements. »

49 Miguel Quaremme Une introduction philosophique au copyleft

Il faut faire en sorte que la connaissance ne soit pas monopolisée, mais au contraire largement diffusée. Avec comme corollaire :

Schools will be able to provide a much more educational environment by encouraging all students to study and improve the system code.98

L’accès à la façon dont est conçu un programme, et a fortiori de tous les processus complexes, représente la condition sine qua non pour sa compréhension. La « dissection » étant une technique essentielle de l’enseignement.

Arrangements to make people pay for using a program, including licensing of copies, always incur a tremendous cost to society through the cumbersome mechanisms necessary to figure out how much (that is, which programs) a person must pay for. And only a police state can force everyone to obey them.99

Les récentes déclarations de parlementaires américains prônant une sévère répression pour les personnes téléchargeant illégalement des copies de chansons rendent actuel cet argument100. On peut également se référer au cas de Dimitri Sklyarov101 emprisonné aux États-Unis pour avoir découvert l’algorithme de cryptage d’un logiciel.

« Don’t programmers deserve a reward for their creativity? »

If anything deserves a reward, it is social contribution. Creativity can be a social contribution, but only in so far as society is free to use the results. If programmers deserve to be rewarded for creating

98 « Les écoles pourront fournir un milieu beaucoup plus pédagogique en encourageant tous les étudiants à analyser et à améliorer le code du système. » 99 « Les mesures pour faire payer les licences des programmes et de leurs copies génèrent toujours un coût important pour la société en général, à cause des mécanismes nécessaires pour calculer combien (c’est-à- dire quels programmes) chacun doit payer. Et il faudrait un État policier pour les appliquer parfaitement. » 100 ACCOPS (Authors, Consumer and Computer Owner Protection and Security law) [En ligne] Adresse URL : http://thomas.loc.gov/cgi-bin/query/z?c108 :H.R.2752. 101 . L’histoire et les liens pertinents peuvent être trouvés sur ce site. [En ligne] Adresse URL : http://www. freesklyarov.org/

50 Miguel Quaremme Une introduction philosophique au copyleft

innovative programs, by the same token they deserve to be punished if they restrict the use of these programs.102

Stallman répond à Some Easily Rebutted Objections to GNU’s Goals103 et notamment, ce qui est pour beaucoup le fondement des droits d’auteur, à savoir la récompense garantie par la société pour son progrès et sa richesse.

The reason a good citizen does not use such destructive means to become wealthier is that, if everyone

did so, we would all become poorer from the mutual destructiveness. This is Kantian ethics ; or, the Golden Rule. Since I do not like the consequences that result if everyone hoards information, I am required to consider it wrong for one to do so. Specifically, the desire to be rewarded for one’s creativity does not justify depriving the world in general of all or part of that creativity.104

La référence à Kant et l’exemple cité semblent adéquats. Remarquons que la formulation, l’impératif catégorique subi quelques altérations par rapport à la version traditionnelle. La formule consacrée en français étant : Agis uniquement d’après la maxime qui fait que tu peux vouloir en même temps qu’elle devienne une loi universelle. Le terme « Golden rule » se retrouve en anglais, mais est absent de notre vocabulaire pour désigner l’impératif catégorique. Il ne s’agit donc pas d’une erreur de la part de Richard Stallman.

Probably programming will not be as lucrative on the new basis as it is now.105

102 « Les programmeurs ne méritent-ils pas d’être récompensés pour leur créativité ? Si quelque chose mérite une récompense, c’est la contribution sociale. La créativité peut être une contribution sociale, mais seulement tant que la société est libre d’en utiliser les résultats. Si les programmeurs méritent d’être récompensés pour la création de logiciels innovants, de même, ils méritent d’être punis s’ils limitent l’utilisation de leurs programmes. » 103 « Quelques objections aux buts du projet GNU facilement réfutées » 104 « La raison pour laquelle un bon citoyen ne doit pas utiliser de telles méthodes destructrices pour augmenter sa richesse personnelle est que si tout le monde faisait de même, il y aurait un appauvrissement général dû à la destruction mutuelle. C’est ce que l’on appelle l’éthique Kantienne, ou la Règle d’or. Puisque je n’apprécie pas les conséquences qui adviennent si tout le monde fait de la rétention d’informations, je ne dois pas trouver acceptable qu’un individu le fasse. Plus précisément, le désir d’être récompensé pour sa création ne justifie pas que l’on prive le monde en général de toute ou partie de cette créativité. » 105 « Probablement que la programmation ne sera pas aussi lucrative dans les nouvelles conditions qu’elle ne l’est maintenant »

51 Miguel Quaremme Une introduction philosophique au copyleft

À la question « est-ce que les programmeurs vont mourir de faim ? » Stallman avance un ensemble de considérations allant dans un sens rarement soutenu. En tant que créateur (programmeur), nous gagnerons moins si nous suivons le copyleft. Voilà brisé, « l’American Dream ».106

Don’t people have a right to control how their creativity is used?107

Le Manifeste s’oriente dans une approche « copyright » du droit d’auteur, quoi de plus normal s’agissant d’un projet originaire d’Amérique. Dans nos traditions issues du droit d’auteur, le droit moral de l’auteur revêt une considération plus grande. Retenons de la réponse que

The kinds of supposed intellectual property rights that the government recognizes were created by specific acts of legislation for specific purposes.108

All intellectual property rights are just licenses granted by society because it was thought, rightly or wrongly, that society as a whole would benefit by granting them.109

Ce qui met en doute la notion de propriété intellectuelle, ainsi que l’équilibre entre la société (les utilisateurs) et le créateur qui obtient un monopole sur sa création.

Les quatre dernières questions-réponses présentent une défense de l’état providence et une attaque contre le capitalisme.

The paradigm of competition is a race : by rewarding the winner, we encourage everyone to run faster. When capitalism really works this way, it does a good job ; but its defenders are wrong in assuming it always works this way. If the runners forget why the reward is offered and become intent

106 [Khun, Bradley M. The GNU GPL and the American Dream. 2001 [En ligne] Adresse URL : http://www. gnu.org/philosophy/gpl-american-dream.html 107 « Les personnes n’ont-elles pas le droit de contrôler comment leur créativité est employée ? » 108 « Les soi-disant genres de propriété intellectuelle reconnus par le gouvernement ont été créés par des actes législatifs précis dans des buts bien précis. » 109 « Tous les droits des biens intellectuels ne sont que des licences accordées par la société parce qu’on pensait, à tort ou à raison, que la société dans son ensemble, en les accordant, en serait bénéficiaire. »

52 Miguel Quaremme Une introduction philosophique au copyleft

on winning, no matter how, they may find other strategies--such as, attacking other runners. If the runners get into a fist fight, they will all finish late.110

Cette métaphore de la compétition, aussi simple soit-elle, souligne l’importance dans la théorie du capitalisme du respect de ses règles du jeu et de ses enjeux. Il est fort probable que la dérive décrite par Richard Stallman est le néo-libéralisme.

All sorts of development can be funded with a Software Tax. Suppose everyone who buys a computer has to pay x percent of the price as a software tax. The government gives this to an agency like the NSF111 to spend on software development.112

Des taxes existent sur les logiciels, les fonds recueillis à l’instar des taxes sur la plupart des biens de consommation vont dans « les caisses de l’état ». Des taxes spéciales sont en vigueur sur les machines, elles visent à compenser le « manque à gagner » dû aux personnes effectuant des copies illicites d’œuvres protégées par le droit d’auteur113 ou à cotiser pour le recyclage du matériel.114 Nous sommes donc loin de ce que prône Stallman, en l’occurrence la recherche scientifique en informatique.

In the long run, making programs free is a step toward the post-scarcity world, where nobody will have to work very hard just to make a living.115

110 « Le paradigme de la compétition est une course : en récompensant le vainqueur, nous encourageons tout le monde à courir plus vite. Quand le capitalisme fonctionne réellement de cette façon, tout marche bien ; mais ses partisans se trompent s’ils pensent que cela fonctionne toujours de cette façon. Si les coureurs oublient le pourquoi de la récompense, et deviennent obsédés par la victoire, quelles que soient les méthodes employées, ils risquent de trouver d’autres stratégies telles qu’agresser les autres concurrents. Si tous les coureurs s’engageaient dans un combat, ils finiraient tous en retard. » 111 NSF est l’acronyme de National Science Foundation. C’est l’équivalant américain du Fond National de la Recherche Scientifique belge (FNRS) ou du Centre National de la Recherche Scientifique français (CNRS). 112 « Toutes sortes de développement pourraient être financés avec une taxe sur les logiciels. Supposons que chaque personne qui achète un ordinateur doive payer x pour cent du prix en tant que taxe sur les logiciels. Le gouvernement reverserait cette somme à un organisme tel que la NSF pour subvenir au développement de logiciels. » 113 [En ligne] Adresse URL : http://www.auvibel.be/ 114 [En ligne] Adresse URL : http://www.recupel.be 115 « En fin de compte, rendre des programmes libres est une étape vers le monde de post-pénurie, où personne ne devra travailler très dur juste pour vivre. »

53 Miguel Quaremme Une introduction philosophique au copyleft

We must do this, in order for technical gains in productivity to translate into less work for us.116

Désaliéner l’homme du travail. Que l’augmentation de la productivité ne profite pas au capital, mais au bien-être de tout un chacun. Le projet GNU n’étant qu’une étape pour y parvenir. Ces dernières phrases placent, derechef, le projet GNU dans un projet de société.

Les arguments développés dans le manifeste que nous venons de parcourir et la portée de ceux-ci méritent qu’on s’y attarde. Néanmoins, ils ne seraient pas complets et pleinement compréhensibles sans l’apport de textes ultérieurs de R. Stallman ou d’autres membres du mouvement du Copyleft, ainsi que de quelques explications historico philosophiques.

4.2 L’impératif catégorique Kantien.

Comme souligné plus haut, Kant sert de référence à Richard Stallman pour fonder son éthique. Le souci de morale du Manifeste GNU se retrouve dans tous les textes du copyleft. Il est probablement le point de divergence et d’émergence du copyleft.

Kant117, philosophe allemand rigoureux et profond, nous livre une œuvre dense et vaste. Né en 1724, il meurt en 1804. Généralement assimilé à la philosophie des « Lumières »118 qui se caractérise par son humanisme, son progressisme et par sa foi dans la liberté et la raison, il est le créateur d’une philosophie originale qui a marqué profondément l’histoire de la pensée. Ses ouvrages les plus importants sont La Critique de la Raison Pure, La Critique de la Raison Pratique et La Critique de la Faculté de Juger.

Dans son livre La Critique de la Faculté de Juger, il aborde la question de la morale. Kant suppose une sensibilité morale en chacun de nous qui n’est pas dépendante de l’instruction ou de la science.

116 « Nous devons faire cela, afin que les gains de productivité se traduisent en moins d’heures de travail pour nous. » 117 Pour cette explication de l’impératif catégorique, nous nous basons sur le livre de Hottois, Gilbert. Introduction historique à la philosophie contemporaine. Bruxelles, De Boeck Université, collection Le Point philosophique, 1996 118 Ce qui se traduit par « aufklärung » en allemand.

54 Miguel Quaremme Une introduction philosophique au copyleft

Le problème est de savoir qu’est-ce qui est bon en-soi et pour soi, « comment reconnaître ce qui est moral ? » Kant exclu tout ce qui peut être mal utilisé ce qui correspond à la plupart des qualités, dispositions, talents, richesses, etc. Il ne reste plus que la bonne volonté, c’est-à-dire le fait de vouloir le bien en lui-même et pour lui-même. Il faut donc agir par devoir (par respect de la loi morale), dans la bonne volonté et avec une bonne intention, à savoir l’intention de faire quelque chose de bien, ce qui est primordial pour Kant. La loi morale est différente de la loi causale naturelle. Nous ne sommes pas obligé de suivre la loi morale comme la pomme suit la loi de la gravitation. La loi morale est propre à l’homme en tant qu’être libre et rationnel. Pour agir moralement, nous devons nous représenter ce qu’est la loi morale, celle-ci devant être universelle (pour tous) et formelle (sans référence factuelle). Kant appelle ce type de loi un impératif. L’impératif catégorique s’oppose à l’impératif hypothétique, ce dernier étant conditionnel (si je veux ceci alors, je dois faire cela), tandis que l’impératif catégorique est inconditionnel et donc authentiquement moral (il n’est pas lié à une valeur extérieure à lui-même).

L’impératif catégorique serait [l’impératif] qui représenterait une action comme objectivement nécessaire en elle-même indépendamment de tout autre but119.

Nous en arrivons aux deux formulations principales de l’impératif catégorique :

Agis uniquement d’après la maxime qui fait que tu peux vouloir en même temps qu’elle devienne une loi universelle.

Agis de telle sorte que tu traites l’humanité aussi bien dans ta personne que la personne d’autrui toujours en même temps comme une fin, et jamais simplement comme moyen.

Pour agir moralement selon Kant, il faut confronter sa volonté et ses actions à l’universalisation de ses principes sans que cela soit contradictoire ou autodestructeur. Et considérer les hommes, y compris soi-même, toujours comme des fins en soi, c’est-à-dire ne pas les instrumentaliser, les mettre en esclavage ou ne viser que son intérêt personnel dans l’autre. Voir dans l’humain son humanité

119 Kant, Emmanuel. Fondements de la métaphysique des mœurs. Paris, Nathan, Collection : Intégrales, 1998

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et l’envisager comme un être de raison et de liberté. Ce qui n’exclut pas de le considérer comme un moyen, mais sans jamais exclure l’humain.

Les conséquences et l’influence de ces énoncés sont énormes. Il serait improbable de pouvoir les aborder même succinctement dans ce travail. Néanmoins, examinons l’écho que cette théorie trouve dans le copyleft. Le Manifeste GNU se référant explicitement à la première formulation de l’impératif catégorique, mais pas à la deuxième. Voyons si nous pouvons confronter le copyleft à l’universalisation et à l’humain toujours comme libre et raisonnable.

This is Kantian ethics ; or, the Golden Rule. Since I do not like the consequences that result if everyone hoards

information, I am required to consider it wrong for one to do so.120

La référence à l’impératif catégorique est explicite, malheureusement, la phrase de Stallman ne se présente pas comme une maxime valable. La maxime devant être plus formelle et universelle, nous la reformulons sans trahir l’esprit pour mieux la confronter à l’impératif : « Je ne dois pas limiter la liberté de jouissance des créations intellectuelles ». Telle pourrait être une des maximes « Kantiennes » du copyleft. L’universalisation de cette maxime ne pose aucun problème. Tout le monde pourrait l’appliquer sans que cela ne soit autodestructeur ou contradictoire.

Réfutons immédiatement l’argument concernant les secrets des armes chimiques ou autres « créations destructrices ». Il convient de distinguer la liberté de jouissance et l’usage qui en est fait. Pour prendre un exemple trivial, ce n’est pas la théorie d’Einstein qui est responsable de la bombe atomique, mais l’usage immoral que le projet Manhattan121 en a fait. Les humains qui reçoivent la liberté, la raison et la sensibilité morale, rappelons-le, sont également dans l’obligation de se comporter moralement et donc, de viser à remplir les conditions de l’impératif catégorique.

120 « C’est ce que l’on appelle l’éthique Kantienne, ou la Règle d’or. Puisque je n’apprécie pas les conséquences qui adviennent si tout le monde fait de la rétention d’informations, je ne dois pas trouver acceptable qu’un individu le fasse. » 121 Le « projet Manhattan » est le projet secret que les américains (bien que beaucoup de scientifiques furent d’origine européenne) ont mené durant la deuxième guerre mondiale pour la création de la bombe atomique.

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Pour prendre un exemple dans l’informatique : les failles de sécurité des logiciels doivent-elles être communiquées ou non ? La communauté du logiciel libre a largement répondu à la question en créant des outils de suivi des « bugs » et en rendant leur consultation publique. À l’inverse, nombre d’éditeurs de logiciels gardent les failles de sécurité secrètes et distribuent des correctifs a posteriori.

L’exemple des failles informatiques nous donne à voir la mise en pratique de l’impératif (« l’agir par devoir » actualisé dans les faits). Il est plus facile de cacher les vices des programmes et tenter de les résoudre lorsqu’ils présentent un danger immédiat. Cela coûte en temps et en énergie, voire en humilité de la part des programmeurs de mettre à la vue de tous les dessous de leur création. Signe du respect de la loi morale, la difficulté de l’action se trouve au coeur de la pensée rigoureuse de Kant. La critique, s’adressant à ces pratiques, se situe dans leurs origines pouvant être assimilées à un effet de mode. Sans nier la pertinence de cet argument, ni sa justesse, nous préférons parler d’intériorisation de la règle, comme une sorte de nouveau paradigme moral. Paradigme de profession, travailler moralement c’est partager des programmes.

I consider that the golden rule requires that if I like a program I must share it with other people who like it.122

Le choix du copyleft est et reste une option, la valorisation dans certains milieux ne saurait nous faire oublier la pensée dominante123 qui s’oppose violemment à ce type de pratique. Et s’il y a une intériorisation, un passage dans les moeurs, ce qu’il faudrait démontrer, la réflexion qu’impose le choix est la marque de l’homme libre. La radicalité que nous évoquons en début de chapitre se trouve dans l’adoption d’une attitude morale souvent ardue à assumer en société.

Specifically, the desire to be rewarded for one’s creativity does not justify depriving the world in general of all or part of that creativity.

Probably programming will not be as lucrative on the new basis as it is now.124

122 Cité plus haut in Stallman, Richard. The GNU Manifesto. 1984. [En ligne] Adresse URL : http://www.gnu. org/gnu/manifesto.html 123 Le néo-libéralisme. 124 « Plus précisément, le désir d’être récompensé pour sa création ne justifie pas que l’on prive le monde en général de toute ou partie de cette créativité. Probablement que la programmation ne sera pas aussi lucrative

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Pour Stallman, la perspective d’une rémunération moindre ne peut pas être un motif rédhibitoire, mais il ne prône pas un ascétisme quelconque, en un mot : pas besoin d’être pauvre pour être moral. Nous assistons plutôt à une évacuation de l’aspect économique du champ de la morale. Ce qui, insistons encore une fois, est accepté intellectuellement, en général, mais ne résiste pas à la pratique.

Remarquons la distinction entre l’Open Source, telle que défendu par l’Open Source Initiative, et le copyleft qui met en relief ce que nous venons de dire. Cette différence essentielle a été développée par Stallman dans un article Why « Free Software » is better than « Open Source »125, dans lequel il revient sur l’ambiguïté en anglais du terme free software et le caractère « moral » du copyleft en opposition avec la conception « utilitariste » prônée par l’OSI.

The main argument for the term « Open Source software » is that « free software » makes some people uneasy. That’s true : talking about freedom, about ethical issues, about responsibilities as well as convenience, is asking people to think about things they might rather ignore. This can trigger discomfort, and some people may reject the idea for that. It. does not follow that society would be better off if we stop talking about these things.126

Lourd constat posé par Stallman, mais également par Eric Raymond et ses collègues de l’OSI127. Même constat, solution différente. Ne doutons pas de la bonne foi de E.Raymond , animé de bonnes intentions et tentant de populariser l’Open Source. Malheureusement, l’OSI fait fi du principal : la maxime du copyleft et ses corollaires. L’attachement aux valeurs morales, à l’intention bonne tend à disparaître dans un « pragmatisme utilitariste », il n’est pas douteux de penser que la plupart des personnes confrontées à l’alternative copyleft renoncent à cette voie par désintérêt de la chose morale. Sans vouloir rentrer trop avant dans des considérations sociologiques, nous croyons à l’instar de Stallman que les gens préfèrent ne pas réfléchir, et que réserver la morale à la sphère privée

dans les nouvelles conditions qu’elle ne l’est maintenant » 125 Stallman, Richard. Why « Free Software » is better than « Open Source ». 1999, [En ligne] Adresse en ligne http://www.gnu.org/philosophy/free-software-for-freedom.html 126 « L’argument principal pour le terme « Open Source » est que « free software » rend certaines personnes méfiantes. C’est vrai : parler de liberté, de questions éthiques, de responsabilités aussi bien que de convenance, c’est demander aux gens de réfléchir à des choses qu’ils préféreraient mieux ignorer ; cela peut induire une certaine gêne. Mais nous ne rendrions pas la société meilleure si nous arrêtions de parler de ces choses. » 127 Acronyme de l’Open Source Initiative

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permet une économie de réflexion. Il est probable qu’une décision radicale soit perçue comme un défi à l’institution plutôt qu’une application d’un impératif moral, fusse-t-il légitime. La discussion sur la légitimité de ses convictions n’entrant jamais dans le cadre de l’entreprise, comme si (il s’agit de feindre) le commerce appliquait des lois naturelles immuables, ontologiques et supérieures qui ne relèvent pas de la morale. Et finalement, en niant l’action de la volonté humaine, nous nions par là même notre condition d’être libre et rationnelle.

Instaurer la réflexion, y compris dans les démarches commerciales, nous renvoie à la seconde formule de l’impératif catégorique, Agis de telle sorte que tu traites l’humanité aussi (...). Vouloir que l’autre réfléchisse, c’est reconnaître en l’autre l’humain libre et rationnel. Ne pas le viser comme instrument, mais bien attendre de lui d’être un sujet de la société qui agit pour la rendre meilleure. Le projet GNU se veut émancipateur, en incitant les gens à se positionner, de préférence du côté moral. L’obligation de l’ouverture du code source renvoie à ce même impératif. Symboliquement et pratiquement, mettre à disposition la possibilité de la critique, du jugement, dévoiler la réalité du développement est pour un créateur un acte difficile, mais c’est le geste qui reconnaît dans l’autre la personne capable d’analyse, de raison.

Le manifeste ouvre une perspective qui dépasse largement le cadre de l’informatique, et qui inscrit le mouvement GNU dans une autre dimension. Le copyleft comme concept plus vaste semble refléter les positions du projet GNU comme un mouvement de réinscription du citoyen dans une morale radicalement morale, au sens Kantien du terme.

4.3 L’esprit des Lumières.

Comme nous venons de le voir, Kant a une influence importante et essentielle dans la philosophie du projet GNU et sur les concepts du copyleft. Kant faisait partie d’une époque appelée « le Siècle des Lumières ». Cette période de l’histoire de la philosophie et des idées est déterminante pour nos conceptions actuelles de l’Etat, de la morale, du rapport à la politique en général, de la liberté, des droits individuels, etc. Les marques laissées dans la pensée et les institutions restent très présentes

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et vivaces. Ce serait une grave erreur de négliger les penseurs de ce siècle tant nous sommes encore des « enfants des Lumières ».

Le concept central du copyleft est la Liberté. Derechef, ajoutons : Liberté, Égalité, Fraternité. Cette triade, utilisée comme devise nationale française, permet de résumer les objectifs du copyleft. Elle est probablement l’expression de son attachement aux « Lumières ». Nous avons déjà cité les quatre libertés du logiciel libre dans le chapitre licence. Richard Stallman ajoute une explication de ce que sont les logiciels libres, il n’est pas douteux que ce faisant il mette en relation sa conception et une tradition plus ancienne.

Je peux décrire l’idée du logiciel libre en 3 mots : liberté, égalité et fraternité.

Liberté : La liberté de faire des copies, de diffuser des copies, de donner des copies aux autres, aux copains, aux gens qui travaillent avec vous, aux inconnus. La liberté de faire des changements pour que le logiciel serve à vos besoins. La liberté de publier des versions améliorées telles que la société entière en reçoive les bienfaits.

Fraternité : Avec le logiciel libre, nous encourageons tout le monde à coopérer, à aider les uns et les autres.

Égalité : Tout le monde possède les mêmes libertés en utilisant le logiciel, il n’y a pas de situation ordinaire où un patron est tout-puissant sur ce logiciel, et tout le reste du monde est complètement impuissant, tout à fait restreint en utilisant ce logiciel.128

Si cette devise ne se fixe dans l’histoire de France que plus tardivement, nous l’associons communément à la Révolution Française et à son esprit issu des « Lumières ». Dans la partie sur l’impératif catégorique, nous dégagions l’argument moral de Stallman de justification du copyleft. Dans celle-ci, nous essayerons de montrer l’attache intellectuelle et conceptuelle qui lie la philosophie des « lumières » au copyleft. Passons d’abord par une explication de cette pensée.

128 Richard Stallman en introduction à la conférence du 10 novembre 1998 à l’université Paris 8, organisée par l’association APRIL et à de multiples reprises lors d’entretiens.

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Les « Lumières » se savaient « Lumières », ils ont travaillé consciemment. Kant résume l’esprit des « Lumières » :

« Qu’est-ce que les Lumières ? La sortie de l’homme de sa minorité dont il est lui-même responsable. Minorité, c’est-à-dire incapacité à se servir de son entendement sans la direction d’autrui ; minorité dont il est lui-même responsable, puisque la cause en réside non dans un défaut de l’entendement, mais dans un manque de décision et de courage de s’en servir sans la direction d’autrui. Sapere Aude ! Aie le courage de te servir de ton propre entendement. Voilà la devise des lumières. »129

Le courant des « Lumières » est dans le temps malaisé à délimiter. Disons qu’il trouve sa source au milieu du 17e siècle et que la Révolution Française l’accompli et le clos. Si nous avons tous en tête les penseurs français, Diderot, Voltaire, Rousseau ou Montesquieu, il ne faut pas négliger « l’Aufklärung » allemand avec des auteurs comme Moses Mendelssohn ou Emmanuel Kant et « l’Enlightenment » anglo-saxon avec en Angleterre, John Locke, David Hume, Adam Smith, Jeremy Bentham, et en Amérique, Thomas Paine, Thomas Jefferson et Benjamin Franklin.

Le propos des lumières, par delà leur diversité, est incontestablement l’affirmation de la foi inébranlable dans le pouvoir de la raison humaine. Cette raison qui ouvre à un progrès perpétuel dans le domaine de la connaissance, des réalisations techniques et des valeurs morales. Il y a la volonté d’éclairer le siècle et la société et de combattre les superstitions et les idées reçues. D’œuvrer pour le bien du genre humain et de valoriser le plaisir et le bonheur. Les lumières se caractérisent par un combat pour la liberté d’expression, de croyance, de pensée. C’est le discours public, la diffusion des savoirs, la médiatisation de la connaissance pour lutter contre l’obscurantisme et l’ignorance ; avec un réel souci de pédagogie. L’invitation à penser et à juger par soi-même. C’est aussi la croyance qu’il y a une malléabilité de la réalité humaine (les choses peuvent changer). La liberté humaine affirmée comme naturelle, inaliénable devient le droit universel de chaque homme de par sa condition humaine. Cette présentation foisonnante de l’esprit des « Lumières » fait écho à l’effervescence de l’époque et à l’agitation des idées.

129 Kant, Emmanuel. Qu’est-ce que les Lumières ? (1784)

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Nous estimons que le mouvement du copyleft doit beaucoup à cet esprit, à ce style. Si nous avons trouvé une référence à l’impératif catégorique Kantien, ayant valeur explicite de fondement, c’est par inférences que le copyleft approche les « Lumières ». Ils sont les penseurs de référence, les citations dans les textes du mouvement du copyleft les mentionnent régulièrement. Par exemple, Richard Stallman se prévaut de l’influence de ces philosophes et politiciens qui furent les pères des États-Unis et notamment à la déclaration d’indépendance.

The Free Software Movement was founded in 1984, but its inspiration comes from the ideals of 1776 : freedom, community, and voluntary cooperation130

Il est notable que les « pères fondateurs » des États-Unis représentent une sorte de « norme »131. Ils sont souvent évoqués dans une perspective de paradis perdu, d’une déchéance, d’une perte essentielle de l’esprit de la loi, de la constitution américaine et de ses valeurs. Cette nostalgie qui traverse les textes montre l’attachement aux « Lumières »132. Le « souvenir du fondement » est d’ailleurs utilisé régulièrement par les américains. Il sert de base argumentative à bon nombre de discussion, parfois dans des perceptions opposées. La plupart des intervenants au débat autour du copyleft et des droits intellectuels étant américains, ils emploient des références qui leur sont communes.

Ce sont les thématiques abordées et défendues qui forgent notre conviction quant à l’influence des « Lumières » sur le copyleft. Nous y décelons plus particulièrement : la liberté, l’égalité, la fraternité, déjà mentionnées, le partage des connaissances, l’esprit critique et frondeur, le souci de bonheur et de changer « la réalité humaine ».

Libre, free en anglais, le mot est contenu dans presque chaque phrase. L’insistance avec laquelle les promoteurs de copyleft se battent pour défendre l’aspect Liberté est à la mesure de l’importance

130 « Le mouvement du Logiciel Libre a été fondé en 1984, mais son inspiration vient des idéaux de 1776 : la liberté, la communauté et la coopération volontaire. » Stallman, Richard. The GNU GPL and the American Way. 2001 [En ligne] Adresse URL : http://www.gnu.org/philosophy/gpl-american-way.html 131 John Perry Barlow se réfère explicitement à Jefferson et aux « lumières » dans son article : « L’économie des idées ». 132 En anglais, Free signifie libre, mais également gratuit. Cela prête à confusion dans le cas des logiciels libres qui insiste sur la notion de liberté, mais sans interdire la vente des logiciels.

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du concept.133 Pour les « Lumières », la liberté individuelle est fondamentale et inaliénable. Elle doit être acceptée et garantie par le droit. La déclaration d’indépendance des États-Unis134 synthétise parfaitement cet esprit des « Lumières » : nous trouvons dans le second paragraphe :

Nous [les treize États unis d’Amérique réunis en Congrès le 4 juillet 1776] tenons pour évidentes pour elles-mêmes les vérités suivantes : tous les hommes sont créés égaux ; ils sont doués par le Créateur de certains droits inaliénables ; parmi ces droits se trouvent la vie, la liberté et la recherche du bonheur. Les gouvernements sont établis parmi les hommes pour garantir ces droits, et leur juste pouvoir émane du consentement des gouvernés.

L’apparentement avec la déclaration universelle des droits de l’homme est réel. On y trouve les idées directrices, et durant la Révolution Française, ce texte servira de référence.

Au moins deux citations de Stallman nous renvoient directement aux droits inaliénables de la déclaration d’indépendance.

I designed the GNU GPL to uphold and defend the freedoms that define free software--to use the words of 1776, it establishes them as inalienable rights for programs released under the GPL.135

(…)just as the Bill of Rights was supposed to exercise government power by guaranteeing each citizen’s freedoms. That is what the GNU GPL is for : it puts you in control of your usage of the software, while protecting you from others who would like to take control of your decisions.136

Il s’agit donc de droits naturels consacrés dans le droit positif par une déclaration de leur inaliénabilité et de garantir leur protection. Vu que Stallman y fait référence, mettons en relation son propos

133 Il existe une Déclaration d’indépendance du Cybermonde par John Perry Barlow qui reprend le même esprit, mais pour l’Internet. 134 « J’ai conçu la GNU GPL pour soutenir et défendre les libertés qui définissent le logiciel libre ; pour employer les mots de 1776, elle les établit comme des droits inaliénables pour des programmes couverts par la GPL. » 135 « (…) de même que la Déclaration de Droits de l’Homme était chargée de définir le pouvoir du gouvernement en garantissant les libertés de chaque citoyen. Voilà le but de la GNU GPL : elle vous donne le contrôle de l’utilisation du logiciel tout en vous protégeant de ceux qui veulent prendre le contrôle de vos décisions. » 136 Déclaration Universelle des Droits de l’Homme de 1948.

63 Miguel Quaremme Une introduction philosophique au copyleft

et celui l’article 27 de la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme. Et voyons comment le copyleft établit un équilibre entre les deux alinéas.

Article 27

Toute personne a le droit de prendre part librement à la vie culturelle de la communauté, de jouir des arts et de participer au progrès scientifique et aux bienfaits qui en résultent.

Chacun a droit à la protection des intérêts moraux et matériels découlant de toute production scientifique, littéraire ou artistique dont il est l’auteur137.

Stallman utilise une citation de Lincoln pour trancher entre « les intérêts de l’auteur » et de « l’accès à la culture ».

(…) one general principle applies : it cannot justify denying the public important freedoms. As Abraham Lincoln put it, « Whenever there is a conflict between human rights and property rights, human rights must prevail.” Property rights are meant to advance human well-being, not as an excuse to disregard it.138

Rappelons aussi l’argument de Stallman dans le Manifeste GNU.

(…) the desire to be rewarded for one’s creativity does not justify depriving the world in general of all or part of that creativity.139

137 « (…) un principe général s’applique : on ne peut pas justifier la négation des libertés publiques importantes. Comme Abraham Lincoln l’a exprimé, « chaque fois qu’il y a conflit entre des droits de l’homme et les droits de la propriété, les droits de l’homme doivent prévaloir. » Les droits de la propriété sont conçus pour faire avancer le bien-être de l’Humanité et pas comme excuse pour le mépriser. » 138 « Le désir d’être récompensé pour sa création ne justifie pas que l’on prive le monde en général de toute ou partie de cette créativité. » 139 « J’ai décidé de rassembler un corpus suffisant de logiciels libres, comme ça je pourrais me débrouiller sans logiciels non libres. »

64 Miguel Quaremme Une introduction philosophique au copyleft

Ajoutons à ces deux extraits une des citations récurrentes dans la littérature du copyleft de l’un des fondateurs de la Constitution américaine, Thomas Jefferson :

« Que les idées puissent se propager librement à travers le monde, pour une instruction morale et mutuelle de l’homme, et l’amélioration de sa condition, semble avoir été étrangement et bénévolement édicté par la nature... et comme dans l’air que nous respirons, où nous nous déplaçons, impossible de confinement ou d’appropriation exclusive. Les inventions aussi, par nature, ne peuvent être sujettes à la propriété. »

Les quelques extraits mentionnés ci-dessus ouvre les perspectives philosophiques et inscrive le copyleft dans une pensée vaste dont on peut repérer les influences marquantes de « l’Esprit des Lumières ».

Le copyleft rencontre le principe de fraternité et de partage des connaissances. Pour le copyleft, la propriété n’est pas une valeur primordiale, mais elle n’est pas niée. Il serait injuste d’accuser les défenseurs du copyleft d’incitation au vol, y compris des œuvres numériques. Dans nos lectures, nous n’avons jamais lu une invitation au téléchargement illégal. Au contraire, le projet GNU et Art libre, par exemple, ont décidé de constituer une base de logiciels ou d’œuvres sous copyleft. Il s’agit bien de partage et non de vol.

Nous comparons ces entreprises du copyleft à l’Encyclopédie des « Lumières ». Le premier extrait est de Diderot et les suivants de Stallman.

« Le but d’une encyclopédie est de rassembler les connaissances éparses sur la surface de la terre ; d’en exposer le système général aux hommes avec qui nous vivons, et de le transmettre aux hommes qui viendront après nous ; afin que les travaux des siècles passés n’aient pas été inutiles pour les siècles qui succèderont ; que nos neveux devenant plus instruits, deviennent en même temps plus vertueux et plus heureux ; et que nous ne mourions pas sans avoir bien mérité du genre humain. »

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I have decided to put together a sufficient body of free software so that I will be able to get along without any software that is not free140

This means much more than just saving everyone the price of a Unix license. It means that much wasteful duplication of system programming effort will be avoided. This effort can go instead into advancing the state of the art.141

Les objectifs des « Lumières » en créant l’Encyclopédie sont multiples. Retenons les principaux142 que nous comparons au projet GNU :

1. L’objectif même de l’entreprise : elle constitue une somme détaillée de l’ensemble du savoir pratique et théorique de l’époque, et de ce fait, est un acte de foi dans le progrès et les techniques, fruits des facultés humaines. Nous retrouvons le même engagement dans le copyleft. Le projet GNU visant de plus en plus à couvrir l’ensemble des besoins et des connaissances en informatique. Copyleft Attitude et le mouvement Art Libre ont le même genre d’exigence, en constituant une zone d’échange. Plus étonnant sont les entreprises du type WIKI143, dont l’aboutissement est la wikipédia144. Une encyclopédie en ligne ou tout le monde peut modifier, traduire, ajouter des articles sur les sujets qu’il désire, il est également possible de réviser l’article d’une autre personne, les modifications successives ayant une forme d’autocontrôle permanent de la part des lecteurs du site.145

140 « Ceci représente beaucoup plus que l’économie d’une licence Unix. Cela signifie que beaucoup de doublons inutiles dans le travail de programmation pourront être évités. Cet effort pourra plutôt contribuer à l’avancement du progrès (technique). » 141 Nous nous référons au livre de Hottois, Gilbert. Introduction historique à la philosophie contemporaine. Bruxelles, De Boeck Université, collection Le Point philosophique, 1996 142 Le wiki est un éditeur de pages html, c’est-à-dire qu’il permet de modifier le contenu d’un site d’internet sans l’intervention d’un administrateur ou d’un technicien. 143 [En ligne] Adresse URL : http://www.wikipedia.org/ 144 Sociologiquement, il serait extrêmement intéressant d’observer comment ce constitue cette somme de connaissances. 145 Philippe Quéau est le directeur de la Division Information et Informatique de l’UNESCO

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Nous trouvons une réinterprétation actuelle de l’Encyclopédie chez Philippe Quéau146. Ce brillant intellectuel a régulièrement dénoncé les dérives de l’évolution du droit d’auteur et des brevets. Une de ces propositions est la création d’une bibliothèque publique mondiale.147

(…) utiliser les revenus obtenus par l’OMPI148 grâce au dépôt des brevets. Par exemple, pour encourager la création d’une bibliothèque publique mondiale virtuelle, uniquement constituée de textes appartenant au domaine public, et donc accessibles à tous gratuitement149.

Bien sûr, nous sommes assez loin de l’impératif du copyleft en ce qui concerne son opposition au domaine public. Cependant, l’idée d’un recueil de connaissances librement accessibles et d’une taxation/redistribution via un organisme public va dans le sens défendu par Stallman et ses pairs. Rappelons-nous que le manifeste propose de financer le développement des logiciels par une taxe collective et dont les fonds seraient redistribués via le NSF.150

2. Le contenu de nombreux articles qui se révèlent être « engagés », c’est-à-dire qu’ils critiquent les autorités, le pouvoir où qu’ils défendent les points de vue humanistes et laïques des « Lumières ». Nous avons déjà souligné le côté radical de Stallman, mais il est aussi l’apôtre du logiciel libre. Le prosélytisme des membres de la communauté du logiciel libre ne s’arrête pas à quelques articles ou logiciels de traitements de texte. On peut voir également fleurir des logiciels qui sont de véritables brûlots contre certaines politiques, dont l’absurdité n’a rien à envier à celles du siècle des « lumières ». Par exemple, un logiciel du nom de GnuPG151 provoque l’ire des autorités américaines car il permet de crypter, simplement et puissamment les messages. Or il est interdit, pour des raisons de lutte

146 À lire : Queau, Philippe. « Tous les savoirs du monde ». in Regards, janvier 1998. [en ligne] Adresse URL : http://2100.org/conf_Queau-marques.html et également : Queau, Philippe. L’Université de l’Universel. Congrès de Locarno, 30 avril – 2 mai 1997. [En ligne] Adresse URL : http://perso.club-internet.fr/nicol/ciret/ locarno/loca5c3.htm 147 Acronyme de Organisation Mondiale de la Propriété Intellectuelle. 148 Queau, Philippe. « La nécessaire définition d’un bien public mondial : À qui appartiennent les connaissances ? ». in Le Monde Diplomatique, janvier 2000, p. 6-7. [en ligne] Adresse URL : http://www. monde-diplomatique.fr/2000/01/Queau/13278 149 National Scientific Founation 150 [En ligne] Adresse URL : http://www.gnupg.org/ 151 L’évolution entre les deux notions, les glissements sémantiques provoquent une confusion dans l’esprit de beaucoup. Nous utilisons ces termes dans le sens courant.

67 Miguel Quaremme Une introduction philosophique au copyleft

contre le terrorisme, de crypter sa correspondance. Le mouvement du copyleft a trouvé le moyen de se défendre de l’atteinte à la vie privée et de revendiquer ses droits.

Un autre engagement du copyleft, bien qu’il soit traité avec de nombreuses nuances et gradations se trouve dans l’anti-capitalisme ou l’anti-néolibéralisme.152 Le manifeste GNU y fait référence dans la métaphore de la course citée plus haut. Les positions du copyleft affirment un engagement peu compatible avec les désirs de libéralisations et privatisations généralisées défendus par les lobbies néo-libéraux. Un choix positif envers le copyleft et les logiciels libres est communément considéré comme éminemment politique et anti-capitaliste.

3. La volonté pédagogique, l’Encyclopédie comme outil d’éducation à une nouvelle culture dont les valeurs sont la raison et l’action, la tolérance et la liberté et l’avancement des sciences et des techniques.

Schools will be able to provide a much more educational environment by encouraging all students to study and improve the system code.153

Il est trivial de dire qu’il faut avoir accès à la connaissance pour connaître, il l’est moins, de délimiter ce qui doit être garanti comme libre d’accès. Le copyleft se positionne pour un accès total. Stallman affine sa position dans un article sur les logiciels et l’université.154

(…) does the university have a mission to advance human knowledge, or is its sole purpose to perpetuate itself?155

152 « Les écoles pourront fournir un milieu beaucoup plus pédagogique en encourageant tous les étudiants à analyser et à améliorer le code du système. » 153 Richard Stallman « Ecrire des logiciels libres si vous travaillez à l’université. » [En ligne] Adresse URL : http:// www.gnu.org/phylosophy/ 154 « Est-ce que la mission de l’université est de faire progresser la connaissance humaine, ou est-ce que son seul but est de s’entretenir elle-même ? » 155 Dussolier, Séverine, Buydens, Mireille et Poullet Yves. Droit d’auteur et accès à l’Information. Juillet 2000. [En ligne] Adresse URL : http://unesdoc.unesco.org/images/0012/001214/121406f.pdf

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La question fait ressortir le constat d’une marchandisation de l’université, dans le sens où les recherches sont de plus en plus dirigées dans une perspective de brevetage/commercialisation ou de satisfaction des bailleurs de fonds privés. Un autre phénomène simultané, qui affecte lui aussi l’accès au savoir même dans les lieux normalement destinés, est la réduction des exceptions au monopole de l’auteur. Ces questions de limite des exceptions et de l’accès à l’information dépassent le débat sur le copyleft, et est traité abondamment par des juristes. Prenons acte de leurs recommandations concernant les exceptions.

Le législateur national, régional et international doit trancher la question du statut des exceptions. Les exceptions traduisant en droit d’auteur le souci de garantir certaines libertés fondamentales sont par essence d’ordre public. En conséquence, un contrat ne peut déroger aux exceptions reconnues par la loi. Le statut des exceptions fondées sur l’intérêt public doit être examiné.

Les exceptions relatives à la recherche, à l’éducation et à la transmission du savoir, en raison de la place essentielle qu’elles occupent dans une société démocratique doivent être reconnues d’ordre public.156

Ce thème est d’une immédiate actualité, le copyleft par ses propositions et ses critiques joue le rôle qu’a probablement joué l’Encyclopédie en son temps, celui par sa morale sans concession qui oblige à penser. Il s’agit, à notre sens, moins d’imposer une solution unique que d’inciter à trouver un chemin morale et juste.

4. La visée universaliste157 : elle exprime l’ambition rationaliste des Encyclopédistes et leur volonté de traiter tous les êtres humains d’une manière égale.

Souvenons-nous de ce que dit Stallman :

156 Le texte en italique est la citation précise de Hottois, Gilbert. Introduction historique à la philosophie contemporaine. Bruxelles, De Boeck Université, collection Le Point philosophique, 1996 157 Un standard est une norme adoptée afin de rendre compatible les documents et logiciels entre eux. Par exemple, le standard Microsoft word (.doc) est fermé, c’est-à-dire que personne ne connaît la façon dont il est crée. Son pendant ouvert est openoffice.org writer (.sxw), c’est-à-dire que tout le monde peut connaître la façon dont les informations sont codées dans le fichier.

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Égalité : Tout le monde possède les mêmes libertés en utilisant le logiciel, il n’y a pas de situation ordinaire où un patron est tout puissant sur ce logiciel, et tout le reste du monde est complètement impuissant, tout à fait restreint en utilisant ce logiciel

L’universalisme de l’Encyclopédie se manifeste sous plusieurs formes :

(a) le contenu : scientifique et technique pour l’essentiel, il n’est pas lié à une perspective particulière, il se veut objectif ; le projet GNU n’est pas partisan techniquement, au contraire. Le copyleft montre une ouverture remarquable, notons par exemple la défense des standards ouverts.158

(b) le langage : clair, direct et accessible, sans difficulté inutile ; le souci d’être universellement intelligible culmine dans les illustrations, dessins et planches, qui constituent un mode de communication plus immédiat que le langage verbal ;

(c) le public visé : il est illimité ; l’importance accordée aux métiers et aux arts montre que l’Encyclopédie n’a pas seulement les intellectuels pour cible. Nous avons souligné, en début de chapitre, le style de Richard Stallman en vantant les qualités pédagogiques et son langage fluide. Nous retrouvons également ce souci de mettre une documentation fiable et actualisée dans la plupart des projets issus de l’informatique libre. La GNU Free Documentation License prouve l’importance accordée à ce sujet par la Free Software Foundation. Constatons le nombre très important de cours et manuels disponible gratuitement afin de configurer et utiliser les GNU/Linux, en particulier les ouvrages destinés aux débutants. Ce souci est également présent dans les « modes d’emploi » des licences, par exemple dans la Licence Art Libre.

Il est pertinent de rappeler que le projet GNU se place dans une perspective strictement informatique. La Free Software Foudation et ses représentants se focalisent sur l’impacte de l’évolution du droit d’auteur et des brevets sur la programmation et la diffusion des logiciels. Néanmoins, remarquons deux points essentiels :

158 Par exemple le site Internet de la communauté GNU/Linux en Belgique consacre une partie de ses efforts dans maintenance d’une section réservée aux « nouveaux » Adresse URL : http://newbie.linuxbe.org/

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–– l’inflation du numérique, c’est-à-dire l’inflation de la numérisation des informations jusqu’alors sur support analogique et l’importance cruciale, voire vitale, dans nos schémas de production de l’informatique et principalement de la micro-informatique.

–– La diversification des usages des licences du copyleft, comme nous l’avons souligné dans le précédant chapitre.

Si le point de départ est l’informatique, les implications sont de plus en plus universelles.

Nous citerons pour conclure le rapprochement que nous avons fait avec l’entreprise de l’Encyclopédie un passage de l’introduction à la philosophie contemporaine de Gilbert Hottois159. Le passage aurait pu, selon nous, être écrit pour le copyleft, mais il parle de l’Encyclopédie. Contrairement à ce que nous pourrions croire ce n’est pas Richard Stallman qui écrit.

L’entreprise encyclopédique [du copyleft] lutte contre le protectionnisme du savoir (vrai ou faux), propriété d’une élite qui le défend par des interdictions et un langage ésotérique. La conception élitiste du savoir entretient l’obscurantisme et l’inégalité. Elle empêche la critique publique et permet au pseudo-savoir de se perpétuer. Elle refuse le changement et le progrès, tant scientifico-technique que social.

Users will no longer be at the mercy of one programmer or company which owns the sources and is in sole position to make changes.160

Avec l’Encyclopédie, nous sommes face à une machine de guerre qui a ses impératifs et ses buts. Idem avec le projet GNU, mais il y a quelques « nuances ».

159 Hottois, Gilbert. Introduction historique à la philosophie contemporaine. Bruxelles, De Boeck Université, collection Le Point philosophique, 1996 160 « Les utilisateurs ne seront plus à la merci d’une seule personne ou d’une seule société qui possède les sources du programme et qui a le monopole de pouvoir effectuer des changements. » in le Manifeste GNU

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4.4 A new name for some old ways of thinking?161

La comparaison entre l’entreprise de l’Encyclopédie et le projet GNU a ses limites. Le copyleft même s’il doit beaucoup aux « Lumières » n’est pas une copie comme telle de ce qui s’est fait il y plus de deux siècles. Par exemple, l’éloignement temporel change considérablement les enjeux pratiques. Nous pouvons y voir des similitudes, mais le paradigme a changé. De même les « Lumières » s’étendent sur une longue période, et les auteurs qui composent ce courant sont nombreux. Ils ont parfois de grandes divergences d’opinion. Insistons sur une figure fondamentale des «Lumières », dont l’influence peut difficilement être surestimer, JohnLocke qui a pourtant une vision sensiblement différente de celles que nous avons évoquées plus haut.

John Locke (1632-1704), ce philosophe remarquable est relativement peu connu en France, mais dans les pays anglo-saxons, il considéré comme une des grandes figures de la philosophie. Sa pensée est très vaste et touche des sujets divers : la politique, la théorie de la connaissance, le droit, la physique ou la morale. Sa pensée a eu une influence immense sur les « Lumières », et beaucoup plus largement, sur notre vision de la propriété ou de l’intégration dans le droit positif des libertés individuelles fondamentales et inaliénables, la Déclaration Universelle des droits de l’homme par exemple.

Précisons immédiatement que les auteurs du copyleft, y compris Stallman, ne font que très peu référence à Locke. Néanmoins, il est indéniable que nous retrouvons le souffle de la philosophie lockéenne dans la notion moderne de propriété et de propriété intellectuelle162. La position de Locke intéresse, en général, les opposants du copyleft comme source et justification.

Encore que la terre et toutes les créatures inférieures soient communes et appartiennent en général à tous les hommes, chacun pourtant a un droit particulier sur sa propre personne, sur laquelle nul autre ne peut avoir aucune prétention. Le travail de son corps et l’ouvrage de ses mains, nous le pouvons dire, sont son bien propre. Tout ce qu’il a tiré de l’état de nature, par sa peine et son

161 Un nouveau nom pour quelques vieilles manières de la pensée ? 162 Voir article Justin, Hughes. The Philosophy of Intellectual Property. 1988. [en ligne] Adresse URL : http://www. law.harvard.edu/Academic_Affairs/coursepages/tfisher/music/Hughes1988.html

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industrie, appartient à lui seul : car cette peine et cette industrie étant les siennes propres et seules, personne ne saurait avoir droit sur ce qui a été acquis par cette peine et cette industrie, surtout s’il reste aux autres assez de choses communes aussi bonnes et semblables 163

Le droit à la propriété est naturelle comme le sont la liberté, le respect d’autrui ou la légitime défense. Comme nous le voyons, John Locke n’a pas le même point de vue que Jefferson par exemple. Nous pourrions multiplier les désaccords entre philosophes des « Lumières » et entre ces derniers et le copyleft, mais l’esprit de ce 18e siècle est encore bien présent dans le copyleft. Par exemple, notons l’importance du contrat entre individus dans la philosophie des « Lumières ». Que ce soit John Locke, Kant, ou Rousseau, nous retrouvons le même goût pour ce type de rapport entre les humains, celui-ci étant la marque de leur liberté personnelle. La valorisation du contrat est très présente dans la doctrine néo-libérale actuelle et dans le copyleft.

Penchons-nous maintenant sur l’étendue entre les « Lumières » et le copyleft. Manifestement, le copyleft ne se présente pas comme un mouvement ou un concept des « Lumières ». Aucun auteur du copyleft ne fait explicitement référence à l’ensemble d’une philosophie d’un penseur particulier, en disant : « je pense exactement tous ce qu’il dit et je suis son porte-parole ». Nous ne croyons pas qu’il y ait un saut, mais une réinterprétation successive et continue de concepts, une appropriation actualisée des idées. Pour reprendre le titre d’un ouvrage célèbre de William James : A new name for some old ways of thinking.

Nous utilisons ce titre à dessein car nous pensons que le lien se trouve dans le pragmatisme164 de philosophes comme William James, Charles Saunders Peirce ou John Dewey. L’ancrage essentiellement, au sens fort du terme, à la culture américaine du pragmatisme correspond à une suite de la pensée des « pères fondateurs » des États-Unis. Leur influence profonde sur la pensée américaine se retrouve à travers tout le 20e siècle. Nous n’avons malheureusement pas la place de développer les traits communs entre le mouvement du copyleft et la pensée pragmatiste ou d’établir rigoureusement le schéma qui mène des « lumières » au copyleft. Bien que nous ayons l’intuition

163 Locke, John. Second traité du Gouvernement. Paris, Presses Universitaires de France, 1994 164 Il est important de dissocier le sens commun du mot pragmatisme, c’est-à-dire qui est adapté à l’action sur le réel et la doctrine philosophique. Nous utilisons « pragmatisme »

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d’une continuité effective, nous ne pouvons qu’amener des indices qui permettraient de la définir. Nous les exposons à l’éclairage des « Lumières ».

Nous retrouvons chez les pragmatistes les thèmes suivants qui sont communs avec les auteurs du 18e :

–– Le souci de l’éducation.

–– La défense d’une société ouverte et démocratique qui favorise la recherche et le progrès.

–– La défense des libertés individuelles.

L’idée de communauté scientifique est importante pour le pragmatisme, elle permet l’échange et la nécessaire ouverture au doute et à la recherche. Soulignons, particulièrement le caractère crucial de la recherche165 dans la philosophie de Dewey. Historiquement, le fait que le copyleft trouve son origine dans un laboratoire, celui dans lequel Stallman travaillait dans les années 80 au M.I.T., est significatif.

When I started working at the MIT Artificial Intelligence Lab in 1971, I became part of a software- sharing community that had existed for many years. Sharing of software was not limited to our particular community ; it is as old as computers, just as sharing of recipes is as old as cooking. But we did it more than most.166

C’est dans un esprit de communauté scientifique travaillant pour l’avancement de la technologie et de la science. Dans cette perspective, la valeur fondamentale est le progrès. Il n’y a pas de docteur Frankenstein, seul dans son laboratoire, mais un ensemble de personnes s’échangeant informations et savoirs. La liberté de diffusion et d’accès à la connaissance est donc primordiale. Premiers

165 « Inquiry » en anglais. Thème important de la philosophie de J. Dewey qui ne se limite pas à la recherche scientifique, mais est une méthode pour accéder à la vérité. 166 « En 1971, quand j’ai commencé à travailler au laboratoire d’intelligence artificielle (IA) du MITN, j’ai intégré une communauté qui partageait le logiciel depuis de nombreuses années déjà. Le partage du logiciel n’était pas limité à notre communauté ; c’est une notion aussi ancienne que les premiers ordinateurs, tout comme on partage des recettes depuis les débuts de la cuisine. Mais nous partagions davantage que la plupart. » In The GNU Project par Stallman, Richard.

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touchés, les scientifiques subissent de plein fouet les restrictions aux exceptions du droit d’auteur qui, normalement, leur garantissent de pouvoir travailler dans la sérénité.

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« Imagine no possesions, I wonder if you can, No need for greed or hunger, A brotherhood of man, Imagine all the people Sharing all the world... You may say I’m a dreamer, But I’m not the only one, I hope some day you’ll join us, And the world will live as one. » John Lennon

Chapitre 5 : Conclusion

Au cours des précédents chapitres nous avons retracé l’histoire du copyleft ; décrit brièvement le contexte général ; exposé son moyen principal : les licences ; et fait émerger de l’histoire de la philosophie ses arguments. Que reste-t-il de ce parcours ?

Premièrement, le copyleft est un concept philosophique. Il ne peut pas se résumer à une astuce juridique. Il énonce un principe général d’une activité humaine (la production d’œuvre intellectuelle), il est donc philosophique tel que nous l’avions défini167. Plus encore, il s’insère dans un ensemble d’idées dont l’assise fondamentale se situe dans la philosophie des « Lumières » et dans l’interprétation de l’impératif catégorique Kantien. La pratique du copyleft est morale.

Deuxièmement, le copyleft s’inscrit dans des histoires. L’histoire des idées en fournissant un concept actuel que l’on peut étudier. Il a un bagage idéologique et philosophique fort, à la fois une

167 Ensemble de considérations tendant à ramener une branche de connaissances ou d’activités humaines à un petit nombre de principes généraux.

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empreinte des conflits idéologiques passés et des émancipations « révolutionnaires »168. L’histoire du droit dans laquelle, à n’en pas douter, le copyleft a sa place comme moyen original et crédible de penser autrement les droits d’auteur. Et aussi par l’adéquation avec une nouveauté technologique. Comme la naissance et le développement commun de la micro-informatique et des licences, puis ceux du « tout numérique » et des licences génériques169 le montrent.

Troisièmement, il répond à une attente contemporaine. Si « lutte des classes » n’est plus une locution à la mode, son actualité ne fait pas de doute. Les mots ont changés, le paradigme est différent, mais les enjeux sont les mêmes : défendre l’intérêt collectif contre les intérêts individuels, privés. Plus que jamais les décisions des uns font le malheur de tous. Nos efforts, nos lois, nos déclarations ne doivent pas être de simples réflexes de survie. Le copyleft est un « petit récit »170 auquel on peut se raccrocher.

Le copyleft se perçoit comme une réaction. De l’origine du mot à son utilisation, il est un rapport au copyright. Nous ne croyons plus à la pertinence de cette univocité. Le copyleft s’est dépassé, de facto. Le pas vers un monde d’après pénurie que Richard Stallman a imaginé il y a vingt ans se réalise. Les licences GNU sont utilisées abondamment, il existe des milliers d’applications libres, et elles ont permis par leur exemple la création d’autres licences dans divers domaines de l’activité intellectuelle et artistique. Des institutions publiques et des sociétés privées sont parties prenantes dans des projets libres, informatiques ou autres.

Malheureusement, les logiciels libres sont aussi devenus un enjeu commercial comme un autre, ils sont entrés dans la banalité du néo-libéralisme. Comme le souligne Jeremy Rifkin171, nous sommes à l’âge de l’accès où finalement la propriété n’a plus d’importance : seul l’accès aux services et aux informations rapportent. L’exemple des campagnes de promotion de firme comme IBM (le plus gros détenteur de brevets informatiques) en faveur des logiciels libres et en même temps

168 Creative Commons en est un bon exemple. 169 Le philosophe français Lyotard parle de la fin des « grands récits », c’est-à-dire les grandes idéologies du 20e Siècle (marxisme, etc.) 170 Intellectuel américain contemporain. Rifkin, Jeremy. L’âge de l’accès. Paris, Éditions La Découverte, collection Pocket, n° 11322, 2002. 171 Le principe est de payer l’usage d’un service informatique, puissance de calcul, stockage, etc.

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de l’informatique à la demande172 est flagrant, les logiciels libres ne sont qu’une façon différente d’augmenter son capital. L’autre exemple remarquable se situe dans les offres des opérateurs de téléphonie mobile qui proposent un portable pour 1 euro symbolique sous réserve d’un contrat de longue durée. Ils cherchent à créer une relation suivie et de « dépendance » avec l’utilisateur. Nous avons donc une guerre de retard, le copyleft (nous devrions dire l’Open Source) n’est que la manifestation, probablement en bonne partie inconsciente, de l’appauvrissement de la notion de propriété. Le matériel, la res173, ayant perdu les faveurs du marché, les idées attrapent de la valeur marchande. Ce ne sont plus des idées originales, celles qui font avancer l’humanité, ce sont des biens marchands.

Les idées ne sont pas brevetables, le droit d’auteur concerne la forme de l’œuvre, pas son contenu intellectuel… Les arcanes du droit sont complexes, mais elles ont des fondements, des principes et des articulations. Lorsque les origines du droit sont remises en cause, non pas dans une perspective de progrès, mais d’appropriation, les belles articulations se brisent, les fondements s’étiolent et les principes sont tout juste bons à orner les édifices publics. Le droit n’est pas un outil ordinaire, il est le reflet de nos démocraties, l’expression du peuple, et le garant de la cohésion sociale. Les investisseurs sont en train de réaliser une O.P.A.174 sur le droit. Il ne s’agit plus de valoriser tel ou tel principe, d’essayer de faire pencher la balance dans son sens, mais d’en nier l’existence.

L’équilibre est la proportion convenable entre deux parties. Or nous avons une tierce partie qui nie l’existence des deux premières. Les investisseurs ne considèrent ni le créateur, ni la société. Il n’y a plus d’équilibre possible. L’objectif final, presque atteint, est la négation de balance175

Le débat sur la brevetabilité des logiciels au Parlement Européen qui se déroule en cet été 2003 se trouve être une sorte de test. Allons-nous encore renier le bon sens juridique, à savoir la déjà discutable association entre logiciels et droits d’auteur, mais qui permet néanmoins d’encadrer l’activité de programmation ? Au profit d’une délirante directive sur la brevetabilité des logiciels, en se fichant

172 Terme utilisé en droit emprunté au latin qui signifie la chose. 173 Offre Public d’Achat. Procédure d’achat d’actions réputée brutale, inconvenante. 174 Subtile métaphore avec le droit. 175 En cela Stallman et Kant sont d’accord.

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du principe de non brevetabilité des méthodes mathématiques, un programme informatique étant un ensemble organisé d’algorithmes. N’oublions pas que la diminution des exceptions au droit d’auteur est également une catastrophe juridique car elle tend à réaliser l’objectif monopolistique visé dans le brevet, et donc de créer des confusions de principe très dommageables. Souvenons-nous que le vivant est déjà largement breveté, ainsi que les médicaments. Le débat s’était alors surtout consacré aux aspects moraux, principalement en accord avec nos traditions religieuses. Le danger actuel est que le débat reste cantonné aux aspects juridiques, certes importants, mais insuffisants. Ce mémoire se veut une incitation à la nécessaire réflexion transdisciplinaire par delà l’ouverture philosophique.

Les droits d’auteur et les brevets sont la pierre angulaire de la société de l’information qu’on nous promet. Il convient de penser sans conservatisme à l’avenir et trouver une solution équitable. Un retour à des valeurs traditionnelles n’est pas souhaitable. Le droit pour répondre à ses objectifs de liberté, d’égalité, de fraternité doit se transformer, suivre l’évolution de la société. S’il faut se retourner c’est pour constater le chemin parcouru et méditer ses idéaux. Au final, nous croyons que nous ne sommes plus en mesure d’être aussi idéaliste que les « Lumières ». Bien que… Des poches de résistance existent encore. Elles ont l’intelligence de se fonder sur de la philosophie plutôt que sur un médiocre opportunisme pratique.

Le copyleft ne nie pas l’auteur, mais c’est une vision anglo-saxonne qui s’impose dans laquelle les droits moraux ont moins de place. Les quelques mentions d’attributions qu’exige la GPL ne remplacent en rien le droit de rédemption, de suivi ou tous ces droits issus de nos traditions juridiques. La valorisation de l’effort pour la communauté fait perdre celle de l’auteur, celui-ci trouvant sa satisfaction personnelle par la reconnaissance de ses pairs ou plus directement par le bonheur que lui procure l’action morale.

Le copyleft est-il la solution unique ? Nous ne le pensons pas. Sa première vertu à nos yeux est de nous fournir un outil moral et crédible. Sa seconde vertu est la réflexion qu’il suscite par les idées qui lui sont associées et par l’exemple qu’il donne. Cependant, il ne saurait être une possibilité isolée, il faut absolument qu’il ne fasse plus l’objet d’un contrat. Qu’il devienne une possibilité

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parmi d’autres de protection de son œuvre afin qu’il sorte du « bricolage » juridique dans lequel il se trouve. Cela permettrait une stabilité plus grande, et probablement son extension harmonieuse dans un corpus législatif cohérent et juste.

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84. Stallman, Richard. « La licence GNU GPL et l’« American Way » ». in Multitude N°5, mai 2001. [En ligne] Adresse URL : http://multitudes.samizdat.net/spip/article. php3?id_article=199

85. Stallman, Richard. Linux, GNU, and freedom. 2002, [En ligne] Adresse URL : http:// www.gnu.org/philosophy/linux-gnu-freedom.html

86. Stallman, Richard. The GNU Manifesto. 1984, [En ligne] Adresse URL : http://www. gnu.org/gnu/manifesto.html

87. Stallman, Richard. Pour un monde meilleur, grâce au logiciel libre. 1997 [En ligne] Adresse URL : http://www.linux-france.org/article/these/interview/rms/better_ society-fr.html

88. Stallman, Richard. Why « Free Software » is better than « Open Source ». 1999 [En ligne] Adresse URL : http://www.gnu.org/philosophy/free-software-for-freedom.html

89. Sterling, Bruce. Libre comme l’eau, l’air, le savoir. Discours prononcé en juin 1992 à San Francisco, à l’invitation de l’Association pour les Technologies de l’Information dans les Bibliothèques. [En ligne] Adresse URL : http://www.freescape.eu.org/ eclat/1partie/Sterling/sterling.html

90. Valensi, Michel. Petit traité plié en dix sur le Lyber. [En ligne] Adresse URL : http:// www.freescape.eu.org/eclat/3partie/Valensi/valensi.html

91. Williams, Sam. Free as in Freedom, Richard Stallman’s Crusade for Free Software. Editions O’Reilly, 2002. [En ligne] Adresse URL : http://www.oreilly.com/openbook/ freedom/

88 Miguel Quaremme Une introduction philosophique au copyleft

III. Sites Internet.

Brave GNU World : http://www.gnu.org/brave-gnu-world// Centre de Recherches Informatique et Droit (CRID) : http://www.droit.fundp.ac.be/crid/ Copyleft Attitude : http://artlibre.org/ Creative Commons : http://www.creativecommons.org/ Debian : http://www.debian.org/ Droit et Nouvelles Technologie : http://www.droit-technologie.org/ Find Law : http://www.findlaw.com/ Framasoft : http://www.framasoft.net/index.php3 Free Software Foundation Europe : http://www.fsfeurope.org/ FREESCAPE : http://www.freescape.eu.org/ GNU’S NOT UNIX : http://www.gnu.org/ Le Monde Diplomatique : http://www.monde-diplomatique.fr/ Linux France : http://www.linux-france.org/ SACEM : http://www.sacem.fr/ Samizdat : http://www.samizdat.net/ The World Intellectual Property Organization (WIPO) : http://www.wipo.org/

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