Maison de la Recherche en Sciences Humaines de (Pôle Rural, OUEN) exposition itinérante Les moulins à eau autour de la forêt de Cerisy

Commissariat de l’exposition : Conception, recherches et textes : Élisabeth RIDEL, CNRS, MRSH de Caen. Mise en page des posters : Anne LACHEREZ, MRSH de Caen (Service infographie). Cartographie : Michel DAEFFLER, CNRS, MRSH de Caen. Crédits photos : Carola BERNARD, Michel DAEFFLER, Agnès MARIE, Élisabeth RIDEL.

Merci à Agnès MARIE et Jean-Marc DUPONT, agents du patrimoine au Molay-Littry pour leur participation.

Cette exposition est organisée dans le cadre du Projet Collectif de Recherche De bois, de terre et d’eau (programme de mise en valeur du patrimoine de la région – Le Molay-Littry. Site : http://www.foret-otballeroylml.fr/

M R SH PÔLE NORMANDIE - CAEN R URA L Maison de la Recherche en Sciences Humaines MRSH CNRS - UNIVERSITÉ DE CAEN De bois, de terre et d’eau CERISY-LA-FORêT – LE MOLAY-LITTRY – BALLEROY Les moulins à eau autour de la forêt de Cerisy

Une histoire d’eau et de bois…

La Tortonne

L’Esque B

L’AURE B B B B Bacon du Molay B B Bois du La Drôme

Molay Le Merdillon B B

La Siette

Le Molay-Littry Le Moulin Ouf L’ELLE Bois du Bur Le moulin à eau Tronquay est une invention qui remonte Bois du à la lointaine Antiquité, mais Vernay Cerisy Balleroy Mondaye sa diffusion est médiévale. En Forêt de Cerisy Normandie, la densité de mou- B sur lins à eau depuis le Moyen Âge Drôme e L’Aurette jusqu’au milieu du 19 siècle

B n’est plus à démontrer : elle fut La Soquence considérable. Au début de l’ère La Branche industrielle, cette région pos- sédait sur ses multiples cours Le R

eau du Vey d’eau de très nombreux moulins

Bois du Abbaye qui ont autant façonné le pay- Mont-au-Bœuf Château médiéval sage que les églises et les châ- important teaux. Le comptait à Moulin en activité aux 18e - 19e s. lui seul pas moins de 980 mou- Moulin ayant appartenu lins en activité en 1806. B 0 2 4 6 8 10 km aux Bacon du Molay

© 21/04/2016 MRSH de Caen - Pôle maritime et Pôle rural Élisabeth Ridel, Michel Daeffler

Élément paysager dans le sud du Bessin, Venez donc découvrir incontournable une petite région située autour de la forêt de Cerisy, où les mais aussi moteur conditions environnementales et politiques ont particulière- économique essentiel, ment favorisé le développement des moulins à eau. Limité, au le moulin à eau a pro- nord, par les marais du fondément marqué Bessin et, à l’ouest et à la société rurale nor- l’est, par les rivières de mande parce que, dès l’Elle et de l’Aurette, le Moyen Âge, il a jeté ce territoire boisé les bases d’une proto- s’est longtemps appelé industrie. On relève « forêts de Bur-le-Roy », en Normandie de ma- du temps où les ducs nière précoce des de normandie puis les formes particulière- rois de venaient ment innovantes de y chasser… moulins. CERISY-LA-FORêT – LE MOLAY-LITTRY – BALLEROY Des conditions favorables Les moulins à eau à l’implantation des moulins autour de la forêt de Cerisy La zone d’étude considérée est une région « d’eau et de bois », ces deux éléments conjugués ayant large- ment contribué à l’implantation de nombreux moulins. Entre le 18e et le début du 19e siècle, ce sont près de 80 moulins qui étaient en activité autour de la forêt de Cerisy. Une histoire d’eau et de bois… Le bois

La Tortonne Si les historiens ont parfaitement défini les conditions naturelles qui ont favorisé l’érec- tion et le développement de moulins à eau en Normandie, les archéologues, de leur côté, ont mis en évidence la nécessité de s’appuyer sur des réseaux de distribution

L’Esque B en bois que consommaient en abondance les moulins pour leurs fréquentes réfec- L’AURE tions. Les charpentiers de moulin avaient besoin, en particulier, de grandes quantités B B B B d’arbres de taillis ainsi que d’arbres émondés (Bernard 2009). Chêne, hêtre mais aussi Bacon du Molay pommier entraient dans la confection des roues et des engrenages. B Jusqu’au 17e siècle, la couverture forestière était assez importante, formée des B Bois du La Drôme

Molay Le Merdillon forêts dite « de Bur-le-Roy », dénomination qui vient du nom de l’ancienne résidence B B de chasse des ducs de Normandie, le « château de Bur », situé à Noron. Le massif le

La Siette

Le Molay-Littry Le Moulin Ouf plus important était celui de l’actuelle forêt de Cerisy ou « Grande forêt », dont les Bois du Le moulin à eau L’ELLE Bur limites sont demeurées quasi intactes depuis le Moyen Âge. Viennent ensuite les Tronquay est une invention qui remonte forêts du Tronquay et du Vernay, qui subirent de gros défrichements à partir du Bois du à la lointaine Antiquité, mais Vernay 17e siècle, le bois du , largement défriché par la communauté des potiers entre Cerisy Molay Balleroy sa diffusion est médiévale. En Mondaye le 11e et le 18e siècle, les bois de Guerquesalles (à Vaubadon), et de Courteil (à Bal- Forêt de Cerisy Normandie, la densité de mou- B sur leroy), tous deux disparus, celui du Mont-au-Bœuf (à ) et, enfin, le bois duParc lins à eau depuis le Moyen Âge Drôme de Semilly. e L’Aurette jusqu’au milieu du 19 siècle

B n’est plus à démontrer : elle fut La Soquence considérable. Au début de l’ère

La Branche L’eau industrielle, cette région pos- sédait sur ses multiples cours La forte densité de moulins en Normandie est due aux données Le R eau avantageuses du climat et du relief (Arnoux 2009) : du Vey d’eau de très nombreux moulins Abbaye qui ont autant façonné le pay- Bois du 1) Un climat océanique caractérisé par des pluies régulières mais Mont-au-Bœuf Château médiéval sage que les églises et les châ- peu abondantes et bien réparties dans l’année ; important teaux. Le Calvados comptait à Moulin en activité aux 18e - 19e s. lui seul pas moins de 980 mou- 2) Un relief peu accentué constitué de plateaux et petites collines Moulin ayant appartenu lins en activité en 1806. qui ont donné naissance à un réseau hydrographique dense, où les B 0 2 4 6 8 10 km aux Bacon du Molay rivières peu encaissées et stables ont favorisé un aménagement

© 21/04/2016 MRSH de Caen - Pôle maritime et Pôle rural Élisabeth Ridel, Michel Daeffler serré (on compte environ une roue tous les 1 000 mètres).

La région autour de la forêt de Cerisy est parcourue par un réseau La Drôme au pont de Sully, entre Vaubadon et Castillon secondaire particulièrement dense de grandes (l’Elle et l’Aure, af- Élément paysager fluents de la Vire) et de petites rivières qui ont permis l’implan- Venez donc découvrir dans le sud du Bessin, incontournable tation de moulins. Quelques-uns de ces cours d’eau prennent nais- une petite région située autour de la forêt de Cerisy, où les mais aussi moteur sance au cœur même de la forêt. conditions environnementales et politiques ont particulière- économique essentiel, ment favorisé le développement des moulins à eau. Limité, au Aure le moulin à eau a pro- nord, par les marais du fondément marqué Bessin et, à l’ouest et à la société rurale nor- l’est, par les rivières de mande parce que, dès l’Elle et de l’Aurette, le Moyen Âge, il a jeté ce territoire boisé les bases d’une proto- Esque Tortonne Drôme Aurette s’est longtemps appelé industrie. On relève « forêts de Bur-le-Roy », en Normandie de ma- du temps où les ducs nière précoce des de normandie puis les formes particulière- rois de France venaient Ruisseau de L’ Ruisseau de La Siette Le Moulin Le Grill Soquence Bindoure Le Vesbire ment innovantes de La Siette au pont des Louveaux, au Molay-Littry la Poterie Ouf la Commune y chasser… moulins. Les affluents de L’Aure

poster 02 expo moulins.indd 1 09/05/2016 09:50:34 LES MOULINS des abbés de Cerisy

Le contexte politique a également joué un rôle important dans le développement des installations hydrau- liques. L’émergence de puissantes seigneuries mais aussi la fondation de nouvelles abbayes ont largement contribué à leur diffusion. Les ducs de Normandie et l’abbaye de Cerisy Les moulins de Littry Depuis la donation du duc Les plus anciens textes montrent que les cours d’eau étaient déjà équi- Guillaume, tous les moulins e pés avant l’installation des seigneuries à partir du milieu du 11 siècle. La de l’ancienne paroisse de période carolingienne est loin d’avoir ignoré les moulins et les grandes Littry ont appartenu jusqu’à e e abbayes en possédaient déjà aux 9 et 10 siècles. On le voit bien à la la Révolution française à lecture de la charte de fondation de l’abbaye de Cerisy en 1032 quand l’abbaye de Cerisy. Il s’agis- Robert le Magnifique, duc de Normandie, effectue en sa faveur di- sait des moulins de Marcy, verses donations dont des moulins. Même si les indications géogra- Cannebert, Creveuil et de la phiques sont peu précises, la charte montre qu’il y avait déjà des mou- Rocquette. Ces moulins dé- lins sur une portion de l’Esque et sur la Drôme, avant que ne soit édifiée pendaient de fermes-ma- l’abbaye. noirs qui étaient fieffées par l’abbaye. Le tabellionnage de a conservé un contrat du moulin de Creveuil, daté du 10 janvier 1642, établi entre l’abbé de Cerisy et un Contrat du moulin de Creveuil, AD 14. certain Charles de Monfréard qui détermine les clauses de location du moulin et de ses « heritaiges ». Le moulin de Marcy devait dépendre de la fiefferme de Marcy (qui correspond à l’actuelle ferme du Grand Marcy), qui est mentionnée dans une charte de l’ab- baye de Cerisy en 1481. En 1771, les droits des reli- gieux sur la possession de cette fiefferme sont main- tenus par un arrêt du Conseil.

D’autres abbayes… Dans une charte datée vers 1175, Richard du Hommet, sei- gneur d’Aunay et connétable du roi d’Angleterre, confirme Il n’est pas impossible que le duc ait cherché à restituer d’an- les possessions de l’abbaye d’Aunay-sur-Odon, constituées, ciennes possessions de la première abbaye érigée par saint Vigor au entre autres, de l’église de balleroy, avec toute sa dîme et 6e siècle et détruite par les vikings au 9e siècle. Plus tard, en 1032, la dîme du moulin. Vers 1200, Jourdain du Hommet, évêque guillaume le batard, de , fonde l’abbaye de Mondaye et lui offre lemoulin le futur conquérant de de Héville. La mémoire de ce moulin médiéval est conservée l’Angleterre, augmente dans un recueil de chartes relatives à son fonctionnement. le patrimoine de l’ab- baye de Cerisy par de nouvelles donations, dont la paroisse de Littry et ses moulins. Il y avait donc à cette époque des moulins dont les roues tour- naient sur la Siette… Cartulaire du moulin de Héville, AD 14.

poster 03 expo moulins.indd 1 09/05/2016 09:54:39 LES MOULINS DES SEIGNEURS Bacon du Molay

Avec l’installation des seigneuries à partir du milieu du 11e siècle, va se mettre en place un droit sur l’utilisation des installations techniques. Moulins, fours et pressoirs sont mis à la disposition des habitants de la seigneurie. En contrepartie, le seigneur est dans l’obligation de les entretenir et les habitants ne peu- vent utiliser que ces installations seigneuriales, moyennant une redevance.

Les seigneurs Bacon du Molay La chapelle du château du Molay. Une seigneurie a particulièrement marqué le territoire autour de la forêt de Cerisy, celle des Bacon du Molay. Jusqu’au 14e siècle, les Bacon du Molay ont constitué l’une des plus puissantes familles nobles du Bessin. Le fief primitif des Bacon du Molay se situait sur l’ancienne paroisse du Molay, où ils avaient établi un château (dont il ne reste plus que la chapelle), mais aussi sur et .

Au 12e siècle, les Bacon du Molay avait étendu leur pouvoir sur d’autres paroisses et en particulier à . Roger Bacon y fonda en 1148 la commanderie des templiers de Baugy. Parmis les diverses dona- tions figure une rente en orge sur son moulin de Saon. Plus tard, en 1222, un charte de l’abbaye de Cerisy nous apprend que guillaume Bacon du Molay échangea avec l’abbé 97 perches de la rivière de la Drôme pour faire un étang à Planquery. Cet étang, qui préfigure les étangs modernes de Planquery, s’appellait « Étang Bacon » sur lequel tournait la roue d’un moulin, Blason des Bacon du Molay, photo sans doute celui nommé Moulin Bacon , comme le montre le nom du lieu qui a perduré jusqu’à nos jours. éric Broine, CRAHAM. Les moulins de Jeanne Bacon Lorsque Jeanne, dernière descendante en ligne directe des Bacon du Molay, décédait en 1376, elle laissait à ses héritiers un patrimoine foncier important localisé au cœur du Bessin. Le texte de la succession de Jeanne, rédigé en 1377, nous apprend qu’elle possédait plus d’une dizaine de moulins.

Plusieurs d’entre eux peuvent être encore identifiés de nos jours : le moulin de la Porte Plan du moulin de la Porte de l’ancien château du Molay, sur de l’ancien château du Molay Saon, 1860, AD 14. (sur Saon, disparu), le mou- lin de Blay, le moulin de Ber- nesq (disparu), le moulin de la Quièze (le fief de la Quièze avec son manoir et son étang appartenait au Bacon du Mo- lay depuis 1126 et était situé sur Notre-Dame-de-Blagny, actuellement sur Ste-Margue- Bief et pont du moulin de la Quièze rite-d’Elle), le moulin Bacon de Blagny (qui correspond au moulin Pignot à St-Martin-de-Blagny et qui dépendait de la Motte-Blagny, château appartenant aux Bacon du Molay), le moulin de , le mou- lin des Louveaux au Molay-Littry (disparu), le moulin de Saon, le moulin de . Non mentionné dans le texte de la succesion, un moulin Bacon a fonction- né sur le ruisseau de la Branche, affluent de l’Elle, à Saint-Jean-de-Savi- gny, tout près de Couvains. Or, Jeanne Bacon du Molay possédait le fief Plan du moulin de Saon, 1881-1882, AD 14. de Couvains.

poster 04 expo moulins.indd 1 09/05/2016 09:56:54 FONCTION ET TYPOLOGIE des moulins

Dès le 11e siècle, le duché de Normandie se distingue par sa capacité à innover dans l’installation de moulins industriels tels que les moulins à tan et les moulins à fouler les draps. Plus tard, ce sont dans les techniques que cette région devient pionnière en inventant le moulin actionné par une roue à augets.

La fonction Comme ailleurs en Normandie, on trouve autour de la forêt de Cerisy trois grandes catégories de moulins. Les moulins à écraser les grains étaient les plus nombreux, car il s’agissait de fournir de la farine pour toute une population. Depuis le Moyen Âge, les meuniers ont moulu plusieurs sortes de grains : l’orge, le sarrasin, le seigle et le blé. En 1148, on entrevoit à Saon le moulin seigneurial écraser de l’orge… Les moulins à presser étaient destinés à produire de l’huile. Ces moulins sont tardifs autour de la forêt de Cerisy et remontent au 19e siècle, avec l’apparition de la culture du colza introduite dans le Calvados vers 1800, grâce à un Caennais spécialisé dans le com- merce des huiles. On relève des moulins à huile à Saonnet, Littry, la Bazoque, Sainte-Honorine-de-Ducy et Sallen. Les moulins à piler ou à frapper sont des moulins industriels. Munis d’énormes masses de bois levées par des cames, ces moulins servaient à fouler les draps (ce sont les moulins à foulon), à piler les chiffons en vue d’en faire du papier (ce sont les moulins à papier), à broyer les écorces riches en tanin utilisé pour travailler le cuir (ce sont les moulins à tan), à frapper le fer (ce sont les forges). Le moulin à tan est attesté en Normandie dès 1055-1070 tandis que le moulin foulon apparaît en 1087 (Arnoux 2009). Des moulins à foulon ont fonctionné jusqu’au 18e siècle à Castillon, Balleroy et Sallen ; des moulins à papier à Noron et Planquery. Le souvenir de moulins à tan se perpétue dans les noms de lieux comme à Littry, et Sallen, où le cadastre napoléonien représente parfois leur seul témoin.

Les types de roue Deux types de roue ont fonctionné dans les villages autour de la forêt de Cerisy, dont cer- taines sont encore en mouvement : la roue à aube et la roue à augets. La roue à aube est mu-

Moulin muni d’une roue à augets figurant dans The Lutrell Psalter, 1325-1340, British Library. nie de palles entraînées par le cou- rant, elle est essentiellement utili- Installation de sée sur des rivières à pente faible la roue à aube au moulin de Rubercy mais à fort débit. La roue à augets est constituée d’une succession de compartiments cloisonnés en forme d’auges, elle convient plutôt aux ri- vières et ruisseaux à fort dénivelé, avec des débits pouvant être rela- tivement faibles. Alimentée en eau par le haut au moyen d’un canal en bois, cette roue permet d’obtenir un excellent rendement. Les mou- lins munis d’une roue à augets font leur apparition en Normandie au Moyen Âge, où ils étaient appelés moulins à coisel.

poster 05 expo moulins.indd 1 09/05/2016 09:59:41 FONCTION ET TYPOLOGIE LES CHARPENTIERS des moulins de moulin

e Dès le 11 siècle, le duché de Normandie se distingue par sa capacité à innover dans l’installation Vers 1400, le Coutumier des forêts nous apprend que des artisans tenaient des ateliers de menuiserie au de moulins industriels tels que les moulins à tan et les moulins à fouler les draps. Plus tard, ce sont dans les hameau de Saint-Quentin à Bérigny. Parmi eux, certains étaient tenus de réparer le « no » du moulin de la techniques que cette région devient pionnière en inventant le moulin actionné par une roue à augets. fiefferme de Saint-Quentin, c’est-à-dire le conduit qui amène l’eau à la roue motrice… La fonction Des charpentiers de moulin Comme ailleurs en Normandie, on trouve autour de la forêt de Cerisy trois grandes catégories de moulins. à Sallen et Bérigny Les moulins à écraser les grains étaient les plus nombreux, car il La brève allusion du Coutumier des forêts sur la présence d’artisans spécialisés dans la ré- s’agissait de fournir de la farine pour toute une population. Depuis paration de moulin au Moyen Âge préfigure un métier d’une grande importance dans nos le Moyen Âge, les meuniers ont moulu plusieurs sortes de grains : campagnes jusqu’au milieu du 20e siècle : le charpentier de moulin. Il semble qu’au fil des l’orge, le sarrasin, le seigle et le blé. En 1148, on entrevoit à Saon le siècles, ce métier ait acquit ses lettres de noblesse et ait été pleinement reconnu avec AM Le Molay-Littry – Moulin de Marcy. moulin seigneurial écraser de l’orge… toutes ses particularités et sa technicité, comme le suggère la publication aux 18e et 19e Les moulins à presser étaient destinés à produire de l’huile. Ces siècles de traités et manuels de constructeur de moulin. moulins sont tardifs autour de la forêt de Cerisy et remontent au 19e siècle, avec l’apparition de la culture du colza introduite dans Plus proche de nous, autour de la forêt de Cerisy, deux charpentiers de moulin ont marqué le Calvados vers 1800, grâce à un Caennais spécialisé dans le com- leur temps. En décembre 1936, merce des huiles. On relève des moulins à huile à Saonnet, Littry, la Pierre Fouin, constructeur et Bazoque, Sainte-Honorine-de-Ducy et Sallen. réparateur de moulins à Sallen, partait en retraite pour raison de Les moulins à piler ou à frapper sont des moulins industriels. Munis d’énormes masses de bois levées par des cames, ces moulins servaient à fouler les draps (ce sont les moulins à santé et laissait sa clientèle au foulon), à piler les chiffons en vue d’en faire du papier (ce sont les moulins à papier), à broyer les écorces riches bon soin de Maurice Pannier, de en tanin utilisé pour travailler le cuir (ce sont les moulins à tan), à frapper le fer (ce sont les forges). Le moulin à Bérigny. Ce dernier nous a laissé tan est attesté en Normandie dès 1055-1070 tandis que le moulin foulon apparaît en 1087 (Arnoux 2009). Des des documents qui témoignent moulins à foulon ont fonctionné jusqu’au 18e siècle à Castillon, Balleroy et Sallen ; des moulins à papier à Noron de son activité : quatre agen- et Planquery. Le souvenir de moulins à tan se perpétue dans les noms de lieux comme à Littry, Cahagnolles et das datés entre 1936 et 1947, Sallen, où le cadastre napoléonien représente parfois leur seul témoin. où l’on peut découvrir sa tour- née et un cahier avec quelques AM Le Molay-Littry – Moulin de Marcy. croquis techniques. AM Le Molay-Littry – Moulin de Marcy. Les types de roue La fabrication de la roue du Moulin de Marcy Deux types de roue ont fonctionné dans les villages autour de la forêt de Cerisy, dont cer- En 2009, le Moulin de Marcy, au Molay-Littry, recevait une roue toute neuve qui a nécessité le savoir faire de deux tra- taines sont encore en mouvement : la roue à vailleurs du bois reconvertis pour l’occasion en véritables charpentiers de moulin : Rémy Lebosquin, menuisier employé aube et la roue à augets. La roue à aube est mu- à la commune du Molay-Littry, et Lucien Deslande, ébéniste chez Jean Mombrun. Tous deux ont entièrement fabriqué, monté et installé la roue du Moulin de Marcy, qui en fait l’un des rares moulins en état de fonctionnement actuellement. Un petit reportage photographique avait été réalisé à l’époque par Agnès Marie, agent du patrimoine au Molay-Littry et Moulin muni d’une roue à augets figurant meunière au Moulin de Marcy, rare personne capable d’écraser les grains à l’ancienne… dans The Lutrell Psalter, 1325-1340, British Library. nie de palles entraînées par le cou- rant, elle est essentiellement utili- Installation de sée sur des rivières à pente faible la roue à aube au moulin de Rubercy mais à fort débit. La roue à augets est constituée d’une succession de compartiments cloisonnés en forme d’auges, elle convient plutôt aux ri- vières et ruisseaux à fort dénivelé, avec des débits pouvant être rela- tivement faibles. Alimentée en eau par le haut au moyen d’un canal en bois, cette roue permet d’obtenir un excellent rendement. Les mou- lins munis d’une roue à augets font leur apparition en Normandie au Moyen Âge, où ils étaient appelés moulins à coisel.

poster 05 expo moulins.indd 1 09/05/2016 09:59:41 poster 06 expo moulins.indd 1 09/05/2016 10:05:13 LES forgES de Balleroy

Alors que le bourg de Balleroy se construit progressivement au pied du château édifié entre 1623 et 1631, le roi de France octroie en 1654 une mine de fer au seigneur de Balleroy, Jean de Choisy. L’année suivante, le 30 octobre 1655, en récompense de services rendus, le roi permet à Jean de Choisy de construire des forges à Balleroy.

Le fonctionnement d’une forge Le fer contre le bois Afin d’alimenter ses forges, Jean de Choisy bénéficiait Les forges de fer étaient en fait de véritables usines. Elles com- chaque année de 70 arpents de bois dans la forêt de Cerisy prenaient un fourneau, une fenderie (atelier où l’on fend le fer en (environ 36 hectares). Mais cela ne suffisait pas. Aussi le sei- barres) et la forge proprement dite, c’est-à-dire un moulin à piler gneur de Balleroy acquit-il, au sein des forêts de Bur-le-Roy, mû par une roue à aube et actionnant des marteaux hydrauliques qui les forêts du Tronquay et du Vernay ainsi que le bois de frappaient les loupes de fer issues des fourneaux. Ce type de mou- Courteil. C’est ainsi que les forêts du Tronquay et du Ver- lin est ancien et a existé dès le Moyen Âge. L’une des plus vieilles nay subirent d’importants défrichements, au point qu’au 18e usines métallurgiques d’Europe se trouve à l’abbaye de Fontenay, siècle de nouvelles paroisses virent le jour : les paroisses du en Bourgogne, et date de la fin du 12e siècle. Tronquay et du Vernay.

Marteau de la forge Moulin entraînant le marteau. de l’abbaye de Fontenay.

Château de Balleroy L’emplacement des forges de Balleroy Balleroy garde le souvenir des forges construites par Jean de Choisy en 1655 à tra- vers le nom La rue des Forges. Les bâtiments des forges sont en partie conservés et cor- respondent à ceux de l’actuel Moulin de la Drôme. Un plan exceptionnel daté de 1774 nous en offre une description sommaire : on peut apercevoir d’importants bâtiments qui regroupaient le logis du maître des forges et les ateliers, le moulin muni de trois roues, Plan cadastral de Balleroy, 1831, AD 14 le fourneau qui était dans la cour du moulin.

Faute de bois, les forges cesse- ront de fonctionner à partir de 1740 et seront remplacées par un moulin à blé. Le plan cadas- tral ancien de Balleroy montre que l’organisation spatiale des anciennes forges était encore bien conservée en 1831 : subsis- tent les grands bâtiments et le moulin, auquel on a ajouté une Retenue d’eau du moulin. roue supplémentaire. Plan des forges datant de 1774, AD 14.