²UNIVERSITE D’ FACULTE DE DROIT, D’ECONOMIE, DE GESTION ET DE SOCIOLOGIE

DEPARTEMENT DE SOCIOLOGIE

Mémoire de maîtrise

CRISE SOCIOPOLITIQUE NATIONALE ET MONDE RURAL :

CAS DU VILLAGE D'AMBATOHARANANA-MERIMANDROSO

Présenté par : RAZAFIARIVONY Saotraniaina Tojo

SOUTENU PUBLIQUEMENT LE 22 AOUT 2012

Membres du Jury : Président : M. RAJAOSON François, Professeur Titulaire Juge : M.RAZAFINDRALAMBO Martial, Maître de conférences Rapporteur : M.SOLOFOMIARANA RAPANOEL Bruno Allain, Professeur

Année Universitaire 2011-2012

CRISE SOCIOPOLITIQUE NATIONALE ET MONDE RURAL : CAS DU VILLAGE D'AMBATOHARANANA- MERIMANDROSO

REMERCIEMENTS

A l’issue de ce travail de recherche à présenter comme mémoire de maîtrise, j’adresse ma profonde reconnaissance et ma sincère gratitude à tous ceux qui ont contribué de près ou de loin à sa réalisation, à tous ceux qui m’ont apporté leur inestimable aide intellectuelle, spirituelle et matérielle.

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FANKASITRAHANA

Ny vary hono tsy fotsy tsy an-daona. Ity boky ity dia vokatry ny fianarana sy asam-pikarohana nataon’ny tenanay nandritra ny fotoana naharitra. Ny fikarohana anefa toa ny asa vadi- drano, tsy vita tsy ifanakonana, misy tokoa ireo nanao tongotra miara-mamindra sy soroka miara-milanja taminay. Koa tolorana ny fisaorana sy ny fankasitrahana feno etoana ireto olona ireto: - Atoa SOLOFOMIARANA RAPANOEL Bruno Alain, Talen’ny Sampana Sosiolojia sady Mpampianatra, tsy nikely soroka tokoa tamin’ny fitarihana anay mba hahatontosa izao asa izao - Ny Filoha sy ny Mpampianatra mpitsara amin’izao fanohanana am-bava izao, mbamin’ireo mpampianatra rehetra nikolokolo teto amin’ny Sampana Sosiolojia - Ny ray aman-dreny sy ny fianakaviana manontolo nanampy sy nampirisika hatrany, an-tsaina sy am-panahy - Ny Ben’ny tanàna sy ny mpiasa ao amin’ny Kaominina Merimandroso - Ny Sefom-Pokontany Ambatonaorina - Ny Rektoran’ny Kolejy Teolojika Santa Paoly Ambatoharanana - Ny Talen’ny Sekoly Santa Paoly - Ny mponina ao Ambatoharanana nanaiky hiresaka tamin-kitsim-po - Ny havana aman-tsakaiza tsy ary ho voatanisa.

Fa tsy hisy zavatra tsara ho vita tsy akory raha tsy ny Tompo Zanahary no nomba tamin’ izany, koa atolotra Azy mandrakariva ny dera sy ny haja ary ny voninahitra.

SOMMAIRE

REMERCIEMENTS SOMMAIRE INTRODUCTION GENERALE PREMIERE PARTIE : HISTOIRE SOCIOPOLITIQUE NATIONALE ET MONDE RURAL CHAPITRE I : APPROCHE CONCEPTUELLE CHAPITRE II : LES REGIMES POLITIQUES A DEUXIEME PARTIE : « LE VILLAGE D’AMBATOHARANANA ET LA CRISE SOCIOPOLITIQUE » CHAPITRE III : PRESENTATION DE LA COMMUNE RURALE MERIMANDROSO CHAPITRE IV: LE VILLAGE D’AMBATOHARANANA CHAPITRE V : EFFETS DE LA CRISE SOCIOPOLITIQUE SUR L’EMPLOI CHAPITRE VI : EFFETS SUR LA POPULATION TROISIEME PARTIE : COMMENT SORTIR DE LA CRISE ? CHAPITRE VII : PERSPECTIVES POUR L'AMELIORATION DU NIVEAU DE VIE DE LA POPULATION CHAPITRE VIII : EXEMPLES DE DEUX PAYS EN CRISE ET PERSPECTIVES CONCLUSION GENERALE BIBLIOGRAPHIE TABLE DES MATIERES LISTE DES TABLEAUX LISTE DES ABREVIATIONS ET DES SIGLES LISTE DES PHOTOS D’ILLUSTRATION LISTE DES CROQUIS ANNEXES

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INTRODUCTION GENERALE

1-Généralités Madagascar, une grande île de près de 585 000Km2 et jouissant d’une large gamme de climats selon les régions, possède d’innombrables richesses naturelles au dessus ou en dessous du sol mais aussi marines avec ses 5000Km de côte. Les richesses culturelles sont aussi très appréciables : langue unique, littérature et chants, coutumes traditionnelles, etc... Sa population, selon les recherches des archéologues 1, s’est constituée au moins dès le Xème siècle. Or, il se trouve que cette population est économiquement pauvre. Elle est actuellement constituée à 80% de paysans vivant d’une agriculture peu performante, à l’image de la culture du riz, aliment de base dont la production a longtemps stagné autour de 1t/ha dans plusieurs régions. Madagascar est classé par les organismes internationaux parmi les pays les plus pauvres du monde avec en moyenne un PIB inférieur à US$300 par tête et par an. Cette situation est aggravée depuis 2009 par une crise sociopolitique sans précédent qui entraîne de fortes conséquences sur la vie culturelle, économique et sociale de la Nation. Le pays, tiraillé par des forces divergentes internes et externes, traverse actuellement une période très difficile de son histoire. Tout citoyen conscient, surtout les intellectuels et plus particulièrement les sociologues ne sauraient rester indifférents devant un pareil contraste et une si déplorable misère. La restauration de l’Etat de droit et la normalisation des relations avec l’extérieur sont indispensables et urgentes pour lutter contre la misère de la population. Aussi devant cette réalité, nous sommes-nous interrogé quant à la source du mal et surtout aux remèdes à apporter d’urgence. Dans quelle mesure la présente situation politique du pays affecte-t-elle les citoyens malgaches surtout en milieu rural ? Voilà pourquoi nous avons décidé d’effectuer cette recherche sur la politique et le dynamisme social, afin d’apporter notre modeste contribution dans la connaissance et la maîtrise des réalités malgaches. Nous estimons que c’est en effet une condition nécessaire pour résoudre le problème de la crise actuelle, et faire avancer le développement de notre patrie, un développement réellement national qui touche la majorité des Malgaches, en l’occurrence le monde rural majoritaire.

1 Voir entre autres Radimilahy (1990) et Wright & Fanony (1992) 2

2-Choix du village d’enquête

Certes, les villages où il est possible de mener des recherches ne manquent pas à Madagascar. Mais vu les moyens limités dont nous disposions ainsi que le délai imparti pour effectuer l’étude, force a été de prendre un village assez facile d’accès et assez proche de notre lieu de résidence Antananarivo, tout en se prêtant aux activités de recherche à mener et qui nous permettrait d’atteindre notre objectif. Ainsi, nous avons choisi le Fokontany d’Ambatoharanana situé à une trentaine de kilomètres au nord de la capitale. Il se trouve à l’intérieur de la Commune rurale de Merimandroso dans la partie orientale du District d’-Marovatana, Région . Le village nous est relativement familier puisque nous connaissons cette zone depuis plusieurs années.

3-Problématique Face à la crise qui perdure, quelles en sont les conséquences dans la vie quotidienne de la population majoritaire qui vit en milieu rural ? Cette crise touche-t-elle tous les différents domaines de la vie en société ou affecte-t-elle seulement l’aspect économique ?

4-Objectifs L’objectif global de notre étude est de mieux appréhender les conséquences du problème politique sur la vie de la population en général dans le contexte malgache actuel.

L’objectif spécifique est de conscientiser tout un chacun pour une prise de responsabilité afin de stabiliser la situation politique et penser à une reconstruction du pays dans l’avenir.

5-Hypothèses En réponse à la problématique posée, nous avons pris comme hypothèses que le contexte politique actuel provoque :

- l’insécurité dans la vie quotidienne de la population,

- l’instabilité économique entraîne une baisse de revenu des individus,

- l’augmentation du chômage,

- le développement incontrôlé du secteur informel,

- la dégradation morale et culturelle, 3

- l’arrêt des investissements,

- l’isolement de Madagascar sur le plan international.

6-Méthodologie - Démarche

Dans cette étude, le but étant de faire l’analyse approfondie d’une société, nous avons pris comme base une approche sociologique. Néanmoins, nous avons également adopté une approche comparative et historique afin de pouvoir évaluer le changement qui s’est produit dans le temps, entre le passé et le présent, avant le bouleversement et après trois années de crise sous la conduite d’un régime de transition.

- Techniques de recherche

Pour réaliser notre étude, nous avons recouru à plusieurs techniques qui nous paraissent indispensables et complémentaires.

Technique d’échantillonnage :

Comme nous n’avons pas pu interroger tous les paysans, faute de temps, nous avons procédé à la technique d’échantillonnage au hasard afin d’obtenir le maximum d’informations, et éviter toute prise de position arbitraire. Cet échantillon est composé de 110 personnes, homme et femme, du chef fokontany , du maire, des responsables au niveau de la Commune, et des responsables de la station anglican.

Techniques vivantes :

Avant le travail de terrain proprement dit, nous avons fait une pré-enquête pour une meilleure connaissance du milieu à étudier et pouvoir élaborer le questionnaire.

Nous avons établi d’une part, des questionnaires plus ou moins dirigés et d’autre part des guides d’entretien réalisés auprès des autorités locales, des responsables villageois et des paysans.

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Technique documentaire :

Comme toute recherche scientifique, la revue documentaire a été largement utilisée tout au long du travail.

7-Limites du travail Malgré tous les efforts que nous avons fournis, tant du point de vue méthodologique que technique, nous reconnaissons que cette étude est loin d’être parfaite et comporte des limites. Nous ne disposions pas de suffisamment de temps pour effectuer toutes les enquêtes qui nous paraissent pourtant utiles auprès des personnes concernées, et analyser minutieusement les données obtenues. Nos moyens matériels, financiers et intellectuels ne permettent pas de réaliser des recherches approfondies plus spécifiques. Nous espérons combler les lacunes dans des travaux ultérieurs.

8-Plan du document Pour atteindre l’objectif de la recherche, nous avons divisé notre étude en trois grandes parties. D’abord dans la première partie, nous essaierons de délimiter le champ d’étude où porteront principalement nos investigations avant d’aborder l’histoire politique de Madagascar après la colonisation. Ensuite dans la seconde partie, nous procèderons à la présentation du Fokontany d’Ambatoharanana : son histoire, sa population et sa société actuelle. Enfin, dans la troisième et dernière partie, nous ferons état des impacts de la crise politique dans différents domaines de la vie sociale à partir des données recueillies sur place et nous apporterons nos réflexions et suggestions sur ces réalités.

PREMIEPREMIERERE PARTIE :

««« HISTOIRE SOCIOPOLITIQUE NATIONALE ET

MONDE RURAL »»»

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Afin de comprendre le contexte global relatif à notre sujet d’étude et la situation politique qui prévaut plus particulièrement dans la zone d’étude retenue, il nous semble utile de déterminer auparavant la signification du terme politique, ses différentes approches et ses applications possibles. Ainsi cette première partie comprendra deux chapitres dans lesquels nous essaierons de donner des éléments sur la définition ou la perception de la politique en général, puis nous donnerons un aperçu de la politique des différents gouvernements des trois républiques qui se sont succédées à Madagascar. 6

CHAPITRE I : APPROCHE CONCEPTUELLE

Le terme politique peut être interprété de différentes manières mais généralement, il fait toujours référence aux affaires de l’Etat et de son gouvernement. C’est dans ce sens que nous allons donc essayer d’orienter notre étude. Cependant, il est apparenté à d’autres disciplines qu’il est aussi nécessaire de prendre en considération comme la philosophie politique, la religion et les convictions politiques.

Section I.1 : Définition de la politique Etymologiquement, le mot "politique" dérive du latin politicus et du grec politikos: "de la cité" polis . La politique est la science, l'art ou la manière d'organiser une société humaine, de gouverner un Etat ou d'exercer le pouvoir. C'est aussi l'ensemble des affaires publiques d'un Etat et des actions mises en œuvre par les partis dans le but d'accéder ou de participer au pouvoir. Définir une politique consiste donc à fixer les principes et les lignes de conduite dans le but d'atteindre certains objectifs, de déterminer les moyens nécessaires pour y parvenir.

Section I.2 : La philosophie politique Le débat initial qui fonde la philosophie politique comme un domaine essentiel de la philosophie se trouve dans le dialogue Le Phédon de Platon, lorsque Socrate indique que, dans sa jeunesse, il a été conduit à abandonner les sciences de la nature pour s'intéresser aux opinions de la Cité. Ce qu'il est convenu d'appeler sa seconde navigation avec Socrate, signe le point de départ de la Philosophie comme Philosophie Politique. Ce point de départ est déjà porteur d'une ambiguïté, que l'on peut trouver au début des œuvres d'Aristote, la Métaphysique et la Politique. En effet, chacune est dite science première. La première des tâches de la philosophie politique va être ainsi de justifier son primat sur les choses qui sont « au-delà de la Nature ».

C'est seulement au Moyen Âge, lors de la réception des textes et des commentaires de la pensée d'Aristote, que l'on en viendra à parler de philosophie première ou de Science des premiers principes à propos des textes d'Aristote dans lesquels le Stagirite analyse la polysémie des sens de l'Être et la question de l' ousia (de l'essence). Ce qu'on va appeler Métaphysique, en grec "méta ta phusikè " « ce qui est au-delà de la Nature », sera alors curieusement détachée des études politiques, en contradiction avec le propos même d'Aristote, 7 au début de ses ouvrages politiques, dans lequel il dit que la philosophie première est la Philosophie Politique.

Sans perdre des yeux cette difficulté native, on peut dire que la philosophie politique est aujourd'hui encore en grande partie tournée vers l'examen et la discussion des théories du contrat social, développées aux 17ème et 18ème siècles par John Locke, Jean-Jacques Rousseau et Emmanuel Kant. L'une des œuvres majeures de la philosophie politique contemporaine se situe explicitement dans cette perspective dite "contractualisée": il s'agit de la Théorie de la justice de John Rawls (1971), abondamment commentée dans le monde entier.

D'autres voies ont néanmoins été ouvertes avec, en France, des travaux comme ceux de Michel Foucault, de Cornelius Castoriadis, de Claude Lefort, de Jacques Rancière, de Jean- Pierre Dupuy ou d'Yves Michaud. Là encore, c'est parfois à partir de la redécouverte et de la discussion d'auteurs classiques que se sont dessinées des perspectives nouvelles - comme le montrent par exemple les analyses de Claude Lefort sur l'œuvre de Nicolas Machiavel, auteur du "Prince" (1512).

Section I.3 : Politique et religion Politique et religion ont une longue histoire commune et ont même été étroitement liées tout au long des siècles. Elles le sont encore dans beaucoup de pays. Les relations entre la religion et l'Etat peuvent prendre diverses formes. Certains exemples peuvent être cités à l’appui :

- Le monarque dieu-vivant ou d'essence divine (Pharaons, Caligula et autres empereurs romains, chinois, japonais, incas, etc.).

- La volonté de certaines religions, comme l'Islam, d'étendre leur emprise sur tous les aspects de la vie sociale et donc sur le pouvoir politique pour former, avec la vie spirituelle, une unité indissociable.

- Les théocraties dont des exemples récents comme l’Iran de Khomeiny, le Régime des Talibans en Afghanistan, les Juifs ultra-orthodoxes en Israël

- Les monarchies de droit divin où le souverain tire sa légitimité d'un lien spirituel avec la ou les divinités. 8

- Les relations privilégiées comme les concordats.

- Les partis politiques d'inspiration religieuse plus ou moins modérés à l’exemple de la Démocratie chrétienne en Allemagne, les Républicains aux Etats- Unis, le Likoud en Israël.

- Les groupes de pression religieux sur les hommes politiques comme aux Etats-Unis, en Union européenne ou en Italie.

- La laïcité selon l’expression "L'Etat chez lui, l'Eglise chez elle" (Victor Hugo), c'est-à-dire la séparation des Eglises et de l'Etat, associée à la liberté de conscience (loi de 1905 pour la France).

Presque tous les pouvoirs politiques considèrent que la religion est une bonne chose pour les sujets ou les citoyens. Les libres penseurs, les sceptiques, les agnostiques et les athées représentent pour eux un danger s'ils deviennent trop nombreux, car ils ne sont pas aussi facilement manipulables. Encourager ou soutenir la religion est un moyen pour les gouvernants d'annihiler tout esprit de rébellion par la promesse d'un lendemain meilleur.

Section I.4 : Athéisme et convictions politiques L'athéisme étant la non - croyance en une ou plusieurs divinités, on ne peut rien en déduire quant aux convictions politiques de l'athée. A l'inverse, certains partis ou mouvements politiques, comme le marxisme ou l'anarchisme, ont clairement affiché l'athéisme comme l'une des composantes de leur doctrine. L'athée étant en général un libre penseur, un "rebelle", il peut paraître évident que ce n'est pas au sein des partis conservateurs ou "pro-tradition", mais plutôt proches des partis dits "progressistes" qu'on a le plus de chance de le trouver. Mais, autant cela paraissait évident en France au moment de la lutte pour la séparation des Eglises et de l'Etat, autant il faut être prudent pour ce qui est de la situation actuelle. En effet, l'athéisme d'aujourd'hui est à la fois plus répandu et moins militant qu'autrefois. En outre, un mouvement comme le parti communiste français ne semble plus voir la religion comme Karl Marx l’a appelé au 19ème siècle "l’opium du peuple", mais comme une source potentielle d'électeurs donc à ménager.

A Madagascar, la religion a toujours été liée à la politique, aux affaires de l’Etat, depuis la royauté jusqu’à la république. 9

CHAPITRE II : LES REGIMES POLITIQUES A MADAGASCAR

Nous allons donner dans ce chapitre un aperçu des régimes qui se sont succédé dans l’histoire de Madagascar. Nous commencerons par une brève historique de ce qui s’était passé avant le retour à l’indépendance en 1960. C’est une étape qui nous semble nécessaire afin de comprendre les trois républiques successives reconnues internationalement et que nous essaierons de présenter une à une.

Dans l’histoire de Madagascar, la politique, c'est-à-dire la gestion des affaires de l’Etat, a été pendant longtemps aux mains d’une minorité de gens. Elle a commencé par les chefs traditionnels, les chefs de lignages puis les chefs de clans. A la suite des conflits entre clans voisins, de petits royaumes sont apparus et à la tête desquels se trouve le chef du clan vainqueur assisté par des conseillers, la plupart du temps les chefs des autres clans qui l’ont accompagné dans la lutte du pouvoir. Ces petits royaumes se sont progressivement agrandis au cours des siècles pour arriver à constituer de véritables royaumes bien structurés et hiérarchisés dans certaines régions. C’est le cas du royaume sakalava dans l’ouest au 18ème siècle, et surtout de celui de l’Imerina au centre, reconnu dès le début du 19ème siècle comme « Royaume de Madagascar » par plusieurs puissances étrangères de l’époque. On peut dire que dans les trente dernières années de ce royaume, la politique proprement dite, la conduite des affaires internes et externes du pays étaient déjà en grande partie aux mains de la bourgeoisie Hova dirigée par le Premier Ministre RAINILAIARIVONY.

La société était distinctement hiérarchisée et les esclaves qui constituaient presque la moitié de la population se trouvaient au plus bas de l’échelle. Madagascar était donc déjà un pays indépendant avant la colonisation.

L’armée coloniale française avait renversé ce Royaume de Madagascar à la fin du 19ème siècle emmenant de force ses dirigeants, la Reine et le Premier Ministre à l’exil en Afrique du Nord. Un système de domination coloniale fut appliqué dans tous les domaines de la vie sociale, la population soumise à une exploitation économique très dure. Les Malgaches considérés comme des indigènes, sujets français, n’avaient pas le droit de « faire de la politique ». Les récalcitrants étaient sévèrement punis, induisant les gens à avoir peur de la politique. Cependant, des Malgaches, mus par un sentiment de nationalisme, n’acceptaient pas 10 de rester bras ballants devant cette situation. Ils avaient essayé de réagir à plusieurs reprises, en commençant par la révolte populaire Menalamba contre l’armée de l’expédition coloniale. Cela s’était poursuivi par le mouvement des intellectuels regroupés au sein de l’Association Vy Vato Sakelika ou VVS au début de la Première Guerre mondiale, pour manifester leur refus de l’assimilation culturelle imposée par le colonialisme. Jean RALAIMONGO, un patriote de la génération suivante releva même le défi en entraînant ses compagnons de lutte à réclamer la reconnaissance de tous les citoyens malgaches à la fin des années vingt. Ces réactions nationalistes ont toutes été réprimées tragiquement par les autorités coloniales, mais cela n’empêcha pas la population d’entamer l’insurrection assez généralisée de 1947 dans diverses régions de Madagascar. Ici beaucoup de patriotes ont été condamnés et exécutés à cause de leur appartenance de près ou de loin au Mouvement pour la Rénovation Démocratique de Madagascar ou M.D.R.M, un parti politique qui prônait l’indépendance totale de Madagascar. Le mouvement, pour plusieurs raisons fut un échec, entraînant la mort d’une centaine de milles de personnes. La répression coloniale, après cet échec, a été particulièrement dure et elle a provoqué une grave conséquence psychologique difficilement réparable : les Malgaches redoutent désormais la politique. La puissance coloniale française en profita pour diviser le peuple et briser l’union nationale. Elle dissout le MDRM et procéda à la formation de partis politiques à connotation tribale, facilement manipulables. Elle octroya tranquillement l’indépendance à ces partis qui lui étaient favorables.

Dans ce contexte, Madagascar devint une République le 14 Octobre 1958. Depuis cette date jusqu'à maintenant, trois Constitutions ont régi la vie de la République, donnant ainsi trois Républiques successives officiellement reconnues en même temps par les Malgaches et la Communauté Internationale. Ces trois Constitutions ont subi au cours des temps, certaines modifications plus ou moins importantes, mais comme l’intégralité est restée valide, aucun changement d’appellation n’est survenu en Première, Deuxième et Troisième République. Nous allons à présent les aborder chacune de plus près.

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Section II.1 : La Première République La dénomination de Première République est étroitement liée au nom de Philibert TSIRANANA. Mais après lui, d’autres noms de dirigeants ont suivi, ceux-ci aussi ayant joué par la suite un rôle non négligeable dans l’évolution de la société. Il est indispensable de les connaître et d’étudier les contextes politiques pour une meilleure compréhension de l’histoire de Madagascar.

II.1.1. Le Président Philibert Tsiranana (01 er Mai 1959-11 Octobre 1972)

a-Déclaration de l’indépendance de Madagascar Après proclamation de la République Malgache, M. Philibert TSIRANANA en a été élu premier Président. Madagascar a été officiellement reconnu comme pays indépendant le 26 Juin 1960. La signature de la déclaration d’indépendance a eu lieu au Palais d’Andafiavaratra, ancien palais du Premier Ministre de la Royauté, entre lui et le Représentant de la République Française, M. Jean FOYER, Secrétaire d’Etat aux affaires de la Communauté. D’où d’ailleurs l’appellation « Père de l’indépendance » qui lui était décernée. A l’issue de la signature, les deux hommes ont lu cette déclaration à la population malgache, rassemblée massivement au stade de Mahamasina.

b-Signature de différents accords De nombreux accords ont été signés sous le régime Tsiranana qui avait cherché à établir des relations avec différents pays dans le monde, excepté ceux appelés alors communistes. A l’époque, il faut mentionner que c’était une pratique assez courante pour les pays anciennement colonisés par une puissance occidentale, au lendemain de l’obtention de l’indépendance. Ces accords étaient largement axés sur des questions diplomatiques avec les pays africains francophones (Sénégal, Algérie,…), les puissances occidentales (Etats-Unis, Grande Bretagne,…) et les Pays Non Alignés (Indonésie,…). Il convient cependant de relever les relations particulières avec la France appelées « Accord de Coopération » et touchant différents domaines (défense, politique extérieure, éducation etc.). Ces accords en réalité visaient à assurer les prérogatives de la France à Madagascar, et leurs objectifs étaient de faire en sorte que Madagascar reste toujours sous l’influence de l’ancienne métropole. Nous pouvons constater ce fait à travers les extraits suivants choisis parmi tant d’autres :

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° Accord de coopération sur l’enseignement supérieur :

- La République Malgache et la République Française sont convaincues que la langue française et l’enseignement qui s’appuie sur l’enseignement français sont des outils qui apporteront le progrès intellectuel, politique, économique et social pour le peuple malgache.

- Tous les fonctionnaires nommés par la République française et acceptés par la République malgache sont soumis au régime du fonctionnaire français.

° Accord additionnel concernant les facilités accordées à l’Armée française :

- L’Armée française peut utiliser librement le port de Diégo Suarez, ainsi que la mer et l’espace aérien autour du port. Elle peut aussi utiliser les bases d’, d’Antsirabe, de Tamatave, de Fort-Dauphin ainsi que les structures et services dépendant de ces bases. L’Armée Française peut utiliser les champs de tir d’ et d’Itongafeno.

- L’Armée Française peut utiliser les télécommunications terrestres, marines et aériennes. Elle peut transporter du personnel et des équipements, des bagages et des nourritures par voies terrestre, marine et aérienne.

- Si la République Française en fait la demande, la République Malgache peut réquisitionner certaines facilités au profit de l’Armée Française.

La République Malgache respectera tous les accords conclus concernant la base de Diégo Suarez. Nous verrons que ces accords particuliers bilatéraux sont à l’origine du renversement du régime Tsiranana.

c-Fin du régime Tsiranana Le commencement du déclin du régime Tsiranana a été le soulèvement populaire à caractère politique qui s’est déroulé dans le sud de Madagascar en Avril 1971. A cette époque, le gouvernement accusait le parti politique Mouvement National pour l’Indépendance de Madagascar ou MONIMA conduit par MONJA JAONA de vouloir créer des troubles dans plusieurs localités. En fait, le mouvement était dû au refus d’une partie de la population de payer les impôts pour différentes raisons dont en premier lieu la pauvreté. Les percepteurs 13 d’impôts avaient alors utilisé la force sur ces personnes, provoquant la colère générale. Il s’en suivit des affrontements sanglants entre les représentants de la loi et la population locale. Le nombre des victimes s’éleva à des centaines de morts et de blessés et même plus selon les partis d’opposition. Devant la menace d’intensification du trouble, le gouvernement central a envoyé des gendarmes afin de réprimer la révolte. Il y eut plusieurs arrestations surtout des membres du parti MONIMA qui furent déportés à Nosy Lava. Le régime Tsiranana minimisa l’événement en déclarant que ce n’était qu’un acte perpétré par le Parti de MONJA JAONA en connivence avec des groupes communistes étrangers, dans le but de fomenter des troubles avant l’élection présidentielle qui devrait se tenir à la fin de l’année 1971. Ce mouvement dans le Sud a été maîtrisé mais l’acte final s’est passé à Antananarivo un an plus tard à la suite d’une grève estudiantine.

La grande grève de 1972 a été la principale cause de la chute du régime. Cette grève a commencé à l’Ecole de Médecine et de Pharmacie de l’hôpital Befelatanana. Les étudiants voulaient une amélioration de leurs conditions d’études et réclamaient surtout l’adoption d’une formation supérieure unique pour tous les médecins formés par l’Etat malgache. En effet à l’époque, il y avait deux types de formation pour les médecins. D’un côté, il y avait l’Ecole de Médecine et de Pharmacie de Befelatanana dont la formation ne durait que quatre ans après la classe de Seconde, c’était le vestige du système colonial qui distinguait une assistance médicale limitée pour les « Indigènes ». De l’autre côté, la Faculté de Médecine à l’Université formait pendant sept ans après le baccalauréat des médecins considérés comme supérieurs. Ces revendications furent soutenues par plusieurs associations, partis politiques et syndicats.

Le malaise gagna l’enseignement général. Les écoles Secondaires, non seulement publiques mais également privées, entrèrent eux aussi en grève, encouragés par les enseignants nationaux et les parents. Les principales revendications étaient la malgachisation de l’enseignement, c’est-à-dire l’utilisation de la langue malgache à la place du français présentant un obstacle à l’acquisition des connaissances et à l’épanouissement des élèves malgaches. Il était aussi question de ce qu’on appelait la démocratisation de l’enseignement, puisque la moitié des enfants malgaches n’avaient pas accès à l’école à cause de la discrimination entre les enfants des familles riches et des autres. La plupart du temps, les premiers étudiaient dans des établissements publics qui étaient, non seulement gratuits, mais également hautement qualifiés, alors que les seconds devaient entrer dans des écoles privées 14 payant des écolages et moins qualifiées. L’Université était considérée comme trop élitiste. Il y avait aussi le problème de la limite d’âge qui restreint l’entrée aux lycées et aux collèges. Ces faiblesses, combinées avec d’autres raisons, ont conduit à la conclusion qu’il fallait revoir les accords de coopération avec la France car ils entravaient la liberté et le développement des Malgaches.

La grève s’étendit dans les provinces, la protestation devint donc générale. Le gouvernement réagit en arrêtant les leaders du mouvement à Antananarivo, ce qui eut pour conséquence la descente des grévistes au centre ville organisant des manifestations énormes sur l’Avenue de l’Indépendance. Face à la situation, les Forces Républicaines de Sécurité ou FRS tirèrent sur les manifestants le 13 Mai 1972 provoquant la mort d’une dizaine d’étudiants et de nombreux blessés. L’indignation fut générale, tout le monde descendit dans la rue. Parents et travailleurs de toutes catégories exigeaient la démission du Président de la République et de son gouvernement. L’incendie de l’Hôtel de Ville fut le symbole de cette aspiration populaire à une véritable indépendance, au rejet du néocolonialisme et marqua la fin du régime en place. Il s’est avéré plus qu’évident que pour le bien du pays, la démission des dirigeants était inévitable. C’est ainsi que le Président de la République dut remettre les pleins pouvoirs au Chef de l’Etat Major Général de l’Armée, le Général de Division Gabriel RAMANANTSOA le 18 Mai 1972.

II.1.2. Le Gouvernement RAMANANTSOA (11 Octobre 1972-05 Février 1975)

a-Objectifs du Gouvernement Après avoir reçu du Président TSIRANANA les pleins pouvoirs, le Général RAMANANTSOA forma un gouvernement dit d’union nationale. Ses principaux objectifs étaient :

- Le rétablissement de l’ordre et de la sécurité, la défense et la consolidation de l’unité nationale ;

- Le bannissement de la politique dans la fonction publique ;

- La réforme totale de l’enseignement pour avoir un enseignement démocratique, sans discrimination, réalisant la malgachisation, appliquant un programme conforme aux besoins de la nation et de l’économie ; 15

- La mise en place à l’Université d’un établissement unique pour la formation des médecins et pharmaciens;

- La mise en valeur du développement rural ;

- Une nouvelle organisation administrative basée sur le fokonolona ;

- La mise en pratique de la démocratie surtout en matière d information ;

- Le respect de la souveraineté nationale. Tous les accords internationaux signés par Madagascar sont à réexaminer afin de les rendre vraiment utiles aux besoins de la Nation.

Afin de concrétiser ces objectifs, un référendum eut lieu le 08 Octobre 1972 demandant à la population en âge de voter d’accorder au Gouvernement le droit de diriger la Nation pendant une période de cinq ans. Le résultat était nettement positif avec plus de 90% de OUI. Le Gouvernement obtint donc d’une façon démocratique la confiance du peuple malgache.

b- Réalisation des objectifs Afin de déterminer précisément les besoins et les revendications générales, des séminaires furent organisés à tous les niveaux (étudiants, élèves, enseignants,…) et dans toutes les provinces. Toutes les aspirations recueillies furent ensuite regroupées et synthétisées lors d’une Conférence nationale tenue à Antananarivo. Le représentant du Gouvernement venu à la clôture de la Conférence reçut le projet avec promesse de respecter les résolutions prises.

Le Gouvernement RAMANANTSOA œuvrait dans la réalisation des objectifs fixés de différentes manières. Il procédait en l’occurrence à l’application de la restructuration du monde rural à partir du fokonolona traditionnel, et le Fokontany devint l’unité de base qui permettrait aux paysans de s’exprimer librement et d’exercer pleinement leurs droits. Il s’efforçait aussi d’aider le petit peuple en prenant certaines mesures comme le réajustement des prix des produits agricoles et le relèvement des salaires minimum des travailleurs en ville.

c-Fin du Gouvernement Ramanantsoa Il s’est révélé très vite que le travail de redressement du pays n’était pas chose facile. Le Gouvernement rencontrait des problèmes dans la réalisation de ses projets. Vu le manque de moyens et la résistance de certaines catégories de gens surtout dans les provinces, les 16 réformes dans l’enseignement comme la malgachisation et la démocratisation se heurtaient à des oppositions. Des troubles violents à caractère ethnique éclataient également dans deux villes de la côte, à Toamasina et à Antsiranana, menaçant l’unité nationale.

Dans la capitale, des formations politiques de tendance prolétarienne (Mpitolona ho an’ny Fanjakan’ny Madinika ou MFM), animant des associations de jeunes gens issus des bas quartiers populaires (Zatovo Ory Asa eto Madagasikara ou ZOAM), organisaient des manifestations contre le Gouvernement et réclamaient des actions plus énergiques en faveur des classes défavorisées. En outre, il y avait des mécontentements au sein de l’Armée. Comme les officiers supérieurs venaient en grande partie de l’Imerina, des officiers originaires de la côte, se sentant frustrés, se retranchèrent en mutinerie dans le camp d’Antanimora. Les divergences de vues au sein du Gouvernement sur la vision de l’avenir éclatèrent alors au grand jour. Devant une telle conjoncture, dans l’incapacité de remettre de l’ordre au sein de son équipe, le Général RAMANANTSOA prit la décision de dissoudre le Gouvernement et après plusieurs tractations confia le pouvoir à un autre militaire qui, malgré les risques, accepta de prendre la relève, le Commandant de la Gendarmerie Nationale et en même temps Ministre de l’Intérieur du Gouvernement démissionnaire, le Colonel Richard RATSIMANDRAVA.

II.1.3. Le Gouvernement RATSIMANDRAVA (05 Février1975-11 Février 1975)

Une fois arrivé au pouvoir, la première action du Colonel RATSIMANDRAVA fut de nommer des ministres qui étaient originaires de toutes les régions de l’Ile, car ce fut l’une des principales causes du conflit au sein du gouvernement de son prédécesseur. Il a non seulement œuvré pour assurer l’unité nationale mais aussi essayé de poursuivre les principaux objectifs du précédent gouvernement obéissant au contrat établi avec le peuple. Il s’est attaché en particulier à la poursuite et au perfectionnement de la restructuration du monde rural et même des villes, sur la base du fokonolona, afin de réaliser une vraie maîtrise populaire du développement. Ce choix ne manqua pas de lui donner des ennemis et non des moindres, ceux qui avaient l’habitude de gagner des bénéfices au détriment de la masse populaire.

Mais son Gouvernement n’a pas duré longtemps, juste six jours puisqu’il a été assassiné au septième jour de sa nomination par des éléments du GMP (Groupe Mobile de la Police) d’Antanimora, des mutins qui refusaient de se soumettre à l’autorité du nouveau 17

Gouvernement. Les commanditaires de cet assassinat n’ont jamais été officiellement connus jusqu'à maintenant ! Un Directoire Militaire fut immédiatement mis en place dès l’annonce de la mort du Colonel RATSIMANDRAVA pour éviter le chaos. Cette nouvelle instance fut dirigée suivant l’usage par le militaire le plus ancien dans le grade le plus élevé. Ce fut le Général Gilles ANDRIAMAHAZO qui assuma donc la fonction de Chef de l’Etat.

II.1.4. Le Directoire Militaire (11 Février1975-15 Juin 1975)

a- Formation du Directoire Militaire Le Directoire Militaire fut formé pour assumer le rôle du gouvernement. Comme son nom l’indique, il a été essentiellement composé de militaires issus de l’Armée et de la Gendarmerie, soigneusement choisis pour représenter toutes les provinces de Madagascar. Il a été constitué de dix huit officiers avec à leur tête le plus haut gradé, le Général Gilles ANDRIAMAHAZO. Il n’était pourtant que le porte parole puisque les décisions étaient prises en commun. Le devoir d’annoncer à la population malgache la mort du Chef de gouvernement le Colonel Richard RATSIMANDRAVA, la mise en place du Directoire Militaire et la déclaration de l’Etat d’urgence à Madagascar lui incombèrent ainsi.

b- Objectifs et réalisations Le Directoire Militaire s’est fixé comme objectif de se cantonner aux affaires urgentes, en premier lieu de rétablir l’ordre et préserver l’unité nationale. Ainsi sa principale action fut avant tout de régler la mutinerie au camp du GMP à Antanimora, responsable de l’assassinat de l’ancien Chef du gouvernement. Devant l’échec des négociations, le camp fut attaqué et les mutins s’étaient rendus. Etant donnée la durée limitée de son mandat, le Directoire militaire n’a pas pris de grandes résolutions, il s’est contenté de poursuivre les actions entamées précédemment depuis 1972 concernant la politique intérieure et extérieure, l’économie, l’éducation, etc. Il a juste accentué ou rectifié certains points sensibles comme :

- La décentralisation et la déconcentration des services surtout dans l’administration ;

- L’harmonisation des objectifs de l’enseignement et de l’éducation avec les réalités. En attendant l’effectivité d’une langue malgache réellement commune, le malgache actuel et le français seront utilisés comme langues d’enseignement ; 18

- La restructuration et la réorganisation de l’Armée.

c-Fin du Directoire Militaire L’objectif final du Directoire Militaire n’était pas de conserver le pouvoir, mais de le remettre aux civils en organisant une élection démocratique une fois la situation stabilisée. Pour ce faire, ses membres se sont accordés pour élire entre eux un candidat qui va être proposé au peuple pour diriger la Nation. Le Capitaine de Frégate Didier RATSIRAKA fut alors choisi par la majorité de ses pairs.

II.1.5. Le Gouvernement RATSIRAKA (15 Juin 1975- 21 Décembre 1975) Suivant la Convention passée avec le Directoire militaire, il a repris les objectifs déjà fixés auparavant en commun. Dans cette ligne, il commença donc à prendre d’importantes décisions telles que la nationalisation des banques, des assurances, de l’importation ou aussi la nationalisation du transport de pétrole brut. Mais ce qui le démarqua de ses prédécesseurs, c’est qu’il a fait adopter par le peuple un référendum qui alla changer le cours de la vie politique malgache.

Section II. 2 : La Deuxième République (21 Décembre 1975 – 27 Mars 1993) Elle a commencé à la date du 21 Décembre 1975 lorsque le peuple malgache, par voie référendaire a dit OUI à la mise en place d’une nouvelle Constitution, avec la Charte de la Révolution Socialiste Malgache et le choix du Capitaine de Frégate Didier Ratsiraka comme Président de la République.

II.2.1. Objectifs du régime RATSIRAKA Par rapport à ses prédécesseurs, RATSIRAKA a voulu apporter une innovation au peuple malgache. Il était convaincu que la révolution socialiste était le seul moyen efficace qui permettrait à Madagascar de faire son décollage économique, de se développer réellement. L’application de cette idéologie sortira le pays des crises puisque la raison des affrontements et des conflits était les inégalités de tous genres au niveau du pays. Les objectifs de la révolution socialiste de RATSIRAKA étaient très ambitieux :

- L’éradication de l’exploitation de l’homme par l’homme ; 19

- La suppression des injustices et des inégalités sociales sources de division ;

- L’existence d’une administration efficace, cohérente, contrôlée par le peuple ( fokonolona socialiste) ;

- La prise en main par l’Etat révolutionnaire et par le peuple travailleur des principaux moyens de production ;

- La décentralisation effective du pouvoir, de l’avoir, du savoir faire et du faire savoir.

II.2.2. Réalisation de ces objectifs Afin de réaliser ces objectifs, le gouvernement s’est efforcé d’apporter plusieurs changements. Il a mis en place trois politiques bien distinctes.

D’abord, une politique d’indépendance et d’émancipation nationale à la suite de la dénonciation des accords de coopération malgacho-français et renouvelés en 1973. Par exemples :

- Le retrait de la zone Franc et la création d’une monnaie et d’une banque centrale malgache indépendante.

- La nationalisation de nombreuses entreprises ex coloniales (Compagnie Marseillaise, Compagnie Lyonnaise…).

Ensuite, une politique extérieure « tous azimuts » et une politique d’investissement à outrance pour accélérer le décollage économique.

Et enfin, la mise en place d’un Etat dirigé par les représentants du peuple travailleur suivant la célèbre théorie marxiste-léniniste du centralisme démocratique.

II.2.3. Fin de la Deuxième République Il y a lieu de noter que la deuxième République tout entière était sous la présidence de Didier RATSIRAKA. Ce dernier a remporté trois élections successives. Lorsqu’il a entamé la dernière, le peuple se posait des questions sur le suivi et la réalisation des objectifs fixés auparavant. Des partis politiques membres du Front National pour la Défense de la Révolution 20 ou FNDR n’étaient plus enclins à le suivre, car ils accusaient le parti du président, l’AREMA (Andrin’ny Revolosiona Malagasy ) d’être corrompu, et que le Président ne se souciait guère du bien être de la population du pays qui s’appauvrit de jour en jour. Il était clair que la réalisation des objectifs fixés au début n’était plus qu’une illusion. Les conditions de vie de la masse, après quinze ans de Révolution socialiste ne cessaient de se dégrader.

Des partis politiques se sont alors regroupés pour constituer la plateforme pour une nouvelle constitution. Puis eut lieu la Concertation Nationale des Forces Vives organisée par le Fiombonan’ny Fiangonana Kristiana eto Madagasikara ou FFKM. Elle réunissait tous les acteurs politiques sans distinction. Devant le refus du gouvernement de considérer le problème, ils ont décidé d’organiser des manifestations sur la place publique afin d’exprimer leurs idées et de conscientiser le peuple. Ces manifestations se sont tenues une nouvelle fois sur la place du 13 Mai.

Les revendications concernaient d’abord une révision de la Constitution mais s’étendirent bien vite vers la réclamation de la démission du Président Ratsiraka. Les dirigeants des manifestants ont déclaré la constitution d’un Gouvernement des Forces Vives pour montrer qu’ils ne reconnaissaient plus le régime Ratsiraka. Ils s’emparèrent progressivement des Ministères. Ratsiraka dissout son gouvernement pour essayer de temporiser, mais cela n’a pas pu arrêter le mouvement.

L’événement qui a précipité la fin de la Deuxième République fut la grande marche des manifestants vers le Palais d’Iavoloha le 10 Août 1991. La garde présidentielle tira sur la foule, faisant plusieurs morts et blessés. Un régime de transition fut créé, avec une Haute Autorité de l’Etat et un gouvernement de consensus. Ce régime prépara le passage à une nouvelle république, la troisième.

Section II.3 : La Troisième République Avant la rédaction d’une nouvelle Constitution, l’organisation de conférences régionales dans les provinces puis une nationale dans la Capitale fut confiée à la Confédération des Eglises Chrétiennes de Madagascar FFKM. Elles avaient pour but de recueillir les aspirations de toutes les couches de la population malgache. Un nouveau code électoral fut également établi, la Constitution fut soumise à un referendum suivi d’élections présidentielles à l’issue desquelles le Pr ZAFY Albert est sorti vainqueur. 21

II.3.1. Le régime ZAFY Albert (27 Mars 1993- 05 Septembre 1996)

a- Les problèmes rencontrés par le régime Dès le début, le régime ZAFY a rencontré des problèmes constitutionnels. En effet, d’après la nouvelle Constitution, le Premier Ministre n’est pas choisi par le Président de la République mais doit être élu par l’Assemblée Nationale. Or, les deux dirigeants respectifs, tous deux élus, ne s’entendaient pas parfaitement, ce qui entraîna des conflits au sein de l’exécutif. Le Président ZAFY demanda donc une révision de la Constitution. Par un référendum, il fit adopter le droit au Président de la République, de choisir et de mettre fin au mandat du Premier Ministre proposé par l’Assemblée Nationale.

Cet amendement, une fois adopté, provoqua cependant par la suite des mécontentements parce que le Président choisit parmi les proposés pour être Premier Ministre un membre de son propre parti. Or, les Forces Vives composées de plusieurs partis politiques, étaient convenues avant les élections que les trois principaux postes, Président de la République, Premier Ministre et Président de l’Assemblée Nationale devraient être tenus par trois partis politiques différents. Pour montrer leur refus, les députés déposèrent donc une motion de censure à l’encontre du Premier Ministre nouvellement nommé. Cette motion fut votée à l’Assemblée, le Président dut s’y soumettre, mais il exigea encore la majorité des membres du gouvernement pour son parti. Cette attitude fit augmenter son impopularité aux yeux de ses interlocuteurs. En outre, il effectuait trop souvent des tournées qualifiées de « Mada raid » dans l’arrière pays, retardant la prise de décision dans les affaires nationales. Il perdit complètement la confiance des partis politiques. Aussi les députés avancèrent-ils une motion d’empêchement pour le destituer de son poste.

b- Fin du régime Le régime ZAFY prit fin par cet empêchement voté par l’Assemblée Nationale et entériné par la Haute Cour Constitutionnelle ou HCC. Les motifs évoqués étaient le non respect flagrant de la Constitution. Après avoir étudié la motion conformément à la loi, la HCC proclama que la saisine faite par le Président de l’Assemblée Nationale est régulière et recevable. Elle a constaté la violation de la Constitution et déclaré l’empêchement définitif du Président de la République. Le pouvoir fut ainsi confié au Premier Ministre Norbert Lala RATSIRAHONANA. 22

II.3.2. Le Gouvernement RATSIRAHONANA (05 septembre 1996-09 Février 1997)

a- Objectif du Gouvernement RATSIRAHONANA fut chargé par la HCC d’exercer la fonction de Chef de l’exécutif pendant une période déterminée jusqu’à l’élection d’un nouveau président de la République. Sa principale mission était donc de s’occuper des affaires courantes et d’organiser l’élection présidentielle.

b-Réalisations de l’objectif Pour parvenir au but, un nouveau gouvernement a été mis en place en tenant compte de tous les critères nécessaires pour garantir l’unité de la nation. Après avoir avancé qu’il ne se présenterait pas à l’élection présidentielle, RATSIRAHONANA s’était lui aussi porté candidat mais a été largement devancé par ses adversaires.

c-La fin du gouvernement Lors des élections, il a fallu procéder à un deuxième tour pour départager les deux candidats sortis vainqueurs au premier tour : les deux anciens présidents ZAFY Albert et Didier RATSIRAKA. Ce dernier gagna le scrutin et devint le deuxième président élu de la Troisième République. Le Gouvernement RATSIRAHONANA lui céda donc la place.

II.3.3. Le nouveau régime Ratsiraka (09 Février 1997- 05 Juillet 2002 ) Il faut rappeler que Ratsiraka a déjà été Président de la République durant la Deuxième République, mais il n’a pas pu terminer son troisième mandat à cause d’un soulèvement populaire mené par les Forces Vives. Néanmoins, Ratsiraka réussit à revenir à la tête de l’Etat parce que ses adversaires n’avaient plus une grande cohésion pour soutenir le Pr ZAFY.

a- Actions du régime RATSIRAKA Arrivé au pouvoir, RATSIRAKA s’est empressé de faire organiser un référendum sur quelques modifications apportées à la Constitution. Cette réforme visait en fait à renforcer et à garantir l’autorité du Président. Voici les principaux articles de ces modifications :

- Le mandat du Président est de cinq ans et il est rééligible deux fois ;

- Le Président de la République n’est responsable des actes accomplis dans l’exercice ou à l’occasion de l’exercice de ses fonctions qu’en cas de haute trahison ou de violation grave et répétée de la Constitution ; 23

- Le Président de la République ne peut être mis en accusation que par les deux Assemblées parlementaires statuant par un vote séparé, au scrutin public et à la majorité de deux tiers. En bref, la réforme visait à créer un régime semi-présidentiel où le Président de la République choisit lui-même le Premier Ministre mais la formation du gouvernement reflète la majorité au Parlement. Elle visait également à accentuer la politique de décentralisation en donnant une certaine autonomie aux collectivités décentralisées à partir des provinces.

b- Fin du régime Comme dans son dernier mandat à la fin de la Deuxième République, le régime de RATSIRAKA s’est encore achevé d’une façon assez violente, par des manifestations populaires. Il était accusé de fraudes lors des élections présidentielles qui l’opposaient au candidat Marc RAVALOMANANA, alors Maire d’Antananarivo. En effet, lors de la publication des résultats partiels des élections, il y avait déjà une grande différence entre les chiffres sortis du Ministère de l’Intérieur et ceux avancés par le Comité Ravalomanana.

Tableau I : Résultats partiels des élections présidentielles du 16 Décembre 2001 Publications par Didier Ratsiraka Marc Ravalomanana Ministère de l’Intérieur 40,59% 46,45% Comité Ravalomanana 35,57% 53,14% Source : Médias Ce résultat provoqua la colère de la population qui manifestait en masse sur la Place du 13 Mai pour revendiquer une confrontation des procès verbaux et une recompte des résultats par bureau de vote. RATSIRAKA refusa cette revendication. Les grèves s’accentuèrent encore de plus en plus lorsque la proclamation du résultat final fut prononcée par la HCC, avec des chiffres bien loin de ceux donnés cette fois-ci par l’organe de la Confédération des Eglises Chrétiennes.

Tableau II : Résultats des élections présidentielles du 16 Décembre 2001 Publications par Didier Ratsiraka Marc Ravalomanana HCC 40,89% 46,21% Confédération des Eglises 37,34% 51,10% Chrétiennes Source : Medias 24

Les manifestations populaires ne se sont plus arrêtées que lorsque RAVALOMANANA fut reconnu quelques mois plus tard vainqueur des élections présidentielles. Cette reconnaissance mit fin au deuxième régime de Didier RATSIRAKA, et marqua le début de la troisième phase de la Troisième République dirigée par un nouveau Président de la République, Marc RAVALOMANANA.

Bref, Madagascar a connu une histoire politique assez mouvementée. Après la royauté et la colonisation qui certes, étaient loin d’un régime démocratique, les trois républiques qui se sont succédées depuis le retour à l’indépendance en 1960, n’ont pas réussi à satisfaire le peuple malgache. En effet, les différents régimes politiques qui ont dirigé le pays pendant une cinquantaine d’années se sont tous tournés par la suite vers une voie dictatoriale, et se sont terminés ainsi violemment par une manifestation populaire. La plupart du temps, par le moyen de la Constitution, les dirigeants se sont plus efforcés de conserver leur pouvoir en oubliant l’intérêt de la majorité et l’aspiration légitime à un épanouissement total de l’homme. 25

CONCLUSION DE LA PREMIERE PARTIE

Dans cette première partie, nous avons essayé de donner une définition de la politique. La politique s’avère être l’exercice du pouvoir appliqué par les autorités en place. Elle peut être associée à d’autres disciplines comme la philosophie et la religion. La politique change d’un pays à l’autre et même à l’intérieur d’une seule nation à différentes périodes, suivant des conditions internes et externes.

En suivant l’histoire politique de Madagascar, depuis le retour à l’indépendance en 1960 et jusqu’à nos jours en début du 3è millénaire, à travers les événements survenus lors des trois républiques successives, la Grande Ile n’est pas arrivée à réaliser une décolonisation vraiment effective. La nation malgache a traversé de fréquents troubles politiques assez violents, de régimes contradictoires, et peine à trouver la voie d’une vraie démocratie adaptée au peuple malgache. Les gouvernements successifs ont appliqué des politiques non satisfaisantes pour la majorité de la population, et qui se sont soldées par des crises bouleversant toute la société, aussi bien le milieu urbain que le milieu rural.

Nous aborderons justement cet aspect dans la partie suivante qui est consacrée au village d’Ambatoharanana, notre zone d’étude.

DEUXIEME PARTIE :::

« LE VILLAGE D’AMBATOHARANANA ET LA CRISE SOCIOPOLITIQUE » 26

Les questions politiques priment actuellement à Madagascar sur tous les autres secteurs de la société. Les actualités dans les médias, écrits ou audiovisuels évoquent toujours des sujets politiques, en l’occurrence relatifs aux institutions de l’Etat aujourd’hui dénommé Transition : Haute Autorité de la Transition (HAT), Gouvernement, Conseil Supérieur de la Transition (CST), Congrès de la Transition (CT). L’attention est largement focalisée sur les dirigeants, les partis politiques et les associations, au détriment des autres activités de la majorité de la population.

Les gens de la rue discutent de la crise depuis le renversement par la force du Président de la République élu en 2009 et ses conséquences sur la vie quotidienne du citoyen : la cherté de la vie, le manque ou la perte d’emplois, l’insécurité, etc. sans parler des grèves des divers syndicats qui réclament une amélioration de leurs misérables conditions de vie.

Cependant, on ne voit souvent que ce qui se passe en ville. Le milieu rural est généralement ignoré, surtout les lieux les plus reculés au fond de la brousse. Or, les ruraux participent aussi activement au développement de la Nation. Les paysans fournissent des produits agricoles et notamment des denrées alimentaires aux citadins. Ils se trouvent aussi durement frappés par la crise.

Dans cette deuxième partie du mémoire, nous allons donc étudier essentiellement la société rurale d’Ambatoharanana, sa population et l’impact de la crise politique dans différents domaines. Pour mieux appréhender la situation, nous procèderons d’abord dans un premier chapitre, à l’étude du milieu environnant, la région de Merimandroso avant d’aborder un deuxième chapitre ayant spécifiquement trait au village d’Ambatoharanana. Le dernier chapitre sera alors consacré aux effets de la crise politique sur la population elle-même.

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CROQUIS DE LOCALISATION

ALATSINAINY-AMBOPOLOALINA

MERIMANDROSO

AMBATOHARANANA

ANJOMAKELY AMBATOLAMPY AMBOHIDRATRIMO IVATO (AÉROPORT) LAZAINA AVARADRANO

SABOTSY NAMEHANA LANIERA

ANTANANARIVO

Route goudronnée Route secondaire

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CHAPITRE III : PRESENTATION DE LA COMMUNE RURALE MERIMANDROSO Il convient d’abord de présenter dans un premier temps la Commune rurale de Merimandroso dont le village d’Ambatoharanana relève, son historique et sa situation administrative. Dans un deuxième temps, nous parlerons d’Ambatoharanana proprement dit, de son origine, de sa population et de son environnement socio-économique.

Section III.1 : Historique Aujourd’hui, le nom officiel utilisé dans l’administration pour appeler le chef lieu de la commune rurale est Merimandroso. Pourtant, le nom d’origine est précédé dans la linguistique malgache du démonstratif locatif « I » qui donne la dénomination I-merimandroso. D’après le Firaketana qui s’est inspiré de plusieurs sources orales et écrites, et plus particulièrement du Tantaran’ ny Andriana , le village d’Imerimandroso 2, a été créé vers la fin du 18ème siècle par Andrianampoinimerina (1787-1810). L’objectif de ce dernier était de faire barrage aux incursions des Sakalava qui venaient régulièrement de l’ouest en Imerina pour piller la région et capturer des esclaves. Ainsi, à son habitude, ce roi a installé à cet endroit des voanjo colons composés de roturiers Hova et de nobles Andriana qu’il a appelés Manindrilahy littéralement ceux qui dominent les hommes, c’est-à-dire des combattants qui repoussent les ennemis. Il a élevé un lapa appelé Tsarahasina, un petit palais au sommet de la colline dont les vestiges restent à prouver, ainsi que les tombeaux de ces premiers occupants, vestiges encore visibles actuellement. Dans l'Imerina Enin-toko , cet endroit se trouve entre l’Avaradrano à l’Est et le Marovatana à l’Ouest, d’où son nom Imerina-mandroso, une avancée de l’Imerina. C'était donc un lieu de passage entre Ambohimanga et Ambohidratrimo. Le trajet passait par Ambatoharanana qui se trouve à une heure de marche d'Ambohimanga et moins d’un quart d'heure de Merimandroso. Mais il n'y avait pas encore eu de vrai village à Ambatoharanana à cette époque-là.

Un autre village historique mérite aussi d’être mentionné puisqu’il aura plus tard un rôle à jouer dans la vie quotidienne des habitants d’Ambatoharanana, c’est celui d’Alatsinainy, à dix minutes de marche au nord-ouest de Merimandroso. Le nom vient d’un marché également créé par Andrianamponimerina à coté d’un mont célèbre Ambohipoloalina, d’où le nom d’Alatsinain’Ambohipoloalina, litteralement le Lundi d’Ambohipoloalina.

2 Firaketana. juillet 1957:44 29

Ambohipoloalina était un village fondé bien avant celui d’Imerimandroso, à l’époque d’Andrianjaka vers le début du 17ème siècle. Lorsque Andrianampoinimerina a commencé l’installation des marchés ou tsena en Imerina, il a mis celui d’Ambohipoloalina en cinquième position, après le Jeudi d’Ambohimanga, le Vendredi d’Antananarivo, le Samedi de Namehana et le Dimanche de Lanifasana 3. Ce marché est resté un lieu très animé chaque lundi jusqu'à maintenant, et il est devenu une petite bourgade d’une grande importance pour la vie économique et sociale de la région. Alatsinainy fait partie des grands fokontany de la Commune de Merimandroso.

Section III.2 : L’administration Merimandroso a toujours été une circonscription administrative qui n’a changé que de dénomination depuis l’Indépendance : Canton, Firaisampokontany , et Commune. Il est maintenant une commune rurale au sein du District d’Ambohidratrimo dans la Région d’Analamanga. Cette Commune a une superficie totale de 80 km2 et possède une population assez modeste de 12.555 habitants. Elle se trouve à vol d’oiseau à une trentaine de kilomètres au nord de la capitale Antananarivo. Elle n’est ni traversée ni longée par une route nationale ou provinciale, et les voies de communications, composées de routes carrossables en mauvais état, difficilement praticables en saison de pluie, constituent sa principale faiblesse, un obstacle majeur à tout action de développement.

La Commune comprend vingt fokontany rassemblés dans une structure bien établie.

3 « Raha nanorina ny tsena voalohany teto anivon’ny riaka Andrianampoinimerina, dia ny tsenan’Alakamisin’Ambohimanga no voalohany indrindra, dia Anjoman’Antananarivo no faharoa, Asabotsin’i Namehana no fahatelo, Alahadin’i Lanifasana no fahefatra, Alatsinain’Andranovintana (Alatsinain’Ambohipoloalina ankehitriny) no fahadimy, talatan’i Volonondry no fahenina, Alarobian’Amboanjobe no fahafito. Ireo tsena fiton’Andrianampoinimerina ireo no toy ny tsangambaton’ny filaharan’ny andron’ny ntaolo. » Fir.juillet 1938 p.203 30

III.2.1. Les Fokontany

Tableau III : Tableau de révision spéciale du 12 Décembre 2007 au 31 Janvier 2008 des 20 Fokontany de la Commune de Merimandroso Nº FOKONTANY Nombre de Nombre des Nombre des population Electeurs Avant Electeurs Actuels 01 ALATSINAINY 1180 752 763 02 AMBATONAORINA 558 239 239 03 AMBODIVONA 218 111 118 04 AMBOHIBOROSY 415 247 247 05 AMBOHI/KITRA 438 209 209 06 AMBONILOHA 655 322 322 07 AMPAMAHO 550 156 156 08 ANKOSY 569 290 297 09 BELANITRA 410 197 197 10 MANANJARA 510 216 216 11 MANANKASINA 620 365 365 12 MANANTSOA 421 227 227 13 MANGARANO 435 321 321 14 MERIMANDROSO 1786 616 616 15 ANKAZOMASINA 934 417 417 16 AMBOPOLOALINA 1003 455 463 17 AMBOATANY 473 239 239 18 AMBOHITSOA 423 171 171 19 ANOVORANO 560 303 303 20 TSARASAOTRA 397 159 159 Source : Commune de Merimandroso

La Commune comprend vingt fokontany d’une importance inégale tant du point de vue du nombre de population que des activités économiques. Les moins importants sont en général ceux qui sont difficiles d’accès et se trouvent éloignés de la route principale reliant la Commune avec ses voisines vers la Capitale. Beaucoup d’entre eux ne se sont également constitués en fokontany que très récemment, puisqu’ils étaient auparavant un rassemblement 31 de hameaux et de petits villages. Par contre, on constate sur ce tableau de recensement que les fokontany les plus populeux (plus de 1000 habitants) sont les plus anciennes localités historiquement : Merimandroso, Ambohipoloalina et Alatsinainy. La raison en est que le facteur historique est renforcé par le côté pratique de la vie quotidienne. En effet, ces trois fokontany sont situés l’un à côté de l’autre, le long de la route principale. Toutes les questions administratives, les paperasses nécessaires à l’état civil (mariage, naissance, décès, etc) doivent être traitées à Merimandroso où se trouvent la Mairie et ses services. Tandis que les activités économiques sont centrées sur Alatsinainy célèbre par son marché hebdomadaire traditionnel, le tsena qui attire tout le monde. Toutes les transactions s’y déroulent, grandes et petites, partant de la vente et l’achat de bœufs jusqu’aux fruits et légumes. Même les autres jours de la semaine, les paysans y viennent pour s’approvisionner en intrants agricoles: engrais, provendes, ou pour se rendre à la décortiquerie, etc … Ces différentes activités drainent les gens et font affluer la population rurale. De plus, la bourgade d’Alatsinainy constitue le terminus des taxi-brousses, du fait que les conducteurs s’arrêtent là au lieu de continuer jusqu’à Merimandroso, chef lieu de la Commune situé à plus d’un kilomètre ; ils jugent non rentable de prolonger au delà.

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III.2.2. Organigramme de la Commune rurale de Merimandroso

CHEF MAIRE PRESIDENT D’ARRONDISSEMENT DU CONSEIL ADMINISTRATIF

SECRETAIRE 1er 2nd 7 ADJOINT ADJOINT MEMBRES

SECRETAIRE TRESORIER COMPTABLE

SECRETAIRE ADMINISTRATIF

Sur cet organigramme nous constatons que le Maire, ainsi que le Chef d’arrondissement administratif et le président du conseil se trouvent au même rang, à un même pied d’égalité.

Théoriquement, il n’y a pas de hiérarchie mais dans la pratique c’est difficile à réaliser. Le Maire est le Chef de l’exécutif et il est directement élu par le peuple, à la différence du chef d’arrondissement qui est un fonctionnaire nommé par ses supérieurs ainsi que du président du Conseil élu par ses pairs. Il a donc une lourde responsabilité devant la population, et occupe un poste de direction très délicat. Or, la capacité de ces maires surtout dans les communes rurales est assez modeste et la formation qui leur est donnée est insuffisante. Cela entraîne des maladresses dans l’exercice de leur fonction. Les maires commettent souvent des erreurs dans la gestion du budget communal. Il faut aussi remarquer que les ressources de la commune ne sont pas bien nombreuses. Il existe juste la perception des différents droits et taxes qui ne lui permettent pas de réaliser des travaux d’investissement nécessaires pour améliorer les 33 conditions de vie de la population. L’allocation donnée par l’Etat est minime par rapport aux besoins réels ressentis, et encore l’octroi ne vient pas en temps opportun. La Commune ne peut donc compter que sur elle-même. De telles contraintes intellectuelles et matérielles constituent des obstacles au développement de la zone. Comme pour la grande majorité des Communes de la Grande Ile, celle de Merimandroso rencontre des problèmes de gestion. Elle vaque aux activités quotidiennes, elle avance lentement surtout dans le contexte actuel dominé par la crise politique. Ce ralentissement est perceptible dans les différents secteurs de la société.

III.2. 3 : Croquis du chef lieu de la commune rurale de Merimandroso Croquis I : Croquis du chef lieu de la commune rurale Merimandroso

Source : croquis personnel, 2011

C= Commune rurale de Merimandroso

1= Route secondaire passant par la Commune rurale

2= Des maisons autours de la Commune rurale

3= Rizières

4= Végétation environnante

5= De grands arbres

6= Route secondaire allant au marché d’Alatsinainy

7= Route secondaire allant au village d’Ambatoharanana

8= Rivière desservant les rizières en eau d’irrigation

9= Petit pont pour les voitures

10= Eglise dans la Commune rurale

Section III.3 : L’Education Le secteur éducatif dénote bien le retard de la Commune rurale de Merimandroso. Parmi les vingt fokontany existants, quinze seulement ont des Ecoles Primaires Publiques 34

(EPP). L’unique Collège d’Enseignement Général (CEG) se trouve dans le chef lieu de la Commune, et il n’existe pas de lycée pour le second cycle du secondaire. Ce ne sont pas les élèves qui manquent mais les moyens financiers permettant à la Commune de construire les bâtiments nécessaires et de recruter des enseignants qualifiés. Les conditions de travail ainsi que la discipline dans ces établissements publics laissent souvent à désirer. Aussi les parents, du moins ceux qui le peuvent, préfèrent-ils envoyer leurs enfants dans les écoles privées ou confessionnelles - il y en a une dizaine, du niveau primaire mais surtout secondaire jusqu’aux classes terminales. Les horaires des cours doivent s’arrêter à seize heures trente ou dix sept heures, faute d’éclairage suffisant.

Section III. 4 : L’électricité et l’eau potable La Société nationale Jiro sy Rano Malagasy JIRAMA a raccordé l’électricité dans la Commune depuis plus d’une vingtaine d’années, mais jusqu'à maintenant cinq fokontany seulement en disposent, et spécialement les villages installés le long de la route principale. D’après les estimations des responsables de la mairie, moins de la moitié des habitations de ces cinq fokontany possèdent l’éclairage électrique. Dans les villages éloignés, une ou deux maisons détiennent un groupe électrogène que leurs propriétaires emploient pour faire marcher la télévision ou la vidéo. C’est une source de revenus parce qu’il faut payer un prix d’entrée. Certains ménages ayant un poste téléviseur obtiennent du courant électrique à partir de batteries de voiture usagées. Mais la plupart des paysans vit encore le soir sous la lueur de l’âtre et des chandelles. Les élèves font leur devoir de maison en s’éclairant de la petite lampe à pétrole de fabrication artisanale, moins chère et plus économique que la bougie. Il faut noter que certaines localités avaient déjà eu des branchements d’électricité auparavant mais elles sont retombées dans l’obscurité à cause du vol fréquent des fils électriques de la JIRAMA.

En ce qui concerne l’eau potable, des organisations non gouvernementales comme le Fianakaviana Sambatra ont fait, il y a plusieurs années, une adduction d’eau potable avec des bornes fontaines dans certains villages. Malheureusement, pour diverses raisons dont des conflits personnels, mais surtout par manque d’entretien et de responsables, les installations se sont dégradées et il n’en subsiste que des vestiges par ci et par là. Actuellement, la quasi totalité de la population se procure de l’eau soit en creusant un puits dans leur cour, soit en puisant de l’eau à la rivière ou à une source quelconque dans la montagne avec ce que cela 35 suppose de fatigue, de pertes de temps et de risques de contamination provoquant des problèmes de santé.

Section III.5 : Le dispositif sanitaire Comme infrastructures sanitaires, la Commune dispose d’un Centre de Santé de Base CSB II dans la localité du marché d’Alatsinainy et de deux Centres de Santé de Base CSB I dont un à Ankazomasina et un autre à Manantsoa. La différence entre CSB I et CSB II réside dans le personnel médical en poste : dans le premier il y a une sage femme et un aide soignant dénommé dokotera par les paysans, alors que dans le second en plus de la maternité, les patients peuvent consulter un vrai médecin. La population choisit donc le centre selon ses besoins. Autrement, la Commune dispose également de deux dépôts de médicaments se trouvant à Alatsinainy et à Ambohipoloalina.

Tableau IV : Etablissements sanitaires dans la Commune Centre de Santé de Base Centre de Santé de Base Dépôts de médicaments CSB I CSBII • Ankazomasina • Alatsinainy • Alatsinainy • Manantsoa • Ambopoloalina Source: Enquête personnelle, Année 2011

Le problème des centres médicaux est leur éloignement car ils se trouvent à deux ou trois heures de marche de certains villages, ce qui constitue un handicap majeur pour les malades et les femmes enceintes près d’accoucher. S’y ajoutent le risque de ne pas trouver un médecin sur place - absent, en congé ou autre motif, ainsi que le manque ou le coût des médicaments prescrits. Ces inconvénients de la médecine moderne n’encouragent guère les paysans à rejoindre ces centres médicaux. Dès lors, ils sont plutôt enclins à se tourner vers les plantes médicinales et la médecine traditionnelle : les mpimasy devins guérisseurs, les mpanotra masseurs et les reninjaza pour les soins des femmes et l’accouchement. Ces praticiens traditionnels sont encore très actifs dans la zone de nos jours. 36

Le choix entre ces deux médecines est étroitement lié aux croyances et à la religion.

Section III.6 : Croyances et religions Pour le christianisme, il existe plusieurs confessions religieuses dans la Commune de Merimandroso, mais la majorité de la population appartient aux trois églises dites historiques incluses dans le Fiombonan’ny Fiangonana Kristiana eto Madagasikara ou FFKM. Toutes les trois s’y sont implantées depuis la deuxième moitié du 19ème siècle. Il s’agit de l’Eklesia Episkopaly Malagasy (EEM), du Fiangonan’i Jesoa Kristy eto Madagasikara (FJKM) et de l’ Eglizy Katolika Apostolika Romana (EKAR). Cependant, de nouvelles petites confessions moins nombreuses mais plus bruyantes sont venues ces quinze dernières années prêcher l’Evangile à coté des anciennes : Jesosy Mamonjy, Pentecôtiste, Adventiste, Apokalipsy et Vahao ny Oloko . Au vu du nombre de ces confessions et de leurs activités, on pourrait penser que les habitants de la Commune sont tous des chrétiens convertis. Néanmoins, il faut noter que les croyances traditionnelles subsistent toujours. Elles sont matérialisées par la présence de différents doany, lieux sacrés installés au sommet des montagnes où les gens viennent à des moments déterminés du mois pour consulter les « esprits ». Le culte des ancêtres est aussi actualisé quelquefois par la pratique des us et coutumes comme le famadihana et le respect des fady interdits (oignons, ails, chèvres, etc).

Pour conclure sur ce chapitre, on peut dire que la Commune de Merimandroso fait partie des plus petites communes les plus pauvres du District d’Ambohidratrimo. Il n’y existe pas de grandes industries ni de zones franches employant plusieurs ouvriers. Le principal moyen de transport des produits reste la charrette à bœufs. A part le lundi, jour de marché, il est très difficile de trouver un taxi brousse au-delà de trois heures de l’après midi. Les déplacements quotidiens habituels des habitants sont encore de loin dominés par la marche à pied. Le système éducatif et sanitaire, les conditions de vie quotidienne sont caractéristiques du sous développement. La religion chrétienne vit à coté des croyances traditionnelles.

Cette présentation rapide de la Commune de Merimandroso dépeint la précarité du quotidien de la majorité de ses habitants. C’est une illustration de la pauvreté de la population. Le village d’Ambatoharanana sis dans un des vingt fokontany constitutifs n’échappe pas à la règle et vit les mêmes conditions générales qui y prévalent.

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Le paysage d’Ambatoharanana en 1883

Source : Archives du Collège Théologique Ambatoharanana

38

CHAPITRE IV: LE VILLAGE D’AMBATOHARANANA

Le village d’Ambatoharanana existe depuis longtemps, bien avant la colonisation car il a vu le jour au temps de la royauté malgache. C’est un village qui abrite maintenant une population assez considérable, ainsi que des monuments historiques qui méritent qu’on s’y attarde. Ambatoharanana fait partie des cinq villages qui constituent le fokontany : Antaninandro, , Ikanja et Ambatonaorina. Ce dernier porte le nom du fokontany qui est, selon le dernier recensement, formé de cinq cent cinquante huit habitants dont deux cent trente neuf adultes. Nous allons ainsi aborder l’histoire d’Ambatoharanana et ses particularités.

Section IV.1 : Origine du village d’Ambatoharanana

IV.1.1. Historique Dans le chapitre précédent, nous avons mentionné que, aux temps d’Andrianampoinimerina, le trajet d’Ambohimanga vers Imerimandroso passait par la place d’Ambatoharanana, littéralement là où il y a une pierre. Cet endroit se trouve juste à une dizaine de minutes de marche d’Imerimandroso. Mais à cette époque, il n'y eut pas encore de vrai village à Ambatoharanana. Ce dernier commença seulement à être connu en 1878, lorsque les missionnaires anglicans de Londres, la Society for the Propagation of the Gospel (SPG) ont décidé d’y construire un important lieu de formation de clergés nationaux pour la future Eglise anglicane malgache. Ils ont transformé un vaste domaine dégarni en un Centre socio-économique comprenant plusieurs bâtiments dont les plus importants sont les deux édifices en pierre encore visibles actuellement : l'Eglise bâtie en 1882 et le Collège théologique en 1890. Ces derniers ont été surtout l’œuvre des Zazamanga, nom donné aux anciens esclaves importés de la côte orientale d'Afrique que les missionnaires ont recueillis sur le marché d’Antananarivo après leur libération par la loi royale de 1877 4. Les habitants des environs ont été rapidement attirés par les activités du Centre : culture, ferme, hôpital, sanatorium, artisanat et bien sûr l'éducation de l’Eglise et de l’Ecole. L’enseignement donné par cette dernière n’était pas destiné uniquement aux hommes d’église, mais une bonne partie concernait également l’enseignement général. Ambatoharanana jouissait d’une célébrité

4 Razafiarivony « Les descendants des anciens esclaves importés d’Afrique à Madagascar : tradition et réalité » 2005 39

évidente puisque selon les correspondances des missionnaires 5, des jeunes de haut rang comme un prince et un petit-fils du Premier Ministre y faisaient leurs études. Les gens venaient même d’Antananarivo pour assister aux célèbres théâtres dont ceux de l’auteur anglais Shakespeare que les enseignants ont traduits en Malgache 6. Le village d'Ambatoharanana s'était ainsi progressivement formé sous la dépendance de la station anglicane. Les villageois y travaillaient comme gens de maison des missionnaires ou comme ouvriers. Cette dépendance de la fin du XIXème siècle s'est poursuivie pendant la colonisation et même jusqu'aux vingt ou trente premières années de l'Indépendance, essentiellement sur le plan éducatif. Tous les enfants ont fait leurs études à l’école de la station jusqu’en classe de seconde et même en terminales. Ils recevaient assez régulièrement de l’extérieur des dons alimentaires (huile de table, lait en poudre, vitamines,…) et des jouets aux jours de fête comme Noël, Nouvel an, Pâques,… Néanmoins, cela a diminué lorsque les missionnaires n'exerçaient plus d'activités économiques, et que des écoles publiques ou privées ont ouvert leur porte à Merimandroso et dans les Fokontany voisins. Le village s’est alors tourné vers l’extérieur, d’autant plus qu’il n’y avait plus de missionnaires étrangers à la station, le Collège théologique vit désormais des ressources locales.

5 Archives du Collège St Paul Ambatoharanana 6 « Nahavoaka olona tsara fianarana maro io Kolejy io. Anankiray nahalaza an’Ambatoharanana koa tamin’ny andro malagasy, dia ny fampisehoana tantara amin’ny fihetsehana, indrindra fa ny asan’i Shakespeare, izay nirohotam-bahoaka maro hatraty Antananarivo » Fir Okt 1938 p.277 40

IV.1.2. Croquis du village d’Ambatoharanana Croquis II : Croquis du village d’Ambatoharanana

Source : croquis personnel, 2011

1= L’église anglicane

2= Le Collège théologique

3= L’école des enfants de la Maternelle aux classes de seconde

4= Bâtiment affilié à l’école des enfants

5= Grands arbres

6= Végétation

7= Tombes des missionnaires

8= Logement des responsables du Collège théologique

9= Maisons des villageois

10= Terres cultivées

11= Décortiquerie (Bâtiment où est installée la machine à décortiquer le riz)

12= Terrain de football

13= Petite route menant au terrain de football

14= Route allant vers Lazaina

15= Route allant vers la commune de Merimandroso

16= Habitation des étudiants du Collège

17= Terrain de basket ball

18= Aire de jeux des enfants (balançoires) 41

19= Grande salle

20= Maison de l’administrateur

21= Terrain de volleyball

22= Maison du directeur de l’école primaire et secondaire

D= Dispensaire

R= Route secondaire reliant les villages

E= Petites épiceries

IV.1.3. La politique des missionnaires anglicans Nous avons déjà vu que le village d’Ambatoharanana s’est construit parallèlement à l’installation de la mission anglicane. Cette dernière a joué un rôle important dans le développement de la vie socio-économique et culturelle du village. Les missionnaires ont construit non seulement une église pour la région, mais également un collège théologique pour former les clergés de l’église anglicane de tout Madagascar et des laïcs, et ceci jusqu’à aujourd’hui. Mis à part ce côté ecclésiastique ou spirituel, ils ont aussi bâti une école d’enseignement général pour les enfants du village et entretenait la santé de la population par la mise en place d’un dispositif sanitaire efficace et permanent. En outre, ils n’ont pas négligé la construction d’un atelier d’apprentissage de différents métiers pour aider les paysans à se développer eux-mêmes. On constate que les missionnaires britanniques, surtout dans les vingt premières années de leur installation, c’est-à-dire avant la colonisation, ne se sont pas contentés de forger la foi des Malgaches. Ils se sont aussi efforcés de transformer leurs conditions de vie matérielle et économique. Ces objectifs peuvent être vérifiés même dans le programme des matières enseignées à l’école et au Collège où l’on remarque entre autres l’économie politique, la physique et la chimie, la physiologie, la littérature des célèbres écrivains comme Shakespeare,…Toutes ces matières ont été enseignées en malgache pour être vraiment acquises et maîtrisées par les élèves malgaches. Malheureusement, ces actions ont été arrêtées ou fortement perturbées par la politique de la colonisation française.

Les premiers missionnaires qui ont travaillé à Ambatoharanana ont été tous de très haut niveau et avec diverses spécialités. L’exemple le plus frappant est celui du Révérend Francis 42

Ambrose Gregory qui a dirigé la station dès son ouverture jusqu'en 1900. Il avait le diplôme de Master of Art et son épouse aussi était une universitaire. Ils étaient venus à Madagascar en 1874 juste après leur mariage. Ils appartenaient à la noblesse anglaise et étaient très riches. A eux seuls, ils avaient pris en charge presque la totalité de l’argent nécessaire à la construction du bâtiment en pierre du Collège théologique, dont le montant s’élevait à des milliers de Livres sterlings. Ils ont également donné gratuitement beaucoup d’ouvrages à la bibliothèque pour l’usage des étudiants. Gregory, en tant que Principal ou directeur du Collège, avait réussi à former pendant son mandat une quarantaine de catéchistes, de diacres et de prêtres nationaux. Il avait pu construire avec ses collaborateurs plus d’une trentaine d’églises dans le District 7 d’Ambatoharanana. Après son départ en 1900, le nombre des missionnaires anglicans a progressivement diminué parce que les responsables de Londres ne voulaient plus trop s’imprégner à Madagascar devenue entretemps une colonie française 8.

Le tableau V ci-dessous nous montre la liste des missionnaires qui ont exercé à Ambatoharanana en tant que Principal ou adjoint :

Tableau V : Liste des principaux missionnaires d’Ambatoharanana Année Missionnaires 1874-1882 Rev. Francis Ambrose Gregory 1882-1884 Rev. Georges Hall Smith 1884-1892 Rev. Frederic Puller 1892-1900 Rev. Francis Albert Gregory 1900-1905 Rev. Joseph Fuhler Radley 1905-1915 Rev. J.V Young 1916-1921 Rev. Alan Neil Webster 1926-1930 Rev. Caleb Razafimino Source : Archives Collège théologique Saint Paul

On voit sur le tableau que les « Principal » du Collège étaient tous des missionnaires étrangers sauf le Rev. Caleb Razafimino, 46 ans après sa création en 1878. Apres lui, aucun

7 Un district dans la structure de l’Eglise anglicane est composé de plusieurs paroisses 8 Razafiarivony « L’Eglise anglicane, un aperçu sur l’union régionale des Iles de l’Océan Indien », 2000

43 autre Malgache n’a dirigé le Collège qu’en 1990, année à partir de laquelle le rectorat fut définitivement donné aux nationaux.

IV.1.4. Accessibilité D’Antananarivo, Ambatoharanana est accessible en voiture par deux directions. Du côté Ouest, on peut y aller par une route secondaire contournant l’aéroport d’Ivato et passant par Alatsinainy et Merimandroso. La longueur de ce trajet est de trente cinq kilomètres environ. Du côté Est, la deuxième direction vient aussi par une route secondaire à partir de Lazaina Avaradrano après , longue de près de trente kilomètres. Il existe un troisième itinéraire qui traverse la plaine de Laniera mais il est impraticable en saison de pluie. Cependant, il faut noter que les transports en commun ne desservent pas jusqu’à Ambatoharanana. Par le premier itinéraire, les taxis brousses s’arrêtent au marché d’Alatsinainy comme mentionné précédemment. De là, il faut compter trois quart d’heures de marche pour atteindre Ambatoharanana. Par le deuxième par contre, la marche commence à Lazaina et dure près de deux heures.

En général, les habitants d’Ambatoharanana préfèrent prendre la route de Laniera pour rejoindre la Capitale. Même si aller par Alatsinainy semble être plus proche, il présente des inconvénients : perte de temps et d’argent. En effet, en plus des trois quart d’heures de marche pour atteindre la place, il n’est pas sûr de trouver rapidement un taxi brousse même dans la matinée. Par ailleurs, il faut changer de bus à Ivato, et le montant des frais s’élève au total à 1300 Ar, en aller simple. De ce fait, les gens préfèrent marcher pendant une heure empruntant des pistes sinueuses à travers les rizières, donc seulement accessibles à pied, pour arriver à la bourgade d’Ambatolampy où il y a des taxi-brousses moins cher en permanence passant par Laniera. Néanmoins cet itinéraire demande une certaine robustesse et reste un parcours hors encombrement d’enfants en bas âge ou de lourds bagages. 44

Route du côté Ouest et du côté Est d’Ambatoharanana

Source : Photo personnelle, 2011

IV.1.5. Sécurité Le village ne connaît pas encore de grands délits avec meurtre. Cependant, les larcins et vols de récoltes aux champs ala-botry sont assez fréquents en période de soudure, et le nombre des cambriolages quotidiens augmente. Par précaution, les habitants ne laissent pas leur maison sans occupant surtout le lundi jour de marché, car les voleurs opèrent surtout ce jour, profitant de l’absence des propriétaires. Ces vols sont plus ou moins maîtrisés par l’organisation du village qui consiste à faire surveiller les champs et le village par les hommes, les gardes. Mais comme chacun vaque à ses occupations personnelles, il y a parfois des litiges. Dans le cas de crimes ou délits graves que le village ne peut gérer, les responsables chef de village ou chef fokontany font appel aux éléments du poste avancé de la gendarmerie de la Commune installé à Alatsinainy. La sécurité repose en réalité sur l’organisation villageoise, mais l’insécurité provient de la faiblesse de l’économie.

Section IV.2 : Les activités économiques

IV.2.1. L’Agriculture Comme moyens de subsistance, la majorité de la population pratique l’agriculture complétée par un élevage plus ou moins important. Comme partout ailleurs en milieu rural des Hautes terres de Madagascar, la culture du riz est la principale activité économique. La vie en général tourne autour de cette production qui reste aussi l’aliment de base. Le paysan cultive sa terre, mais rare sont ceux qui ont de vastes surfaces permettant d’obtenir des récoltes suffisantes pour nourrir leur famille pendant toute l’année. Les 90% sont obligés de faire des travaux supplémentaires d’appoint. Soit le paysan travaille journellement comme ouvrier agricole avec un salaire fixe, soit il cultive les rizières des propriétaires terriens avec un accord 45

établi avant la campagne culturale. Dans ce dernier cas intervient le système de métayage dans lequel il doit donner le tiers de la récolte au propriétaire, ou bien le système de fermage qui l’oblige à verser une part fixe au patron quelle que soit la production. En fin de compte, dans les deux systèmes, le paysan ne gagne pas beaucoup puisque souvent le rendement ne dépasse pas la tonne à l’hectare sans apport d’intrants.

A part la riziculture qui s’étend d’octobre à avril-mai, les gens pratiquent les cultures d’intersaison comme le manioc, le maïs, les légumes, l’oignon, etc. Certaines sont pratiquées dans des champs particuliers, tandis que d’autres occupent la rizière en contresaison lorsque le paddy est récolté. Les gens appellent ces cultures voly avotra , littéralement cultures salvatrices car elles leur permettent de tenir lors de la saison sèche. Si possible, ils vendent une partie de la production pour gagner un peu d’argent.

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Voly avotra

Source : Photo personnelle, 2011

IV.2.2. Le Commerce Le riz est le produit qui se vend le plus au village à l’époque des moissons, jusqu’au 26 Juin fête nationale où l’on festoie. Ce produit peut alors être acheté à très bas prix. Ce sont surtout les acheteurs extérieurs ou les collecteurs qui sont les plus bénéficiaires. Ils viennent au village en camion ou avec des charrettes et en profitent au maximum. Au-delà de cette période, le prix du riz monte progressivement pour arriver jusqu'à presque le double en décembre. Le paysan n’est plus vendeur, il devient acheteur et comme il n’a pas d’argent, il se rabat sur le manioc, aliment de substitut en période de soudure qui tend maintenant à s’étendre de plus en plus. Il est ainsi constaté que la production de riz est insuffisante et que les paysans ne savent pas encore gérer leur récolte.

La vente d’oignons est une source de revenus pour ceux qui en cultivent. Ils les vendent au village même au moment de la récolte en pleine saison de pluie. Des collecteurs viennent les prendre à des prix bien inférieurs au prix du marché en ville (Sabotsy Namehana et surtout Antananarivo). Il en est de même pour la commercialisation des légumes et des brèdes. Vu leur caractère facilement périssable, il est assez difficile de les transporter. L’activité cultures maraîchères ne rapporte donc pas mais elle permet aux paysans de subvenir aux besoins de trésorerie immédiats.

Deux petites épiceries vendent des produits de première nécessité comme le sel, l’huile de table, le sucre vendus rationnés par cuillerée et dont le prix est fortement supérieur à ceux trouvés en ville. S’y vendent également des produits courants utiles au quotidien tels les petits poissons secs, le vary lava largement utilisé comme laoka, mets complément du riz. Les 47 boissons alcooliques de fabrication artisanale toaka gasy et le rhum industriel procurent assurément des bénéfices aux épiciers.

Notons que le système d’échange direct ou troc existe toujours dans la zone. Des marchands ambulants viennent échanger des biens de consommation : ustensiles de cuisine, vêtements d’occasion, tissus, etc …contre des produits agricoles du paysan. Ce dernier sort perdant dans ces transactions puisqu’il ne connaît pas la valeur marchande de ses produits, alors que le vendeur sait bien à combien il a acheté les siens et à quel prix il doit revendre pour en tirer des bénéfices.

IV.2.3. L’Artisanat et l’Industrie Ni l’artisanat, ni l’industrie n’ont encore leur juste place au village, et même au niveau de la Commune. Pour l’artisanat, la population ne lui accorde pas une grande importance du fait qu’ils sont accaparés par la riziculture. En effet, les travaux de champ demandent beaucoup de temps et mobilisent toute la famille depuis le labour, au repiquage, au sarclage jusqu’à la moisson et la conservation. Il existe une machine décortiqueuse à la station anglicane, et les gens y apportent quelques kilos chaque jour, à soubique, car ils n’ont pas assez d’argent et ils préfèrent garder le paddy plus conservable que le riz blanc.

D’après les traditions, la broderie faisait dans le temps la renommée de ce périmètre Ambatoharanana-Ambatonaorina-Amboatany. Beaucoup de femmes s’adonnaient à ce travail artisanal et en vivaient même. Par la suite, à cause de problèmes de fournitures et de débouchés pour les produits finis, elles ont abandonné l’activité. Actuellement, il ne reste plus que deux femmes âgées qui font de la broderie comme passe-temps.

Un homme du village d’Ambatoharanana fabrique des foyers au charbon fatapera, fatana mitsitsy, sur commande. De nombreux jeunes gens et des hommes fabriquent des briques de terre ou d’argile en saison sèche, mais n’en font pas une profession fixe.

Pour ce qui est de l’industrie proprement dite, il n’en existe pas au village. A part la décortiquerie qui n’emploie que deux hommes, un certain nombre de jeunes, garçons et filles, vont dans la zone d’Ivato pour travailler dans les zones franches de fabrication de vêtements.

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La décortiquerie

Source : Photo personnelle, 2011

Section IV.3 : Education et Santé Le domaine de l’éducation et de la santé occupent une place très importante à Ambatoharanana. Il est ainsi nécessaire d’en parler.

IV.3.1. Ecole et Eglise Comme nous l’avons déjà vu auparavant, l’éducation a été la principale activité des missionnaires venus à Ambatoharanana, non seulement pour l’évangélisation et la formation des hommes d’Eglise mais aussi pour l’éducation en général, donnée aux enfants et aux jeunes.

a- Le Collège théologique Saint Paul Ambatoharanana Les étudiants viennent de tout Madagascar. Ils sont envoyés et recommandés par leur diocèse d’origine. Actuellement trois sur les cinq existants Antsiranana, Antananarivo, Fianarantsoa, Mahajanga et Toamasina y sont représentés. La formation des étudiants qui veulent devenir prêtre appelé presbytère dure quatre ans. Avant 2011, chacun d’entre eux recevait une bourse d’études mensuelle grâce aux subventions offertes par la Mission de Londres. Depuis l’année dernière, ce sont leur paroisse et leur diocèse qui les aident. Ils ont des logements individuels pour les mariés, et partagés en groupe de trois pour les célibataires. Des lopins de terres devant leur logement sont mis à leur disposition pour qu’ils puissent pratiquer quelques cultures vivrières. Il faut noter qu’ils reçoivent aussi des formations en matière d’agriculture et d’élevage qu’ils doivent mettre en pratique. Les étudiants sont ainsi éduqués pour produire à la fois dans le domaine spirituel et dans le domaine matériel. Une fois ordonnés prêtres et affectés dans leur lieu de travail à l’issue de leurs études, il faut qu’ils 49 puissent aider les fidèles à améliorer leurs conditions de vie quotidienne. Ils sont habitués à ne pas être de lourds fardeaux pour la congrégation.

Structurellement, le Collège théologique dépend directement de la Conférence Episcopale de l’Eglise Anglicane de Madagascar, et il a une autonomie de fonctionnement.

Le Collège Théologique Saint Paul Ambatoharanana

Source : Photo personnelle, 2011

b-L’Ecole Saint Paul L’école Saint Paul est l’école d’enseignement général ouverte à tous les enfants de la zone. Elle est rattachée spirituellement à l’église, le prêtre y joue le rôle d’aumônier. Mais pédagogiquement et administrativement, elle relève de la Direction centrale des écoles anglicanes de Madagascar. Depuis 2011, les classes vont de la maternelle aux classes terminales. C’est là généralement que les gens du village envoient leurs enfants. L’école 50 possède un grand bâtiment à étage, situé à vingt mètres en bas du Collège théologique. Ses salles de classe sont assez spacieuses, entourées d’une large cour où les enfants peuvent s’épanouir pendant les recréations, condition nécessaire au bon développement de l’esprit humain. L’école a en plus un complexe sportif : un terrain de basketball, de volleyball, de football, et un jardin d’enfants. Ce complexe sportif est aussi mis à la disposition des étudiants du Collège théologique. Pourtant, comme le bâtiment a été construit dans les années soixante dix et qu’il n’est pas bien entretenu, il est maintenant en mauvais état. Notons que les élèves fréquentant cette école ont payé et paient toujours des frais de scolarité, écolages modestes mais non négligeables face à la pauvreté des paysans. Une école préscolaire non payante, subventionnée par une association étrangère est ouverte à coté de la station depuis 2008, ce qui crée de gros problèmes aux dirigeants de l’Ecole St Paul et de l’Eglise.

Ecole Saint Paul

Source : Photo personnelle, 2011

IV.3.2. Eglise Il faut souligner que l’objectif principal des missionnaires était l’évangélisation. C’est la raison pour laquelle ils ont d’abord bâti en 1882 un bâtiment en pierre, durable pour attirer et garder les habitants de la région dans la foi chrétienne, y compris ceux du village d’Ambatoharanana. Leur stratégie a réussi puisque tous les membres de la station et de ses environs immédiats étaient tous des anglicans jusqu'à l’arrivée des nouvelles confessions et 51 surtout après le départ du dernier missionnaire à la fin des années quatre-vingt. Cette église sert également de lieu de recueillement et d’exercice d’apprentissage des rites liturgiques pour les étudiants du Collège théologique, de futurs clergés. Malheureusement, comme l’école voisine, face à sa vétusté et à l’insuffisance d’entretien convenable, ce bâtiment tombe maintenant dans une très grave détérioration qui risque de le faire s’écrouler.

Eglise Saint Paul Ambatoharanana

Source : Photo personnelle, 2011 52

IV.3.3. Santé En matière de santé, la station anglicane possédait depuis 1982 un dispensaire ayant un médecin résident et qui disposait d’un dépôt de médicaments assez fourni. Destiné initialement aux soins du personnel de la station, il a été rapidement ouvert aux villageois puis au grand public. Des sœurs religieuses y travaillaient pendant une dizaine d’années comme infirmières. Le soin et les médicaments étaient modestement payants. Durant les quinze premières années, les consultations journalières dépassaient la cinquantaine. Par la suite, elles ont diminué progressivement à cause des problèmes pécuniaires qui frappaient durement le pouvoir d’achat du paysan. En 2011 le dispensaire dut fermer ses portes parce que le nombre de patients trop réduit ne permettait plus au Collège, lui-même désormais privé de subventions étrangères, de payer la rémunération du médecin. Les malades du village sont désormais obligés de rejoindre des établissements publics à plus d’une demi heure de marche au risque de revenir bredouille faute de médecin ou de médicaments adéquats. Nombreux sont ceux qui recourent à la médecine traditionnelle et aux vertus des plantes médicinales.

Dispensaire de la station Ambatoharanana

Source : Photo personnelle, 2011 53

CHAPITRE V : EFFETS DE LA CRISE SOCIOPOLITIQUE SUR L’EMPLOI

La stagnation de la situation politique actuelle au niveau national entraîne des conséquences néfastes sur la population en matière économique. Le départ des investisseurs étrangers a conduit à la fermeture d’usines et à la suppression de nombreux emplois qui affectent beaucoup le milieu rural comme Ambatoharanana. Nous pourrons constater le problème à travers les chiffres sur les différents métiers existants et les revenus des paysans.

Section V.1 : Impacts sur l’emploi

V.1.1. Interprétation des données

Tableau VI : Répartition des personnes enquêtées par emploi EMPLOI EFFECTIFS POURCENTAGE Cultivateurs/Eleveurs 60 54,54% Maçons/Ouvriers 18 16,36% Gardiens/Agents de sécurité 9 8,18% Machinistes 9 8,18% Chauffeurs 4 3,73% Epiciers 3 2,72% Couturières 3 2,72% Fabricants de briques 3 2,72% Trésorier 1 0 ,90% TOTAL 110 100% Source : Enquête personnelle, Année 2010

Nous pouvons constater que la majorité des enquêtés sont des cultivateurs et éleveurs. Ils pratiquent diverses cultures : - Des céréales : riz, maïs ;

- Des légumineuses : haricot, voanjobory et arachides ;

- Des légumes : courgettes, petits pois, haricots verts, poireaux, carottes, pomme de terre, piments, petsay , choux, oignons ;

- Des racines et tubercules : manioc, patates, saonjo . 54

L’élevage concerne surtout les animaux de basse cour, mais c’est plus un élevage extensif et de type traditionnel. Quelques uns s’adonnent à l’élevage de bœufs ou de porcs. Après cette première catégorie viennent les maçons. Les gens sont assez familiers avec la maçonnerie puisqu’ils construisent eux-mêmes leurs propres maisons. Rares sont ceux qui ne font que ce métier pour vivre car la plupart pratiquent en parallèle l’agriculture. En général, la maçonnerie n’est pratiquée qu’en saison sèche et souvent en dehors du village. Il en est de même pour la fabrique de briques d’argile pratiquée dans les rizières et vendues à des clients externes. Ensuite, vient l’emploi de gardien ou de machiniste. Pour le premier, il y en a quatre qui travaillent dans la station anglicane, mais d’autres sont chargés de garder les fermes ou les plantations environnantes tenues par d’anciens colons. Pour le machiniste, à part les deux agents qui font tourner la décortiquerie de paddy de la station, trois font le même travail dans les unités d’Alatsinainy, tandis que quelques uns travaillent dans les zones franches de la région d’Ivato ou d’Antananarivo et reviennent au village en fin de semaine quand c’est possible. Les quelques chauffeurs qui existent sont des salariés des taxi-brousses et des fermes voisines. L’épicerie et la couture ne sont en fait que des occupations occasionnelles ou d’appoint. En fait, d’une part, l’épicier n’a pas assez de trésorerie pour se procurer beaucoup de marchandises à mettre sur les rayons, et d’autre part, les villageois non plus n’ont pas assez d’argent pour acheter. Seuls les produits de première nécessité (sel, sucre, pétrole,…) sont vendus en quantité limitée, mesurée par cuillerée. Les couturières rencontrent les mêmes problèmes, elles ne trouvent des clients(tes) qu’aux fêtes (noël, mariage, famadihana ,…) Enfin, la Commune n’est pas un grand pourvoyeur d’emploi pour les villageois car seule une personne y travaille comme trésorier. Dans la mesure où aucun organisme autre que la station n’existe au village, les travaux de bureau (secrétariat,..) y sont inconnus.

V.1.2. Analyse des données Nous pouvons tirer du tableau que la majorité de la population vit maintenant de l’agriculture. Or, il faut noter qu’un certain nombre d’entre eux, en plus du travail de la terre, avaient trois ans auparavant d’autres occupations. Beaucoup de jeunes gens et de jeunes filles allaient en ville travailler dans des entreprises surtout les zones franches. Suite à la fermeture de nombreuses entreprises due à la crise sociopolitique, la plupart de ces jeunes, devenus brusquement chômeurs sont retournés à la campagne. Ils n’avaient d’autre choix que de se 55 mettre au travail de la terre au village, afin d’éviter disent-ils de tomber dans les mauvaises tentations urbaines comme les bandes organisées pour les jeunes hommes et la prostitution pour les jeunes filles. Certes, le travail dans ces zones franches n’était pas de tout repos : les ouvriers et ouvrières étaient quelquefois obligés de venir à l’usine même le samedi et le dimanche et y rester tard jusqu’au milieu de la nuit. Le salaire également était très bas. Cependant, ils gagnaient un peu d’argent et arrivaient tant bien que mal à survivre. Lors des enquêtes, nous avons souvent entendu dire : "Avant, nous n’avions pas du temps pour nous reposer car il y avait toujours des travaux à faire. Il était rare de nous voir au village. Maintenant, on reste tout le temps ici". En effet, il faut reconnaître que le travail de la terre est dur, long -plus de six mois d’attente, fatigant, alors que le rendement est bien faible et les prix non payants. Le paysan ne gagne pas beaucoup de bénéfice, puisqu’il n’a pas les moyens d’utiliser ni engrais ni matériels agricoles qui permettraient d’augmenter la productivité. Il travaille toujours d’une façon traditionnelle. Il n’existe aucune assurance de garantie contre les dégâts cycloniques ou les maladies, entre autres le paludisme qui affaiblit souvent le cultivateur. Les mêmes conditions de travail sont aussi valables pour l’élevage à caractère extensif peu soigné. Ces différentes raisons font que les jeunes préfèrent autant que possible quitter le village, considéré comme lieu de pauvreté. Ils aspirent à une vie meilleure, à d’autres métiers plus rémunérateurs, impossible à trouver au village. La fermeture de la plupart des grandes, moyennes et petites entreprises a donc fait en sorte que des villageois, surtout les jeunes, se sont retrouvés brusquement sans travail, et ont décidé de retourner malgré eux dans l’agriculture et l’élevage. Les autres types de métier, faute de vraies entreprises, sont rares et certains n’arrivent pas à faire vivre leurs employés.

Section V.2 : Impacts sur les revenus Toute personne doit travailler pour gagner sa vie, et chaque travailleur a le droit de gagner le fruit de son travail. Nous allons voir ici les revenus obtenus dans chaque métier afin d’avoir une meilleure compréhension de la vie de la population du village et pour une meilleure analyse de l’impact de la crise.

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V.2.1. Comparaison des revenus par métier

a-Interprétation des données Nous allons présenter dans ce sous paragraphe les revenus selon les métiers. Certes, les salariés sont peu nombreux au village, mais une analyse exhaustive doit prendre en considération tous les faits.

Tableau VII : Comparaison des revenus par métier Revenus Avant 2009 Depuis 2009 Lieu de travail Métiers Gardiens/Agents de 60.000 Ar 60.000 Ar Soavimasoandro sécurité (1/3) Gardiens/Agents de 100.000 Ar 100.000 Ar Ambatoharanana sécurité (2/3) Epiciers 140.000 Ar 50.000 Ar Ambatoharanana Machinistes (1/3) 80.000 Ar 80.000 Ar Ambatoharanana Machinistes (2/3) 90.000 Ar 60.000 Ar Zones franches Caissier 300.000 Ar 100.000 Ar Ambatoharanana Couturières 1.000 Ar /couture 0 Ar Ambatoharanana Source : Enquête personnelle, Année 2011 - (1/3)= On parle du tiers de l’ensemble des gardiens ou des machinistes

- (2/3)= On parle des deux tiers de l’ensemble des gardiens ou des machinistes

- Ar= Unité monétaire malagasy

Il apparait clairement que les salaires des agents de sécurité ou gardiens n’ont pas changé après la crise quel que soit leur lieu de travail et le montant perçu. Devant l’insécurité grandissante, ce qui touche au maintien de la sécurité fait partie des rares métiers qui se sont maintenus sinon ont progressé pendant la crise. En effet, beaucoup d’entreprises plus ou moins importantes, et des personnalités plus ou moins haut placées ont été obligées de renforcer leurs systèmes de sécurité et de recruter de nouveaux gardiens pour se protéger des actes de banditisme de plus en plus meurtriers. Ce qui fait que les agents de sécurité et les gardiens n’ont pas été congédiés, la crise n’a pas ébranlé leur métier. Leur salaire n’est certes pas élevé par rapport au risque du métier mais comparé à ceux des aux autres, il n’a pas changé. La crise a aussi épargné les machinistes : ceux qui travaillent à la décortiqueuse de la mission 57 anglicane ont quand même pu percevoir leur salaire mensuel. Le riz étant un aliment de base des Malgaches, y compris ceux d’Ambatoharanana, sa culture doit toujours être pratiquée, aucun risque encouru sur ce plan. Le riz a une place primordiale non seulement au niveau du village, mais aussi au niveau de la Commune rurale toute entière où la majorité de la population en cultive aussi. La décortiqueuse trouve donc toujours des clients tout au long de l’année et plus particulièrement durant les mois de récolte. Par ailleurs, il n’y a pas de concurrence puisque l’unité la plus proche se trouve à Alatsinainy. Ce qui justifie l’utilité de l’installation et le salaire inchangé des machinistes, du moins à Ambatoharanana. A part ces deux catégories d’agents précitées, les autres métiers ont tous été touchés par la crise. Les deux tiers des machinistes qui travaillent dans des zones franches ont vu leurs salaires baisser. Les épiciers et le trésorier ont aussi connu une baisse très considérable de leurs revenus. Certaines activités ne rapportent même plus rien comme la couture.

b-Analyse des données Certains métiers n’ont pas été tellement affectés par la crise, ceux des agents de sécurité et autres gardiens. Sans être nombreux, ils permettent néanmoins à quelques uns de survivre. Tous, grande ou petite bourgeoisie, ont besoin d’assurer la sécurité des personnes et des biens. Habituellement, dans une société moderne, c’est aux forces de l’ordre d’y veiller : la Police, la Gendarmerie et l’Armée. Mais par temps de crise, politique, économique ou sociale, la recherche de sécurité s’accroît car ce n’est plus autant assuré par les responsables. Une crise quelle que soit sa nature, s’accompagne le plus souvent d’une insécurité au niveau de la région et même de la nation tout entière selon la gravité de la situation. Madagascar a maintes fois connu cette insécurité due à une crise politique. Or, ce sont les destructions des moyens de production et les pertes d’emplois causées par les violences qui provoquent l’insécurité. Les sans emplois doivent se nourrir et pourvoir aux besoins de leurs familles. Crise politique, chômage et insécurité sont étroitement liés. Nous pouvons le schématiser comme ci-après :

CRISE POLITIQUE PERTE D’EMPLOI

INSECURITE

58

Les agents de sécurité ou gardiens conservent leur travail et perçoivent un salaire normal car l’insécurité qui sévit renforce leur utilité.

Pour les autres métiers par contre, c’est la dégradation voire la suppression. Le revenu des personnes concernées s’est dégradé au point de se demander s’il permet encore de survivre. Ainsi pour le caissier, son revenu est tombé au tiers de son salaire initial alors qu’il doit nourrir sa famille, faire face à l’augmentation de prix des produits de première nécessité (PPN), considérer les autres besoins indispensables comme les effets vestimentaires et les frais de scolarisation à payer chaque mois. Les prix augmentent sans cesse quand inversement, le salaire diminue.

De même, pour ceux qui travaillent dans les zones franches, les heures de travail ont été réduites pour diminuer les charges sociales. Les dépenses sont limitées pour permettre à l’entreprise de continuer à fonctionner. Rares sont les entreprises qui sont encore ouvertes actuellement. Elles fonctionnent avec le minimum de personnel et un minimum de salaire. Puisque la demande est beaucoup plus élevée que l’offre, les ouvriers ne peuvent pas exiger des salaires convenables, ils doivent accepter ce qu’on leur propose. Dans notre enquête, nous avons rencontré des personnes qui travaillent dans ces entreprises franches rescapées, mais elles sont minoritaires comparées aux gens qui ont perdu leur emploi et se trouvent au chômage. Si ceux qui travaillent encore avec un très bas salaire ont déjà beaucoup de difficultés à survivre, la question se pose alors comment ces nombreux chômeurs peuvent-ils s’en sortir.

Quant au métier de couturière, cela ne rapporte plus. Les couturières travaillent à leur propre compte à domicile. Elles n’ont plus de clients, vivant au jour le jour. L’appauvrissement ne permet plus de passer encore par deux étapes avant d’obtenir un vêtement : acheter du tissu puis payer la couturière. Les ruraux comme les citadins, préfèrent plutôt se rabattre sur les friperies (vêtements d’occasion importés de l’extérieur), de loin moins cher avec 500 Ar la pièce : pantalon, chemise ou robe de qualité acceptable. Or ce phénomène de la friperie, très en vogue actuellement, tue à long terme l’économie nationale puisque non seulement elle éloigne les clients de la couturière, donc affaiblit l’artisanat mais aussi pousse à la faillite les usines textiles locales. 59

V.2.2. Comparaison des revenus des maçons

a-Interprétation des données Nous avons interrogé six hommes qui travaillent en construction de bâtiments, et nous avons étudié particulièrement leurs revenus. Nous verrons ultérieurement que ce métier de maçon est intéressant à plus d’un titre.

Tableau VIII : Comparaison des revenus des maçons Revenus Avant 2009 Depuis 2009 Lieu de travail Maçon N°1 15.000 Ar/semaine 40.000 Ar/semaine Ivato N°2 Rarement 15.000-25000 Ar/semaine N°3 30.000 Ar/semaine 30.000 Ar/semaine Ivato N°4 140.000 Ar /mois 100.000 Ar/mois Ivato N°5 20.000 Ar/semaine 15.000 Ar/semaine Aux alentours N°6 3.000 Ar /jour 2.500 Ar/jour Aux alentours Source : Enquête personnelle, 2011

- N°= Représentation des six maçons

- Ar= Ariary

- Aux alentours= aux environs d’Ambatoharanana, dans les villages voisins

On constate d’après le tableau VIII que dans les trois premiers cas, il y a une progression ou tout au moins une stabilisation du montant des salaires pendant la crise, comparé à la période d’avant. Il est bon de noter que leur lieu de travail se trouve en ville, à Antananarivo (Tanjombato) ou dans l’agglomération d’Ivato à côté de l’aéroport international.

Par contre, pour les trois derniers ouvriers, leurs salaires ont sérieusement régressé après deux ans de crise. Les deux exercent à la campagne autour d’Ambatoharanana même, tandis que le troisième se trouve toujours à Ivato et il perçoit un salaire mensuel beaucoup plus élevé que les autres. Remarquons qu’il n’y a pas de barème officiel sur le salaire des maçons privés, il dépend uniquement du patron, de l’entreprise et de l’importance du bâtiment à construire, de l’expérience de l’ouvrier et de sa capacité à marchander. Il ne faut pas oublier 60 que ce sont des tacherons, ils sont recrutés par tâche et le salaire est souvent calculé par jour ou par semaine. La plupart travaille dans le secteur informel. Ce qui explique dans un sens la différence des chiffres. Néanmoins on peut les analyser et en tirer une conclusion sur le métier de maçon avant et au cours de la crise.

b-Analyse des données Comme notre étude concerne surtout la situation socioéconomique du milieu rural et plus spécifiquement au village d’Ambatoharanana, faute de temps, nous n’avons pas cherché des statistiques sur le nombre de bâtiments en construction en ville, à Antananarivo et à Ivato. Nous allons nous concentrer ainsi sur les données obtenues au village même sur les salaires. Le tableau VIII montre une grande différence entre la société urbaine et la société rurale : les maçons qui travaillent en ville sont bien mieux payés, leurs salaires étant deux ou trois fois plus élevé que pour ceux qui exercent à la campagne. Les maçons sont pour la plupart payés par semaine. Le quatrième ouvrier, qui travaille en ville, est payé mensuellement, probablement qu’il est employé régulier dans une entreprise. Le sixième qui exerce aux environs d’Ambatoharanana reçoit le salaire journalier le plus bas. Ceci est logique car la circulation monétaire y est faible, les habitants sont pauvres et construisent eux-mêmes leur maison. Peu de gens font appel à des ouvriers de métier pour construire des bâtiments autres que leurs habitations, car la demande en location est limitée à la campagne, voire inexistante. Seuls les quelques fonctionnaires affectés dans la région, qui travaillent surtout dans l’enseignement, en ont besoin. Ce qui n’est pas le cas pour les agglomérations, en particulier dans la capitale, où la circulation monétaire est toujours importante.

Au vu des salaires des maçons, il apparaît que la construction de bâtiments a quand même progressé pendant la crise. Les explications viennent du fait que la demande de logement déjà insuffisante auparavant en ville, augmente encore de plus en plus justement en raison de la crise qui favorise l’exode rural. Les gens fuient la campagne et les provinces et viennent dans la capitale pour trouver du travail même si c’est ponctuel. « C’est mieux qu’à la campagne, disent-ils où il n’y a rien à faire et rien à manger »

Par ailleurs, il est à signaler que certaines catégories de personnes qui ont accédé à des postes de responsabilité sous l’actuelle Transition, en ont profité pour améliorer leurs conditions de vie en construisant de belles villas et autres bâtiments (grand hôtel, entreprises, 61 etc) aussi bien en ville qu’à la campagne dans leur village d’origine. Ce qui a promu le métier dans l’immobilier.

Dans les trois derniers cas du tableau, c’est logique que les salaires aient baissé après la crise vu que la majorité de la population n’a plus les moyens d’employer d’autres personnes ; eux-mêmes ont déjà des difficultés. Certaines personnes ont commencé à construire des maisons employant des maçons mais avec la crise leur budget a été réduit entraînant ainsi la baisse des salaires de ces employés. Encore heureux que ces derniers n’aient pas été congédiés. Entre le quatrième et les deux derniers cas, nous constatons qu’il existe un grand écart entre les salaires. Ceci est dû à la différence des lieux de travail. Ceux qui travaillent en ville ont des employeurs beaucoup plus aisés que ceux de la campagne. Nous pouvons le constater ici même pour ces maçons. Ceux qui travaillent à Ivato et à Tanjombato perçoivent des salaires beaucoup plus élevés que ceux qui travaillent aux alentours du village. Même si ces salaires ont tous baissé, les maçons qui travaillent en ville ont une belle et bien meilleure vie comparée à ceux qui restent à la campagne. Ce n’est pourtant pas de leur faute puisque le travail se fait rare en ville. Les maçons travaillent là où il y a du travail. La situation est critique et les gens n’ont pas le choix. "C’est mieux que rien" disent-ils. Il y a juste des personnes plus chanceuses que d’autres et qui trouvent du travail mieux payé. C’est le cas de trois des maçons enquêtés. Ainsi, il est constaté que la crise touche aussi bien les citadins que les ruraux et que la majorité de la population malgache souffre de la situation actuelle du pays.

Cependant, il y a toujours des exceptions comme dans le troisième cas ici. La crise n’a pas changé le salaire. Les gens ont des revenus différents selon leur travail, selon le métier qu’ils exercent. Les employeurs sont variés. Il y en a des riches, des moyens et même des employeurs qui sont en difficulté mais pour préserver les relations sociales « le fihavanana », les maçons acceptent quand même de travailler pour eux. Dans le troisième cas, les maçons sont employés par des personnes assez aisées puisqu’elles n’ont pas changé ce qui a été convenu au départ malgré la crise. Ces personnes qui ont pu résister à la crise actuelle restent pourtant minoritaires comme le montre le tableau VIII. La majorité est dans l’impasse.

Les deux premiers cas de figure revêtent un intérêt particulier. Comment se fait-il que ces maçons, malgré la crise, voient leur salaire augmenté alors que pour d’autres, le salaire est resté le même et a baissé pour la majorité ? Si lors d’une crise, le niveau de vie de la 62 population et l’économie du pays dégringole, il existe toujours des minorités qui profitent de la situation. Prenons le cas de l’importation des voitures. Avec la crise actuelle, c’est à se demander si le pays est encore gouverné, puisque nombreux sont ceux qui s’adonnent à des affaires de voitures avec pratiques illégales. Le dédouanement de ces voitures est devenu source de revenus pour certains. Un autre exemple concret est la délivrance de papiers aux usagers. Dans les bureaux administratifs, on fait payer les gens pour des services qui en temps normal sont gratuits. Si on ne paie pas, les papiers ne seront jamais délivrés.

Il est utile de faire remarquer certains faits réels, flagrants qui n’échappent pas à l’homme de la rue et qui sont rapportés par les média sur les conditions de vie de ceux qui sont arrivés au pouvoir en 2009. Certaines personnes qui ont occupé pendant un certain temps un quelconque poste de direction sous cette période dite transitoire, ont réussi à changer complètement leur niveau de vie. Nombreux sont ceux qui en quittant le poste quelque temps après, en quelques mois, une ou deux années, sont devenus très riches. Pour ceux-là et surtout ceux qui sont encore en poste, il n’y a pas de crise, tant mieux si la Transition s’éternise, l’appauvrissement de la masse ne les préoccupe pas. Or, la situation s’aggrave de jour en jour, les chiffres obtenus au cours des enquêtes sur les revenus des villageois le prouvent. La population vit misérablement, contrairement à un avenir meilleur promis par les dirigeants. Bien sûr, ceux qui ont pu profiter de la situation et gagner plus, disent que les conditions de vie se sont améliorées. C’est le cas des quelques maçons interrogés et qui ont répondu : "Nous préférons la situation actuelle puisqu’on a du travail". Ils font partie de ceux qui ont eu la chance d’être bien payés. Mais la situation de la majorité est bien différente.

Les quelques exemples du tableau nous montrent que certains patrons ont la possibilité de mieux rémunérer leurs employés. D’autres par contre n’offrent qu’un montant très réduit bien en dessous du minimum vital. Ces problèmes survenus pour certaines catégories de personnes et leurs revenus vont se répercuter également sur la vie des paysans en général.

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CHAPITRE VI : EFFETS SUR LA POPULATION

Le chapitre précédent a permis d’aborder le cas de quelques métiers particuliers qui en fait ne concernent que la minorité. Qu’en est-il à présent de la grande majorité de la population, c’est-à-dire des paysans qui dépendent essentiellement de l’agriculture et de l’élevage ? Nous nous pencherons dans une première section sur les revenus de ces paysans et ensuite dans la deuxième sur les impacts de la crise dans leur vie quotidienne.

Section VI.1 : Impacts sur le revenu des paysans

VI.1.1. Interprétation des données

Tableau IX : Comparaison des revenus des paysans Revenus Avant 2009 Depuis 2009 Pourcentage des Enquêtés gens enquêtés 3 60.000Ar 20.000-15.000 Ar 5% 12 25.000 Ar 16.000-10.000 Ar 20% 19 20.000 Ar 16.000-15.000 Ar 31,66% 23 15.000 Ar 10.000 Ar 38,33% 3 6.000 Ar 3.000 Ar 5% 60 99,99% Source : Enquête personnelle, 2011

Avant la crise, nous remarquons que les niveaux des revenus sont plutôt hétérogènes. C’est dû au fait que leurs lopins de terre ne sont pas tous des mêmes dimensions. Ceux qui disposent d’une grande superficie à cultiver gagnent plus, à l’inverse de ceux qui en ont de plus petites et qui gagnent moins. D’après cette étude, on peut déduire que la majorité des paysans au village a des parcelles plus ou moins égales, partant des revenus tirés. Le plus important est que tous réussissent quand même à subvenir à leurs besoins.

Depuis la crise, toutes les recettes ont extrêmement baissé et les gens rapportent à peu près la même somme d’argent du marché. Il n’y a presque plus de distinction de revenus entre eux. Les pertes se ressentent partout et les rares propriétaires de grandes parcelles, supposés obtenir plus de récoltes, se retrouvent tout aussi perdants, les pertes étant beaucoup plus lourdes que pour la majorité à petits champs.. 64

VI.1.2. Analyse des données Le milieu rural subit de plein fouet cette crise politique qui frappe le pays. Son revenu a été réduit au plus bas et cette situation touche tous les paysans vivant au village d’Ambatoharanana. Tous ont subi des pertes importantes. Pour un gestionnaire ou un comptable, si l’on regarde ces revenus, il y en a qui ont perdu beaucoup plus que d’autres selon les chiffres. Nous mêmes pensons que ceux qui ont de grandes surfaces de terres ont perdu beaucoup plus que les autres. Cependant, cette façon de voir est erronée. Tous ces paysans ont subi les mêmes pertes. Il est vrai que les paysans ont des parcelles de terre de dimensions inégales, mais ces terres assurent leur survie quelle que soit leur superficie. Avec la crise, la différence de revenus a été effacée pour ne faire qu’une seule catégorie de revenus pour la majorité. Un revenu très bas pour beaucoup de bouches à nourrir. Et pour les quelques paysans ayant une petite parcelle de terre, la crise est d’autant plus grave puisque leurs terres sont petites. A part cela, les récoltes ne sont plus vendues. Ainsi, leurs revenus sont encore beaucoup plus bas. Leur vie même est en jeu. C’est à se demander comment ils font pour être encore en vie. Il n’est plus question de perte d’argent. Il est question de la survie de la population au sein du village. Même les employés de la commune ne perçoivent plus de salaire, ils vivent aussi des produits de leur terre. Ils vivent le même problème que les villageois. Dire que tous les paysans ont subi des pertes importantes est donc exact et justifié.

Section VI.2 : Impacts de la crise sur la vie quotidienne Le peuple malgache a bel et bien souffert de cette crise. Les agriculteurs, c’est-à-dire les paysans du village, ont dû changer de mode de vie pour s’adapter à la situation actuelle, changement très particulier que nous allons voir en premier lieu. Puis nous verrons les effets de la crise sur le Collège théologique puisque ce dernier tient une place très importante au sein du village.

V1.2.1. Changement sur le travail des paysans La crise politique ne touchant pas directement la campagne puisque c’est en ville et entre les politiciens que ça se passe, comment affecte-t-elle donc le milieu rural ? Le travail est la réponse à la question. S’il n’y a pas de travail, il n’y a pas d’argent. Or, dans le village il n’y a pas de travail pour toute la population. Il n’y a pas non plus de grandes entreprises pouvant éventuellement recruter. C’est pourquoi les paysans cèdent leur production. Mais avec la crise, 65 leurs revenus ont chuté comme nous l’avons déjà vu. Toutefois, nous n’avons pas encore étudié en profondeur le pourquoi de cette baisse des revenus. Le tableau X ci-dessous nous aide à comprendre pourquoi les revenus de la population ont baissé et pourquoi leur survie est en péril à cause de la crise.

Tableau X : Comparaison des prix des produits vendus par les habitants du village Prix(en Ar) Avant 2009 Depuis 2009 Produits à vendre Riz(kapoaka de riz) 280-300-350 Ar 250-240 Ar Riz(daba de paddy) 8.000 Ar 6.000-5.000 Ar Semences 400 Ar 200 Ar Petits pois 700 Ar 600 Ar Source : Enquête personnelle, 2011

Ce tableau de comparaison ressemble aux précédents, montrant des prix avant et depuis la crise sauf qu’ici on parle juste de prix des produits et non de revenus. Mais en y regardant bien, nous décelons une différence très importante sur la baisse du prix des produits au marché. Nous nous disons que c’est la crise et que c’est tout à fait normal. Cependant, en temps de crise, le prix des produits sur le marché devrait monter quand c’est ici le contraire. Dans ce tableau, nous constatons que le prix baisse pour tous les produits agricoles sans exception. La raison est que contrairement aux villes où il existe plusieurs sortes d’occupations, à la campagne, ce n’est pas le cas. Les ruraux sont acculés au seul travail de la terre. Leur revenu a donc nécessairement baissé. Avec le peu d’argent qu’il leur reste, ils doivent vendre pour disposer d’une trésorerie. Parfois, il y a des visiteurs occasionnels mais ces derniers ne sont que de passage et ne restent jamais longtemps. Ce sont donc les paysans eux-mêmes qui achètent et vendent à leurs voisins. Avec le peu d’argent qu’ils en tirent, ils ne peuvent acheter qu’à un prix réduit les produits sur le marché. Ainsi, les vendeurs doivent baisser les prix sinon personne n’achèterait rien. Il faut pourtant manger et vivre. Même s’ils travaillent d’arrache pied pour obtenir de bonnes récoltes, ils doivent se résigner à vendre à bas prix. Plus ils travaillent, moins ils ont de l’argent. C’est ainsi que le village est en péril. Tous s’efforcent de bien travailler dans l’attente d’une bonne rémunération. Les villageois eux travaillent dur, non plus pour être bien payé mais pour survivre et subvenir à leurs besoins immédiats qui sont la nourriture, les vêtements et la scolarisation des enfants. Sur ce dernier 66 point, non pas vraiment que les écoles ne soient pas touchées par la crise, c’est plutôt parce qu’elles ont adopté une politique de tolérance. Nous voulons dire par là que les écoles accordent aux parents d’élèves la possibilité de payer les écolages des enfants selon leurs revenus et par échéances.

Il ne faut donc pas se réjouir du fait que les prix ont baissé à la campagne, à cause de la crise comme certaines personnes qui disent : " Je préfère la situation actuelle car le prix du riz a baissé sur le marché". Ces quelques personnes ne se rendent pas compte du fait que c’est à contre cœur que les cultivateurs vendent à bas prix puisque la population n’a pas la possibilité d’acheter à prix élevé. Il n’y a que les profiteurs qui se réjouissent de cette situation. Puisque le prix du riz en ville est très élevé, ils vont dans les villages pour en collecter. Ils achètent le riz aux paysans à très bas prix, pour le revendre en ville. Ce sont des gens qui disent d’habitude qu’ils sont pauvres et qu’ils viennent à la campagne pour en acheter parce que c’est plus abordable. La vérité est qu’ils cherchent seulement à faire du profit avec la situation actuelle du pays. Dans tous les cas donc, la crise n’affecte pas tout le monde. Il y a toujours des minorités qui en tirent profit, pour qui la crise est une bénédiction. Sa résolution n’est pas une priorité pour ne pas dire que ce n’est pas envisageable.

VI.2.2. Effets sur le Collège théologique d’Ambatoharanana Le cas du Collège doit absolument être pris en considération, tout d’abord, du fait que le village n’existerait pas si le Collège théologique n’existait pas. Ensuite, il faut rappeler que le Collège procure du travail aux villageois. Et enfin il assure la formation des futurs prêtres anglicans. L’anglicanisme compte un nombre important de fidèles. Il fait aussi parti du FFKM qui a toujours joué des rôles importants dans l’histoire de la nation malgache.

La crise a eu un effet dévastateur sur le Collège. Vu qu’il dépendait pratiquement de subventions extérieures, la coupure brutale de ces subventions au début de l’année 2012 a anéanti, tout comme la suspension d’autres subventions extérieures accordées à Madagascar d’ailleurs. Le Collège fait donc face à un grand problème de financement actuellement. Les frais de fonctionnement étaient jusqu’alors couverts par cette ressource extérieure : les cours dispensés, le salaire du personnel, les bourses octroyées aux étudiants, la JIRAMA,... Tous ont été profondément affectés et le nombre des étudiants a été réduit en conséquence. On se demande comment le collège va faire pour ne pas fermer ses portes. Qui va subvenir à toutes les dépenses alors que tout le monde est dans l’impasse? Comment va-t-on payer les employés 67 ou les factures d’électricité ? Qui va accepter de donner sans recevoir en retour car le Collège ne produit pas mais engendre des dépenses comme tout établissement de formation ?

Les étudiants ont été les plus touchés. Si auparavant, ils ont reçu une bourse mensuelle, ce n’est plus le cas actuellement. Ils doivent maintenant s’assumer. Les responsables essaient tant bien que mal de trouver des solutions au problème en sensibilisant tout un chacun et surtout les chrétiens anglicans. Cette année-ci, il n’y avait plus eu de concours d’entrée en première année. La crise a empêché le recrutement bien que des jeunes gens aient manifesté le désir d’y entrer. D’une certaine manière, la vocation de ces jeunes a été étouffée par la crise. Cette dernière a aussi créé des tensions chez ces étudiants habitués à être pris en charge.

VI.2.3. Effets sur l’école

Tableau XI : Comparaison de la situation de l’école primaire et secondaire Eléments Nombre d’ Nombre d’ Droit Situation Enseignant(e)s Elèves d’inscription Avant 2009 13 213 4.000Ar Depuis la crise 08 98 8.000Ar Source : Enquête personnelle, 2011 Nous constatons d’après ce tableau XI que le nombre des enseignants a baissé depuis la crise. Le nombre des élèves a aussi diminué dangereusement. Plus de la moitié des élèves ne viennent plus à l’école. Les droits d’inscription par contre ont été multipliés par deux. La distinction entre les garçons et les filles influence le nombre des élèves à l’école. En classe de 6ème et de 5 ème , les filles sont nombreuses à l’école du fait que les parents estiment nécessaire d’instruire leurs enfants. Il n’en est plus de même en classe de 4 ème et 3 ème où les garçons sont plus nombreux. La raison est que les parents pensent que les filles à un certain âge (15-16ans) doivent se marier ou encore dans quelques cas, elles quittent l’école suite à des grossesses involontaires. Ces faits ne sont pas nouveaux. Mais la crise elle-même a entrainé une chute importante des taux de scolarisation. La hausse des droits d’inscription a fait en sorte que les parents préfèrent envoyer leurs enfants dans les EPP ou CEG même éloignés du village plutôt que de payer des écolages dans le privé. Il faut noter que l’écolage a aussi augmenté après la crise comme nous le montre le tableau XII ci-après. 68

Tableau XII : Comparaison des écolages des élèves avant 2009 et depuis la crise Période Avant 2009 Depuis la crise de 2009 Ecolage en Primaire 2.000Ar 3.000Ar Secondaire 5.000Ar 6.500Ar Source : Enquête personnelle, 2011 La situation actuelle engendre de nombreux problèmes au sein de l’éducation. Le manque d’argent oblige les parents à envoyer leurs enfants vers des écoles moins cher mais également moins qualifiées pour la plupart. C’est ainsi que l’école primaire et secondaire d’Ambatoharanana a vu l’effectif de ses élèves diminuer, entraînant ainsi la baisse des taux de réussite à l’examen allant de 40% à 18% pour le BEPC par exemple. Des classes ont même dû être supprimées par manque d’élèves car il n’y en avait plus que trois ou quatre. De même, les classes de seconde et de première ont été supprimées. Ceci explique la baisse du nombre des enseignants qu’on a noté précédemment.

VI.2.4. Effets sur la santé de la population

Tableau XIII : Comparaison des recettes du dispensaire depuis 2008 Consultation Soins Médicaments Divers Total Année 2008 347.700Ar 62.050Ar 896.490Ar 36.800Ar 1.343.040Ar 2009 525.620Ar 94.460Ar 827.860Ar 30.700Ar 1.478.640Ar 2010 260.500Ar 38.200Ar 358.100Ar 10.050Ar 666.850Ar Source : Dispensaire d’Ambatoharanana Nous avons ici le prix que doit payer la population en matière de soins chaque année. A première vue, nous constatons qu’en 2009, le prix a augmenté considérablement par rapport à l’année 2008. C’est encore la crise de 2009 qui a entrainé cette hausse car elle a causé des dégâts dans tous les domaines. Le prix des consultations et des soins a augmenté plus encore par rapport aux autres facteurs même si ces derniers ont également augmenté. Le prix des médicaments n’a pas tellement changé. C’est dû au fait que les aides en matière de santé n’ont pas été supprimées contrairement aux autres aides accordées à Madagascar suite à la crise. Nous remarquons dans ce tableau une certaine baisse des recettes en 2009. C’est vrai qu’il y en a mais ce n’est pas tant le prix qui a diminué, c’est plutôt le nombre des patients qui 69 viennent en consultation. La crise a fait que la population n’a plus les moyens d’aller au dispensaire et préfère se soigner dans les hôpitaux publics même si ces derniers sont assez éloignés de leurs habitations. Cette situation est déplorable puisque les malades doivent marcher pendant des heures avant d’y arriver en raison de leur état. Il faut noter que les paysans ne sont pas comme les citadins. Ils ne vont dans les hôpitaux que lorsque leurs cas sont critiques. La marche ne fait qu’empirer leur maladie. Il y a même des personnes qui par manque de moyen ne vont plus se soigner mais reste à la maison en attendant ce qui va leur arriver. Nous voyons qu’il y a eu une chute des recettes du dispensaire en 2010. La raison étant que plus la crise dure, plus les paysans s’appauvrissent et plus ils n’ont plus les moyens de se soigner. Les gens ne vont plus au dispensaire faute d’argent. Ceci a même entraîné la fermeture du dispensaire car l’absence de patients fait en sorte que le docteur en place n’est plus convenablement payé alors que lui aussi doit vivre et subvenir aux besoins de sa famille. La crise a gravement affecté les villageois d’Ambatoharanana car leur prérogative d’avoir un docteur à leur disposition n’existe plus. Le docteur a dû démissionner. Plus la crise continue et plus la situation se détériore. Leurs vies sont en jeu car la situation actuelle du pays ne s’améliore pas. Tous les villages alentours sont dans la même situation et la même chose se produit probablement dans tout le pays.

VI.2.5. Impacts psychologiques

Le propre de l’homme est d’éprouver des sentiments, d’aimer une chose ou de la haïr. C’est ce qui le différencie des animaux et c’est ce qui le rend unique. La crise actuelle affecte profondément la mentalité, non seulement des villageois mais de beaucoup de personnes. Les gens sont las de la situation actuelle. Ils doivent fournir beaucoup d’efforts alors que ce qu’ils en tirent est infime. Ils ont perdu tout esprit combatif. L’idée même qu’il leur soit possible de se sortir de cette situation leur semble utopique. Pour eux, la réalité est qu’ils sont pauvres et qu’ils le resteront jusqu’à la fin de leur vie. Cette crise affecte donc dangereusement l’avenir même du pays puisque si les gens ne croient pas qu’ils sont capables d’évoluer, de réussir dans leur vie, cela ne manquera pas vraiment d’arriver. Ils n’ont plus foi en l’avenir. Pour atteindre un objectif, l’homme doit tout d’abord croire qu’il peut le faire. La confiance en soi est primordiale. Sigmund FREUD 9 a dit à ce propos : " L’homme énergique et qui réussit,

9 Repris par L.Boyer et R.Bureau. 600 Citations pour Réfléchir Avant d’Agir (1995 : 88). 70 c’est celui qui parvient à transformer en réalité les fantaisies du désir". Ainsi, si tous les travailleurs se mettent à douter d’eux mêmes et n’ont pas d’aspirations, ils ne pourront rien produire. Bientôt, ils vont commencer à se lamenter sur leur sort et le pays ne sortira jamais de la crise puisque personne ne fera plus d’effort dans ce sens.

Depuis la crise, la situation n’a fait que s’aggraver. La population malgache a développé une aversion envers la politique elle-même. Les personnes qui vivent au village éprouvent un fort ressentiment amer de tout ce qui est politique. Quand on leur demande ce qu’ils pensent de la politique actuelle, ils répondent sans hésitation : "Vous savez monsieur, on ne connaît rien à la politique. On sait seulement que c’est à cause de ces personnes qui font de la politique que nous sommes comme ça aujourd’hui". La réalité n’est pas qu’ils ne savent pas ce que c’est la politique mais c’est surtout qu’ils ne veulent pas en parler. La raison est qu’ils ont vu se passer beaucoup de choses depuis la crise : des rivalités dans la société et d’interminables disputes dans la famille ; des couples mariés se sont séparés, et certaines personnes même se sont entretuées à coups de couteau au marché et dans les rues à cause des divergences politiques. Tout ceci a fait en sorte que depuis quelques temps, on évite autant que possible dans les taxis-brousse et les lieux publics de prononcer le mot politique et de discuter sur les affaires nationales. Cette aversion de la politique ne se limite pas aux villageois mais s’étend à l’échelle nationale. Des associations de gens qui se disent en avoir marre de la politique leo politika se constituent.

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CONCLUSION DE LA DEUXIEME PARTIE

Dans cette deuxième partie du mémoire, avant de se consacrer sur les impacts de la crise politique nationale sur la population, nous avons d’abord donner un aperçu sur l’environnement physique et humain de la Commune rurale de Merimandroso et du village d’Ambatoharanana.

Merimandroso est un endroit particulier qui a sa place dans l’histoire de Madagascar, plus particulièrement celle de l’Imerina depuis le 18ème siècle et même un peu avant. La Commune est composée de plusieurs fokontany dont les conditions socio-économiques et culturelles sont similaires à celles habituellement trouvées sur les Hautes terres centrales de la Grande Ile. Les infrastructures matérielles sont insuffisantes et la pauvreté économique sévit au quotidien des habitants.

Cette situation prévaut aussi au village d’Ambatoharanana. Les habitants sont presque tous des paysans qui vivent essentiellement de l’agriculture et de l’élevage. Pendant longtemps ils dépendaient en grande partie de la station anglicane qui y a été implantée par des missionnaires britanniques. Deux grands bâtiments en pierre font la fierté d’Ambatoharanana depuis la fin du 19ème siècle. Ils symbolisent l’éducation chrétienne donnée aux étudiants en théologie mais aussi aux villageois. Non loin se dresse un autre bâtiment plus récent destiné à l’enseignement général. Mais l’état de délabrement avancé des deux édifices, église et école, reflète bien la pauvreté de la communauté locale qui n’arrive pas à trouver les moyens de les entretenir. Le presbytère en charge, comme ses prédécesseurs malgaches, se plaint de l’attitude paysanne attentiste, habitués qu’ils étaient à recevoir des dons des missionnaires. Il n’existe pas de vrais partis politiques dans le village (et même dans toute la commune). Ces derniers n’apparaissent qu’au moment des élections, lors des propagandes.

La crise politique qui a commencé en 2009 a profondément affecté les conditions de vie du monde rural malgache comme celles d’Ambatoharanana. Quelques aspects de la société actuelle ont démontré la dégradation subie dans le monde de l’emploi, le montant des revenus et le mode de vie. Des villageois ont vu leur salaire diminuer considérablement et certains ont perdu leur métier principal ou d’appoint. Ils sont maintenant obligés de se rabattre malgré eux sur l’agriculture. Ce qui a un impact psychologique sur leur manière de travailler puisqu’ils 72 n’aiment pas beaucoup être paysans, ils manquent d’enthousiasme et de conviction. En outre, dans ce secteur, il leur est difficile de se développer car le rendement obtenu est trop faible et ne correspond pas aux efforts dépensés pendant les nombreux mois de cycle cultural. Les produits agricoles des paysans sont bradés, un fait qui diminue encore leur pouvoir d’achat et ne leur permet même pas d’envoyer leurs enfants à l’école. Tous ces facteurs entraînent le manque d’argent, réduisent au minimum la circulation monétaire, encouragent le troc qui ne fait en fin de compte qu’accentuer la pauvreté. Le cultivateur ne gagne aucun profit dans ses activités, et vit dans une économie de subsistance de plus en plus insupportable. Les impactes de la crise sont lourdement ressentis sur les conditions de vie de la population et elle a également provoqué des effets psychologiques non négligeables sur la mentalité des paysans.

Les villageois sont certes loin des débats politiques des centres urbains. Seulement, on ne peut l’ignorer, le monde rural subit, aussi bien sinon plus que les villes, les conséquences néfastes des événements politiques survenus dans la capitale et au niveau national ces trois dernières années. La question se pose alors : Comment résoudre la crise ? Comment sortir le pays de la situation actuelle ? Nous allons y apporter quelques éléments de réponses dans la partie suivante qui termine notre étude.

TROISIEME PARTIE ::: « COMMENT SORTIR DE LA CRISE ?» 73

La crise de 2009 dans laquelle on a vu le renversement du Président légalement élu par une partie de la population appuyée par des militaires, a complètement bouleversé le monde politique malgache, et a entraîné de graves conséquences socioéconomiques et culturelles insolvables jusqu'à maintenant. Le pouvoir en place n’arrive pas à résoudre le problème et la situation se dégrade de jour en jour : les revendications syndicales se multiplient, l’insécurité règne partout. On assiste toujours à un régime transitoire, le plus long que Madagascar ait connu depuis la création de la première république. Les événements se passant dans le monde urbain, surtout dans la capitale, sont immédiatement rapportés par les media. En revanche, la situation dans les campagnes est beaucoup moins considérée.

Dans cette troisième et dernière partie de notre étude, nous présenterons dans le premier chapitre les perspectives d’amélioration de la situation. Afin d’y parvenir, nous allons d’abord considérer les réflexions des paysans eux-mêmes, avant de proposer nos suggestions personnelles pour la résolution du problème à long terme. Dans le dernier chapitre, nous complèterons nos points de vue par la présentation de l’histoire politique de deux pays d’Amérique latine pour démontrer la similarité de la situation des pays anciennement colonisés et classés actuellement dans les pays en développement.

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CHAPITRE VII : PERSPECTIVES POUR L’AMELIORATION DU NIVEAU DE VIE DE LA POPULATION

Les citadins souvent disent qu’ils sont les maîtres de la connaissance, du savoir parce qu’ils ont fait des études, et qu’ils vivent en zone urbaine. Ils sont plus éclairés et leur niveau intellectuel est supérieur à celui des ruraux. Ils se permettent de qualifier les personnes vivant en milieu rural d’être des ignares incapables de se développer, alors qu’ils ne connaissent rien de la situation réelle des paysans. Actuellement, il apparaît que les dirigeants ne considèrent guère les gens vivant en milieu rural alors que ceux-ci forment les 80% de la population malgache. Trop absorbés par leur lutte pour s’accrocher au pouvoir, ils ont oublié leur principale fonction qui est de répondre aux besoins vitaux de la population. Nous allons donc dans ce chapitre émettre d’abord les réflexions des villageois eux-mêmes pour montrer qu’ils ne sont pas aussi ignorants qu’on le croit, avant de proposer nos propres suggestions.

Section VII.1 : Point de vue des villageois Il a été expressément choisi de prendre les aspirations des villageois car le présent travail a pour objectif de conscientiser les responsables sur les besoins de la population. Elles constituent une bonne base pour des solutions à leurs problèmes actuels car qui peut mieux exprimer ce dont ils ont besoin sinon eux-mêmes? Leurs suggestions comportent deux parties : tout d’abord leurs points de vue sur leurs conditions d’existence et ensuite leurs avis en ce qui concerne le pays.

VII.1.1. Au niveau local Selon les villageois, pour qu’ils aient une meilleure vie, il faudrait :

- regarder de plus près leurs problèmes ;

- ré-ouvrir les zones franches ;

- créer de nouveaux emplois pour qu’ils aient une occupation ;

- éviter l’anarchie et faire respecter les lois;

- baisser le prix des PPN ;

- faire en sorte que le travail fourni soit payé à sa juste valeur ; 75

- accorder plus de crédit aux paysans ;

- payer à temps le salaire des employés de la Commune.

VII.1.2. Au niveau national Si beaucoup disent que les paysans ne sont pas instruits et ne sont pas capables de penser par eux-mêmes, les idées qu’ils ont avancées ci-après témoignent du contraire. Selon eux, il faudrait :

- que les politiciens prennent conscience que la priorité est le peuple ;

- que les dirigeants actuels cèdent la place à d’autres puisqu’ils ne sont pas capables de régler les problèmes du pays ;

- mettre fin à la transition car la situation actuelle prouve son incapacité ;

- créer des emplois pour les ruraux ;

- instaurer le bipartisme et abandonner le multipartisme car les partis trop nombreux ne font que créer plus de problèmes ;

- donner moins d’importance aux partis et privilégier l’avenir de la nation ;

- trouver des arrangements rapides entre les politiciens ;

- laisser parler le peuple, écouter ce qu’il a à dire et non faire la sourde oreille pour éviter les débordements;

- tenir les élections et s’assurer de leur transparence pour éviter de s’enliser davantage ;

- que le président soit un intellectuel et ait les capacités nécessaires pour diriger un pays.

Section VII.2 : Prise en considération des besoins du peuple On se demande toujours quelle est la meilleure façon de résoudre la situation actuelle du pays. Les solutions ne sont pas loin. Elles se trouvent sous nos yeux en l’occurrence celles qui ont été énoncées précédemment. Il faudrait juste les regrouper et les synthétiser pour en faire des solutions prêtes à l’usage pour tous. 76

VII.2.1. Stabiliser la situation politique Toutes les solutions que nous avancerons en ce qui concerne tel ou tel domaine n’aboutiront jamais si ce n’est pas la situation politique même qui soit résolue en premier. Nous aurons bon trouvé une centaine de solutions pour améliorer le niveau de vie de la population malgache que ça ne fonctionnera pas. Il faut tout d’abord, penser à stabiliser la situation politique. Plusieurs démarches ont été déjà effectuées à ce propos mais aucun n’a jamais donné de résultat concluant. Il y a eu des rencontres entre les différents protagonistes, organisées par les intermédiaires possibles : le FFKM, l’UA, ou autres entités dans différents lieux, dans différents pays, avec différents intermédiaires mais le pays s’empêtre depuis plus de trois années maintenant. Ceux qui ont renversé le pouvoir il y a trois ans et ont prétendu vouloir apporter une meilleure vie au peuple malgache n’ont fait que le contraire même de ce qu’ils ont promis de faire. La seule solution qui reste probable de porter des fruits est l’organisation dans le plus bref délai des élections présidentielles. Il faudrait tout œuvrer pour son bon déroulement et arrêter toutes les autres investigations qui ne font qu’appauvrir le pays de plus en plus. Ce n’est qu’après avoir stabilisé la situation politique que les autres solutions pourront êtres envisagées.

VII.2.2. Approfondir au maximum les aspirations de la population Après avoir stabilisé la situation politique, il faudrait ensuite essayer de réunir toutes les aspirations de la population sans distinction. Il faut mobiliser les ressources nécessaires pour cela. Il faudrait que des personnes qualifiées se chargent de recueillir partout, à tous les niveaux : communaux, régionaux, urbains, suburbains, ruraux… toutes les aspirations du peuple pour qu’il n’y ait plus de mécontentements. Et il faudrait privilégier les besoins et les investigations en milieu rural car la majorité de la population sont des paysans qui peuvent êtres utilisés pour promouvoir l’économie du pays ne serait ce qu’en production de riz par exemple. Faire mieux produire le milieu rural ne peut qu’être bénéfique à Madagascar car non seulement les paysans vivront mieux de leur travail mais l’économie agricole connaitrait un grand essor. Chacun y trouverait son compte.

VII.2.3. Remettre en confiance les villageois Il s’agit ici d’apporter une sorte de stabilité dans la façon de penser. Non pas que les gens soient mentalement instables ou dérangés, mais que les villageois ajustent leurs convictions quant à une fatalité insurmontable de leur situation. Ils ont besoins d’être rassurés, 77 d’être encouragés, d’être motivés qu’ils sont capables de grandes réalisations. Selon Antoine de SAINT-EXUPERY 10 :"Il n’y a pas de fatalité extérieure. Mais il y a une fatalité intérieure : vient une minute où l’on se découvre vulnérable ; alors les fautes vous attirent comme un vertige". Tout est question de confiance en soi. Il faut persuader les villageois qu’ils peuvent devenir meilleurs pour qu’ils le deviennent. Il ne s’agit pas de leur mentir mais de leur faire comprendre ce qu’ils sont déjà. Après tout, s’ils sont capables de survivre à la situation actuelle, ils sont tout à fait capables de faire de grandes choses. Comme en tant de guerre, les troupes ont besoin de motivation, il en est de même pour les paysans. Ils sont en guerre non pas contre une armée mais contre la famine, contre la pauvreté et pour le développement. Il faut qu’ils aient une mentalité de fer à l’épreuve de tout, surtout des problèmes politiques qui ne font que leur gâcher la vie et leur personnalité même. Il faut les aider à avoir une mentalité positive et à prendre en main leur avenir. "L’homme n’est rien d’autre que ce qu’il se fait", dit Jean Paul SARTRE 11

Il faudrait aussi penser à inclure la politique dans les programmes scolaires. Il est certain que beaucoup vont se demander ce que les enfants pourraient faire de la politique et s’y opposer ardemment. Or, il est bon que les enfants aient une vision large de la vie, qu’ils comprennent les hiérarchies qui existent autour d’eux, dans leur vie quotidienne. Il faut les initier dès leur plus jeune âge par exemple par des jeux ludiques qui stimuleraient leur esprit en fonction de l’âge. Il faut apprendre aux enfants à connaître ce qu’est la politique pour que plus tard ils puissent approfondir par eux-mêmes, qu’ils n’aient plus peur d’en faire selon les règles de l’art. Ils pourront s’adapter à chaque situation politique tout en sachant leur devoir et leurs droits de citoyens. Ainsi, si ces enfants deviennent des dirigeants, ils seront aptes à gouverner convenablement en tout conscience, travaillant vraiment dans la droiture, au bien du pays.

Les crises politiques et les changements de régimes ne sont pas le propre de Madagascar, de nombreux pays en développement ont traversé les mêmes bouleversements et d’autre aussi s’y trouvent encore. Nous estimons qu’il est utile dans notre situation actuelle de considérer ce qui s’est passé dans ces pays.

10 Repris par L.Boyer et R.Bureau. 600 Citation pour Réfléchir Avant d’Agir (1995 : 75) 11 idem. : 74. 78

CHAPITRE VIII : EXEMPLES DE DEUX PAYS EN CRISE ET PERSPECTIVES Chaque pays peut avoir sa propre politique nationale selon le choix de ses dirigeants et des conditions historiques existantes. Nous pouvons concevoir cette politique en considérant les événements successifs accomplis par les dirigeants ou par le peuple, et qui ont marqué l’histoire d’un pays. Quand on veut parler de politique, on doit nécessairement parler de régime politique car ils sont étroitement liés. Deux exemples de choix politique dans le monde, en prenant deux pays en développement, nous paraissent les plus éloquents ayant trait à notre étude : le Chili et le Brésil 12 .

Section VIII.1 : le cas du Chili Quand on parle de régime politique chilien, un nom nous vient directement à l’esprit : Augusto Pinochet Urgate. Or, le pays chilien n’a pas toujours été sous son régime. Le Chili en a connu plusieurs à travers son histoire. Il faut donc connaître son histoire pour comprendre et porter des considérations sur sa vie politique.

VIII.1.1. Historique Comme tous les pays en voie de développement, le Chili a subi pendant longtemps la colonisation, celle des Espagnols. Il a obtenu son indépendance en 1810. La lutte pour cette indépendance a été des plus violentes. Non seulement il y a eu la lutte pour l’indépendance mais également des guerres intestines car le Chili a été divisé en deux. D’un côté, il y avait ceux qui étaient pour la royauté et soutenaient le régime espagnol régnant. Et de l’autre, ceux qui se battaient pour une indépendance totale du pays et qui aspiraient à un tout autre régime politique, régi par une autorité et un gouvernement non héréditaire. Cette guerre pour l’indépendance a duré des années. Elle a été particulièrement sanglante et meurtrière.

Après la défaite des Espagnols, le Chili a essayé d’avoir un régime politique stable. Seulement, cette entreprise n’était pas chose aisée parce que ses élites étaient divisées, et avaient des convictions politiques différentes. Seulement, la guerre contre la Bolivie, pays voisin, les a obligés à s’entendre. Nous pouvons même dire que c’est grâce à cet affrontement et la victoire qui s’en est suivie que les élites chiliennes se sont rapprochées. A la suite de ce

12 Les informations sur l’histoire et la vie politique du Chili et du Brésil ont été tirées essentiellement du livre de L.Diamond, J.Linz et Seymour Les pays en développement et l’expérience de la démocratie (1990) 79 rapprochement, les divergences d’idées sont réglées d’une façon pacifique et non plus par des affrontements violents comme auparavant.

VIII.1.2. Evolution de la vie politique chilienne Le Chili au lendemain de son indépendance, a été tiraillé par des guerres intestines dont le but était d’obtenir le pouvoir et de gouverner. Les guerres entre ces différentes élites faisaient rage, les dirigeants généralement des militaires, ne restaient pas longtemps au pouvoir, assassinés par leurs adversaires. C’était par exemple le cas de Portales en 1837. Ce n’est qu’au temps de Manuel Bulnes que la situation politique a connu un sérieux changement. Il fut le premier à refuser de gouverner d’une manière autocratique. Quoique militaire, il a fait un choix politique important en évitant l’usage de la force mais adoptant une attitude démocratique à l’image d’un pouvoir civil. Il a fait en sorte que l’Assemblée législative joue correctement son rôle. Le Président est devenu responsable devant le Parlement. Cette volonté de Bulnes pour un gouvernement pacifique et responsable a été favorablement accueillie par l’opinion publique qui lui accordait sa confiance. A la fin de son mandat, pour empêcher le retour en arrière voulu par certains, il a assuré le maintien de l’ordre en faisant en sorte que tous les candidats aux élections aient les mêmes chances quel que soit leur rang ou leur position dans la société. A l’arrivée du nouveau Président, le Chili a fait des progrès considérables en matière économique mais également éducatif. On a assisté aussi à l’apparition de vrais partis politiques qui vont tenir un rôle important dans la vie politique chilienne en servant de contrepoids au pouvoir exécutif en place. C’était le cas lorsqu’un autre président, José Manuel Balcameda, a voulu diriger le pays sans rendre compte de ses actes au Congrès. Ce qui provoqua un conflit entre eux. Balcameda fut battu et la direction du pays fut confiée à une Junte composée par le Vice-président du Sénat et le Président de la Chambre des Députés. Nous pouvons constater ici le refus d’une autorité unique dictatoriale mais plutôt l’aspiration à un gouvernement de consensus, collégial. Ce gouvernement était composé totalement de personnalités civiles, écartant les militaires de la vie politique de la Nation. Après une brève période de transition d’une durée de trois mois, un nouveau gouvernement fut formé, issu du Parlement, consacrant ainsi l’importance de cette Institution dans un régime démocratique. 80

VIII.1.3. Les dates marquantes de la vie politique Chilienne Pour illustrer les différentes péripéties de l’histoire politique du Chili que nous avons développées précédemment, il nous semble utile de donner la chronologie ci-après. A défaut de pouvoir indiquer des dates précises, des années approximatives et sélectives sont présentées, selon les données que nous avons pu recueillir, permettant un aperçu global de la vie politique chilienne.

1810 : Déclaration d’indépendance du Chili

1833 : Mise en place d’une nouvelle Constitution

1836 : Déclaration de guerre à la Bolivie

1837 : Assassinat du Président Diego Portalès

1840 : Montée au pouvoir du Général Manuel Bulnes, considéré comme un héros national mais également le premier Président chilien qui a refusé de diriger de manière autocratique

1891 : Suicide du président José Manuel Balcameda

1921 : Fondement officiel du parti communiste en Chili

1924 : Démission du Président Arturo Alessandri entraînant la mise en place d’une junte militaire

1925 : Retour au pouvoir d’Alessandri

1927 : Démission du Président Emiliano Figueroa due à la pression politique ; et élection du Colonel Carlos Ibañez au pouvoir avec le soutien des grands partis politiques

1931 : Démission d’Ibañez et réélection d’ Arturo Alessandri

1938 : Election du Président Pedro Aguirre Cerda qui était pour le syndicalisme légal et l’industrialisation pour atteindre l’autosuffisance

1952 : Election de Carlos Ibañez candidat antiparti au pouvoir

1958 : Election de Jorge Alessandri qui était pour une politique d’austérité

1964 : Election au pouvoir du candidat parti démocrate-chrétien Eduardo Frei 81

1973 : Coup d’Etat et arrivée au pouvoir du général Augusto Pinochet, et début du régime autoritaire le plus long de l’histoire chilienne.

VIII.1.4. Considérations sur la vie politique chilienne Nous pouvons constater par cette chronologie sommaire que la vie politique chilienne n’a pas connu de paix durable. Elle a été la plupart du temps mouvementée, marquée par de fréquentes successions de dirigeants. Le passage du régime royal à un régime démocratique n’est pas facile. Cette difficulté réside dans le fait que les élites naissantes de l’indépendance s’affrontent dans des combats interminables. Tout le monde veut s’emparer du pouvoir et diriger le pays. Ce phénomène n’est pas nouveau. Il faut cependant remarquer que dans le cas du Chili, malgré les conflits entre les élites, la majorité aspire quand même à un régime politique démocratique plutôt que dictatorial depuis l’indépendance. Cette aspiration est vérifiée par l’apparition de différents partis politiques et également par le rejet de toute forme de dictature effectuée par les dirigeants. Dès l’apparition d’un abus de pouvoir ou d’une autorité déviante, la réaction populaire ne se fait pas attendre et les manifestations ne s’arrêtent qu’après le renversement de ces dictateurs. Pour un pays qui a pendant longtemps souffert sous le joug d’une autorité coloniale, il n’est pas étonnant si la population n’accepte plus toute forme de dictature et que sa vie politique s’oriente vers la démocratie. Ils obligent les dirigeants à se soumettre et à réaliser cet objectif commun. Cependant, dans cette marche vers la démocratie, l’armée a été quelque peu mise à l’écart. Elle a été confinée dans un espace très réduit. Cette restriction a été longtemps entretenue par les dirigeants successifs. Or, pareille situation a d’une certaine manière contribué à l’avènement au début des années soixante dix du gouvernement autoritaire de Pinochet. L’armée, réduite à un rôle seulement de spectateur de la vie politique, alors qu’elle a été maintes fois sollicitée auparavant pour régler les crises politiques, éprouvait un sentiment de frustration. Aussi, lorsqu’il est arrivé au pouvoir, Pinochet a-t-il fait en sorte que les militaires détiennent tous les pouvoirs et les civils ont été écartés du gouvernement.

En conclusion, nous pouvons dire que globalement trois types de régimes se sont succédés dans la vie politique chilienne : la royauté, une période de démocratie assez mouvementée, qui s’est terminée par un long régime autoritaire avant de revenir actuellement à un système plus démocratique. Tout ceci nous permet d’avoir un aperçu sur la vie politique 82 chilienne. On y retient la difficulté d’avoir un régime politique stable pour un pays en voie de développement.

Nous allons maintenant procéder à l’étude du cas très intéressant d’un autre pays en développement de l’Amérique latine, le Brésil.

Section VIII.2 : Le cas du Brésil Comme tous les pays actuellement en voie de développement, le Brésil, le plus grand pays d’Amérique latine du point de vue de la superficie et de la population, est un pays qui a été colonisé pendant une période assez considérable de son histoire. Il a été sous la domination de l’empire portugais pendant plus de trois cents ans, de 1500 à 1822. Cette condition aura par la suite de graves conséquences sur la vie politique et les formes de gouvernement brésiliennes. Il faut noter que le système colonial portugais reposait surtout sur l’exploitation des mines (en particulier l’or) et les différentes plantations agricoles pratiquées essentiellement par les esclaves noirs importés d’Afrique durant deux siècles.

VIII.2.1. Histoire de la vie politique brésilienne Afin de comprendre ses choix politiques, nous allons voir dans le tableau ci-dessous les moments forts qui ont marqués l’histoire du Brésil.

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Tableau XIV : Structures politiques du Brésil depuis son indépendance REGIME FORME DE PARTIS POLITIQUES RELATIONS MOBILISATION TYPE DE CHUTE GOUVERNEMENT CIVILS/MILITAIRES SOCIALE EMPIRE Etat unitaire, monarchie Deux partis (libéral et Hégémonie des civils Extrêmement faible Coup d’Etat militaire (1822-1889) parlementaire au conservateur) depuis grâce à la garde républicain ; pas de « pouvoir modéré » 1830. Scrutin nationale ; armée faible résistance d’arrondissement (règles très instables) PREMIERE Président directement Systèmes de parti unique Tension croissante entre Très faible Mouvement révolution- REPUBLIQUE (1889- élu ; fédération très par Etat ; scrutin l’armée (surtout les naire conduit par Getúlio 1930) décentralisée plurinominal jeunes officiers) et les Vargas : trois semaines d’arrondissement ; règles politiques de combats instables REVOLUTION DE Gouvernement Nombreux et instables L’armée devient une Augmente de façon Le coup d’Etat de 1930 provisoire dirigé par apparentements de institution nationale importante en zone Vargas, soutenu par (1930-1937) Vargas ; en 1934, partis ; polarisation dominante urbaine l’armée, débouche sur constitution « à la croissante fasciste/ l’Estado Novo Weimar » à forte communiste tendance corporatiste ESTADO NOVO (1937- Régime autoritaire non Aucuns : parti et élection L’armée s’identifie au S’accroit rapidement ; Des officiers supérieurs 1945) mobilisateur du dictateur totalement interdits régime à travers 31% de la population forcent Vargas à Getúlio Vargas l’idéologie de la sécurité urbanisée en 1940 démissionner ; 1945, nationale redémocratisa-tion controlée

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REGIME FORME DE PARTIS POLITIQUES RELATIONS MOBILISATION TYPE DE CHUTE GOUVERNEMENT CIVILS/MILITAIRES SOCIALE REGIME Président directement Système pluripartite Frictions fréquentes Assez forte, en Un coup d’Etat militaire DEMOCRATI-QUE élu ; fédération faible et avec 13 partis ; entre factions militaires augmentation même en avec important soutien (1946-1964) puisssant corps législatif polarisation croissante à et gouvernements civils ; zone rural ; 45% de la populaire (couches national la fin de la période ; menaces d’intervention population urbanisée en moyennes) chasse le scrutin proportionnel militaire 1960 président Goulart REGIME MILITAIRE Républicain dans la Système bipartite L’armée exerce un Très forte ; 67% de la Transition négociée et (1964-1985) forme ; monopole obligatoire depuis 1965 ; monopole indiscutable population urbanisée en très progressive, présidentiel de facto de retour partiel au en tant qu’institution 1980 culminant avec l’élection l’armée ; désignation pluralisme en 1979, mais garantissant le caractère de Tancredo Neves ratifiée par un collège excluant toujours les « technocratique » des (opposant civil) par le électoral jusqu’en 1985 partis communistes ; gouvernements collège électoral seulement ; fédération scrutin proportionnel sérieusement affaiblie NOUVELLE L’élection directe du Système pluripartite ; La primauté du pouvoir Très forte REPUBLIQUE (1985-) président redevient un aucune restriction légale civil est officiellement principe constitutionnel ; à l’encontre des partis garantie ; l’armée reste influence croissante des marxistes ; début 1987, influente Etats et des assemblées ; les modérés (PMDB) congrès constitutionnels, dominent les deux 1987 chambres ; scrutin proportionnel

Source : Les pays en développement et l’expérience de la démocratie, page 178-179 85

Ce tableau XIV nous donne une idée assez précise de la vie politique brésilienne après l’accession à l’indépendance. Nous pouvons constater que dès le début jusqu'à une époque récente, il y a toujours eu une succession de régimes politiques différents : autoritaire pendant un temps déterminé, remplacé par un démocratique, puis un autre autoritaire et ainsi de suite. Notons également que le changement de régime se fait presque toujours par un coup d’Etat. Les partis politiques ont en permanence joué des rôles importants dans l’histoire du Brésil même si des modifications interviennent à chaque changement de régime. Durant la première période de l’indépendance, la mobilisation sociale est très faible. Mais au cours des années, elle augmente progressivement et devient même très importante plus tard.

VIII.2.2. Considérations sur la vie politique brésilienne L’histoire du Brésil nous montre que ce pays a connu une succession de régimes : monarchique, démocratique et autoritaire. Les militaires jouaient un rôle majeur puisque la fin d’un régime se faisait presque toujours par un coup d’Etat militaire. Néanmoins il est bon de faire remarquer que malgré tout, on accordait toujours une certaine importance aux élections. En effet, même s’il existait des conflits entre les différents partis, chaque régime a fait en sorte qu’il y ait toujours une élection, sauf dans le cas de l’Estado Novo, une dictature flagrante. Théoriquement, l’existence d’élections dans le système politique d’un pays voudrait signifier que le pouvoir appartient au peuple et la délégation de ce pouvoir aux élus est supposée effective. Mais souvent ce n’est pas du tout vérifié dans la pratique. La transparence des élections dans la plupart des cas n’est pas garantie pour les pays nouvellement indépendants après une période monarchique ou coloniale. Et le Brésil n’échappe pas à la règle. Même s’il y a eu des élections, elles étaient la plupart du temps truquées. Les dirigeants effectuaient diverses manœuvres pour manipuler les électeurs et modifier les résultats du vote, tandis que certaines classes sociales exerçaient des pressions pour gagner les élections. Une fois arrivée au pouvoir, les dirigeants ont continué ces pratiques douteuses, le gouvernement ne jouait pas la transparence dans la gestion des affaires de l’Etat. Ils essayaient toujours d’éliminer leurs adversaires politiques par tous les moyens possibles, quelquefois même d’une façon illégale, afin de garder le pouvoir sans se soucier de l’intérêt du peuple. Ces pratiques politiques étaient à l’origine de la chute des différents régimes. Il ne faut pas oublier que le Brésil, dans sa longue période de colonisation a également connu un système d’esclavage très rigide. Une telle situation a éduqué les nombreuses générations qui se sont succédé dans la société, et a par conséquent inculqué une culture politique difficilement rectifiable au moment de 86 l’indépendance. Ce qui explique cette longue période de fréquents changements de régime et d’instabilité politique. Le Brésil a mis du temps à se relever. Ce n’est que vers les années quatre vingt dix, après l’élection d’un président issu de la classe populaire que la démocratie a été réellement installée. La situation politique s’est stabilisée, et l’économie s’est considérablement redressée. Le Brésil se présente aujourd’hui comme un des leaders des pays du Tiers Monde.

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CONCLUSION DE LA TROISIEME PARTIE

Dans cette troisième et dernière partie du mémoire, nous avons avancé des solutions sur la façon de résoudre la crise politique actuelle pour un développement durable de Madagascar. Les paysans ne comprennent pas très bien les raisons de cette crise, et certains croient même que la pauvreté est une fatalité, on n’y peut rien! D’autres par contre, sont convaincus que la situation actuelle a pour cause principale les dirigeants qui ne pensent qu’à s’enrichir aux dépens de la masse populaire qui sombre dans la misère. Ainsi ils avancent des propositions pour résoudre la crise, une attitude qui marque leur conscience de la citoyenneté. Ils n’ont plus peur de la politique comme leurs parents au début de l’Indépendance. En perspective d’avenir, nous pensons qu’il faut prendre en considération ces réflexions et aspirations du milieu rural. Les ruraux forment les 80% de la population malgache, il ne faut pas les ignorer dans la résolution de cette crise politique. Il faut dans la mesure du possible, terminer au plus vite la transition par l’organisation d’élections légitimes et transparentes qui reflètent vraiment les aspirations de la majorité du peuple malgache. Une vraie démocratie exige la libre participation de tous les citoyens, sans exception. C’est une condition nécessaire et inévitable pour réconcilier les Malgaches entre eux, et lutter contre l’extrême pauvreté qui règne actuellement dans la nation et tue à petit feu le monde rural.

La politique, c’est l’exercice du pouvoir appliqué par les autorités en place. Elle peut changer d’un pays à l’autre et même à l’intérieur d’une seule nation à différentes périodes de son histoire, suivant des conditions internes et dépendant essentiellement de l’attitude des dirigeants. Nous avons vu ici le cas du Chili et du Brésil. Nous avons pris l‘exemple de ces deux pays d’Amérique latine parce qu’ils appartiennent aussi aux pays du Tiers Monde. Notre principale préoccupation étant l’étude de Madagascar, nous pensons que ces deux pays méritent d’être considérés parce qu’ils ont connu la même histoire que nous : une longue période de colonisation par une puissance étrangère. Malgré la différence des puissances coloniales respectives - la France pour Madagascar, globalement la situation est presque identique. Après l’obtention de l’indépendance, ils ont traversé une longue période de crise politique, une traversée du désert matérialisée par plusieurs changements de régimes. Mais à la fin, grâce à leur prise de conscience, à leur cohésion nationale éprise de développement et de démocratie, ils sont parvenus à une situation de stabilité politique accompagnée par un sérieux 88 développement économique. C’est très différent de beaucoup de pays africains, surtout francophones, baignant encore dans des crises internes interminables.

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CONCLUSION GENERALE

La crise politique dans laquelle Madagascar vit depuis plus de trois ans, après le renversement par la force d’un président élu démocratiquement, ne constitue pas une première dans l’Histoire. C’est même monnaie courante dans beaucoup de pays en développement, anciennement colonisés. Parler de politique dans la société malgache actuellement, prête souvent à diverses interprétations. Aussi, afin de cerner le problème soulevé par notre sujet sur la crise politique nationale et ses impacts dans le monde rural, et pour éviter de tomber dans certaines confusions, avons-nous consacré au début de ce mémoire un chapitre sur un essai de définition du mot politique. Nous y avons également présenté, pour une meilleure compréhension du terme, certaines disciplines complémentaires comme la philosophie politique appuyée par quelques explications sur la religion et l’athéisme.

Il est certain que les événements politiques au niveau national bouleversent la vie de toute la population, mais nous nous sommes demandés jusqu’à quel point ils affectent les paysans en milieu rural, eux qui constituent la grande majorité de la population malgache. La situation de crise que nous traversons actuellement nous semble une opportunité pour faire cette étude. Nous avons donc choisi comme lieu de recherche le village d’Ambatoharanana dans la Commune rurale de Merimandroso-Ambohidratrimo, situé à une trentaine de kilomètres non loin de la capitale. A part quelques autres métiers, les habitants sont essentiellement des agriculteurs. Le village dépendait depuis sa création au 19eme siècle en grande partie de la station anglicane. Cette dernière est le seul organisme qui existe au village, et il fournit des activités professionnelles à quelques paysans : gardiens et machinistes,… Comme elle possède également une église et une école primaire et secondaire, elle a tenu et tient encore un rôle important dans l’éducation des villageois. Même sur la question de santé, par son dispensaire, elle a apporté pendant longtemps une aide considérable au village. Mais toutes ces activités ont été bouleversées depuis la crise politique de 2009, elles ont diminué de moitié à cause du manque d’argent. Par ailleurs, le Collège théologique ne reçoit plus de subvention de l’extérieur depuis 2011, ce qui limite encore ses possibilités.

Ainsi, le village d’Ambatoharanana souffre de plusieurs problèmes. Les enquêtes faites et les statistiques recueillies ont montré une dégradation alarmante de la situation durant ces trois dernières années. Certaines personnes ont perdu leur métier en ville, tandis que le reste 90 travaille pour gagner un salaire dérisoire. Tous les revenus ont baissé, aggravant le faible niveau de vie de la population. La situation des villageois est très inquiétante car leur survie est en péril faute d’argent pour subvenir aux besoins vitaux. La production agricole décroît chaque année. Les villageois manquent d’enthousiasme, leur moral est au plus bas. Certain croient à la fatalité, la pauvreté est une destinée. Ils n’ont pas confiance aux dirigeants et espèrent un changement de régime pour améliorer la situation.

Devant cette situation, des solutions doivent être prises au niveau national dans les plus brefs délais. Une résolution de la crise politique actuelle est primordiale pour espérer une évolution de la situation du pays aussi bien en milieu urbain que rural. Le retour des bailleurs de fonds est indispensable pour rétablir les investissements et développer les infrastructures qui procurent des emplois et des revenus aux citoyens malgaches. Pour cela il faut finir la transition, celle-ci n’a que trop duré, elle ne profite qu’à une infime minorité de gens assoiffés d’argent et de pouvoir. Ce n’est qu’une forme de dictature contraire à tout épanouissement de l’homme. Il est impératif de revenir à un ordre vraiment constitutionnel, mettre en place un régime démocratique, issu d’élections transparentes, sans discrimination, acceptées et par la Communauté internationale et par la population malgache réconciliée. Tout le monde doit se soumettre à la loi démocratique, accepter la volonté de la majorité et non agir par la force, ni faire intervenir l’Armée. Une cohésion nationale est indispensable pour le développement de la Nation. On a besoin des apports de chaque citoyen. La haine, la jalousie et le mépris des autres compatriotes doivent disparaître.

L’histoire de deux pays anciennement colonisés et maintenant classés au rang des pays en développement ont été donnés pour montrer que la situation de crise après l’obtention de l’indépendance n’est pas un cas unique pour Madagascar. Il s’agit du Chili et du Brésil. Ces deux pays d’Amérique latine, situés en dehors du continent africain ont été choisis parce que la colonisation, source de la difficile situation actuelle n’était pas un phénomène propre à l’Afrique qu’on qualifie toujours de continent noir, pauvre avec tous les maux de la terre. Nous avons aussi pris ces deux pays parce qu’ils ont en quelque sorte réussi ces dernières années à surmonter le problème de la décolonisation, et ont pu mettre en place un régime démocratique ayant accompli des efforts de développement économique spectaculaire, à l’exemple du Brésil faisant maintenant partie des pays émergents. L’étude de ces deux pays nous a permis d’avoir une vision plus large de l’histoire politique du monde. Le Chili et le 91

Brésil ont tous les deux eu des successions de dirigeants ayant chacun installé des régimes politiques différents : dictatorial ou démocratique. Les régimes dictatoriaux se sont tous terminés après un certain temps par des mécontentements et des manifestations populaires. La population de ces deux pays espérait toujours instaurer un gouvernement démocratique malgré toute sorte de manipulation et de résistance des dirigeants pour se maintenir au pouvoir. Leurs citoyens n’ont cessé de lutter contre la dictature et garder leur liberté d’expression et d’action politique.

L’histoire de Madagascar n’est pas si différente de celle de ces deux autres pays. Nous avons étudié les trois républiques qui se sont succédé avec leurs dirigeants. La soif de liberté animait les Malgaches. Ils rejetaient la première république parce que l’indépendance obtenue n’était en réalité qu’une illusion. Les Français occupaient toujours les postes-clé pour les prises de décision. Les domaines comme l’éducation, gardaient encore l’aspect d’une néo colonisation. Ce qui provoqua le mécontentement de la population à l’égard du gouvernement en place qui n’écoutait pas les revendications et le souhait de liberté du peuple. Les dirigeants des trois républiques successives ont subi le même sort parce qu’ils sont devenus au cours de leur mandat, des dictateurs. Ils n’ont pas tous quitté le pouvoir normalement mais ont été renversés par des manifestations populaires refusant la dictature.

Les aides extérieures sont utiles et le pays a besoin des bailleurs de fonds internationaux et des investisseurs étrangers. Toutefois, le développement de Madagascar ne dépend en premier lieu que des citoyens malgaches eux-mêmes. Il faut donc faire remonter le moral, qu’ils aient confiance en eux-mêmes. Il est nécessaire de considérer le monde rural, donner aux paysans une éducation digne, adaptée, rénovatrice et productive, qu’ils puissent gérer leurs ressources naturelles et jouir de leurs fruits. La fierté nationale doit être relevée et entretenue dans tous les domaines : économique, culturel, social et politique. Il faut lutter contre la vision fataliste de certains qui acceptent la pauvreté à vie. La démocratie réclame une certaine maturité tant de la part des politiciens que du peuple en général. Ce n’est pas un fait fini mais un processus continu qui nécessite de la persévérance. Madagascar a maintenant plus de cinquante ans d’apprentissage. C’est suffisant pour effectuer un grand pas en avant, seulement les Malgaches doivent prendre une ferme décision et une inébranlable volonté de lutter ensemble pour surmonter les obstacles et vaincre. 92

BIBLIOGRAPHIE

Ouvrages généraux

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Articles et Documents spécifiques

26. ARCHIVES DU COLLEGE THEOLOGIQUE ST PAUL Ambatoharanana

27. Charte de la Révolution Socialiste Malagasy, Boky Mena , Antananarivo 1975

28. Institution de la république malgache , Edition Imprimerie officielle, Tananarive, 1958, 63p

29. La république malgache , édition Imprimerie de Bodigny, Paris, 1961, 28p

30. Les journées historiques des 14-15-16 et 21 Octobre 1958 , Edition Imprimerie officielle, Tananarive, 49p

31. MINISTERAN’NY FANABEAZANA AMBARATONGA FAHAROA SY FANABEAZANA FOTOTRA, Voambolana TaJeFi , Antananarivo, 1979

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35. SERVICE GENERAL DE L’INFORMATION Le gouvernement malgache , Service Général de l’information, Antananarivo. 36. Vaovaon’ny Tolom-bahoaka , Antananarivo, 1987, 38p Webographie 37. http://bibliothèque.uqac.ca. Consulté le mois de juin 2011 38. http://www.persee.fr/web/homes/prescript/article/ahess . Consulté le moi de mars 2012 39. http://www.cairn.info/revue-du-mauss . Consulté le mois de juillet 2012

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TABLE DES MATIERES REMERCIEMENTS SOMMAIRE INTRODUCTION GENERALE ...... 1 1-Généralités ...... 1 2-Choix du village d’enquête ...... 2 3-Problématique ...... 2 4-Objectifs ...... 2 5-Hypothèses ...... 2 6-Méthodologie ...... 3 7-Limites du travail ...... 4 8-Plan du document ...... 4 PREMIERE PARTIE : HISTOIRE SOCIOPOLITIQUE NATIONALE ET MONDE RURAL CHAPITRE I : APPROCHE CONCEPTUELLE ...... 6 Section I.1 : Définition de la politique ...... 6 Section I.2 : La philosophie politique ...... 6 Section I.3 : Politique et religion ...... 7 Section I.4 : Athéisme et convictions politiques ...... 8 CHAPITRE II : LES REGIMES POLITIQUES A MADAGASCAR ...... 9 Section II.1 : La Première République ...... 11 II.1.1. Le Président Philibert Tsiranana (01 er Mai 1959-11 Octobre 1972) ...... 11 a-Déclaration de l’indépendance de Madagascar ...... 11 b-Signature de différents accords ...... 11 c-Fin du régime Tsiranana ...... 12 II.1.2. Le Gouvernement RAMANANTSOA (11 Octobre 1972-05 Février 1975) ...... 14 a-Objectifs du Gouvernement ...... 14 b- Réalisation des objectifs ...... 15 c-Fin du Gouvernement Ramanantsoa ...... 15 II.1.3. Le Gouvernement RATSIMANDRAVA (05 Février1975-11 Février 1975) ...... 16 II.1.4. Le Directoire Militaire (11 Février1975-15 Juin 1975) ...... 17 a- Formation du Directoire Militaire ...... 17 97

b- Objectifs et réalisations ...... 17 c-Fin du Directoire Militaire ...... 18 II.1.5. Le Gouvernement RATSIRAKA (15 Juin 1975- 21 Décembre 1975) ...... 18 Section II. 2 : La Deuxième République (21 Décembre 1975 – 27 Mars 1993) ...... 18 II.2.1. Objectifs du régime RATSIRAKA ...... 18 II.2.2. Réalisation de ces objectifs ...... 19 II.2.3. Fin de la Deuxième République ...... 19 Section II.3 : La Troisième République...... 20 II.3.1. Le régime ZAFY Albert (27 Mars 1993- 05 Septembre 1996) ...... 21 a- Les problèmes rencontrés par le régime ...... 21 b- Fin du régime ...... 21 II.3.2. Le Gouvernement RATSIRAHONANA (05 septembre 1996-09 Février 1997) ...... 22 a- Objectif du Gouvernement ...... 22 b-Réalisations de l’objectif ...... 22 c-La fin du gouvernement ...... 22 II.3.3. Le nouveau régime Ratsiraka (09 Février 1997- 05 Juillet 2002) ...... 22 a- Actions du régime RATSIRAKA ...... 22 b- Fin du régime ...... 23 CONCLUSION DE LA PREMIERE PARTIE ...... 25 DEUXIEME PARTIE: LE VILLAGE D'AMBATOHARANANA ET LA CRISE SOCIOPOLITIQUE CHAPITRE III : PRESENTATION DE LA COMMUNE RURALE MERIMANDROSO ...... 28 Section III.1 : Historique ...... 28 Section III.2 : L’administration ...... 29 III.2.1. Les Fokontany ...... 30 III.2.2. Organigramme de la Commune rurale de Merimandroso ...... 32 III.2. 3 : Croquis du chef lieu de la commune rurale de Merimandroso ...... 33 Section III.3 : L’Education ...... 33 Section III. 4 : L’électricité et l’eau potable ...... 34 Section III.5 : Le dispositif sanitaire ...... 35 Section III.6 : Croyances et religions ...... 36 98

CHAPITRE IV: LE VILLAGE D’AMBATOHARANANA ...... 38 Section IV.1 : Origine du village d’Ambatoharanana ...... 38 IV.1.1. Historique ...... 38 IV.1.2. Croquis du village d’Ambatoharanana ...... 40 IV.1.3. La politique des missionnaires anglicans ...... 41 IV.1.4. Accessibilité ...... 43 IV.1.5. Sécurité ...... 44 Section IV.2 : Les activités économiques ...... 44 IV.2.1. L’Agriculture ...... 44 Source : Photo personnelle, 2011 ...... 46 IV.2.2. Le Commerce ...... 46 IV.2.3. L’Artisanat et l’Industrie ...... 47 Section IV.3 : Education et Santé ...... 48 IV.3.1. Ecole et Eglise ...... 48 a- Le Collège théologique Saint Paul Ambatoharanana ...... 48 b-L’Ecole Saint Paul ...... 49 IV.3.2. Eglise ...... 50 IV.3.3. Santé ...... 52 CHAPITRE V : EFFETS DE LA CRISE SOCIOPOLITIQUE SUR L’EMPLOI ...... 53 Section V.1 : Impacts sur l’emploi ...... 53 V.1.1. Interprétation des données ...... 53 V.1.2. Analyse des données ...... 54 Section V.2 : Impacts sur les revenus ...... 55 V.2.1. Comparaison des revenus par métier ...... 56 a-Interprétation des données ...... 56 b-Analyse des données ...... 57 V.2.2. Comparaison des revenus des maçons ...... 59 a-Interprétation des données ...... 59 b-Analyse des données ...... 60 CHAPITRE VI : EFFETS SUR LA POPULATION ...... 63 Section VI.1 : Impacts sur le revenu des paysans ...... 63 VI.1.1. Interprétation des données ...... 63 99

VI.1.2. Analyse des données ...... 64 Section VI.2 : Impacts de la crise sur la vie quotidienne ...... 64 V1.2.1. Changement sur le travail des paysans ...... 64 VI.2.2. Effets sur le Collège théologique d’Ambatoharanana ...... 66 VI.2.3. Effets sur l’école ...... 67 VI.2.4. Effets sur la santé de la population ...... 68 VI.2.5. Impacts psychologiques ...... 69 CONCLUSION DE LA DEUXIEME PARTIE ...... 71 TROISIEME PARTIE : COMMENT SORTIR DE LA CRISE? CHAPITRE VII : PERSPECTIVES POUR L’AMELIORATION DU NIVEAU DE VIE DE LA POPULATION ...... 74 Section VII.1 : Point de vue des villageois ...... 74 VII.1.1. Au niveau local ...... 74 VII.1.2. Au niveau national ...... 75 Section VII.2 : Prise en considération des besoins du peuple ...... 75 VII.2.1. Stabiliser la situation politique ...... 76 VII.2.2. Approfondir au maximum les aspirations de la population ...... 76 VII.2.3. Remettre en confiance les villageois ...... 76 CHAPITRE VIII : EXEMPLES DE DEUX PAYS EN CRISE ET PERSPECTIVES .... 78 Section VIII.1 : le cas du Chili ...... 78 VIII.1.1. Historique ...... 78 VIII.1.2. Evolution de la vie politique chilienne ...... 79 VIII.1.3. Les dates marquantes de la vie politique Chilienne ...... 80 VIII.1.4. Considérations sur la vie politique chilienne ...... 81 Section VIII.2 : Le cas du Brésil ...... 82 VIII.2.1. Histoire de la vie politique brésilienne ...... 82 VIII.2.2. Considérations sur la vie politique brésilienne ...... 85 CONCLUSION DE LA TROISIEME PARTIE ...... 86 CONCLUSION GENERALE ...... 89 BIBLIOGRAPHIE ...... 92 TABLE DES MATIERES ...... 96 LISTE DES TABLEAUX 100

LISTE DES ABREVIATIONS ET DES SIGLES LISTE DES PHOTOS D’ILLUSTRATION LISTE DES CROQUIS ANNEXES

LISTE DES TABLEAUX

Tableau I : Résultats partiels des élections présidentielles du 16 Décembre 2001 ...... 23 Tableau II : Résultats des élections présidentielles du 16 Décembre 2001 ...... 23 Tableau III : Tableau de révision spéciale du 12 Décembre 2007 au 31 Janvier 2008 des 20 Fokontany de la Commune de Merimandroso ...... 30 Tableau IV : Etablissements sanitaires dans la Commune ...... 35 Tableau V : Liste des principaux missionnaires d’Ambatoharanana ...... 42 Tableau VI : Répartition des personnes enquêtées par emploi ...... 53 Tableau VII : Comparaison des revenus par métier ...... 56 Tableau VIII : Comparaison des revenus des maçons ...... 59 Tableau IX : Comparaison des revenus des paysans ...... 63 Tableau X : Comparaison des prix des produits vendus par les habitants du village ...... 65 Tableau XI : Comparaison de la situation de l’école primaire et secondaire ...... 67 Tableau XII : Comparaison des écolages des élèves avant 2009 et depuis la crise ...... 68 Tableau XIII : Comparaison des recettes du dispensaire depuis 2008 ...... 68 Tableau XIV : Structures politiques du Brésil depuis son indépendance ...... 83

LISTE DES ABREVIATIONS ET DES SIGLES AREMA Andrin’ny Revolisiona Malagasy CEG Collège d’Enseignement Général CSB Centre de Santé de Base CST Conseil Supérieur de la Transition CT Conseil de la Transition EKAR Eglizy Katolika Apostolika Romana EEM Eklesia Episkopaly Malagasy EPP Ecole Primaire Publique FFKM Fiombonan’ny Fiangonana Kristianina eto Madagasikara FJKM Fiangonan’i Jesoa Kristy eto Madagasikara FRS Forces Républicaines de Sécurité GMP Groupe Mobile de la Police HAT Haute Autorité de la Transition HCC Haute Cour Constitutionnelle JIRAMA Jiro sy Rano Malagasy MFM Mpitolona ho an’ny Fanjakan’ny Madinika MONIMA Mouvement National pour l’Indépendance de Madagascar OCAM Organisation de la Communauté Africaine et Malgache PPN Produit de Première Nécessité SPG Society for the Propagation of the Gospel ZOAM Zatovo Ory Asa eto Madagasikara

LISTE DES PHOTOS D’ILLUSTRATION

Route du côté Ouest et du côté Est d’Ambatoharanana ...... 44 Voly avotra ...... 46 La décortiquerie ...... 48 Le Collège Théologique Saint Paul Ambatoharanana ...... 49 Ecole Saint Paul ...... 50 Eglise Saint Paul Ambatoharanana ...... 51 Dispensaire de la station Ambatoharanana ...... 52

LISTE DES CROQUIS

CROQUIS DE LOCALISATION ...... 27 Croquis du chef lieu de la commune rurale de Merimandroso ...... 33 Croquis I : Croquis du chef lieu de la commune rurale Merimandroso ...... 33 Croquis du village d’Ambatoharanana ...... 40 Croquis II : Croquis du village d’Ambatoharanana ...... 40

ANNEXES

i

FANONTANIANA HO AN’NY OLONA TSIRAIRAY

Questionnaire sur des renseignements généraux

1-Iza no anaranao? (Quel est votre nom?)

2-Firy taona ianao? (Quelle âge avez-vous?)

3-Inona ny asanao? (Quelle est votre profession ?)

4-Manambady ve ianao? (Etes-vous marié(e)?) ENY –TSIA(Oui) (Non) Inona ny asan’ny vadinao? (Quelle est sa profession?)

Questionnaire sur l’affiliation sociale et familiale

5-Inona ny finoanao? (Quelle est votre religion ?)

6-Manan-janaka ve ianao? (Avez-vous des enfants?) ENY-TSIA(Oui) (Non)

7-Firy no efa miasa? (Combien d’entres eux travaillent-ils ?) Aiza? ( Le lieu de.travail?)

8-Firy no mbola karakaraina ao an-trano? (Combien sont encore à votre charge?)

9-Nianatra daholo ve ny zanakareo talohan’ny kirizy? ( Les enfants ont-ils été scolarisés avant la crise ?)ENY-TSIA(Oui) (Non)

10-Ary amin’izao fotoana izao? (Et actuellement?) ENY-TSIA (Oui) (Non) Raha tsia, satria nahoana? (Si non, pourquoi ?)

Questionnaire sur la santé et la vie quotidienne

11-Manatona dokotera ve ianareo raha sendra misy marary? (Est-ce-que vous allez chez le docteur en cas de maladie ?) ENY-TSIA (Oui) (Non) Mandoa vola ve? (Est-ce-que c’est payant?)

12-Nanomboka oviana ianao no nipetraka teto? (Depuis quand habitez-vous ici ?)

13-Misy fiantraikany amin’ny fiainanao ve ny krizy politika amin’izao fotoana izao? (La crise politique a-t-elle des conséquences sur votre vie quotidienne ?) ENY-TSIA (Oui) (Non) ii

Amin’ny lafiny inona? (Dans quel domaine?) ASA- FIFANDRAISANA AMIN’NY HAFA (Profession- Relation avec les autres ?)

14-Nisy fiantraikany amin’ny fidiram-bolanao ve izany? (Cela at-il eu des effets sur votre revenu financier ?) NIAKATRA - NIDINA - TSY NIOVA ? (Augmenté, Baissé, resté le même)

15-Tokony ho eo amin’ny ohatrinona isan’andro (isanandro, isan-kerinandro na isam-bolana) ny vola azonao talohan’ny kirizy? (Combien gagniez-vous (argent) avant.la crise ?par jour, par semaine ou par mois ?)

16-Ary amin’izao fotoana izao? (Et maintenant ?)

17-Mamboly ve ianao? (Etes-vous agriculteur?) ENY-TSIA(Oui) (Non) Inona no ambolenao? (Qu’est-ce que vous cultivez?)

HANINA sa AMIDY? (Pour votre besoin ou pour votre revenu ?)

18- Raha amidy, ohatrinona talohan’ny kirizy? ( Si c’était à vendre, à combien avant ?) Ary amin’izao? (Et maintenant ?)

Questionnaire sur la politique et ses effets :

19- Inona no atao hoe politika? (Quelle est votre définition de la politique?)

20- Mety aminao ve ny fiainana politika amin’izao fotoana izao? (La vie politique actuelle vous convient-elle ?) ENY-TSIA (Oui) (Non)

Satria nahoana? (Pourquoi ?)

22-Inona no heverinao fa tokony atao manoloana ny fiainana politika misy ankehitriny?

(Quelle solution préconisez-vous?)

iii

GUIDE D’ENTRETIEN POUR LES AUTORITES ADMINISTRATIVES

Ben’ny tanàna et Filoham-pokontany (Maire et Chef Fokontany)

-Isan’ny fokontany (Nombre de Fokontany)

-Velaran-tany ankapobeny(superficie totale), isam-pokontany (puis par Fokontany), ny fokontany Ambatoharanana (et le village d’Ambatoharanana)

-Mponina (Population), densité (hab/km2) suivant dernier recensement (2008 ?) isan’ny mariazy (Nombre de mariages) Nisy fiakarana sa fidinana ? (Y a-t-il augmentation ou réduction?)

-Famokarana(Production économique) : fambolena, fiompiana, (agriculture, élevage),… Ny tena atao (principales activités), industries (usines)

- Fambolem-bary (culture de riz) : amin’ny ankapobeny (production totale), isaky ny ekitara (rendement par hectare), fitaovam-pamokarana (moyens de production) angady , charrue, tracteur,..

- Vokatra hafa : mangahazo, vomanga, tongolo,… (Autres produits : manioc, patates douces, oignons,…)

-Fiompiana : omby, omby vavy be ronono, kisoa, ondry,… ( Elevage : bœufs, vaches laitières, porcs, moutons,…)

- Asa tànana : peta-kofehy, fanamboarana biriky,… (Activités artisanales : broderie, briquerie,…)

- Harena an-kibon’ny tany (Ressources minières)

-Fidiram-bolan’ny kaominina (Sources de revenus de la Commune ?) Fidirambolan’ny Fokontany ? (du Fokontany ?) Vola niditra sy nivoaka (recettes et dépenses) 2008, 2009.

-Misy tanin’ny vazaha colons taloha ve ? (Existe -t-il des concessions ex-coloniales ? Misy orinasa afakaba ve ? (Zones franches)

-Firy ny isan’ny tsena (Combien de marchés?) Isaky ny inona ? (quand ?) iv

-Isan’ny mpanolotsaina ao amin’ny kaominina (Nombre des conseillers communaux), vondrona politika (de Partis politiques). Hetsika nataon’ireo taloha sy taorian’ ny kirizy. Hetsika taloha ary nandritra ny kirizy (Leurs activités avant et durant la crise)

-Isan’ny karan-tany tamin’ny taona 2007, 2008, 2009 (Nombre de karan-tany établis en 2007, 2008, 2009)

-Lalana ifandraisana ao anatiny sy ivelany, mivoaka any amin’ny kaominina hafa na any Antananarivo (Les voies de communications à l’intérieur et sortie vers les autres communes et vers Antananarivo)

-Serasera : radio, fahitalavitra, gazety,.. Misy ve ?(Les mass-media, information : radio, TV, journaux,… en existe –t-il ?)

-Olana amin’ny filaminana : hala-botry, fanendahana , vonoan’olona,… (Problèmes de sécurité : vol aux champs, tuerie,…)

-Olan’ny kaominina ankehitriny : resaka politika, momba an’iza ny Ben’ny Tanàna sy ny Filoham-pokontany? (Problèmes actuels de la Commune : questions politiques, à quel parti appartient le Maire ? et les présidents de Fokontany ?

-Resaka fahasalamana : hopitaly, CSB, trano fiterahana, (Questions de santé : Hôpital, CSB, Maternité, Dispensaires privés, Dentistes,…) andoavam-bola ve ? (Sont-ils payants ?) Pratiques tradionnelles : reninjaza, mpitaiza, mpanotra, mpimasy

-Fampianarana : Lycée, CEG, sekoly tsy miankina (école privée),… Tara-pahavitrihana (Fréquentation), Olana (Problème ?) Olana ara-bola natrehan’ny sekoly sy ny antony (Les problèmes financiers rencontrés par l’école et pourquoi), manahoana ny fizotran’ny taom- pianarana ? (Comment se déroule l’année scolaire ?)

-Fanatanjahantena (Activités sportives) : misy toerana manokana an’ny kaominina ve? (Y a-t- il des terrains communaux ?)

-Fomba : famadihana, hiragasy, hafa,… (festivités traditionnelles , variétés,…) Impiry isan- taona(fréquence dans l’année) Vidim-pidirana (prix d’entrée) v

-Fahasalamana (Santé) : CSBII, Trano fiterahana (Maternité), isan’ny zaza teraka natalité) 2007, 2008, 2009, mortalité (fahafatesana), fa maninona ? (Pourquoi ?)

-Inona ny aretina mpiseho matetika, mahafaty olona betsaka indrindra (Quelles sont les maladies les plus fréquentes, les plus meurtrières) Inona no mahatonga ireo ? Tsy fahampian- tsakafo, tsy fahaizana,…? (Pourquoi ces maladies ? Malnutrition, manque d’éducation,… ?)

Nom : RAZAFIARIVONY

Prénoms : Saotraniaina Tojo

Date de naissance : 29 Mai 1986

Titre du mémoire : « Crise sociopolitique nationale et monde rural : Cas du village d’Ambatoharanana-Merimandroso » Rubrique : Sociologie politique et rurale Nombre de pages : 120 Tableaux : 14 Références bibliographiques : 39 RESUME

Madagascar se trouve actuellement dans une grave crise politique qui dure depuis plus de trois ans. Cet état de crise n’est pas le propre de Madagascar. La plupart des pays en développement, anciennement colonisés ont vécu la même situation et certains n’arrivent pas encore aujourd’hui à résoudre complètement le problème. Beaucoup ont subi la crise à cause de la présence au pouvoir d’un dictateur, tel est le cas de Chili et du Brésil. En ce qui concerne Madagascar, les trois républiques qui ont existé depuis l’indépendance, se sont toutes terminées par des crises politiques assez violentes entraînant une période transitoire et un changement de régime. Pendant longtemps et surtout lors de ces crises, on a oublié le monde rural qui constitue la majorité de la population. Dans la recherche de solutions à la crise actuelle, le présent mémoire montre la situation existante dans le village d’Ambatoharanana- Merimandroso. Les conséquences de la crise sont plus graves dans la société rurale que dans la société urbaine. Les signes d’une pauvreté extrême se manifestent à tous points de vue. La résolution de la crise actuelle doit être faite rapidement pour éviter le pire, mais elle doit être aussi durable, et le monde rural, les aspirations des paysans méritent d’être sérieusement prises en compte.

MOTS-CLES Politique, monde rural, démocratie, dictature, développement, crise, pauvreté, travail.

SUMMARY

Madagascar has been in a serious crisis for three years now. This crisis is not specific to Madagascar. Most developing countries, formerly colonized have lived the same situation. Some have not solved their problems up-till-now. Many countries undergo a crisis because of dictatorship. Such are the cases of Chili and Brazil. As far as Madagascar is concerned, the three republics which have been there since the independence all ended with violent political riots resulting in a transitory period and a change of regime. During this crisis, the rural people, who constitute the majority of the population have been forgotten. Facing the present crisis, this dissertation shows the situation in the village of Ambatoharanana-Merimandroso. The consequences of the crisis are even more serious in the rural than in the urban society. Signs of extreme poverty are seen in all areas. It should be rapidly solved to avoid the worst, and solutions ought to be sustainable. On top of everything, the rural world and especially the peasants’ wishes should be seriously taken into consideration.