Qui Était Marie Durand, Icône Du Protestantisme ?
Total Page:16
File Type:pdf, Size:1020Kb
Publié le 29 août 2018(Mise à jour le 30/08) Par Laure Salamon Qui était Marie Durand, icône du protestantisme ? Pour commémorer les 250 ans de sa libération, Réforme revient sur le parcours de Marie Durand et les idées reçues véhiculées à son sujet, avec la professeure Céline Borello. Marie Durand est née en 1711, dans le Vivarais, aujourd’hui situé en Ardèche. L’édit de Nantes a été révoqué en 1685, les camisards se sont révoltés dans les Cévennes, le mouvement prophétique apparu dans la Drôme et l’Ardèche est en déclin. C’est un moment de formidable résistance et de désorganisation. Antoine Court et d’autres prédicateurs comme Paul Rabaut (à qui Marie Durand écrira certaines lettres) tentent de reconstruire les Églises protestantes. Ce dernier, opposé à la violence des camisards, défend une attitude de patience et de résignation en attendant des jours meilleurs, pour montrer au roi que les protestants sont respectueux de l’ordre afin que celui-ci revienne à l’édit de Nantes. Était-elle paysanne ? Née en 1711, Marie Durand habitait au Bouschet-de-Pranles, un village près de Privas en Ardèche (lire p.12). Elle vient donc d’un milieu rural. Mais son père est un expert local foncier qui fixe les prix des terrains agricoles. L’historien Patrick Cabanel précise qu’il existe une hiérarchie de classe entre les paysans riches et ceux qui sont pauvres, que tous n’ont pas le même statut. Marie Durand a-t-elle été à l’école ? On peut supposer que c’est son père qui l’a instruite. Il a éduqué ses deux enfants, Pierre, qui deviendra pasteur, et Marie. Elle sait donc lire et écrire, ses lettres en attestent. Était-elle célibataire ? Marie Durand a souvent été présentée comme célibataire. Pourtant un acte de notaire du 27 avril 1730 prouve qu’elle s’est mariée avec Matthieu Serre. Le frère de Marie n’était pas favorable à cette union, vraisemblablement car c’est un homme de quarante ans alors qu’elle n’en a que dix-neuf. Mariée au printemps, elle est arrêtée en août avec Matthieu Serre. Son arrestation est-elle un cas isolé ? De nombreux protestants qui se retrouvaient dans les assemblées religieuses clandestines étaient arrêtés lorsque les soldats les trouvaient. Il n’y a rien d’exceptionnel pour une protestante opiniâtre à participer aux assemblées. La mère de Marie Durand, Claudine Gamonnet, a été arrêtée en 1719 et n’est jamais revenue. Est-elle enfermée à cause de son frère ? La famille Durand est surveillée car son frère Pierre est prédicateur au Désert puis pasteur à partir de 1726. Il est actif dans les réseaux de reconstruction du protestantisme et passe ensuite à la clandestinité. Étienne, le père, est arrêté en 1729, puis Marie et Matthieu en 1730, sans doute pour faire pression sur le frère. Son père et son mari sont enfermés dans la même prison, au Fort de Brescou, près du Cap d’Agde. Le père y restera quatorze ans, le mari jusqu’en 1750. Elle ne les reverra pas. Son frère Pierre est finalement arrêté en 1732, puis exécuté à Montpellier. Pourtant, Marie Durand, elle, reste enfermée. Est-elle enfermée seule dans son cachot ? Marie Durand n’est pas toute seule , elles sont entre une dizaine et une vingtaine de femmes. Au total, 91 femmes protestantes seront enfermées dans la Tour de Constance à Aigues-Mortes, entre 1718 et 1761. Elles ne sont pas coupées du monde extérieur, elles reçoivent des visites, de l’aide de l’extérieur pour agrémenter leur ordinaire, comme de l’huile. Elles s’occupent comme elles peuvent : elles discutent beaucoup et partagent de vraies ou de fausse informations. La libération est le sujet de prédilection et l’objet de tous les fantasmes. Elles organisent des offices religieux, ont des activités qui permettent de passer le temps, comme la couture. Une prison n’est jamais agréable, la Tour de Constance ne l’est vraiment pas. C’est un lieu très humide et froid, ces femmes reçoivent de la prison de l’eau, de la paille et du pain. Et rien d’autre. Était-elle une femme exceptionnelle ? Si Marie Durand n’avait pas écrit ses lettres, elle serait sans doute restée aussi méconnue que ses codétenues. Patrick Cabanel explique dans son ouvrage Itinéraires protestants en Languedoc que Marie Durand ne détenait pas le record de l’enfermement le plus long. C’est Marie Robert, dite Frésole ou la Frisole, qui est restée enfermée 40 ans et quatre mois. D’autres femmes auraient pu marquer la mémoire collective : certaines sont entrées avec leur bébé et les ont élevés en prison ; la jeune Catherine Falguière, elle, a passé les seize premières années de sa vie dans cette prison. La correspondance de Marie Durand est- elle un formidable témoignage ? 48 lettres ont été écrites entre 1734 et 1776, envoyées de la Tour sauf les dix dernières. Certaines sont signées collectivement par « les prisonnières », d’autres individuellement par « La Durand ». Ces lettres écrites par Marie Durand – et non celles reçues par elle –, ont été retrouvées dans les archives d’Antoine Court, de Paul Rabaut, dans celles du Consistoire… D’autres ont disparu. Ces lettres donnent à voir le quotidien : les difficultés matérielles et le rôle de la spiritualité. Son attachement à la Bible ressort sans cesse. L’aspect spirituel vient nourrir cette résistance, c’est l’espérance en Dieu qui permet à ces femmes de tenir. Les lettres servent à demander de l’aide et sont aussi parfois plus personnelles. Ainsi quand elle s’adresse à sa nièce Anne, la fille de son frère. Quel est son lien avec la Bible ? Sa famille est protestante, elle a été élevée par son père dans cette foi. Il faut imaginer que l’univers biblique est une planche de salut quand on est emprisonné. La lecture de la Bible permet de tenir et donne des raisons de croire, de patienter, d’espérer. Ces femmes vivent une telle souffrance qu’elles doivent trouver une manière de sortir d’un quotidien extrêmement violent pour voir des signes possibles d’un avenir meilleur. Et la Bible leur en offre un. Est-elle à l’origine du « Register » ? Le mot « Register », gravé sur la margelle du puits, qui signifie en patois du Vivarais « résister », lui a été attribué. Sans preuve. Son père gravait des mots dans la demeure familiale. Est-ce qu’elle perpétue une tradition ? On ne sait pas. Quelle est la place de l’argent ? Ces femmes n’ont rien, leurs biens ont été confisqués. Leurs familles leur envoient de l’argent. Elles vivent de l’entraide protestante via des Églises locales et étrangères, notamment les Églises d’Amsterdam. C’est plus difficile avec l’âge car elles sont malades et ne peuvent se soigner. Certaines se retrouvent seules, comme Marie qui a perdu son père, son frère et son mari. Sa nièce Anne Durand n’arrange rien en demandant des comptes sur l’héritage de Marie. Heureusement, cette dernière est aidée jusqu’à sa mort par le consistoire des Églises d’Amsterdam, même après sa libération. Pourquoi est-elle libérée au bout de 38 ans ? Pour sortir, ces femmes n’avaient pas d’autre choix que d’abjurer. Certaines sont mortes dans la tour. Plus on avance dans le siècle et plus le sort de ces prisonnières émeut différents personnages qui cherchent à obtenir des lettres de grâce. Les idées des Lumières et de tolérance se diffusent. Dans les esprits éclairés de cette époque, la peine subie par ceux qui ne croient pas comme il faudrait croire n’est plus acceptable. Est-ce bien raisonnable qu’une femme soit enfermée toute une vie car elle ne croit pas dans les dogmes de l’Église catholique ? Leur libération a lieu peu de temps après l’affaire Calas (1765). Marie Durand est libérée le 14 avril 1768, la dernière prisonnière en décembre 1768. Marie rentre chez elle, au Bouschet-de-Pranles, et meurt en 1776. Assemblée du Désert 2018 « Femmes du Désert », dimanche 2 septembre : culte à 10 h 30 suivi des allocutions de l’historienne Inès Kirschleger et de la théologienne Valérie Duval- Poujol, envoi par sœur Mireille, prieure des Diaconesses de Reuilly. Au Musée du Désert, le Mas Soubeyran, Mialet, 30140 Anduze museedudesert.com À lire Marie Durand, Céline Borello, Éditions Ampelos, 2018, 160 p., 10 €. Publié le 29 août 2018(Mise à jour le 29/08) Par Denyse Muller Cinéma : “BlacKkKlansman”, une histoire incroyable La pasteure Denyse Muller d’Interfilm a vu et aiméBlacKkKlansman , de l’Américain Spike Lee. Dans les années 1970 un officier de police afro-américain s’infiltre avec un complice blanc au plus haut niveau du Ku Klux Klan – l’un, par téléphone, l’autre, présent aux réunions, tentent d’enrayer les projets racistes envisagés. Spike Lee réalise un film militant, à la fois pour s’attaquer aux dirigeants du Klan et pour nous interroger. Il ose un film qui mélange les genres, humour, amour, comédie, drame, images d’archives… On rit du ridicule des responsables du Ku Klux Klan, rires interrompus par des scènes choquantes tel un lynchage raconté par Harry Belafonte ou bien quelques extraits du film ouvertement raciste Naissance d’une nation, de D.W. Griffith. À peine croit-on que l’amour l’emportera sur la haine ou que les lois vont changer les mentalités que le réalisateur nous ramène à la politique et à l’actualité. Politique par le discours ahurissant du chef national du KKK, soutien de Donald Trump. Actualité par les images du rassemblement de Charlottesville en août 2017 où agresseurs (les membres du Klan) et victimes (manifestants pacifiques et antiracistes) sont présentés à égale responsabilité par le président des États-Unis.