Prise De Parole De Roger Guérin Hommage À Rino Della Négra 23
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Prise de parole de Roger Guérin Hommage à Rino Della Négra, 23 février 2013 « Vous n’aviez réclamé la gloire ni les larmes, Ni l’orgue, ni la prière aux agonisants, Onze ans déjà, que cela passe vite onze ans, Vous vous étiez servi simplement de vos armes, La mort n’éblouit pas les yeux des partisans ». Mesdames et Messieurs, C’est ainsi que commence le fameux poème de Louis Aragon ; « l’Affiche rouge ». C’est au nom de la municipalité, en celui de madame la maire qui est retenue par d’autres obligations, que je veux tout d’abord remercier le collectif Red Star Bauer d’avoir organisé cette manifestation en souvenir de Rino Della Négra, martyr de la Résistance à l’occupant Nazi. Je voudrais également excuser, Henri Le Lorrain, élu chargé des sports, qui ne peut être présent parmi nous. Rino jouait au football au Red Star et sa dernière lettre témoigne de son attachement au club et à ses amis, joueurs et supporters. Mais c’est avant tout en combattant de la liberté qu’il est mort le 21 février 1944 avec ses 22 camarades du groupe Manouchian fusillé au mont Valérien, alors qu’Olga Bancic sera transférée en Allemagne et décapitée à la prison de Stuttgart le 10 août 1944. Je suis fier d’évoquer l’héroïsme de ce groupe dont la plupart des membres étaient jeunes, immigrés et Communistes ; Rino n’avait que 21 ans, il était d’origine Italienne. Les FTP-MOI groupe des Francs–tireurs et partisans, étaient des groupes armés constitués en avril 1942 sous la direction de Boris Holban, juif originaire de Bessarabie. Ils ont été mis en place et dirigés par le parti communiste. C’est en août 1943 que Missak Manouchian est nommé commissaire militaire, à la place de Boris Holban. Il a sous ses ordres trois détachements, comprenant au total une cinquantaine de militants. Les groupes de Manouchian accomplissent prés de trente opérations dans Paris, du mois d’août à la mi-novembre 1943, et de très nombreuses autres en région Parisienne : sabotages, déraillements de trains, etc. Parmi ces faits d’armes, on retiendra notamment l’exécution, le 28 septembre 1943 du général Julius Ritter, adjoint pour la France de Fritz Saukel, responsable de la mobilisation de la main d’œuvre (STO) dans l’Europe occupée par les Nazis. C’est la brigade spéciale n° 2 des renseignements généraux qui, au terme d’une longue et vaste filature, aboutit au démantèlement complet des FTP-MOI parisiens à la mi-novembre, avec 68 arrestations. 23 d’entre eux dont Rino Della Négra et leur chef, Missak Manouchian, torturés, sont livrés aux allemands. Le tribunal militaire allemand du Grand-Paris prononcera 23 condamnations à mort. Les 22 hommes du groupe sont fusillés en refusant d’avoir les yeux bandés. J’ai déjà fait mention du sort réservé à Olga Bancic. Le journal officiel du 13 juillet 1947, rend public un décret signé le 31 mars 1947 attribuant la médaille de la résistance à titre posthume à Olga Bancic, joseph Boczov, Georges Gloarec, Thomas Elex, Roger Rouxel, Antoine Salvadori, Wolf Wajsbrot, Robert Witschitz, Amédéo Usseglio et Rino della Négra. Mais c’est certainement « l’Affiche Rouge » qui fit connaitre au grand public, le Groupe Manouchian. Elle inspira Louis Aragon qui écrivit le poème « strophes pour se souvenir » en 1955. Ce poème fut mis en musique et chanté par Léo Ferré en 1959, repris depuis par de nombreuses et nombreux interprètes. Plusieurs ouvrages, livres et films, feront référence à l’affiche pour retracer l’action du Groupe Manouchian. L’Affiche Rouge fut confectionnée au moment où à la suite de l’arrestation du groupe (les avis d’historiens divergent) à des fins de propagande. Dix des 23 membres du groupe furent « sélectionnés » pour que leurs photos figurent sur l’affiche. Ignominieuse et raciste « l’Affiche Rouge » fut placardée dans tout le pays pour fustiger « ces terroristes ennemis de la France » selon les propos de la propagande de Vichy et de la collaboration. Mais elle produit l’effet inverse à celui escompté. Elle devient pour la Résistance, l’emblème du martyre, les soutiens se multiplièrent, de nombreux anonymes déposant des fleurs au pied de ces affiches, il sera souvent écrit « Morts pour la France » ! Oui, morts pour la France ces immigrés, ces internationalistes, épris de justice et de liberté, amoureux de la « patrie des droits de l’homme », eux qui avaient dû fuir misère, oppressions, dictatures et génocides. Ces femmes et ces hommes étaient des combattants de la liberté plaçant au dessus de tout, leur sens de l’humanité, prônant la paix entre les peuples et la fraternité entre les hommes. Je ne peux laisser passer l’occasion d’affirmer qu’au nom de leur sacrifice pour ces valeurs, pour la France, l’hommage le plus fort qu’on puisse leur rendre est de se battre aujourd’hui pour la dignité de tous, pour gagner de nouveaux droits, je pense en particulier, au droit de vote des résidents étrangers. A tous ceux qui en ces temps de crise systémique du capitalisme, veulent diviser et faire le tri en prétendant décerner les certificats de citoyenneté, il faut leur rappeler le courage et l’abnégation dont firent preuve ceux que nous honorons aujourd’hui à l’instar de Rino Della Négra. Rino Della Negra prend place dans la liste bien fournie de nos concitoyens qui se levèrent contre le fascisme pour notre liberté, dont le plus connu à Saint Ouen est certainement Marcel Bourdarias, lycéen qui habitait au 25 rue Debain, fusillé lui aussi au mont Valérien, le 17 avril 1942 à l’âge de 18 ans après le tristement célèbre « procès de la maison de la chimie ». Parmi ses faits d’armes, on retiendra sa participation à l’exécution de Karl Hotz, à Nantes, le responsable des troupes d’occupation pour le département de Loire-Inférieure. Marcel Bourdarias ne fut le seul audonien condamné à mort lors de ce procès. Deux résistants communistes, Alfred Cougnon qui imprimait clandestinement « L’Humanité » dans la cave de sa maison, et Léon Landscholt qui participa à la guerre d’Espagne aux côtés des républicains dans les brigades internationales, furent parmi les condamnés et fusillés. Le lieu où nous nous trouvons m’incite à citer aussi le docteur Bauer. Jean-Claude Bauer, « médecin des pauvres », membre du PCF était un ami de Jacques Decour et de Georges Politzer notamment, intellectuels communistes qui connurent aussi un destin tragique. J-Claude Bauer fut également fusillé au mont Valérien, en 1942. Sa femme, Marie-Jeanne Bauer fut déportée à Buchenwald. Elle en rescapa et elle deviendra à la libération, Maire-adjointe de Fernand Lefort, élue sur une liste qui comprenaient beaucoup de résistants, de patriotes, souvent communistes. Une plaque rappelle leur souvenir, à deux pas d’ici, au 3 rue Blanqui, où se trouvait le cabinet du Dr Bauer. Le stade est bien sûr emblématique du nom de Jean-Claude Bauer, dont la rue de la Chapelle prit le nom, et dont le stade de Paris (nom officiel) devint au fil des ans dans l’esprit populaire, le stade Bauer, tout simplement. On pourrait également saluer la mémoire de ces nombreux salariés des établissements Lavalette, d’Alsthom, ou de la Somua dont les bâtiments occupés il y a quelques années par Renault ont disparu, mais dont la plaque commémorative témoigne, Bd Victor Hugo de leur engagement et de leur sacrifice. Ceux qui survécurent jouèrent un rôle important dans la résistance et pour la libération du pays. Je pense bien sûr, à Maurice Ballet, que je salue et que vous connaissez bien, puisque Maurice est un des fidèles des fidèles du Red Star. Maurice qui a connu deux camps de concentration, dont Buchenwald, je crois. Je pense également à Georges Abbachi, longtemps maire-adjoint et responsable syndical. Georges a été le compagnon et l’ami de Guy Moquet. Il remplaça Guy Moquet après son arrestation. Puis il fut à son tour arrêté, mis en prison puis en camp de prisonniers politiques durant toute la guerre. La liste est longue des actes et des engagements, d’hommes et de femmes de tous horizons qui firent la résistance française. Plusieurs monuments rappellent ce que fut l’histoire de ces femmes et de ces hommes qui formaient le « Groupe Manouchian », notamment à Paris et à Marseille. Cependant le plus bel hommage est le monument érigé à la mémoire des plus de 1000 résistants et otages fusillés au mont Valérien entre 1940 et 1944. Ce monument réalisé par le sculpteur et plasticien Pascal Convert, à l’initiative de Robert Badinter qui fit voter une loi le 22 octobre 1977, les réunit tous, eux dont le combat était un et indivisible. D’autre part, Nicolas Bonnet, conseiller d’arrondissement communiste du 12e arrondissement, m’a informé que Catherine Vieu-Charrier, adjointe au maire de Paris, chargée de la mémoire et des anciens combattants, déposera un vœu lors du prochain conseil de Paris, afin qu’une plaque soit apposée sur l’immeuble du passage du Génie, tout près de Place de la Nation, qui servit de « planque » un moment, à Rino Della Négra. Un lieu qu’Inès Tonsi a sans doute bien connu. Avant de conclure, je tiens personnellement et au nom de Jacqueline Rouillon, maire de Saint-Ouen et conseillère générale, remercier –féliciter bien sûr- mais surtout remercier très sincèrement, le collectif Red Star Bauer pour son initiative, son beau projet et sa magnifique réalisation d’aujourd’hui. Je n’oublie que c’est grâce au collectif des amis du Red Star en 2004, que Rino Della Négra sorti de l’ombre et que la plaque que nous allons honorer fût apposée.