Les Folles Histoires De La Radio FM
Total Page:16
File Type:pdf, Size:1020Kb
SÉBASTIEN TRUDEL À MICRO FERMÉ Les folles histoires de la radio FM A micro ferme.indb 5 20-03-06 12:53 L’héritage du AM J’ai grandi dans le milieu de la radio. Mon père, Pierre Trudel, y a fait une grande carrière pendant près de 60 ans. Il a d’abord été chroniqueur artistique, pour ensuite animer des tribunes sportives. Il a cumulé 45 ans d’expérience en ondes, un exploit inégalé pour ce type d’émission. J’ai donc été élevé dans ce domaine, mais du côté beau- coup plus sage de la radio AM. Plus sage, mais loin d’être ennuyant ! Au contraire, le AM était très divertissant dans ma jeunesse. Ce n’était pas que de la maudite circulation routière comme aujourd’hui. Je me suis fait l’oreille et la main en écoutant et parfois en côtoyant de grands noms de la radio AM, qui était la plus populaire dans les années 1980. À ce titre, CKAC a été la première station à joindre un million d’auditeurs. Avant de faire la transition vers le FM, je tenais donc à relater quelques anecdotes sur cet univers paral- lèle de la radio, très différent mais tout aussi fascinant, ce qui est en quelque sorte un hommage au travail de mon père et à son influence sur mon propre parcours professionnel. Mon père sera toujours mon idole de radio, parce qu’il avait le don, sur les ondes, de vous faire sentir comme un de ses amis proches, comme s’il vous parlait directement, ou même à l’oreille. Il animait des émissions sportives, mais bien des gens l’écoutaient pour son sens de l’humour et pour sa voix qui les rassurait au retour à la maison. C’est en effet ce qu’on me dit le plus souvent à propos de ses années de radio, et ça me fait toujours plaisir. — PIERRE TRUDEL L’émission que mon père a animée le plus longtemps s’intitu- lait (et s’intitule encore aujourd’hui) Les amateurs de sports. Le concept était simple : on choisissait trois personnes du public, sans expérience de la radio, mais qui étaient de grands fans de sport, et on les réunissait autour d’un micro. Le premier animateur a été Claude Maillhot, aujourd’hui à RDS. Mon père est arrivé quelques années plus tard, mais c’est lui qui détient, et de loin, le record de longévité à la barre de cette émission. Plusieurs moments ont été 16 À micro fermé A micro ferme.indb 16 20-03-06 12:53 Un cheval de Blue Bonnets dans les studios de CJMS. marquants dans sa longue carrière, mais je n’oublierai jamais la fois où l’on a emmené dans les studios de CJMS un cheval de Blue Bonnets4 pour le surprendre. Vous vous en doutez, j’ai toujours aimé les coups d’éclat ! J’ai vu mon père faire de grandes choses à la radio, dont une entrevue avec Mohamed Ali, qui s’endormait durant les pauses publicitaires, et une autre avec le grand Wayne Gretzky. J’ai aussi connu la rivalité Canadiens-Nordiques, quand la tension était telle qu’un soir, sur la galerie de presse du Forum de Montréal, un gar- dien de sécurité a dû s’interposer entre mon père et Michel Villeneuve, lequel animait l’émission sportive à Québec. 4. L’ancien hippodrome de Montréal. L’héritage du AM 17 A micro ferme.indb 17 20-03-06 12:53 Pierre Trudel en entrevue avec le boxeur Roberto Durán. Dans le temps où l’on fumait encore partout, je me sou- viens d’une entrevue avec le boxeur Roberto Durán qui a litté- ralement enlevé la cigarette des mains de mon père, car il ne tolérait pas un studio emboucané. On le comprend ! Beaucoup d’animateurs à cette époque enchaînaient compulsivement cigarette sur cigarette durant leur émission, laissant l’atmo- sphère du studio carrément irrespirable. Les choses ont beau- coup changé depuis. Outre mon père, voici quelques autres animateurs du AM qui m’ont marqué. — GILLES PROULX Je n’ai jamais écouté Gilles Proulx pour ses opinions, mais bien parce qu’il était un communicateur extraordinaire. On ne savait jamais ce qui allait arriver dans son émission : c’était vraiment un spectacle. Un jour, il m’a raconté que le filmGood Morning, Viet- nam a transformé son style d’animation, très monotone au départ. Dans ce film, Robin Williams jouait le rôle d’un animateur rebelle, prêt à tout pour changer les idées des soldats en mission qui l’écoutaient. M. Proulx m’a souvent dit qu’il avait carrément 18 À micro fermé A micro ferme.indb 18 20-03-06 12:53 voulu reproduire ce style de radio, chose qu’il a faite avec succès d’ailleurs. Son émission le Journal du midi, que je ne manquais jamais, est rapidement devenue numéro un des cotes d’écoute. Ce qui était extraordinaire avec Gilles Proulx, c’était son cran. Je me souviens d’une émission en particulier où, devant 200 pom- piers, il critiquait leur nouvelle convention collective. La foule lui était hostile, c’était carrément dangereux ! À un moment donné, l’un des pompiers a voulu frapper l’animateur, mais ce dernier l’a provoqué davantage. M. Proulx lui lançait : « Viens-t’en, t’es pas game ! Maudit peureux ! » Il donnait tout un show en ondes. Il avait même des pro- tecteurs sur place : deux des frères Hilton, les boxeurs, toujours prêts à le défendre. Disons que ça décourage les éventuels agresseurs ! J’aimais aussi son audace, qui le distinguait des autres anima- teurs. Quand il perdait son calme (et ça lui arrivait souvent), il pou- vait être au beau milieu d’une entrevue avec le premier ministre du Canada, Jean Chrétien, et décider de lui raccrocher au nez. Cer- tains diront que c’est inacceptable, que ça manque de politesse et de courtoisie. Moi, je trouve ça plutôt admirable ! Si un politicien ne veut pas répondre aux questions, qu’il ne fasse pas d’entrevue, c’est tout. Je partage aussi avec Gilles Proulx un souvenir plus personnel. Chaque jour, dans son émission, il faisait un sondage scientifique sur une question d’actualité et appelait toujours la même personne, une certaine Mme Martin, de Verdun. Cette dame souffrait d’un cer- tain retard moteur, mais elle avait une repartie hors du commun. À la veille de sa dernière émission — j’étais à l’époque à CISM, la radio de l’Université de Montréal —, nous avons reçu M. Proulx en entrevue. Comme dernière question, je lui ai demandé ce qu’allait devenir Mme Martin, maintenant qu’il prenait sa retraite. Il a été un peu décontenancé, car il n’avait pas pris le temps d’y penser. Puis, il nous a dit : « Cette femme est seule et a vraiment besoin que quelqu’un l’appelle tous les jours, c’est son seul divertissement. Voudriez-vous prendre la relève ? » Cette suggestion nous a pris de court, mais à partir de ce jour-là, et pendat les 15 années suivantes, nous avons appelé Mme Martin tous les jours, que ce soit pour la radio ou juste pour lui dire bonjour. Elle est décédée il y a quelques années. L’héritage du AM 19 A micro ferme.indb 19 20-03-06 12:53 — RON FOURNIER Toute mon enfance, j’ai croisé le roi des tribunes télépho- niques de fin de soirée, Ron Fournier, et j’ai assisté à son émission à plusieurs reprises. C’est un personnage fascinant, car il est exac- tement le même en ondes qu’en personne ! Ceux qui pensent que Ron joue un rôle ont peut-être raison, mais il le conserve même dans les corridors, comme un acteur qui fait un avec son person- nage. Ce qui est aussi fascinant, c’est que même si le concept de l’émission est de discuter avec les auditeurs, Ron le fait rarement pour vrai. Par exemple, disons qu’il s’adresse à Raymond, de Mascouche… Raymond commence par féliciter Ron pour son émission, ensuite il exprime son opinion sur les Canadiens dans le but d’en discuter avec Ron. En réalité, et dans la plupart des cas, Ron fait immédiatement signe à son réalisateur de couper la com- munication, avant de se lancer dans un monologue de 15 minutes, où il parle à Raymond ! Il finit ses phrases par : « Tu me suis, là, Raymond ? » Évidemment, Raymond ne dit plus rien, parce qu’il n’est plus au bout du fil. Il faut un formidable talent pour parler si longtemps sur sa lan- cée, seul en ondes. Ce que j’admire chez Ron, c’est qu’on ne sait jamais ce qu’il va faire. Chanter l’ancien hymne national de l’URSS pendant cinq minutes ? Pourquoi pas ? ! Prendre une voix de per- sonnage et improviser un sketch ? C’est aussi possible ! C’est ce qui le rend toujours si divertissant aujourd’hui. Le pire (ou le meilleur), c’est qu’il est exactement pareil dans la vie de tous les jours. — ROGER DROLET Roger Drolet animait une tribune téléphonique à CKVL, à l’époque où je l’ai connu. J’étais au secondaire et c’était la case horaire de l’après-midi. C’était un excellent communicateur, mais aussi un homme de droite très religieux. Comme la station n’allait pas très bien sur le plan des cotes d’écoute, M. Drolet ne recevait pas beaucoup d’appels pour ses sujets du jour. À peine âgés de 14 ans, mon ami Marc-Antoine Audette (avec qui je formais Les Justiciers Masqués) et moi appelions de son téléphone, chez lui, puis d’un cellulaire, et nous écrivions de son fax pour nous accaparer toutes les lignes de l’émission.