Chapitre I : Quarante Ans De Cinéma
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Jean-Baptiste Separi-Prevost 4ième année SP La mémoire de la guerre d’Algérie dans les films français depuis 2000 Sous la direction de M. Gilles Richard Séminaire d’Histoire de la France au 20ième siècle : forces politiques, société et cultures, place dans le monde REMERCIEMENTS A mon grand-père, A M. Gilles Richard, Aux équipes de la Bibliothèques des Champs-Libres, la Bibliothèque Nationale de France, la Bibliothèque de la Part-Dieu de Lyon A Alexandre, Anne, Camille, Cyril, Coralie, Maria, Maxime, Serenika, Sophie, pour leur soutien 2 « Car ce peuple est devenu insensible ; ils se sont bouchés les oreilles, ils ont fermé les yeux, afin d'empêcher leurs yeux de voir, leurs oreilles d'entendre, leur intelligence de comprendre, et ainsi, ils ne reviendront pas à moi pour que je les guérisse » (Evangile de Matthieu 13, v. 15) « Faut-il que leur gloire soit insultée, faut-il qu'elle soit dilapidée par de mauvais bergers qui ont accordé leur violon au diapason du colon, et partagent avec lui la même peur au ventre, que partout, refleurissent des premiers matins de novembre » (La Rumeur, Premier matin de novembre) 3 Sommaire Introduction………………………………………………………………………………p. 5 Chapitre 1 : Combler le vide 1.1 La guerre d’Algérie dans les films des décennies 1960, 70, 80 et 90…………p. 9 1.2 La mémoire filmique de la guerre d’Algérie, entre déficit et surenchère……..p. 22 1.3 Mémoires croisées……………………………………………………………..p. 34 Chapitre 2 : Sculpter le temps 2.1 Icônes et arabesques……………………………………………………………p. 42 2.2 La représentation de la guerre…………………………………………………p. 57 2.3 De nouveaux rapports entre public et artistes…………………………………p. 70 Chapitre 3 : Comprendre l’autre 3.1 Les représentations de l’Algérien au cinéma…………………………………..p. 90 3.2 Portrait du film historique idéal…………………………………………….....p. 99 Conclusion………………………………………………………………………..…….p. 111 Sources…………………………………………………………………………………p. 114 Index des noms propres et des films………………………………………………p. 124 Table des matières……………………………………………………………………p. 125 4 1 Introduction L’abondance et la qualité de la documentation actuelle concernant la guerre d’Algérie interrogent sur la nécessité d’écrire encore sur ce sujet dans le cadre restreint d’un mémoire universitaire. Quel intérêt peut-il y avoir à rajouter une pierre de plus sur cet édifice funéraire sans cesse surélevé, et sans cesse remis en cause ? Le retour de balancier qui a succédé à l’amnésie initiale sur la guerre d’Algérie nous place dans une position de juge et nous encourage à critiquer cette période, grâce à l’appui d’historiens aussi renommés que Charles- Robert Ageron et Benjamin Stora. Cependant, on peut maintenant clairement identifier deux Histoires de la guerre d’Algérie, fortement entremêlées : celle de la guerre entre la France et l’Algérie, non déclarée, qui s’est terminée avec le départ en masse des colons français en 1962, et celle qui a opposé les témoins et les historiens à l’oubli, lutte qui se perpétue encore aujourd’hui. C’est dans cette seconde perspective que ce devoir d’Histoire se placera, motivé par une double curiosité pour la signification de la mémoire de la guerre d’Algérie telle qu’elle se présente aux générations qui ne l’ont pas vécu, et pour toutes ces épitaphes, martelées à la télévision ou tagées sur les murs des cités. Une manière moderne de faire de l’Histoire et de s’exprimer sur un sujet est le film. Marc Ferro écrit que « L'histoire au cinéma est devenue une force, comme l'histoire au théâtre a pu l'être, avec les œuvres de Shakespeare »1, et « force » est bien le mot qui définit ce qu’est une image, et surtout une image en mouvement lorsqu’elle recrée « le » réel dans « un » réel et tente d’abolir la frontière du Temps. Depuis l’usage de la photographie pendant la campagne de Crimée en 1854 jusqu’aux webcams placées sur les casques de certains soldats américains en pleine guerre irako-américaine, l’Histoire se partage en temps direct et le cinéma devient une machine à recycler les images et les souvenirs. Les années 2000 ont aussi introduit une généralisation de l’illusion des images dans chaque foyer et dans chaque chambre, à travers les ordinateurs portables et le réseau Internet. Pourtant, les problèmes qui se posent aux films historiques sont très semblables à ceux des historiens, c’est celui de la vérité et du degré de confiance qu’on peut accorder aux archives utilisées. Et une image filmée n’est pas plus crédible qu’un document écrit d’époque, puisqu’elle n’est qu’une vision partielle et 1 Marc FERRO, Le cinéma : une vision de l’histoire, Edition du Chêne, 2003 5 manipulable à volonté, adjectif accentué aujourd’hui avec le montage numérique. Lorsque Marc Ferro cite Shakespeare, c’est aussi pour en souligner l’impact sur l’Histoire, ou comment la puissance d’une écriture dramaturgique a fait qu’on se souvient aujourd’hui de Richard III d’une telle manière (celle d’un assassin boiteux !) et pas d’une autre. Le cinéma est aussi et avant tout un regard, notion tant défendue dans un pays privilégiant traditionnellement ses auteurs sur ses systèmes de production. Le film historique comme regard en arrière, par-dessus son épaule ? Certainement pas, et Shakespeare lui-même n’hésitait pas à se servir des biographies des rois d’Angleterre et de l’Antiquité gréco-romaine pour évoquer les passions de son temps. Le film historique instaure naturellement une continuité entre le passé et la société présente, plus prégnante encore dans le cas de l’Histoire contemporaine. On préfèrera donc parler de point de vue, de discours plutôt que d’objectivité. Parler de cinéma, c’est enfin utiliser des mots. L’ouvrage de Raphaëlle Branche, La guerre d’Algérie : une histoire apaisée ?, montre dans sa dernière partie, Malaise dans les catégories, l’enjeu que représente le choix des mots, à commencer par le temps qu’il a fallu pour que le gouvernement reconnaisse la dénomination de « guerre » plutôt que d’« évènements » et de « pacification ». Les luttes sémantiques ont lieu aujourd’hui dans les plus hautes sphères comme sur les blogs sur Internet ouverts à tous et anonymes, sur lesquels les accusations de « terroristes » ou de « bourreaux nazis » sont pain quotidien et révèlent les passions que peut déchaîner un conflit censé être terminé depuis quarante-six ans. Dans le simple but d’éviter d’entrer dans ces querelles, certains mots ne seront pas employés au cours de ces pages, sauf dans des contextes précis, tels que le terme de « fellaghas », pluriel de « fella » ou « bandit », « pourfendeur », auquel on préfèrera le terme de « combattant du FLN ». De même, les adversaires seront systématiquement désignés par les vocables de soldats français, de soldats algériens, de Harkis et non par les catégories des « Européens » et des « Musulmans » comme celles-ci sont utilisées dans les manuels d’histoire2. Cinq films de fiction majeurs sur le thème de la guerre d’Algérie sont sortis depuis 2000, correspondant à la division par décennies telle qu’elle est faite dans le CinémAction consacrée à « La guerre d’Algérie à l’écran » et initiant un nouveau regard sur la guerre que nous analyserons dans le second chapitre du mémoire. Cinq films auxquels il faut adjoindre Indigènes (Rachid Bouchareb, 2006), film de guerre à grand budget sur le destin d’une compagnie de tirailleurs nord-africains dont on détaillera les implications politiques et symboliques. Nuit noire 17 octobre 1961, sorti le 19 octobre 2005, est un téléfilm distribué au cinéma, réalisé par Alain Tasma, écrit par Patrick Rotman, Alain 2 Maurice MASCHINO, « L’histoire expurgée de la guerre d’Algérie », Le Monde diplomatique, février 2001 6 Tasma et François-Olivier Rousseau, produit par Cipango Productions Audiovisuelle. « Le film croise les destins de personnages qui ont, chacun, une vue partiale et partielle de la situation : Sabine, journaliste ; Nathalie, porteuse de valises ; Martin, jeune flic sans engagement politique ; Tierce, policier syndicaliste ; Tarek, ouvrier de nuit non militant ; son neveu, Abde, qui suit des cours du soir ; Ali Saïd, cadre du FLN ; Maurice, coordonnateur de la Fédération de France du FLN. A partir de la juxtaposition et de la confrontation de ces points de vue, le spectateur reconstitue le puzzle des événements, épouse tour à tour les " vérités changeantes " de chacun. »3 Un autre téléfilm d’Alain Tasma, Harkis (2006), ne sera pas analysé malgré l’intérêt de son sujet car l’action se déroule dans les années 70 et puisque le film n’a pas bénéficié d’une sortie en salles. La Trahison (sorti le 25 janvier 2006, réalisé par Philippe Faucon) se focalise sur les rapports entre le sous-lieutenant Roque et Taïeb, l’Algérien à ses ordres. Mon colonel (sorti le 15 novembre 2006, réalisé par Laurent Herbiet) se déroule à la fois dans le passé de la guerre d’Algérie à travers l’histoire d’un jeune appelé tombant sous l’influence d’un colonel Français, et dans un passé plus proche, le meurtre au début des années 90 du même colonel et la découverte des lettres de l’appelé. Cartouches gauloises, diffusé à partir du 8 août 2007, est un film de Mehdi Charef, produit par KG Productions et Battam Films, basé sur ses souvenirs de la fin de la guerre d’Algérie et racontant l’amitié entre un jeune Algérien et un jeune-futur- Pied-noir. Enfin, L’Ennemi intime (sorti le 3 octobre 2007) est un film réalisé par Florent-Emilio Siri et écrit par Patrick Rotman retraçant la transformation d’un jeune appelé idéaliste en « bourreau ordinaire ». Seront également mentionnés à diverses occasions Michou d’Auber (sorti le 28 février 2007, Thomas Gilou), coproduction d’Europacorp et de TF1 Films Productions sur l’adoption par un couple berrichon d’un enfant Algérien pendant la guerre, et deux documentaires : L’Ennemi intime-violences dans la guerre d’Algérie de Patrick Rotman (2002) et Algérie, histoires à ne pas dire de Jean-Pierre Lledo (2008).