Said IMOUZAZ (2002)
1.1. Introduction.
L’objectif assigné à ce chapitre est de présenter quelques préliminaires théoriques et méthodologiques permettant une compréhension optimale des principes généraux qui servent de toile de fond à notre analyse.
Le parler décrit est celui utilisé dans la communication interpersonnelle par les locuteurs natifs de la ville de Casablanca. Casablanca, ma ville natale, ville née à l’aube du XXème siècle, et vite promue au rang des grandes mégalopoles. La ville de toutes les contradictions, où les grands buildings du centre ville extra muros jouxtent les immeubles délabrés et en piteux état de l’Ancienne Médina intra muros ; où les grandes berlines de luxe composent avec les pitoyables carrosses héritières d’un temps révolu, tous inscrits dans une valse à deux temps : un temps euphonique ; un temps dysphonique.
Nos racines profondément ancrées dans son sol, notre indéfectible attachement à cette ville, à sa terre, à son climat, à son vacarme, à ses tares et avatars nous ont entraîné, de bon gré, de mauvais gré, dans une entreprise enchanteresse que nous ne sommes pas assignée comme objectif au départ. Notre incursion dans son histoire ancienne, dans sa géographie surtout sociale, était pour nous un moment de bonheur extrême, plutôt d’extase. Nous n’en revenons pas des quelques lectures que nous avons faites, et surtout des témoignages poignants que nous avons collectés auprès de personnes qui ont vécu les bonheurs, mais aussi et surtout les malheurs de Casablanca.
Ainsi avons-nous aimé partager ne serait-ce que quelques uns de ces moments de bonheur avec nos lecteurs, soucieux de les mettre dans le bain de la situation historique, géo-urbanistique, économique et sociale qui se répercutent indubitablement sur la situation linguistique que nous nous proposons de décrire.
Les données que nous avons collectées à des fins de description linguistique sont, en bonne partie, notre propre réalisation, corroborée par celle de personnes qui nous sont proches ou que nous avons côtoyées, et qui sont, dans leur écrasante majorité, des locuteurs natifs du parler casablancais. Nous avons veillé, dans le choix de nos informateurs, à ce qu’ils soient tous nés et aient toujours vécu à Casablanca, et à ce que
9 Préliminaires théoriques et méthodologiques. leurs parents soient également nés dans cette ville ou, au moins, y aient passé une bonne partie de leur existence.
Les modules de morphologie qui retiennent le plus notre attention sont ceux du pluriel brisé (dorénavant PB) et de la réduplication. Notre choix de ces catégories émane de cette volonté qui est nôtre, nourrie à un moment où nous avons fait le tour des travaux sur la phonologie et la morphologie de l’AM, de sortir des sentiers battus pour aborder des phénomènes nouveaux, et qui sortent un tant soit peu des questions visitées et revisitées par d’éminents chercheurs. Le lecteur remarquera que les phénomènes qui seront discutés tout au long de cette étude répondent à cet impératif.
Notre intérêt pour les phénomènes étudiés dans lesdits modules de morphologie ne saurait être attisé sans le concours de la littérature que nous avons dévorée pour réaliser cette étude, et qui a eu le mérite, tout le mérite, de permettre une toute nouvelle approche des phénomènes linguistiques sous des horizons tout à fait nouveaux. Nous avons nommé là toute la littérature qui s’inscrit dans le cadre du Modèle Standard de la « Théorie de l’Optimalité », développée dans les travaux de Prince & Smolensky (1993) et McCarthy & Prince (1993a) ; et des développements les plus récents de cette théorie, notamment la « Théorie de la Correspondance », développée dans McCarthy & Prince (1995 et seq) et toutes les applications qui en sont faites.
Le présent chapitre s’organise autour des axes suivants :