LE DU GOLFE DU , ATOUT STRATEGIQUE

Kolawolé S. ADAM

Professeur Université nationale du Benin BP 7060 - BENIN

Résumé - Le littoral du Golfe du Bénin est constitué d'une plaine côtière s'étendant du Cap des Trois Pointes (région de Takoradi, Ghana) au delta du Niger (Nigeria) et couvrant environs 475 km2 . Un complexe constitué de sédiments sableux , de lagunes et de nombreux cordons dont l'évolution est surtout marquée par l'élevation du niveau marin et les fluctuations climatiques holocènes et secondairement par les tectonique s locales . Ce littoral constitue une part importante de la façade maritime la plus fréquentée de l'Afrique noire , porte d'entrée d'une grande partie de l'Afrique occidentale . Son rivage presque rectiligne d'ouest en est l'oppose aux côtes guinéennes abruptes et rocheuses; un atout pour les activités humaines importantes (activités économiques, tourisme, et dynamisme urbain et démographique) . Depuis un siècle une évolution très rapide est manifeste et une bonne partie de ce littoral s'érode dangereusement. Ce processus est parfois contrarié, par l'homme et, Je plus souvent, accéléré . Les solutions de protection s'imposent et les possibilité s vont de la défense à celles de du respect de de la dynamique naturelle. Les études menées depuis une décennie sur ces côtes permettent de proposer des stratégies de protection plus adéquate de l'environnement côtier dans le Golfe du Bénin. Aussi faudrait-il que les les décisions soient prises au niveau approprié .

Mots-clés.- Golfe du Bénin, littoral, Accra, Lomé , Cotonou, cordons littoraux, érosion côtière, protection, beach-rock (grès de plage) , environnement.

Abstract - The Gulf of Benin coastal plain stretches from "Three Points Cape" in the Takorady region of Ghana to the Niger Delta in Nigeria, covering about 475 km2. The coastal complex includes barrier islands and lagoon s whose geomorphological evolution has been deterrnined primarily by holocene sea-level fluctuations and climatic changes and secondarily by local tectonics . The sandy coast is a tremendous asset for maritime activity and has been an entry point into the countries of West Africa. This sandy coast has proved to be arnenable to resource development, tourism and urban population growth . However, in the current century, rapid beach erosion has occured in many areas. In some places, the erosion rate is the product of natural processes and in others, it has been accelerated by human intervention, there are several alternative s available to occupying this shoreline, including allowing the natural system to prevail. Many studies have been conducted during the past 10 years to understand the natural dynamics and to evaluate the strategies for protecting the natural environment of the Gulf of Benin. The outcome of this research is proposing strategies to the decision-makers that is more protecting of the coastal environment of the Gulf of Benin .

Key-wonls.- Gulf of Benin , coast, Accra, Lomé, Cotonou, beach ridges , coastal erosion, protection, beach - rock, environment.

Si tuée entre les méridiens 1° et 4° de longitude est et les parallèles 6° et 6°30' de latitude nord , la plaine côtière du Golfe du Bénin appartient au système margino-littoral s'étendant du cap des Trois Pointes (région de Takoradi, Ghana) au delta du Niger 32

(Nigeria). Certt e étude port e sur la parti e centrale de ce golfe sur près de 175 km et couvrant environ 475 km2.

Il s'agit d'une plaine côtière basse (altitude maximum inférieure à 10 m) constituée de plusieurs cordons littoraux séparés de nombreux bas-fonds marécageux, de lagunes côtières peu profondes et de nombreux bras actuels ou anciens par lesquels se fait la circulation hydrologique . En fait un véritable atout touristique (figure 1).

GULi" OF BENfN: REGIONAL ANALYSIS

l..lfforol dri ft .,--<• Ero , lon .,,...... -- S wt tl S ê d lm e n1011on --> -==---<> Curr enr < Canyon V ~-, Bea ch - roc k ----.:> Pr evollino sub sur foc e CJr enr 0 120 km

NI G

~~-­ -1 G U L F O F B E--­ N I N

TA.C:OftAO I ~ -4 ._ ",.,...'"z ~ ~-, ---- G u L F o· 4------0 F ,./. U 1 ------. • 1

figure l - Je littoral du golfe du Bénin .

Si les hypothèses historiques relatives à l'occupation humaine de la région ne font pas l'unanimité chez les chercheurs, il est sûr, cependant , que cette région est occupée depuis près d'une dizaine de siècles par les groupes socio-culturels Peda, Xla, Genet Fon. Malgré l'imperfection des sources et l'inégale répartition de la population, on estime aujourd'hui à près de 200 hab/km2 la densité de la population rurale sur la côte du Bénin.

Malgré l'avancée évidente et rapide de la mer, le littoral du Golfe du Bénin est de plus en plus le siège d'importantes activités humaines. C'est la région la plus densément peuplée et le poumon économique des deux pays (Togo et Bénin) . Du coup cette région devient un atout stratégique qu'il faut sauvegarder. Diverses stratégies de protection côtières sont envisagées et d'importants moyens sont à prévoir. Mais à quel prix et pour combien de temps? 33

1. LES CARACTERES GEOMORPHOLOGIQUES

Loin d'être un ensemble morphologique simple, le littoral du golfe du Bénin est une zone de contact entre plusieurs cordons littoraux récents (sables roux), les cordons anciens (sables gris), les lagunes côtières ou marais séparent les deux cordons et les glacis ogoliens (sables argileux jaunes).

Plusieurs auteurs (P. ASSEMIEN, 1970 - J. LANG & PARADIS, 1977 - K. S. ADAM, 1986) ont insisté sur l'influence capitale des fluctuations du niveau marin sur l'évolution géomorphologique de ce littoral et ont permis de donner une interprétation de cette dynamique de la plaine côtière du Golfe du Bénin.

1. 1. EVOLUTION QUATERNAIRE

1. 1. 1. Au cours de la transgression inchirienne (Ouljienne), la mer a atteint un niveau supérieur à l'actuel, a remanié les dépôts du continental Terminal (Mio-Pliocène) et y a développé une côte à falaise. Lors de la régression marine qui s'ensuivit (Ogolien ou Préflandrien en Europe) dont l'amplitude a dépassé 100m, sous un climat beaucoup plus sec que l'actuel, les dépôts du Continental Terminal ont été remaniés par la mer et se sont étalés sur les aires alors émergées. Un épandage fluviatile de matériaux issus de la Terre de barre ( ) est alors mis en place lors du maximum de 1 régression ogolienne, entre 18 000 et 17 000 ans B.P. (FAURE et ELOUARD, 1967), formant un glacis sablo-argileux qui se raccorde aux plateaux du Continental terminal, tantôt ,par un talus net, tantôt par une lagune ou un "lac".

Ces dépôts sabla-argileux appelés glacis ogoliens (ante-Holocéne) sont d'origine continentale après un remaniement marin, consistant en une élimination de la fraction argileuse et en un classement des grains de la fraction grossière (A. GUILCHER, 1961). Ce matériel fraîchement étalé a été demantélé et remaniés par les grands cours d'eau en crue (Mono et Ouémé) lors du passage d'un climat sec à un climat humide (17 000 - 11 000 B.P.). ces glacis dominent sensiblement les dépressions fluvio-lagunaires et les cordons sableux. Leur surface est caractérisée par la présence de nombreuses termitières.

1.1.2. Lors de dernière grande transgression nouakchottienne (flandrienne en Europe), dont le maximum est daté de 6000 à 5000 ans B.P., la mer a envahi le continent sur près de 2,5 km en moyennen de même que l'ensemble du réseau hydrographique, créant ainsi un vaste système de rias. Le niveau de base s'étant élevé, les fleuves déposent les alluvions et bâtissent des deltas.

Les cordons sableux issus de la dérive littorale ouest-est ferment les rias et créent des des "lacs" et lagunes côtières inondables d'Aného à Cocotomey, ou des marais vaseux, inondables en période de hautes eaux. Ces sédiments fins ou légèrement hétérométriques (sable, limon et argile) peuvent atteindre de grandes épaisseurs (47m à Guézin).

Ces cordons sableux considérés comme subactuels, pour couvrir tous les phénomènes mobiles qui se sont produits depuis 5000 ans, ont été mis en place dans un contexte de fluctuations marines glacio-eustatiques nouakchottiennes.

D'une largeur moyenne de 2,5 km, ces cordons séparent les lagunes côtières de l'océan. On peut distinguer deux générations de ces cordons: 34

- des cordons anciens formés de sables blancs podzolisés se rencontrent au contact des glacis ogoliens sablo-argileux, (leur datation est de l'ordre de 5()(X)ans B.P.).

- des cordons récents formés de sables roux déposés successivement vers 2500 ans B.P., pour les premiers, et 1490 ans B.P. à l'Actuel pour les seconds.

Depuis la mise en place des derniers cordons littoraux, plusieurs phases transgressives mineures se sont succédées jusqu'à 500 ans B.P. et ont mis en place les cordons les plus méridionaux proches des actuels. La dernière régression a été rapide et a ramené le niveau de la mer au-dessous du zéro actuel. Depuis un siècle environ, la mer remonte pour rejoindre le zéro initial provoquant une évolution dangereuse du littoral.

Il s'agit donc de cordons essentiellement sableux et les analyses granulométrique et morphoscopique confirment l'origine marine de ces sables.

1.2. DYNAMIQUE ACTUELLE DU LITTORAL

On peut subdiviser ce rivage en 3 sections dont les caractères varient sensiblement.

1.2.1. De Lomé à Grand-Popo. On a une côtze assez étroite (largeur moyenne: 1 km qui s'aménuise vers l'est). Les altitudes varient entre 3 et 5 mètres. Trois types de profils sont observés par BLIVI et dépendent des paramètres hydrodynamiques:

* profil à crête droite, pente abrupte, estran court (moins de 3m), denivellation supérieure à lm, revers à surface plane . Il s'agit d'un profil résultant de houles fortes.

* profil de houles très fortes: profil à crête arrondie, de dénivellation faible à berne basale, à pente orientée vers la mer, le revers à surface inclinée vers une dépression inter­ flèche (lorsqu'il s'agit d'une flèche, le revers à pente forte et inclinée vers la lagune).

* le profil à replat, à crête droite ou arrondie caractérise le passage entre une houle forte et une houle moyenne.

1.2.2. De Grand-Popo à Godomey. Les altitudes des cordons varient également de 34 à 5 mètres, et ils sont denticulés par les cours inférieur et l'embouchure du Mono, les lagunes côtières et les marais. La largeur des cordons est très faible (inférieure à 200m). On y observe les mêmes types de profils que dans le cas précédent.

1.2.3. De Godomey à Kraké. Les cordons se subdivisent en une multitude de crêtes successives de forme parabolique, rigoureusement parallèless et d'orientation ouest-est (altitude maximum: 6m). Les caractères granulométriques (sables moyens et fins) et morphoscopiques (sables émoussés luisants) sont en faveur d'une origine marine. Ces sables fins, bien triés en général, ont été mis en place sous des conditions hydrologiques homogènes même si on remarque quelques pertubations locales.

L'analyse fine des sédiments le long du littoral du Golfe du Bénin montre des sables moyens à grossiers (diamètres médians compris entre 0,4 et 1mm) à l'estran, jusqu'à -4m. à partir de -4m jusqu'à -16m, le$ sédiments d'ouest en est du golfe, on note une variation positive brutale à l'est de l'embourchure du Mono. Ces sédiments dont les diamètres 35

médians passent de 3 à 6 mm sur les fonds de -l 2m sont parfois constitués de sables grossiers mêlés à des graviers.

La cartographie géomorphologique de ce littoral, tout en démontrant la complexité de l'évolution de cette bande côtière, a permis d'observer une formation dure, le beach­ rock, témoin d'une ancienne plage consolidée par un ciment carbonaté à l'ouest et ferruginisé à l'est. Cette formation se présente en dalles superposées, d'épaisseur variant de 25 à 50 mètres. Sa position dans le profil du littoral et sa résistance donnent au beach-rock un rôle de protecteur naturel contre l'érosion qui constitue un fléau sur ces côtes. Sa présence est à prendre en considération aujourd'hui dans toute étude d'aménagamant du littoral du Golfe du Bénin.

Les différentes études menées à travers le monde et particulièrement sur les côtes ouest africaines ont révélé que l'érosion actuelle n'a pas commencé à se manifester partout au même moment. Alors qu'elle est apparue, à certains endroits, depuis quelques siècles, d'autres n'ont subi ses effets que depuis quelques décennies. L'évolution de la côte est schématisée dans le tableau n° 2.

TABLEAU N° 2 : Evolution de la côte de 1954 à 1990

Secteurs de l 'W À 1 'E 54-64 64-69 69 - 75 75-81 81-84 84-90 (en Km) TOGO 0-9 Lom~ Tropicana = - - - - = 11-20 Tropicana-Bobol~ = - - - - - 20-34 Bobol~-Agbodrafo = = - - - - 35-39 Agbodrafo-Gunkop~ - = - - - = 44-49 Anèho-Sanvicodji = + + - + = BENIN 50-73 Hillacodji-Grand-Popo = = + - - + = 73-91 Grand-Popo-Dondji ======91-99 DondJI- = = = + + + 100-140 Ouidah-Cotonou Port = = + = + + + 141-144 Port-Hotel PLM = + + - = = 145-15 1 Hotel PLM -SOBEPRIM = = - - - - 15 1 -1 76 SOBEPRIM-Klak~ ======

Légende : + Avancée de la côte (engraissement) - Recul de la côte (érosion) = Stabilité

1.3. LES EMBOUCHURES ET ESTUAIRES

La région d'étude présente 3 systèmes hydrologiques qui se présentent de l'ouest à l'est comme suit:

* Le système du Lac Togo. Le Lac Togo collecte les eaux des rivières Zio et Haho avant de se jeter dans l'océan par l'embouchure lagunaire d'Aného. Cette embouchure a une évolution curieuse: longtemps fermée par une flèche large de 3m à peine, elle rejette les eaux des ruisseaux collectées vers le Mono par l'affluent de ce dernier, Gbaga. En période des crues.rensemble du secteur est inondé et depuis 1987, avec la construction des épis de 36

protection à Aného, une ouverture est réalisée à Aného, servant d'embouchure permanente pour ce système du Lac Togo .

* L'estuaire du Mono est un complexe hydrologique caractérisé par les cours du Mono et du Koufo, et des flux de marée. Le comportement dynamique de ce secteur est lié aux variations conjuguées des marées et du débit du fleuve. Lors des crues ,le débit est suffisant pour repousser la zone de décantation au-delà des lignes de rivage. Inversement. en période d'étiage, la zone de contact remontant jusqu'à Agomé-Seva (environ 40 km), cette partie de la vallée (6m IGN) et le lac Ahémé sont entièrement sous l'influence de la marée .

* Le delta de l'Ouémé est l'élément hydrologique le plus important de cette région, caractérisée par le régime du système Ouémé-Sô commandé par le régime pluvial tropical du bassin supérieur du fleuve Ouémé et les courants de marée.

Toutes ces embouchures ont connu de grandes modifications depuis la transgression nouakchottienne qui a mis en place les différents cordons. La construction de ces flèches successives a d'abord dévié toutes les embouchures vers l'est. C'est le cas de la vallée du Zio qui se jetait à la mer au niveau de Kpémè et qui aujourd'hui utilise la passe artificielle, embouchure permanente d'Aného. Quant au fleuve Mono qui déversait ses eaux dans l'océan à Grand-Popo, il se contente de l'ouverture d'Avlo devenue embouchure permanente depuis quelques décennies seulement. Le fleuve Ouémé qui se jette dans la mer à Lagos avant l'ouverture, en 1886 du chenal de Cotonou, ne peut s'expliquer que par cette migration progressive vers l'est depuis 5000 ans B.P. Ces ouvertures sont souvent bouchées pâr la construction des différentes flèches, ce qui provoque du coup de graves inondations, souvent catastrophiques pendant la saison de pluies : c'est le cas à Cotonou en 1885 qui entraîna l'ouverture du chenal en 1886. Même après cette ouverture des inondations exceptionnelles sont observées en 1907, 1929, 1935, 1942, 1968, 1987, 1989 et 1991.

Ces inondations spectaculaires ont permis de préciser les zones marécageuses qui font plus de 65% de l'espace côtier du Golfe du Bénin, plus étendues dans les estuaires du Mono et de l'Ouémé où il ne résiste que quelques îlots de cordon dont les berges sont couvertes de mangroves. Sur l'ensemble de la plaine côtière, toutes les dépressions inter­ cordons sont constituées de ces marécages donnant des paysages de prairies littorales.

Cette analyse géomorphologique permet de connaître et de comprendre la qualité de cette belle plage (aux sables fins assez homogènes) qui ourle sur l'Océan Atlantique à flots bleus et écume blanche. D'un accès aisé en voiture de la route internationale côtière Accra - Lomé - Cotonou - Lagos . L e touriste peut prendre le temps de contempler les mangroves et les marais salants au détour d'un buisson verdoyant de palmiers à huile. En fait un vrai tourisme scientifique.

Mais malgré toutes ces menaces, ce littoral attire autant de monde, ce qui en fait un potentiel de curiosités.

2. OCCUPATION ACTUELLE DU LITTORAL: ATOUT STRATEGIQUE

Depuis le XVIe siècle, à l'instar de toute la côte ouest-africaine, le littoral du Golfe du Bénin est le siège de multiples migrations humaines et le pôle d'intenses activités agricoles et commerciales dont nous ne P,Ouvons rappeler que quelques grands traits. 37

2.1. DEMOGRAPHIE

Le monde est caractérisé par l'inégale répartition de la population et notre région d'étude n'échappe pas à cette règle. Malgré l'imperfection des données statistiques, il est connu que la zone côtière est plus densément peuplée que le reste du pays dans cette région du continent. La densité de la population rurale de la plaine côtière du Golfe du Bénin est supérieure à 200 hab/k:m2 ; sans oublier que cette région compte les plus grosses agglomérations des deux pays. Au total la population de la zone côtière des deux pays peut être estimée à près de 2 500 000 habitants, soit environ 28% de la population pour 0,5% de la superficie totale des deux pays.

Le dynamisme urbain et démographique est marqué par la prééminence des fonctions industrielles et tertiaire de Cotonou et de Lomé. La population des principales villes (Lomé, Aného, Grand-Popo, Ouidah, Cotonou et Sèmè) est estimée à près de 1 500 000 habitants. Le dynamisme urbain de Cotonou est plus préoccupant. Ville en pleine explosion démographique ( environ 750 000 habitants) où la seule zone viable pour l'urbanisation est constituée par les cordons littoraux développés à l'est de la ville et où l'érosion des côtes est en progression très sensible.

2.2. ACTIVITES ECONOMIQUES

Cette région est le poumon économique des deux pays, car abritant les principales villes, les infrastructures portuaires et aéroportuaires, et surtout, un nombre important d'industries .

2.2.1.QUELQUES ACTIVITES URBAINES

Le rôle des activités portuaires dans le développement économique actuel de ces pays est indiscutable malgré la rareté des données comparables pour justifier cette importance. Les ports de Lomé et de Cotonou assurent une partie importante du trafic import-export des pays enclavés de l'Afrique de l'Ouest (Mali, Burkina-Faso, et Niger). la croissance régulière des activités portuaires estimée à plus de 500% de 1968 à 1978 a même connu une brusque augmentation entre 1977 et 1980 du fait du démarrage de certaines activités: raffinerie de Lomé et le rôle joué par le transit import vers le Nigeria durant la période de "boum pétrolier" où le port de Lagos était engorgé.

2.2.2. LE TOURISME

Le tourisme, dont le caractère littoral est très important par ses plages et ses infrastructures existentes (hôtels) et en voie de réalisation (villages touristiques à Djègbadji et A vlo ), est en pleine expansion. Les atouts touristiques sont à préserver pour stimuler une promotion touristique cohérente et coordonnée. Aujourd'hui, le littoral offre près d'une cinquante d'établissements touristiques concentrés surtout dans les villes de Lomé (25 établissements et près de 1500 chambres), de Cotonou (21 établissements et près de 1 200 chambres), d'Aného, de Grand-Popo, de Ouidah et de Sèmè . On comprend que toutes ces infrastructures favorisent une forte spéculation foncière sur tout le littoral (coût moyen du terrain supérieur à 2 000 000 FCF A) et surtout autour de la capitale économique du Bénin, Cotonou où l'hectare de terrain est supérieur à 10 millions de francs CFA aujourd'hui.

2.2.3. L'ACTIVITE AGRICOLE 38

Elle est conditionnée, dans cette région du littoral, par des conditions climatiques et pédologiques particulièrement médiocres, liées à la présence de la mer. Les cordons sont surtout occupés de façon continue par un paysage bien ordonné de cocoteraies. Ces plantations matérialisent l'appartenance foncière et fournit des revenus substantiels aux propriétaires qui sont, pour la plupart, absents des lieux ou s'occupent de la pêche en mer ou dans les lagunes. Aux abords des lagunes côtières, on pratique de maigres cultures vivrières (maïs, manioc, niébé) auxquelles sont associées des cultures légumières de plein champ.

2.2.4. LA PECHE

Tout comme les Lebou au Sénégal, les Akan en Côte d'Ivoire et au Ghana, les Peda et les Pla, en provenance du Ghana, ont essaimé la bande côtière du Golfe du Bénin et y ont pratiqué une pêche florissante qui a alimenté les échanges intenses avec les populations de l'intérieur. Plus que la mer rendue périlleuse par la barre, ce sont surtout les lagunes qui ont attiré ces maîtres incontestés de la côte que sont les Peda, même si le lac Nokoué et la lagune de Porto-Novo sont majoritairement exploités par les Tofinu.

En général, la pêche se résume en activité traditionnelle (petite pêche à la journée) et fournit les espèces d'eau douce (tilapia) et des crustacés. Depuis 1960 avec la construction des ports de Lomé et de Cotonou, la pêche s'est développpée par l'arrivée massive des Ghanéens (Fanti et Keta) qui introduisent des embarcations motorisées dans cette exploitation qui devient semi-industrielle. La situation de la pêche dans la région est moyenne (au point alimentaire et financier), 66e rang mondial, proche de la Côte d'Ivoire et loin derrière le Nigeria (28e rang), le Sénégal (33e), et le Ghana (34e).

Aujourd'hui la pêche au large est la plus importante que pratiquent les pêcheurs fixés sur le littoral. Elle fournit une masse considérable de poissons (de l'ordre de 50 millons de tonnes/an pour les deux pays) à une population importante des capitales et des villes côtières.

2.3. LES IMPACTS DES GRANDS AMENAGEMENTS SUR LA COTE

Les exigences de l'économie nationale ont nécessité la construction de deux ports en eau profonde à Lomé et à Cotonou. Les jetées de protection de ces ports sont de grande dimension et ont accéléré le processus d'érosion déjà engendré par des facteurs naturels (élevation du niveau marin, fréquence des tempêtes, la force des houles) et d'autres facteurs anthropiques (construction des barrages et des ports, destruction des rides de plage, l'extraction de sable ... etc), largement décrits à d'autres occasions (K. S. ADAM, 1986).

Plus récemment la construction de plusieurs épis pour la protection de certaines zones stratégiques (usine de Kpémè, ville d'Aného, Hôtel P.L.M.-Alédjo, Hôtel da Silva) et l'aménagement hydroélectrique sur le fleuve Mono (barrage de Nangbéto) n'ont cessé d'accroître le déséquilibre sédimentaire et écologique de la zone côtière.

La consommation de l'espace plus généralisé tout le long du Golfe du Bénin par les hôtels et équipements divers destinés à satisfaire les besoins d'une clientèle touristique est aujourd'hui la préoccupation fondamentale des promoteurs. Ainsi on note à plusieurs endroits du littoral la substitution des zones de forêts ou de mangroves au béton. Face à une gestion aussi désordonnée et pour éviter des choix irréversibles, il est souhaitable de définir des solutions adéquates.· 39

3. STATEGIES DE PROTECTION DES COTES

Afin d'assurer une politique globale d'aménagement du littoral du Golfe du Bénin, aucun élément ne peut être banalisé ou écarté de l'organisation de cet espace. La bonne gestion du littoral du Golfe du Bénin recommande de protéger les sites stratégiques et, pour le reste, de s'adapter au moindre coût. Dans certains cas, par respect de la nature, il faut effectuer un recul stratégique.

3.1. LES MESURES DE PROTECTION

Les ouvrages de protection utilisées jusque là se résument aux épis en enrochement.

3.1.1. Protection de la côte togolaise.

Sur une grande partie de la côte togolaise les épis sont aménagés pour la protection des sites stratégiques.

* le port en eau profonde de Lomé, en raison de son rôle économique, est protégé dès sa construction par un épi de 1 400 m Uetée ouest). Cette infrastructure portuaire bloque la totalité du transit ouest depuis sa construction et provoque l'érosion du côté est. Cette érosion progressive à l'est du port est devenue très sensible en 1975, et particulièrement menaçante en 1984 pour le wharf de Kpémè.

* le port phosphatier englobant la zone de l'usine de concentration de phosphate de Kpémè est le second site stratégique de la côte togolaise pour son importance économique Uusqu'à 40% des recettes d'exportation). L'exposition de ce site et les menaces d'érosion ont amené les autorités de ce pays à opter pour une protection par un système à base d'épis aussi courts que possible. Ces dix épis courts, sans provoquer d'importantes accumulations sableuses, ont pour effet de stabiliser le trait de côte.

* la ville d'Aného est une ville historique qui renferme un certain nombre de vestiges culturels . Elle est traversée par la route internationale Accra - Lomé - Cotonou et le pont sur le lac Togo. Le coût de protection de la côte est franchement minime par rapport à celui de la reconstruction de ces infrastructuures qui seraient perdues si rien n'est fait pour la défense du littoral. C'est alors qu'un schéma d'aménagement est réalisé sur ce site, comprenant un brise-lames dans la partie centrale de la ville exposée à des fortes concentrations de houle, et six épis de part et d'autre.

3.1.2 . Le cas de la côte béninoise

Sur la côte béninoise, en dehors de quelques pertubations à l'embouchure du fleuve Mono, la situation est moins critique jusqu'à Cotonou. La partie ouest du port de Cotonou est actuellement en équilibre, et les sédiments déposés par la dérive littorale sont récupérés pour une grande part pour les besoins de construction .

La situation est particulièrement complexe entre le village d'Hilla-Condji (frontière) et la ville de Grand-Popo, où le territoire béninois est réduit à une bande de terre de l'ordre du kilomètre de large sur une quinzaine de kilomètres de long. Cette bande de terre est stratégique pour le gouvernement béninois et sa protection est incontournable dès que les signes d'érosion se manifesterai .ent. Le suivi régulier est de mise sur cette partie du littoral. 40

L'évolution dangereuse du littoral dans le secteur de Cotonou est essentiellement due à des actions anthropiques qui vont de la construction du port à l'ouverture des carrières de sables et à l'occupation anarchique de la côte par les promoteurs immobiliers.

Les épis en enrochement sont aménagés pour la protection du port et du chenal de Cotonou. De ce fait la situation est devenue très préoccupante à l'est du dernier épi à Siafato, surtout pour les autorités et les propriétaires des habitations de cette partie de la cité. En effet c'est la seule partie viable pour un urbanisation digne, et beaucoup de promoteurs, non conscients du danger que constitue l'érosion côtière, y ont aménagé des habitations d'un luxe parfois insolent relativement à la misère ambiante. Des mesures de protection sont en étude. Il s'agit des épis en enrochement ou en gabbions pour protéger une dizaine de kilomètres.

3.2. GESTION DU LITTORAL : REPLI STRATEGIQUE

Partout ailleurs c'est le repli stratégique que les populations riveraines adoptent Une politique de gestion de la côte est perçue par tout le monde dans le sens du respect autant que possible de l'environnement côtier. Bonne approche quand on sait que l'élevation du niveau marin est une réalité dont il faut tenir compte.

Entre Tropicana et Kpémè sur la côte togolaise, le beach-rock sert de protection naturelle, mais jusqu'à quand? En attendant, partout où le beach-rock est inefficace, le repli stratégique est de mise, laissant la mer avancer calmement. Une carte des risques est en cours d'élaboration afin de prévoir les lignes de repli successives en fonction des infrastructures économiques susceptibles d'être installées.

Partout sur la côte béninoise où des infrastructures très rigides ne sont pas implantées, une gestion souple de repli s'impose telle qu'elle est proposée par le Comité national de la Gestion du Littoral. Encore faudrait-il que les recommandations soient respectées aussi bien par les populations riveraines que par les autorités politico­ administratives !

CONCLUSION

La fragilité des côtes du littoral du Golfe du Bénin est préoccupante à plus d'un titre. Un demi-siècle de gestion "aveugle" du littoral face à une pression démographique de plus en plus forte et des activités humaines, parfois incontrôlées, rendent obligatoire la gestion appropriée de ces milieux, avant d'atteindre des situations irréversibles . Pour essayer de conserver ce littoral, il est nécessaire de mieux le connaître. L'étude du beach-rock permet de cerner ses capacités et ses limites dans le cadre de la protection du rivage, soit directement en servant de brise-lames, soit indirectement en servant de point d'appui aux ouvrages à mettre en place. Mais aujourd'hui l'élevation du niveau de la mer est un paramètre incontournable et il faut en tenir compte dans toute approche de la gestion du littoral.

Toutes les sources d'information sont utiles. Au moment où un outil géographique novateur, la télédétection spatiale, vient compléter ceux existant et permet une cartographie plus améliorée, les Géographes des pays sous-développés, surtout Africains, doivent maîtriser ces outils, malgré le coût financier exorbitant et la "crise économique persistante" 41

A ce niveau, notre point de vue est clair, il faut une nouvelle approche du problème, basée sur de recherches systématiques pluridisciplinaires tenant compte aussi bien des processus naturels de ce milieu que de l'impact des hommes qui y vivent et de leurs moyens. Les Géologues et les Géomorphologues doivent jouer un rôle primordial dans ces équipes de recherches afin de gérer cet espace côtier menacé. Les résultats de ces recherches doivent être pris en compte par les décideurs par de vastes campagnes d'information et de sensibilisation des populations riveraines. C'est une tâche permanente.

BIBLIOGRAPHIE

ADAM K. S.(1986). Man's impact on the geomorphological evolution of the Gulf of Benin coastal plain (West Africa). Thalassas, Revista de Ciencias del Mar, vol 4, n° 1 ISSN N° 0212-5919, pp. 79-84. ADEGBOYE O. J. (1982). Late Quaternary sea-level change on coastal plain; of south western Nigeria, XI INQUA Congress MOCZBA, Abstract vol. III. ASSEMIEN P. et al. (1970). Le Quaternaire de la zone littorale de Côte d'Ivoire . Bull. Ass. Sénég. du Quatouest Afr. Dakar. ELOUARD P.et FAURE H. (1967).Quatemaire de l'Inchiri, des Taffoli et des environs de Nouakchott. Congrès Panafricain . ELOUARD P. et al. (1976). Variation du niveau de la mer au cours des 15 000 dernières années autour de la presqu'île du Cap Vert. PIGC n° 61, Dakar, Décembre. GUILCHER A. (1959). La région côtière du Bas-Dahomey occidental Bull . /FAN, t. XXI, n°3 et 4, pp. 367- 424 . HAYES M. O. (1984). Beacherosion. Research Planning Institute Colombia SC 29201 USA. HUBBERT H. (1908). Etude scientifique du Dahomey. Larose, Paris, 500p. HOUESSOU A. (1974). Etude des formations détritiques de l'ouest du bassin sédimentaire côtier du Dahomey. Thèse de 3e cycle, Univ. Techn. Lille, n° 464. LANG J. et PARADIS G. (1977). Un exemple d'environnement sédimentaire bio-détritique non carbonaté, marin et continental, holocène en climat intertropical (ex. Dahomey). Rev. Géogr. Phys. Geai. Dyn. vol. XIII, pp. 269-277. LABORATOIRE CENTRAL D'HYDRAULIQUE DE FRANCE (1988) . Influence du beach-rock sur la stabilisation d'un profil de plage. Essais en laboratoire, L.C.H.F., Paris. MONDJANAGNI A. C. (1976). Contribution à l'étude des paysages végétaux du Bas-Dahomey. Annales de l'Université d'Abidjan. Série G Tome 1 Fasc. 2. PLIY A J. (1980); La pêche dans le sud-ouest du Bénin. ACIT, PARIS. P.N.U.E. (1985). Erosion côtière en Afrique de l'Ouest et du Centre, avec la collaboration des Nations Unies et de l'UNESCO . Paris. RENARD J. (1984). Le tourisme : agent conflictuel de l'utilisation de l'utilisation de l'espace littoral en France . Norois n° 121. Poitiers, pp. 45-61. SALL M. (1984). Dynamique et morphogenèse actuelles au Sénégal occidental. Thèse Doel d'Etat U.L.P. Strasbourg SOGREAH (1990) . Etude sur modèle mathématique de l'évolution du littoral béninois entre la frontière togolaise et l'est de l'embouchure du fleuve Mono . T ASTET J.P. (1981); Morphologie des littoraux sédimentaires liée aux variations du niveau de la mer: exemple du Golfe de Guinée.

(1) La terre de barre est une formation homogène de sable fin et d'argile de couleur rouge et d'âge quaternaire (Houessou A., 1974).